Lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à lever les contraintes à l'exercice du métier d'agriculteur, présentée par MM. Laurent Duplomb, Franck Menonville et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe Les Républicains.
Discussion générale
M. Laurent Duplomb, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC) Le Green Deal européen est né en 2019. Trump était à la Maison-Blanche et les dirigeants européens fanfaronnaient sur l'air de « Make our planet great again ». Six ans plus tard, nous sommes en plein décrochage, proches de l'humiliation économique.
Après la crise de 2008, le PIB de l'Union européenne était équivalent à celui des États-Unis. Aujourd'hui, il y a 80 % d'écart et le Green Deal va encore nous appauvrir et achever nos agriculteurs. Au citoyen européen, on dit que sa voiture, sa maison, son assiette, son entreprise polluent - sous-texte : son existence pollue !
Ce plan vert n'est pas écologique, mais nihiliste. Le président Donald Tusk a dit mercredi qu'il fallait être prêts à revenir sur ces mesures. Mi-février, l'Union européenne présentera son projet « boussole de compétitivité », qui assouplit certaines mesures du Green Deal.
Les faits donnent raison aux réalistes et tort aux fanatiques. Mais que de temps et d'argent perdus ! Voyez le secteur automobile : le tout-électrique a abouti à des importations chinoises accrues, qui ne respectent ni l'environnement ni la dignité humaine.
Nos experts étaient des amateurs : ils ont pris des décisions graves, sans étude d'impact, avec une légèreté effrayante. Nos professeurs de vertu étaient malhonnêtes : la Commission européenne a financé des ONG écologistes pour faire du lobbying auprès des parlementaires européens - c'est illégal et immoral. (Mme Kristina Pluchet renchérit.)
Le fiasco du Green Deal le montre bien : ceux qui se présentaient comme le cercle de la raison ont perdu la raison, Bruxelles est devenue la nef des fous.
Comme l'écrit un éditorialiste, d'interdit en interdit, de surtransposition en surtransposition, tout devient impossible ! Après la fin de la moutarde et de la cerise françaises, ce sera la fin de la noisette, de la pomme, de la poire, de la betterave sucrière françaises - la liste est sans fin !
Le Premier ministre l'a dit dans sa déclaration de politique générale, le poids des normes est bien plus élevé en France que chez nos voisins : 4 % du PIB, c'est insupportable ! Et je ne parle pas du sentiment d'abandon des agriculteurs.
Ouvrons les yeux, cessons d'être naïfs et ayons le courage de sortir de l'obscurantisme vert. Revenons sur toutes les surtranspositions que la France s'est infligées. Cette proposition de loi, avec votre aide, madame la ministre, le permet. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
M. Franck Menonville, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions ; M. Vincent Louault applaudit également.) Nous sommes réunis ici pour nos agriculteurs, qui se lèvent chaque matin pour nourrir les Français, animés par l'amour de leur métier.
L'agriculture française, jadis synonyme de puissance économique, est en déclin. Notre ambition est de l'enrayer. En vingt ans, la France est passée du deuxième au sixième rang des exportateurs mondiaux ; nos importations agricoles ont plus que doublé ; notre excédent commercial agricole est passé de 11,9 milliards d'euros en 2011 à 5,3 milliards en 2023 ; nous avons perdu trois quarts de nos agriculteurs.
Les causes sont nombreuses : surtranspositions, avalanches de normes, injonctions contradictoires, distorsions de concurrence, politiques publiques court-termistes et déconnectées. Il est urgent d'agir.
Le Sénat s'est emparé de ce sujet : proposition de loi de Jean-Claude Lenoir en 2015 ; rapport de Laurent Duplomb en 2019 ; proposition de loi sur la ferme France, adoptée au Sénat.
L'érosion s'est accentuée et certaines filières sont menacées, comme la noisette. Ne faisons pas de notre agriculture ce que nous avons fait de notre industrie !
Cette proposition de loi, très attendue, complète le projet de loi d'orientation agricole. Elle vise à réarmer notre agriculture, pour que nos agriculteurs développent une production durable, capable d'assurer notre souveraineté alimentaire, à armes égales avec nos partenaires.
L'acétamipride, autorisée dans toute l'Europe, a franchi toutes les étapes de l'évaluation par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (AESA). L'Union européenne n'est pas irresponsable : une substance n'est autorisée que si elle répond à des critères objectifs ! Nous devons être plus rationnels et trouver des solutions pour les filières qui sont dans l'impasse.
Nous voulons rétablir la définition des zones humides de la loi de 1992, maintenir un haut niveau de protection pour les zones qui sont vraiment humides et déclasser celles qui ne le sont pas ou plus.
Je ne peux me résoudre à voir mon pays déclassé, toujours plus désindustrialisé. Ayons l'audace d'inverser cette tendance, avec objectivité et courage politique. Ne nous faisons pas dicter nos choix par ceux qui portent une voix d'expert alors qu'ils ne le sont pas. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC)
M. Pierre Cuypers, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP) Cette proposition de loi a été cosignée par plus de la moitié d'entre nous. Les questions agricoles sont depuis toujours un sujet de préoccupation majeure au Sénat.
La France est une puissance agricole de premier plan, mais en déclin rapide : la ferme France vit un véritable décrochage.
Dès 2019, notre commission publie le rapport de Laurent Duplomb intitulé : « La France, un champion agricole mondial : pour combien de temps encore ? », car entre 2000 et 2017 tous les indicateurs sont passés au rouge. En septembre 2022, Laurent Duplomb, Pierre Louault et Serge Mérillou publient leur rapport sur la compétitivité de la ferme France et une proposition de loi est adoptée en mai 2023.
L'objectif demeure inchangé : redonner de l'air à notre agriculture en la libérant de contraintes souvent franco-françaises. Il ne suffit pas d'attirer les jeunes vers la profession agricole : encore faut-il qu'ils ne la quittent pas.
Nos agriculteurs sont en plein désarroi. Il y a près d'un an, ils ont commencé à manifester - ce n'est pas terminé.
Nous aurions pu croire que le projet de loi d'orientation agricole suffirait à traiter les problématiques, mais il n'en est rien. Il faut en complément des mesures budgétaires et cette proposition de loi, car le projet de loi d'orientation agricole évite soigneusement les sujets qui fâchent, comme les produits phytopharmaceutiques.
Je forme le voeu que nos débats soient francs, mais sans caricature ni outrance - c'est la marque de fabrique du Sénat. Les sujets sont clivants, les désaccords profonds, mais je sais aussi que nous voulons tous sortir notre agriculture de l'ornière.
Entre le texte déposé et le texte qui pourrait être adopté, des évolutions notables pourraient être actées, car nous avons cherché des compromis avec les auteurs, avec le monde agricole et avec le Gouvernement. Je salue l'esprit de responsabilité qui a présidé à nos échanges et remercie chaleureusement la ministre pour son écoute, même si nous ne sommes pas d'accord sur tout.
Ce texte se veut court. Il ne prétend pas traiter tous les problèmes, mais attaquer certains irritants majeurs.
La séparation entre conseil et vente sur les produits phytosanitaires est un totem pour certains, mais elle a montré son inefficacité - voyez les rapports du Sénat et de l'Assemblée nationale, notamment. Ayons le courage de revenir sur des mesures qui ne fonctionnent pas. Nous sommes parvenus à un compromis acceptable.
Nous sommes également arrivés à des compromis sur la question de l'Anses et des drones. En revanche, le sujet des néonicotinoïdes demeure un point bloquant - l'amendement de suppression du Gouvernement est inacceptable. À l'heure où le Gouvernement nous répète « pas d'interdiction sans solution », nous avons ici l'occasion de passer de la parole aux actes.
À l'article 3, nous avons atteint le bon équilibre en corrigeant les effets de bord de la loi Industrie verte. Nous désurtransposerons en 2026, quand le droit le permettra.
Concernant l'assurance récolte, nous avions travaillé à un compromis acceptable tant par les assureurs que les agriculteurs - mais il se heurtait à l'article 40. Nous y retravaillerons.
Sans eau, pas d'agriculture. L'article 5 est complémentaire de l'article 15 du projet de loi d'orientation agricole. Nous voulons déclarer d'intérêt général majeur les projets de stockage de l'eau. Nous ajustons aussi la hiérarchie des usages, la définition des zones humides et la place de l'agriculture dans les documents de planification. Nous avons travaillé intelligemment pour aboutir à la rédaction proposée par le Gouvernement, qui réaffirme l'intérêt général majeur de notre agriculture.
Nous avons dialogué de façon apaisée afin de renouer le lien de confiance entre les agriculteurs et la police de l'environnement
Des compromis mutuels ont été faits. D'autres restent à faire, mais nous sommes sur la bonne voie. L'agriculture a besoin de ce texte. Le Sénat doit être au rendez-vous de la simplification et de la compétitivité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP, du RDPI et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - En un an, notre pays a connu deux mouvements de protestation, dont le premier, d'une ampleur inédite, a suscité l'émotion de la nation tout entière. Un pays sans paysans n'est qu'un château de cartes. Cette proposition de loi arrive à point nommé. Ses objectifs correspondent pleinement aux miens : agir résolument contre le découragement, la colère, les injonctions contradictoires et l'excès de normes, pour que le quotidien des agriculteurs soit transformé.
M. Vincent Louault. - Bravo !
Mme Annie Genevard, ministre. - Je veux remercier tous les sénateurs avec lesquels nous avons travaillé, dont Pierre Cuypers, Vincent Louault, Laurent Duplomb et Franck Menonville. (M. Jean-Claude Tissot s'exclame.)
M. Bernard Jomier. - C'est un peu restreint !
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous voulons rendre au monde agricole des marges de compétitivité et lui redonner confiance en l'avenir. Le dialogue, franc et riche, nous a conduits à faire des propositions d'aménagement, dans une démarche constructive.
La séparation des activités de vente et de conseil des produits phytosanitaires visait plus de conseil et moins de vente - nous avons moins de conseil. (Mme Nicole Bonnefoy proteste.) Mais abroger toutes les obligations, sans contrepartie, n'est pas envisageable. Le Gouvernement propose donc une solution intermédiaire : le rétablissement de la possibilité d'exercer une activité de conseil en conservant les certificats d'économie et en prévoyant des règles de prévention de conflits d'intérêts, mais en maintenant la séparation des activités lorsque le conflit d'intérêts ne peut être écarté. Ainsi, les agriculteurs bénéficieront d'un appui à la conduite de leur exploitation en matière de protection des cultures, dans le cadre de la stratégie Écophyto 2030. Cela s'inscrit dans le cadre d'un conseil stratégique plus global, dans lequel le diagnostic modulaire prévu par le projet de loi d'orientation agricole trouve aussi sa place.
La suppression de l'interdiction des remises sur les produits phytosanitaires est une ligne rouge du Gouvernement, car même s'ils sont parfois irremplaçables, ce ne sont pas des produits commerciaux banals. (M. Bernard Jomier le confirme.)
Les modifications des missions de l'Anses que vous proposez ne pourront pas être conservées. Halte au mauvais procès : c'est une agence dotée d'une expertise reconnue dans le monde entier. Ses décisions s'inscrivent dans un cadre harmonisé européen et se fondent sur des critères de santé ou d'environnement, non économiques. Il n'y a donc aucune marge de manoeuvre et l'Anses doit rester impartiale et à la pointe de l'expertise.
Le droit européen peut toutefois évoluer. Ainsi les autorisations de mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques méritent d'être décidées au niveau communautaire.
Sans attendre de remettre le sujet sur la table à Bruxelles, je veux néanmoins être pragmatique, et pouvoir demander à l'Anses d'examiner un dossier en priorité, dans le respect de son indépendance. C'est crucial pour la survie de certaines filières.
La pulvérisation par drone permet une application ciblée des phytosanitaires : j'y suis favorable. (M. Yannick Jadot le déplore.) Dans le cadre de la proposition de loi Fugit, le Gouvernement propose de pérenniser ce qui a fait ses preuves et de lancer de nouvelles expérimentations si les conditions sont réunies.
La réintroduction des néonicotinoïdes fera probablement l'objet d'un long débat. Les agriculteurs me le répètent depuis des mois : ils ont besoin de visibilité et de solutions pour se projeter dans un avenir où ils pourront produire. Je veux me concentrer sur les mesures, attendues par le monde agricole, sur lesquelles nous pouvons avancer.
Je salue le travail des rapporteurs sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE), avec une simplification des règles de consultation du public pour les projets d'élevage. Il convenait d'alléger les lourdeurs administratives issues de la loi Industrie verte en tenant compte de la taille du projet et de son impact.
En ce qui concerne l'assurance récolte sur les prairies, les écarts entre le niveau de pertes en fonction de l'indice et les pertes réelles constatées empiriquement sont importants. Mais il n'est ni possible ni souhaitable de revenir au régime précédent - qui conduirait au retrait immédiat des assureurs. Nous devons donc redonner confiance aux agriculteurs, via un plan pluriannuel de renforcement de l'offre d'assurance. Des échanges sont en cours entre sénateurs, assureurs et agriculteurs ; le Gouvernement y prendra sa part.
L'eau est une priorité absolue : pas d'agriculture sans eau - encore moins en période de changement climatique ! Évolutions culturales, sélection variétale, irrigation efficiente, réutilisation des eaux traitées sont des solutions. Dans une logique de partage juste et équitable de la ressource, le Gouvernement souhaite sécuriser les ouvrages de stockage d'eau, via une présomption d'intérêt général majeur. C'est une réponse concrète et une avancée majeure du droit, qui répond à votre demande de reconnaissance d'un principe de non-régression du potentiel agricole - symbolique, mais juridiquement inopérant.
Votre texte pose une vraie question sur les zones humides. Nous proposons, sans revenir sur la définition, de créer une catégorie de zone humide fortement modifiée, à la réglementation allégée.
La gouvernance de l'eau mérite un grand débat, dans le cadre de la conférence nationale sur l'eau. J'estime donc préférable de réserver ce débat aux réunions territorialisées annoncées par le Premier ministre.
L'Office français de la biodiversité (OFB), créé en 2020, est une police en construction. Son action, parfois mal comprise, est devenue un sujet de crispation. Je condamne les actions menées contre ses agents, comme les propos malheureux qui ne font que jeter de l'huile sur le feu. Nous privilégierons les contrôles administratifs sur les contrôles judiciaires et limiterons les contrôles. Les services de l'État seront mieux coordonnés, grâce à la création des missions interservices agricoles (Misa). L'organisation des services de l'État dépendant du pouvoir réglementaire, cela se fera par décret.
Des ajustements sur le fonctionnement de l'OFB sont possibles et nécessaires, via des amendements sur le renforcement de la tutelle des préfets de département, la transmission des procès-verbaux par voie hiérarchique et l'autorisation du port de caméras-piétons afin d'objectiver les tensions. C'est le chemin de l'apaisement.
Nos objectifs sont les mêmes. Le monde agricole attend beaucoup de nous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
Exception d'irrecevabilité
M. Daniel Salmon . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Le vivant s'effondre sous les coups de boutoir d'activités humaines insoutenables, engendrant la sixième extinction de masse, et nous maintenons un modèle agricole destructeur, dicté par un productivisme aveugle. Cette proposition de loi est un condensé des pratiques les plus néfastes défendues par l'agro-industrie.
Souvenons-nous : il y a vingt ans, le Parlement réuni en Congrès intégrait la Charte de l'environnement à notre bloc de constitutionnalité.
Or cette proposition de loi, qui s'attaque à des normes essentielles pour la santé, la préservation de nos ressources et le vivant, est en contradiction avec la lettre et l'esprit de la Charte ; d'où cette motion.
L'article 2 revient sur l'interdiction des néonicotinoïdes, poisons des plus pernicieux, qui multiplient par six la mortalité des colonies d'abeilles, sans parler des pollinisateurs sauvages. Ce sont des perturbateurs endocriniens qui provoquent Parkinson, cancers, malformations et infertilité. Plus de 1 200 études indépendantes démontrent leurs dangers. Mais les faits scientifiques semblent devenir une opinion comme une autre - c'est inquiétant.
Le Conseil constitutionnel n'a validé la dérogation pour les betteraves que parce qu'elle était limitée et transitoire. Tel n'est pas le cas ici. La proposition de loi est contraire aux articles 1er et 2 de la Charte.
C'est aussi une attaque en règle contre le droit européen, qui fait primer la protection de la santé et de l'environnement sur l'amélioration des cultures végétales, et prône le principe de précaution, y compris sans alternative. La France s'expose à des amendes.
Dans sa décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a placé la protection de l'environnement au-dessus de la liberté d'entreprendre. Le 10 décembre 2020, il a précisé que les limites apportées par le législateur au droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé ne pouvaient être justifiées que par une exigence constitutionnelle ou un motif d'intérêt général. Réautoriser des substances toxiques, rendre facultatif le conseil stratégique phytosanitaire, autoriser la promotion sur ces produits ne sont pas des mesures d'intérêt général.
L'expérimentation de l'épandage par drone a été prévue par la loi Égalim jusqu'en octobre 2021. Aucun avantage manifeste pour la santé et l'environnement n'a été démontré par l'Anses. Selon le Conseil d'État, en l'état des connaissances scientifiques, le risque est plausible - il y a donc lieu d'appliquer le principe de précaution.
La loi Biodiversité de 2016 a consacré le principe de non-régression du droit de l'environnement, qui est aussi un principe général du droit international de l'environnement. L'ensemble de ce texte y contrevient : la transformation de l'Anses - au demeurant incompatible avec le droit de l'Union européenne - , la nouvelle définition des zones humides, le caractère d'intérêt général majeur pour les mégabassines, la nouvelle réglementation sur les ICPE. Cette dernière mesure est d'ailleurs un cavalier législatif puisqu'elle concerne tous les projets soumis à autorisation environnementale, et pas seulement les ICPE agricoles. Le rehaussement du seuil d'enregistrement est aussi contraire aux directives européennes sur les fermes usines.
Sur l'eau, outre l'automaticité néfaste de l'intérêt général majeur, nous sommes très inquiets de la remise en cause de la hiérarchie des usages, incompatible avec la directive-cadre sur l'eau.
Ce texte va à rebours du sens de l'histoire. Alors que sécheresses et pollutions devraient nous pousser à accélérer la transition, on nous propose de ralentir, voire de faire marche arrière !
Il faut cesser d'opposer facticement économie et environnement, agriculteurs et écologistes, car notre destinée est commune. Les normes environnementales protègent la santé des agriculteurs et garantissent les services écosystémiques de la biodiversité ! Les attaquer, c'est porter atteinte à la durabilité de l'agriculture française. Certes, c'est plus facile que de s'attaquer au libre-échange ou à une PAC inégalitaire !
Les amendements du Gouvernement refermeront quelques brèches, certes, mais la proposition de loi reste dangereuse, néfaste et contraire au droit. (Applaudissements sur les travées du GEST et des groupes SER et CRCE-K)
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis défavorable. Je ne répondrai pas point par point, car nous aurons le temps de débattre de chacun des articles.
Notre balance commerciale agricole décline. Nos importations pèsent autant dans notre consommation que nos productions. La situation n'a jamais été aussi délicate.
La filière noisette affichait un taux de conformité de 80 % avant l'interdiction de l'acétamipride ; il est de moins de 20 % en 2024. Le choix est simple : importer des noisettes traitées à l'acétamipride ou être pragmatique. (M. Yannick Jadot lève les bras au ciel.)
Tout le monde sait que l'interdiction du cumul entre conseil et vente ne fonctionne pas - les rapports le montrent.
Entre la proposition de loi initiale et celle qui pourrait être votée, il y aura de nombreuses évolutions, grâce à un travail constructif et exigeant et des compromis naturels. Ne caricaturons pas les positions et débattons sur le fond. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable, également. Le débat doit avoir lieu. Chaque texte mérite d'être examiné en profondeur et sans interdit. Le Sénat y est attaché, moi aussi.
Repousser ce texte sans en discuter serait une erreur stratégique, car l'agriculture est un secteur vital pour notre économie, nos territoires, notre sécurité alimentaire. Cette proposition de loi a le mérite d'aborder des sujets majeurs, même si nous ne sommes pas d'accord sur tout.
Le débat permettra d'apporter des réponses à certaines des difficultés juridiques que vous avez soulevées. Le Gouvernement proposera beaucoup de solutions concrètes, sans jamais céder sur le plan du droit ni sur le respect de l'environnement - que nous avons en partage, contrairement à ce que vous semblez penser.
Mme Nicole Bonnefoy. - Le groupe SER affirme sa totale solidarité avec le GEST sur un texte de régression environnementale. Son auteur, Laurent Duplomb, est le porte-plume officiel de la FNSEA au Sénat. (Protestations à droite) Cette organisation a besoin de montrer sa capacité d'influence au Parlement en cette période d'élections syndicales...
Je partage les arguments de M. Salmon sur l'incompatibilité de ce texte avec la Charte de l'environnement. Alors que les agences de l'environnement démontrent la surabondance de substances chimiques toxiques, ce texte abaisse les protections acquises de haute lutte dans notre code de l'environnement. Néonicotinoïdes, pulvérisation aérienne de pesticides, zones humides, fragilisation de l'Anses : autant de coups de canif dans le principe de non-régression.
Nous nous opposons à cette manoeuvre dilatoire. L'agriculture doit être soutenue dans sa transition agroécologique - ce n'est pas un concept fumeux.
