B. LE RETOUR À LA DÉMOCRATIE PARLEMENTAIRE
Après 50 ans de totalitarisme, la Lituanie a
choisi de
renouer avec le parlementarisme, déjà en vigueur dès la
fin de la première guerre mondiale.
La Constitution, approuvée par 56 % des électeurs, lors du
référendum du 25 octobre 1992, comprend
154 articles. Elle met en place un régime parlementaire
caractérisé par une séparation souple des pouvoirs.
Néanmoins, certaines dispositions rappellent les régimes
présidentiels.
Le pouvoir législatif monocaméral est constitué d'une
Diète, le Seimas. Le pouvoir exécutif est composé du
Président de la République et d'un Premier ministre. La
délégation sénatoriale souhaite en outre insister sur la
présence d'un contrôle de constitutionnalité et sur la mise
en place d'une véritable décentralisation.
1. La mise en place d'un régime parlementaire spécifique
a) Le bicéphalisme de l'exécutif
Le
pouvoir exécutif de la République de Lituanie est composé
du Président de la République et d'un Gouvernement dirigé
par un Premier ministre.
Le Président de la République
Elu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans, renouvelable une
fois, le Président de la République M. Valdas Adamkus, a
été élu au second tour le 5 janvier 1998 avec
une avance de 0,74 % sur M. Paulanskas.
Il a succédé à M. Algirdas Brazauskas,
Président de la République de 1993 à 1998 et que le groupe
a rencontré à de nombreuses reprises.
Conformément à la constitution, le Président dirige la
politique étrangère, signe les accords internationaux, proclame
l'état d'urgence, nomme les ambassadeurs ainsi que le Premier ministre
après accord de la Diète. Il confirme, en outre, la composition
du Gouvernement. Il peut mettre fin aux fonctions des différents
ministres sur proposition du Premier ministre. Il présente chaque
année à la Diète un rapport sur la politique
intérieure et étrangère. Il peut demander au Seimas une
nouvelle délibération sur la loi.
Il peut dissoudre le Parlement, sous réserve des conditions
posées par l'article 58, mais peut être révoqué
par la Diète nouvellement élue conformément à
l'article 87 de la Constitution.
En cas de décès, démission ou autres cas de force majeure,
mais aussi pendant ses déplacements à l'étranger, le
Président de la Diète assure l'intérim, mais ne peut
convoquer d'élections législatives anticipées ni nommer ou
révoquer des ministres sans l'accord de l'Assemblée.
Les candidats au poste doivent être citoyens lithuaniens de naissance,
être âgés d'au moins 40 ans, avoir résidé
dans le pays au cours des trois dernières années et être
éligibles à la Diète. Est élu celui qui recueille,
au premier tour, la majorité des suffrages représentant au moins
la moitié des votants si la participation a dépassé
50 % des inscrits, ou le tiers dans le cas contraire. Si ces conditions ne
sont pas satisfaites, un deuxième tour est organisé 14 jours
après le premier, entre les deux candidats arrivés en
tête : la majorité simple suffit alors. L'élu doit
renoncer à toutes ses activités politiques.
Signalons que le Président lituanien, de part son élection au
suffrage universel direct et les pouvoirs qui lui sont attribués, joue
un rôle plus important que ses homologues letton et estonien élus
par le pouvoir législatif.
Depuis, M. V. Landsbergis, les présidents de la République
de la Lituanie ont joué un rôle éminent dans le retour
à la démocratie.
M. Landsbergis a été " l'homme clé " de
l'indépendance lituanienne de 1990 à 1993. La lassitude de
l'électorat devant la crise économique persistante -comme ont
connue tous les pays de l'ancienne Europe de l'Est ayant accédé
à l'indépendance- a permis à A. Brazauskas, ancien
Premier secrétaire du parti communiste de Lituanie, d'accéder
à la Présidence de la République de 1993 à 1998. M.
A. Brazauskas s'est illustré par son pragmatisme à la tête
de Lituanie. Comme il ne souhaitait pas briguer un second mandat, la Lituanie a
porté à sa tête M. V. Adamkus,
lituano-américain, classé au centre droit, qui a recueilli
49,87 % des voix contre 49,31 % pour M. Paulanskas, ancien
procureur général.
