Rapport de groupe interparlementaire d'amitié n° 143 - 13 mars 2017
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OUVERTURE
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TABLE RONDE 1 - LE MARCHÉ MAROCAIN :
COMMENT L'APPROCHER, QUELLES OPPORTUNITÉS D'AFFAIRES, QUELLE VISION AFRICAINE ?
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TABLE RONDE 2 - MIEUX SE NOURRIR :
QUELLES OPPORTUNITÉS DANS LE SECTEUR AGRICOLE ET AGROALIMENTAIRE ?
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TABLE RONDE 3 - MIEUX VIVRE EN VILLE :
QUELLES OPPORTUNITÉS DANS LE SECTEUR DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DES INFRASTRUCTURES ?
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CONCLUSION
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ANNEXE
Groupe interparlementaire d'amitié
France-Maroc (1 ( * ))
Le Maroc, marché porteur et hub eurafricain |
Actes du colloque Sénat du 3 février 2017
Sous le haut patronage de
M. Gérard LARCHER,
Président du Sénat
Palais du Luxembourg
Salle Clemenceau
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Au centre, M. Christian Cambon, sénateur du
Val-de-Marne,
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Mme Catherine Morin-Desailly, Présidente de la
commission de la culture,
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De gauche à droite : M. Frédéric
Rossi, Directeur général délégué export,
Business France, SE. M. Chakib Benmoussa, Ambassadeur du Maroc en France,
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Salle Clemenceau
OUVERTURE
Message de M. Gérard LARCHER,
Président du Sénat
lu par M. Christian CAMBON,
Sénateur du
Val-de-Marne,
Président du groupe interparlementaire d'amitié
France-Maroc
Monsieur l'Ambassadeur du Maroc en France,
Monsieur le Directeur général délégué export,
Monsieur le Président de la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc,
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais vous souhaiter la bienvenue au titre du groupe d'amitié France-Maroc du Sénat et vous dire combien nous sommes heureux de vous accueillir au Palais du Luxembourg pour cette rencontre. Celle-ci montre une fois de plus l'importance de développer la relation entre la France et le Maroc.
Avant de vous lire le message du Président du Sénat, je voudrais vous rappeler que le groupe d'amitié France-Maroc est le deuxième plus important du Sénat et que ce groupe, particulièrement dynamique, facilite les rencontres parlementaires et soutient les échanges économiques et culturels. Bien évidemment, nous soutenons le développement de la relation privilégiée entre la France et le Maroc, à un moment où la sécurité dans cette région du monde paraît particulièrement menacée. J'y reviendrai dans un instant.
Je vais donc vous donner lecture du message du Président Larcher, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence :
« Le Sénat se félicite d'accueillir ce matin, en partenariat avec Business France, un grand colloque économique consacré au Maroc.
Cet événement me donne l'occasion de rappeler l'ancienneté et l'excellence des relations entre nos deux pays, et en particulier entre nos parlements qui ont en commun le bicamérisme.
Un accord de coopération interparlementaire entre la France et le Maroc existe depuis 1999, mais il a été profondément remanié le 16 avril 2015, à l'occasion du second Forum de coopération entre nos deux Assemblées, pour donner une nouvelle impulsion à nos relations
Lors du Forum de 2015, deux thèmes avaient dominé nos débats : les enjeux croisés de sécurité et de coopération, d'une part ; les enjeux environnementaux (tels que le dérèglement climatique, les énergies renouvelables, ou encore la lutte contre la désertification), d'autre part.
Ces sujets restent d'actualité ! Le Maroc, exemple de stabilité politique dans une région marquée par diverses menaces, s'est doté en 2011 d'une nouvelle Constitution visant à renforcer le pluralisme politique, les droits de l'homme et les libertés individuelles. C'est un acteur majeur pour l'équilibre dans cette partie du monde.
En matière d'environnement, en adoptant un cadre législatif précurseur et en investissant résolument dans les nouvelles énergies, notamment l'éolien et le solaire, le Maroc fait figure de référence en Afrique, et au-delà. La monde entier a salué la parfaite organisation à Marrakech, en novembre 2016, de la COP 22, la 22 e Conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.
Il convient de souligner aussi l'ampleur des investissements, notamment en matière d'infrastructures, qu'il s'agisse du grand port de Tanger, de la plateforme aéronautique de Casablanca ou encore de l'immense centrale solaire de Ouarzazate. Le Sénat a eu à maintes reprises l'occasion de souligner et de faire connaître ces évolutions qui ont fait du Maroc, à bien des égards, un modèle en matière de développement.
Je tiens à saluer ici le rôle éminent joué par le groupe interparlementaire d'amitié France-Maroc, l'un des plus anciens et des plus nombreux du Sénat, présidé par notre collègue Christian Cambon.
Ce groupe 2 ( * ) est aussi l'un des plus actifs comme en témoignent les nombreuses visites croisées et les manifestations tenues au Palais du Luxembourg. En 2016, il a ainsi parrainé trois conférences traitant de sujets ambitieux tels que : « La femme en islam, l'exemple marocain» ; « les enjeux climatiques » ou encore « la coopération décentralisée ». Et dans quelques jours, la commission de la culture du Sénat proposera ici même, avec l'ambassade du Maroc en France, une conférence sur « l'éducation et la culture au coeur du développement de la relation France-Maroc ».
Nous nous réjouissons que le thème du présent colloque permette d'explorer les potentialités économiques de ce pays idéalement situé au carrefour à la fois de l'Europe et de l'Afrique, de la Méditerranée et de l'Atlantique. Je tiens à remercier de cette heureuse initiative M. Frédéric Rossi, Directeur général, délégué export de Business France, S.E. M. Chakib Benmoussa, Ambassadeur du Maroc en France et M. Philippe-Edern Klein, Président de la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc.
À juste titre, les organisateurs ont prévu d'insister sur la dimension européenne. Le Maroc dispose depuis 2008 du « statut de pays avancé » et entretient le partenariat le plus approfondi existant entre l'Union européenne et un État tiers. La treizième session du conseil d'association UE - Maroc s'est tenue à Bruxelles, le 14 décembre 2015. Lors de cette session, l'Union européenne a confirmé son engagement envers le partenariat avec le Maroc, qui joue un rôle clé au sein du voisinage Sud. Par ailleurs, les autorités marocaines ont exprimé le souhait que le Maroc réintègre l'Union africaine. Grâce aux relations étroites tissées entre le Maroc et l'Union européenne, et particulièrement avec la France, cette décision ne peut que resserrer le partenariat économique et politique entre les deux rives de la Méditerranée, et au-delà entre l'Europe et l'Afrique.
Votre présence nombreuse, ce matin, témoigne de l'intérêt tout particulier que nos entreprises accordent à ces perspectives très prometteuses et qu'avec mes collègues nous souhaitons accompagner. À tous, je souhaite donc de très fructueux travaux ! »
M. Christian CAMBON - Je pense que ce message est suffisamment explicite pour ne pas avoir à le compléter. Je voudrais simplement insister sur l'événement majeur que représente le retour du Maroc au sein de l'Union africaine et que d'autres actualités ont quelque peu occulté. Le groupe d'amitié a eu l'occasion de faire savoir publiquement combien il demeure attentif à cette démarche.
Je salue également le rôle personnel de Sa Majesté le Roi, dont l'engagement personnel, la multiplicité des missions qu'il a conduites dans les différents pays africains, a véritablement changé la donne. Je crois que dans ces temps de grande difficulté et d'incertitude sur le plan de la sécurité, le travail du Maroc et l'exemple qu'il donne en termes de développement et de sécurité, est absolument extraordinaire. Un tel exemple ne peut qu'être salué et encouragé. La mission que nous nous fixons, et que je tente d'assumer en tant que président du groupe d'amitié France-Maroc, est historique, amicale et très importante pour notre sécurité et notre développement économique mutuel.
M. Arnaud FLEURY - Je vous remercie Monsieur le Président. Il sera en effet fortement question du développement économique tout au long de cette matinée, ainsi que cet après-midi lors des entretiens individuels que les entreprises pourront avoir avec les experts sur le Maroc.
S.E. M. Chakib BENMOUSSA,
Ambassadeur du Maroc en
France
Tout d'abord, j'adresse tous mes remerciements au Président du Sénat, qui nous accueille dans cette magnifique enceinte, ainsi qu'à M. Christian Cambon, Président du groupe d'amitié France-Maroc, pour sa mobilisation depuis de nombreuses années en faveur du renforcement des liens entre la France et le Maroc. Je voudrais aussi remercier tout particulièrement Business France et la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc pour l'organisation de ce colloque, et pour l'intérêt qu'ils portent à nos deux pays. Il s'agit d'une occasion particulière pour échanger, aussi bien sur les opportunités d'affaires au Maroc qu'en Afrique.
Si vous me le permettez, compte tenu de l'actualité de cette semaine marquée par le retour du Maroc au sein de l'Union africaine, je m'arrêterai plus particulièrement sur cet événement, sa signification et ses implications économiques, ainsi que sur les opportunités ainsi ouvertes à la collaboration entre la France et le Maroc.
Depuis le début des années 2000, l'action économique du Maroc en Afrique est devenue une réalité qui s'appuie, en premier lieu, sur une vision royale s'inscrivant dans la durée. Cette vision, qui s'est exprimée dans plusieurs discours de Sa Majesté le Roi, est optimiste pour l'Afrique. Elle croit en une Afrique qui possède un fort potentiel et toutes les ressources nécessaires pour réussir son décollage économique, en répondant aux besoins de sa population. Cette même vision croit dans la capacité à construire ensemble une Afrique dynamique et développée, en mesure de relever tous ses défis de stabilité, de sécurité et de lutte contre la pauvreté, le tout dans une dimension d'intégration régionale, de croissance et de co-émergence.
Cette vision a été déclinée sur le terrain et est suivie de manière particulière. Le Président du groupe d'amitié, M. Christian Cambon, citait tout à l'heure les multiples tournées de Sa Majesté le Roi en Afrique. Nous en sommes à la quarante-sixième visite royale dans plus de vingt-cinq pays africains, et à près d'un millier d'accords de coopération signés. Tout ceci crée un cadre adéquat pour encourager l'investissement dans ces pays et promouvoir la coopération Sud-Sud. Pour cela, le Maroc s'appuie sur des atouts tels que la diversité de son économie, l'expertise acquise dans un certain nombre de secteurs, son infrastructure de connexion à l'Afrique ou encore son système financier.
La troisième mesure qui porte cette action du Maroc depuis 2000 est une implication très forte du secteur public et du secteur privé, avec des résultats effectifs. Aujourd'hui, le Maroc est le deuxième investisseur africain en Afrique, le premier en Afrique de l'Ouest. Des investissements importants ont été réalisés dans le domaine de la finance, des télécommunications, de l'énergie, des infrastructures, des mines, de la cimenterie, de l'aménagement urbain, du logement social, de l'agriculture et de l'élevage, ou encore du transport aérien. Le Maroc dispose d'un réseau financier, assurantiel et bancaire implanté dans plus de vingt-cinq pays. Au cours des dernières années, il a développé Casafinance City, une plateforme financière qui se situe aujourd'hui parmi les premières places africaines.
Le retour du Maroc dans l'Union africaine annonce, à mon sens, une nouvelle étape dans cette dynamique. Tout d'abord, l'approche est dorénavant plus continentale. Les relations du Maroc avec l'Afrique subsaharienne étaient longtemps cantonnées à l'Afrique de l'Ouest et l'Afrique centrale. Aujourd'hui, un intérêt particulier est porté à l'Afrique de l'Est et à d'autres régions du continent.
Par ailleurs, le Maroc considère qu'il est en mesure d'apporter une inflexion au modèle de développement de plusieurs pays du continent. En effet, nombre d'entre eux ont, à l'heure actuelle, le souci d'un développement plus résilient par rapport aux chocs climatiques ou non-climatiques susceptibles de se produire. Ce développement met l'accent sur l'homme et sur la lutte contre la pauvreté, ainsi que sur la gestion des ressources naturelles valorisées sur place. L'objectif est d'exploiter ces ressources de manière responsable par rapport aux équilibres environnementaux et sociaux. Cette inflexion se retrouve à travers l'organisation par le Maroc, en marge de la COP 22, du Sommet africain de l'action, où les discussions ont porté sur la problématique de l'adaptation et la mobilisation des financements. Un certain nombre d'initiatives ont été lancées à l'occasion du Sommet, telle que l'initiative « Triple A » pour l'adaptation de l'agriculture en Afrique. Cette initiative vise à rendre l'agriculture africaine plus résiliente au changement climatique de manière à participer de manière plus forte à la sécurité alimentaire du continent. Une attention particulière a en outre été portée aux petits agriculteurs, en travaillant sur des projets concrets.
Un autre élément important doit être souligné dans le contexte du retour du Maroc dans l'UA : c'est le lancement de plusieurs grands projets structurants, en plus de la traditionnelle coopération bilatérale existant auparavant. J'évoquerai le projet de gazoduc africain atlantique permettant de relier les ressources gazières du Nigéria à celles de plusieurs pays d'Afrique de l'Ouest, au Maroc et au-delà, à l'Europe. Je rappelle à cet égard que le Maroc est connecté à l'Europe par un gazoduc.
Une commission travaille actuellement à l'étude de faisabilité du projet de gazoduc africain, mais aussi à un certain nombre d'autres projets importants lancés au Nigéria et en Éthiopie, avec une portée régionale et continentale.
La politique africaine du Maroc ne peut être crédible que si elle s'appuie sur une stratégie de développement économique du pays, visant à faire du Maroc une base arrière et un hub (plate-forme) pour les investisseurs qui s'intéressent à l'Afrique.
Je voudrais conclure mon intervention par trois points :
En premier lieu, le développement du Maroc s'appuie sur les atouts de différentes régions. À titre d'exemple, je citerai le développement qu'a connu la région de Tanger-Taitouan, dont les infrastructures sont situées à quatorze kilomètres au Sud de l'Europe et donnent sur la Méditerranée et l'Atlantique. De grands projets tels que le projet Tanger-Med ont permis de relier la région à plus de soixante-sept pays à travers le monde. De la même manière, je voudrais signaler l'intérêt aujourd'hui porté au développement des provinces du Sud. Le Maroc a la conviction que cette région saharienne peut devenir demain un espace de transition entre le Nord du Maroc, l'Europe et une partie de l'Afrique subsaharienne. À ce titre, je rappellerai le programme extrêmement ambitieux lancé par Sa Majesté le Roi, il y a environ un an, représentant plus de sept milliards d'euros d'investissements dans les quelques années à venir. L'objectif est de renforcer les infrastructures et de valoriser les ressources sur place pour les populations locales.
Mon deuxième point concerne l'intérêt porté au développement de l'économie verte. Le Maroc se trouve dans une région aride, dans laquelle les questions d'adaptation de l'économie aux changements présents et futurs sont importantes. De plus, le Maroc estime que l'économie verte peut constituer une filière d'avenir, créatrice d'emplois et de valeur. Je rappelle les engagements très ambitieux pris par le pays dans le cadre de l'Accord de Paris sur le climat afin de participer à la réduction des émissions de gaz à effets de serre.
Enfin, le partenariat économique entre la France et le Maroc peut se renouveler autour d'un certain nombre d'axes qui me paraissent très intéressants. Le Maroc a initié de nombreux grands projets dans le cadre de partenariats public-privé, susceptibles de créer une mobilisation plus forte d'acteurs et d'investisseurs potentiels. Le Maroc s'est en effet doté d'un cadre réglementaire et institutionnel pour accompagner cette dynamique. De plus, le Maroc a cherché à développer des écosystèmes industriels d'entreprises dans des secteurs stratégiques. Ainsi en accompagnement d'entreprises locomotives, des PME et PMI, fournisseurs et sous-traitants, se retrouvent dans un environnement favorable au développement de leurs affaires.
De même, le Maroc se trouve dans une démarche de coopération triangulaire avec des entreprises françaises intéressées par le hub vers l'Afrique.
Ensemble, le Maroc et la France peuvent donner une nouvelle dimension au concept de co-localisation et de co-développement qu'ils ont développé entre eux, pour l'élargir à l'Afrique subsaharienne.
Je voudrais enfin signaler qu'il y a deux semaines, j'étais en visite à Dreux dans une entreprise marocaine fortement implantée au Maroc, mais qui a également créé de l'emploi dans plusieurs sites français et d'Afrique subsaharienne, notamment au Sénégal et au Cameroun. Ce schéma et ce scénario peuvent être reproductibles sous certaines conditions, et représentent un axe de renouvellement du partenariat entre la France et le Maroc.
Je vous remercie de votre attention.
M. Frédéric ROSSI,
Directeur
général, délégué export de Business
France
Monsieur l'Ambassadeur du Maroc en France,
Monsieur le Président du groupe d'amitié France-Maroc,
Monsieur le Président de la Chambre française de commerce et d'industrie au Maroc, notre partenaire pour cet événement,
Chers amis du Maroc et de la France,
Bonjour à tous,
C'est une joie pour Business France de vous réunir en ce lieu prestigieux. Vous avez tous souligné l'excellence des relations entre la France et le Maroc, tant au niveau politique qu'économique et culturel. Ces relations sont approfondies et variées, très amicales également.
Sur le plan économique, le Maroc est aujourd'hui l'un des tous premiers partenaires de la France en Afrique. L'objectif est qu'il le reste. Notre présence économique au Maroc est forte, diversifiée. Cependant, elle fait face aujourd'hui à un contexte de plus en plus compétitif et concurrentiel. Il faut que nos entreprises répondent aux défis lancés par la nouvelle politique industrielle et de développement économique du Maroc et parviennent à saisir les opportunités favorables. Tel est le souhait des autorités marocaines, nombreuses parmi nous aujourd'hui.
Nos entreprises sont déterminées à conquérir de nouveaux marchés et à développer des partenariats compétitifs avec les acteurs marocains. Ce colloque a pour but de les y aider d'une part, en les informant sur les nombreuses opportunités offertes par le marché et, surtout, en promouvant une nouvelle logique de partenariat commercial et industriel innovant, sous un angle gagnant-gagnant pour le Maroc, la France et l'Afrique. La participation de nombreuses personnalités à notre rencontre doit convaincre les PME françaises ici présentes que leurs projets de développement au Maroc sont soutenus par ce pays. C'est donc un encouragement clair pour tous.
Un autre objectif de ce colloque est de rappeler l'excellence des relations et de la collaboration entre Business France et la Chambre française de commerce et d'industrie au Maroc. Nous avons fêté l'année dernière les dix ans de notre partenariat, qui nous a permis d'accompagner près de 3 000 entreprises françaises depuis 2009 sur le marché marocain - soit plus de 200 par an - avec un taux de réussite très positif de 50 %.
Ce chiffre signifie qu'une entreprise sur deux que nous accompagnons ensemble au Maroc (généralement une PME) réussit à faire des affaires dans ce pays à plus ou moins brève échéance. Nous devons donc poursuivre cet effort d'accompagnement.