Personne n'a parlé de santé ni de biodiversité ; il n'a été question que d'économie ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST)
M. Gérard Lahellec . - Le débat, amendement par amendement, montrera que ce texte est dangereux : en se focalisant sur l'anéantissement des normes et la remise en cause de dispositifs protecteurs de la santé, il risque d'exacerber le clivage entre la société et l'agriculture. On se trompe de cible ! Ce texte ne sert pas le développement, nécessairement durable, de notre agriculture. (Applaudissements à gauche)
M. Laurent Duplomb. - Nous assistons à un clivage entre la droite et la gauche. Pour cette dernière, tout ce qui a été fait depuis dix ans a amélioré la situation : tout va bien ! (Protestations énergiques à gauche)
M. Patrick Kanner. - Pas du tout !
M. Laurent Duplomb. - Pour ma part, j'essaie depuis sept ans, sans le lobby de la FNSEA - ni du reste celui de la Confédération paysanne -, de démontrer, rapport après rapport, que la France décline. Cela ne vous plaît pas, mais c'est ainsi !
Chaque norme, chaque contrainte supplémentaire que vous édictez jette les Français qui ont le plus de difficultés à se nourrir dans les bras des produits importés. En 2018, les Français mangeaient 1,5 jour par semaine des produits importés, nous en sommes à 2,2. Continuez ainsi, et nous serons bientôt à 7 ! (Mme Nicole Bonnefoy proteste.) Nos agriculteurs ne seront plus agriculteurs, nos paysages ne seront plus ce qu'ils sont et nous ne mangerons plus que des produits importés. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Henri Cabanel. - Le RDSE ne vote jamais les motions, car il est attaché au débat démocratique. Le débat doit avoir lieu sans dogmatisme, ni économique ni environnemental. J'espère que nous trouverons le bon chemin dans l'intérêt général de tous nos agriculteurs.
M. Yannick Jadot. - Depuis un demi-siècle, l'agriculture est en crise. Et ce serait de notre faute ?
Mme Kristina Pluchet. - Oh que oui !
M. Yannick Jadot. - La France a défini la PAC, dont elle a profité pendant des décennies, tandis que l'Allemagne payait. Mais nos fermes disparaissent, et ce sont nos plus petits agriculteurs qui payent le plus lourd tribut, qui se suicident le plus. Et ce modèle obsolète, vous prétendez le mettre sur le dos des écologistes !
Depuis trente ans, vous avez soutenu tous les accords commerciaux, Mercosur excepté. Et vous critiquez la mondialisation ?
M. Laurent Duplomb. - Je ne suis pas là depuis trente ans...
M. Yannick Jadot. - Louis Le Pensec pensait l'agriculture différemment : il proposait la multifonctionnalité, mais vous avez défendu le blocage des importations et les subventions aux exportations. On ne peut pas gagner sur tous les plans.
Vous avez eu raison, monsieur Duplomb, de citer la Confédération paysanne. Il y a un débat au sein de la profession agricole et ce débat est sain.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques. - Dans ce cas, pourquoi avoir déposé une motion ?
M. Yannick Jadot. - Certains agriculteurs utilisent moins de pesticides et gagnent mieux leur vie. C'est dans cette direction qu'il faut aller ! (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
Mme Anne-Catherine Loisier. - Le groupe UC ne votera pas la motion. Ne diabolisons pas cette proposition de loi, qui soulève des questions fondamentales. Il est faux de prétendre qu'elle autoriserait tous les néonicotinoïdes : elle ne concerne que l'acétamipride, substance autorisée par l'Union européenne.
M. Bernard Buis. - Le RDPI ne votera pas non plus la motion. Débattons dans le respect et l'écoute.
M. Vincent Louault. - Nous ne voterons pas cette motion, d'autant que l'enjeu dépasse la question agricole. ZAN, ZFE : c'est dans tous les domaines que la simplification et le retour au pragmatisme doivent l'emporter. Si nous échouons pour l'agriculture, nous échouerons sur les autres sujets, car ce sont les mêmes arguments qui nous seront opposés !
M. Yannick Jadot. - En effet : climat, biodiversité, santé...
La motion n°1 n'est pas adoptée.
Discussion générale (Suite)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le temps est venu de légiférer dans l'intérêt des agriculteurs français. Ces prochaines semaines, le Sénat examinera plusieurs textes abordant des aspects différents de l'agriculture, mais avec un même but : améliorer la vie des agriculteurs. Certains sujets seront délicats, et nous aurons des désaccords. Confirmons que le Sénat est un lieu de réflexion sérieux et utile - les troubles sont suffisamment nombreux en dehors de nos murs.
À un métier déjà exposé aux aléas climatiques, nous avons collectivement ajouté des contraintes normatives parfois justifiées, mais parfois inutiles, voire invivables. Il faut simplifier, nous disent les agriculteurs. Ils doivent être écoutés et voir la traduction des promesses en actes.
Dans cette perspective, nous saluons notamment la simplification du régime des ICPE, à l'article 3.
S'agissant de l'eau, ressource vitale et objet d'affrontement, les ouvrages de stockage doivent être déclarés d'intérêt général majeur, alors que seulement 7 % de la surface agricole utilisée (SAU) française est irriguée. Nous devons par ailleurs économiser l'eau en réduisant nos prélèvements et mieux réutiliser les eaux usées. Selon Météo-France, 2024 a été une année particulièrement pluvieuse, mais nous devons tous faire des efforts de sobriété.
Il convient aussi de réviser la définition des zones humides en rendant cumulatifs les critères du terrain hydromorphe et de la végétation hydrophile.
Simplifier, c'est aussi apaiser les relations entre les professions agricoles et l'OFB, mais aussi les créateurs de normes. L'article 6 sera particulièrement utile : les agents de l'OFB pourront privilégier la procédure administrative à la voie judiciaire en cas de primo-infraction ou d'infraction ayant provoqué un faible préjudice environnemental.
L'article 2 prévoit que le ministre de l'agriculture pourra évoquer un dossier pour statuer à la place du directeur de l'Anses, selon les mêmes critères que lui, relevant du droit européen. Il pourra également demander au directeur général de cette agence d'examiner en priorité un dossier concernant des filières en impasse technique.
Cessons les surtranspositions et appliquons le principe : « pas d'interdiction sans solution ». Mes collègues se détermineront en fonction des réalités de leur territoire ; la liberté de vote prévaudra au sein de notre groupe. À titre personnel, sous réserve des débats, je suis favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Henri Cabanel . - Au tout ou rien, préférons l'art de la nuance.
Ce texte cerne l'enjeu de l'évolution du métier d'agriculteur et de ses contraintes. J'en comprends les fondements.
Les agriculteurs s'élèvent contre la surtransposition, les accords internationaux, la lourdeur administrative. À quelques jours des élections aux chambres d'agriculture, les syndicats se mobilisent et mettent en lumière les souffrances des femmes et des hommes de terrain.
La discussion de cette proposition de loi ne doit pas se transformer en une tribune politique qui exacerberait les clivages entre modèles agricoles. L'agriculture a toujours su s'adapter : mon grand-père travaillait la vigne avec des chevaux, faisant du bio sans le savoir ; mon père a utilisé des produits phytos ; j'ai converti l'exploitation au bio ; mon fils utilise une tablette connectée et, demain, des robots...
Nous avons diminué les coûts de production, mais à quel prix ? Dépendance à l'industrie, conséquences écologiques, menaces sur les insectes pollinisateurs, maladies mortelles pour les agriculteurs.
De l'histoire récente, préservons les acquis positifs : agricultures à haute valeur environnementale (HVE), raisonnée et bio, aux côtés de l'agriculture conventionnelle qui s'est adaptée aux nécessités environnementales. Nous pouvons atteindre une agriculture plurielle qui réponde aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux, de manière équilibrée. N'opposons pas les modèles les uns aux autres ! On ne va pas revenir au cheval de trait...
Oui, il faut lutter contre la lourdeur administrative. Mais certaines limites ne doivent pas être franchies, comme l'abandon de l'avis conforme de l'Anses. On ne peut pas mettre la science de côté : si chacun décide de ce qui est bon ou mauvais, comment décider ? Il est heureux que la commission ait fortement remanié le texte sur ce point. L'enjeu économique ne justifie pas que nous jouions aux apprentis sorciers.
N'ayons pas peur du débat sur les néonicotinoïdes. Nous pouvons mettre en place des dérogations limitées dans le temps lorsqu'il n'y a pas de produit alternatif, pour éviter la disparition de filières. Sinon nous importerons de plus en plus d'aliments traités avec les substances que nous avons interdites...
Mais réautoriser les néonicotinoïdes serait un grand pas en arrière. L'Hérault est l'un des départements utilisant le plus de phytosanitaires, selon Générations Futures, avec la Gironde, le Gard et l'Aude. Mais, entre 2015 et 2023, les quantités de glyphosate utilisées ont diminué de 40 %. Il ne faut pas opposer, mais expliquer.
Pour une agriculture raisonnée, soyons des parlementaires raisonnables. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; MM. Pierre Médevielle et Pierre Cuypers applaudissent également.)
M. Patrick Chauvet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) Nous examinons une proposition de loi importante pour l'avenir d'un secteur en crise et confronté à des défis historiques.
Les réglementations françaises, parfois excessivement contraignantes et mal adaptées au terrain, aggravent les difficultés de nos agriculteurs. Dès 2022, notre commission des affaires économiques a alerté sur la perte de compétitivité de l'agriculture française. Cette situation préoccupante s'est aggravée - en témoigne la baisse de notre excédent commercial agroalimentaire de 12 à 5,3 milliards d'euros entre 2011 et 2023. Un mouvement de contestation des agriculteurs a émergé début 2024.
Ce texte est la traduction mûrement réfléchie de travaux anciens et d'un diagnostic lucide : nous devons restaurer la compétitivité de notre agriculture.
En 2023, la proposition de loi sur la compétitivité de la ferme France, adoptée par notre assemblée, visait à lever de premiers obstacles. Nous examinerons dans quelques jours le projet de loi d'orientation agricole. Cette proposition de loi complète le texte gouvernemental, qui établit une programmation sur dix ans, par des mesures concrètes.
L'article 3 est d'une importance particulière, car les seuils actuels pour les ICPE freinent le développement de nos élevages. Alignons la réglementation française sur les exigences européennes, sans aller au-delà.
L'article 5 facilitera la gestion de l'eau pour l'irrigation des terres. Nous ne pouvons laisser planer d'incertitude sur la gestion de cette ressource, la plus précieuse pour nos agriculteurs.
Cette proposition de loi est un ensemble de propositions concrètes pour améliorer la compétitivité de la ferme France. Elle marque non une révolution, mais une évolution, qui lèvera certains obstacles auxquels se heurtent nos agriculteurs pour lutter à armes égales avec leurs concurrents. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées des groupes INDEP et Les Républicains)
M. Gérard Lahellec . - Si l'agriculture ne fait pas toute la ruralité, il n'y a pas de ruralité vivante sans agriculteurs.
Nous devons nous interroger sur sa pérennité et son développement durable. Ce n'est pas l'ambition de cette proposition de loi, qui s'attaque aux normes. Certes, on peut critiquer les excès de paperasserie et de bureaucratie ; il est certainement possible de simplifier la vie sans aggraver la précarité ou les insécurités ni sacrifier la vie sur la planète.
Mais certaines diatribes que nous entendons cet après-midi ont un autre objectif, reconnu par une personnalité devenue très célèbre aux États-Unis : garantir la totale liberté du capital. Nous assistons à un détournement de la colère paysanne, de la revendication de prix planchers vers des mots d'ordre contre les normes. Dans un gigantesque tête-à-queue confusionniste, certains commandos syndicaux se sont attaqués à l'Inrae, à l'OFB et jusqu'à la Mutualité sociale agricole (MSA), la sécurité sociale des paysans.
Dans les Côtes-d'Armor, nous sommes fiers d'accueillir, à Saint-Brieuc, un grand campus de recherche agronomique, le plus grand en Europe dans ce domaine. Je salue le millier de chercheurs qui y travaillent, partageant leurs connaissances et faisant des préconisations sur de multiples sujets. Ils mettent au point des vaccins, de nouvelles méthodes. Ils ne sont pas un problème, mais trouvent des solutions pour nos agriculteurs !
Quand j'entends qu'on s'attaque frontalement à l'Anses, je suis assez consterné. Il est anachronique de placer sous tutelle ministérielle les avis scientifiques de cette agence ! Tant que vous y êtes, donnez au ministre de la santé une tutelle sur les ordonnances des médecins... Au reste, une telle mesure ne facilitera pas notre crédibilité à l'export.
Selon l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), il y a un lien établi entre les pesticides et six maladies graves. Nous avons besoin d'une autorité indépendante pour homologuer les produits. N'anéantissons pas toutes les régulations avec la tronçonneuse de M. Milei.
Ce n'est pas cette proposition de loi qui résoudra les problèmes du cheptel breton, qui perd 120 vaches par jour depuis un an, ni ceux des filières volailles et porcs, dont la production est en chute de 8 et 10 %. Nous nous y opposerons, car, à la tronçonneuse, nous préférons le bien commun. Il y va de la survie de l'humanité. (Applaudissement à gauche)
M. Guillaume Gontard . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Chers collègues Duplomb et Menonville, je vais vous étonner : je suis d'accord avec vous. Oui, le monde paysan va mal. Le nombre d'agriculteurs a baissé de 10 millions en 1945 à moins de 500 000, les revenus sont inégaux et globalement insuffisants et l'endettement ne cesse de croître, comme la dépendance aux intrants, sans parler des traités de libre-échange déloyaux ni de l'augmentation de la taille des exploitants, au détriment de la vitalité rurale.
Nous avons rendu notre agriculture paysanne et locale dépendante d'autres puissances, des marchés financiers, de la crise énergétique. De perte de repère en perte de sens, nous nous sommes perdus.
C'est le bilan de soixante-dix ans de politiques agricoles au service de la productivité coûte que coûte, de l'agrobusiness et des spéculateurs ; le bilan des orientations dictées par le syndicat majoritaire, plus attaché à développer les biocarburants et l'exportation bas de gamme qu'à répondre à la détresse des agriculteurs.
Pour vous étonner encore, chers collègues Menonville et Duplomb, je pensais partager avec vous le bon sens paysan : humilité devant la nature, respect de la terre et du vivant, attachement au terroir. Hélas, avec ce texte caricatural, vous tournez le dos au bon sens paysan pour vous transformer en docteurs Folamour de l'agriculture. (Murmures désapprobateurs à droite et au centre)
Pourquoi vous en prendre à ce point à la terre, à l'eau, au vivant, à ce qui fait l'essence du métier de paysan ? Ce texte mériterait d'être dénoncé à la cellule Demeter pour agribashing et mise en danger de la vie d'autrui ! (Protestations sur les mêmes travées)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. - Et ça, ce n'est pas de la caricature ?
M. Guillaume Gontard. - Après la suppression, avec l'aval de la ministre, de l'Agence bio, ce texte est un nouveau contresens. Pensez-vous réellement rendre service aux agriculteurs en réautorisant les promotions sur les pesticides et en affaiblissant l'Anses ? Combien de temps assumerez-vous de les exposer au cancer de la prostate, à la maladie de Parkinson et à d'innombrables autres maladies ? Le fonds d'indemnisation des victimes de pesticides traite plusieurs centaines de dossiers par an : cela ne vous interpelle-t-il pas ? (Mme Nicole Bonnefoy renchérit.)
Et pourquoi vous en prendre à ce point aux apiculteurs en réautorisant les néonicotinoïdes ? L'apport de l'apiculture à l'agriculture représente pourtant jusqu'à 5 milliards d'euros par an pour le service de pollinisation.
Pensez-vous réellement rendre service aux agriculteurs en aggravant leur dépendance à des technologies onéreuses et en aggravant leur endettement ? En favorisant l'effondrement de la biodiversité et l'accaparement de l'eau ? À quoi la conférence sur l'eau promise par le Premier ministre servira-t-elle si cette proposition de loi confiscatoire est adoptée ?
Pensez-vous aider les paysans en détruisant la démocratie environnementale ?
Il est encore temps de faire appel à votre bon sens paysan ! Celui qui consiste à écouter la nature pour savoir s'adapter ; celui qui a permis à l'agriculture de traverser des millénaires en conservant une terre fertile, que nous avons mise à mal en quelques décennies. Il est encore temps de renouer avec la logique de René Dumont : « votre vache est un animal extraordinaire : elle a une barre de coupe à l'avant et un épandeur à l'arrière ; au milieu d'un pré, elle fait le travail toute seule ». (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe SER)
M. Jean-Claude Tissot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce texte est le premier étage d'une fusée dont le second est le projet de loi d'orientation agricole.
Je dénonce le dépôt par le Gouvernement d'une quinzaine de nouveaux amendements deux heures avant le début de la séance.
Mme Annie Genevard, ministre. - Je vous prie de m'en excuser.
M. Jean-Claude Tissot. - Le procédé est antidémocratique, d'autant que le texte est dépourvu d'étude d'impact.
Il est présenté comme une réponse au malaise des agriculteurs. Nul ne peut nier la crise structurelle que traverse l'agriculture française : de nombreux paysans ne parviennent pas à vivre de leur travail, la mondialisation déloyale met à mal nos filières.
Mais la bonne réponse à ce malaise n'est pas l'assouplissement des règles d'usage des pesticides, la remise en cause des autorités environnementales ou la normalisation des mégabassines.
Simplifier, oui ; mais sans renier nos engagements environnementaux ni mettre en péril la santé humaine.
Nos paysans sont les premières victimes des produits phytosanitaires. Il est avéré que les actifs agricoles exposés régulièrement aux pesticides ont un risque plus élevé de développer la maladie de Parkinson - que la MSA reconnaît même comme maladie professionnelle. Idem pour le cancer de la prostate, les lymphomes et d'autres maladies.
Réintroduire les produits phytosanitaires met également en danger la santé des consommateurs. Allons-nous continuer d'exposer nos concitoyens à ces risques au nom de la rentabilité ?
La Charte de l'environnement dispose que « les choix destinés à répondre aux besoins du présent ne doivent pas compromettre la capacité des générations futures et des autres peuples à satisfaire leurs propres besoins. » Les auteurs de la proposition de loi ne semblent pas en avoir pleinement saisi la portée...
Les néonicotinoïdes sont des tueurs d'abeilles. Ils pourraient contribuer aussi à la disparition d'autres espèces, comme les oiseaux. (Mme Anne-Sophie Romagny le conteste.) Persistantes, ces substances menacent l'ensemble de la biodiversité. Les réautoriser est un non-sens qui frôle l'obscurantisme ! (M. Vincent Louault proteste.)
Ce qui était entendable il y a soixante ans ne l'est plus aujourd'hui que nous connaissons les effets de ces produits. L'agriculture chimique doit disparaître au profit d'une agroécologie raisonnée qui assure notre souveraineté alimentaire. Cessez de faire croire aux agriculteurs que les normes environnementales sont la cause de leurs difficultés ! C'est la dérive néolibérale des trente dernières années qui les a menés dans l'ornière.
Le combat que nous avons récemment mené contre l'accord avec le Mercosur nous a largement rassemblés. Nous ne voulons pas davantage de dérégulation, mais justice et protection pour nos producteurs.
Il existe un autre chemin que la régression environnementale : accompagner les filières en déployant des alternatives viables aux phytosanitaires. Encore faut-il que l'Inrae ait les moyens de travailler et que l'Anses conserve son indépendance... Et, avant tout, il faut garantir un revenu agricole digne : dommage que ce texte n'en dise pas un mot.
Le groupe SER s'opposera fermement à cette proposition de loi, contresens historique et expression d'un populisme rétrograde ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Anne-Sophie Romagny s'exclame.)
M. Christopher Szczurek . - Parmi les crises nombreuses qui parcourent notre pays, la crise agricole de l'année dernière a durement marqué les Français. Une mobilisation largement soutenue par nos concitoyens a enflammé les territoires. Comment expliquer qu'en France, puissance agricole historique, des centaines d'agriculteurs mettent fin à leurs jours chaque année ?
Tandis qu'on accable nos agriculteurs de contraintes administratives absurdes, surtranspositions et réglementations disproportionnées, les responsables politiques n'hésitent pas à signer des traités comme le Mercosur, illustrant le faible poids de notre pays dans une Europe trop heureuse de sacrifier l'agriculture française pour vendre quelques voitures allemandes.
Mais ce que la politique a défait, nous pouvons le refaire.
Nos agriculteurs veulent vivre dignement de leur travail, être protégés de la concurrence déloyale et voir levées les lourdeurs qui les entravent. Facilitons-leur la vie !
Nous approuvons l'article 1er du texte, qui abroge l'interdiction des remises et ristournes sur les phytosanitaires. Nos agriculteurs pourront ainsi négocier le prix qu'ils payent, comme leurs concurrents.
L'article 2 autorisera, dans des limites strictes, l'usage de drones pour la pulvérisation de produits phytopharmaceutiques. Entre l'urgence économique du monde agricole et l'inquiétude écologique d'une partie de nos concitoyens, il est à l'honneur des auteurs du texte de proposer une rédaction équilibrée. Nous devons aussi financer la recherche d'alternatives. Aucun paysan ne pollue par plaisir.
Cette proposition de loi est une première étape pour réduire les charges inutiles pesant sur ceux qui nous nourrissent. Victor Hugo disait : si vous voulez la paix, créez la prospérité. ?uvrons à pacifier la vie de nos agriculteurs ! (M. Aymeric Durox applaudit.)
M. Vincent Louault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Voilà bien longtemps que la commission des affaires économiques alerte sur notre perte de compétitivité agricole, sous l'effet de boulets trop nombreux.
Les politiques climatiques européennes sont légitimement ambitieuses, mais elles ne doivent pas induire une séparation entre producteurs et consommateurs. Nombreux sont ceux, en France, qui veulent laver plus blanc que blanc. Surtranspositions, interdiction arbitraire des produits phytosanitaires, définition trop contraignante des zones humides, impossibilité de préserver la ressource en eau : nous ne pouvons laisser subsister de telles distorsions dans l'espace européen.