Le Gouvernement
Le Gouvernement de la République de Lituanie est composé du
Premier ministre et des ministres.
Le Gouvernement administre les affaires du pays, assure l'inviolabilité
du territoire de la République de Lituanie, garantit la
sécurité de l'Etat et l'ordre public ; il exécute les
lois et les résolutions du Seimas sur l'application des lois ainsi que
les décrets du Président de la République et coordonne
l'activité des ministres et des autres institutions gouvernementales. Il
prépare le projet de budget de l'Etat et le soumet au Seimas, assure
l'exécution du budget de l'Etat et soumet au Seimas le compte rendu de
son exécution. En outre, il prépare les projets de loi et les
soumet au Seimas pour examen, il noue des liens diplomatiques et entretient des
relations avec les Etats étrangers et avec les organisations
internationales.
Le Gouvernement est solidairement responsable devant le Seimas. Il appartient
au Premier ministre de diriger l'activité du Gouvernement.
Celui-ci doit démissionner lorsque le Seimas n'approuve pas, deux fois
de suite, le programme du Gouvernement nouvellement formé et lorsque le
Seimas, à la majorité des votes de l'ensemble de ses membres et
au scrutin secret, exprime la défiance à l'égard du
Gouvernement ou du Premier ministre. Cette démission est de droit
lorsque le Premier ministre démissionne ou décède ou
après l'élection du Seimas, lorsqu'un nouveau Gouvernement a
été formé.
Par ailleurs, un ministre doit démissionner lorsque plus de la
moitié de l'ensemble des membres du Seimas a voté, au scrutin
secret, la défiance à son encontre
3(
*
)
.
Ingénieur et économiste de formation, l'actuel Premier ministre,
M. Vagnorius, que la délégation sénatoriale a pu
rencontrer, occupe ce poste depuis le mois de novembre 1996, date de la
victoire des conservateurs et des démocrates chrétiens aux
élections législatives. Après une année de
cohabitation avec M. Brazauskas, M. Vagnorius a été
reconduit dans ses fonctions par M. Adamkus. Un remaniement
gouvernemental, entamé fin mars 1998, s'est achevé
début mai avec l'arrivée de trois nouveaux ministres. Par
ailleurs, un amendement à la loi sur le Gouvernement, adopté le
28 avril, a limité le Gouvernement à 14 ministres
(contre 17 précédemment) et surtout a supprimé le
poste de ministre des affaires européennes (remplacé par une
structure rattachée au Premier ministre).
b) Le choix du monocaméralisme
Trois
raisons essentielles peuvent être invoquées pour expliquer ce
choix du monocamérisme que l'on retrouve dans les trois
Républiques baltes.
Tout d'abord des parlementaires baltes ont reconnu que dans l'urgence
législative suscitée par l'indépendance et la
nécessité d'aller vite dans la refonte des institutions et de
l'ensemble de la législation dans tous les domaines d'activité,
l'instauration d'une seule Chambre est apparue plus judicieuse. De même,
la taille de ces pays a été déterminante dans le choix du
monocamérisme. La Lituanie compte moins de 4 millions d'habitants,
l'Estonie 1,5 millions d'habitants et la Lettonie à peine
2,6 millions. Enfin, le fonctionnement d'un Parlement monocaméral
est moins coûteux que celui de deux assemblées. La situation
économique de ces jeunes Républiques au début des
années 1990 justifie une telle restriction.
La Diète lituanienne compte 141 membres élus pour quatre ans
au suffrage universel direct. La loi électorale révisée en
juin 1996 organise un système mixte de désignation, associant
scrutin de liste proportionnelle et scrutin majoritaire à deux tours.
Tous les citoyens d'au moins 25 ans -à l'exception des militaires,
policiers, gardes nationaux- peuvent être élus.
Des élections anticipées au Seimas peuvent être
organisées par décision du Seimas, adoptée par une
majorité d'au moins trois cinquièmes des voix de l'ensemble de
ses membres. C'est le cas également :
- si le Seimas n'a pas pris de décision sur le nouveau programme du
Gouvernement dans les trente jours qui suivent sa présentation, ou si le
Seimas a désapprouvé deux fois de suite le programme du
Gouvernement dans les soixante jours qui suivent sa première
présentation ;
- sur proposition du Gouvernement, si le Seimas exprime sa défiance
au Gouvernement.