Cette année, la France sera à nouveau très présente au Maroc au travers de nombreux événements. Cette présence sera tout d'abord importante sur les salons marocains, dont le retentissement sur les pays voisins est fort. Je pense au SIAM, le Salon international de l'agriculture au Maroc, où nous accompagnons collectivement plus de trente-cinq entreprises, mais également à POLLUTEC, le Salon international des équipements, des technologies et des services de l'environnement, pour tous les secteurs métiers liés à l'environnement (plus de soixante entreprises) et au MIDEST, le Salon mondial de tous les savoir-faire en sous-traitance industrielle. Nous nous focaliserons également sur d'autres secteurs d'activité tels que les énergies renouvelables, pour lesquelles d'importants projets sont en cours actuellement au Maroc. De même, une mission sur le secteur ferroviaire sera menée en octobre ainsi qu'une mission dans le secteur du sport, qui sera nouvellement abordée cette année. À la fin de l'année, des rencontres d'affaires de haut niveau entre des entreprises françaises et marocaines constitueront le point d'orgue de ces relations fructueuses. Finalement, il est important de mettre en adéquation l'offre française avec les besoins engendrés par les nouvelles stratégies de développement économique au Maroc. Je donnerai l'exemple de quatre domaines dans lesquels nous souhaitons véritablement encourager nos entreprises :
• les nouvelles infrastructures portuaires de Kenitra
Atlantique et Nador West Med ;
• le chantier hors norme de la première ligne
ferroviaire à grande vitesse en Afrique ;
• l'installation de transports collectifs durables
dans les villes marocaines, notamment les projets de tramway et de lignes de
bus à haut niveau de services ;
• le développement urbain de nouvelles
éco-cités telles que celle de Zenata, les quartiers urbains de
Casa Anfa, de Mazagan etc...
Le deuxième aspect sectoriel important pour notre action commune concerne le domaine de la transition énergétique. Le Maroc s'est en effet doté d'objectifs extrêmement ambitieux en la matière : plus de 42 % d'électricité d'origine renouvelable à horizon 2020, 52 % à l'horizon 2030.
Le troisième point a trait au Plan de création et d'accélération industrielle du Maroc, avec la constitution d'écosystèmes pour une meilleure intégration industrielle. Le principal objectif vise à un positionnement du Maroc dans la chaîne de valeur mondiale sur trois grands secteurs industriels : l'aéronautique, l'automobile et l'industrie électronique.
Enfin, j'évoquerai le programme agricole. Nous avons parlé de l'initiative « Triple A » pour l'agriculture en Afrique. À cet égard, je noterai surtout la volonté d'aller vers davantage de valeur ajoutée et de productivité pour l'agriculture marocaine. Il s'agit également d'accompagner les petits fermiers vers une agriculture plus solidaire. Ici encore, les sociétés françaises ont des atouts à faire valoir.
Pour conclure, je souhaite remercier tous nos partenaires sans lesquels cette opération n'aurait pu voir le jour : l'Agence marocaine de développement des investissements, représentée par M. Younès Lahrichi, Royal Air Maroc, le Crédit agricole et le Crédit du Maroc, et enfin l'Institut de prospective économique du monde méditerranéen (IPEMED), représenté par M. Jean-Louis Guigou.
Je tiens également à remercier nos collaborateurs de Business France, en particulier M. Michaël Ehrlich du service Événements spéciaux dirigé par Mme Christelle Labernède, et les équipes du Sénat avec lesquelles Business France coopère depuis de très longues années. Cette coopération exceptionnelle nous relie au caractère déjà très international de ce lieu.
M. Philippe-Edern KLEIN,
Président de la
Chambre française de commerce et
d'industrie du Maroc
(CFCIM)
Monsieur le Président du Sénat,
Monsieur le Président du groupe interparlementaire France-Maroc,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs,
Monsieur l'Ambassadeur du Maroc en France,
Madame la responsable du service économique de l'ambassade de France au Maroc,
Monsieur le Directeur général, délégué export de Business France,
Mesdames et Messieurs les Présidents et Directeurs, chefs d'entreprise,
Chers partenaires et chers amis,
Tout d'abord permettez-moi de remercier Business France, la Direction Générale du Trésor, les conseillers du commerce extérieur de la France, le Conseil français des investisseurs en Afrique, l'Agence marocaine de développement des investissements, le Crédit agricole, le Crédit du Maroc et Royal Air Maroc qui nous accompagne dans cet événement.
La Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc (CFCIM) est membre du réseau des Chambres de commerce et d'industrie françaises (CCI) à l'international. Elle représente au Maroc les CCI françaises, assurant ainsi un véritable continuum consulaire aux entreprises françaises. Notre Chambre est la plus importante des 115 CCI françaises à l'international. Cette première place, que nous nous efforçons de conforter, est due notamment aux relations séculaires et exceptionnelles entre le Maroc et la France. La CFCIM occupe la première place en termes de gammes de services d'appui aux entreprises, de nombre d'entreprises adhérentes - près de 3 700 à ce jour, sur la base du volontariat - et de nombre de collaborateurs, dont le total s'élève à plus de cent aujourd'hui. La CFCIM regroupe des entreprises du monde économique franco-marocain afin d'oeuvrer au développement des relations commerciales entre les deux pays. Il est important de constater que 80 % de nos entreprises ont des capitaux majoritairement marocains, ce qui confère à la CFCIM une dimension binationale et biculturelle, et facilite les contacts d'affaires entre les entreprises des deux pays.
La CFCIM est présente sur l'ensemble du territoire marocain grâce à des délégations régionales dans les principales villes du royaume. Elle dispose également d'un bureau à Paris. La CFCIM propose toute la gamme de services d'appui aux entreprises. Nos publications analysent le potentiel du marché pour tous les secteurs porteurs du Maroc : études de marché et missions de prospection avec la réalisation de programmes de rendez-vous d'affaires personnalisés et sur mesure, conseil et assistance à la création d'entreprise (appui dans toutes les démarches administratives, hébergement de sociétés, accueil de volontaires internationaux en entreprise - VIE) dans notre centre d'affaires de Casablanca, organisation de salons professionnels et de forums d'affaires au Maroc...
Dans l'ADN de la CFCIM, l'innovation et l'ouverture vers l'Afrique subsaharienne sont des spécificités qui lui sont propres et qu'elle tient à maintenir. À cela, s'ajoutent trois parcs industriels, bientôt quatre, dans la région de Casablanca, avec à terme 500 entreprises implantées, la création de 25 000 emplois directs, un modèle locatif innovant et foncier, des bâtiments industriels prêts à l'emploi ainsi qu'un campus de formation avec une offre Bac+2 en partenariat avec la CCI de Seine-et-Marne. L'ouverture d'une licence professionnelle aura lieu à la rentrée prochaine dans le domaine de la distribution moderne, avec la mise en oeuvre de l'alternance et de la validation des acquis de l'expérience. De plus, la mise en place d'un centre de formation professionnelle continue a pour objectif de répondre aux besoins des entreprises modernes. De même, un centre de médiation a été institué afin d'aider à la résolution des conflits commerciaux à l'amiable pour éviter le passage devant les tribunaux. Enfin, l'accompagnement des entreprises implantées au Maroc pour les marchés d'Afrique subsaharienne se traduit par la réalisation de missions individualisées multisectorielles sur mesure. Et je salue ,à ce titre, le fait que sous le règne de sa Majesté le Roi Mohammed VI, le Maroc ait rejoint l'Union africaine. Cette démarche ne peut être que bénéfique pour l'ensemble des parties.
La CFCIM travaille en lien étroit avec Business France, dont elle est un délégataire de service public exclusif au Maroc. À ce titre, elle assure l'accompagnement et le conseil aux investisseurs français dans leurs démarches à l'exportation et à l'occasion de leur implantation sur le marché marocain, ce dont ont bénéficié plus de cent entreprises chaque année. 50 % des entreprises concrétisent leur projet d'implantation en moins d'un an. Notre Chambre travaille également en parfaite synergie avec l'ambassade de France au Maroc, en particulier avec son service économique, ainsi qu'avec les consulats généraux, les conseillers du commerce extérieur de la France, et l'ensemble des autorités et administrations marocaines dans l'intérêt général des entreprises.
Le Maroc offre aujourd'hui des atouts de compétitivité et une lisibilité qui en font une place privilégiée pour de nouveaux relais de croissance. Dans ce contexte de forte attractivité et de vive concurrence internationale, les entreprises françaises doivent adapter leur positionnement, se faire conseiller et être accompagnées. Véritable partenaire de co-développement économique dans une relation gagnant-gagnant, ancrée dans son environnement au Maroc, en France ou à l'international, la CFCIM entend continuer à jouer ce rôle sur mesure. Elle s'attachera à poursuivre sa mission de facilitateur des échanges commerciaux au profit de nos pays.
Je vous remercie.
TABLE RONDE 1 - LE MARCHÉ
MAROCAIN :
COMMENT L'APPROCHER, QUELLES OPPORTUNITÉS D'AFFAIRES,
QUELLE VISION AFRICAINE ?
Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique
Ont participé à cette table ronde :
Mme Marie-Cécile TARDIEU, Chef du service économique de l'Ambassade de France au Maroc
M. Younes LAHRICHI, Directeur de la promotion des investissements de l'Agence marocaine de développement des investissements (AMDI)
M. Nicolas MESMACQUE, Directeur des relations internationales du Crédit du Maroc
M. François LACOSTE, Président directeur général de la société NSE (Aéronautique)
M. Arnaud FLEURY - Bienvenue au Palais du Luxembourg pour ce colloque consacré au Maroc, organisé conjointement par le Sénat, Business France et la Chambre Française de Commerce et d'Industrie du Maroc. L'idée de ce colloque avait été lancée à l'initiative de l'ancien Président de la CFCIM, M. Jean-Marie Grosbois, que je salue, et par M. Olivier Cadic, Sénateur représentant les Français établis hors de France.
Nous allons parler du Maroc, pays que nous avons tous l'impression de bien connaître sous ses nombreux aspects, mais dont on ne soupçonne peut-être pas aujourd'hui la montée en puissance. Cette montée en puissance se manifeste aussi bien d'un point de vue industriel, comme plateforme de production et d'export, que comme pont entre la France et le continent africain, ainsi que l'indique l'intitulé de notre colloque.
Nous allons évoquer l'ensemble de ces points avec nos invités et les nombreuses entreprises présentes aujourd'hui, qui vous montreront les différentes facettes économiques du pays ainsi que les raisons de s'y implanter et d'y investir.
Nous allons maintenant démarrer notre première table ronde consacrée au marché marocain avec nos invités. Madame Tardieu, nous commençons avec vous sur le cadrage économique et les relations économiques franco-marocaines.
Mme Marie-Cécile TARDIEU - Monsieur l'Ambassadeur, chers amis, je vais vous présenter un aperçu de l'économie marocaine en dix chiffres significatifs.
Le premier chiffre important pour connaître le niveau de développement du Maroc est celui du PIB par habitant, soit 3 100 dollars par habitant. À titre de comparaison, le PIB par habitant de la Turquie est de 9 300 dollars. Le Maroc est donc un pays aux portes de l'émergence.
Le deuxième chiffre significatif est celui de la part de l'agriculture dans l'économie marocaine, qui représente 13,3 % du PIB. L'économie marocaine reste donc encore fortement dépendante de l'agriculture et de la pluviométrie. L'un des grands défis sera par conséquent de réduire cette dépendance. M. Younès Lahrichi vous présentera tout à l'heure tous les efforts accomplis par le Maroc depuis quelques années en la matière. Ces efforts portent leurs fruits, puisque l'année 2016, année de sécheresse, s'est traduite par une baisse de seulement 8 % de valeur ajoutée agricole alors que dans le passé, une baisse de 80 % de la céréaliculture entraînait une diminution de 20% de la valeur ajoutée agricole. Par conséquent, le pays reste dépendant, mais réagit par des plans industriels et par le Plan Maroc Vert. Ce dernier vise notamment à réduire la forte dépendance à la pluviométrie.
Deux chiffres sont à mon sens très significatifs. En raison de son lien fort avec la conjoncture climatique et agricole, le Maroc peut connaître des à-coups de croissance. Il ne faut donc surtout pas se désespérer lorsque la croissance s'établit à 1,1 % en 2016 ou au contraire exulter lorsqu'elle atteint 4,5 % en 2015. Deux points de PIB sont liés à la croissance agricole, de sorte qu'en période de forte sécheresse, on peut constater une chute du PIB. Par conséquent la croissance marocaine reste relativement volatile du fait de ces caractéristiques.
Les deux chiffres du taux de croissance de crédit et du solde budgétaire sont également significatifs. Le taux de croissance de crédit s'établit à 4,2 %, ce qui est le signe d'une phase de reprise, alors que l'année 2015 était celle d'une forte baisse du crédit. La conjoncture porteuse actuelle s'installe dans un pays qui a redressé ses fondamentaux économiques. Le solde budgétaire, de - 4 %, est en constante amélioration, puisqu'il atteignait - 8 % dans les années 2012-2013. Avec une trajectoire budgétaire favorable, le taux de - 3,5 % est visé.
Le gouvernement marocain a assaini ses fondamentaux de manière très courageuse, notamment par la décompensation des produits pétroliers, ce qui a abouti à un « risque pays » tout à fait rassurant. De façon unanime, les agences de notation estiment aujourd'hui que ce risque est stable.
Malgré des à-coups de croissance, le défi pour le Maroc sera de passer au stade de l'émergence. À ce titre, la presse marocaine émet un certain nombre d'interrogations sur le modèle marocain. J'ai coutume de dire que pour passer le saut qualitatif qui conduit au grand « E » de l'émergence, il sera nécessaire de passer par trois petits « e » :
• l'emploi, qui représente un premier
défi pour le Maroc ;
• l'éducation, afin d'obtenir une
adéquation entre la formation et le marché du travail : à
cet égard, le taux de chômage de 21,2 % des
diplômés est encore élevé ;
• l'environnement des affaires, qui nécessite
d'être amélioré, notamment concernant les délais de
paiement aux entreprises : c'est pourquoi le gouvernement s'est
attaqué au délai de 4,8 mois pour les PME et de près
de 9 mois pour les TPE (chiffres de 2014) afin d'améliorer la
trésorerie des entreprises.
En définitive, le Maroc semble se stabiliser, mais a un certain nombre de défis à relever pour passer le stade de l'émergence. Les entreprises françaises qui viennent avec une offre de formation pourront renforcer les liens. Ainsi dans les écosystèmes aéronautiques et automobiles, les écoles de formation aux métiers de l'aéronautique et de l'automobile ont joué cet office.
En termes de relations bilatérales, l'essentiel a été dit tout à l'heure par les intervenants. La France est le premier partenaire économique du Maroc. Pour moi qui ai été en poste dans de nombreuses autres zones, c'est un plaisir de voir la façon dont les acteurs économiques marocains accueillent les entreprises françaises. Pour autant, il faut être compétitif. Alors que le monde actuel est très concurrentiel, la part de marché de 12,6 % de la France la place derrière l'Espagne. Dans ces conditions, réussir à exporter constitue pour nous un vrai défi. L'économie marocaine a besoin d'importer et de voir des chaînes de sous-traitance s'installer, pour créer de l'emploi et de l'activité. Le chiffre de 41 % que je vous communique représente en effet la part des importations dans les exportations. En définitive, l'ambition évoquée par M. l'Ambassadeur d'avoir des locomotives de type Safran, qui attirent une chaîne de sous-traitance pour créer de l'emploi, ouvre de belles perspectives aux entreprises.
Pour conclure, je dirai que dans un pays où la concurrence est forte mais qui est un îlot de stabilité, nous encourageons les entreprises françaises à s'implanter. Nous avons évoqué l'agriculture et le SIAM, mais avant cela se tiendra le salon Halieutis dans le secteur de la pêche.
Les villes durables représentent aussi des opportunités importantes. Enfin, je suis très heureuse que Business France évoque le sport. Je vous remercie de votre attention.
M. Arnaud FLEURY - On peut penser que la part du secteur agricole va diminuer puisque le Maroc a engagé un véritable plan de développement industriel. Quelles sont vos projections de croissance annuelle ? Sera-t-elle plus stable au cours des prochaines années ? Quel pourrait être le taux de croissance du Maroc en vitesse de croisière ?
Mme Marie-Cécile TARDIEU - Le FMI a prévu 4,5 % de croissance à moyen terme, ce qui semble tout à fait atteignable. La capacité du Maroc à réduire sa dépendance, d'abord à la pluviométrie et ensuite à l'agriculture, est précisément l'objet du plan « Maroc Vert ». On assiste donc à un transfert de la céréaliculture vers l'arboriculture. Le chiffre que je vous communiquais, d'une perte de valeur ajoutée agricole de seulement 8 % alors que dans le passé cette perte aurait été de - 20 %, marque une vraie tendance.
De plus, la réussite du développement de l'industrie agroalimentaire sera déterminante. Une grande partie de la production agricole est aujourd'hui exportée sans transformation. Il conviendra donc que le Maroc passe de l'agriculture à l'agro-industrie. Cela étant, de nombreux autres relais de croissance existent encore, et notamment la profondeur des liens avec le marché africain.
M. Arnaud FLEURY - Nous évoquerons l'agroalimentaire lors de la table ronde suivante. Qui aurait cru que la France aurait un solde commercial déficitaire avec le Maroc, notamment si l'on considère que l'usine Renault exporte vers l'Europe et que PSA, semble-t-il, fera de même ? Cette dégradation de notre balance du commerce extérieur vous inquiète-t-elle pour notre pays ?
Mme Marie-Cécile TARDIEU - Nous ne disposons pas encore des chiffres 2016. Il est vrai que l'année 2015 était très dégradée. Effectivement, il sera important pour la France de redresser son commerce extérieur de façon générale, et vis-vis du Maroc en particulier. Toutefois nous avons bien conscience que l'internationalisation des entreprises constitue un triptyque : exporter vers le Maroc, accueillir des investissements marocains en France et investir au Maroc. Ces liens très denses entre nos pays représentent par conséquent des bénéfices mutuels. L'important est de parvenir à mobiliser un certain nombre de secteurs qui, à mon sens, sont vraiment au-deçà de leur potentiel. À titre d'exemple, le SIAM est un très beau salon offrant la possibilité de rencontrer de nombreux partenaires, mais l'an dernier seules vingt-cinq entreprises françaises y étaient présentes. Cela n'est pas satisfaisant.
Je voudrais dire également toute l'importance que nous accordons au portage par les régions, parce qu'elles connaissent les entreprises et qu'elles pratiquent un suivi. Je suis très admirative à cet égard du suivi pratiqué par la région Auvergne-Rhône-Alpes, mais aussi par l'Occitanie et par Provence-Alpes-Côtes d'Azur. Il faut que les régions appuient les entreprises pour redresser les chiffres de notre balance du commerce extérieur.
M. Arnaud FLEURY - Je me tourne vers M. Younès Lahrichi, directeur de l'Agence marocaine de développement des investissements (AMDI). Pouvez-vous nous parler des opportunités d'investissements au Maroc, ainsi que du cadre que vous privilégiez dans votre stratégie, notamment la grande stratégie d'accélération industrielle ?
M. Younès LAHRICHI - Je tenais d'abord à remercier M. l'Ambassadeur d'avoir dressé un portrait aussi complet du Maroc économique, qui nous a permis de bien positionner les discussions et débats de ce jour. Je voudrais aussi remercier nos partenaires de Business France et de la Chambre de commerce franco-marocaine de nous avoir permis de nous associer à cet événement en tant qu'Agence marocaine de développement des investissements. Je vais évoquer l'investissement au Maroc, en particulier l'investissement industriel.