Je remercie donc nos collègues Duplomb et Menonville pour l'initiative de ce texte, le premier à répondre aux attentes des agriculteurs français. Tous sont convaincus de la nécessité de faire des efforts en matière écologique. L'agriculture européenne est d'ailleurs la plus saine au monde et la plus respectueuse du bien-être animal. Nous avons réduit de 95 % l'utilisation des pesticides les plus dangereux et de 60 % l'administration d'antibiotiques dans les élevages !
Mais nous subissons une augmentative massive des produits importés ne répondant pas aux mêmes contraintes - les poulets sont un exemple emblématique. Naguère deuxième exportatrice agricole mondiale, la France a dégringolé à la sixième place...
Depuis plus d'un an, les agriculteurs manifestent, disant : laissez-nous travailler ! Notre métier est de bien vous nourrir, et nous n'avons pas besoin qu'on nous explique le fonctionnement de la nature ; nous y sommes nés et y vivons.
Aucun agriculteur ne dit que toutes les pratiques sont parfaites et que rien ne doit évoluer. Mais, comme Rome, l'agriculture de demain ne se fera pas en un jour.
Les agriculteurs ont entendu beaucoup de promesses. Mais, une dissolution et quatre Premiers ministres plus tard, le désespoir est insondable. Encore un suicide dans mon canton - deux en Indre-et-Loire ces derniers jours. Nous ne supportons plus cette série macabre !
Le projet de loi d'orientation agricole est toujours en discussion, et l'administration retarde les simplifications promises par le gouvernement Attal. Nous ne produisons que du rien, alors que l'agriculture part dans le décor...
Les gouvernements sont tétanisés par la peur des attentes sociétales et des sondages. Mais le salon de l'agriculture arrive et la mauvaise volonté va finir par se voir. On crante la ceinture qui étrangle l'agriculture !
Le courage commence ici et devra continuer à l'Assemblée nationale.
Les agriculteurs nous observent, mais aussi, les maires et les entreprises. Car si nous échouons à simplifier l'agriculture, nous échouerons dans tous les autres domaines où la simplification s'impose. Je serai sans concession avec les marchands de peurs et les administrations, dont certaines nous ont caché des éléments pendant les auditions. Madame la ministre, je sais qu'on peut vous faire confiance, mais je vous demanderai certaines explications.
Il est temps d'arrêter d'avoir peur ! Des drones, des nouvelles techniques génomiques, du stockage de l'eau. Nous sommes redevenus des Gaulois effrayés que le ciel leur tombe sur la tête.
M. Daniel Salmon. - C'est qu'il tombe un peu...
M. Vincent Louault. - Gardons notre cap ambitieux face au changement climatique, mais rectifions courageusement les excès. C'est un jour de vérité pour nos agriculteurs, mais aussi pour la France. (Applaudissements sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains et sur des travées du groupe UC)
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les agriculteurs s'exaspèrent face à la prolifération et la complexité des normes.
L'agriculture est confrontée à une crise sans précédent. Le nombre d'exploitations diminue chaque année, nos campagnes se vident et notre balance commerciale se détériore. Il faut redonner de l'air à nos agriculteurs, pour qu'ils revivent dignement et assurent à nouveau notre souveraineté alimentaire.
L'élevage est au coeur de notre agriculture ; c'est le poumon de notre campagne. En plus de fournir des productions de bonne qualité, il contribue à la préservation des paysages et de la biodiversité. Laisser l'élevage s'effondrer, ce serait renoncer à notre patrimoine.
Les acteurs savent faire preuve de bon sens. Ceux qui travaillent la terre ne doivent pas être suspects par idéologie. Faisons-leur confiance !
Cette proposition de loi apporte des solutions pragmatiques aux difficultés qu'ils rencontrent en supprimant des normes lourdes et contradictoires. Elle est complémentaire du projet de loi d'orientation agricole pour promouvoir une agriculture compétitive et durable.
L'agriculture est confrontée à des injonctions contradictoires et à une concurrence internationale déloyale. Les surtranspositions de directives pénalisent nos agriculteurs. Cette proposition de loi met un terme à certaines normes excessives, simplifie des démarches et améliore des procédures - je pense à la possibilité de contre-expertises - , garantit un accès sécurisé à l'eau, apaise les relations avec les services de contrôle.
Il faut une agriculture économiquement viable. Il ne peut y avoir de pays sans paysans ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Anne-Catherine Loisier . - (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP) Je remercie nos collègues Duplomb et Menonville pour cette proposition de loi qui revient sur des mesures préjudiciables à nos agriculteurs et répond à des dysfonctionnements et incohérences qu'ils dénoncent. Je salue notamment les mesures de dé-surtransposition.
Je rappelle que l'acétamipride est autorisée par l'Union européenne jusqu'en 2033. Les mesures prévues dans les lois Égalim n'ont pas débouché sur des alternatives réalistes.
M. Vincent Louault. - Bravo !
Mme Anne-Catherine Loisier. - Nos producteurs de betteraves, de noisettes et de pommes de terre, notamment, sont en difficulté. Les importations croissent, et les consommateurs mangent des produits traités à l'acétamipride. L'Union européenne a baissé les doses de référence l'année dernière, il faut le préciser.
Le principe de non-interdiction sans solution doit nous conduire à desserrer les contraintes franco-françaises. Des amendements d'Anne-Sophie Romagny viseront à étendre à d'autres cultures l'exception proposée pour la betterave.
La séparation de la vente et du conseil n'a pas conduit à une diminution des volumes utilisés. Le projet de loi d'orientation agricole proposera un diagnostic modulaire.
La proposition de loi autorise l'usage de drones, qui n'est pas remis en cause par l'Anses.
Notre groupe défendra des amendements en matière d'ICPE.
Enfin, la France fait preuve d'excès de zèle en matière de zones humides. Elle compte plus de 4 millions d'hectares classés, contre 1,2 au Royaume-Uni et 900 000 aux Pays-Bas. Cela interroge sur la pertinence du zonage.
Le groupe UC est favorable à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, INDEP et Les Républicains)
M. Jean-Jacques Michau . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce n'est pas en dérégulant, en libéralisant à tout va que l'on aidera les agriculteurs, qui ont avant tout un problème de revenu : il faut garantir des prix équitables, lutter contre les abus des intermédiaires, encourager les circuits courts, alléger les démarches administratives et les contrôles tatillons, mieux rémunérer les aménités positives. Il faut accompagner la réorientation des modes culturaux, investir massivement dans les filières bio et de qualité. À cet égard, la suppression par le Sénat de l'Agence bio suscite l'incompréhension.
L'utilisation de produits dangereux affecte en premier lieu la santé des agriculteurs eux-mêmes, c'est pourquoi je m'oppose à l'article 2, qui affaiblit la position de l'Anses en revenant sur des interdictions actées.
Apiculteur amateur, je m'inquiète de la ré-autorisation des néonicotinoïdes tueurs d'abeilles. En trente ans, 80 % des insectes volants en Europe ont disparu, dont les pollinisateurs. Gare à l'effondrement de la biodiversité !
Les agriculteurs ont fait des efforts, mais les techniques doivent encore évoluer pour arrêter d'épuiser les sols - je vous renvoie aux travaux de Nicole Bonnefoy. Ces évolutions se feront grâce à la science, grâce aux recherches menées par les organismes et agences dont les auteurs de ce texte veulent démagogiquement limiter l'influence. Ce n'est pas en cassant le thermomètre qu'on fera baisser la température.
M. Franck Menonville. - Ce n'est pas ce que nous voulons faire !
M. Jean-Jacques Michau. - Enfin, il faut lutter contre l'importation de produits agricoles ne respectant pas nos règles environnementales, sanitaires et sociales, en imposant des clauses miroirs.
Les recettes proposées par ce texte n'amélioreront pas la situation des agriculteurs. De plus, le contexte politique et syndical ne permet pas un débat apaisé. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Christine Bonfanti-Dossat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi, essentielle pour répondre aux défis auxquels est confrontée l'agriculture française, traduit un engagement fort en faveur de nos agriculteurs, de nos territoires, de notre souveraineté alimentaire.
Dans le Lot-et-Garonne, les agriculteurs font face à une pression insoutenable : baisse des marges, explosion des charges, concurrence internationale déloyale. La filière noisette, emblématique, est dans une impasse : l'interdiction en France de l'acétamipride, pourtant autorisé dans d'autres pays européens, pour lutter contre les ravageurs met en péril sa viabilité et aggrave une concurrence déjà inéquitable. L'article 2, qui permettrait des dérogations encadrées, apporte une réponse pragmatique à des situations exceptionnelles.
En laissant entrer sur notre marché des produits issus de pratiques agricoles interdites en France, des accords commerciaux, comme celui signé avec le Mercosur, exposent nos agriculteurs à une concurrence internationale déloyale, mettant en péril notre souveraineté alimentaire.
L'un des leviers clés de cette souveraineté est la gestion de l'eau. Trop de projets de retenues et de lacs collinaires sont bloqués. L'article 5 simplifie les démarches administratives pour ces infrastructures vitales. En facilitant ces projets, nous sécurisons l'irrigation, pérennisons les exploitations et préparons notre pays aux défis climatiques à venir.
Le modèle agricole français repose sur trois piliers : la diversité des productions, la qualité des produits, le lien avec le territoire. Nos agriculteurs façonnent nos paysages, maintiennent la vie rurale, préservent nos traditions. La crise agricole concerne notre économie, notre environnement, notre avenir collectif.
En soutenant cette proposition de loi, nous affirmons que la France protège ses agriculteurs, que sa souveraineté alimentaire n'est pas négociable. Nous disons à nos agriculteurs que nous avons entendu leur appel. Ce texte est un acte de foi en notre agriculture et de courage politique. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
M. Vincent Louault. - Bravo !
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte envoie un signal fort aux agriculteurs. Que ses auteurs en soient remerciés. Un signal fort à ceux qui nous nourrissent, magnifient nos paysages, perpétuent des savoir-faire et font la fierté de tout un peuple. La ferme France est en souffrance, nous devons nous tenir à leurs côtés. Ces dix dernières années, la France a perdu cent mille exploitations. (M. Thomas Dossus ironise.) Nous sommes passés de plus d'un million d'exploitations en 1988 à 400 000 aujourd'hui. Un agriculteur sur quatre vit sous le seuil de pauvreté, un sur cinq ne dégage pas un revenu suffisant pour se rémunérer. Chaque année, près de 300 agriculteurs se suicident.
Derrière ces chiffres, il y a des femmes et les hommes, héros de nos territoires, piliers de nos communes, confrontés à des contraintes de plus en plus lourdes. À nous de leur apporter des réponses.
Les défendre, c'est aussi rappeler qu'ils sont soumis à des normes européennes qui ignorent parfois la réalité, souvent durcies lors de leur transposition... Ne tuons pas leur compétitivité !
Il est urgent de réduire le poids de l'administratif. Combien d'exploitants se plaignent de passer plus de temps à leur bureau qu'aux champs ou à l'étable ? Des heures volées à leur passion, à leur production et à notre souveraineté alimentaire.
Face à la concurrence internationale, parfois déloyale, aux crises économiques et climatiques, nous devons offrir à nos agriculteurs des outils pour rester compétitifs.
Défendre nos agriculteurs, c'est défendre nos territoires ruraux, nos paysages, notre patrimoine. Chaque fois que la flamme de l'agriculture vacille, c'est une part de l'âme française qui risque l'extinction. En votant ce texte, nous montrons à ceux qui travaillent sans relâche pour garantir notre souveraineté alimentaire que la République est à leurs côtés. Il est grand temps d'alléger leur fardeau, de leur redonner les moyens de réussir. Leur survie et la nôtre en dépendent. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Discussion des articles
Article 1er
Mme Nicole Bonnefoy . - Cet article, qui reprend l'article 18 de la précédente proposition de loi Duplomb, va à l'encontre des recommandations de notre rapport de 2012, adopté à l'unanimité. S'il vous faut une coupable, c'est moi qui suis à l'origine de la séparation du conseil et de la vente. Qui conseille ne peut vendre, et inversement, au risque d'un conflit d'intérêts évident.
Vous allez plus loin encore en revenant sur l'interdiction des remises, rabais et ristournes. Vous revenez sur le conseil stratégique phytosanitaire, à la hâte et sans étude d'impact.
Que souhaitez-vous ? Arrêter tout contrôle sur les pesticides déversés dans les sols, jusqu'à épuisement de ceux-ci ? Faire croire à nos exploitants qu'il n'y aura plus aucun contrôle ? Savez-vous que les agriculteurs et leurs familles sont les premières victimes ? J'en veux pour preuve le fonds d'indemnisation des victimes des pesticides, créé ici en 2018 et intégré au projet de loi de finances en 2020.
Est-ce à la hauteur du défi de santé publique et environnementale que représente également la pollution des eaux par les PFAS et métabolites ? Les études sont accablantes.
Je ne peux me résigner à ce que le législateur se renie ou se soumette à des intérêts économiques de court terme.
M. Laurent Duplomb . - Cet article revient uniquement sur des surtranspositions que nos voisins ne connaissent pas. La séparation du conseil et de la vente ? Le même ministre qui a fait voter cette mesure a commis un rapport qui appelle à revenir sur cette usine à gaz.
M. Vincent Louault. - Tout à fait.
M. Laurent Duplomb. - L'interdiction des remises, ristournes et rabais ? Les agriculteurs achètent des produits phytosanitaires pour lutter contre les maladies de leurs cultures, comme vous achetez des médicaments quand vous êtes malades. Quoi de plus stigmatisant que de leur dire qu'ils sont tellement bêtes qu'ils ne pourront même plus négocier ! Comme si tous les moyens étaient bons pour les punir ! Assez de surtranspositions, assez de démagogie ! (M. Jean-Claude Tissot, Mme Nicole Bonnefoy et M. Jean-Jacques Michau protestent.)
Madame Bonnefoy, les CMR1, les plus dangereux, ont été supprimés en France à 95 %. Pourquoi ne dites-vous pas que les agriculteurs ont fait d'immenses progrès ? Pourquoi ? (Mme Nicole Bonnefoy proteste.)
M. Franck Menonville . - Lors de l'examen de la loi Égalim, nous étions partagés sur la séparation de la vente et du conseil. Depuis, nous constatons une déstructuration du conseil. Le conseil stratégique est utile, mais il n'est pas le conseil immédiat face aux difficultés quotidiennes. L'enjeu n'est pas la séparation entre la vente et le conseil, mais l'exigence en matière d'agrément des structures qui délivrent le conseil. Lorsqu'on est confronté à un problème urgent au bout de son champ, on a besoin d'un conseil pertinent, immédiat et réactif.
M. le président. - Amendement n°2 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Cet amendement supprime l'article 1er. Dans leur rapport de 2023, Stéphane Travert et Dominique Potier dressent en effet le constat d'un échec relatif de la mise en oeuvre de la séparation de la vente et du conseil et pointent des effets contre-productifs en matière de transition agroécologique. Nous ne nions pas les failles du dispositif actuel. Mais les rapporteurs ne soutiennent pas pour autant cette proposition de loi, ni n'appellent à cesser toute régulation ! Un vendeur est là pour vanter son produit, pas pour faire du conseil : c'est le B-A BA du commerce ! (Mme Nicole Bonnefoy renchérit.)
Ce serait une erreur de rendre facultatif le conseil stratégique. Il faut de véritables conseils, indépendants, séparés de la vente. Ne remettons pas en cause la séparation, même s'il faut l'améliorer.
M. le président. - Amendement identique n°9 de M. Tissot et du groupe SER.
M. Jean-Claude Tissot. - Cet article acte un certain nombre de reculs en matière d'encadrement des pesticides. Nous nous y opposons sans équivoque.
Depuis 2012, nous maintenons qu'en absence de séparation de la vente et du conseil, il y a un risque de conflit d'intérêts. Le vendeur, rémunéré en fonction de ses ventes, va encourager le client à acheter plus que nécessaire. Le modèle actuel n'est peut-être pas parfait, mais une suppression pure et simple de l'interdiction, sans alternative, n'est pas entendable.
Les produits phytosanitaires, potentiellement dangereux pour l'homme et pour l'environnement, ne sont pas des produits de consommation lambda. Autoriser les remises, ristournes et rabais irait à rebours de la volonté affichée de réduire la consommation de pesticides.
Enfin, il nous paraît nécessaire, pour sensibiliser les acteurs et amorcer un réel virage agroécologique, de conserver un conseil stratégique phytosanitaire obligatoire.
Dans cet article, les termes « abrogation » et « suppression » sont partout, mais les solutions concrètes manquent. Dès lors, comment atteindre les objectifs du plan Écophyto ?
M. le président. - Amendement identique n°44 de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.
M. Gérard Lahellec. - Personne n'utilise les pesticides par plaisir.
M. Laurent Duplomb. - Évidemment !
M. Gérard Lahellec. - Je connais des agriculteurs qui, ayant transmis leur exploitation à leurs fils, leur interdisent de manipuler les pesticides, préférant le faire eux-mêmes, car ils sont conscients du danger ! (M. Daniel Salmon renchérit.)
Cet article remet en cause des précautions introduites dans la loi Égalim. Il est vrai que nous avons besoin de renforcer le conseil ; mais attention aux décisions qui ont pour effet d'augmenter l'utilisation.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - J'aimerais vous convaincre. (Sourires sur les travées du groupe SER) Nous sommes très attachés à notre environnement - nous y vivons !
Je lis le rapport Potier-Travert : « l'effet de la séparation entre activités de conseil et de vente sur l'usage des produits phytopharmaceutiques ne peut être précisément évalué, mais les auditions laissent penser qu'il est faible, notamment en raison des effets contreproductifs que la réforme a pu produire, mais aussi de sa faible application. Le passage d'un conseil formalisé formulé par les vendeurs à une absence de conseil ou à un conseil oral et informel paraît avoir diminué la qualité du conseil délivré et laissé un certain nombre d'agriculteurs orphelins. » Le diagnostic est sans appel ! Avis défavorable aux amendements de suppression.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable. Le retour d'expérience montre que des évolutions sont nécessaires, tous l'ont dit. Le rapport Potier-Travert est éloquent. Nous devons accepter de reconnaître nos erreurs.
Le dispositif actuel est trop complexe : problème de renouvellement des certificats, manque de conseillers, difficulté à tracer les limites entre conseils et recommandations d'utilisation découlant de l'autorisation de mise sur le marché (AMM) ... Finalement, on aboutit à moins de conseil - l'inverse du but recherché !
Le Gouvernement entend respecter la trajectoire de diminution de la consommation de phytosanitaires, c'est le sens de l'histoire. Le jour où les agriculteurs pourront produire avec moins de produits phytosanitaires, ou sans, ils le feront. (Exclamations incrédules sur les travées du GEST) Ils ont toujours répondu aux attentes de la société.
La séparation de la vente et du conseil ne doit pas être entièrement abrogée. Il faut garantir la qualité du conseil et limiter les risques de conflit d'intérêts.
Je vous suggère de retirer ces amendements au profit de celui du Gouvernement, qui prévoit la possibilité pour un distributeur d'exercer une activité de conseil, mais sous certaines conditions : nous supprimons la notion de conseil spécifique au profit de celle de conseil stratégique et imposons certaines exigences, précisées par décret, afin d'éviter les conflits d'intérêts. L'activité de conseil restera interdite aux fabricants de produits phytopharmaceutiques. Les règles de séparation capitalistique continueront de s'appliquer. Enfin, l'amendement du Gouvernement rétablit les interdictions de rabais.
Toutes nos propositions ont été travaillées en interministériel - hormis sur les néonicotinoïdes, sur lesquels je reviendrai. Je ne crois pas qu'opposer défense de l'environnement et de l'agriculture soit une voie féconde.
M. Guillaume Gontard. - C'est pourtant ce que fait ce texte !
Mme Annie Genevard, ministre. - Les agriculteurs sont bien plus attachés au respect de l'environnement que vous ne le dites. (M. Vincent Louault approuve.)
M. Guillaume Gontard. - Nous n'avons jamais dit le contraire...
Mme Annie Genevard, ministre. - Notre amendement répondra à vos préoccupations.
M. Pierre Médevielle. - Séparer la vente du conseil partait d'un bon sentiment, mais cela ne fonctionne pas.
Je vis dans une région avec une frontière poreuse : des produits parfois interdits en France traversent les Pyrénées sans qu'il y ait eu le moindre conseil... Revenons à la réalité ! Va-t-on interdire aux vétérinaires de vendre des produits vétérinaires, au motif qu'il faudrait séparer la vente du conseil ? Tout cela, c'est de l'idéologie !
M. Henri Cabanel. - Trop souvent, on propose des textes sans évaluer leur impact. Chacun reconnaît que la séparation vente-conseil n'a pas vraiment marché. Auparavant, les distributeurs de produits phytosanitaires faisaient du conseil ; après la loi Égalim, ils ont arrêté.
Les agriculteurs doivent assumer leurs responsabilités, se sensibiliser sur la dangerosité des produits. Il faudra revoir le Certiphyto.
Les auteurs des amendements partent du principe que les remises et rabais poussent à employer davantage de produits phytosanitaires. Mais certains agriculteurs ne parviennent à dégager un revenu qu'en réduisant leurs coûts de production : ils profitent des remises et rabais sur des produits déstockés non pour en utiliser plus, mais pour faire des économies ! Je trouve stupide de les en empêcher.
