2.- Les élections sénatoriales
Les premières élections sénatoriales se sont déroulées en novembre dernier et elles ont conforté la position dominante du parti du Premier ministre. En effet, l'ODS obtient près de 48 % des voix contre 31 % à la principale formation de l'opposition, le parti social-démocrate CSSD.
Toutefois, il convient de rappeler qu'un très fort taux d'abstention (65 % au premier tour et 70 % au second) ôte au scrutin une partie de sa force et confirme le désintérêt de l'opinion à l'égard d'une élection dont elle ne percevait pas clairement les enjeux. Une majorité de Tchèques doutent encore de l'intérêt de la mise en place à grands frais d'une seconde Chambre (qui sera logée dans plusieurs magnifiques palais, dont le célèbre Palais Wallenstein). Certes, la Constitution de 1992 prévoyait l'élection d'un Sénat, mais le débat avait longtemps fait rage au sein de la coalition sur la nécessité de réviser la Constitution sur ce point.
Le Sénat devra donc convaincre la Chambre des Députés ainsi que l'opinion de son utilité dans le processus législatif et prendre sa place dans le débat politique entre le pragmatisme autoritaire du Premier ministre et la sagesse humaniste déjà incarnée par le Président de la République.
La coalition gouvernementale dispose au Sénat de la majorité absolue et c'est peut-être la chance du nouveau Sénat qui pourrait trouver ses marques en apparaissant d'abord comme un allié sûr du Gouvernement contre une Chambre des Députés plus frondeuse. Cet espoir pourrait s'avérer trompeur si le Président du Sénat, issu du Parti chrétien-démocrate, et élu avec les voix de l'opposition, monnayait trop chèrement son appui.
Élections sénatoriales de novembre 1996
Coalition gouvernementale : 52 sièges (KDU-CSL/ODS/ODA)
Opposition : 27 sièges
2 Indépendants (1 divers droite ; 1 divers gauche)
3.- La nouvelle donne politique
Après l'élection de Milos Zeman, chef du Parti social-démocrate, à la tête de la Chambre des Députés, et celle de Petr Pithart, chrétien-démocrate, ancien dissident et ami du Président Havel, à la tête du Sénat, le Premier ministre se trouve dans une position plus délicate face au Parlement qu'il ne l'a jamais été.
Milos Zeman a été élu Président de la Chambre des Députés en échange d'un soutien passif à la reconduction au Gouvernement de la coalition sortante. Ayant pour alliés objectifs les députés du Parti républicain, il offre au Gouvernement une Chambre quasiment incontrôlable. Toutefois, le Gouvernement peut se consoler en tablant sur le comportement personnel des quelques députés du CSSD décidés à voter en leur âme et conscience, et qui ont déjà soutenu le Gouvernement.
Vaclav Klaus n'est plus le chef incontesté de l'exécutif, ni le leader sûr de lui et de ses troupes qu'il a été de juin 1992 à juin 1996. Il avait pu alors jouir d'une domination sans précédent de la scène politique tchèque. Fort du soutien de la Chambre, il a alors réussi à imposer ses vues au Président Havel comme à ses alliés minoritaires. Il a pu, dans ces conditions, gérer, avec une détermination autocratique qu'on lui reproche encore, la transformation du pays par les moyens et au rythme qu'il jugeait bons pour la République tchèque.
Depuis juin 1996, il doit s'accommoder de la perte de la majorité absolue à la Chambre, de la nomination d'un ennemi personnel à la tête de la Chambre, Milos Zeman, d'un compromis plutôt favorable aux petits partenaires de la coalition lors de la formation de son nouveau Gouvernement et de la nomination à la Présidence du Sénat d'un autre adversaire politique, Petr Pithart, proche du Président Havel, par la faute d'une alliance entre sociaux-démocrates et chrétiens-démocrates.
Enfin, les chefs des petits partis de la coalition, qu'il s'agisse de Jan Kalvoda (ODA) ou de Josef Lux (KDU-CSL) ne le soutiennent en public que du bout des lèvres et se réjouissent ouvertement qu'aujourd'hui l'ODS ne soit plus la seule force politique décisive.
La marge de manoeuvre de Vaclav Klaus est donc réduite, d'autant plus qu'il se trouve maintenant dans une position d'infériorité face au Président Havel qui fut le maître du jeu lors de la formation du Gouvernement et qui est seul à disposer du pouvoir de dissoudre la Chambre.
Vaclav Klaus, dont le parcours économique fut sans faute jusqu'à présent, est visiblement déçu de tant d'embûches et de tant d'ingratitude. Il a menacé de démissionner, mais le croire serait compter sans sa détermination légendaire et sans l'influence sur l'opinion des premiers effets très bénéfiques de ses réformes économiques.