Risque lié aux batteries au lithium et cartouches de protoxyde d'azote (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre le risque incendie lié aux batteries au lithium et aux cartouches de protoxyde d'azote dans les installations de collecte, de tri et de recyclage, présentée par MM. Jean-François Longeot et Cyril Pellevat et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe UC.
Discussion générale
M. Jean-François Longeot, auteur de la proposition de loi . - Pas moins de 13 % des 18-24 ans ont déjà expérimenté le protoxyde d'azote pour son usage récréatif. Or cette drogue, facile d'accès, a des effets dévastateurs sur leur santé. La loi du 1er juin 2021 tendant à prévenir les usages dangereux du protoxyde d'azote, issue d'une proposition de Valérie Létard, a marqué une première avancée, en interdisant la vente aux mineurs.
Reste à traiter la pollution silencieuse liée à ce phénomène : les élus locaux sont démunis face aux nombreuses bonbonnes abandonnées dans l'espace public. Ces déchets s'amoncellent, sans solution de traitement.
Pis : les bonbonnes sont de véritables bombes à retardement dans les usines d'incinération. L'explosion d'une seule cartouche peut entraîner jusqu'à 150 000 euros de dégâts, sans parler des dangers pour les agents qui travaillent dans les installations. La production d'énergie des réseaux de chaleur est également perturbée.
Cette situation est intenable. Notre proposition de loi vise à y remédier : elle s'inscrit dans le prolongement de la loi Agec de 2020 et repose sur le principe pollueur-payeur. Les producteurs doivent assumer leurs responsabilités et prendre en charge les coûts liés à la collecte et au traitement de ces produits.
Je forme le voeu que le Sénat adopte ce texte, qui prévoit des solutions concrètes, à l'unanimité, comme l'a fait la commission, puis que la navette aboutisse au bénéfice de l'environnement et de nos concitoyens. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Cyril Pellevat, auteur de la proposition de loi . - M. Longeot et moi-même avons mis en commun nos travaux pour présenter conjointement ce texte. Pour ma part, je me suis penché sur les risques d'incendie liés aux batteries au lithium, extrêmement inflammables, notamment en cas de choc ou au contact de l'eau.
Les piles ou batteries au lithium sont présentes dans de nombreux objets du quotidien - jouets, brosses à dents, cartes de voeux électroniques - et ne peuvent souvent pas être retirées, faute d'écoconception. Résultat : elles provoquent dans les centres de tri des incendies aux conséquences désastreuses. Le Bureau d'analyse des risques et pollutions industriels a recensé autant d'accidents entre 2016 et 2019 qu'au cours des quinze années précédentes. La moitié des vingt-quatre incendies survenus en 2023 dans les centres de tri étaient liée à ces batteries - et les simples départs de feu ont été beaucoup plus nombreux.
Face à ce phénomène, les centres de tri sont en difficulté : la sécurité de leurs employés est en jeu et leur viabilité économique est fragilisée, compte tenu des coûts des réparations, des investissements nécessaires dans la prévention et des difficultés croissantes à s'assurer. Les collectivités territoriales peinent à trouver des solutions quand les centres doivent fermer pour travaux.
Il est urgent d'agir. Avec notre proposition de loi, les metteurs sur le marché et les éco-organismes devront mieux informer les consommateurs sur le tri différencié.
La création d'un fonds d'indemnisation, prévue à l'article 2, semblait poser des difficultés : la commission a choisi de se concentrer sur la prévention et a supprimé cette mesure. J'accepte cette solution, mais la prévention ne suffit pas toujours : une évaluation devra être menée et, le cas échéant, la question de l'indemnisation devra être reconsidérée.
Les financements dégagés ne serviront pas seulement à payer des panneaux. Il s'agit de financer aussi des équipements de prévention des incendies. La répartition des charges entre éco-organismes et centres de tri doit être précisée : j'ai déposé un amendement en ce sens.
Je remercie M. Longeot et la rapporteure Antoine pour notre travail collectif. Adoptons ce texte d'une importance capitale pour les entreprises de recyclage et nos territoires. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - En 2023, 20 % des accidents et incidents technologiques recensés concernaient la filière déchets, soit plus de 250 événements. La tendance est à la hausse, en raison de l'émergence de nouveaux produits, générateurs de déchets dangereux.
