B) La naissance du Zaïre
L'ambition du Président Mobutu ne se borne cependant pas à la restauration de la paix civile dans son pays ; il veut lui imprimer sa marque.
Il fonde en 1967 le Mouvement Populaire de la Révolution (MPR), conçu comme un parti-État auquel chaque citoyen est censé appartenir puis inaugure en 1971. la politique d'authenticité.
Celle-ci se traduit d'abord par la proclamation en 1971 du Zaïre comme nouveau nom de l'État du fleuve et de la monnaie.
Puis ce sont les prénoms chrétiens qui doivent céder la place aux prénoms africains, le costume européen et notamment le port de la cravate qui sont bannis.
Ces décisions symboliques sont bien accueillies, tant à l'intérieur du pays qu'en Afrique comme des marques de restauration d'une dignité africaine 1 ( * ) .
En revanche, la population ressent durement les conséquences négatives de la "zaïrianisation" de l'économie entreprise en 1973. Cette nationalisation hâtive chasse les cadres européens et mine la confiance des investisseurs étrangers. Á ce désordre économique s'ajoute la nouvelle donne mondiale qui conduit les deux grands blocs à se détourner de l'Afrique et retire de ce fait au Zaïre sa position stratégique. Le pays s'enfonce dans la confusion.
C) Des péripéties politiques d'une rare complexité
Le Zaïre voit alors s'instituer deux Premiers ministres rivaux et une conférence nationale s'ériger en organe législatif, sans parvenir à évincer le Parlement en fonction.
Au sein de ce désordre, la personnalité du Président Mobutu constitue un élément de relative stabilité.
Loin d'être pris au dépourvu, le Président a pressenti l'opposition croissante suscitée par son style de Gouvernement ; il sait alors faire preuve de souplesse.
Il ouvre ainsi la voie dans son message à la Nation du 24 avril 1990 au pluralisme politique et syndical, puis réunit, un an plus tard, une Conférence Nationale Souveraine (CNS), présidée par la haute personnalité morale qu'est Mgr Monsengwo. Archevêque de Kisangani.
Le CNS où l'opposition est majoritaire souhaite organiser la transition vers de nouvelles institutions ; elle investit alors Etienne Tshisekedi dirigeant de l'Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) au poste de Premier ministre et instaure un nouvel organe législatif le Haut Conseil de la République. Le Président Mobutu récuse ces décisions, et renouvelle sa confiance au Gouvernement de Faustin Birindwa. et à l'Assemblée nationale en place.
La crise ponctuée par deux pillages successifs de Kinshasa par les troupes payées en nouveaux zaïres, refusés par les commerçants se dénoue avec l'investiture à la primature d'un dirigeant de l'opposition modérée. M. Léon Kengo Wa Dondo. le 6 juillet 1994.
Bien que disposant de la confiance de la communauté internationale. M. Kengo doit faire face à une situation très dégradée.
Tout d'abord, les partenaires occidentaux du Zaïre qui ont dû évacuer leurs ressortissants à deux reprises depuis 1990 ont suspendu leur coopération comme leurs investissements.
Quant à l'assise politique intérieure du Gouvernement Kengo, elle a initialement pâti de la persistance de l'opposition radicale d'Etienne Tshisekedi. qui conteste toujours son éviction de la primature. L'entourage du chef de l'État sinon le Président lui-même s'est également engagé dans un combat plus ou moins feutré pour maintenir son pouvoir de nomination à certains postes-clés.
Enfin l'état de dénuement extrême de la population surtout urbaine comme la carence de l'État qui ne paye plus depuis longtemps ses fonctionnaires, et n'exerce qu'une influence très réduite sur les provinces, inscrivent l'action du Gouvernement dans un contexte très difficile.
Cependant l'action du Premier ministre a été positive en matière notamment de redressement économique et financier ce qui lui vaut l'appui du FMI.
Sur le plan politique, l'adoption le 9 avril 1994 de l'Acte constitutionnel de transition - reconduit pour deux ans le 9 juillet 1995 - a normalisé la situation.
L'opposition modérée s'accorde avec le Président Mobutu pour considérer l'échéance du mois de juillet 1997 comme devant impérativement constituer le terme de la transition.
Le calendrier envisagé prévoit un référendum constitutionnel d'ici la fin de 1996 et s'il est adopté, des élections présidentielles et législatives qui donneront une légitimité démocratique aux nouvelles institutions.
* 1 Cf. Mobutu : "Dignité pour l'Afrique" éd. Albin Michel - 1989