Quelques chiffres pour mémoire :
Aujourd'hui, le Maroc a grimpé dans le « top 5 » des investissements en Afrique et dispose d'une part de marché de 8 % en 2015. Sur la zone Maghreb, il est le deuxième récipiendaire d'investissements directs étrangers (IDE). Enfin, en termes de nombre de projets d'investissements en Afrique, le Maroc a été classé premier par le Financial Times .
La décomposition sectorielle des investissements laisse apparaître encore une première place de l'immobilier ainsi qu'une montée en puissance des industries manufacturières, en particulier l'automobile.
Avec une nette avance, la France reste le premier investisseur au Maroc, en particulier dans le secteur industriel. Les autres pays qui apparaissent régulièrement aux premières positions en matière d'investissements sont les Émirats arabes unis, les États-Unis, l'Arabie Saoudite et l'Espagne. On note en outre une percée des investisseurs asiatiques, puisque la Chine est désormais le 17 e pays en la matière. Pour sa part, le Japon investit au Maroc par le biais de filiales basées en Europe, mais il est le premier employeur étranger dans ce pays.
S'agissant des IDE en provenance de la France, la domination de l'industrie est très nette puisqu'elle représentait 45 % des investissements français en 2015. La tendance est toutefois à un tassement des IDE français vers le Maroc, étant précisé que le contexte de baisse des IDE de la France vers le reste du monde est aujourd'hui global.
L'impact des gros projets d'investissement sur les balances n'intervient qu'avec trois à cinq ans de décalage.
Quels sont les atouts du Maroc ?
Les atouts du Maroc pour attirer de nouveaux investisseurs sont sa stabilité politique et sociale, mais également un taux d'inflation maîtrisé et une croissance du PIB satisfaisante.
Cette stabilité est saluée par les agences de notation internationales. De plus, le Maroc a consenti des efforts considérables pour investir dans les infrastructures et les grands projets structurants, tels que le port de Tanger Med (classé 46 e port le plus performant mondialement et 5 e du bassin méditerranéen). De nombreux efforts ont en outre été accomplis dans les infrastructures autoroutières (projet de TGV, de tramway,...), ainsi que dans la constitution de zones franches industrielles dans chaque grande région du pays.
La position géostratégique du Maroc aux portes de l'Union européenne constitue également un atout non négligeable. Par ailleurs, le Maroc a signé des accords de libre-échange bilatéraux et multilatéraux avec 55 pays, dont les États-Unis, ce qui donne aux entreprises installées au Maroc accès à 1,3 milliard de consommateurs.
En termes de stratégies sectorielles, le plan d'accélération industrielle se situe dans le périmètre de responsabilité de l'AMDI. Pour l'environnement des affaires, il est intéressant de retenir que le Maroc se situe aujourd'hui à la 68 e position (soit un gain de vingt places en sept ans) du classement Doing Business effectué par la Banque mondiale, qui répertorie les pays offrant aux entreprises le plus de facilité à s'installer pour faire des affaires. Des mesures incitatives et attractives ont été mises en place à destination des investisseurs dans les secteurs industriels qui intéressent le pays. Du point de vue des coûts, le Maroc ne se positionne plus comme une destination low cost , mais comme une destination best cost . Il est donc possible, pour une entreprise qui s'installe au Maroc, d'y recruter de l'encadrement et du management à des niveaux de salaire très compétitifs. De plus, des institutions de formation très adaptées, dont les cursus ont été définis par les industriels dans les secteurs automobile, textile, et aéronautique, ont vu le jour.
Un mot à présent du plan d'accélération industrielle 2014-2020. Le plan se résume en trois mots : emploi, compétitivité et export. Son objectif est de créer 500 000 emplois dans l'industrie, dont 250 000 tirés par les investissements directs étrangers. Le deuxième objectif vise à faire passer la part de l'industrie à 23 % du PIB. Cet objectif a déjà été atteint. Enfin, le plan s'accompagne de mesures de soutien, en particulier la mise à disposition de 1 000 hectares de foncier au bénéfice des entreprises qui souhaitent s'installer, de même qu'un fonds industriel doté de 20 milliards de dirhams et la constitution d'écosystèmes.
L'« écosystème » est proche de la notion de « pôle de compétitivité » adoptée en France. Il s'agit d'un ensemble de donneurs d'ordres et de leurs fournisseurs de rangs 1 et 2, qui participent à la création d'un secteur industriel dans le pays.
Au Maroc, les écosystèmes dont il est fait la promotion sont ceux dans lesquels le pays est compétitif. Il n'est donc pas envisagé d'attirer des investissements tous azimuts, mais plutôt de procéder à un ciblage des secteurs dans lesquels le Maroc possède de réels atouts. Aujourd'hui, une douzaine d'écosystèmes sont opérationnels, dont le plus mature est celui de l'automobile. Viennent ensuite l'aéronautique, le textile, le cuir, les métiers de l' offshoring (délocalisation d'activités vers des pays à bas salaires), l'industrie pharmaceutique, la chimie et parachimie, les poids lourds, la métallurgie et les matériaux de construction.
Pour chacun de ces écosystèmes, le gouvernement marocain a mis en place une série d'incitations financières et fiscales, d'offres de terrains et d'infrastructures clés en main, et de mesures de financement de la formation. Ces mesures permettent aux entreprises qui exercent dans les secteurs concernés de venir s'installer rapidement, avec le soutien total des autorités.
Prenons l'exemple de l'écosystème automobile.
En 2016, pour la première fois, les produits de l'industrie automobile représentent le premier secteur exportateur du Maroc, devant celui des phosphates. Cette industrie génère 50 milliards de dirhams à l'export en 2015 et emploie 86 500 salariés. Le Maroc est devenu le premier constructeur en Afrique du Nord et le deuxième sur le continent africain après l'Afrique du Sud.
Concrètement, des ensembles de produits et de systèmes sont définis, sur lesquels le Maroc peut attirer les entreprises référentes du secteur. Dans l'écosystème automobile, des sous-écosystèmes ont vu le jour dans les domaines équipementiers : « câblage automobile », « intérieur véhicule et sièges », « métal/emboutissage » « batteries automobiles », « poids lourds et carrosserie industrielle », et plus récemment, « moteurs et transmissions ».
Les écosystèmes ont vocation à faire monter en valeur ajoutée les produits fabriqués au Maroc. Dans cette optique, un grand nombre d'entreprises internationales ont accompagné le pays dans le secteur automobile, à l'instar de Pininfarina, Delphi, Yazaki, ou Leoni. La plus emblématique de ces entreprises est sans doute PSA, dont l'investissement dans la ville de Kenitra à hauteur de plus de 500 millions d'euros fera réellement monter en gamme le Maroc dans le domaine de la fabrication des moteurs. Il convient à cet égard de préciser que les productions des usines PSA basées au Maroc sont destinées à l'Afrique et au Moyen-Orient.
Il est également important d'évoquer l'investissement et la présence de Renault au Maroc, sans lequel l'écosystème automobile marocain n'aurait certainement pas vu le jour aussi rapidement.
L'objectif dans le secteur automobile est de parvenir, à horizon 2020, à produire l'équivalent d'un million de véhicules sur les sites Renault et PSA de Tanger, Kenitra et Somaca.
En conclusion, en Afrique, le Maroc se positionne comme un acteur africain. L'Afrique correspond, en taille réelle, à celle cumulée de la Chine, des États-Unis, de l'Inde, de l'Europe de l'Est et des plus importants pays d'Europe occidentale. De ce fait, l'Afrique sera la principale source de croissance économique dans les années à venir. Le Maroc souhaite accompagner cette montée en puissance. Les liens historiques, culturels et religieux liant le Maroc et l'Afrique ont été fortement réactivés par les différentes initiatives prises par Sa Majesté le Roi : tournées, accords de coopération, l'initiative financière Casablanca Finance City ... En outre, les investissements réalisés par les entreprises marocaines en Afrique sont le signe de la confiance placée par le Maroc dans le développement de l'Afrique. Aujourd'hui, 62 % des investissements directs étrangers des entreprises marocaines sont à destination de l'Afrique. La tendance est au dépassement des limites de l'Afrique francophone, pour aller de plus en plus vers le sud et vers l'est.
Merci de votre attention.
M. Arnaud FLEURY - Le Maroc a gagné vingt places au classement des pays les plus accueillants pour les affaires, mais nous avons le sentiment qu'il pourrait faire encore mieux. Selon vous, où porter l'effort pour entrer dans le « top 30 » des pays les plus accueillants pour les investisseurs étrangers dans le monde ?
M. Younès LAHRICHI - Notre agence coopère étroitement avec les instituts et organismes internationaux qui effectuent les classements. Le travail à accomplir porte encore sur la simplification administrative et sur la mise en ligne des procédures dans de nombreuses langues. De même, l'ouverture de guichets uniques diminuant le nombre d'interlocuteurs pour un investisseur, s'inscrit dans la démarche de réorganisation de certaines administrations au Maroc. Il est en outre nécessaire d'améliorer davantage l' aftercare , c'est-à-dire le travail de suivi et d'accompagnement des investisseurs présents au Maroc, même si l'amélioration obtenue à ce jour a d'ores et déjà contribué à faire gagner de nombreuses places au classement. Il importe en effet de vérifier qu'au cours des cinq années suivant l'investissement, les engagements ont été tenus à la fois du côté des Marocains et de celui de l'investisseur.
M. Arnaud FLEURY - Le plan d'accélération industrielle a été lancé depuis deux ans. En êtes-vous satisfait, et quelles sont les priorités pour aller encore plus loin ?
M. Younès LAHRICHI - Nous sommes très satisfaits de l'avancement de ce plan, car en quelques années seulement, nous avons obtenu des résultats concrets, tant sous forme d'engagements écrits que d'installations et de créations de postes. Nous attendons avec impatience de concrétiser ces premiers succès sur d'autres écosystèmes, en particulier celui de l'aéronautique.
En la matière, nous sommes très optimistes puisque nous venons de concrétiser l'installation d'un écosystème Boeing. Cette installation représentera un milliard de dollars de chiffre d'affaires supplémentaire à l'export et 8 700 emplois. De plus, Boeing amènera dans son sillage 120 entreprises fournisseurs.
M. Arnaud FLEURY - Êtes-vous satisfaits de la visibilité des zones franches, qui proposent un grand nombre d'incitations fiscales et douanières ?
M. Younès LAHRICHI - Nous nous félicitons de la montée en puissance des zones franches, qui remportent un grand succès. C'est pourquoi nous devons mettre davantage de foncier à la disposition des entreprises qui nous rejoignent. La prochaine étape visera à la régionalisation et à la création de nouvelles plateformes industrielles dans les douze régions du Maroc, afin de diversifier la création de richesse et de valeur dans le pays.
M. Arnaud FLEURY - Vous n'avez pas encore fait référence au numérique. Quelle est la stratégie du Maroc dans le domaine
M. Younès LAHRICHI - La stratégie du Maroc s'inspire du Plan numérique. Le Maroc est notamment performant dans le domaine de l' offshoring (centres d'appels, outsourcing ...). Toutefois pour promouvoir ce secteur d'activité, nous avons besoin de former des ingénieurs et de nous améliorer dans le domaine de la recherche et du développement, la R&D. Il est vrai que nous avons encore du chemin à faire dans le domaine numérique, mais cela fait partie des priorités. L'agence du numérique en cours de création devrait reprendre le secteur en main.
M. Arnaud FLEURY - Je me tourne vers Nicolas Mesmacque, Directeur des relations internationales du Crédit du Maroc, filiale du Crédit agricole français. Votre banque est l'une des plus importantes présentes au Maroc. Pouvez-vous nous expliquer en quoi les banques facilitent les projets d'infrastructures, les projets internationaux et les zones offshore ? Quid du crédit documentaire et de l'aspect relatif au contrôle des changes ?
M. Nicolas MESMACQUE - Bonjour à tous. Pour commencer, je voudrais remercier le Sénat, Business France et la CFCIM de nous permettre de présenter le Crédit du Maroc, notamment pour ses aides aux entreprises lors de leur installation au Maroc. Je suis Directeur des relations internationales du Crédit du Maroc, qui appartient au Groupe Crédit agricole.
Je travaille donc avec le Maroc, mais également avec le reste du monde puisque le Maroc est intégré dans un commerce mondial. Comme l'ont expliqué Mme Tardieu et M. Lahrichi, la France occupe toujours une place importante mais n'est plus leader sur le marché marocain. Ce marché s'étend à la mesure des opportunités mondiales, de sorte que l'action du Crédit du Maroc s'inscrit dans cet ensemble.
Le Crédit du Maroc est déployé dans dix centres d'affaires répartis sur l'ensemble du royaume, dont quatre à Casablanca et sa région. Nous sommes également présents à Kenitra pour l'arrivée du groupe PSA, Tanger (usines Renault et zones offshore ), Marrakech, Agadir et Essaouira. Les centres d'affaires suivent localement les PME et PMI, tandis qu'un centre structuré à Casablanca s'occupe des grandes entreprises.
Le Crédit du Maroc se trouve intégré dans un réseau mondial pour faire la promotion du Maroc. À cette fin, il organise divers événements en France et dans le monde pour présenter le Maroc.
Le rôle de la banque est d'accompagner ses clients et de servir d'intermédiaires entre un investisseur entre son pays d'origine et le Maroc. Nous connaissons très bien le cadre institutionnel, aussi bien Business France que le réseau des CCI. Nous travaillons également avec les acteurs locaux au Maroc pour accompagner les clients dans leur implantation. Le Crédit du Maroc est présent depuis 1929 sur tous les marchés : banque de détail, salles de marché et financement du commerce extérieur.
M. Arnaud FLEURY - Existe-t-il des financements internationaux et nationaux pour un investisseur intéressé par une installation au Maroc ? Qu'en est-il dans le domaine des liquidités ? Les banques sont-elles prêteuses ?
M. Nicolas MESMACQUE - Globalement, le marché marocain est très liquide et profond. Pour accueillir les échanges internationaux, la compétition est forte, ce qui est bien entendu à l'avantage du client. Les prêts sont possibles sur sept à dix ans, étant précisé toutefois que le contrôle des changes peut représenter une contrainte. À ce titre, tout doit être documenté. Néanmoins, le Maroc s'inscrit dans un mouvement de libéralisation progressif pour accueillir, dans les meilleures conditions, les investisseurs industriels étrangers et favoriser les échanges. Ce mouvement concerne aussi bien les pays occidentaux que l'Afrique.
M. Arnaud FLEURY - À quel point le contrôle des changes que vous avez mentionné est-il pénalisant? Comment faire avec ?
M. Nicolas MESMACQUE - Je ne dirai pas que le contrôle des changes est pénalisant. Il est quelque peu contraignant et doit être bien préparé par toute entreprise travaillant avec le Maroc. D'ailleurs l'ensemble des contraintes doivent être bien documentées. L'Office des changes est très précis en la matière. De façon générale, les investisseurs sont tenus d'anticiper les retards dus aux délais de paiement.
En définitive, nombre d'entreprises françaises et étrangères maîtrisent les contraintes et savent vivre avec. En revanche dans les zones offshores , au-delà des avantages fiscaux et d'installation sur place, les échanges financiers sont libres. Cette mesure constitue par conséquent l'un des attraits de ces zones.
M. Arnaud FLEURY - Est-ce que cela signifie que le Maroc, après avoir achevé sa libéralisation, pourrait devenir une vaste zone franche ?
M. Nicolas MESMACQUE - Exactement. Au-delà des zones géographiques franches, j'ai cru comprendre qu'un plan d'harmonisation de l'ensemble des législations d'aide à l'exportation était prévu. Dans cette mesure, le Maroc pourrait être une zone franche à la condition que les entreprises concernées réalisent plus de 70 % de leur chiffre d'affaires à l'export, et ce même en l'absence d'installation dans les zones offshore .
M. Arnaud FLEURY - Vous évoquiez également un marché bancaire riche, profond et sophistiqué, ainsi qu'une grande bancarisation des particuliers et des entreprises.
M. Nicolas MESMACQUE - Le marché est en effet sophistiqué, puisqu'on y trouve tous les produits bancaires disponibles pour les entreprises en France, à l'exception sans doute de quelques produits dérivés non autorisés par la Banque Al-Maghrib. Les entreprises sont évidemment conscientes de la sophistication des banques à l'international. Sont présentes au Maroc les banques marocaines et les trois principales banques françaises. Une partie de la population n'est pas encore bancarisée, mais les banques présentes au Maroc lancent actuellement des programmes dits de banques participatives.
M. Arnaud FLEURY - Y a-t-il d'autres aspects sur lesquels vous souhaitez insister pour sensibiliser l'investisseur sur le Maroc ?
M. Nicolas MESMACQUE - Je souhaite rappeler quelques évidences afin d'éviter que ne se reproduisent quelques expériences malheureuses. Il est important que les entreprises françaises préparent soigneusement leur arrivée au Maroc, en particulier en travaillant avec l'ensemble des institutions susceptibles de les aider dans leur implantation, notamment la CFCIM et leur banque. Le Crédit Agricole est très impliqué pour accompagner le développement des entreprises et du royaume du Maroc, et participe à ce titre à un grand nombre de financements d'infrastructures. Le Crédit du Maroc finance environ 10 % des échanges de biens commerciaux au Maroc, de sorte qu'il possède une vraie expertise en la matière. De façon générale, il est nécessaire que les entreprises se renseignent très en amont sur les contraintes qui, une fois maîtrisées, sont tout à fait contrôlables.
M. Arnaud FLEURY - Madame Tardieu, vous aviez une précision à apporter concernant le contrôle des changes.
Mme Marie-Cécile TARDIEU - Je souhaitais en effet apporter une clarification. Sur le contrôle des changes, il faut distinguer les mesures applicables aux résidents de celles concernant les non-résidents. Pour ces derniers, il n'existe aucune difficulté hormis l'attention documentaire qu'il est nécessaire d'avoir. La libéralisation progressive touchera les résidents. En outre, une réforme très progressive et prudente sera menée sur la flexibilisation du taux de change.
En second lieu, il est important de souligner que le Maroc ne passera pas au statut de zone franche totale en renonçant à tout type d'imposition. En revanche, il existe une volonté de renforcer les exportations indirectes par des incitations fiscales au bénéfice des entreprises.
M. Arnaud FLEURY - Je vous remercie pour cette double précision. Monsieur François Lacoste, vous venez êtes Président fondateur de la société NSE, spécialisée en électronique dans le domaine de l'aéronautique et de la défense. Votre entreprise, dont le siège social est situé dans l'Allier, est présente sous forme de filiale au Maroc depuis une dizaine d'années environ. Comment une PME française décide-t-elle de jouer la carte du Maroc ?
M. François LACOSTE - Bonjour à tous. Je vais porter un témoignage de développement d'une entreprise à l'international, notamment au Maroc. J'ai créé mon entreprise en 1983 avec cinq salariés. Nous sommes aujourd'hui 800 personnes, dont 500 en France et 300 à l'étranger. Nous sommes présents dans plusieurs pays : Hongrie, Canada, Brésil, Inde et depuis 2008, au Maroc. Dans ce dernier pays, nous nous sommes dans un premier temps installés en joint-venture avec un sous-traitant, avant de créer en 2014 une entité propre. À cette date, nous avons fait le choix de nous installer dans la zone aéronautique de Casablanca Midpark. Nous réalisons 80 % de notre chiffre d'affaires dans l'aéronautique et la défense. Nous nous sommes installés dans la zone franche immédiatement après Bombardier, et étions la première PME à le faire. En ma qualité de chef d'entreprise, la démarche du Maroc visant à créer une zone franche m'apparaît exemplaire en matière d'attractivité et d'organisation.