Ce phénomène interroge les responsabilités des acteurs du cycle de vie de ces produits : producteurs, consommateurs, opérateurs de collecte et de recyclage, collectivités territoriales.
Les batteries au lithium sont à l'origine de la moitié des départs de feu constatés dans les centres de tri. Leur usage se développe, notamment dans les piles bouton, de petite taille. Hautement inflammables au contact de l'oxygène ou de l'eau, ces piles constituent un risque pour la santé des agents et l'équilibre économique des centres.
Entre 15 et 20 % des batteries au lithium échappent au tri collectif. Du fait des incendies qu'elles provoquent dans les installations de traitement, les gestionnaires sont confrontés à une explosion de leurs primes d'assurance.
L'article 1er prévoit des campagnes de sensibilisation interfilières. L'article 2, qui instaurait un fonds d'indemnisation, paraissait non conforme au droit européen : nous avons opté pour une solution plus opérationnelle et équitable, consistant à faire financer par les producteurs les actions de prévention. Ce faisant, nous adoptons une approche préventive plutôt que curative. En outre, selon la direction générale de la prévention des risques, dans 60 % des cas, l'implication des batteries au lithium dans les incendies n'est que supposée, ce qui rendrait l'indemnisation juridiquement incertaine.
Le second problème traité par ce texte est l'explosion des cartouches de protoxyde d'azote dans les incinérateurs.
Une fois consommées, les bouteilles ou cartouches sont souvent abandonnés dans les corbeilles de rue ou sur la voie publique. Or il s'agit de déchets dangereux. La chaleur extrême des incinérateurs entraîne une dilatation du gaz encore présent dans les bouteilles, puis une explosion. Des perturbations en résultent sur les réseaux de chaleur. Les préjudices pour les collectivités territoriales représentent entre 15 et 20 millions d'euros par an.
L'article 3 intègre le traitement de ces déchets à la filière à responsabilité élargie du producteur (REP) des déchets diffus spécifiques (DDS). Les producteurs devront ainsi verser des écocontributions destinées à assurer le traitement de ces déchets et à mener des campagnes de sensibilisation sur les règles de tri. La commission a exclu de ce dispositif les bouteilles rechargeables, à usage souvent professionnel et pour lesquelles il existe un système de collecte.
Mais ces mesures ne résoudront pas tout. Une évolution est nécessaire des règles européennes de conception des contenants - avec notamment des soupapes de sécurité - pour réduire à la source les risques d'explosion.
Les cartouches de protoxyde d'azote entraînent des surcoûts pour les collectivités territoriales du fait également de leur abandon dans l'espace public. En vertu du principe pollueur-payeur, l'article 4 prévoit la prise en charge des frais de ramassage par les producteurs ou leurs éco-organismes.
Enfin, la commission a modifié l'intitulé du texte afin de viser le risque d'incendie en général et d'élargir le champ des installations concernées aux centres de stockage ou de transfert.
Je salue MM. Longeot et Pellevat, dont je me suis efforcée d'enrichir le texte sans trahir les volontés. La commission a adopté la proposition de loi à l'unanimité, ce qui témoigne d'une prise de conscience collective de l'urgence à agir. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche . - Ce débat, d'apparence technique, porte sur un sujet important : la hausse du nombre d'accidents dans les installations de traitement des déchets. Entre 2017 et 2019, ces accidents ont été aussi nombreux qu'au cours des quinze années précédentes. C'est préoccupant pour les riverains, les élus et les assureurs, mais surtout pour les centres et leurs salariés, qui sont en première ligne.
Les fortes chaleurs sont aussi en cause. Mais la majeure partie de cette hausse est liée aux batteries au lithium. Deux tiers des accidents et incidents sont dus à un mauvais tri de ces piles et batteries.
À ce problème s'ajoute celui des incendies liés aux cartouches et bouteilles de protoxyde d'azote, souvent mal triées, voire abandonnées sauvagement. Ce phénomène met en danger les personnels des installations et entraîne des surcoûts pour les gestionnaires.
Je salue l'initiative conjointe de MM. Longeot et Pellevat. Nous avons déjà renforcé les obligations destinées à réduire l'accidentologie. Mais il faut responsabiliser tous les acteurs de la chaîne, des producteurs aux consommateurs.
