B) Du contrôle de l'application des lois à l'évaluation de la législation

a) Un nombre croissant de textes sont assortis d'un dispositif interne de contrôle, pouvant aller de la simple exigence d'un rapport d'application jusqu'à la mise en place de mécanismes d'évaluation.

C'est le cas de la loi de 1988 sur le revenu minimum d'insertion, qui a prévu une limitation dans le temps du texte légal et le dépôt d'un nouveau projet de loi tenant compte des conclusions d'un rapport d'évaluation. Quant à la loi quinquennale sur l'emploi de 1993, elle prescrivait quatre rapports gouvernementaux d'exécution, et un rapport parlementaire d'évaluation.

Il faut observer, à ce propos, qu'une grande partie de ces rapports sont demandés par voie d'amendements parlementaires, députés et sénateurs manifestant ainsi, dès l'élaboration de la loi, leur volonté de disposer d'un document de synthèse leur permettant d'apprécier pleinement les conditions d'application des réformes auxquelles ils ont contribué.

b) La démarche évaluative a incité les assemblées à réorienter la logique de fonctionnement des dispositifs existants

*C'est ainsi qu'à l'Assemblée nationale, la Conférence des Présidents a décidé de définir, par session, un ou deux thèmes susceptibles de faire l'objet d'une évaluation. C'est dans ce cadre qu'a été créée en mai 1990 une mission d'information chargée de l'évaluation de la législation concernant le logement et l'urbanisme, qui a rendu son rapport en mars 1991.

*En juin 1990, une modification du Règlement intérieur de 1'assemblée a permis la création de missions d'information temporaires, éventuellement communes à plusieurs commissions, portant notamment sur les conditions d'application d'une législation. Depuis lors, la formule de la mission d'information commune a été largement utilisée (cf. en 1995 : mission d'information commune sur les problèmes généraux liés à l'application des lois).

*Depuis peu, la mission assignée aux commissions d'enquête et de contrôle et aux missions d'information tend à évoluer vers une démarche évaluative de telle ou telle politique sectorielle, ou de telle ou telle législation ; en témoigne la liste des thèmes retenus ( par exemple au Sénat, en 1997-1998 : Politique énergétique de la France ; Conséquences pour l'économie française de la réduction de la durée du travail à 35 h hebdomadaires ; à l'Assemblée nationale, en 1996 : Aides à l'emploi) ; l'augmentation soudaine de leur nombre depuis 1989 est aussi significative.

c) Le besoin d'évaluation a suscité la création de nouvelles structures

Elles ont été brièvement évoquées lors de l'exposé concernant le contrôle de 1'action gouvernementale ; il s'agit des Offices parlementaires d'évaluation, qui devraient permettre au Parlement de jouer un rôle accru dans la production d'études à caractère évaluatif.

Un Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques existait déjà depuis 1983 (loi n° 83-609 du 8 juillet 1983) ; deux nouveaux Offices parlementaires d'évaluation de la législation et des politiques publiques ont été créés par deux lois du 14 juin 1996 (n° 96-516 et 96-517), issues de propositions parlementaires.

De structure et de fonctionnement similaires, les trois Offices ont des champs et des moyens d'intervention distincts.

*Ce sont des structures strictement paritaires, dont les membres sont désignés dans chaque assemblée à la proportionnelle des groupes politiques. La présidence est exercée alternativement par un membre de l'une puis de l'autre assemblée.

Ils sont saisis par le Bureau de l'une ou l'autre assemblée, par une commission permanente ou spéciale, ou à la demande d'un Président de groupe politique.

*L'Office d'évaluation des choix scientifiques et technologiques a, par définition, un domaine d'intervention restreint. Chargé "d'informer le Parlement sur les conséquences de choix de caractère scientifique et technologique, afin, notamment, d'éclairer ses décisions", l'Office "recueille des informations, met en oeuvre des programme d'étude et procède à des évaluations". Il est assisté d'un conseil scientifique 5 ( * ) .

L'Office d'évaluation de la législation est investi d'une double mission : d'une part, rassembler des informations et examiner l'adéquation de la législation aux situations qu'elle régit, mais sans préjudice des compétences des commissions permanentes ; d'autre part, effectuer une simplification de la législation 6 ( * ) .

L'Office d'évaluation des politiques publiques informe le Parlement sur l'efficacité des politiques, c'est-à-dire la conformité de leurs effets à ceux qui étaient attendus (évaluation rétrospective), et lui fournit des études sur les moyens juridiques, administratifs ou financiers nécessaires pour atteindre les objectifs d'une politique publique en projet (évaluation prospective). Les missions de contrôle budgétaire demeurent toutefois de la compétence exclusive des commissions des Finances des deux assemblées.

Les Offices détiennent, pour accomplir leurs missions des pouvoirs d'information, et peuvent faire appel à des experts. Leurs travaux sont communiqués à l'auteur de la saisine, qui décide de la publication.

Ces structures nouvelles ne portent pas atteinte aux prérogatives des commissions permanentes, qui demeurent les principaux organes compétents en matière de contrôle de l'application des lois. Les commissions du Sénat exercent, rappelons-le, un rôle de plus en plus actif en ce domaine, en mobilisant toutes les ressources du contrôle parlementaire (questions, commissions d'enquête, missions d'information...).

***

Il faut évoquer, en conclusion, les limites de l'efficacité du contrôle de l'application des lois.

Dans son dernier rapport publié, concernant la Xème Législature et l'année parlementaire 1996-1997, le Sénat observe que le délai de 6 mois théoriquement imposé pour la parution des mesures d'application est rarement respecté, et que la majorité des dispositions législatives n'entrent en vigueur qu'au bout d'un à deux ans.

Cette carence semble toutefois moins imputable à un "mépris" du législateur qu'aux rigidités du système de décision et de réaction de l'exécutif, et relève d'une série de causes traditionnellement identifiées comme génératrice de retards : saisine préalable du Conseil d'État, difficultés techniques particulières, réticences des organisations professionnelles. S'y ajoutent l'expérimentation préalable nécessaire à la mise en oeuvre de certains dispositifs, les consultations d'organismes extérieurs, ou l'attente d'une réglementation européenne.

* 5 Quelques exemples des rapports publiés en 1997-1998 :

- Images de synthèse et monde virtuel : techniques et enjeux de société

- Les déchets nucléaires à haute activité

- L'aval du cycle nucléaire

et quelques études en cours :

- Les techniques de prévision et de prévention des risques naturels

- Le bilan et les perspectives de la politique spatiale française Les conséquences des installations de stockage des déchets sur la santé publique et l'environnement.

* 6 Depuis sa création, l'Office d'évaluation de la législation a effectué plusieurs études, dans des domaines aussi divers que :

- La politique maritime et littorale de la France

- L'efficacité des aides publiques en faveur du cinéma français

- Les régimes spéciaux de retraite etc...

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