Lors de notre arrivée au Midpark, nous nous sommes installés dans un atelier-relais, puis avons déménagé en 2016 dans un nouveau bâtiment dans le Midpark. Je précise que nous ne sommes pas propriétaire de ce bâtiment. Toutefois en tant que locataire, nous avons exprimé un besoin ; ce bâtiment de 2 300 mètres carrés a été construit à notre convenance. Le bâtiment comprend une zone de bureaux, une zone de logistique et une zone de production. Notre effectif actuel sur le Midpark est de 30 personnes. Nous venons de remporter un très gros marché européen, dont une partie sera produit en France et une partie sera sous-traitée au Maroc.
À cet égard, je ferai une petite remarque. Notre installation au Maroc ne relève pas de la sous-traitance dans un but de délocaliser. Il faut en effet bien comprendre que nos clients donneurs d'ordre ne souhaitent plus avoir des sous-traitances fractionnées mais des packages globaux. Dans ces « paquets », certaines activités plus simples nécessitent une maîtrise de coûts pour être inférieurs aux coûts français. De ce fait, la pondération des coûts - obtenue grâce aux coûts marocains et français - nous permet de gagner des marchés tels que le marché de 9 millions d'euros que nous venons d'obtenir.
En définitive, notre présence au Maroc nous offre la possibilité de localiser en France des activités que nous n'aurions pas développées autrement. Il est donc important de combattre l'idée selon laquelle l'installation dans des pays low cost ou best cost serait synonyme de perte d'activités en France. En Inde, nous avons exactement la même démarche sur les impressions offset .
Pour conclure, pourquoi avons-nous choisi le Midpark ? Pour l'essentiel, en raison de la fiscalité attractive grâce à des exonérations d'impôts et de taxes, notamment douanières. Néanmoins, le coût du loyer du bâtiment construit pour notre entreprise et financé par le Crédit du Maroc est particulièrement élevé. De ce fait, le gain réalisé sur les exonérations de taxes par rapport au surcoût du loyer n'est pas immédiat. Globalement, nous n'avons fait de retour sur investissement qu'après sept ans. Par conséquent la zone franche comporte incontestablement des avantages, mais également des inconvénients dans le cas du Midpark. Je soulève ce point dans la mesure où m'avez demandé de tenir un langage de vérité.
M. Arnaud FLEURY - Le message est passé. Monsieur Lahrichi, pouvez-vous apporter une réponse ?
M. Younès LAHRICHI - J'apporterai trois précisions par rapport à votre intervention. Tout d'abord, merci de votre témoignage. En matière de loyers, il est vrai que sur certaines zones industrielles, nous avons été quelque peu victimes de notre succès, d'où une pression des prix à la hausse. Nous sommes actuellement en train de travailler à la mise à disposition de davantage de foncier libre ou équipé d'infrastructures clés en mains, afin de contenir les prix. Je serais ravi d'en reparler avec vous si vous le souhaitez, afin de voir comment vous aider si vous estimez que le pari de départ n'a pas été tenu.
Je souhaite également préciser qu'au Maroc, il n'existe pas d'obligation de s'associer avec un partenaire local marocain pour s'implanter. Dès lors que vous investissez au Maroc, vous êtes considéré comme un investisseur au même titre qu'une société marocaine ou de tout autre pays.
La condition est simplement de créer une société de droit marocain, qui sera filiale de votre entreprise quelle que soit la nationalité de cette dernière. Une telle situation juridique ne se rencontre pas dans tous les pays du Maghreb.
M. François LACOSTE - Sur le Midpark, comme l'a exposé M. l'Ambassadeur, l'environnement industriel, notamment aéronautique, représente un atout important.
L'Institut des métiers de l'aéronautique permet en outre de recourir à une main d'oeuvre formée. Les groupes Safran et Thalès sont présents sur le Midpark et y ont implanté des technologies très modernes. Clairement, le Maroc est une terre d'aéronautique. Notre filiale NSE Aero Maroc est membre du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), ce qui crée une dynamique et un environnement créant des complémentarités.
En synthèse, nous avons décidé d'investir au Maroc pour de multiples raisons, au premier chef des raisons de stabilité politique de la zone. J'ai particulièrement apprécié le discours exemplaire de Sa Majesté le Roi au mois d'août 2016, après les attentats qui se sont produits en France. Par ailleurs, la main d'oeuvre marocaine est qualifiée dans les métiers de l'aéronautique. Mon directeur est un ingénieur marocain, ancien pilote des forces royales aériennes. Le personnel de production est formé localement.
Par ailleurs, Royal Air Maroc et Air France ont créé ATI, une entreprise en participation de joint-venture, spécialisée dans la maintenance d'aéronefs. Le Maroc est certainement l'une des plateformes du futur sur ce secteur d'activité. Le pays représente également une porte d'entrée vers les États d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale.
Enfin, j'ai particulièrement apprécié le plan émergent sur tous les grands axes, et notamment sur celui de la mobilité. La mobilité est en effet l'un des enjeux de développement pour l'avenir. L'Afrique, qui est un vaste territoire, aura vraisemblablement besoin d'infrastructures routières et ferroviaires ainsi que de liaisons aériennes. Je crois au développement de l'Afrique, et je considère le Maroc comme la plateforme adéquate pour les entreprises françaises qui souhaitent se développer sur le continent.
M. Arnaud FLEURY - Pour conclure et avant de passer la parole à la salle, Monsieur François Lacoste, vous souhaitiez évoquer le best cost au Maroc.
M. François LACOSTE - Il y a en effet quelques points de vigilance à connaître. Pour les cadres diplômés à un niveau de qualification équivalent à la France, les salaires atteignent à présent 70 à 80 % des salaires français. Ce niveau de rémunération, très satisfaisant pour les personnes qui en bénéficient, est motivant et crée une élite sur place au Maroc.
Pour les salaires des personnels de production, l'augmentation des coûts, très significative actuellement, atteint environ 10 % par an. Désormais, les salaires représentent 30 % des salaires français.
M. Arnaud FLEURY - Il y a encore de la marge.
M. François LACOSTE - Certes mais une progression de 10 % chaque année représente un point de vigilance. Je pense qu'il faut en être conscient. Bien entendu, la comparaison est sans commune mesure avec les pays d'Europe centrale et ceux de l'Union européenne.
De plus, les zones franches facilitent les transports vers et au départ de la France. La pratique de la langue française constitue également un autre élément facilitateur.
L'autre point de vigilance porte sur la stabilité de la zone entourant le Maroc, notamment dans les pays d'Afrique limitrophes. Pour un chef d'entreprise, la stabilité est essentielle.
M. Arnaud FLEURY - Monsieur Lahrichi, voulez-vous répondre sur l'inflation des salaires des non-cadres ?
M. Younès LAHRICHI - La démarche de créer des instituts de formation professionnelle spécialisés par secteurs - comme dans votre cas l'Institut des métiers de l'aéronautique - a occasionné une montée en puissance pour former davantage d'ingénieurs et d'opérateurs spécialisés. De ce fait, les salaires connaissent sans doute un effet de rattrapage, de même qu'un effet de brain drain, c'est-à-dire d'attraction des profils vers d'autres destinations de la région.
Toutefois, la hausse des coûts que vous avez soulignée me semble assez spectaculaire. Nous devrons par conséquent nous interroger dans ce domaine. Il faut savoir que les entreprises qui bénéficient de subventions de l'État marocain reçoivent également des aides pour la formation de leur personnel. Enfin pour répondre sur l'instabilité de la zone alentour, je pense vraiment que le Maroc reste pour l'instant une destination stable. Nous avons mis en place des structures et un fonctionnement garantissant la stabilité du pays et nous permettant parfois de venir en aide à nos partenaires régionaux.
Mme Marie-Cécile TARDIEU - Sur les coûts salariaux, j'attire l'attention des entreprises sur l'existence de deux stratégies d'implantation. Certaines entreprises qui se sont groupées dans une même zone industrielle font en effet face à des revendications salariales à la hausse. En revanche, les entreprises du même secteur ayant choisi de s'installer trente kilomètres plus loin, par exemple dans la banlieue de Casablanca, perdent les avantages du regroupement mais gagnent au niveau des salaires.
M. Arnaud FLEURY - En définitive, la situation est très différente de celle d'Europe centrale, où le rattrapage des salaires a été spectaculaire.
De la salle - M. Félix BOGLIOLO ( société Viamarina ) - Je souhaite féliciter le Maroc pour l'excellence de ses classes préparatoires aux écoles d'ingénieurs. Le Maroc a la plus forte proportion de diplômés de l'École Polytechnique en France, devant la Chine.
TABLE RONDE 2 - MIEUX SE NOURRIR :
QUELLES OPPORTUNITÉS DANS LE SECTEUR AGRICOLE ET AGROALIMENTAIRE
?
Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique
Ont participé à cette table ronde :
M. Abderrahim BENYASSINE, Directeur de l'agrégation et du partenariat, Agence pour le développement agricole
M. Thierry ZURCHER, Directeur général du groupe coopératif Maïsadour
M. Mohamed FIKRAT, Président de la Fédération nationale de l'agroalimentaire et de la société Cosumar
M. Yvan LEBRÉDONCHEL, Consultant associé d'Artesial consultants
M. Georges-Emmanuel BENHAIM, Président-Directeur général de Foods & Goods et 1 er Vice-président de la CFCIM
M. Arnaud FLEURY - Nous allons évoquer les opportunités dans le secteur agricole et agroalimentaire. Monsieur Benyassine, l'Agence de développement agricole, dont vous êtes le directeur, est la structure chargée de mettre en place la Plan Maroc Vert depuis 2008. Ce plan vise à faire de l'agriculture l'un des moteurs de croissance de l'économie nationale dans les prochaines années, à la fois en agriculture moderne et en agriculture solidaire.
Vous avez la parole pour présenter la stratégie du pays en matière de développement agricole.
M. Abderrahim BENYASSINE - Monsieur l'Ambassadeur, Mesdames et Messieurs, Chers amis, permettez-moi tout d'abord d'adresser mes vifs remerciements à la CCFIM qui nous a invités dans cette prestigieuse enceinte pour partager avec vous les opportunités de développement du secteur agricole.
Je donnerai en premier lieu un aperçu de la stratégie agricole Plan Maroc Vert, lancée en 2008 sous l'impulsion de Sa Majesté le Roi Mohammed VI. Le secteur agricole marocain, très important sur le plan économique, contribue à 19 % du PIB pour la partie amont, 11 % de la valeur totale des exportations et 40 % de l'emploi. Le secteur emploie 80 % de la population rurale. Nous disposons de près de 8,7 millions d'hectares au niveau national, dont 1,6 million d'hectares irrigués. Les conditions climatiques très diversifiées permettent de produire un large éventail de spéculations agricoles.
La stratégie agricole à horizon 2020 est très claire, avec des objectifs chiffrés dans le temps et dans l'espace. Sur le plan macroéconomique, le Plan Maroc Vert vise la multiplication par deux du PIB agricole, par deux à trois la valeur des exportations et par cinq la valeur des exportations, ainsi que la création d'1,5 million d'emplois. Pour chaque filière, les objectifs chiffrés ont été consignés dans des contrats-programmes conclus entre l'État et les interprofessions, ce qui confère de la visibilité aux investisseurs dans chacun des secteurs. De plus, chacune des douze régions du royaume dispose d'un plan agricole régional, déclinaison du plan national.
La stratégie d'intervention s'effectue en deux approches différenciées. La première est consacrée à l'agriculture moderne et productiviste dans les zones favorables irriguées. Ce « pilier I de la stratégie » est basé sur l'investissement privé et reçoit un appui de l'État. L'autre approche (« pilier II »), dédiée à l'agriculture solidaire, cible les zones défavorables et les zones de montagne. Basée sur l'investissement public, sa stratégie prévoit également des actions transverses relatives au foncier, à l'eau, au marché et à l'organisation professionnelle.
M. Arnaud FLEURY - Au total, sont donc prévus neuf milliards d'euros d'investissements sur dix ans.
M. Abderrahim BENYASSINE - Tout à fait.
En termes de réalisation, les objectifs arrêtés à fin 2016 sont remplis, ce qui nous conforte sur les objectifs à atteindre à horizon 2020. De façon globale sur le pilier II, 300 000 hectares ont d'ores et déjà été reconvertis grâce à des investissements publics dans les zones défavorables, de la céréaliculture aux plantations fruitières (notamment les oliviers). Ce faisant, la déconnexion entre la production céréalière et la valeur ajoutée agricole a été entamée.
D'une manière globale, les résultats enregistrés à fin 2016 sont très probants sur le plan économique. Le PIB agricole s'est accru de 55% entre 2008 et 2016, créant ainsi près d'un milliard d'euros de valeur ajoutée. L'amélioration du revenu moyen par bénéficiaire atteint près de 450 euros par an. 24 000 emplois ont en outre été créés en 2016.
Diverses opportunités se présentent sur toutes les chaînes de valeur du secteur agricole, et ce dans un environnement stable des affaires. La première d'entre elles tient à la possibilité de location de terres agricoles sur des terrains domaniaux de l'État, au moyen de contrats de quarante ans renouvelables. Par ailleurs, la prise de participation dans des sociétés gestionnaires de terrains constitue une autre possibilité d'investissement. D'autres opportunités importantes existent dans l'Agri business , notamment dans les secteurs des semences, plants, engrais, produits phytosanitaires. De même dans le secteur de la mécanisation agricole, un programme de reconversion en irrigation localisée, de près de 550 000 hectares, a été lancé à l'horizon 2020.
Enfin, la commercialisation des produits du terroir et autres produits agricoles constitue une possibilité importante d'affaires pour les investisseurs. Dans ce domaine, la création de six agropoles - zones aménagées pour recevoir des unités agro-industrielles - est la marque d'une convergence entre la stratégie agricole et la stratégie industrielle. Les agropoles sont présentes dans les principaux bassins de production et deux sont en cours d'installation à Meknès et dans la zone orientale.
Les investisseurs du secteur agricole bénéficient d'un accompagnement et d'un climat d'affaires favorable sur le plan économique, institutionnel, réglementaire et logistique. En premier lieu, l'État intervient de manière incitative, via le Fonds de Développement Agricole (FDA), destiné à octroyer des subventions tout au long de la chaîne de valeur. Ainsi dans le domaine de l'irrigation, l'État subventionne 80 à 100 % des petits producteurs dans leur reconversion vers l'irrigation localisée. Les aides interviennent également dans la création de vergers, la mécanisation ou l'export. Les subventions sont modulables et ciblées en fonction du niveau d'intervention.
Des assurances multirisques ont également été mises en place avec le soutien de l'État, afin de faire face au risque lié au changement climatique. L'accès au financement bancaire est facilité grâce à la signature de conventions entre l'État et les principales banques, qui offrent une gamme de produits et de services adaptés. L'encadrement et les ressources humaines sont disponibles pour accompagner les investisseurs dans leurs projets. De plus, les accords commerciaux bilatéraux et multilatéraux représentent une opportunité certaine pour les opérateurs désirant exporter des produits agricoles vers d'autres pays à partir du Maroc, notamment les pays africains.
Par ailleurs, le Maroc a mis en place un cadre juridique favorable à l'investissement, au travers de deux lois. En premier lieu, la loi sur les interprofessions facilite les synergies entre les intervenants de diverses professions. À ce jour, dix-neuf interprofessions agricoles ont été créées dans les différentes filières. En second lieu, la loi sur l'agrégation agricole sécurise les transactions commerciales entre les producteurs et les agro-industriels.
En définitive, les investisseurs du secteur agricole sont accompagnés par des institutions dédiées dans toutes les étapes de leur projet, depuis la production jusqu'à l'exportation : l'Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), créé dans le cadre du Plan Maroc Vert, l'Établissement autonome de contrôle et de coordination des exportations (EACCE) et l'Agence pour le développement agricole (ADA), guichet unique pour les investisseurs dans le secteur agricole.
Je vous remercie de votre attention.
M. Arnaud FLEURY - Je vous remercie d'avoir réussi à extraire, sur un sujet aussi vaste, le substrat de la stratégie du Maroc. Êtes-vous satisfait de la montée en puissance du Plan Maroc Vert ? Cette montée en puissance se traduit-elle en productivité, en volume d'exportations et en bien-être des populations agricoles ?
M. Abderrahim BENYASSINE - Le bilan à mi-parcours est très probant, ainsi qu'en attestent l'augmentation de 57 % du PIB et l'amélioration nette des revenus des producteurs. Ces résultats ont été obtenus grâce à l'amélioration de la productivité et à la reconversion de petits producteurs vers des filières à haute valeur ajoutée. Par exemple, des petits producteurs habitant une zone défavorable de montagne, dans laquelle ils pratiquaient une agriculture céréalière de subsistance, ont été accompagnés dans leur reconversion vers la culture de l'olivier, à forte valeur ajoutée. Une telle reconversion a déjà porté sur près de 300 000 hectares vers des produits à plus forte valeur ajoutée. Dans toutes les filières amont, les objectifs ont d'ores et déjà été dépassés. La prochaine étape sera désormais celle de la valorisation.
M. Arnaud FLEURY - Quelles sont les priorités à présent que le Plan est bien installé ?
M. Abderrahim BENYASSINE - La valorisation agricole et la commercialisation constituent un défi pour la deuxième étape du Plan Maroc Vert. Des mécanismes sont en cours de mise en place pour attirer les investissements sur cette partie aval.
M. Arnaud FLEURY - Si vous deviez faire passer un message, par exemple à M. Thierry Zurcher, Directeur Général de Maïsadour - l'un des principaux acteurs de la coopérative agricole en France - et d'une façon générale aux grands et moyens industriels français du secteur agricole et agroalimentaire, quel serait-il ?
M. Abderrahim BENYASSINE - Les intervenants et opérateurs français sont déjà très présents au niveau des semences et de la valorisation. Je citerai à ce titre le cas du sucre Cristal et de Maïsadour.
De plus, l'intérêt porté par les industriels à l'amont agricole, avec l'objectif d'intégrer les petits producteurs grâce au cadre légal de l'agrégation, est un facteur de développement très important pour notre agriculture encore prédominée par la petite exploitation. 80 % des exploitations ont une surface inférieure à cinq hectares, de sorte que les accompagnements et les aides pour accéder au marché sont indispensables.
M. Arnaud FLEURY - L'investissement en amont est en effet essentiel, étant observé toutefois qu'il existe également des exploitations de grande taille au Maroc.
Sur l'agriculture de précision, très « tendance » aujourd'hui et qui devient une réalité à travers l'outil numérique, quel message souhaitez-vous adresser aux start-ups françaises et aux développeurs d'applications ? Existe-t-il un besoin et une demande marocaine en la matière ?
M. Abderrahim BENYASSINE - Tous les outils numériques et applications susceptibles d'aider à diminuer les coûts de production et à améliorer la productivité sont bienvenus. D'ores et déjà, des applications ont été développées pour une utilisation efficiente des engrais, en partenariat avec l'Institut national de la recherche agronomique (INRA). Des cartes de rotation agricole sont également utilisées.