Après avoir prêté serment, un membre du Seimas ne peut pas
exercer d'autres fonctions dans des institutions ou des organisations de
l'Etat, ni avec un emploi dans les affaires, dans le commerce et au sein
d'autres institutions ou entreprises privées. Il existe en outre une
incompatibilité entre la fonction de membre du Seimas et une
activité ministérielle.
Les compétences du Seimas sont très larges (art. 107),
à l'instar du Parlement letton et estonien : initiative
législative concurremment avec le Président de la
République et le Premier ministre, adoption des lois, acceptation ou
rejet de la candidature du Premier ministre, examen et approbation
éventuelle du programme du Gouvernement, contrôle de
l'activité du Gouvernement via l'éventuelle défiance
envers le Premier ministre ou un ministre, -par le biais notamment du
procédé de l'interpellation-, ratification des traités,
fixation des impôts et des prélèvements obligatoires,
révocation du Président de la République dans certaines
conditions...
De plus, le Seimas examine et adopte les amendements à la Constitution,
ces derniers devant être votés en termes identiques à trois
mois d'intervalle, à la majorité des trois cinquièmes. En
outre, il décide des référendums, établit les
institutions d'Etat, nomme les juges, le contrôleur d'Etat et le
Président du Bureau de la Banque de Lituanie, convoque les
élections municipales et déclare l'administration directe,
l'état de guerre et l'état d'urgence.
Il existe une procédure d'impeachment applicable au Président de
la République, aux députés et aux juges des trois Cours
constitutionnelle, suprême et d'appel.
Sur le plan de l'organisation, le Seimas comprend 13 commissions.
Le Bureau est composé tout d'abord du Président de la
Diète (M. V. Landsbergis depuis novembre 1996) qui assure
l'intérim du Président de la République et signe les lois
qui ne l'auraient pas été par le Chef de l'Etat dans les
délais prescrits par la Constitution (article 71 de la
Constitution). Sont ensuite membres du bureau, quatre vice-présidents
(deux conservateurs, un chrétien démocrate et un centriste
actuellement) ainsi qu'un chancelier qui prépare l'ordre du jour et
supervise l'examen des projets de loi. Ce dernier est en outre responsable du
travail du personnel du Seimas.
On notera, par ailleurs, l'existence d'une conférence des
Présidents. La Seimas se réunit deux fois par an pour deux
sessions ordinaires (10 mars - 30 juin pour la session de
printemps ; 10 septembre - 23 décembre pour la session
d'automne). Selon l'article 64 de la Constitution, le Seimas peut
décider de prolonger une session. Il est convoqué en session
extraordinaire par le Président du Seimas sur proposition d'au moins un
tiers de l'ensemble des membres du Seimas, et par le Président de la
République dans les cas prévus par la Constitution.
L'opposition dispose d'un réel pouvoir d'initiative législative
ainsi que les citoyens lithuaniens puisqu'aux termes de l'article 68, un
projet de loi peut être présenté au Seimas par
50.000 citoyens possédant le droit de vote.
Actuellement, les membres du Seimas ont été élus au mois
de novembre 1996. Sur les 137 sièges pourvus le
10 novembre 1996, le parti conservateur compte
70 députés, le parti chrétien-démocrate
16 députés, l'Union du centre 13 députés,
le parti social démocrate 12 députés, le parti
démocratique du travail 12 députés et le parti des
" divers indépendants " 14 députés. Pour
former un groupe parlementaire, 3 députés sont
nécessaires. Parmi les membres du Seimas, 18 % sont des femmes,
96 % sont d'origine lituanienne, plus de la moitié résident
à Vilnius, un tiers des députés ont été
réélus en 1996 et l'âge moyen se situe autour de
50 ans.
La délégation sénatoriale se félicite d'avoir eu
un long entretien avec le Président Landsbergis avec lequel le groupe
sénatorial entretient depuis toujours des relations de profonde
amitié.
c) La présence d'un contrôle de constitutionnalité effectif et l'organisation de la justice
La
Cour constitutionnelle a été mise en place en 1993. C'est le
titre VIII de la Constitution (articles 102 à 108) qui en fixe
les modalités.
