INTRODUCTION
Une
délégation du Groupe sénatorial France-Soudan s'est rendue
au Soudan du 6 au 12 juin 1998.
Cette visite, organisée après une longue période de
sommeil du Groupe sénatorial consécutive au coup d'Etat survenu
au Soudan en 1989, avait pour objet de mesurer les efforts entrepris par les
autorités soudanaises pour se conformer aux exigences occidentales en
matière de démocratisation du régime et de respect des
droits de l'homme. Elle constituait la première visite de
représentants du Parlement français depuis presque vingt ans.
La délégation souhaitait notamment interroger les
différentes composantes du paysage politique soudanais, et en
particulier les représentants de l'opposition
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, sur la nouvelle Constitution qui,
à la date de la visite sénatoriale, venait d'être
approuvée par référendum et allait être
promulguée (elle l'a été le 1
er
juillet 1998).
Elle souhaitait également s'enquérir sur les accusations de
soutien au terrorisme et d'esclavage dont le Soudan est l'objet. Elle se
rendait enfin dans le plus grand pays d'Afrique avec la volonté
très vive de transmettre un message de paix et de tolérance dans
un pays où la guerre - qui dure depuis 1983 - a été
la cause directe ou indirecte d'un million et demi de morts. La famine qui
ravage le pays depuis le début de l'année nous le rappelle de
façon cruelle.
D'emblée, nos hôtes soudanais, extrêmement cordiaux et
chaleureux, se sont montrés très soucieux de décrire les
progrès réalisés par leur pays dans le sens de la
démocratie et de répondre aux questions de la
délégation en toute transparence afin de dissiper tous les
soupçons et accusations qui pèsent sur leur pays. Ils sont
apparus également très désireux que la France
intercède plus largement dans la recherche d'un accord de paix entre le
gouvernement et les factions rebelles.
Toutefois, bien que leur désir d'établir la vérité
nous apparut sincère, un incident contribua à instiller un doute
parmi les membres de la délégation sur la bonne foi des
autorités soudanaises.
En effet, le déplacement que la délégation devait
accomplir à Juba, la principale ville du sud du pays, où elle
devait rencontrer des organisations humanitaires, l'Evêque de Juba, le
Gouverneur et M. Riek Machar, Président du Conseil de coordination
des Etats du Sud, a été annulé en raison du
" retard " puis de la " panne " de l'avion. Panne
organisée ou panne réelle ? Nous ne le saurons probablement
jamais. Les autorités soudanaises ne pouvaient pourtant ignorer que
l'annulation délibérée d'un tel voyage porterait un coup
sérieux à leur crédit.
La délégation a néanmoins pu se rendre dans un des camps
de " déplacés " de la périphérie de
Khartoum pour constater le dénuement de la population et la faiblesse
des moyens dont disposent les organisations humanitaires pour y faire face.
Elle a également rencontré le vice-président de la
République, plusieurs membres du gouvernement, le président de
l'Assemblée nationale, de nombreux parlementaires, les leaders de
l'opposition restés dans le pays, des représentants de missions
diplomatiques et le nonce apostolique. Elle a enfin pu rencontrer M. Riek
Machar alors qu'il venait de s'entretenir avec John Garang.
A l'issue de cette mission, rien ne permet aux membres de la
délégation de nier ou de confirmer l'existence de l'esclavage,
d'assistance à des éléments terroristes, de brimades
à l'endroit des opposants politiques et d'actes d'intolérance
à l'égard des minorités catholiques et animistes. N'ayant
ni la compétence, le pouvoir ou les moyens de mener une enquête
approfondie dans le pays, la délégation s'est contentée de
recueillir les avis et témoignages des interlocuteurs qu'elle a pu
rencontrer sur chacun de ces sujets, avis et témoignages pas toujours
divergents au demeurant.
Quoi qu'il en soit, après s'être lui-même mis au ban de la
communauté internationale en raison des exactions qu'il a commises
à l'endroit des minorités et de son soutien au terrorisme, le
gouvernement soudanais apparaît désormais très soucieux de
réhabiliter la réputation du Soudan.
Il convient ainsi de porter au crédit des dirigeants soudanais actuels
la rédaction et la promulgation d'une Constitution qui, sans être
totalement laïque, semble préserver les droits des
minorités, rétablir le multipartisme et permettre l'alternance.
La délégation a formulé aux autorités le souhait
que les lois qui en permettront l'application seront votées rapidement
et autoriseront sa transcription fidèle. Elle a également
appelé à l'organisation d'élections libres et
démocratiques. Elle a toutefois pu mesurer le scepticisme des
représentants des oppositions nordiste et sudiste sur ce sujet,
scepticisme qu'alimente malheureusement la vague d'arrestations de membres des
anciens partis politiques restés au Soudan qui a eu lieu peu
après la visite sénatoriale, après qu'une série
d'attentats eut détruit des centrales électriques et des
dépôts de pétrole dans la capitale soudanaise et dans sa
banlieue.
C'est ce décalage entre une volonté affichée de
rétablir l'unité du pays dans la tolérance et le maintien
de mesures sécuritaires et liberticides qui fait craindre à la
délégation sénatoriale que la paix ne soit pas à
portée de main. De surcroît, la recrudescence des combats dans le
Sud du pays oblitère sérieusement les espoirs que pouvaient faire
naître les pourparlers de paix engagés sous l'égide de
l'IGAD
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depuis un an.
Or, seul le rétablissement de la paix permettra de mettre fin à
dix ans de famine dans le Sud du pays. La paix est également une
condition indispensable au retour des investisseurs étrangers et au
développement économique d'un pays riche de très
nombreuses ressources agricoles, minières et pétrolières.
Avant même de dresser un bilan de leur visite, les membres de la
délégation souhaitent rendre hommage à l'action
particulièrement efficace de S. Exc. M. Michel Raimbaud,
Ambassadeur de France au Soudan, et à celle de M. Eltigani Fidail,
Ambassadeur du Soudan en France, qui ont beaucoup contribué au
succès du voyage.
Ils souhaitent également adresser leurs plus vifs remerciements aux
parlementaires soudanais du groupe d'amitié Soudan-France qui les ont
très chaleureusement accueillis.