M. Arnaud FLEURY - Je me tourne vers M. Thierry Zurcher, Directeur général du groupe coopératif Maïsadour, très connu et basé à Mont-de-Marsan dans les Landes. Votre groupe est présent au Maroc depuis quinze ans. Quelle est votre stratégie dans ce pays ?
M. Thierry ZURCHER - Bonjour à tous et merci de votre invitation.
Je dirai d'abord quelques mots sur le groupe Maïsadour, qui est moins connu que ne l'a dit Monsieur Fleury. Nous sommes l'une des grandes « moyennes coopératives » françaises, basée à Mont-de-Marsan. Notre chiffre d'affaires s'élève à 1,5 milliard d'euros. Nous employons environ 6 000 salariés et comptons 8 000 adhérents agriculteurs. Nous sommes spécialisés dans diverses activités, dont l'agriculture polyvalente : maïs, légumes, nutrition animale, semences,... Nous dirigeons des jardineries dans le Sud-ouest, mais sommes plus connus pour nos marques en aval Delpeyrat (foie gras, saumon fumé, jambon de Bayonne) et Comtesse du Barry. Nous sommes également spécialistes du poulet haut de gamme du Périgord et du Gers.
Le Maroc correspond à une « petite activité » pour nous, mais très intéressante. Elle est dirigée par M. Frédéric Faillières, qui est notre très dynamique ambassadeur du Maroc au sein du groupe. En quelque sorte, le Maroc est pour Maïsadour un laboratoire international pour l'Afrique. J'évoquerai cet aspect plus tard, mais nous pensons comme vous que le Maroc a effectivement un rôle de hub pour l'Afrique à jouer.
Nous sommes très satisfaits de notre présence au Maroc, pays dans lequel nous nous sommes développés très régulièrement. Au début de notre implantation, nous sommes intervenus dans le domaine de la production agricole, sur des terres en location ou sous contrat. Il y a une dizaine d'années, nous avons construit une station de conditionnement. Nous sommes par conséquent passés du statut de producteur agricole à celui d'apporteur de valeur ajoutée. Aujourd'hui, la station fonctionne très correctement puisqu'elle produit jusqu'à 100 tonnes par jour de fruits et légumes conditionnés et exportés. La station emploie en outre 400 salariés, ce qui représente 1 200 fiches de paie en raison de la présence de nombreux saisonniers.
Nos banques habituelles sont le Crédit du Maroc et la Société Générale, mais nous avons également obtenu un prêt de 2,5 millions d'euros à long terme de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD). Cette situation est donc assez particulière puisque la BERD avait été créée à la chute du mur de Berlin pour reconstruire l'Europe centrale. Depuis peu, cette banque a également la possibilité de s'intéresser au bassin méditerranéen.
Le site de Maïsadour est implanté au sud d'Agadir, où sont produits essentiellement des légumes. Il convient de souligner qu'étant sous contrat avec des grands clients internationaux, nous sommes prestataires de services. De ce fait, aucune valeur ajoutée ne reste au Maroc, pour être exportée à l'étranger. Par ailleurs, nous réalisons une prestation de machinisme agricole grâce à notre expertise agricole. Cette expertise nous a permis de gagner un contrat avec Danone, qui vient d'acquérir la Centrale laitière. En vertu de ce contrat, Maïsadour prend en charge, d'un point de vue amont, l'ensemble des fermes de la Centrale laitière sur 600 hectares. Cette prise en charge concerne tous les aspects relatifs à la nourriture des vaches.
S'agissant des principaux projets, Maïsadour entend développer notamment une activité d'alimentation animale. À cette fin, nous avons pour projet de créer un atelier d'assemblage. En outre, nous envisageons de créer un bureau de commercialisation de fruits et légumes, en partenariat avec des producteurs marocains. Il s'agit aujourd'hui d'un axe essentiel de croissance, mais les démarches sont pour l'heure assez compliquées. Enfin, Maïsadour entend diversifier sa gamme d'intrants agricoles.
Maïsadour a noué des contacts avancés avec l'Office Chérifien des Phosphates (OCP), dont le projet intitulé « La Maison du Fermier » a retenu notre attention. Ce projet vise à s'implanter dans différents pays africains en s'adaptant au modèle agricole et aux conditions climatiques de chacun. L'OCP fera appel à l'expertise en semences de Maïsadour.
Par ailleurs, nous sommes sur le point de signer une convention collective d'entreprise avec nos salariés.
Depuis 2004, Maïsadour possède la certification GLOBALG.A.P. ( Good Agriculture Practices) . Le Groupe a également obtenu en 2008 le Trophée développement durable environnement et la certification LEAF ( Linking Environment and Farming ).
Fin 2009, Maïsadour a signé une convention avec la Sécurité Sociale marocaine afin de gérer en interne les dossiers de remboursements, d'allocations sociales et de maladie des salariés.
Nous avons obtenu en 2016 un prix de l'Égalité professionnelle au Maroc lors de la Journée internationale de la Femme.
M. Arnaud FLEURY - Que voulez-vous dire lorsque vous souhaitez faire du Maroc votre laboratoire de développement international, notamment vers l'Afrique subsaharienne ?
M. Thierry ZURCHER - Nous sommes arrivés au Maroc par hasard, attirés par ses conditions pédoclimatiques. À cette occasion, nous avons constaté la grande appétence de l'ensemble des pays d'Afrique pour notre expertise agricole. Le contrat conclu avec Danone procède de cette même reconnaissance de notre expertise, que nous avions en quelque sorte développée sans en avoir conscience. Avec OCP, nous entendons répliquer ce modèle d'expertise d'agricole vers l'ensemble de l'Afrique.
M. Arnaud FLEURY - La filiale marocaine est de taille importante pour Maïsadour, qui est avant tout un groupe très franco-français. Quel est votre objectif ? S'agit-il de doubler votre chiffre d'affaires au Maroc ?
M. Thierry ZURCHER - En effet, nous entendons doubler notre chiffre d'affaires et avons élaboré à cette fin des plans très précis. De plus, nous sommes très intéressés par l'aspect de hub pour l'international. Nous visons une démultiplication du modèle que nous avons développé au Maroc. Pour ma part, je suis très attaché à la coopération agricole, mais je doute que ce modèle puisse être reproduit dans l'ensemble des pays d'Afrique. Il faut d'abord s'adapter aux conditions locales du pays. Néanmoins, la coopération agricole française a travaillé sur le sujet de l'Afrique, notamment en publiant un Livre Blanc en décembre 2016. Nous sommes persuadés que l'Afrique est le continent de croissance de demain, dont il est nécessaire d'accompagner le développement. Pour Maïsadour, cet accompagnement s'opèrera à partir du Maroc.
M. Arnaud FLEURY - Merci à vous. Monsieur Benyassine, vous souhaitiez intervenir sur les bureaux de commercialisation.
M. Abderrahim BENYASSINE - Le fonctionnement des bureaux de commercialisation est en effet quelque peu complexe actuellement. C'est pourquoi l'aide d'un agro-industriel connaissant bien les exigences du marché pourraient contribuer à aplanir ces difficultés.
Au Maroc, des coopératives très importantes sont présentes, mais ce modèle d'organisation est actuellement diversifié grâce à l'agrégation, relation contractuelle entre les petits producteurs et les industriels.
M. Arnaud FLEURY - Monsieur Mohamed Fikrat, vous êtes Président de la Fédération nationale de l'agroalimentaire (FENAGRI), fédération patronale du secteur. Vous dirigez également la société COSUMAR, le plus grand opérateur sucrier au Maroc. La filière de la betterave est également très développée. Vous allez évoquer l'agroalimentaire, ses réalités et sa problématique.
M. Mohamed FIKRAT - Merci aux organisateurs de ce colloque, à Business France, au Sénat et à la CFCIM.
Je rappelle que l'agroalimentaire est la deuxième industrie marocaine derrière l'automobile, représentant environ 11 milliards d'euros. Le secteur emploie 146 000 personnes. Les exportations représentant 1,4 milliard d'euros annuels. Les investissements s'élèvent à près d'un milliard d'euros, soit 24 % du total des investissements industriels.
Le Maroc a la particularité de disposer de plusieurs produits de niche très spécifiques, qui permettent la création et la valorisation de marchés : l'huile d'olive (60 % des surfaces arboricoles), les plantes aromatiques et médicinales, et le palmier-dattier. Le Plan Maroc Vert a en outre accordé une attention particulière aux produits du terroir, extrêmement importants sur le plan social car ils mettent en activité un grand nombre de coopératives. À contrario pour les produits de base tels que les céréales, on peut regretter que le Maroc continue à importer, notamment en provenance de France. C'est pourquoi le deuxième pilier du Plan Maroc vert offre de grandes opportunités aux investisseurs pour développer la production locale.
La fiscalité de l'agroalimentaire est en effet attractive pour les investissements. Une charte d'investissements est en cours de finalisation, pour mettre en oeuvre notamment des exonérations fiscales.
Par ailleurs, la production diversifiée propose une disponibilité de matières premières ainsi qu'un savoir-faire et une tradition culinaire séculaire. De plus, les changements sociétaux actuellement en cours au Maroc sont l'occasion d'un renouveau des habitudes alimentaires, de l'urbanisation et du tourisme. Il s'agit d'opportunités de développement pour l'industrie agroalimentaire, dont la part est aujourd'hui très basse puisqu'elle ne représente que 3 à 4 % du PIB marocain. En outre, le soutien à l'agriculture de même que l'ambition du Maroc d'être un hub pour l'Afrique, représentent autant d'occasions pour les investisseurs de s'implanter dans le pays.
Le réseau logistique s'appuie sur les grandes infrastructures (Tanger Med, réseau routier, connexions aériennes,...). La connexion avec l'Afrique est de plus en plus étroite, notamment grâce à la réintégration du Maroc au sein de l'Union africaine.
Enfin, le Maroc reste la porte ouverte vers un très large marché d'un milliard de consommateurs grâce aux accords de libre-échange signés par le pays. Cette opportunité, non seulement vers l'Afrique mais encore vers d'autres continents, est encore sous-utilisée.
C'est pourquoi des politiques publiques volontaristes et ambitieuses ont été mises en oeuvre, au nombre desquelles se comptent le Plan Maroc Vert, le Plan Halieutis, le Plan National pour l'émergence industrielle et le Plan d'Accélération Industrielle (2014-2020). Dans ce cadre, la Fédération agroalimentaire intervient en relation étroite avec les ministères de l'agriculture et des finances afin d'encourager les investissements de valorisation et la R&D.
Le secteur du sucre au Maroc est l'illustration d'un écosystème agro-industriel. La production de sucre s'étend sur environ 50 000 à 60 000 hectares annuellement, en recourant au système d'agrégation détaillé précédemment. 80 000 agriculteurs sont répartis sur cinq régions, représentant environ 1 500 000 tonnes de sucre pour le marché national et pour l'export. En ce qui concerne l'export, le modèle utilisé serait susceptible d'être étendu à d'autres industries agroalimentaires. Nous importons le sucre brut du Brésil et effectuons la transformation au Maroc, dans les meilleures conditions de qualité et de compétitivité. Nous nous appuyons sur la compétitivité logistique en adressant les marchés sur une quarantaine de pays, pas uniquement d'Afrique. Sur le port de Casablanca, nous envoyons ainsi 12 000 containers de sucre vers tous les continents.
Il convient en outre de préciser que notre écosystème va de la production agricole jusqu'à la transformation industrielle et la distribution. L'aspect agricole implique une forte coopération avec les pays européens, particulièrement la France, notamment en faisant appel à la R&D et en achetant des technologies et des semences. De ce fait, nous avons pu doubler notre productivité en un laps de temps relativement court, passant ainsi de 5 à 6 tonnes à l'hectare à plus de 12 tonnes. L'amélioration de la productivité est très vertueuse car elle améliore le revenu des petites exploitations et accroît la compétitivité.
M. Arnaud FLEURY - Quelle expertise française en agroalimentaire pourrait être utile pour une deuxième transformation à forte valeur ajoutée ?
M. Mohamed FIKRAT - L'expertise française dans le domaine agroalimentaire est en effet reconnue. Il est très révélateur de noter que le terme « hub » signifie également « amour » en arabe.
Dans l'alimentaire, la compétitivité et la productivité sont certes nécessaires, mais il faut également aimer ce que nous mangeons et ce que nous produisons. À cet égard, il me semble que la synergie avec les opérateurs basés en France peut faire des merveilles. Je pense notamment à certains produits de niche, dont l'un des plus emblématiques actuellement est l'huile d'argan. Il faut d'abord raisonner en termes d'accessibilité de marché, faire confiance à la production locale et ne pas être découragé par les difficultés administratives.
Le Plan Maroc Vert prévoit, outre les deux piliers mentionnés par M. Benyacine, une refonte profonde des institutions agricoles accompagnant les investisseurs et les producteurs. La prise en compte de ces atouts pourrait permettre d'aller encore plus vite et plus loin. Par exemple, le groupe Avril vient de prendre le contrôle total de Lesieur au Maroc. Le groupe Danone est également fortement implanté. Les sucriers sont présents, mais ont encore beaucoup de défis à gérer en Europe. En ce qui le concerne, Cosumar a dans son tour de table un partenaire de Singapour.
M. Thierry ZURCHER - Le Plan Maroc Vert est ciblé sur l'apport de production de richesses dans le pays. Il s'agit d'une première phase, mais pour ma part je considère qu'il faut aller beaucoup plus loin en développant la « Marque Maroc ». Les produits ont en effet une origine et une filière bien définies. Pourtant, l'origine Maroc a été quelque peu galvaudée alors que la qualité des produits, notamment des fruits et légumes produits au Maroc, est incontestable. Actuellement, nous vendons ces produits à des clients tels que Bonduelle, sans même que l'origine Maroc soit connue. Il m'apparaît par conséquent qu'un travail de valorisation de la valeur ajoutée de la marque doit être entrepris.
M. Arnaud FLEURY - Il est vrai que l'origine « Maroc » est peu visible en France.
M. Mohamed FIKRAT - Il s'agit en effet d'un défi que nous devons relever en tant qu'opérateurs et institutionnels. À cette fin, un Office est dédié à la partie agroalimentaire. Je vais vous raconter une anecdote. Le Maroc est le premier exportateur d'escargots, dont une grande partie de ceux préparés par de très grands chefs. Pourtant cette origine n'est nullement connue. De même, l'huile d'olive marocaine est exportée et transformée par de prestigieuses marques. Aujourd'hui, nous assistons à une prise de conscience de l'importance de revaloriser la marque Maroc. Dans le domaine du sucre, la marque Cosumar est aujourd'hui connue sur plusieurs continents.
M. Abderrahim BENYASSINE - Sur le plan institutionnel, les choses sont désormais claires. L'Agence pour le développement agricole s'est dotée d'une Direction chargée de la promotion du label Maroc pour les produits du terroir.
Nous vous invitons au pavillon Maroc du Salon de l'Agriculture de Paris, auquel seront présentes une quarantaine de coopératives avec leurs produits. Les produits labellisés tels que le safran, l'huile d'olive, les dattes seront à l'honneur. Pour les produits non labellisés, l'Établissement autonome de contrôle (EAC) s'est vu confier la mission nouvelle de promouvoir la marque Maroc.
M. Arnaud FLEURY - Merci pour ces précisions. Nous espérons que l'ensemble de ces mesures rehausseront la visibilité des produits marocains en Europe, à commencer par la France.
M. Yvan Le Bredonchel, vous êtes consultant associé chez Artésial consultants, basé à Nantes. Votre société de consulting, spécialisée dans l'agroalimentaire, exerce des missions de performance industrielle et produit des études de logistique. Parlez-nous de votre stratégie au Maroc, pays dans lequel vous avez choisi de vous développer. Quelle expertise proposez-vous dans l'agroalimentaire ?
M. Yvan LEBRÉDONCHEL - Bonjour. Je souhaite remercier tous les organisateurs de ce colloque, et notamment la CFCIM grâce à laquelle Artésial a initié sa présence au Maroc en y réussissant une première belle affaire.
Artésial est une société de consultants basée à Nantes, spécialisée dans l'agroalimentaire et dans l'amélioration de la performance dans ce secteur selon des schémas directeurs industriels et logistiques. Alors que nous travaillions quasi exclusivement sur le territoire français, dans les régions à forte présence de l'agroalimentaire (Sud-ouest, Grand Ouest, ou Nord,...), nous avons pris la décision en 2014 de nous adresser à l'étranger et aux pays francophones. Nous nous sommes rapidement tournés vers le Maroc. En 2015, nous avons pris contact avec la CFCIM. Parallèlement, notre première mission de prospection au Maroc a été financée par le Conseil régional des Pays de la Loire. La CFCIM a réuni quarante-huit sociétés éventuellement intéressées par nos prestations, puis en a sélectionné huit désireuses de nous rencontrer. Les rendez-vous ont été organisés au Maroc par la CFCIM pendant une semaine de présence. Au début 2016, nous avons rempli notre première mission auprès des Eaux minérales d'Oulmès, leader marocain des eaux minérales.
M. Arnaud FLEURY - Sur quel type de mission ?
M. Yvan LEBRÉDONCHEL - Il s'agissait de la mise en place d'une fonction centrale supply chain (chaîne logistique). Cette fonction, classique pour la France, l'était beaucoup moins au Maroc dans la mesure où les organisations sont davantage en silos. La fonction supply chain , destinée à faire dialoguer le commercial et l'industriel, n'était donc pas innée au Maroc. Nous avons vraiment senti qu'il existait une volonté de faire dialoguer ces deux pans de l'activité et avons aidé notre client à le faire.
M. Arnaud FLEURY - Est-ce une mission importante pour vous, ou encore une mission assez modeste mais présentant de fortes opportunités de développement au Maroc ?
M. Yvan LEBRÉDONCHEL - C'est une première mission modeste à notre échelle, mais encourageante dans la mesure où les Eaux d'Oulmès sont satisfaits de notre démarche. Ce client a souhaité prendre du recul afin de réfléchir à son rythme aux modifications d'organisation que nous avons proposées. Nous accomplirons une deuxième mission à compter de mars ou avril afin d'accompagner le changement d'organisation.
M. Arnaud FLEURY - Ainsi que vous le disiez, il faudra ensuite prospecter le Maroc dans la mesure où les besoins en réorganisation ou de mise à niveau des supply chains dans le domaine agroalimentaire, sont très importants.
M. Yvan LEBRÉDONCHEL - Tout à fait. Nous avons également d'autres contacts intéressés, notamment une société spécialisée dans le conditionnement d'olives à Marrakech. Nous sommes en pourparlers avec la Centrale laitière. Autour de cette table, il me semble que des acteurs tels que Cosumar pourraient également être intéressés par nos services.
En tant que consultant, je rejoindrai Mme Tardieu en invitant tout investisseur désireux de faire des affaires au Maroc à contacter la CFCIM. Nous sommes entièrement satisfaits des prestations qui nous ont été proposées et qui se sont avérées fructueuses. Par ailleurs, il est nécessaire que les investisseurs français sachent s'adapter aux différences culturelles. Certaines choses prennent en effet plus de temps. De plus, le Ramadan peut avoir une incidence sur l'activité. Il faut donc être humble et savoir appréhender ces différences.