Elle est composée de 9 juges désignés pour un mandat
de neuf ans non renouvelable. C'est la Diète qui les nomme par tiers,
tous les trois ans, à parité parmi les candidats choisis par le
Président de la République, le Président de la
Diète et celui de la Cour suprême.
Conformément à l'article 105 de la Constitution, la Cour
constitutionnelle examine et adopte les décisions relatives à la
conformité des lois de la République de Lituanie et les actes du
Seimas à la Constitution de la République de Lituanie.
La Cour constitutionnelle statue également sur la conformité
à la Constitution et aux lois :
- des actes du Président de la République ;
- des actes du Gouvernement de la République.
La Cour constitutionnelle donne un avis sur la question de savoir :
- s'il y a eu violation des lois électorales pendant les
élections du Président de la République ou des membres du
Seimas ;
- si l'état de santé du Président de la
République lui permet de continuer à exercer des fonctions ;
- si des accords internationaux conclus par la République de
Lituanie ne sont pas contraires à la Constitution.
La Cour constitutionnelle est saisie par le Gouvernement, le cinquième
des députés, les tribunaux et le Président de la
République.
Conformément à l'article 11 (titre IX) de la
Constitution, les tribunaux de la République de Lituanie sont la Cour
Suprême, la Cour d'appel, les tribunaux, les tribunaux de district et les
tribunaux de canton.
Les juges de la Cour Suprême et leur Président qui en est issu,
sont nommés et révoqués par le Seimas sur proposition du
Président de la République (article 112). Les juges de la
Cour d'appel sont nommés par le Président de la
République. En outre, c'est ce dernier qui nomme seul les juges et les
présidents des tribunaux de district, des tribunaux de canton et des
tribunaux spécialisés.
Par ailleurs, la double nationalité n'est pas reconnue. Il n'y a pas de
religion d'Etat, mais l'Etat reconnaît les églises
traditionnellement influentes.
Les quatre premiers titres de la Constitution lituanienne concernent l'Etat
lituanien, l'individu et l'Etat, la Société et l'Etat et enfin
l'économie nationale et le travail.
d) Une organisation territoriale décentralisée
Le
titre X de la Constitution (articles 119 à 124) a trait
à l'autonomie et à l'administration locales.
Lors des dernières élections locales de mars 1997,
1.484 conseillers ont été élus dans 56 villes et
districts. Les conservateurs ont remporté cette élection
puisqu'ils détiennent 30 Conseils.
Il s'agit bien d'une décentralisation organisée par la loi. Les
collectivités locales, conformément à l'article 121
de la Constitution, élaborent et approuvent leur budget et ont le droit,
dans les limites et selon la procédure établies par la loi, de
fixer les taxes locales. Elles peuvent prévoir des impôts et des
redevances au compte de leur propre budget.
Néanmoins des représentants nommés par le Gouvernement
contrôlent le respect de la Constitution et des lois et
l'exécution des décisions du Gouvernement par les
collectivités locales.
Le mandat des membres des Conseils des collectivités locales est
fixé par la Constitution à deux ans.
La délégation du groupe a pu rencontrer les autorités
locales de Vilnius, Kaunas, Klaipéda et de la presqu'île de
Nerija. Elle tient à souligner le dynamisme de ces élus. Ainsi,
Vilnius n'en finit pas de rajeunir et de se moderniser ; Kaunas a mis en
oeuvre un Forum de développement économique qui regroupe
élus et entrepreneurs ; Klaipéda est en pleine expansion.
Avec un volume de plus de 16 millions de tonnes, le port de
Klaipéda, dont la délégation sénatoriale a pu
mesurer l'étendue, se développe de façon spectaculaire.
Des pourparlers sont en cours afin de rapprocher ce port avec celui du Havre.
Enfin, ayant eu la possibilité de passer deux jours sur la
presqu'île de Nerija, la délégation sénatoriale a pu
mesurer les efforts accomplis par les autorités locales pour ouvrir cet
endroit magnifique au tourisme. Le petit port de pêcheurs, la maison de
Thomas Mann, les dunes quasi-sahariennes de Neringa, les stèles
ethnographiques, les festivals musicaux et la présence de plages
magnifiques sont autant d'atouts qui constituent pour ce lieu de
véritables opportunités pour un développement touristique.