M. Daniel Salmon. - Nous n'opposons jamais agriculture et environnement, car sans environnement, pas d'agriculture !
Ces substances sont loin d'être anodines. Les pesticides soignent les plantes, certes, mais n'épargnent pas la biodiversité, qui s'effondre, et altèrent la santé humaine. C'est étayé par quantité d'études.
Trois exemples : le flufénacet, un PFAS qui se transforme en acide trifluoroacétique, qu'on retrouve dans les sols, notamment en Bretagne, et dont l'autorisation, qui expirait en 2013, a déjà été prolongée à neuf reprises ; le S-métolachlore, présent dans toutes les eaux de surface - dans mon département, 2 % seulement sont en bon état écologique ; le prosulfocarbe, utilisé sur les céréales, qui a contaminé de nombreux lots d'agriculteurs biologiques.
La séparation du conseil de la vente est essentielle.
M. Jean-Claude Tissot. - Nous maintenons notre amendement, pour des raisons tant de fond que de forme - rien ne dit que l'amendement n°89 du Gouvernement sera adopté.
M. Laurent Somon. - C'est la même chose avec les vétérinaires, qui fournissent aux éleveurs et le conseil, et le traitement ! Or le plan Écoantibio a permis de réduire de 52 % l'exposition des animaux aux antibiotiques. Pourquoi vouloir dissocier absolument vente et conseil ?
Il ne s'agit pas d'un conseil délivré par le fabricant, mais par le distributeur. Personne n'a intérêt à utiliser davantage de produits phyto - a fortiori l'agriculteur, à qui cela coûte cher !
M. Daniel Salmon. - Ça !
M. Laurent Somon. - Autrefois, on traitait tous les animaux aux antibiotiques pour les mammites, sans distinction ; désormais, on cible les bêtes à traiter, en cas de tarissement. De la même manière, on peut cibler les parcelles malades à traiter.
Tout le monde a intérêt à utiliser moins et mieux de pesticides. La formation est plus poussée qu'avant. Dix-neuf organismes techniques, sans compter les chambres d'agriculture, forment les agriculteurs à mieux utiliser ces produits et les économiser - et donc à améliorer leur revenu ! N'accusons pas les agriculteurs de déverser des produits phytosanitaires larga manu.
M. Vincent Louault. - L'interdiction des rabais a eu pour seul effet une augmentation de 15 % du prix des produits phytosanitaires pour les agriculteurs. Ces firmes se sont fait des cojones en titanium ! (Sourires) En négociant, les groupements d'agriculteurs obtenaient de meilleurs prix : quand on achète trois palettes, cela revient moins cher que d'acheter bidon par bidon, n'importe quel simplet le comprend. Même chose pour les produits vétérinaires, pour la prophylaxie des ovins. Cette mesure a été d'une inefficacité totale.
M. Laurent Duplomb. - Pour baisser le volume des produits phytosanitaires, on a diminué les quantités appliquées : c'est l'application dite à bas dosage. Au lieu d'appliquer une quantité importante de produit en un seul traitement, on fait deux applications, avec 10 % de la dose initiale - car oui, la réduction peut atteindre 90 % en volume ! Mais quand vous traitez deux fois plutôt qu'une, l'indice de fréquence de traitement passe de un à deux, vous en conviendrez. Eh bien, il y a quelques jours, des ONG ont publié une carte de France indiquant en vert les zones où l'indice de fréquence de traitement est faible, et en rouge - histoire de faire peur - celles où il est plus élevé.
M. Daniel Salmon. - C'est justifié !
M. Laurent Duplomb. - C'est comme pour la diminution des CMR1 : on ne reconnaît pas le travail réalisé pour diminuer le volume de produit utilisé !
M. Jean-Claude Tissot. - Le volume n'a jamais diminué !
Les amendements identiques nos2, 9 et 44 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°89 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Il s'agit de restaurer l'interdiction des remises, rabais et ristournes sur les produits phytosanitaires, introduite par la loi Égalim. Cette interdiction, qui s'applique aussi à la vente de médicaments vétérinaires, a montré son efficacité pour limiter le poids de l'argument commercial dans le choix du décideur.
Privilégions le conseil plutôt que la ristourne. Cette interdiction ne porte pas sur les produits de biocontrôle, que le Gouvernement promeut.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Cet amendement me dérange sur le plan philosophique. Jamais je n'ai vu un agriculteur dépenser pour le plaisir ! Nous dépensons pour nourrir et développer les plantes, pour acheter des matières premières. Pourquoi interdire les remises, ristournes et rabais ? Les agriculteurs ont suffisamment de discernement pour acheter au bon moment.
Nos interlocuteurs peinent à mesurer l'effet de cette mesure sur l'usage des produits phytosanitaires.
Pour autant, étant donné nos échanges cordiaux et fructueux et les compromis obtenus sur la séparation de la vente et du conseil, nous consentirons à maintenir l'interdiction et donnerons un avis favorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Merci.
M. Guillaume Gontard. - On prétend que cette interdiction ne sert à rien, que les agriculteurs n'achètent pas plus quand il y a des rabais ou des publicités. Pourquoi en fait-on, alors ?
Nous avons reçu les amendements du Gouvernement entre midi et deux : comment travailler sérieusement dans ces conditions ? Madame la ministre, vous m'avez renvoyé à la dépêche AFP, parue à 15 heures, dans laquelle vous annoncez revenir sur la suppression de l'Agence bio. Mais à 15 heures, j'étais en train d'étudier vos amendements !
Confirmez donc devant la représentation nationale que vous reviendrez sur la suppression de l'Agence bio en CMP : les salariés attendent. Nous avons besoin de vous entendre réaffirmer le soutien du Gouvernement au bio.
M. Bernard Jomier. - L'intervention du rapporteur m'a laissé perplexe : il est contre le dispositif, mais pour l'amendement...
M. Duplomb, à raison, a comparé les produits phytosanitaires et les médicaments. Derrière, il y a la question de la juste quantité à utiliser.
Les plans Écophyto sont des échecs : le volume ne baisse pas, même si on a substitué des substances moins dangereuses à d'autres. Si on veut réduire les quantités utilisées, n'encourageons pas à acheter plus de pesticides à coût constant ! L'amendement du Gouvernement est un minimum.
Mme Annie Genevard, ministre. - J'invite le président Gontard à lire la dépêche de l'AFP. Vous avez joué à vous faire peur. (Protestations sur les travées du GEST) A-t-il jamais été question d'un avis favorable du Gouvernement à la suppression de l'Agence bio ? Faites-vous la différence entre un avis de sagesse et un avis favorable ? (Protestations sur les travées du GEST et du groupe SER)
M. Jean-Claude Tissot. - On sait bien ce que signifie « sagesse » !
Mme Annie Genevard, ministre. - Mon avis de sagesse n'emportait pas d'avis favorable. Pour preuve, j'ai déclaré à l'AFP qu'il n'était pas question que l'Agence bio disparaisse. L'auteur de l'amendement précisait bien que les missions de l'Agence - communication, structuration, collecte d'informations - perduraient. J'ai clos le débat. Cela étant, j'ai recensé les très nombreuses structures s'intéressant au bio - interprofession, chambres consulaires, agences, opérateurs... Comment les mettre en synergie, pour être plus efficace dans la défense d'un secteur en grande difficulté ? J'y travaille.
Pour achever de dissiper un malentendu largement entretenu : il n'est pas question de diminuer l'appui budgétaire, structurel que le Gouvernement entend apporter à l'agriculture biologique, que j'ai pour ma part toujours défendue - sans exclusive des autres types d'agriculture. (M. Thomas Dossus se gausse.)
La filière Comté, chère à mon territoire, est l'une des plus vertueuses au monde - c'est WWF qui le dit.
M. Jean-Claude Tissot. - Grâce aux normes !
Mme Annie Genevard, ministre. - Grâce au cahier des charges dont la filière s'est dotée. On peut être vertueux sans être en bio.
À aucun moment nous n'avons diminué les aides à l'agriculture biologique. Mais elle doit trouver son équilibre économique.
Mettre en synergie toutes ces structures sera bon pour le bio.
M. Thomas Dossus. - Cela va mieux en le disant.
Mme Anne-Marie Nédélec. - Ce n'est pas le sujet !
L'amendement n°89 est adopté.
M. le président. - Amendement n°31 rectifié octies de M. Louault et alii.
M. Vincent Louault. - Les firmes innovent, avec l'intelligence artificielle : elles ne vendent pas seulement les produits phyto au litre ou au gramme, mais vendent un résultat. Or la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE) est arc-boutée sur le fait que l'agriculteur n'est plus l'applicateur, et demande un agrément. Un agriculteur qui traite ses champs doit pouvoir le faire, même quand il a un contrat de résultat avec une firme.
Faisons preuve de bon sens ! Que la DGPE ne fasse pas du réglementaire sur un point tout à fait clair.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Je redoute une zone grise : l'agriculteur ne serait plus soumis à agrément, mais serait toujours responsable en cas de mauvaise utilisation ou de dérive. L'absence d'agrément l'exposerait encore davantage, quand bien même il ne ferait qu'appliquer les instructions du distributeur. Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable. La détention de l'agrément constitue une protection pour les parties au contrat, en particulier l'agriculteur qui traite lui-même ses parcelles.
M. Vincent Louault. - Je préfère que mon amendement essuie un échec plutôt que de le retirer.
C'est un problème d'innovation. Vous voulez le gérer par du réglementaire ; nous, par la confiance dans les firmes, pour qu'elles trouvent de nouveaux moyens de protéger nos cultures.
M. Daniel Salmon. - Les fabricants font figurer des conditions d'utilisation sur les bidons, mais celles-ci sont impossibles à respecter. C'est une façon pour eux de se protéger. Lorsque les agriculteurs contractent des maladies - je rencontre souvent le collectif des victimes des pesticides de l'Ouest -, on leur demande s'ils ont bien respecté les conditions d'utilisation - imprimées en tout petit. Ces seuils, personne ne peut les respecter et la maladie, elle, est au rendez-vous.
L'amendement n°31 rectifié octies n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°88 rectifié du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Cet amendement fait évoluer la séparation entre vente et conseil et réforme le conseil stratégique phytosanitaire, comme annoncé par le Premier ministre.
M. Bernard Jomier. - Lequel ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Gabriel Attal l'avait annoncé lors de la crise agricole de l'an dernier.
Certes, le retour d'expérience sur la séparation entre vente et conseil n'est pas satisfaisant, mais nous ne souhaitons pas abroger totalement le dispositif, afin de garantir la qualité du conseil et de prévenir les risques de conflits d'intérêts.
Cet amendement est équilibré. Nous supprimons la notion de conseil spécifique au profit de celle de conseil global. Les distributeurs pourront toujours réaliser du conseil, mais sous certaines conditions, à préciser par décret ; ils devront notamment respecter certains points de contrôle.
Le conseil resterait interdit aux fabricants, en raison du risque élevé de conflit d'intérêts.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - C'est une avancée intéressante. Nous serons toutefois vigilants sur la prévention des conflits d'intérêts.
Je comprends qu'il soit difficile de déterminer précisément le contenu du décret à ce stade, mais il ne faudrait pas qu'il rétablisse une quasi-séparation. Sous réserve de votre engagement sur ce point, madame la ministre, la commission sera favorable à votre amendement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Le décret précisera les situations afin de prévenir les conflits d'intérêts. Il ne s'agit en aucune façon de restaurer la séparation de la vente et du conseil, que cet amendement supprime. C'est une simplification ; nous voulons encourager le conseil.
M. Bernard Jomier. - Mme la ministre dit vouloir lutter contre le risque de conflits d'intérêts, mais l'amendement est inopérant. On comprend l'hésitation du rapporteur. Ce serait bien le seul domaine où un vendeur ne chercherait pas vraiment à vendre son produit ! Tant que vous ne séparez pas complètement le conseil de la vente, il y aura un risque de conflits d'intérêts. C'est consubstantiel à la vente : on ne demande pas à un vendeur de voitures de conseiller à ses clients d'acheter la voiture du concurrent.
Nous nous abstiendrons, car l'intention affichée est bonne, mais nous ne sommes pas trompés par ce faux-semblant.
M. Gérard Lahellec. - Dès l'instant où l'on sépare vente et conseil, l'industriel privilégie la vente au conseil !
M. Bernard Jomier. - C'est normal.
M. Gérard Lahellec. - C'est la quadrature du cercle.
Je ne suis pas certain de la pleine efficience de cet amendement.
M. Bernard Jomier. - C'est un euphémisme...
M. Gérard Lahellec. - Nous nous abstiendrons donc.
M. Daniel Salmon. - On nous renvoie à des textes réglementaires, ce qui entretient le flou. Nous n'avons aucune assurance qu'il y aura bien une véritable séparation entre conseil et vente. Nous nous abstiendrons.
Mme Annie Genevard, ministre. - Je comprends vos interrogations : vous vous demandez si l'intention du législateur sera bien respectée. Vous pourrez toujours y revenir si les garanties sur lesquelles s'engage le Gouvernement ne sont pas effectives.
Il faut garantir la qualité du conseil. Comment ? Par la formation du conseiller, par la distinction entre conseiller dédié à la vente et conseiller dédié au conseil.
Nous n'abrogeons pas totalement la séparation de la vente et du conseil. L'activité de conseil resterait interdite aux fabricants.
Mon objectif est clair : développer le conseil à l'avenir.
M. Laurent Duplomb. - À ce stade, nous n'avons pas supprimé l'interdiction des remises, rabais et ristournes. Nous avons maintenu la séparation entre conseil et vente pour les fabricants. En revanche, nous la supprimons pour les distributeurs. C'est bien cela ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Oui ! Vous avez parfaitement résumé la position du Gouvernement.
M. Laurent Duplomb. - Très bien ! Votons !
L'amendement n°88 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°106 de M. Cuypers, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Nous supprimons l'obligation pour les conseillers d'être certifiés, afin d'élargir le vivier de ces experts.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°106 est adopté.
M. le président. - Amendement n°33 rectifié nonies de M. Louault et alii.
M. Vincent Louault. - Rédactionnel.
M. le président. - Sous-amendement n°107 de M. Cuypers, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°33 rectifié nonies, sous réserve de l'adoption du sous-amendement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis favorable au sous-amendement et à l'amendement.
Le sous-amendement n°107 est adopté.
L'amendement n°33 rectifié nonies, sous-amendé, est adopté.
M. le président. - Amendement n°90 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Cet amendement recentre le dispositif des Certiphyto sur les distributeurs de produits phytopharmaceutiques, conformément à l'expérimentation lancée en 2016.
La loi Égalim a élargi le dispositif aux déclarants à la redevance pour pollution diffuse, or ceux-ci ne disposent pas des mêmes leviers que les distributeurs pour promouvoir des solutions alternatives et générer des certificats. En outre, ils ne représentent que 1 % des obligations.
M. Vincent Louault. - Bravo !
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Cet amendement témoigne de notre capacité à revenir sur les dispositifs qui n'ont pas fait preuve de leur efficacité. Avis favorable.
L'amendement n°90 est adopté.
À la demande du groupe SER, l'article 1er, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°177 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 335 |
Pour l'adoption | 230 |
Contre | 105 |
L'article 1er, modifié, est adopté.
Article 2
Mme Nicole Bonnefoy . - La droite sénatoriale prétend ligoter les pouvoirs de l'Anses sur les AMM de pesticides. Face à une telle volonté de dérégulation, y compris sur les néonicotinoïdes tueurs d'abeille, le rapporteur a lui-même reconnu que c'était contraire au droit européen.
Au lieu de se féliciter de disposer d'un outil tel que l'Anses, on jette le discrédit sur cette agence, en arguant de la distorsion de concurrence. Or lorsque l'Anses retire de la vente une substance, elle laisse un délai de grâce pour épuiser les stocks.
Dans cette inversion des valeurs qui privilégie le nivellement par le bas, nous devons rappeler que les interdictions sont prises pour protéger la santé des sols et des travailleurs de la terre.
L'épandage aérien est interdit depuis 2009 par la loi Grenelle. Revenir sur cet acquis serait le summum de l'ineptie : cela revient à détruire le droit de l'environnement, au mépris de la science.
Ces mesures irrationnelles sont une négation de l'impact des pesticides sur l'environnement.
M. Vincent Louault . - Nous n'avons manifestement pas tous la même approche de l'innovation sur ces bancs. Les drones seraient fort utiles pour traiter la vigne ou la banane. Les assimiler aux hélicoptères, c'est fort de café !
Ne fermons pas la porte à l'innovation. Sinon, nous serons condamnés à regarder passer les trains...
M. Bernard Jomier . - Cet article a des effets importants. L'ensemble des mesures prises par l'Anses sont concernées.
Il est problématique de confier des compétences propres à une agence et de prévoir une information préalable des tutelles sur tout projet de décision : la tutelle est légitime sur la gestion et la gouvernance d'un établissement public, pas sur les missions qui lui sont confiées.
Imaginez un tel dispositif pour l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), créée à la suite de l'affaire du Mediator ! Il faut préserver les décisions de toute tentative d'influence.
À toutes fins utiles, je rappelle que le code de la santé publique préserve la capacité de l'État à revenir sur les décisions de l'Anses, qui peuvent être suspendues par le ministre de l'agriculture.
Cet article introduirait un précédent fâcheux.
Mme Anne-Sophie Romagny . - Qu'est-ce que l'acétamipride ? Un éclairage scientifique s'impose.
Les néonicotinoïdes forment une famille hétérogène. L'acétamipride est faiblement persistant dans l'environnement et a même reçu le label abeille. (On ironise à gauche.) De multiples rapports ont été remis sur ce sujet. Dans une publication de janvier 2022, le groupe scientifique de l'AESA a conclu qu'il n'existait aucune preuve de risque plus élevé avec l'acétamipride, y compris sur l'immunotoxicité. Les informations fournies ne démontrent pas que l'acétamipride constitue un risque grave. Rappelons que l'acétamipride est utilisé partout en Europe, sauf en France. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
M. le président. - Amendement n°3 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Même modifié, cet article pose problème en ce qu'il prévoit que le directeur général de l'Agence pourrait s'en remettre au ministre pour les AMM des produits phytosanitaires.
Le règlement européen stipule pourtant que l'évaluation doit être indépendante, objective et transparente, en fonction des connaissances scientifiques. On ne saurait confier l'AMM au ministre, clairement, ni même au directeur général de l'Anses : cela nuirait à l'indépendance de l'évaluation en cas de pression extérieure pour que celui-ci délègue le dossier au ministre.
Rien ne justifie cette mise sous tutelle. L'Anses rappelle que son indépendance est une condition de la qualité de ses décisions.
L'Anses le dit : il n'y a aucun avantage démontré à l'utilisation des drones à l'heure actuelle. Le principe de précaution doit s'appliquer. Certes, ce ne sont pas des hélicoptères, mais leur utilisation contraint à utiliser des adjuvants : le cocktail ainsi formé augmente les risques.
M. le président. - Amendement identique n°10 de M. Tissot et du groupe SER.
M. Jean-Claude Tissot. - Cet article constitue un retour en arrière de dix ans. Il remet en cause le cadre existant tout en affaiblissant l'Anses. Nous nous opposons au délai de grâce systématique en cas de retrait d'une AMM d'un pesticide - dix-huit mois, temps particulièrement long. Nous le redisons avec fermeté : en aucun cas une évaluation des bénéfices-risques ne peut reposer sur des critères économiques.
Enfin, cet article réautorise l'épandage aérien, qui comporte plus de risques. Nous ne sommes pas opposés à des aménagements, dès lors que toutes les conditions de sécurité seraient réunies - mais pas au détour d'une proposition de loi sans étude d'impact.
Le paroxysme : la réautorisation des néonicotinoïdes en France, inacceptable vu le nombre de dérogations votées les années passées.
M. le président. - Amendement identique n°45 de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.
M. Gérard Lahellec. - Effectivement, cet article est un retour en arrière. Bien sûr, les sénateurs scientifiques nous expliqueront que tout cela n'est pas bien grave ; je préfère m'appuyer sur le pôle d'excellence qu'est l'Anses.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis défavorable, naturellement. L'article 2 est la clé de voûte de ce texte, en ce qu'il s'attaque à une problématique qui mine notre agriculture.
Je salue de nouveau le travail immense mené par les auteurs du texte et la ministre, qui a mis toute son énergie dans la recherche de compromis et la demande d'arbitrages complexes.
Même si un point de blocage demeure, je mesure le progrès réalisé sur cet article.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable. Les propositions sur l'Anses ne sont pas adaptées. Je propose donc une réécriture à ce sujet - j'y reviendrai.
Ces amendements disposent que le ministre se substitue au directeur général ; mais celui-ci devrait lui aussi suivre les conclusions des évaluations conduites par l'Anses. En outre, un ministre ne peut pas être sûr de satisfaire les demandes d'une partie ou d'une autre de l'hémicycle... Écartons cette fausse bonne idée.
Je n'ai jamais voulu mettre l'Anses sous tutelle ; quand bien même je le voudrais, je ne le pourrais pas. Selon le cadre législatif européen, l'agence ne prend ses décisions qu'en fonction de la santé et de l'environnement.
M. Bernard Jomier. - Quand même !
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous avons eu un débat sur les drones à propos de la proposition de loi Fugit.
Nous ne pouvons repousser l'innovation. Une personne qui traite les bananiers depuis le sol en prend autant que les bananiers qu'elle arrose. Les drones sont une solution.
Mme Vanina Paoli-Gagin. - L'urgence est de trouver des alternatives, plutôt que d'interdire des produits qui ne le sont pas dans les autres États membres de l'Union européenne. Le dépérissement des noisetiers coûtera très cher. Vous aimez le praliné et les noisettes du Piémont ? Elles ont été traitées avec les produits phytosanitaires.