M. Arnaud FLEURY - Avez-vous le projet de vous installer en tant que bureau de consultants au Maroc, en employant des consultants marocains ?
M. Yvan LEBRÉDONCHEL - Nous y réfléchissons en effet, même si pour l'heure notre taille est encore trop modeste pour pouvoir faire aboutir ce projet. Dans l'intervalle, nous nous sommes rapprochés de consultants français ou marocains disposant eux-mêmes de bureaux au Maroc.
M. Arnaud FLEURY - Je me tourne vers M. Georges-Emmanuel Benhaïm, PDG de Foods and Goods . Il est logique que vous soyez notre dernier intervenant à cette table ronde car l'agroalimentaire va de pair avec la distribution. Foods and Goods est l'une des plus grosses sociétés importatrices de produits de grande consommation de marques occidentales, et pas uniquement dans le secteur de l'agroalimentaire. Quel est le panorama de la grande distribution au Maroc ?
M. Georges-Emmanuel BENHAIM - La grande distribution est passée de zéro à six cent points de vente en l'espace de vingt-cinq ans. Le mouvement s'est accompagné de l'évolution du consommateur marocain, puisque notre cible marketing est passée de 15 000 à 20 000 personnes en 1992 à plus de dix millions de personnes aujourd'hui. Nous assistons ainsi à l'émergence d'une classe moyenne et d'une société de consommation. Les 600 points de vente réalisent environ 15 % du chiffre d'affaires du commerce intérieur (qui représente lui-même 900 000 points de vente), tandis que le chiffre d'affaires de la grande distribution atteint 2,5 milliards d'euros avec une emprise de 15 %. Dans les scénarios les plus raisonnables, il est prévu que l'emprise de la grande distribution atteigne 30 % dans les années à venir, ce qui placera le Maroc dans une position similaire à celle de la Turquie. À cet égard, il convient de rappeler que l'emprise de la grande distribution sur le commerce intérieur atteint 50 % en Espagne et 70% en France.
M. Arnaud FLEURY - Hormis Carrefour, présent au Maroc à travers un franchisé, il semble que les Français soient encore rares.
M. Georges-Emmanuel BENHAIM - Hélas, mais nous intervenons justement pour développer cette présence française.
Aujourd'hui, quatre acteurs principaux sont présents au Maroc. En premier lieu, Marjane Holding (sous les enseignes Marjane et Acima) représente près de la moitié de l'activité. Le deuxième opérateur est La Belle Vie-Carrefour, avec les enseignes la Belle Vie, Carrefour, Carrefour Market et bientôt un Carrefour Gourmet. Le troisième opérateur historique est Ynna Holding (groupe Chaabi) avec l'enseigne Aswak Assalam. Enfin depuis cinq ans environ, le Turc BIM a fait une apparition très remarquée. Cet opérateur a connu un très grand succès puisque le nombre de ses points de vente atteint aujourd'hui 350, tous situés en environnement populaire. Ce fait est très intéressant car il démontre une évolution de la consommation traditionnelle vers des structures organisées.
M. Arnaud FLEURY - Pensez-vous que de grandes enseignes françaises vont arriver au Maroc ? Ces enseignes pourraient représenter un appel d'air pour des PME arrivant dans leur sillage.
M. Georges-Emmanuel BENHAIM - En 2016, les trois premiers magasins Leader Price ont ouvert à la suite d'un accord de franchise avec un groupe français. Nous aimerions voir plus d'opérateurs français et davantage de concurrence sur le marché. Personnellement je m'interroge sur la timidité des acteurs français au Maroc alors que le secteur français de la grande distribution est présent sur des destinations beaucoup plus exotiques.
M. Arnaud FLEURY - Pour un investisseur ou un exportateur français, comment gérer la question du commerce informel ou traditionnel, c'est-à-dire le petit commerce, qui reste encore une réalité ?
M. Georges-Emmanuel BENHAIM - Le sentiment sur le commerce informel au Maroc est très mitigé. Toutes les entreprises en souffrent, mais elles en bénéficient également. Aujourd'hui, le commerce informel représente environ 15 % du PIB, ce qui injecte également des revenus dans la consommation. Ces opérateurs sont clients des supermarchés, achètent des biens de grande consommation, des véhicules, consomment dans les restaurants... Près de 500 000 réfrigérateurs par an sont aujourd'hui vendus au Maroc. Ces données ne se retrouvent pas dans la comptabilité officielle, mais doivent être prises en considération lors d'une implantation au Maroc.
M. Arnaud FLEURY - Comment un exportateur français peut-il aborder le marché des souks ?
M. Georges-Emmanuel BENHAIM - C'est difficile, notamment en raison de la contrebande. Ce phénomène est actuellement cerné par diverses approches, notamment du ministère du Commerce et de l'Industrie. Aujourd'hui, le focus porte surtout sur la grande distribution et sur le réseau dit classique des supérettes et petits points de vente.
M. Arnaud FLEURY - Y a-t-il de la place pour des enseignes françaises en franchise ? Quel message souhaitez-vous faire passer à cet égard ?
M. Georges-Emmanuel BENHAIM - Il y a un engouement pour les réseaux de franchise. On compte environ 400 enseignes présentes dans tous les secteurs (vestimentaire, alimentaire, mobilier...) et 3 500 points de vente sous franchise. La France représente 50 % des enseignes présentes au Maroc. Dans le plan de développement du ministère du commerce, l'élaboration de plateformes commerciales et de malls (centres commerciaux) constitue un axe majeur.
M. Arnaud FLEURY - Que dire du commerce sur internet ? Est-il en plein développement ?
M. Georges-Emmanuel BENHAIM - En 2016, 3,5 millions de transactions ont été réalisées sur les sites marchands marocains, alors que ce chiffre était nul il y a sept ans. 35 millions d'opérations sont réalisées par carte bancaire. Ces deux chiffres croissent de l'ordre de 25 % par an. Par conséquent, le numérique est destiné à jouer un rôle important dans le développement du Maroc.
M. Arnaud FLEURY - Vous êtes le premier Vice-président de la Chambre française du commerce et d'industrie du Maroc. Dans quels secteurs sentez-vous aujourd'hui une appétence des investisseurs français au Maroc ?
M. Georges-Emmanuel BENHAIM - Je peux vous indiquer où se trouvent les opportunités, mais l'appétence doit être exprimée. Les opportunités existent en premier lieu dans les produits. Dans le domaine alimentaire, le client marocain ne consomme plus uniquement pour se nourrir, mais également pour sa santé, pour la praticité (surgelé, plats cuisinés), l'hygiène, le statutaire ou encore le plaisir. Il y a sur le marché marocain une demande d'évasion, de produits ethniques ou encore de produits labellisés. Les Marocains redécouvrent même leur terroir grâce aux produits proposés dans la grande distribution.
Cela étant, il faut dépasser ce débat marchand pour entrer dans celui des opportunités de maillage et de capillarité du secteur. Les opportunités de mise à niveau des infrastructures et des réseaux sont en effet réelles : équipement et modernisation des commerçants, supply chain , communication, plateformes logistiques et de stockage, besoins en formation, restauration en foyer, industrie agroalimentaire,... Le champ de travail est par conséquent colossal.
M. Arnaud FLEURY - Y a-t-il de la place pour le vin français au Maroc ?
M. Georges-Emmanuel BENHAIM - Je suis bien placé pour en parler puisque Foods and Goods a démarré une aventure il y a une dizaine d'années avec deux opérateurs prestigieux français du vin. Nous sommes partenaires sur une implantation d'environ 100 hectares à Meknès, et sommes aujourd'hui la septième ou huitième marque marocaine. Il y a donc de la place pour les vins français, à la condition de faire preuve de davantage d'audace et d'agressivité.
M. Mohamed FIKRAT - Je souhaite rappeler que le Maroc a consenti un effort important dans le domaine des infrastructures, notamment dans l'électrification du monde rural. Le taux de couverture dépasse désormais 98 %. Ce faisant, l'accessibilité à l'ensemble des appareils électroménagers (télévision, réfrigérateur) est désormais permise. Il s'agit par conséquent d'une opportunité importante pour les acteurs de l'industrie agroalimentaire, qui ont développé des modèles de distribution adaptés aux souks.
En second lieu, je milite au sein de la Confédération générale des entreprises marocaines (CGEM), qui est le syndicat patronal marocain. Nous avons depuis quelques mois entrepris une étude sur le commerce informel, dont les conclusions seront livrées prochainement. A ce stade, la contrebande a été chiffrée. Ce phénomène représente environ 60 000 emplois dans le Nord. La valeur ajoutée dont est ainsi privé le tissu productif marocain permettrait d'employer 70 000 personnes, dont plus du tiers dans le secteur agroalimentaire. Il existe par conséquent des opportunités dans ce domaine pour des opérateurs français ou marocains.
TABLE RONDE 3 - MIEUX VIVRE EN
VILLE :
QUELLES OPPORTUNITÉS DANS LE SECTEUR DU DÉVELOPPEMENT
DURABLE ET DES INFRASTRUCTURES ?
Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique
Ont participé à cette table ronde :
M. Saïd MOULINE, Directeur de l'Agence marocaine pour l'efficacité énergétique (AMEE)
M. Karim LAGHMICH, Directeur général de la société d'aménagement et de développement de Mazagan (projet PUMA)
M. Yassine KERROUMI, Responsable marchés internationaux de la société Fonroche
M. Arnaud FLEURY - M. Saïd Mouline, l'AMEE est l'équivalent de l'ADEME en France. La COP 22 a été un succès et s'est traduite par des annonces volontaristes pour prolonger la COP 21. Quelle est la stratégie du Maroc en matière d'énergies renouvelables ?
M. Saïd MOULINE - Comme il l'a été exposé précédemment, la stratégie de développement durable est inscrite depuis 2011 dans la Constitution de notre pays. La Charte nationale de développement durable touche tous les secteurs : agriculture, pêche, habitat,...
Pourquoi un pays du Sud, faible émetteur de gaz à effet de serre, décide-t-il d'avoir une approche de développement durable ? Le Maroc, dont le taux de développement énergétique est de 95 %, a une facture énergétique qui s'élevait à 10 milliards d'euros en 2009. À cette époque, une stratégie a été mise en place pour la transition énergétique marocaine avec deux volets : l'efficacité énergétique et les énergies renouvelables. Cette volonté politique a été orientée au plus haut niveau de l'État, qui a créé des institutions dédiées : l'agence Masen pour le développement du plan solaire et du plan éolien et hydraulique d'une part, et l'AMEE d'autre part.
Les objectifs chiffrés sont indissociables : 52 % d'énergies renouvelables dans la capacité électrique du Maroc d'ici 2030 et 20 % d'efficacité énergétique dans la totalité des domaines. L'approche choisie est par conséquent très volontariste. Dans l'agriculture, l'eau et l'énergie sont désormais gérées de façon différente que par le passé, les déchets sont valorisés et la fertilisation raisonnée.
M. Arnaud FLEURY - Est-ce déjà une réalité concrète ?
M. Saïd MOULINE - La centrale solaire de Nour est aujourd'hui installée et fonctionne. Les objectifs sont chiffrés et des institutions dédiées mettent en place les structures, en partenariat avec le secteur privé. Tous nos projets sont concrétisés dans les temps et sont financés. Le dernier parc éolien produit à un prix de 3 centimes d'euro le kilowatt/heure, le plus bas du monde. Aujourd'hui, 70 % des composants des éoliennes sont produits au Maroc. Cette stratégie claire est parvenue à attirer les investisseurs étrangers.
M. Arnaud FLEURY - Nous allons parler d'efficacité énergétique, qui constitue votre coeur de métier. Quels messages souhaitez-vous adresser aux Français dans les domaines de l'énergie solaire, de l'éolien, de l'hydraulique ou même de la biomasse ? Nous avons l'impression que les Français n'ont pas suffisamment conscience de la métamorphose du Maroc sur l'efficacité énergétique.
M. Saïd MOULINE - Les grands groupes tels qu'Engie et EDF s'implantent aujourd'hui au Maroc dans la filière de l'efficacité énergétique, après une présence dans la production d'électricité.
M. Arnaud FLEURY - Les PME françaises susceptibles de fournir des composants dans le domaine de l'énergie ont-elles conscience des opportunités qui leurs sont offertes au Maroc ?
M. Saïd MOULINE - Dans les petites applications liées aux énergies renouvelables (EnR), les PME doivent également avoir conscience du gisement qui existe au Maroc. Grâce à nos liens avec l'Ademe, un certain nombre d'entre elles connaissent déjà les opportunités de partenariats dans notre pays. En revanche, le concept d'efficacité énergétique est plus nouveau et se met en place de façon cohérente grâce à des objectifs chiffrés. En parallèle de cette politique, l'arrêt quasi total de la subvention aux énergies fossiles illustre ce changement de modèle.
M. Arnaud FLEURY - Cette politique se traduit-elle par un renchérissement du coût de l'énergie pour les industriels ? Jusqu'alors, l'énergie était réputée assez onéreuse.
M. Saïd MOULINE - Le prix de l'énergie est en effet assez élevé par rapport à celui pratiqué par les pays voisins, qui subventionnent l'énergie. Pourtant, ainsi que nous l'avons affirmé lors de la COP 22, la subvention de l'énergie est aujourd'hui un non-sens. Il faut que le tarif de l'énergie soit juste, ce qui est le cas maintenant. Ce prix correspond à un nouveau paradigme.
M. Arnaud FLEURY - Sur l'efficacité énergétique, y a-t-il de la place pour une expertise française dans le secteur des compteurs intelligents et de leurs applications, y compris dans les campagnes et dans les zones les plus difficiles ?
M. Saïd MOULINE - Le concept de smart grid (réseau électrique intelligent) est en train d'être mis en place. Néanmoins, plusieurs étapes doivent encore être atteintes dans le domaine de l'efficacité énergétique avant de parvenir aux smart grids . En particulier, des audits énergétiques doivent être menés dans tous les secteurs. Par ailleurs, des subventions en faveur des industriels menant une action en termes d'efficacité énergétique ou faisant appel aux énergies renouvelables, sont prévues. Les outils financiers favorisant l'efficacité énergétique sont déployés par les banques, ce qui est très important dans la mesure où ce domaine concerne des milliers de petits projets.
M. Arnaud FLEURY - Un développement très important à terme des compteurs intelligents peut-il intervenir au Maroc ?
M. Saïd MOULINE - Bien sûr. Il ne faut pas omettre non plus l'économie circulaire, notamment les secteurs de la valorisation des déchets et de l'eau. L'ensemble de ces secteurs sont accompagnés. Pour se développer, l'économie verte a besoin d'une réglementation, d'incitations financières, de sensibilisation et de formation. Comme pour l'aéronautique, des institutions de formation dédiés aux énergies renouvelables et à l'efficacité énergétique sont mises en place, dont l'un vient d'être inauguré à Tanger par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et par le Président Hollande. La formation est également assurée par le secteur privé.
M. Arnaud FLEURY - Sur la mobilité, qu'attendez-vous de l'expertise française ?
M. Saïd MOULINE - Le secteur des transports constitue une priorité de la politique d'efficacité énergétique, surtout dans les grandes villes. Il est obligatoire que les transports en commun soient revus, notamment pour lutter contre les phénomènes de pollution dans les grandes villes du Maroc et d'Afrique.
M. Arnaud FLEURY - Y a-t-il des opportunités pour un métro à Casablanca ?
M. Saïd MOULINE - Tous les modèles ont été étudiés. Les solutions les plus acceptables économiquement se sont pour le moment orientées vers le tramway.
M. Arnaud FLEURY - Merci à vous pour ce panorama très complet.
M. Saïd MOULINE - La réflexion sur la mobilité électrique de demain est bien engagée. De plus, dans tous les salons, est présent un volet consacré au développement durable.
M. Arnaud FLEURY - Nous allons passer la parole à M. Karim Laghmich, Directeur général de la société d'aménagement et de développement de Mazagan. Il s'agit d'un très important projet à 80 kilomètres au sud de Casablanca, réunissant l'État et l'Office chérifien des phosphates en vue du développement de villes nouvelles et de resorts au Maroc.
M. Karim LAGHMICH - Bonjour, merci à la CFCIM et à Business France de me permettre de présenter ce projet Pôle Urbain de Mazagan (PUMA). Ce projet se situe à environ 80 kilomètres de Casablanca, à trois kilomètres d'Azemmour et à quatre kilomètres d'El Jadida. Pour le mener à bien, une société d'aménagement a été constituée entre l'OCP et les domaines privés de l'État. L'objectif est également de soutenir la plateforme portuaire de Jorf Lasfar, qui est le deuxième port industriel du Maroc. Le Pôle est alimenté par l'autoroute, la nationale et le chemin de fer. Un pipeline a vu le jour depuis deux ans, de sorte que la ligne de chemin de fer sera réduite au fur et à mesure. De plus, un projet de train express régional, mené en partenariat avec l'Office national des chemins de fer (ONCF), aura pour vocation de desservir le PUMA vers le port de Casablanca en une quarantaine de minutes. Ainsi, un équilibre territorial sera réalisé entre Azemmour et El Jadida, deux villes historiques qui se tournent aujourd'hui le dos. Cette région compte également deux grands resorts au Nord sur le bord de mer, le Mazagan et le Pullman.
La topographie du projet PUMA a été guidée par les tracés préexistants. Nous avons conservé la trame agraire existante sur le terrain, d'une largeur d'environ 7,5 kilomètres. L'ensemble s'étend sur une superficie de 1 300 hectares pour une population de 134 000 habitants à l'horizon 2030. Au Nord, le paysage de forêt a été intégré et réhabilité sur le site lui-même afin de bâtir une ville verte.
Aujourd'hui, la phase prioritaire démarre sur deux volets nord et sud: un parc d'expositions et une université, tous deux ouverts.
Pour positionner le PUMA, nous avons effectué un benchmark (indicateur de référence) sur une douzaine de projets éco-durables dans le monde, sur lesquels deux ont été sélectionnés finalement, en Chine et en Australie.
Les axes retenus prioritairement ont trait à la ressource en eau, l'assainissement, les déchets, l'agro paysage, les énergies, la mobilité et l'architecture. De façon générale, les équipements participent à la durabilité et au bio-climatisme.
M. Arnaud FLEURY - Une offre française s'est-elle manifestée à l'occasion de ce passage du Maroc à la ville du XXI e siècle?
M. Karim LAGHMICH - Tout à fait. Nous travaillons déjà avec Bouygues Immobilier et d'autres entreprises sur la partie mobilité. Sur la partie financement à hauteur de cinq milliards de dirhams, la Société générale est présente.
M. Arnaud FLEURY - Que souhaitez-vous dire aux entreprises et industriels français ?
M. Karim LAGHMICH - Tout se passe très bien, nous sommes extrêmement satisfaits.
M. Arnaud FLEURY - Il y a aujourd'hui une vraie volonté de construire ces nouvelles villes et éco-quartiers au Maroc. Pourtant une telle démarche ne semble pas évidente dans un pays où l'habitat traditionnel reste encore présent.
M. Saïd MOULINE - Nous avons déjà mené des expériences dans ce domaine, notamment sur les logements sociaux. Le logement durable ne concerne pas uniquement les resorts , mais s'étend également à l'ensemble de l'habitat, ainsi qu'en atteste le programme « Maroc sans bidonvilles ».