J'approuve le choix fait par la commission d'une approche préventive. Au fond, indemniser, c'est renoncer à agir. Des campagnes de communication à destination du public et des professionnels sont indispensables. Je souhaite qu'elles soient obligatoirement intégrées dans les cahiers des charges des filières REP de batteries et équipements électriques électroniques.
S'agissant du protoxyde d'azote, le Gouvernement agit pour en limiter les usages détournés, notamment par les plus jeunes. Cet enjeu de santé publique fait l'objet d'un autre texte, que vous examinerez plus tard dans l'après-midi. Mais tant que le problème se pose, il faut traiter la fin de vie de ces produits.
Je connais les conséquences des catastrophes causées par ces produits. Ce texte est attendu par les élus locaux. Il marque une évolution utile, et c'est pourquoi j'ai demandé qu'il bénéficie de la procédure accélérée. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur des travées du groupe UC)
M. Bernard Pillefer . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Les batteries au lithium et les cartouches de protoxyde d'azote sont de véritables bombes à retardement jetées dans nos poubelles et qui finissent dans nos incinérateurs. Les dégâts se chiffrent en millions d'euros, et ce sont les collectivités territoriales qui paient la facture.
Je remercie Jean-François Longeot d'avoir suscité le débat sur les cartouches de protoxyde d'azote. Ce gaz hilarant ne fait plus rire personne : il est cause d'un scandale environnemental en même temps que d'un problème de santé publique.
Les chiffres sont accablants : la réparation d'une installation à la suite d'une explosion coûte entre 20 000 et 200 000 euros ; 70 % des cartouches sont abandonnées dans l'espace public, entraînant d'importants coûts de ramassage.
L'article 3 marque une avancée essentielle en regroupant ces produits sous une même filière à responsabilité élargie du producteur et en appliquant le principe pollueur-payeur. Ces bouteilles doivent être percées, ce qui libère un gaz à effet de serre trois cents fois plus nocif que le CO2. Les ferrailleurs refusent souvent de les récupérer. Il y a urgence à durcir l'encadrement de l'achat et de la consommation de ces cartouches.
Je salue aussi l'engagement de M. Pellevat, qui s'est fait l'écho des revendications de terrain au sujet des piles au lithium, déchets invisibles qui se logent dans les objets du quotidien.
La première bataille est celle de l'information en matière de tri. L'article 1er marque un premier pas, mais il faudra aller plus loin.
Autre problème majeur : les centres de tri ont de plus en plus de difficultés à s'assurer. Dans sa version initiale, l'article 2 prévoyait la création d'un fonds d'indemnisation ; ce dispositif était contraire au droit européen et à l'esprit des REP et s'inscrivait dans une logique punitive plutôt que préventive. La priorité est de faire cesser les accidents, pas d'améliorer leur indemnisation. Le dispositif proposé par la rapporteure créera une boucle vertueuse avec les compagnies d'assurances. Les enjeux financiers ne sont pas les mêmes pour les centres, mais cette réécriture était nécessaire.
Je remercie la rapporteure pour son travail rigoureux et pragmatique.
Nos centres de tri sont sous pression : le groupe UC votera résolument ce texte qui apporte des réponses concrètes.
M. Alexandre Basquin . - Nous saluons l'initiative de Jean-François Longeot et Cyril Pellevat et la pertinence des travaux de Mme Antoine.
L'usage du protoxyde d'azote est un fléau pour la santé des plus jeunes, qui recherchent les effets hilarants de ce gaz. Des moyens plus coercitifs pour lutter contre ce phénomène désastreux sont indispensables.
Au-delà de l'aspect sanitaire, l'usage du protoxyde d'azote comme la multiplication des batteries au lithium ont des conséquences dans les centres de collecte et de tri. Nous saluons l'intégration de ces deux questions dans le même texte.
Les cartouches et bonbonnes de protoxyde d'azote, rarement complètement vidées, peuvent exploser et provoquer d'importants dégâts matériels. Dans le centre de valorisation énergétique de Valenciennes, cela se produit une fois par semaine, pour un coût de 1 million d'euros l'année dernière.
Le gaz hilarant ne fait pas du tout rire les usines d'incinération, et ce n'est pas aux collectivités locales de prendre constamment en charge les dégâts. Ces explosions obligent les gestionnaires à se réorienter vers des centres d'enfouissement, ce qui a des conséquences environnementales, sans parler des risques pour le personnel et des effets sur les réseaux de chaleur.