M. Laurent Duplomb. - Très bien !
M. Vincent Louault. - Je n'étais pas auprès du berceau lorsque Laurent Duplomb a déposé sa proposition de loi.
Un politique sans scientifique, cela ne vaut rien. (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également). Nous sommes au moins d'accord sur quelque chose !
Mais nous avons auditionné l'AESA et l'Anses et avons constaté un problème : la France, à la demande de certains ministres de l'environnement, a harcelé l'AESA pour le réexamen de l'avis sur l'acétamipride.
Ce genre de comportement doit s'arrêter. Les agriculteurs me disent : nous voulons la fusion de l'Anses avec l'AESA. (M. Gérard Lahellec renchérit.) Nous en avons marre de ces histoires franco-françaises. Si les deux agences fusionnaient, nous ne serions pas embourbés avec une loi Biodiversité qui cite une molécule, alors que cela relève du réglementaire. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Laurent Duplomb. - Bravo !
M. Daniel Salmon. - On entend parler en permanence de la noisette. Effectivement, je consomme de la noisette ; j'ai des noisetiers tout autour de mon jardin : ils vont très bien, mais je ne fais pas de mon cas particulier un cas général, contrairement à certains.
La France reste le premier producteur de noisettes en Europe ; l'Italie et la Turquie, qui ont conservé l'acétamipride, connaissent la même baisse de rendement que la France. (M. Laurent Duplomb proteste.) De fait, c'est le réchauffement climatique qui est en cause. (On ironise sur les travées des groupes INDEP et Les Républicains.)
L'acétamipride a des effets sur le couvain des abeilles - dont nous avons besoin : 75 % des espèces cultivées ont besoin de pollinisation.
Le cassis, en Franche-Comté, a connu une baisse de rendement terrible. Une étude a montré que celle-ci était liée à l'effondrement de la population des pollinisateurs. (Mme Anne-Sophie Romagny s'exclame.) Cela peut engendrer un rendement en baisse de 30 % pour le colza.
L'acétamipride l'est moins que les autres pesticides, mais elle reste rémanente.
Mme Anne-Sophie Romagny. - C'est pour cela qu'elle a le label Abeille !
M. Bernard Jomier. - J'étais très content d'entendre notre collègue Louault dire qu'il n'y avait pas de politique sans fondement scientifique. Mais une étude vaut ce qu'elle vaut. Il faut plutôt regarder les grandes cohortes, qui nous disent que les agriculteurs ont été, sont et seront les premières victimes des néonicotinoïdes.
M. Laurent Duplomb. - Ce n'est pas ce qui se passe.
M. Bernard Jomier. - M. Duplomb n'est pas d'accord, car il conteste la science en permanence pour servir d'autres intérêts. (Protestations sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
Regardez la réalité en face ! Les agriculteurs sont 30 à 70 % plus touchés par trois cancers que la population générale. (Mme Nicole Bonnefoy renchérit.) Pourquoi ce déni ? Pourquoi ne pas accepter une réflexion dépassionnée ? Les chiffres sont là depuis les années 1990. Il faut donc minimiser l'usage des pesticides.
On parle du traitement, mais il faut aussi parler de la réentrée avec les semences enrobées. (Mme Nicole Bonnefoy et M. Daniel Salmon applaudissent.)
M. Franck Menonville. - Madame la ministre, que pensez-vous des avis divergents de l'Anses et de l'AESA sur l'acétamipride ?
L'Europe n'a pas la main qui tremble en matière d'environnement ou d'exigences sanitaires...
M. Henri Cabanel. - On se trompe de combat. Chers collègues de gauche, vous parlez de substances dangereuses : je le conçois très bien, mais nous sommes aussi ici pour faire de la politique. (On ironise sur les travées du groupe SER.) Avec l'élection de Trump, avec le développement de l'Asie, nous sommes confrontés à une concurrence extrême. L'Union européenne doit, plus que jamais, faire bloc.
Je comprends tout ce que vous dites, mais comment peut-on, en France, pénaliser les agriculteurs français par rapport à leurs collègues européens ? Ce combat, mes chers collègues, vous devez le mener au niveau européen.
M. Pierre Médevielle. - Méfions-nous des conclusions hâtives. L'épidémiologie a établi des liens entre certaines maladies professionnelles des agriculteurs et des substances organophosphorées et organochlorées. En l'espèce, il existe des preuves scientifiques. Mais mettre tous les cancers des agriculteurs sur le dos des pesticides, c'est trop facile. Des gens qui ne sont pas en contact avec ces substances ont les mêmes cancers.
Avec Nicole Bonnefoy et Joël Labbé, nous avons voté l'interdiction des néonicotinoïdes en 2015. Cela n'a pas eu d'effet. Les néonicotinoïdes n'étaient pas seuls responsables des problèmes des abeilles. On ne parle pas des frelons asiatiques ou de l'importation de reines des pays d'Europe de l'Est, qui ne sont pas acclimatées à nos contrées.
M. Daniel Salmon. - C'est la mondialisation qui est en cause.
M. Bruno Sido. - Mon intervention est une manière de rappel au règlement. M. Jomier a insulté publiquement un collègue : il devrait lui présenter des excuses publiques. (M. Bernard Jomier le nie.)
M. Fabien Gay. - Nous avons découvert au début du XXe siècle les méfaits de l'amiante. Il a fallu un siècle pour obtenir son interdiction, en 1997, alors que la première réglementation pour protéger les travailleurs n'avait été adoptée qu'en 1977. Idem pour le chlordécone, dont on connaissait les effets négatifs trente ans avant son interdiction.
Ce modèle intensif a été inventé pour produire plus, nourrir plus.
M. Pierre Médevielle. - Nous en avons tous profité !
M. Fabien Gay. - Bien sûr, nous en avons profité.
Henri Cabanel pose une question centrale : les méfaits du modèle sur la biodiversité, mais aussi sur l'homme. Ce qui est nocif pour une partie du vivant l'est pour tout le vivant.
Mais depuis l'interdiction des néonicotinoïdes en 2018, nous n'avons pas favorisé d'alternative.
M. Laurent Duplomb. - Il fallait trouver une alternative !
M. Fabien Gay. - Et c'est la troisième fois que l'on vote une prolongation, faute d'alternative. Mais c'est reculer pour mieux sauter : c'est retarder l'arrivée des alternatives qui seraient bonnes pour la planète et pour les humains concernés.
M. Jean-Claude Tissot. - Il y a des alternatives ! Il y a un travail de l'Inrae ! (On le conteste à droite et au centre.)
Mme Anne-Sophie Romagny. - Pas sur l'acétamipride !
M. Jean-Claude Tissot. - Sauf que vous ne voulez pas engager une démarche de changement, car c'est compliqué de changer ses habitudes !
Pour les endives, c'est la onzième année de dérogation.
Monsieur Cuypers, c'est vrai, c'est compliqué et il faut accompagner les agriculteurs concernés, comme vous. Mais, pour cela, il faut dire : les néonicotinoïdes, c'est terminé ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Annie Genevard, ministre. - Je partage ce qui a été dit sur les distorsions entre l'AESA, qui se prononce sur les substances, et l'Anses, qui le fait sur les produits. Oui, il pourrait n'y avoir qu'un seul niveau, le niveau européen, ce qui nous économiserait d'interminables débats et des distorsions de concurrence résultant de surtranspositions.
Cette démarche est initiée autant par mon ministère que par celui de la transition écologique. Le niveau européen est le bon. Nous devons explorer cette voie prometteuse.
Les amendements identiques nos3, 10 et 45 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°91 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Voici une alternative à la suppression de l'article préconisée par certains d'entre vous.
L'Anses est indépendante et prend ses décisions en fonction de la santé et de l'environnement - c'est le règlement européen. Cela dit, l'organisation de ses travaux pourrait être améliorée.
Premier point : la priorisation des décisions. Il y a trois niveaux : la recherche fondamentale, avec l'Inrae et les instituts techniques, qui favorisent l'émergence des alternatives aux produits phytopharmaceutiques ; le moyen terme, avec le plan d'action stratégique pour l'anticipation du potentiel retrait européen des substances actives et le développement de techniques alternatives pour la protection des cultures (Parsada) ; enfin, les situations d'urgence, comme la noisette. Dans l'amendement, je demande à l'Anses de prioriser les travaux sur les filières affichant le plus de risque.
Deuxième point : je demande à l'Anses d'informer les tutelles, le ministère de l'agriculture et celui de la transition écologique. Je ne peux pas apprendre le retrait d'une molécule par la presse ! Aussi, je propose la création d'un conseil d'orientation pour la protection des cultures qui identifierait les filières devant être traitées en priorité.
En aucun cas, cet amendement travaillé en interministériel ne revient sur l'indépendance de l'Anses. (Mme Nicole Bonnefoy ironise.)
M. le président. - Amendement n°66 rectifié de M. Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - Cet amendement encourage des pratiques innovantes pour préserver la biodiversité tout en accompagnant nos agriculteurs dans leur transition. L'État doit prendre ses responsabilités en investissant massivement dans de nouvelles technologies. Il faut une approche collaborative, impliquant scientifiques et agriculteurs. Innovation et durabilité ne sont pas opposées.
M. le président. - Amendement n°77 rectifié bis de M. Cabanel et alii.
M. Henri Cabanel. - J'ai bien entendu les arguments de la ministre : je retire cet amendement au profit de celui du Gouvernement.
L'amendement n°77 rectifié est retiré.
L'amendement identique n°83 rectifié bis n'est pas défendu.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable à la rédaction de compromis que propose le Gouvernement dans son amendement n°91, qui prévoit la création d'un conseil d'orientation pour la protection des cultures et renforce le pouvoir des tutelles.
Avis défavorable à l'amendement n°66 rectifié.
Mme Annie Genevard, ministre. - Une précision : nous renforçons non pas le pouvoir des tutelles, mais leur information.
Avis défavorable à l'amendement n°66 rectifié. La recherche est très importante, notamment sur les solutions alternatives aux produits phytosanitaires, mais de nombreuses filières ont déjà bénéficié de plans dédiés à la suite du retrait de substances actives, notamment la betterave ou le colza.
Un soutien de 20 millions d'euros a été accordé par l'État à des laboratoires et entreprises de recherche pour le biocontrôle, dans le cadre de France 2030.
Le Grand défi biocontrôle et biostimulation pour l'agroécologie (GDBBA) a été lancé le 1er mars 2024 et est doté de 60 millions d'euros, dont 42 millions de subventions de l'État.
Le Parsada est doté de 146 millions d'euros en 2024 pour financer les plans d'action des filières.
Le budget de l'Inrae bénéficie d'un soutien très important de l'État, dépassant le milliard d'euros.
On ne peut pas dire que l'État ne soutient pas la recherche de solutions alternatives.
M. Jean-Claude Tissot. - Nous ne voterons pas l'amendement n°91 du Gouvernement. Nous ne pouvons soutenir un amendement qui réforme le fonctionnement de l'Anses sans concertation préalable ni étude d'impact.
L'obligation d'information concernerait tous les médicaments vétérinaires, les biocides et les pesticides ; le périmètre est extrêmement large. Ainsi, vous remettriez en cause l'indépendance de l'Anses. On ne pourrait imaginer un tel dispositif pour les médicaments.
M. Daniel Salmon. - Madame la ministre, quelle sera la composition du conseil d'orientation pour la protection des cultures ? L'Union nationale de l'apiculture française (Unaf) serait très intéressée par une participation à ce conseil, puisqu'on retrouve de l'acétamipride dans le pollen et le miel... Il faudrait ouvrir largement la composition du conseil.
Votre proposition est contradictoire : comment l'Anses peut-elle rester indépendante si on lui dicte des priorités ? Les priorités du Gouvernement ne sont pas toujours celles des scientifiques ou des organisations environnementales.
M. Bernard Jomier. - Madame la ministre, vous posez un principe général sans le définir. La jurisprudence du Conseil d'État est claire : un principe de priorité porterait atteinte au principe d'égalité - par exemple, des fabricants demandant une AMM la verraient traitée plus tard que d'autres - ; vous courrez le risque d'une invalidation juridique.
Je croyais que l'époque était à la simplification, pas à la création d'un nouveau conseil. Vous augmenterez la charge de travail de l'Anses ; augmentez donc ses moyens ! L'Anses est rémunérée pour instruire les dossiers de produits phytosanitaires, mais le coût est supérieur à la facturation ; autorisez-la à augmenter ses tarifs ! Sans quoi on aboutira à un engorgement des procédures.
Enfin, si je comprends bien, vous souhaitez que les arbitrages soient rendus au niveau européen, et non français.
M. Daniel Gremillet. - Nous avons souvent déploré que des filières se retrouvent dans une impasse. Mais j'ai une question : parmi les filières qui sont dans l'impasse, allez-vous hiérarchiser ? Certaines filières sans solution devront-elles attendre ?
M. Bernard Jomier. - C'est bien ça !
M. Daniel Gremillet. - Madame la ministre, rassurez-nous !
Mme Annie Genevard, ministre. - Mon amendement est très important.
Considérer comme un manque d'indépendance le fait de fixer une priorité de travail pour l'Anses sur une filière menacée de disparition, cela revient au même qu'interdire à un médecin de prioriser entre dix patients celui qui est en danger vital.
M. Laurent Duplomb. - Exactement ! (M. Guy Benarroche proteste.)
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous incitons certes l'Anses à prioriser une filière en risque, mais cela ne préjuge en rien des conclusions rendues par l'agence : elle pourra dire non. (M. Bernard Jomier en doute.) L'Anses protège scrupuleusement son indépendance, conférée par la loi, et cela est normal.
Le conseil d'orientation pour la protection des cultures aura la même composition que le comité des solutions mis en place par Agnès Pannier-Runacher : organisations professionnelles agricoles, instituts techniques, l'Inrae... N'en faisons pas non plus un cénacle de cinquante personnes ! Il faut aussi des représentants des firmes, pour que le débat ait lieu. Le ministre de l'agriculture présidera ce conseil ; le ministre de la transition écologique en sera également membre.
Monsieur Gremillet, la proposition de priorisation portera sur un nombre limité de dossiers. Le but n'est pas d'arbitrer entre les impasses. Là où il y a impasse, il y a priorité. (M. Laurent Duplomb marque sa satisfaction.)
M. Daniel Gremillet. - C'est bien de le dire.
M. Vincent Louault. - Il existe bien un conseil d'orientation scientifique à l'Inrae. Il faut élaborer une stratégie en synergie totale avec les scientifiques - vous aurez toujours mon soutien sur ce point, madame la ministre -, en partenariat avec le ministère de l'environnement. C'est le socle pour ramener du bon sens, alors que des décisions sont prises en catimini, sans information des ministères de tutelle.
Le problème, c'est que le dialogue de gestion ne se fait pas dans le comité des solutions !
Un exemple : l'Anses a créé des difficultés sur les nouvelles techniques génomiques (NTG). Elle s'est autosaisie et a mis en difficulté la Commission européenne. Comme ça, toute seule ! Cela a provoqué une réaction en chaîne chez les universitaires belges. On ne doit pas faire de la politique via une agence.
L'amendement n°91 est adopté.
L'amendement n°66 rectifié n'a plus d'objet.
M. le président. - Amendement n°67 de M. Hochart et alii.
M. Joshua Hochart. - La France subit un déclin alarmant de sa souveraineté alimentaire. Notre solde commercial a chuté de 12 à 8 milliards d'euros entre 2011 et 2021. Nous importons 50 % de ce que nous consommons, soit deux fois plus qu'en l'an 2000.
Le transfert de la délivrance des AMM à l'Anses pose problème, en raison de l'absence de prise en compte des aspects économiques.
Redonnons au ministre de l'agriculture la compétence de délivrer ces AMM, en se fondant sur les avis de l'Anses. C'est un choix de souveraineté et de pragmatisme.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Nous en avons débattu à la commission des affaires économiques, par le passé. L'Anses doit-elle délivrer des AMM ? Oui, car c'est la seule à avoir l'expertise et les ressources nécessaires.
Nous avons rapidement conclu que le retour de cette compétence au ministère de l'agriculture n'était pas envisageable. Le transfert a eu lieu parce que l'organisation précédente était défaillante.
Améliorons d'abord le fonctionnement de l'Anses. Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis.
L'amendement n°67 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°19 rectifié octies de M. Louault et alii.
M. Vincent Louault. - Je retirerai cet amendement. Si on avait fait une étude d'impact sur l'interdiction des néonicotinoïdes, on n'en serait pas là : on n'aurait pas interdit les néonicotinoïdes pour faire de la poloche !
En 2016-2017, le label Abeille, le label le plus difficile à obtenir, a été accordé par l'Anses à l'acétamipride - que vous avez tous, chez vous, dans les produits anti-insectes.
Madame la ministre, pendant l'interdiction de l'acétamipride, la direction générale de l'alimentation (DGAL) n'a même pas eu le courage de notifier aux firmes cette interdiction, de peur d'un recours...
Si demain on réintroduit l'acétamipride, elle est immédiatement utilisable ; pas besoin d'une nouvelle AMM, contrairement à ce que les services du ministère de l'environnement ont dit en commission : ils ont menti ! Heureusement, l'AESA est transparente, elle.
L'amendement n°19 rectifié octies est retiré.
M. le président. - Amendement n°26 rectifié nonies de M. Louault et alii.
M. Vincent Louault. - Actuellement, un syndicat ou une association peuvent saisir l'Anses. L'agence se fait embourber par ces associations !
Mettons une limite à tout cela : seuls les membres du conseil d'administration devraient pouvoir saisir l'agence.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Cela représente moins de 2,5 % des saisines de l'Anses. Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis. Les saisines par les associations sont relativement faibles.
L'amendement n°26 rectifié nonies est retiré.
M. le président. - Amendement n°27 rectifié nonies de M. Louault et alii.
L'amendement n°27 rectifié nonies est retiré.
M. le président. - Amendement n°23 rectifié nonies de M. Louault et alii.
L'amendement n°23 rectifié nonies est retiré.
M. le président. - Amendement n°87 de M. Duplomb et alii.
M. Laurent Duplomb. - Dans le cadre de la procédure contradictoire, l'Anses doit motiver un rejet.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable. Cela favoriserait le dialogue entre le demandeur et l'Anses.
Mme Annie Genevard, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable. Le contradictoire existe, et se fait avec les firmes pétitionnaires. Les firmes seront présentes dans le conseil d'orientation pour la protection des cultures.
M. Laurent Duplomb. - Si le contradictoire existe, mon amendement ne vous pose donc pas de problème ! Adoptons-le !
M. Vincent Louault. - Je soutiens la position de M. Duplomb.
M. Daniel Salmon. - Une fois de plus, l'économie l'emporte sur la santé et la sécurité...
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. - Oh là là !
M. Daniel Salmon. - On complique la tâche de l'Anses ; les fabricants mettent tous les jours de nouvelles molécules sur le marché.
L'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a beaucoup travaillé sur les fissures sous contraintes. S'il n'avait pas eu cette liberté, les gouvernements et l'exploitant lui auraient-ils demandé de travailler sur ce sujet ?
L'Anses doit pouvoir effectuer les recherches qui lui semblent pertinentes en toute indépendance.
M. Daniel Gremillet. - Sans contradictoire, on s'appauvrit. Le dialogue n'enlève rien au rôle majeur de l'Anses. Le contradictoire ne fait que fortifier le débat et le savoir.
M. Laurent Duplomb. - Et l'acceptabilité !
M. Daniel Gremillet. - Je voterai cet amendement.
L'amendement n°87 est adopté.
L'amendement n°80 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°92 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous autorisons les traitements phytopharmaceutiques par drone, dans des conditions encadrées. Cette agriculture de précision cause moins d'exposition pour l'environnement et les opérateurs. Voilà qui est conforme à la directive européenne, qui exige que le recours aux drones présente un avantage manifeste pour la santé et l'environnement.
Je comprends néanmoins les craintes : aussi ce recours doit être encadré. Le Gouvernement s'appuie sur les travaux liés à la proposition de loi Fugit, privilégiant une démarche par étapes s'appuyant sur une expérimentation de trois ans. De nouvelles expérimentations seront nécessaires.
M. le président. - Amendement n°85 rectifié de M. Daubet et alii.
M. Henri Cabanel. - Nous voulons clarifier les conditions dans lesquelles la pulvérisation par drone serait autorisée, en prenant en compte le caractère escarpé des parcelles et la hauteur de la végétation.
M. le président. - Amendement n°74 rectifié de M. Cabanel et alii.
M. Henri Cabanel. - Il s'agit de s'assurer que les drones en question soient électriques.
M. le président. - Amendement n°54 rectifié de Mme Loisier et alii.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Cet amendement prend en compte les conditions météorologiques particulièrement difficiles : pluies torrentielles et sols détrempés.
M. le président. - Amendement n°73 rectifié bis de Mme Schillinger et alii.
M. Bernard Buis. - Défendu.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable à l'amendement n°92. Avis défavorable aux autres.
Mme Annie Genevard, ministre. - Retrait de l'amendement n°85 rectifié au profit de l'amendement n°92 du Gouvernement.
Retrait sinon avis défavorable sur l'amendement n°74 rectifié : les drones sont a priori tous électriques, mais n'écartons pas des équipements qui peuvent être utiles.
Madame Loisier, nous ne pouvons pas nous écarter des conditions d'utilisation prévues par la directive. Retrait, sinon avis défavorable à votre amendement n°54 rectifié.
Retrait de l'amendement n°73 rectifié bis au profit de l'amendement n°92.
L'amendement n°73 rectifié bis est retiré.
M. Daniel Salmon. - Nous sommes là dans le triptyque numérique, robotique, génétique défendu par la majorité sénatoriale. Nous préparons une nouvelle dépendance pour les agriculteurs, déjà très endettés. D'où viendront ces drones et ces logiciels ?