M. Arnaud FLEURY - J'imagine que dans ce domaine également, les Français peuvent apporter leur expertise en matière de construction et de rénovation thermique.
Nous allons conclure avec M. Yassine Kerroumi et la belle histoire de la société Fonroche. Cette ETI française très spécialisée dans le domaine des énergies renouvelables, est basée dans le Lot-et-Garonne. Votre société a développé la commercialisation d'un lampadaire public solaire comportant une batterie de stockage.
M. Yassine KERROUMI - Je suis en charge des marchés internationaux au sein du groupe Fonroche, importante PME basée à Agen, de 200 personnes et réalisant environ 100 millions d'euros de chiffre d'affaires. Nous sommes présents sur quatre métiers liés aux énergies renouvelables : la production d'électricité à partir de l'énergie solaire, avec la particularité d'être impliqués sur toute la chaîne de valeur (fabrication de panneaux photovoltaïques, construction et exploitation de centrales solaires), biogaz - avec ici encore une présence sur toute la chaîne de valeur - méthanisation grande profondeur (production d'électricité à partir de la chaleur souterraine) et enfin éclairage public solaire.
Dans ce dernier domaine, nous avons mis au point une rupture technologique de niveau mondial, qui permet aujourd'hui d'éclairer les villes, les villages et même les centres commerciaux de façon totalement déconnectée du réseau électrique, avec une efficacité supérieure à l'éclairage classique. Nous ne sommes par conséquent plus tributaires du réseau électrique.
M. Arnaud FLEURY - Pendant combien de temps le stockage est-il garanti ?
M. Yassine KERROUMI - Nous garantissons 365 nuits d'éclairage par an.
M. Arnaud FLEURY - Il est donc possible de stocker pour toute la nuit.
M. Yassine KERROUMI - En effet. Nous nous sommes positionnés comme « `fournisseur de solutions », c'est-à-dire que nous analysons les besoins et fournissons des produits sur mesure pour assurer l'éclairage.
M. Arnaud FLEURY - Quelle est votre stratégie pour vendre votre offre au Maroc ?
M. Yassine KERROUMI - Nous avons démarré l'internationalisation de l'entité « Éclairage public » il y a environ trois ans. Aujourd'hui, nous sommes présents sur quatre continents, du Pakistan au Gabon. Nous avons également assuré l'éclairage du site de la COP 22. Nous nous sommes intéressés au Maroc il y a environ trois ans, après avoir contacté la CFCIM. Celle-ci nous a rapidement épaulés et présenté des décideurs publics et des partenaires commerciaux. Au bout de quelques mois de travail, nous avons sélectionné l'entreprise marocaine qui allait devenir notre partenaire, l'un des leaders de l'éclairage public au Maroc. Au bout d'un an, nous avons décroché notre premier marché, avec l'éclairage de la centrale solaire de Ouarzazate. Ce marché a représenté 30 % de notre chiffre d'affaires à l'export et nous a mis un pied à l'étrier. Aujourd'hui, le Maroc est de plus en plus perçu comme un benchmark intéressant pour les pays d'Afrique. C'est pourquoi nous avons été contactés à plusieurs reprises par des pays africains qui ont souhaité nous voir installer la même usine que celle construite à Ouarzazate.
M. Arnaud FLEURY - Où les pièces sont-elles produites ?
M. Yassine KERROUMI - Notre usine de production est située à Agen. En revanche, nos produits devant être assemblés au plus près du lieu d'installation, notre partenaire marocain est actuellement en train d'investir dans des infrastructures afin de nous permettre de rayonner, tant au Maroc que dans les pays voisins.
M. Arnaud FLEURY - Le Maroc représente par conséquent un fort axe de développement.
M. Yassine KERROUMI - Les perspectives sont en effet excellentes. Vous parliez tout à l'heure d'offre française présente sur le projet PUMA. Nous sommes en discussion pour assurer l'éclairage de cet ouvrage.
M. Arnaud FLEURY - On peut penser que le marché est infini vu le potentiel d'ensoleillement du pays et du continent.
M. Yassine KERROUMI - Tout à fait. De plus, les entreprises marocaines investissent beaucoup en Afrique pour développer des infrastructures, de sorte qu'il est possible de les y accompagner grâce à notre ancrage marocain.
M. Yvan KEDAJ - Je ne représente pas une entreprise mais j'anime un réseau regroupant 120 entreprises dont 80 TPE et PME sur les sujets de l'eau en général. Nous sommes présents à Montpellier et rayonnons sur le Languedoc-Roussillon. Depuis six ans, nous suivons les entreprises dans leur développement sur le Maroc, pays dans lequel la dimension d'accompagnement des TPE et PME est très intéressante. Je souhaite compléter l'ensemble des éléments évoqués ce matin, en mentionnant l'investissement privé ainsi que l'achat public. Il existe des moyens de faire valoir les savoir-faire et les technologies pour les voir pris en compte dans la prescription publique, afin d'être achetés par le privé. Je souhaiterais m'entretenir avec M. Mouline sur ces sujets, et notamment sur les éléments d'économie circulaire. Les TPE et PME françaises n'ont que de faibles capacités pour pouvoir prospecter.
M. Arnaud FLEURY - Monsieur Mouline, les appels d'offres pourraient-t-ils tenir compte de cette dimension ?
M. Yvan KEDAJ - J'aimerais préciser qu'il faut avoir conscience que les entreprises peuvent se faire rapidement écarter d'un appel d'offres lorsque les prescriptions ne correspondent pas à leurs spécialités. En réalité, les entreprises qui innovent ont des difficultés à être prescrites.
M. Saïd MOULINE - Nous avons souvent ce débat avec les grands donneurs d'ordres, souvent institutionnels. Il existe bien sûr des règles pour satisfaire aux cahiers des charges, de sorte qu'il est parfois nécessaire pour les entreprises de se faire accompagner par du consulting afin de se mettre à niveau. Nous l'avons vu dans différents secteurs. Je connais la problématique des TPE, dont nous avons discuté au sein de la Commission Économie Verte de notre syndicat. Les grands marchés demandent des structures d'une certaine taille, ce qui peut conduire les entreprises à travailler en groupement pour répondre à des appels d'offres. Nous avons eu ce même débat dans le domaine de l'énergie.
M. Yvan KEDAJ - Au travers des accompagnements de la région Occitanie, nous avons initié des sessions de formation destinées aux TPE de spécialités auprès des donneurs d'ordres publics dans un premier temps. Il serait en outre intéressant de s'ouvrir en complément sur la partie privative.
M. Arnaud FLEURY - Merci pour cette intervention très intéressante pour les entreprises concernées. Avons-nous des questions dans la salle ?
Un représentant de la société VALOREM (producteur d'énergies vertes) - Ma question porte sur les projets photovoltaïques. Il y a quelques années, la loi 1309 est parue pour favoriser la production des énergies renouvelables et permettre de vendre de l'électricité aux consommateurs. Il manque encore un décret sur le zonage solaire. Nous l'attendons avec impatience.
M. Saïd MOULINE - Aujourd'hui, l'accès au réseau basse tension figure dans le texte de loi mais le décret d'application n'est pas encore paru. L'accès au réseau de moyenne tension est ouvert à certaines conditions. En ce qui concerne la très haute tension, des projets sur les énergies renouvelables sont déjà déployés. La zone industrielle de Kenitra produit déjà deux mégawatts d'énergie solaire. L'autoproduction est donc autorisée et les projets se développent.
M. Arnaud FLEURY - Merci à nos trois intervenants.
CONCLUSION
M. Jean-Louis GUIGOU,
Président de l'Institut
de prospective économique
du monde méditerranéen
(IPEMED)
M. Arnaud FLEURY - M. Jean-Louis Guigou, vous êtes aujourd'hui Président de l'IPEMED, think tank de prospective créé dans le sillage de l'Union pour la Méditerranée, dont on aimerait davantage de vigueur politique. Qu'avez-vous retenu de cette journée ?
M. Jean-Louis GUIGOU - Mon intervention portera sur trois points : la vision de Sa Majesté le Roi du Maroc, l'industrialisation de l'ensemble du Nord de l'Afrique du Caire au Maroc, avec une avance considérable du second, et enfin une réflexion sur des outils de mon point de vue insuffisamment valorisés.
La vision de Sa Majesté ne me surprend pas, car c'est un homme qui voit loin. La monarchie offre du temps à la réflexion, ce que ne permet pas le système de démocratie parlementaire. Cette vision s'inscrit dans un très grand mouvement historique : la régionalisation de l'économie mondiale. Depuis la chute de cette économie mondiale en 2008, il semble impossible de revenir à un périmètre strictement national. C'est pourquoi entre le mondial et le national, le régional constitue la bonne échelle. À cet égard, il me semble que M. Trump ne parviendra pas à détruire les rapports régionaux avec le Mexique car ce pays est le quatrième acteur dans le domaine de l'automobile, après avoir créé trois millions d'emplois. Comme l'a bien vu le Roi, cette régionalisation prend la forme de l'Europe, de l'Union méditerranéenne et de l'Afrique. Nous assistons ainsi au retour de la proximité et de la complémentarité.
L'industrialisation du Maroc se dessine en un vaste mouvement qui s'appuie sur quatre tendances lourdes.
La première d'entre elles consiste à mettre en oeuvre les moyens de produire sur place, sans recourir à l'importation, pour des biens tels que les automobiles ou les énergies renouvelables. Par conséquent, une division nouvelle s'instaure. Au Sud, toutes les courbes de l'exportation et de la diversification portent sur l'industrialisation. Il se passe aujourd'hui avec les pays du Sud le même phénomène que celui connu entre le Japon et les « dragons » (Corée du Sud, Singapour,...).
Pour leur part, les industriels du Nord (Safran, Suez, Renault par exemple) qui étaient présents dans le monde entier compactent aujourd'hui les chaînes de valeur. Les grands groupes ne veulent plus prendre de risques liés aux taux de change et aux transports. Pour les PME et les PMI désireuses de s'implanter à l'international, il s'agit d'une extension de la chaîne de valeur. Au même titre, les États-Unis se sont appuyés - et continueront de le faire - sur le Mexique et la Colombie, tandis que l'Allemagne s'est appuyée sur les pays d'Europe. Les pays arabes sont en train d'accomplir leur mutation dans la douleur, mais cette situation difficile ne durera pas.
En troisième lieu, le commerce international est en pleine évolution. Le commerce Nord-Nord est en déclin car les produits sont trop chers. Le commerce Nord-Sud va se maintenir ou légèrement augmenter, étant observé que chaque pays du Nord gèrera la relation avec ses propres partenaires du Sud. En revanche, le commerce Sud-Sud connaîtra un essor considérable.
Le quatrième motif pour lequel l'industrialisation du Maroc et de l'Afrique s'accomplira tient aux délocalisations venant de Chine, estimées à 85 millions d'emplois. En effet, les salaires en Chine augmentent de 15 % par an, de sorte que les classes moyennes s'accroissent. De ce fait, les entreprises chinoises visent le Sud de l'Europe. En la matière, le Maroc a dix ans d'avance sur les autres pays du Maghreb. C'est un mouvement irréversible.
Concernant nos discussions de ce matin, j'aurais souhaité que les clusters et les technopoles, de même que la coproduction, soient davantage évoqués. Il est important de créer des clusters spécialisés, dans la mesure où les économies externes sont mal réparties. En ce qui me concerne, j'apprécie tout particulièrement les clusters pour deux raisons : l'Inde a décollé grâce à ces technopoles en allant chercher les Indiens de la diaspora et de la Silicon Valley ; de plus une étude sur les clusters en Afrique du Nord a démontré que le Maroc possédait les zones industrielles les plus adaptées. La technopole de Casablanca, en particulier, est tellement évoluée qu'elle éclipse celle de Sophia Antipolis, qui apparaît obsolète. De ce fait, les clusters européens se montrent très désireux d'opérer des jumelages avec ceux d'Afrique du Nord et du Maroc.
Sur la coproduction, il faut s'attendre à une déferlante importante de PME et PMI de 200 à 300 personnes au Maroc, dans des partenariats gagnant-gagnant. La coproduction a fait la fortune de l'Allemagne, elle fera certainement celle des relations nouvelles entre la France et le Maroc, entre le Maghreb et l'Europe.
M. Arnaud FLEURY - Comment le Maroc va-t-il gérer les impératifs de la montée en puissance du niveau de vie et la poursuite de l'industrialisation ?
M. Jean-Louis GUIGOU - J'ai omis de dire que les chefs d'entreprise disposent d'outils formidables pour les accompagner au Maroc, que ce soit la mission économique de l'Ambassade de France, l'Agence marocaine ou la Chambre de commerce et d'industrie. Peu de pays en Afrique du Nord et en Afrique subsaharienne possèdent cet appareillage d'accueil.
Pour répondre à votre question, je vais illustrer mes propos par une histoire issue de la théorie du vol d'oies sauvages d'Akamatsu, grand théoricien du décollage des pays « dragons ». Le Japon, dans les années 1955-1960, ne souhaitant pas accueillir d'immigrés coréens et taïwanais, est lui-même allé investir dans ce pays. Vingt ans plus tard, les dragons se sont développés - le vol des oies sauvages a décollé - et la Corée a procédé à des investissements plus au Sud, en Indonésie et en Malaisie.
Je tiens pour vrai ce constat des économistes, selon lequel la Méditerranée n'est plus le « cul-de-sac » de l'Europe. Le concept « Europe-Méditerranée » a été bâti en 1995, alors que les pays d'Europe étaient en pleine croissance et que les pays du Sud étaient considérés comme de simples voisins. Or désormais ces pays ne souhaitent être plus être traités comme des voisins mais comme des partenaires. L'Europe-Méditerranée s'élargit pour passer à l'Europe-Méditerranée-Afrique. L'Europe et le Maghreb sont des pivots vers l'Afrique.
Mesdames et Messieurs, si nous jouons cette complémentarité entre l'Europe (500 millions d'habitants), les pays du Sud de la Méditerranée (500 millions d'habitants) et l'Afrique subsaharienne (2 milliards d'habitants), nous aurons devant nous un siècle de croissance. Nous pourrons alors inventer un nouveau modèle de développement, différent du consumérisme qui nous a conduits à la crise de 2008.
M. Arnaud FLEURY - Merci à vous, Monsieur Guigou, pour cette merveilleuse conclusion.
ANNEXE
- Fiche de présentation du Maroc par la Chambre française de commerce et d'industrie du Maroc
DONNÉES GÉNÉRALES
SUPERFICIE : 710 850 km²
CAPITALE : Rabat
MONNAIE : Dirham marocain (MAD)
LANGUE : Arabe - Berbère
POPULATION : 33,8 millions (septembre 2014 : dernier recensement officiel)
DÉMOGRAPHIE
53,3 % de la population ont moins de 30 ans ; le taux de fécondité est de 2,13 enfants par femme ; le taux d'accroissement naturel de 1,34 % en 2015 ; le taux de natalité s'élève à 18,2 % et celui de mortalité à 4,81 % ; l'espérance de vie s'établit à 76,71 ans.
INFRASTRUCTURES
Une politique volontariste de développement des infrastructures a été initiée au début des années 2000 afin de moderniser le pays. Routes, autoroutes, ports, aéroports, ligne à grande vitesse (LGV) et lignes de tramway, villes nouvelles, zones industrielles et logistiques sont les grands chantiers qui structurent le Maroc actuel.
Le réseau routier s'étend sur 57 000 km (routes revêtues et pistes), dont 1 800 km d'autoroutes ; un réseau ferré d'une longueur de 2 200 km relie les principales villes du nord jusqu'à Marrakech ; le pays est desservi par 18 aéroports internationaux et 30 ports, dont 13 ouverts au commerce extérieur.
DONNÉES POLITIQUES
TYPE DE RÉGIME
Le Maroc est une monarchie constitutionnelle. Sa Majesté le Roi Mohammed VI, fils de feu Sa Majesté le Roi Hassan II, est à la fois chef suprême de l'État et commandeur des croyants. Le Royaume Chérifien a adopté par référendum le 1er juillet 2011 une nouvelle Constitution. Elle vise à renforcer le pluralisme politique, les droits de l'Homme et les libertés individuelles.
En vertu de la Constitution, le pouvoir exécutif est assuré par le gouvernement. Sa Majesté le Roi Mohammed VI nomme le chef du gouvernement au sein du parti politique arrivé en tête des élections législatives. Sur proposition du chef du gouvernement, il nomme les membres du gouvernement.
Le pouvoir législatif, bicaméral, est exercé par la Chambre des Représentants, composée de 395 membres élus tous les cinq ans au suffrage universel direct avec un scrutin de liste proportionnelle, et la Chambre des Conseillers, composée de 120 membres élus pour six ans au suffrage universel indirect.
LES DERNIÈRES ET PROCHAINES ÉLECTIONS
Suite au référendum de juillet 2011, des élections législatives anticipées se sont tenues le 25 novembre 2011.
Le Parti de la Justice et du Développement (PJD, islamisme modéré) a remporté les élections avec 27 % des suffrages exprimés, obtenant ainsi 107 sièges sur 395.
Conformément à la Constitution, Sa Majesté le Roi Mohammed VI a nommé le secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, chef du gouvernement.
Suite au retrait du parti l'Istiqlal en juillet 2013, un nouveau gouvernement a été formé en octobre 2013. Il est composé de membres des partis du RNI, du PPS, du Mouvement Populaire et du PDJ, avec, toujours à sa tête, M. Abdelilah Benkirane.
Les prochaines élections législatives au Maroc sont prévues le 7 octobre 2016.
LES PRINCIPAUX DIRIGEANTS
Sa Majesté le Roi Mohammed VI : Roi du Maroc depuis 1999.
M. Abdelilah Benkirane : Chef du gouvernement depuis le 29 novembre 2011.
DONNÉES ÉCONOMIQUES EN 2015
PRINCIPAUX INDICATEURS ÉCONOMIQUES PAR PAYS
• INDICATEURS |
• MAROC |
• FRANCE |
PIB |
89,6 Mds EUR |
|
Déficit public en % du PIB |
4,7 % |
|
Dette publique en % du PIB |
63,8 %* |
|
PIB par habitant |
2 662 EUR |
|
Taux de croissance |
4,5 % |
|
Taux d'inflation |
1,6 %* |
|
Taux de chômage |
9,7 % |
Sources : Haut-Commissariat au Plan
(* Chiffres provisoires)
SITUATION ÉCONOMIQUE DU PAYS
Depuis une dizaine d'années, le Maroc connaît une croissance notable. Sur la période 2011-2015, le Royaume a connu une croissance moyenne d'environ 4 % par an . Le taux de croissance s'est redressé en 2015 (4,5 %), après le recul enregistré en 2014 (2,4 %), dû à la baisse de la valeur ajoutée agricole. En 2016, le Haut-Commissariat au Plan (HCP) prévoit une chute de la croissance à 1,3 %, due notamment à la baisse de la demande en provenance de l'Europe, le principal partenaire économique et commercial du Maroc, à la réduction attendue des recettes de tourisme et à une saison agricole médiocre.
Le secteur primaire reste à ce jour le premier « employeur du pays ». On estime qu'environ 40 % de la population active dépend de cette branche d'activité.