Le traitement des batteries au lithium a également des conséquences de plus en plus lourdes. Véritable cauchemar pour les pompiers, les incendies liés à ces batteries ont bondi de 150 % en dix ans. Dans 60 % des cas, ils surviennent dans les centres de tri.
Il est nécessaire de prendre des mesures fortes, en particulier d'appliquer le principe, juste et essentiel, du pollueur-payeur. L'intégration des cartouches de gaz de protoxyde d'azote au sein de la REP DDS et la prise en charge de la prévention par les éco-organismes vont dans le bon sens.
Il faut également agir à l'échelon européen pour imposer de nouvelles normes et contraindre les industriels à produire des cartouches avec valves de sécurité.
N'exonérons pas les industriels de leurs responsabilités, sanitaires ou environnementales. Pour l'heure, le groupe CRCE-K votera ce texte, qui marque un premier pas important. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Jacques Fernique . - Quelque 1 400 incendies se sont déclarés entre 2010 et 2019 dans les installations de traitement des déchets : les piles et batteries au lithium en sont en grande partie responsables. Entre 15 % et 20 % d'entre elles ne font pas l'objet de la collecte sélective dont elles relèvent en principe. Or si elles ne sont pas traitées dans le cadre de leur filière REP, ces batteries peuvent flamber au simple contact de l'eau ou de l'air.
Les cartouches de protoxyde d'azote explosent également, lorsque le gaz se dilate sous l'effet de la chaleur. Ces explosions, qui provoquent aussi des arrêts de production des réseaux de chaleur, coûtent entre 15 millions et 20 millions d'euros par an.
Le texte de MM. Longeot et Pellevat est opportun, et le travail remarquable de la rapporteure l'a rendu plus opérationnel.
Le protoxyde d'azote, utilisé comme drogue récréative, entraîne souvent l'abandon de déchets dans l'espace public. Le tri n'est pourtant pas un geste de bonne volonté optionnel : c'est un devoir citoyen permanent. Il est urgent de renforcer la communication au travers des campagnes interfilières. L'article 1er est donc tout à fait bienvenu.
Nous soutenons l'approche préventive adoptée à l'article 2. Elle est, à ce stade, plus praticable que celle qui est fondée sur l'indemnisation. La réparation des dommages doit être dans une large mesure à la charge des metteurs sur le marché. La rapporteure a eu raison de modifier le dispositif initial.
S'agissant des cartouches de protoxyde d'azote, il faut agir en faveur d'un tarissement à la source. La proposition de loi dont nous débattrons en fin d'après-midi va dans ce sens.
Le présent texte transfère les contenants de protoxyde d'azote vers la filière REP DDS, alors qu'ils relèvent jusqu'ici de la filière déchets ménagers. Reste à avancer sur l'écoconception : l'Ademe et les services de l'État doivent avancer rapidement sur le sujet, en bonne intelligence avec l'Union européenne.
Le GEST soutient pleinement ce texte et se réjouit de l'engagement de la procédure accélérée. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Hervé Gillé . - Nous examinerons plus tard dans l'après-midi les risques sanitaires liés à l'usage détourné du protoxyde d'azote. La présente proposition de loi vise à assurer la sécurité des centres de tri et de leurs agents, confrontés à une multiplication des explosions et incendies.
Le groupe SER a toujours soutenu le principe pollueur-payeur. Ce texte s'inscrit dans cette logique. Nous nous réjouissons que ceux qui mettent ces produits sur le marché assument les frais liés à la collecte et au traitement des déchets.
Malgré cette avancée importante, le texte ne répond pas à tous nos questionnements. La suppression du fonds initialement prévu à l'article 2 mérite d'être discutée. La voie retenue substitue à un dispositif opérationnel un objectif imprécis. Le texte ne précise pas les conditions de mise en oeuvre de la nouvelle disposition. Le groupe SER appelle de ses voeux un soutien renforcé aux collectivités territoriales.