Ne privilégions pas la technique à l'agronomie, qui propose des modes alternatifs de culture qui font gagner en indépendance - tout le contraire de ces dispositions.
M. Laurent Duplomb. - L'histoire est simple. La banane en France, avant l'interdiction de tout traitement aérien, avait un rendement de 60 tonnes à l'hectare. Après cette interdiction, le rendement est descendu à 30 tonnes à l'hectare. On s'est donc jeté sur la banane costaricaine. Le Costa Rica fait 46 traitements aériens ; nous, huit à dix traitements, mais par-dessous la banane, alors que la maladie se produit au-dessus.
Le seul fait de pulvériser par-dessus, avec un drone, nous ferait passer de neuf à six traitements et de 30 à 60 tonnes de rendement.
Est-il préférable de manger des bananes costaricaines qui ont subi autant de traitements ?
Madame la ministre, vous conditionnez l'utilisation du drone au biocontrôle. Mais je finirai par le voter : cela fera tomber un dogme, car oui, les drones sont utiles.
M. Jean-Jacques Panunzi. - Bravo !
Mme Anne-Catherine Loisier. - Madame la ministre, les pluies très denses ont un impact en viticulture : il est très compliqué d'entrer dans des parcelles détrempées, en pente. Peut-on imaginer qu'un arrêté du préfet autorise les viticulteurs, dans ces conditions, à intervenir avec leurs drones ?
M. Franck Menonville. - L'une des principales vertus du drone est la précision, utile pour éradiquer le début d'un foyer de maladie. C'est un enjeu de santé publique, en particulier pour la culture de la banane. Le traitement par en dessous oblige l'opérateur à se protéger. Un drone permet de pulvériser au plus près possible du foyer infectieux.
M. Vincent Louault. - J'ai un moment de fatigue : quelle usine à gaz, simplement pour avoir un peu d'innovation ! On comprend pourquoi notre pays manque de créativité.
J'ai visité une ferme en Thaïlande il y a sept ans, où les drones étaient déjà utilisés. Moins de produits, moins de dérive au vent, utilisation de nuit...
Comment se fait-il que notre recherche n'ait pas commencé à travailler sur cette question ? Contrairement à ce que dit le décroissant M. Salmon, cela coûte moins cher qu'un tracteur ! (M. Daniel Salmon proteste.) Ça vous fait mal, mais la réalité, c'est que la technologie permettra, demain, de faire des économies.
Mme Nicole Bonnefoy. - La technologie, encore la technologie... Elle ne fera pas de miracles, surtout dans un monde au climat détraqué ! Sols lessivés, pollinisateurs décimés... Ce n'est pas la technologie qui nous sauvera !
M. Laurent Duplomb. - Venez donc à vélo au Sénat !
Mme Annie Genevard, ministre. - Je ne partage pas votre avis, madame la sénatrice : la technologie sera un vecteur puissant de progrès dans la lutte contre le changement climatique.
M. Thomas Dossus. - Ça ne suffira pas !
Mme Annie Genevard, ministre. - J'ai fait la tournée des industries agroalimentaires. Vous ne mesurez pas à quel point la technologie a permis de réduire l'empreinte environnementale du secteur.
La technologie a facilité la vie des agriculteurs. Les robots cueilleurs de pommes limitent la pénibilité du travail et résolvent le problème de la pénurie de main-d'oeuvre.
Vous avez une vision décliniste, passéiste. L'agriculture, c'est moderne !
M. Vincent Louault. - Bravo !
Mme Annie Genevard, ministre. - Les drones sont interdits dans notre pays, mais autorisés ailleurs. Ils suscitent la méfiance en France, alors que, plus précis, ils protègent les applicateurs.
Nous prévoyons une expérimentation. On a commencé par les vignes mères et les vignes porte-greffes ; on continue avec les bananeraies. Madame Loisier, on peut imaginer que l'utilisation soit autorisée pendant les inondations - de même que l'épandage a été autorisé par les préfets après le 1er novembre.
La méthode que nous vous proposons est la bonne. Face à une faible acceptation sociale, il faut y aller progressivement.
M. Laurent Somon. - Je suis stupéfait. Le progrès existe, la robotique existe. À la ferme 3.0 d'Aizecourt-le-Haut, dans la Somme, on mesure les reliquats d'azote par drone ; bientôt, on pourra cibler les manques et amender par drone.
Les sauterelles agricoles, dans les champs, font peur aux gens, à cause des odeurs. De plus, une sauterelle consomme du gaz ou du pétrole, et les tracteurs de 300 chevaux électriques, ce n'est pas pour demain !
Je ne comprends pas cette opposition à l'évolution robotique. À Aizecourt-le-Haut, des robots désherbent des cultures de radis. C'est l'avenir de notre agriculture.
M. Fabien Gay. - Je propose que l'on remette dans un carton les arguments de type : « vous êtes passéistes, dogmatiques ». Madame la ministre, gardez-les pour l'Assemblée nationale ! (M. Fabien Genet proteste.) Ici, nous aimons argumenter, en nous écoutant.
La robotique permet aux travailleuses et travailleurs de moins s'épuiser, à l'usine comme aux champs - tant mieux ! Mais le progrès technologique doit-il profiter au capital ou au travail ? Voilà le débat !
Tout épandage, par drone, avion ou autre chose, reste nocif pour les corps et les sols. Nous voulons un autre modèle de transition. Désherber avec un robot - ce qui est très bien - et épandre des pesticides, ce n'est pas pareil.
M. Guillaume Gontard. - Nous serions des décroissants ? Pourquoi pas : tout dépend de ce qu'on met dans la croissance. Ce que je constate, c'est que la politique menée a conduit l'agriculture en décroissance.
Nous sommes tous d'accord pour dire que les pesticides sont néfastes pour la santé des agriculteurs et des consommateurs, pour l'eau et la biodiversité. Il faut donc diminuer fortement leur utilisation.
Personne n'est contre le progrès, au contraire. Appuyons-nous sur la science. Les techniques agroécologiques proposent un autre modèle. Cela fonctionne, oui, mais cela demande peut-être plus de travail, plus de mécanisation, plus d'accompagnement.
En dix ans, le volume de pesticides a augmenté !
La question est donc : accompagnons-nous les politiques qui proposent de changer de modèle, pour acquérir enfin une véritable indépendance ?
M. Patrick Chauvet. - J'ai connu ce débat à l'Agence de l'eau à Nanterre.
Les cartographies aériennes des maladies le montrent : elles commencent toujours par un foyer. Si on le traite tout de suite par drone, cela permet de moins épandre, d'utiliser moins d'énergie et de moins compacter les sols.
On utilise plus de pesticides, monsieur Gontard ? Attention, c'est peut-être qu'avec le déclin de l'élevage, nous avons plus de cultures végétales ; je doute qu'il y ait plus de produits phytosanitaires à l'hectare.
L'amendement n°92 est adopté.
Les amendements n°85 rectifié, 74 rectifié et n°54 rectifié n'ont plus d'objet.
L'amendement n°75 rectifié n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°105 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Cet article abroge purement et simplement l'article du code rural interdisant les néonicotinoïdes, surtransposition assumée en son temps par les parlementaires. Le Gouvernement ne juge pas raisonnable de réautoriser cette substance, comme vous le proposez.
Le Conseil constitutionnel pourrait censurer des dispositions privant de garanties légales le droit de vivre dans un environnement sûr. Votre rédaction ne répond pas aux prescriptions que ce dernier a émises dans sa décision de 2020, considérant que le législateur doit agir pour des motifs d'intérêt général et de manière proportionnée. C'était ce qu'il avait jugé pour la betterave : il s'agissait d'une dérogation exceptionnelle, ciblée sur une filière, transitoire et prise après avis d'un conseil spécialisé.
Le Gouvernement est donc défavorable à une réautorisation globale de l'acétamipride ; d'où cet amendement de suppression.
M. le président. - Amendement n°76 rectifié de M. Masset et alii.
M. Henri Cabanel. - Je le retire au profit de celui du Gouvernement.
L'amendement n°76 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°59 rectifié bis de Mme Romagny et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Nous voulons que l'Anses détermine les filières agricoles habilitées à l'usage de l'acétamipride. Pas d'interdiction sans solution !
M. le président. - Amendement n°60 rectifié bis de Mme Romagny et alii.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Nous voulons nous caler sur les dispositions européennes, avec une clause de revoyure au 28 février 2033.
M. le président. - Amendement n°71 de M. Szczurek et alii.
M. Christopher Szczurek. - Défendu.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Nous sommes au coeur du texte. Je suis défavorable à l'amendement de suppression n°105 du Gouvernement. Votre position n'est pas acceptable.
Avis défavorable aux autres amendements.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable aux autres amendements, au profit de l'amendement n°105 du Gouvernement.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. - Je demande une réunion entre les auteurs de la proposition de loi et le rapporteur, afin de proposer une nouvelle rédaction qui tienne compte des obstacles juridiques soulevés par la ministre.
La commission des affaires économiques se réunira à 21 h 20 pour examiner ce nouvel amendement.
La séance est suspendue à 20 h 05.
Présidence de M. Didier Mandelli, vice-président
La séance reprend à 21 h 35.
M. le président. - Mme la présidente de la commission des affaires économiques a annoncé avant la suspension le dépôt d'un amendement de la commission au sein de la discussion commune en cours.
Amendement n°112 de M. Cuypers, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - L'acétamipride étant autorisée dans l'Union européenne jusqu'en 2033, la commission propose qu'un décret puisse autoriser son usage à titre exceptionnel. Cette dérogation serait limitée dans le temps et limitée aux filières pour lesquelles il n'existe pas d'alternative suffisante, sous réserve qu'elles soient engagées dans la recherche d'une telle alternative.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. - Nous demandons que cet amendement soit mis aux voix par priorité.
Acceptée par le Gouvernement, la priorité est ordonnée.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avant la suspension, j'ai signalé le risque de censure par le Conseil constitutionnel. Je prends acte du fait que la dérogation proposée serait temporaire et limitée à des substances autorisées au niveau européen, lorsqu'il n'existe pas d'alternative suffisante. Sagesse.
M. Daniel Salmon. - C'est un cas d'école. Le flufénacet est interdit depuis 2013, mais a bénéficié d'une dérogation. Ce procédé permet de faire traîner les choses et d'éviter la recherche d'alternatives. Or, en l'occurrence, des alternatives existent. Avec des baisses de rendement, certes, mais selon FranceAgriMer nous produisons 70 % de plus de sucre de betterave que nous en consommons. Le choix du rendement se fait au détriment de la biodiversité et de la santé humaine.
M. Vincent Louault. - Les alternatives qui existeraient, ce sont des légendes urbaines ! Restons dans le réel.
Je remercie la ministre pour son avis de sagesse sur le dispositif d'atterrissage que propose la commission. Je ne comprenais pas bien la posture antérieure du Gouvernement : il est regrettable que les ministres n'assistent plus aux réunions interministérielles, laissant le champ libre aux hauts fonctionnaires.
La filière noisette ne va probablement pas survivre, même avec cette dérogation. Elle a déjà perdu quasiment 70 % de son rendement. Koki, coopérative d'excellence, sera peut-être sauvée.
Pour la betterave, nous avons besoin d'une solution de pulvérisation, puisque nous n'avons plus celle liée aux semences. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.) L'acétamipride sera d'un grand secours, car nous avons perdu 40 % de la récolte en 2020.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Merci pour votre avis de sagesse, madame la ministre. Je crois que certains de nos collègues n'entendent pas bien : le rapporteur a bien expliqué que la dérogation ne pourrait être accordée que lorsque des solutions alternatives sont recherchées. L'esprit de cet amendement rejoint celui des miens. Je voterai pour.
M. Henri Cabanel. - Je remercie la commission pour sa proposition, qui ressemble beaucoup à la nôtre... Merci d'écouter un petit groupe comme le RDSE ! (Sourires)
Une dérogation par décret, bien encadrée, sécurisera le dispositif. Il était hors de question de réautoriser globalement les néonicotinoïdes. Si un produit est néfaste, il faut convaincre au niveau européen qu'il doit être interdit, mais nous ne pouvons laisser nos agriculteurs sans solution.
M. Laurent Duplomb. - Merci, madame la ministre, pour cette avancée. Non, monsieur Salmon, nous ne sortons pas de dix ans de dérogations : nous sortons de dix ans d'interdiction, qui ont eu des conséquences désastreuses. Voyez la noisette, la cerise, la pomme : nous sommes passés de 700 000 à seulement 300 000 tonnes de pommes exportées ! Sans la mesure proposée, les arboriculteurs ne pourraient plus, d'ici quelques semaines, lutter contre le puceron cendré, pendant que les Polonais, qui ont déjà repris nos parts de marché perdues, pourraient continuer de le faire. De façon responsable, pouvez-vous accepter la disparition de la production française de pommes ? Quand un enfant fait une erreur, on le corrige : c'est l'éducation. De même ici : il s'agit non pas d'une régression, mais de la rectification d'une erreur. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Anne-Sophie Romagny. - Bravo !
M. Jean-Claude Tissot. - Je ne suis ni un irresponsable ni un enfant, mais je pense que nous arrivons au bout d'un modèle agricole. Vous refusez de le voir et nous ne vous convaincrons pas ce soir.
Les alternatives, vous les refusez chaque fois qu'on vous les propose.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. - Lesquelles ?
M. Jean-Claude Tissot. - Des essais en plein champ ont montré que des solutions existent. Certes, leur mise en place peut être compliquée et les rendements sont moindres. En avril 2023, le directeur scientifique de l'Inrae a déclaré devant notre commission que l'acétamipride était le chlordécone de l'Hexagone. (M. Vincent Louault s'exclame.)
M. Laurent Duplomb. - L'Anses dit l'inverse !
M. Jean-Claude Tissot. - Votre position relève de l'obscurantisme !
M. Laurent Duplomb. - L'Anses, c'est de l'obscurantisme ?
M. Jean-Claude Tissot. - Que direz-vous à vos enfants ou à vos petits-enfants atteints de stérilité ou victimes de dérèglements hormonaux ? (Murmures désapprobateurs sur des travées à droite et au centre)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Je voterai l'amendement de la commission, qui a la vertu d'ouvrir la voie à une dérogation encadrée et soumise à conditions. Nous sortons du dogme. La France met le paquet sur la recherche pour trouver des substituts, mais, lorsqu'ils n'existent pas, nous devons trouver des outils pour nos agriculteurs, les betteraviers de l'Yonne et tous les autres.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Très bien !
M. Franck Menonville. - Je remercie le rapporteur pour son souci de rapprocher les positions et la ministre pour son avis de sagesse. Cet amendement est un compromis solide juridiquement, ciblé sur les filières dans l'impasse et qui sera efficace pour nos agriculteurs. Il encourage la recherche d'alternatives. Votons-le largement.
Les alternatives, nous aimerions en disposer. Mais celles qui existent s'accompagnent de baisses de rendement insupportables : elles ne sont donc pas économiquement matures pour nos filières.
M. Laurent Somon. - Nos collègues soutiennent les décisions de l'Anses quand il s'agit d'interdictions, pas quand elles vont en sens inverse. Un peu de cohérence ne nuirait pas...
De nombreuses recherches sont menées, mais les alternatives actuellement disponibles ne sont pas satisfaisantes : les résultats varient trop en fonction des années.
M. Tissot a mentionné un avis, mais, comme l'a dit M. Jomier cet après-midi, l'avis d'une personne n'a pas d'intérêt. Ce qui compte, ce sont les études sur des cohortes.
M. Jean-Claude Tissot. - Je suis tout à fait d'accord.
M. Laurent Somon. - Il y a une AMM en Europe jusqu'en 2033. Mais nous avons l'obligation de trouver des alternatives, car l'objectif à terme est de supprimer ces molécules. (M. Jean-Baptiste Lemoyne renchérit.)
M. Guillaume Gontard. - Nous sommes donc d'accord pour reconnaître que les néonicotinoïdes sont néfastes pour l'environnement, la santé et la biodiversité.
Mme Anne-Sophie Romagny. - Nous parlons seulement de l'acétamipride.
M. Guillaume Gontard. - Votre solution n'est pas bonne, puisqu'elle affectera la santé humaine et l'environnement.
Personne ne dit que c'est simple, mais il y a des alternatives. Et ce ne sera pas simple non plus de gérer les conséquences graves de votre solution sur l'environnement et la santé. Voyez le chlordécone : on a joué à saute-mouton, mais, à l'arrivée, cela coûte un pognon de dingue !
Les alternatives existent : accompagnons les agriculteurs pour qu'elles deviennent économiquement viables.
M. François Bonhomme. - Cette correction est salutaire. Elle est, de surcroît, limitée dans le temps. Pour être vertueux, faut-il acheter des noisettes italiennes ou turques plutôt que françaises ? Certains poussent des cris d'orfraie, mais le puceron de la noisette et la punaise diabolique ont mis la filière à terre. Merci, madame la ministre, pour votre sagesse.
L'amendement n°112 est adopté.
Les amendements nos105, 59 rectifié bis, 60 rectifié bis et 71 n'ont plus d'objet.
À la demande du groupe SER, l'article 2, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°178 :
Nombre de votants | 324 |
Nombre de suffrages exprimés | 308 |
Pour l'adoption | 197 |
Contre | 111 |
L'article 2, modifié, est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°53 rectifié de Mme Paoli-Gagin et alii.
M. Vincent Louault. - Mme Paoli-Gagin propose de reconnaître les solutions de biocontrôle et d'ajuster le montant de la redevance pour pollutions diffuses à leur emploi.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - L'idée est intéressante, mais cette redevance est déjà modulée en fonction de la dangerosité des produits utilisés. Il existe donc bien une incitation à se tourner vers le biocontrôle. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis, pour la même raison.
L'amendement n°53 rectifié est retiré.
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission. - Il nous reste cinquante-trois amendements à examiner et Mme la ministre est d'accord pour que nous siégions, le cas échéant, jusqu'à 1 heure du matin. Il serait préférable de terminer la discussion ce soir, car la proposition de loi relative à la lutte contre les narcotrafics, qui doit être examinée demain, est également très importante. Je vous invite donc à la concision.
Article 3
M. le président. - Amendement n°4 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Cet article était déjà problématique dans sa rédaction initiale. Il s'agit de permettre l'installation de fermes-usines sans enquête publique, par dérogation au nouveau dispositif de participation du public, dont les décrets d'application n'ont pourtant été publiés qu'en novembre dernier. Nous demandons une stabilisation du droit de l'environnement.
Or la commission l'a encore aggravé, en écartant les obligations de consultation du public pour toutes les ICPE. Ces deux réunions publiques sont pourtant les seuls moments de démocratie participative !
D'autre part, une nouvelle catégorie d'ICPE sera soumise à autorisation, mais non à évaluation environnementale - on est loin d'une simplification...
Enfin, il est précisé que les évaluations s'appuient sur la science, mais cela va de soi !
M. le président. - Amendement identique n°11 de M. Tissot et du groupe SER.
M. Jean-Jacques Michau. - Nous refusons ce modèle du laisser-faire qui abandonne la participation du public à des projets liés pourtant à la vie quotidienne. L'article remet en cause le principe de non-régression environnementale.
En outre, affirmer que les autorisations doivent s'appuyer sur la science sous-entend que les décisions actuelles ne le seraient pas.
Nous continuerons de défendre une agriculture à taille humaine, respectueuse de l'environnement et des animaux, en phase avec les attentes sociétales. Ce n'est pas en limitant le dialogue démocratique que nous répondrons à ces attentes.
M. le président. - Amendement identique n°46 de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.
M. Gérard Lahellec. - Assouplir encore le régime des ICPE est une nouvelle atteinte au principe de non-régression du droit de l'environnement. En outre, le risque de contentieux est élevé. Quant à l'affirmation que les avis de l'autorité environnementale doivent être fondés sur la science, elle sous-entend que les décisions actuelles ne le seraient pas, ce qui interroge. Vous voulez une dérogation, alors que les décrets d'application du dispositif issu de la loi Industrie verte sont tout juste publiés : est-ce là une simplification ?
L'amendement n°81 rectifié n'est pas défendu.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Ce n'est pas en faisant comme s'il n'y avait aucun problème que le problème se résoudra... Il y a une dissonance cognitive : nos concitoyens, surtout les plus militants, tolèrent de moins en moins les bâtiments d'élevage, mais la consommation de viande ne diminue pas. La question est donc : souhaitons-nous conserver notre élevage ou importer de plus en plus de viande de Pologne, du Brésil ou de Thaïlande ? Avis défavorable aux amendements.
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis.
Rendez-vous compte de la situation de certains éleveurs ! Dans la nuit de vendredi à samedi derniers, des activistes ont forcé les portes de la coopérative porcine Evel'Up, en Bretagne, et tenté d'y mettre le feu, provoquant plusieurs centaines de milliers d'euros de dégâts.
Les éleveurs ont du mal non seulement à s'installer, mais même à maintenir leurs exploitations face à des activistes déterminés à les décourager et à détruire leur outil de travail. Au moment où ils sont confrontés en outre à de multiples épizooties, supprimer cet article 3 serait une très mauvaise idée.
Celui-ci procède en effet à deux simplifications majeures et attendues. S'il soulevait dans sa version initiale de nombreuses difficultés, la commission l'a beaucoup amélioré. D'une part, la procédure d'autorisation issue de la loi Industrie verte sera adaptée : le commissaire enquêteur pourra remplacer les deux réunions publiques par une permanence en mairie. D'autre part, certains élevages pourront n'être soumis qu'à autorisation.