Le secteur secondaire (intervenant pour 14 % dans le PIB) est porté par les activités d'extraction et de transformation du phosphate. Le Maroc se trouve être dans une situation très avantageuse puisque le pays possède les trois-quarts des réserves mondiales.
Enfin, le secteur tertiaire représente 58 % du PIB. Aujourd'hui, la part des activités tertiaires dans la valeur ajoutée totale s'est renforcée et représente l'essentiel du tissu productif national .
En 2014, le taux de chômage s'élevait à 9,9 % d'après les chiffres du HCP. Comme dans de nombreux pays en développement, le chômage déclaré au Maroc est principalement un phénomène urbain et frappe essentiellement les moins de 30 ans . Le taux de chômage était de 20 % parmi les jeunes âgés de 15 à 24 ans et de 38,1 % parmi les citadins de cette même population.
SITUATION FINANCIÈRE DU PAYS
Le Maroc a fait preuve de résilience malgré la crise économique et financière mondiale et les révoltes du Printemps arabe. Cependant, la situation des finances publiques a connu quelques remous , notamment au niveau du solde budgétaire et de l'endettement.
Après un déficit budgétaire record de 7,3 % du PIB en 2012, ce dernier a été ramené à 4,7 % en 2015, en ligne avec l'objectif gouvernemental de réduire le déficit à 3,5 % en 2016.
Cette évolution est essentiellement due au recul de 39 % des charges de compensation en 2015 et à la baisse des cours du pétrole. Elle reflète également le dynamisme des exportations, dont le secteur en tête est l'automobile, devant le phosphate.
Ensuite, le niveau soutenu des IDE démontre la confiance dont jouit le Maroc vis à vis des investisseurs étrangers et des bailleurs de fonds. Le Royaume a ainsi maintenu la note souveraine du pays à BBB- avec perspectives stables, accordée en 2010 par l'agence Standard & Poors .
Enfin, en janvier 2016, le FMI a reconduit jusqu'en juillet 2016 la ligne de précaution et de liquidité dont bénéficie le Maroc.
L'organisme avait déjà accordé au pays une première ligne de 6,2 Mds USD (5,5 Mds EUR) en août 2012, pour l'aider à se prémunir contre les fluctuations des cours du pétrole et les éventuelles retombées de la baisse de conjoncture en Europe. Une deuxième ligne d'une valeur de 5 Mds USD (4,6 Mds EUR) lui a été accordée en 2014, pour deux ans, dans un objectif de prémonition contre les chocs macroéconomiques externes.
POLITIQUES FISCALE ET ÉCONOMIQUE DU PAYS
Depuis plus d'une décennie, les autorités marocaines se sont lancées dans la modernisation du pays. Les pouvoirs publics, en partenariat avec le secteur privé, ont mené plusieurs réformes qui ont concerné les volets législatifs, réglementaires et institutionnels, permettant la facilitation de la pratique des affaires au Maroc (mesures liées aux privatisations et aux libéralisations systématiques, à la propriété intellectuelle, au droit des établissements, aux marchés publics, ou encore aux mouvements de biens et de capitaux). Les réformes ainsi entreprises commencent à porter leurs fruits. Logé à la 80 e place dans le classement de 2015, le Maroc remonte de 5 places selon le rapport Doing Business 2016 , portant sur l'environnement des affaires dans 189 économies à travers le monde.
Le gouvernement a également initié des politiques stratégiques contribuant à l'essor de secteurs clés. On dénombre 9 plans majeurs :
SECTEUR |
PLAN |
STRATÉGIE |
Industrie |
Pacte National pour l'Émergence industrielle (PNEI) suivi du Plan National d'Accélération Industrielle |
Développement des Métiers Mondiaux du Maroc ( offshoring , automobile, électronique, aéronautique, textile et cuir, agroalimentaire, IMME, chimie-parachimie, pharmaceutique) et aménagement de 22 Plates-formes Industrielles Intégrées (P2I). Création d'écosystèmes industriels, réduction du poids de l'informel, création d'un fonds de développement industriel. |
Agriculture |
Maroc Vert |
Développement d'une agriculture moderne et compétitive. |
Tourisme |
Visions 2010 et 2020 |
Aménagement de plusieurs zones balnéaires / Promotion du tourisme durable et de niche. |
Commerce |
Rawaj |
Assurer au consommateur une offre produit diversifiée et de qualité / Accompagner les acteurs dans leur développement. |
Pêche |
Halieutis |
Valorisation des produits de la pêche et modernisation des unités productives. |
Nouvelles Technologies |
Maroc Numeric 2020 |
Prolongement du plan Maroc Numeric 2013 pour le déploiement et la dynamisation des technologies de l'information et de la communication. |
Logistique |
Stratégie logistique nationale |
Aménagement de zones logistiques multi-flux. |
Énergie |
Plan Énergie |
Promotion des énergies renouvelables et de l'efficacité énergétique. |
Eau |
Plan national de l'eau |
Répondre aux besoins du Maroc en eau à l'horizon 2030. |
ACCORDS POLITIQUES, JURIDIQUES ET MULTILATÉRAUX
À travers les différents accords de libre-échange et les démantèlements douaniers (UE, USA, Turquie, Ligue Arabe), le Maroc est en mesure de cibler un marché potentiel de plus d'un milliard de consommateurs dans plus de 55 pays.
Le Maroc bénéficie depuis le 13 octobre 2008 du « statut avancé » auprès de l'Union européenne. Ce partenariat a permis d'intégrer progressivement l'économie marocaine au sein du marché intérieur de l'Union européenne, en démantelant les barrières douanières et en oeuvrant à une convergence des réglementations et des normes commerciales.
Au 1 er mars 2012, date marquant la fin du démantèlement douanier progressif, la zone de libre-échange pour les produits industriels est devenue effective.
Cette zone de libre-échange continuera à être renforcée dans le futur par d'autres accords à caractère commercial, tels que l'accord agricole adopté par le Parlement européen, l'accord sur la libéralisation des services et l'accord de libre-échange complet et approfondi (ALECA) d'ores et déjà en cours de négociation.
Toutefois, cette position de leader est menacée à mesure que d'autres acteurs s'imposent sur le marché marocain . En effet, le Maroc se tourne actuellement vers d'autres marchés, notamment la Russie et la Chine . Un accord de libre-échange vient d'être signé entre la Russie et la Maroc. Plusieurs secteurs sont concernés, à commencer par l'agriculture. Le Maroc envisage d'augmenter ses livraisons de produits agricoles sur le marché russe et la Russie souhaite agrandir son quota de pêche dans les eaux marocaines. En parallèle, le Maroc a récemment signé 15 conventions avec la Chine, son 4 e partenaire commercial, le 12 mai 2016.
Par ailleurs, le Maroc est membre des principales organisations internationales, telles l'OMC (1995), l'ONU (1956), le FMI et la Banque Mondiale. Il a ratifié le protocole de Kyoto, visant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre de la convention-cadre des Nations-Unies sur le changement climatique.
Enfin, d'un point de vue juridique, le Maroc a signé deux conventions internationales (Genève et New York) relatives à l'arbitrage international. Le pays reconnaît donc les sentences arbitrales rendues à l'étranger. Par ailleurs, la convention fiscale franco-marocaine de 1970 instaure le principe de non double imposition, et établit des règles d'assistance administrative et juridique réciproques en matière d'impôt sur le revenu.
COMMERCE EXTÉRIEUR
IMPORTATIONS EN 2015 : 35,6 Mds EUR
EXPORTATIONS EN 2015 : 19,7 Mds EUR
POIDS DE LA FRANCE DANS LES IMPORTATIONS DU MAROC :
13,5 % des importations du Maroc (2014)
ETAT DES LIEUX DU COMMERCE EXTÉRIEUR
Le déficit commercial s'est établi à 3,4 Mds EUR au premier trimestre de 2016 . Il est ainsi en diminution de 5,5 % par rapport à la même période de 2015, suite à une hausse des importations de 3,9 %.
Les importations les plus significatives concernent les biens d'équipements (+ 17,1 %), les demi-produits (+ 10,3 %), les biens de consommation (+ 15,7 %) et les approvisionnements en blé de (+ 10,5 %), suite à la mauvaise récolte céréalière attendue. Ces produits contribuent désormais pour plus de 70 % au total des importations.
Toutefois, cette évolution a été amortie, en partie, par le recul de la facture énergétique (- 31,3 %).
En outre, le taux de couverture des échanges de biens diminue à 60,3 %, au lieu de 60,9 % à fin mars 2015 . Il a ainsi bénéficié de la progression des exportations de nombreux secteurs, à l'instar de l'automobile (+ 11,3 %), l'agriculture et l'agroalimentaire (+ 5,5 %), l'industrie alimentaire (+ 7,4 %) et les produits de la pêche (+ 43,3 %). En revanche, les ventes de phosphates et dérivés, traditionnel secteur d'exportation, ont chuté en valeur (- 4,9 %).
Les échanges commerciaux du Maroc avec l'extérieur se sont diversifiés mais demeurent à prédominance européenne .
La France est le deuxième partenaire commercial du Maroc , cédant ainsi le premier rang à l'Espagne depuis 2012. Les importations en provenance de la France ont structurellement baissé durant la dernière décennie.
En 2014, les exportations françaises vers le Maroc se sont établies à 4,7 Mds EUR, soit environ 13,5 % du total des importations marocaines. La France a également absorbé environ 21,8 % des exportations marocaines pour un total de 3,8 Mds EUR.
La France exporte principalement vers le Maroc du blé et des produits industriels (fils et câbles pour l'électricité, matériel de transport, équipement mécanique et électronique).
Les exportations marocaines à destination de France sont essentiellement constituées de produits industriels, de produits agricoles et agroalimentaires et de produits textiles.
EXPORTATIONS VERS LE MAROC
VENTILATION DES IMPORTATIONS DU MAROC EN PROVENANCE DE FRANCE - 2013
Source : Office des Changes, Commerce extérieur du Maroc, 2013
IMPORTATIONS DEPUIS LE MAROC
VENTILATION DES EXPORTATIONS DU MAROC VERS LA FRANCE
Source : Office des Changes, Commerce extérieur du Maroc, 2013
LES INVESTISSEMENTS
La stabilité politique et l'amélioration du climat des affaires au Maroc ont eu des répercussions positives sur les flux des Investissements directs étrangers (IDE). Le nombre de nouveaux projets étrangers sur le marché marocain a progressé de 52 % entre 2013 et 2014.
La France maintient son rang de premier investisseur étranger au Maroc . Plus de 750 sociétés françaises sont installées au Maroc et emploient plus de 80 000 personnes.
IDE FRANÇAIS AU MAROC |
IDE MAROC EN FRANCE |
|
En millions EUR |
||
2014 |
752,2 |
Non disponible |
2013 |
1 319 |
Non disponible |
2012 |
919 |
Non disponible |
2011 |
763,2 |
Non disponible |
2010 |
1 830 |
Non disponible |
2009 |
1 156,2 |
Non disponible |
2008 |
940,9 |
Non disponible |
2007 |
1 273,5 |
Non disponible |
Source : Office des Changes
Les flux d'IDE français concernent principalement les services, l'ingénierie, les concessions mais également l'industrie mécanique et sidérurgique, la défense, l'électronique et les TIC.
Par ailleurs, la France s'implique particulièrement dans la modernisation de l'économie marocaine. Ainsi, plusieurs entreprises françaises développent des partenariats dans le cadre de programmes d'investissement (par exemple, le groupe Accor pour le tourisme, Alstom pour le transport, EDF pour l'énergie éolienne). L'investissement record d'une valeur de 1,2 Md EUR a été réalisé en 2012 par le groupe Renault à Tanger. Le groupe français a d'ailleurs signé le 8 avril 2016 des conventions avec le gouvernement marocain relatives à la mise en place d'un « Écosystème Renault ». Ce dernier devrait se concrétiser par 900 M EUR d'investissements industriels et la création de 50 000 emplois au sein de la filière d'après le Ministre de l'Industrie, du Commerce, de l'Investissement et de l'Économie Numérique.
ENVIRONNEMENT DES AFFAIRES ET CONSEILS PRATIQUES
LE CLIMAT DES AFFAIRES
Le Maroc est considéré comme un modèle de stabilité politique et de dynamique socio-économique dans la région, et ce, grâce à plusieurs réformes politiques et économiques qui visent l'amélioration du climat des affaires et le développement d'un environnement propice à l'investissement.
LES USAGES DU PAYS
L'arabe littéraire est la langue officielle du pays mais la majorité des Marocains parlent le Darija (arabe dialectal). Le français reste à ce jour la langue étrangère de prédilection, particulièrement parmi la population instruite et aisée. En outre, le français est la langue des affaires.
Les administrations et les banques sont ouvertes de 8H30 à 16H30. Les horaires d'ouverture des magasins ne sont pas homogènes. La plupart des magasins sont ouverts le matin de 10h00 à 13H00 et l'après-midi de 15H00 à 20H30. Les petits commerces, notamment les épiceries au détail, sont ouverts toute la journée et ferment tard le soir.
La période du Ramadan bouleverse l'activité économique du pays. Les horaires de bureaux et d'ouverture des magasins sont adaptés aux horaires des repas pris au coucher du soleil.
CONSEILS PRATIQUES
Conditions d'entrée : passeport en cours de validité et couvrant la durée du séjour.
Taux de change : 1 EUR = 10,97 MAD (juin 2016).
Décalage horaire par rapport à Paris : 1 heure de moins qu'en France, l'été et l'hiver, hors période de Ramadan (2 heures de moins).
LES PRATIQUES COMMERCIALES DU PAYS
Apparente proximité culturelle
Même si l'on trouve les mêmes appellations administratives ou les mêmes produits, il serait dangereux de penser que la France et le Maroc fonctionnent de la même façon.
Il est important pour une entreprise qui souhaite travailler au Maroc qu'elle sache prendre le temps de découvrir la culture marocaine. Cet apprentissage lui permettra de comprendre le véritable fonctionnement du Royaume, d'un point de vue politique, religieux, sociologique, hiérarchique et même humoristique. Grâce à ces constats, son approche sera plus humble, plus adaptée et donc plus efficace. Une présence régulière ainsi qu'une écoute et un dialogue respectueux et attentif permettront d'établir une relation durable et gagnant-gagnant.
Règles de communications
L'utilisation courante du français dans le monde des affaires et au sein de l'administration constitue un atout majeur pour les exportateurs et investisseurs français. Lors des contacts professionnels et personnels, les mêmes règles de bienséance sont appliquées au Maroc qu'en France. Cependant, certaines règles doivent être connues afin de faciliter les relations d'affaires. Au Maroc, comme dans tous les pays arabes, il est difficilement envisageable de commercer ou de contracter sans établir au préalable des relations chaleureuses et cordiales.
Règlementations de base - ou référentiel à consulter
Les lois appliquées au Maroc découlent principalement de la législation française, peu de différences existent entre les deux pays.
Mode de règlement
Pour les entreprises étrangères, le mode de règlement des factures se décide entre les parties concernées. Il n'existe pas de règle générale à ce sujet. L'entreprise peut exiger un paiement à la livraison ou le versement d'acomptes ; ceux-ci ne devront pas excéder 30 % du montant total pour les biens et 20 % pour les services.
Concernant les entreprises basées au Maroc, elles peuvent s'entendre sur un délai, à condition que celui-ci n'excède pas 90 jours, ou procéder au règlement au bout du délai obligatoire. Celui-ci est fixé par 2 textes qui prévoient des pénalités en cas de retard de paiement. Tout d'abord le code de commerce fixe le délai à 90 jours, puis la loi 32-10, entrée en vigueur au 1er janvier 2013, fixe le délai de paiement obligatoire à 60 jours. Il faut noter que cette loi n'a pas abrogé l'article du code de commerce fixant le délai de paiement obligatoire à 90 jours. Par conséquent, les deux délais peuvent être appliqués. Néanmoins, l'application de la loi 32-10 pose problème au regard de la règlementation du code de commerce et du décret 2-03-703 sur les intérêts moratoires, qui régit les délais de paiement dans le cadre des marchés publics.
Litiges commerciaux
Les différents de nature commerciale sont portés devant les juridictions commerciales qui existent au Maroc depuis 1998. Compte tenu des lenteurs administratives, ainsi que du recouvrement fait totalement en arabe, l'arbitrage, national ou international, peut être une bonne alternative de règlement des litiges. Dans le souci d'offrir plus d'attrait aux investisseurs étrangers, les dispositions du code de procédure civile sur l'arbitrage (loi 08-05 du 30 novembre 2007) ont profondément été remaniées et, par la même occasion, la médiation a été introduite de manière formelle comme mode alternatif de règlement des conflits .
PUBLICATIONS BUSINESS FRANCE SUR LE MAROC
http://export.businessfrance.fr/maroc/librairie-specialisee.html
* ( 1 ) Membres du groupe interparlementaire d'amitié France-Maroc : M. Christian CAMBON, Président , M. David ASSOULINE, Vice-président, M. Ronan DANTEC, Vice-président, M. Alain GOURNAC, Vice-président, Mme Christiane KAMMERMANN, Vice-présidente, Mme Bariza KHIARI, Vice-présidente, Mme Hermeline MALHERBE, Vice-présidente, M. Hervé MARSEILLE, Vice-président, M. Dominique WATRIN, Vice-président, Mme Leila AÏCHI, M. Dominique BAILLY, Mme Annick BILLON, M. Michel BILLOUT, M. Jean-Pierre BOSINO, M. Michel BOUVARD, M. Olivier CADIC, M. Jean-Pierre CAFFET, M. Jean-Pierre CANTEGRIT, M. Pierre CHARON, M. Yvon COLLIN, M. François COMMEINHES, M. René DANESI, M. Vincent DELAHAYE, Mme Marie-Hélène DES ESGAULX, M. Jean-Léonce DUPONT, Mme Josette DURRIEU, M. Hubert FALCO, Mme Françoise FÉRAT, Mme Corinne FÉRET, M. François FORTASSIN, M. Jean-Paul FOURNIER, M. Christophe-André FRASSA, Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM, M. Jacques GAUTIER, M. Jacques GENEST, Mme Catherine GÉNISSON, Mme Dominique GILLOT, M. Jean-Pierre GRAND, M. Daniel GREMILLET, M. François GROSDIDIER, M. Charles GUENÉ, M. Jean-Noël GUÉRINI, Mme Annie GUILLEMOT, M. Loïc HERVÉ, Mme Odette HERVIAUX, M. Philippe KALTENBACH, M. Roger KAROUTCHI, Mme Fabienne KELLER, M. Claude KERN, Mme Françoise LABORDE, Mme Élisabeth LAMURE, M. Jean-Yves LECONTE, M. Philippe LEROY, Mme Anne-Catherine LOISIER, M. Hervé MAUREY, Mme Michelle MEUNIER, M. Jacques MÉZARD, Mme Catherine MORIN-DESAILLY, M. Christian NAMY, M. Jackie PIERRE, M. Henri de RAINCOURT, M. Bruno RETAILLEAU, M. Bruno SIDO, M. Simon SUTOUR, M. Jean-Louis TOURENNE, M. Alain VASSELLE et M. Jean-Pierre VIAL
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N° GA 143 - Mars 2017
* 2 Voir le rapport n° GA 142 : « Le Maroc : le pays des défis » (décembre 2016)