Cette proposition de loi n'en est pas moins un pas important vers une gestion plus responsable de ces déchets. Le groupe SER la votera. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
M. Daniel Chasseing . - Je félicite Jean-François Longeot et Cyril Pellevat pour cette proposition de loi.
Les incendies et départs de feu dans les centres de recyclage ne sont pas nouveaux, mais les batteries au lithium en augmentent le nombre. Les conséquences d'un mauvais tri sont dramatiques : les incendies polluent l'air et l'eau en plus de mettre en danger les agents, et les résiliations d'assurance se multiplient.
Il est essentiel de renforcer la prévention des accidents par la sensibilisation des consommateurs. La commission a raison de faire contribuer les éco-organismes à ces coûts.
L'usage détourné des cartouches de protoxyde d'azote et leur abandon sur la voie publique sont des sources de danger et de surcoûts. Il faut limiter la consommation parmi les jeunes, ce qui est l'objet du texte qui sera examiné en fin d'après-midi.
Ces cartouches doivent faire partie de la REP DDS, pour que les producteurs soient responsabilisés. Il est anormal de faire reposer sur les seules collectivités les surcoûts liés au ramassage et au traitement de ces déchets dangereux. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Marta de Cidrac . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Entre 2018 et 2024, le nombre d'incendies et de départs de feu dans les centres de tri a été multiplié par dix. Le nombre d'explosions augmente en raison de la présence de cartouches de protoxyde d'azote, entraînant un préjudice de 15 à 20 millions d'euros par an.
Derrière l'apparence technique de cette proposition de loi se cachent de graves enjeux. Les produits utilisant les batteries au lithium se multiplient et l'usage du protoxyde d'azote bouleverse la chaîne qui va de la production à la consommation.
Il faut repenser les objectifs et le périmètre de l'économie circulaire, qui doit intégrer l'enjeu de la prévention des risques industriels. Il s'agit de recycler, bien sûr, mais aussi de garantir la sécurité des infrastructures de traitement.
Ce texte marque une avancée essentielle. Il n'est pas juste que la gestion des risques repose sur les opérateurs de déchets : les producteurs doivent être associés pleinement à ce travail.
Je salue l'action des filières REP déchets d'équipements électriques et électroniques (DEEE) et piles et accumulateurs. Elles ont mis en place les assises de prévention des incendies, permettant de diffuser une culture du risque parmi les opérateurs. Cette responsabilité doit être préventive et non palliative. Il serait contreproductif de créer un effet d'aubaine pour les assureurs et de déresponsabiliser certains acteurs.
Ce texte ne réglera pas tout. La réponse passe aussi par la lutte contre les usages détournés du protoxyde d'azote - nous en débattrons plus tard dans l'après-midi.
Ce texte marque un tournant dans notre approche de l'économie circulaire, en faisant de la prévention des accidents un enjeu à part entière. Il faudra approfondir cette évolution. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Patricia Schillinger . - Nos déchets en disent long sur notre époque ; ils reflètent les évolutions de notre société et les maux dont elle souffre. Lorsqu'ils deviennent un danger pour ceux qui les collectent, il est urgent d'agir. Les dommages liés au lithium et au protoxyde d'azote sont des signaux d'alerte. Je salue le travail de Jean-François Longeot et Cyril Pellevat sur ces sujets.
Vingt-quatre incendies se sont déclarés dans des centres de tri en 2023. La présence croissante des déchets dangereux dans les ordures ménagères est un fardeau pour les collectivités territoriales.
Ce texte propose des solutions concrètes : prévention - une campagne annuelle sur les risques des déchets inflammables est prévue - et responsabilisation des producteurs. Initialement, le texte prévoyait un fonds d'indemnisation, mais la commission a préféré à ce dispositif une approche préventive.
Ce texte ne réglera pas tous les problèmes, mais constitue une avancée essentielle. Il faut standardiser les contenants et les soupapes de sécurité sur les bonbonnes de gaz à l'échelle de l'Union européenne.
Nous voterons cette proposition de loi, qui constitue un premier jalon pour la protection de nos infrastructures, de leurs salariés et de nos collectivités. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Mme Mireille Jouve . - Ce texte a été adopté à l'unanimité en commission ; j'espère qu'il en ira de même en séance.
Notre société est malade de ses paradoxes. « La consommation est la seule raison d'être de toute production », disait Adam Smith : cette réalité organise nos sociétés.