M. Daniel Salmon. - Nous condamnons bien entendu toute forme de violence, qu'elle vienne des activistes dont vous parlez ou de ceux qui ont récemment muré l'entrée d'un local de l'OFB. Il ne peut pas y avoir deux poids, deux mesures.
Ce n'est pas en rabotant la participation du public qu'on favorisera l'acceptation des projets. Lorsque nous défendons les énergies renouvelables, nous, écologistes, acceptons les réunions publiques. Moins on dialoguera, plus les oppositions seront fortes et difficiles à contrôler.
M. Gérard Lahellec. - Je joins ma voix à tous ceux qui défendent l'élevage.
Je vous parle de Bretagne : rien que dans les Côtes-d'Armor, nous avons perdu 10 millions de litres de lait depuis un an ; dans la région, 120 bovins par jour. La production de porc a baissé de 8 % par rapport à 2021 et celle de volaille, de 10 %.
Mais les causes de cette chute sont à chercher ailleurs que dans les stigmatisations que j'ai entendues. Ce qui est en cause, ce sont la faible attractivité des métiers et la rémunération insuffisante du travail paysan.
M. Laurent Duplomb. - De qui parlons-nous ? D'éleveurs qui, comme moi, se lèvent tous les matins 365 jours par an, travaillent plus de 70 heures par semaine et à qui on demande, parce qu'on les a jetés dans la concurrence avec des pays étrangers, ...
M. Daniel Salmon. - Qui les y a jetés ?
M. Laurent Duplomb. - ... d'investir des sommes importantes qu'ils remboursent à la sueur de leur front. Il faudrait en plus qu'ils organisent des réunions publiques. Vous ferez monter la mayonnaise avant, en insistant sur une perte de valeur des biens, sur les mauvaises odeurs ou sur la proximité des mouches.
M. Jean-Claude Tissot. - Et si c'est vrai ?
M. Vincent Louault. - M. Lahellec a raison : les cheptels se réduisent. Voyez les débats publics organisés par des associations pour se faire mousser : même un poulailler de poules pondeuses pose problème...
M. Daniel Salmon. - Pas du tout...
M. Vincent Louault. - Bien sûr que si : c'est vous qui les organisez. Pas étonnant que plus un seul poulailler ne se construise en Bretagne !
En réalité, vous n'aimez pas la production française. (Protestations à gauche ; M. Mickaël Vallet s'indigne.) Vous voulez sanctuariser la France comme une carte postale pour bobos ! (Les protestations redoublent à gauche.)
Cet article est indispensable pour que des jeunes qui ont un projet puissent le mener à bien.
M. Guillaume Gontard. - Je n'ai mis en cause personne, mais nous venons de subir une attaque directe de M. Duplomb. Je ne sais d'ailleurs exactement qui il visait : les bobos ? Je préfère être bobo que bourrin. (On renchérit sur des travées à gauche ; murmures désapprobateurs sur des travées à droite et au centre) J'habite depuis que je suis petit dans mon village, entouré d'éleveurs, dans un territoire de montagne qui ne vivrait pas sans élevage. J'ai la prétention de défendre une agriculture qui fait vivre les villages, et non votre modèle, qui les vide. Les leçons, ça suffit !
Madame la ministre, je suis contre toutes les formes de violence, mais il faut se poser des questions devant les évolutions de la société. Pourquoi n'avez-vous pas mentionné aussi les attaques contre France Nature Environnement (FNE) ou l'Inrae ? Et quel est le rapport entre l'attaque de la coopérative bretonne et cet article ?
M. Jean-Claude Tissot. - Nos collègues Duplomb et Louault m'ont insulté gratuitement. Nous faisons le même métier : pourquoi auriez-vous le monopole du bon élevage ? Acceptez que nous n'ayons pas la même vision. Vous rêvez de faire ce que vous voulez quand et où vous voulez. Mais pourquoi 200 000 éleveurs donneraient-ils le La à 69 millions d'habitants ? Si nous voulons continuer à faire de l'élevage, nous devons expliquer à nos concitoyens nos manières de travailler. Quant à votre ritournelle sur les 70 heures par semaine, nous l'avons assez entendue !
M. François Bonhomme. - Notre collègue Salmon a eu l'honnêteté de dénoncer les attaques d'élevages - je lui en donne acte. Mais une nébuleuse de sites liés au parti vert légitime la désobéissance civile.
M. Daniel Salmon. - La désobéissance civile, c'est autre chose !
M. François Bonhomme. - Appeler les militants à contester, y compris par l'entrave et la suspicion, me paraît contradictoire avec la dénonciation de la violence. Assez d'hypocrisies ! (M. Daniel Salmon s'exclame.)
M. Jean-Marc Boyer. - Qualifier M. Duplomb de bourrin n'est pas acceptable. (On renchérit à droite.)
Vous ne défendez pas l'agriculture ! Dans mon village, des jeunes, pressés par toutes les contraintes dont vous êtes les instigateurs, font malgré tout du saint-nectaire. Lorsque, par inadvertance, ils épandent du lisier un peu trop près d'un ruisseau, ils se retrouvent avec des agents de l'OFB, pistolets à la ceinture ! (Protestations à gauche) Qui a manifesté contre des projets de retenue collinaire vertueux, intégrant des panneaux photovoltaïques ? (Nouvelles protestations à gauche)
M. Mickaël Vallet. - Nous n'avons plus le droit de manifester ?
Les amendements identiques nos4, 11 et 46 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°93 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Cet amendement supprime le second alinéa de l'article 3, qui prévoit que l'avis de l'autorité environnementale est fondé sur les enseignements de la science. On ne peut que souscrire à l'intention, mais les projets seraient soumis à un risque d'annulation au seul motif qu'une étude académique ne serait pas mentionnée dans l'avis de l'autorité.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable.
M. Daniel Salmon. - Nous voterons cet amendement : que la science fonde les décisions nous paraît assez évident...
Je reviens sur l'élevage. En Bretagne, on voit des friches agricoles un peu partout. Il faut se demander pourquoi les jeunes ne reprennent pas. Au Salon international de l'élevage, j'ai vu qu'une personne avait investi 800 000 euros dans un poulailler neuf pour dégager 70 % du Smic... Elle était obligée de travailler à côté !
À force de rechercher la compétitivité à tout prix, y compris par le moins-disant social, on pousse à l'abandon de l'élevage. Les 70 heures par semaine, ce n'est pas le modèle qui se vend bien...
Assurons à nos agriculteurs et éleveurs un revenu décent fondé sur la vérité des prix, au lieu de nous livrer à de l'enfumage et de chercher des boucs émissaires. (M. Laurent Duplomb s'exclame.)
L'amendement n°93 est adopté.
M. le président. - Amendement n°68 rectifié de M. Bleunven et alii.
M. Yves Bleunven. - Pendant qu'on s'écharpe sur des modèles de production, on perd des élevages ! Je suis écoeuré de voir à quelle vitesse se décapitalise l'élevage en Bretagne. Suivront les fermetures d'usines... Je propose de revenir à la rédaction initiale de cet article. N'obligeons pas les éleveurs à organiser deux réunions publiques et à répondre en continu sur internet aux commentaires des contributeurs ; limitons la consultation à trente jours et non trois mois.
M. le président. - Amendement n°56 rectifié bis de Mme Havet et alii.
M. Bernard Buis. - Il s'agit d'adapter les modalités d'instruction des dossiers d'autorisation ICPE et de consultation du public aux spécificités des installations agricoles.
M. le président. - Amendement n°55 de M. Gontard et alii.
M. Guillaume Gontard. - Cet amendement supprime les alinéas 4 et 9. Cet article ne supprime pas les réunions publiques pour les seuls projets d'élevages, mais pour toutes les ICPE - dont seules 20 % sont agricoles. Vous mettez à mal toute la démocratie environnementale, pour des bénéfices discutables.
La loi Industrie verte, dont les décrets sont entrés en application en octobre dernier, a déjà tiré les procédures vers le bas.
Cette mesure ne rendra service à aucun porteur de projet : toute activité doit composer avec son environnement. Les réunions publiques n'ont rien à voir avec des permanences en l'absence du maître d'ouvrage. Elles sont utiles et permettent souvent d'améliorer la copie.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Nous souhaitons simplifier les règles pour tous les secteurs, d'où notre proposition de transformer les deux réunions publiques en simple permanence en mairie. Dans de nombreux cas, il n'y aura plus d'enquête publique. (M. Guillaume Gontard lève les bras au ciel.) Avis défavorable.
Mme Nicole Bonnefoy. - C'est très démocratique !
Mme Annie Genevard, ministre. - C'est une véritable avancée en matière de simplification ! Nos éleveurs qui portent un projet d'ICPE se heurtent à des lourdeurs administratives et au risque de recours.
De nombreux élevages sont en déshérence. Avec la décapitalisation, nous perdons en souveraineté et en autonomie alimentaires. Or l'élevage est une grande tradition de l'agriculture française, notamment en montagne, où c'est une activité matricielle.
Encourageons les éleveurs et ceux qui veulent reprendre des exploitations. Retrait ?
L'amendement n°68 rectifié est retiré.
M. Guillaume Gontard. - Madame la ministre, vous ne m'avez pas répondu sur le fait que la rédaction ne se limite pas aux seuls projets d'élevage. (Mme Annie Genevard le confirme.) Cela pose problème.
Vous vous trompez à vouloir supprimer toute concertation, toute enquête publique. Qu'on le veuille ou non, l'installation de tels projets est compliquée. L'acceptabilité passe par plus de concertation en amont, plus d'écoute et d'adaptation, et non par un passage en force qui obtiendra le résultat inverse.
L'amendement n°56 rectifié bis est retiré.
Mme Annie Genevard, ministre. - Oui, la disposition couvre bien toutes les ICPE. Non pour être moins-disant, mais parce que le besoin de simplification dépasse la seule activité agricole. Les préfets, les commissaires enquêteurs nous alertent sur les difficultés qu'il y aurait à adopter des dispositions différentes selon les types d'activité. Nous verrons à l'usage comment les choses se passent. Je précise que cette disposition a été calibrée en interministériel.
L'amendement n°55 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°108 de M. Cuypers au nom de la commission des affaires économiques.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Nous allons un peu plus loin dans la simplification de l'enquête publique en prévoyant que les réponses aux observations du public sont facultatives.
Mme Nicole Bonnefoy. - C'est risible !
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Il doit aussi être possible de les apporter en une seule fois.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis favorable.
L'amendement n°108 est adopté.
M. le président. - Amendement n°95 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - La prise en compte des spécificités agricoles est déjà au coeur de la réglementation en matière d'ICPE : inutile de le préciser.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°95 est adopté.
M. le président. - Amendement n°57 rectifié de Mme Havet et alii.
M. Bernard Buis. - Nous permettons le relèvement les seuils de l'autorisation ICPE afin d'alléger les contraintes pesant sur les projets de nos agriculteurs, plus lourdes que celles qui s'appliquent à leurs concurrents européens.
M. le président. - Amendement identique n°69 rectifié bis de M. Bleunven et alii.
M. Yves Bleunven. - Il s'agit d'aligner les seuils ICPE pour les élevages porcins et avicoles sur la réglementation européenne.
M. le président. - Amendement identique n°86 rectifié bis de Mme Loisier et alii.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Défendu.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Ce n'est qu'en 2026, avec la directive IED, à cette échéance, que nous pourrons relever les seuils. Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Retrait, sinon avis défavorable. On ne peut anticiper une disposition communautaire qui interviendra en 2026.
L'amendement n°69 rectifié bis est retiré.
L'amendement n°86 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°57 rectifié.
M. le président. - Amendement n°70 rectifié de M. Bleunven et alii.
M. Yves Bleunven. - L'ajout en commission ne sécurise pas suffisamment les projets des éleveurs. Aussi supprimons-nous les cinq alinéas relatifs à l'encadrement des basculements entre les régimes d'enregistrement et d'autorisation.
M. le président. - Amendement identique n°96 rectifié du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Défendu.
M. le président. - Amendement n°58 rectifié bis de Mme Havet et alii.
M. Bernard Buis. - Il s'agit d'encadrer plus précisément la décision du préfet d'instruire les demandes d'enregistrement ICPE.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable aux amendements nos70 rectifié et 96 rectifié. Avis défavorable à l'amendement n°58 rectifié bis.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°58 rectifié bis.
Les amendements identiques nos70 rectifié et 96 rectifié sont adoptés.
L'amendement n°58 rectifié bis est retiré.
À la demande du groupe SER, l'article 3, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°179 :
Nombre de votants | 341 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l'adoption | 230 |
Contre | 108 |
L'article 3, modifié, est adopté.
Article 4
M. Daniel Gremillet . - Cette rédaction piège la production herbagère. Nos amendements se sont heurtés à l'article 40.
Le système de 1964 d'indemnisation des calamités était bien fait, avec un comité départemental d'expertise qui allait sur le terrain.
L'interprétation satellitaire a montré ses limites, par exemple pour les attaques de scolytes en forêt, car un arbre peut être vert en haut mais être attaqué en bas ! Idem pour mesurer les rendements en herbe : ce n'est pas parce que la prairie est verte que la production herbagère est importante. Si on ne peut leur apporter de réponse plus concrète, les éleveurs renonceront à assurer leur récolte herbagère ! Cette rédaction est moins-disante que le travail sénatorial sur les calamités agricoles.
M. le président. - Amendement n°104 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - J'ai été sensibilisée à ce sujet dès mon arrivée au ministère, lors du sommet de l'élevage à Cournon. Les imperfections de l'assurance prairies risquent en effet d'aboutir à la désassurance. Le retour aux comités départementaux d'expertise n'est toutefois pas possible : nous perdrions les assureurs et les réassureurs. Il faut améliorer l'indice Airbus.
Le rapporteur propose une feuille de route, avec un travail partenarial. C'est de bonne méthode. Vos amendements étaient irrecevables au titre de l'article 40, mais un travail est en cours. Je m'engage à ce que nous améliorions le dispositif, sans pour autant remettre en cause le nouveau régime de l'assurance récolte.
M. le président. - Sous-amendement n°110 de M. Cuypers, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - L'amendement du Gouvernement est un premier pas, timide, pour traiter de l'évaluation des pertes en prairie. Mon sous-amendement envisage que, dans le cadre du plan pluriannuel de renforcement de l'offre d'assurance récolte destinée aux prairies, des instances départementales puissent se réunir, sur demande des organisations syndicales, pour traiter d'éventuelles problématiques liées aux indices. Avis favorable à l'amendement n°104, sous réserve de ce sous-amendement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis favorable au sous-amendement. Il permettra de mieux prendre en compte les observations de la profession susceptibles de donner lieu à recours.
M. Laurent Duplomb. - Avec cet article, nous voulions pousser les assureurs à négocier avec la profession sur les injustices majeures, quand un satellite constate une chose, et les agriculteurs tout l'inverse. Les assureurs refusent le changement de l'unité de mesure, on peut le comprendre. Ils ont négocié avec la profession la rédaction de cet article. Les négociations ont avancé sans totalement aboutir, mais les assureurs sont prêts à aller plus loin.
Problème : notre amendement se heurtait à l'article 40. Si nous ne votons pas un texte ce soir, même perfectible, nous n'avons plus d'article 4. Celui-ci ne règle pas tout, mais c'est aussi aux assureurs et à la profession à trouver un compromis. Nous ne pouvons être les seuls à proposer des solutions !
M. Daniel Gremillet. - Ce dossier est très complexe. Dans la pratique, impossible de constater, quand il n'y a plus de récolte ! Il faut qu'un comité d'expertise aille sur le terrain, voir le niveau des récoltes. Lors d'événements climatiques, certaines parcelles en production herbagère sont plus touchées que d'autres, il faut donc une appréciation fine. Combien d'éleveurs sont assurés pour leurs prairies ? Très peu - et si l'on ne fait rien, il n'y en aura plus aucun.
Un éleveur des Vosges s'est entendu dire que, selon les satellites, ses volumes de fourrage avaient augmenté de 28,90 % par rapport à la moyenne triennale - or il n'a pas une botte de foin supplémentaire ! Il y a un vrai souci pratique.
Le sous-amendement n°110 est adopté.
L'amendement n°104, sous-amendé, est adopté et l'article 4 est ainsi rédigé.
Après l'article 4
M. le président. - Amendement n°8 rectifié de Mme Sollogoub et alii.
Mme Nadia Sollogoub. - Les pisciculteurs d'étang sont soumis à des contraintes particulières, en matière de vidange ou de lutte contre la prédation des cormorans, complexifiées par l'absence de définition juridique des étangs piscicoles. Cet amendement y pourvoit.
La production de poisson a baissé de 60 % en dix ans ; le déficit de notre balance commerciale pour les produits de la pêche et de l'aquaculture atteint 4 milliards d'euros. Le développement de la pisciculture est un enjeu de souveraineté alimentaire, clé pour réduire l'empreinte environnementale de la consommation de protéines animales, apporter des services écosystémiques, réguler les régimes hydrologiques ou favoriser la biodiversité.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Cet amendement sera satisfait à l'article 17 du projet de loi d'orientation agricole, auquel nous avons adopté des amendements de Guillaume Chevrollier. Retrait ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Votre demande est satisfaite par le code de l'environnement, ainsi que par deux arrêtés ministériels relatifs aux étangs piscicoles. Retrait sinon avis défavorable.
Mme Nadia Sollogoub. - Il n'y a rien dans le code de l'environnement. Cela dit, j'attends le projet de loi d'orientation et vous fais confiance, madame la ministre.
L'amendement n°8 rectifié est retiré.
Titre III
M. le président. - Amendement n°37 rectifié octies de M. Louault et alii.
M. Vincent Louault. - Amendement rédactionnel. Cette précision sera importante pour la jurisprudence.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Je ne vois pas ce que cet amendement apporte. Sagesse plutôt défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable.
L'amendement n°37 rectifié octies n'est pas adopté.
Article 5
Mme Nicole Bonnefoy . - Je m'étonne que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, compétente pour ce qui est de la gestion de l'eau, n'ait pas été saisie, même pour avis. Au lieu de s'inspirer du rapport d'Hervé Gillé et Rémy Pointereau et d'écouter les hydrologues, cet article fragilise un édifice juridique indispensable à la conciliation des usages de l'eau. La remise en cause de la définition des zones humides aboutira à la déqualification de nombre d'entre elles. C'est un enjeu d'intérêt général ! Les critères cumulatifs empêcheront le classement en zone humide de parcelles cultivées, notamment en maïs. Cela aura de lourdes conséquences sur le partage de l'eau.
M. Vincent Louault . - On parle ici de zones cultivables, classées U dans vos PLU, UI dans vos zones industrielles. La compensation est de trois pour un : avec le ZAN, c'est double peine ! Je connais une commune classée en zone humide - à 100 mètres de l'église ! - sur le seul critère pédologique des oxydes ferreux. Il y en a partout en Vendée. Quant au Pas-de-Calais, il est entièrement classé en zone humide...
La loi biodiversité est revenue sur une jurisprudence pourtant bien établie, qui reposait sur les deux critères cumulatifs : présence d'oxydes ferreux et de plantes de zone humide.
Je regrette la réponse technocratique du Gouvernement, qui oublie les collectivités territoriales. Nos zones U sont bousillées par ces zones humides créées par la semelle de labour de nos charrues.
La commission a rétabli le critère cumulatif, c'est heureux. Ne votons pas l'amendement du Gouvernement !
M. Michel Canévet . - Je félicite les auteurs de cette proposition de loi qui lève nombre de contraintes pour nos agriculteurs.
J'étais samedi dans la commune de Lampaul-Guimiliau, où l'entreprise Gad a licencié 850 personnes il y a onze ans. Il y a sur le site un projet d'installation d'une unité de transformation du lin - qui fit la prospérité du Léon, jadis - mais on soupçonne la présence d'un couple de chauves-souris. Ce qui suppose de dépenser 100 000 euros pour une tour pour les héberger et de geler 2 000 m2 devant l'unité de production. On aurait pu planter 400 à 500 d'hectares de lin dès cette année, mais le projet est reporté. Et les exemples de ce type sont légion...
Notre réglementation doit tenir compte des réalités économiques. Levons les contraintes ! Là où il y a eu une activité industrielle, une autre activité industrielle doit pouvoir s'installer.
Mme Lauriane Josende . - Je veux alerter sur la terrible sècheresse qui a frappé les Pyrénées-Orientales, où le vignoble a vu son rendement divisé par deux. Mes amendements, travaillés avec les acteurs locaux, ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 41. J'appelle la ministre à apporter des réponses. Les règles de débit ne sont pas adaptées à nos cours d'eau méditerranéens : débit considérable l'hiver, terrible sécheresse l'été. Il faut s'adapter à la spécificité de l'arrosage et des canaux gravitaires, et permettre des retenues collinaires. Ces mesures sont faciles à prendre : je compte sur vous, madame la ministre !
M. Mickaël Vallet . - L'absence d'étude d'impact risque de conduire à minimiser les conséquences d'une redéfinition des zones humides. Le retour à la définition de 2019, qui implique de cumuler les deux critères du terrain hydromorphe et de la végétation hydrophile, est censée réduire l'insécurité juridique pour les agriculteurs. Laquelle ? En réalité, les débats en commission montrent qu'il s'agit de construction de zones industrielles !
Les zones humides permettent un filtrage naturel de l'eau irremplaçable ; quand on sait combien il est compliqué de construire des stations d'épuration, on est content d'en avoir de naturelles.
Sans tomber dans la caricature du couple de chauves-souris ou du pélobate cultripède, ces zones sont aussi une réserve de biodiversité. Sans parler de la captation du carbone, ou de la préservation de l'élevage extensif, alors que 67 % des zones humides ont disparu depuis un siècle. Mon département compte 100 000 ha en zone humide, et les agriculteurs, toutes tendances syndicales confondues, n'en demandent pas la suppression.