Cartes de voeux musicales, télécommandes, vêtements lumineux, analgésiques : tous ces produits ont un coût environnemental, sanitaire et économique. Les cartouches et les batteries sont trop souvent jetées aux ordures ménagères ou abandonnées sur la voie publique. Cela entraîne des surcoûts importants pour les collectivités territoriales.
Dans les Bouches-du-Rhône, la communauté de communes Vallée des Baux-Alpilles a annoncé une grande campagne de communication par le truchement des réseaux sociaux. De même dans le Calvados.
Au-delà des risques physiques, les dispositifs doivent être mis à l'arrêt. Résultat : le réseau de chauffage ne fonctionne plus. Grégory Richet, président du Syndicat national du traitement et de la valorisation des déchets urbains, évalue entre 14 et 20 millions d'euros par an les surcoûts liés à ces accidents.
Du producteur à l'opérateur de traitement des déchets, il est devenu impératif de réinterroger les responsabilités de chacun.
Oui à la campagne annuelle interfilières, à la prévention des accidents dans les centres des déchets et au principe pollueur-payeur. Notre groupe votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur de nombreuses travées)
Discussion des articles
Article 1er
M. le président. - Amendement n°8 du Gouvernement.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Cet amendement renvoie les modalités d'application de l'article 1er au cahier des charges des filières concernées. Toutes comportent un volet prévention, dont le contenu est adapté à chaque filière.
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - Les cahiers des charges sont un vecteur plus approprié que le décret. Avis favorable.
L'amendement n°8 est adopté.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Article 2
M. le président. - Amendement n°7 de M. Gillé et du groupe SER.
M. Hervé Gillé. - Rétablissons le principe d'une indemnisation des collectivités gestionnaires d'installations de traitement de déchets en cas de dommage causé par des batteries au lithium ou des cartouches de protoxyde d'azote. Je regrette la suppression du fonds d'indemnisation. Il y a certes l'argument de l'incompatibilité avec le droit européen, mais le dispositif proposé demeure trop flou et insuffisamment opérationnel.
Aussi, cet amendement propose de mettre à la charge des producteurs et des éco-organismes la réparation des dommages, qui sera financée par les écocontributions.
M. le président. - Amendement n°5 de M. Pillefer.
M. Bernard Pillefer. - Certains sites ont consenti d'importants investissements en matière de prévention des accidents. Il ne faudrait pas que les bons élèves soient pénalisés pour avoir anticipé : les éco-organismes prendront-ils en charge les investissements déjà réalisés ?
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - La prise en charge proposée par l'amendement n°7 est contraire à la directive-cadre sur les déchets. De plus, une telle mesure déresponsabiliserait les opérateurs. La prévention risque de n'être plus une priorité. Avis défavorable.
Je partage vos préoccupations, monsieur Pillefer. Votre amendement n°5 est toutefois satisfait : la participation des éco-organismes inclut les investissements déjà réalisés, sous la forme d'un bonus. Retrait ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Même avis que la rapporteure sur l'amendement n°7. J'ajoute que les filières REP n'ont pas vocation à se substituer aux assureurs.
Retrait, sinon avis défavorable à l'amendement n°5, qui est satisfait.
L'amendement n°5 est retiré.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié de M. Pellevat et alii.
M. Cyril Pellevat. - La REP doit inclure le financement des équipements de prévention des incendies. Les producteurs doivent assumer leur part.
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - Dans neuf cas sur dix, les accidents sont des incendies. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable. La proposition de loi prévoit que les producteurs concourent au financement de la prévention des accidents dans les installations, en soutenant les actions de prévention. Il n'est pas souhaitable de soutenir les investissements qui concourent à la prévention. Cela risque d'interférer avec la gestion opérationnelle et la conduite industrielle des sites. Ce n'est guère opportun.
Mme Jocelyne Antoine, rapporteure. - Avis défavorable, donc.
L'amendement n°4 rectifié est adopté.
L'article 2, modifié, est adopté.
L'article 3 est adopté, de même que l'article 4.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements)
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je remercie le Gouvernement d'avoir engagé la procédure accélérée ; Cyril Pellevat, d'avoir proposé, avec bon sens, de regrouper nos deux textes ; Jocelyne Antoine pour son travail remarquable ; l'ensemble des intervenants, qui nous ont permis d'adopter ce texte dans les délais impartis ; et enfin mon groupe, d'avoir inscrit ce texte dans son espace réservé.