M. le président. - Amendement n°5 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - Nous voulons supprimer l'article 5, qui modifie la hiérarchie des usages de l'eau. Ce faisant, il remet en cause toute la politique sanitaire et écologique de la gestion de l'eau. Il modifie la définition des zones humides afin de réduire leur périmètre et leur protection, alors que les scientifiques ont largement documenté leur disparition et leur importance pour la biodiversité, le fonctionnement du cycle de l'eau et la lutte contre les inondations. Il favorise les pratiques intensives et ouvre la voie à l'accaparement des ressources.
Un tiers de l'Hexagone est en zone de répartition des eaux, c'est-à-dire que la ressource est insuffisante aux besoins, sécheresse ou non. Pourtant, les surfaces irrigables ont augmenté de 23 % entre 2010 et 2020 - essentiellement pour le maïs, associé avec du soja. Ici on irrigue, au Brésil on déforeste... Bravo le développement durable !
M. le président. - Amendement identique n°12 de M. Tissot et du groupe SER.
M. Jean-Claude Tissot. - Ce n'est pas en retenant uniquement le prisme agricole que nous trouverons un système efficace, durable et acceptable par tous. Il est impensable de légiférer avec autant de légèreté sur la gestion de l'eau, notre bien commun le plus précieux.
Reconnaître par principe un ouvrage de stockage d'eau agricole comme d'intérêt général majeur modifie la hiérarchie des usages de l'eau. Diminuer la présence de la société civile dans les comités de bassin pour renforcer celle des agriculteurs est une provocation.
Cet article 5 est un tract politique plus qu'une réforme réfléchie.
Une réforme globale de la politique de l'eau est nécessaire, mais dans un texte ad hoc, assorti d'une étude d'impact solide. Je renvoie au rapport d'Hervé Gillé, qui insiste sur la nécessaire concertation, et propose notamment de conditionner les retenues à des contrats d'engagements réciproques pour plus de sobriété.
M. le président. - Amendement identique n°47 de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.
M. Gérard Lahellec. - Cet article 5 facilite les projets de stockage d'eau, oubliant que le partage de l'eau doit bénéficier en priorité à la disponibilité en eau potable. La nouvelle définition des zones humides risque de conduire à leur quasi-disparition.
M. le président. - Amendement identique n°82 rectifié de M. Grosvalet et alii.
M. Henri Cabanel. - Défendu.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - L'article 5 est crucial pour sécuriser les usages agricoles de l'eau. Avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis défavorable. Sur cet article déterminant, nous avons travaillé en bonne intelligence avec le ministère de la transition écologique. (M. Mickaël Vallet s'exclame.)
La question du stockage de l'eau est majeure pour les agriculteurs.
La pluviométrie exceptionnelle n'empêche pas certains territoires de souffrir des conséquences dramatiques de la sécheresse : un stockage raisonnable de l'eau raisonnable eût été utile.
Mes visites chez Mme Josende m'ont marquée. Sans eau, plus d'agriculture !
M. Mickaël Vallet. - L'élevage extensif, ce n'est pas qu'en montagne ; nous souhaitons le réintroduire et le conforter dans les zones humides et de marais. Quelle est la position du Gouvernement ? Que vous vous soyez calée avec votre collègue ministre de la transition écologique ne nous rassure guère, connaissant la titulaire du maroquin...
Cette redéfinition des zones humides profite à une minorité d'agriculteurs, ceux qui veulent retourner les terres de marais - effectivement très productives. Écoutez donc les autres !
Un de nos anciens collègues, Jérôme Bignon, président de Ramsar France, a coutume de dire qu'il ne faut toucher aux zones humides que d'une main tremblante. La vôtre a-t-elle tremblé, madame la ministre ? Je vous invite à venir rencontrer les agriculteurs dans le marais de Brouage.
M. Vincent Louault. - Y a-t-il eu étude d'impact, quand on a supprimé le caractère cumulatif des deux critères, ce qui a conduit à classer 30 % du pays en zone humide ?
Autrefois, le personnel des DDT était pragmatique et faisait du cas par cas, en tenant compte des plantes humides. Maintenant, ce sont des cabinets d'études, qui classent de façon aléatoire, en fonction du seul critère pédologique. Il n'est pas question de détruire la zone humide - mais nous parlons ici de zones urbanisées classées en zone humide !
Dans une commune des Ardennes, tout est en zone humide : tant la prairie avec sa mare et ses joncs qu'un vallon labouré, car il y a partout des oxydes ferreux - que l'on crée en labourant !
C'est du délire que de vouloir tout surprotéger. Si vous voulez construire un poulailler d'un hectare en Bretagne, il faudra trouver trois hectares pour le compenser - cela vaut pour toutes les exploitations qui sont en fonds de vallée, et donc en zone humide. Un peu de bon sens !
M. Mickaël Vallet. - Ah, le bon sens !
M. Franck Montaugé. - Madame la ministre, que faites-vous de la déclaration de politique générale de M. Bayrou, qui s'est engagé à lancer une conférence de l'eau par région ? Cela mériterait une nouvelle étape dans la manière d'appréhender cette problématique.
Je comprends qu'il faille donner des signes, que ce texte relève aussi de l'affichage, politique et syndical... Mais nous ne prenons pas les choses par le bon bout.
M. Ludovic Haye. - Mme la ministre a raison. La mission d'information Pointereau-Gillé a souligné que l'eau pluviale s'infiltrait rapidement dans les sous-sols. La question n'est pas de sanctuariser toujours plus de parcelles, mais d'entretenir les infrastructures existantes, notamment les mares et ruisseaux sédimentés. Nous n'avons plus le droit de toucher au moindre ruisseau, or il faut remettre de l'eau en surface, et la gérer avec nos agriculteurs.
M. Daniel Salmon. - La question de la gestion de l'eau est centrale. Pendant des décennies, on s'est affranchi de la science : en Bretagne, le remembrement a été une catastrophe, on a rectifié des cours d'eau, de sorte qu'une goutte qui tombe sur les monts d'Arrée, qui mettait plusieurs jours pour rejoindre la mer, le fait en quelques heures - avec à la clé des crues qui menacent Quimper notamment. J'en appelle à une réflexion plus approfondie.
Les amendements identiques nos5, 12, 47 et 82 rectifié ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°97 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - L'objectif de la proposition de loi était de sécuriser l'accès à la ressource en eau pour les agriculteurs - j'ose espérer que nous le partageons tous. Toutefois, la rédaction comportait des risques juridiques, notamment conventionnels, quant au respect de la directive-cadre sur l'eau et de la directive Habitats.
Cet amendement sécurise l'article 5 en inscrivant la préservation de l'eau aux fins d'abreuvement du bétail. C'est un enjeu de santé animale, qui fait consensus.
De même sur les retenues de stockage de l'eau : il faut limiter la présomption d'intérêt général majeur aux ouvrages qui répondent à un enjeu de stress hydrique et ont été retenus localement après concertation.
J'en viens aux zones humides. Dans la commune dont j'ai été le maire, la rectification de cours d'eau a posé problème, en empêchant la fonction de rétention, d'où des inondations. Dans beaucoup de territoires, on reméandre. (M. Jean-Jacques Michau opine du chef.)
M. Daniel Salmon. - On ajoute des haies !
Mme Annie Genevard, ministre. - Il s'agit non pas de revenir sur la définition des zones humides, mais de s'adapter à la réalité : des zones humides ne le sont plus - et pas seulement à cause de la rectification des cours d'eau. Il faut alors alléger la réglementation.
Cette question a été travaillée avec le ministère de l'écologie...
M. Mickaël Vallet. - Avec Mme Pannier-Runacher, nous ne sommes pas rassurés !
Mme Annie Genevard, ministre. - Je soumets donc à votre vote cette réécriture de l'article sur un sujet très attendu.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - L'eau, c'est la vie. Elle est importante pour tout le monde : plantes, agriculture, êtres humains. Cet amendement est le fruit de nombreux échanges entre le Gouvernement et la commission.
Des concessions ont été faites de part et d'autre.
Nous acceptons de remettre à la conférence sur l'eau les dispositions relatives aux schémas d'aménagement et de gestion de l'eau (Sage) et à la répartition des usages de l'eau. Nous acceptons aussi une réécriture de la disposition relative aux zones humides ; c'est une véritable avancée.
Nous avons obtenu la sécurisation juridique de l'intérêt général majeur pour les ouvrages de prélèvement d'eau, et pour les prélèvements eux-mêmes : c'est une victoire majeure pour la profession agricole.
Avis favorable.
M. Vincent Louault. - Je suis parfois vindicatif dans mes combats, mais je suis raisonnable. Je vous fais confiance, madame la ministre.
En l'état actuel du droit, les conséquences d'une application sur 30 % de la surface de la France entraîneront des conséquences énormes de jurisprudence faisant qu'aucun projet ne sera accepté.
Je suis un fervent défenseur des zones humides. J'ai rencontré le président de l'association Ramsar, et d'autres acteurs qui finissent par avouer que ces deux critères cumulatifs, non définis dans la loi, ne correspondent pas à ce qu'ils avaient demandé.
À la fin, cela crée de nombreux conflits. Voilà la réalité : des étangs sans fossé depuis 200 ans se transforment en cours d'eau.
Madame la ministre, je vous fais confiance, mais... ne me décevez pas ! (Rires)
Mme Annie Genevard, ministre. - Me voilà soumise à un challenge redoutable ! (Sourires)
Je prends l'engagement que, dès demain, nous organisions avec les directions concernées un groupe de travail avec vous pour étudier vos propositions dans le cadre de la navette parlementaire. (M. Vincent Louault s'en félicite.)
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Nous faisons du bon travail, une fois de plus. À partir des propositions des auteurs de la proposition de loi, des réflexions de la commission, le Gouvernement fait des propositions dans le même esprit. Il tient compte également des réalités des zones humides.
C'est un chemin fécond. Je remercie la ministre de concilier la nécessité de protéger les zones humides tout en tenant compte de certaines réalités.
M. Mickaël Vallet. - En l'absence d'étude d'impact, on peut être lassé de l'argumentation de type : « moi, dans ma commune... » (M. Laurent Duplomb s'exclame.) Des PLU, des Scot, de l'aménagement du territoire, nous en avons tous tâté ici. Gagnons du temps et épargnons-nous ce type d'argument.
Nous examinerons avec attention les dispositions du futur décret.
Madame la ministre, je prends acte de votre proposition, qui n'est pas aussi simpliste que la version initiale du texte.
Je termine par une invitation spontanée : venez faire un tour dans les zones humides de Charente-Maritime pour parler d'élevage extensif et de parc naturel régional.
M. Guillaume Gontard. - Cet amendement améliore la situation, mais je suis vigilant. L'eau est un sujet de la plus haute importance. L'aborder via un amendement m'interroge.
Il faut traiter le sujet de l'eau sur un prisme bien plus large.
Le Premier ministre a annoncé une conférence sur l'eau. À quoi va-t-elle servir ? Est-ce utile de travailler avant les résultats de cette conférence ?
Mme Annie Genevard, ministre. - Monsieur le sénateur Vallet, j'ai moi-même créé un parc naturel régional. Bon courage, il faut entre dix et quinze ans. (M. Vincent Louault renchérit.)
M. Jean-Claude Tissot. - Il est jeune !
Mme Annie Genevard, ministre. - Le Premier ministre Barnier avait imaginé une conférence nationale. Le Premier ministre Bayrou a repris cette idée en lui conférant une dimension régionale : c'est une excellente idée, compte tenu des différences entre nos territoires.
C'est le sens du plan hydraulique que Marc Fesneau avait mis en place. J'ai annoncé les premiers lauréats sur la réutilisation, sur les retenues collinaires, sur la remise à niveau d'adductions... Tout dépend des besoins des régions !
Cet amendement n'est en rien redondant avec la conférence sur l'eau régionalisée. Celle-ci pourra rassembler autour de la table ceux qui souvent ne se parlent pas.
Ensuite, nous voulons rendre possibles des installations utiles au secteur agricole.
L'amendement n°97 est adopté et l'article 5 est ainsi rédigé.
Les amendements nos78 rectifié, 52 rectifié nonies, 39 rectifié nonies, 38 rectifié septies, 79 rectifié, 36 rectifié nonies, 35 rectifié octies, 41 rectifié octies, 40 rectifié octies, 42 rectifié nonies, 34 rectifié octies, 20 rectifié octies, 21 rectifié nonies, 32 rectifié octies et 22 rectifié nonies n'ont plus d'objet.
Après l'article 5
M. le président. - Amendement n°28 rectifié nonies de M. Louault et alii.
M. Vincent Louault. - J'aurais retiré mes amendements, réalisés avec les trois meilleurs cabinets d'avocats de France. Je suis assez fier d'avoir poussé le Gouvernement au fond du terrier. (Rires à droite ; Mme Annie Genevard lance un regard désapprobateur à l'orateur.)
Les étangs piscicoles et aquacoles doivent être conservés dans la définition des cours d'eau, mais il faut les exclure de la police de l'eau.
Retrouvons du pragmatisme. Il faut stocker l'eau.
Mme Nicole Bonnefoy. - Ce sont les sols qui la stockent !
M. Vincent Louault. - C'est un amendement d'appel. Il sera modifié à l'Assemblée nationale ou en commission mixte paritaire (CMP). Actuellement, les agriculteurs ne peuvent plus utiliser leurs étangs.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Il n'est pas souhaitable d'exclure ces étangs de la police de l'eau, notamment pour des raisons de vidange. Même si je le regrette, avis défavorable.
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis. Cela peut faire partie de la liste de courses du groupe de travail...
L'amendement n°28 rectifié nonies est retiré.
Titre IV
M. le président. - Amendement n°98 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Votre titre était engageant : « apaiser les relations entre l'OFB et les agriculteurs ». C'est d'ailleurs le sens de la circulaire à destination des agents de l'OFB que j'ai cosignée avec Agnès Pannier-Runacher.
Préférons un titre plus large : « mieux accompagner les contrôles et dispositions diverses relatives aux suites liées aux inspections et contrôles en matière agricole ». C'est moins sympathique, mais c'est mieux établi sur le plan juridique.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°98 est adopté.
Le Titre IV est ainsi rédigé.
Article 6
M. le président. - Amendement n°6 de M. Salmon et alii.
M. Daniel Salmon. - On parle beaucoup de l'OFB depuis un certain temps. Nous arrivons à un moment de vérité.
L'idée selon laquelle la plupart des agriculteurs seraient soumis à des contrôles récurrents est très contestable. Dans un rapport de février 2024, les services d'inspection des ministères de l'agriculture, de la transition écologique, de l'intérieur et de la justice concluent que 89 % des exploitations agricoles n'ont pas été contrôlées par le moindre service administratif. (M. Vincent Louault lève les bras au ciel.)
On a instrumentalisé l'OFB : en fait de harcèlement, on peut faire pire ! Les agriculteurs représentent 19 % des personnes contrôlées, soit 3 600 contrôles sur 389 000 exploitations. Ils sont derrière les particuliers !
On est loin de ce qu'on a entendu, les agriculteurs en proie tous les jours aux agents de l'OFB arrivant pistolet à la main.
M. le président. - Amendement identique n°13 de M. Tissot et du groupe SER.
M. Jean-Claude Tissot. - Nous souhaitons supprimer l'article 6, en nous appuyant surtout sur le contexte. Les tensions entre l'OFB et les agriculteurs atteignent un paroxysme. Nous ne remercions pas le Premier ministre qui les a attisées...
Le droit de retrait que les agents de l'OFB exercent depuis le 17 janvier est légitime, tant le sentiment d'abandon est fort.
L'article 6 s'inspire des recommandations du rapport de Jean Bacci, qui visait à montrer patte blanche aux agriculteurs et était à charge, préconisant la dépénalisation de certaines infractions, la généralisation d'un droit à l'erreur ou la minoration des sanctions. Nous nous étions opposés à l'adoption de ce rapport.
Certes, le présent article ne reprend qu'une partie de ces propositions, mais nous nous opposons par principe à cette réforme en catimini. Celle-ci devra faire l'objet d'un débat apaisé, réunissant l'ensemble des acteurs.
M. le président. - Amendement identique n°48 de M. Lahellec et du groupe CRCE-K.
M. Gérard Lahellec. - C'est sous couvert d'apaiser les relations entre agriculteurs et OFB que l'article propose de réduire les peines en cas de préjudice environnemental et affaiblit les missions de l'OFB.
Celui-ci porte atteinte à la démocratie environnementale et alimente la rhétorique opposant agriculteurs et écologie. Supprimons cet article, nous ferons bien.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Nous ne voulons pas jeter d'anathème sur qui que ce soit, mais apaiser. Avis défavorable à ces amendements.
Mme Annie Genevard, ministre. - Même avis.
Les amendements n°6, 13 et 48 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°100 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Cet amendement renforce la position du préfet, déjà délégué territorial de l'OFB, en l'installant comme coordonnateur des missions de police administrative de l'Office. Les contrôles de la police de l'environnement seront mieux organisés et les relations entre les agents et les usagers, améliorées.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable.
L'amendement n°100 est adopté.
M. le président. - Amendement n°99 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Nous voulons supprimer l'alinéa 2, qui relève du domaine réglementaire. Les Misa ont déjà été réunies et fonctionnent : nul besoin de les intégrer dans la loi.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable.
M. Vincent Louault. - J'avais proposé l'intégration des Misa dans la loi. J'avais posé une question au Gouvernement sur un contrôle dans une exploitation agricole où 50 gendarmes étaient arrivés un matin. Cinq mois après, aucune infraction n'est constatée... À l'époque, le préfet Latron...
M. Jean-Baptiste Lemoyne. - Excellent préfet !
M. Vincent Louault. - ... m'avait confié qu'il n'était pas au courant...
Il faut clarifier qui fait quoi dans le contrôle des agriculteurs. La Charte de l'environnement prévoit la délation, puisque toute personne ayant connaissance d'une atteinte à l'environnement doit la dénoncer. Mais il y a des abus : ainsi d'un agriculteur dénoncé par un voisin puis par une association environnementale. Cet état d'esprit est détestable.
Je voterai cet amendement. Madame la ministre, soyez stricte sur l'application des décrets.
L'amendement n°99 est adopté.
M. le président. - Amendement n°109 de M. Cuypers, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Nous sécurisons juridiquement le principe de transmission hiérarchique des procès-verbaux - par alignement avec la procédure pénale classique.
L'amendement n°109, accepté par le Gouvernement, est adopté.
M. le président. - Amendement n°101 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Lorsque j'ai commencé à travailler sur l'apaisement des relations entre OFB et agriculteurs, j'ai proposé d'expérimenter les caméras-piétons, qui, chez les policiers et pompiers, ont fait leurs preuves : leur déclenchement fait baisser l'intensité du conflit.
Cet amendement habilite les inspecteurs de l'environnement - entre autres - à autoriser les agents chargés d'une mission de police administrative et de police judiciaire de porter une caméra-piéton.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Tout le monde y gagnera : avis favorable.
L'amendement n°101 est adopté.
À la demande du groupe SER, l'article 6, modifié, est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°180 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l'adoption | 234 |
Contre | 108 |
L'article 6, modifié, est adopté.
Après l'article 6
M. le président. - Amendement n°24 rectifié sexies de M. Louault et alii.
M. Vincent Louault. - Cet amendement, qui concerne les insectes stériles, m'est cher. Un exemple, les noisettes : si vous lâchez plein de mâles stériles, ils fécondent des femelles qui ne pondent qu'un seul oeuf sur chaque noisette... L'oeuf est stérile, la noisette est sauvée.
Ce type de procédé, interdit, a été utilisé de manière dérogatoire par les directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf) pour les moustiques, dans le sud de la France.
Merci, madame la ministre, d'assurer la recevabilité financière de mon amendement. Nous importons la technologie du Canada et des États-Unis. Nous pourrons ainsi recentraliser la filière française des insectes stériles. Cela permettra, monsieur Salmon, de sortir des pesticides ! (Sourires)
M. le président. - Amendement identique n°102 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Cet amendement identique au précédent assure sa recevabilité financière.
Je n'ajouterai rien à la présentation du grand spécialiste des insectes stériles qu'est M. Louault. (Rires)
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Avis favorable.
Les amendements identiques nos24 rectifié sexies et 102 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°103 du Gouvernement.
Mme Annie Genevard, ministre. - Cet amendement habilite le Gouvernement à prendre une ordonnance pour améliorer les leviers contre les propriétaires qui ne luttent pas contre les organismes nuisibles de quarantaine, ravageurs pas ou peu présents sur le territoire dont il faut limiter la dissémination. Je pense, monsieur Cabanel, à la flavescence dorée qui décime la vigne, ou au scarabée japonais, heureusement encore jamais détecté en France.
Dans le cas de la vigne, il faut arracher et détruire le plus vite possible les pieds infestés - cela implique que tous les propriétaires le fassent. Lorsqu'ils sont défaillants, l'État doit s'y substituer, mais ce n'est pas toujours possible.
De plus, le régime est délictuel ; nous proposons d'adapter le régime de sanctions pour le rendre plus proportionné et plus opérationnel.
M. le président. - Sous-amendement n°111 de M. Cuypers, au nom de la commission des affaires économiques.
M. Pierre Cuypers, rapporteur. - Nous ne sommes pas de grands adeptes des habilitations. Précisons simplement qu'il s'agit de la flavescence dorée. Avis favorable à l'amendement du Gouvernement, sous réserve de la précision que mon sous-amendement apporte.
Mme Annie Genevard, ministre. - Avis favorable au sous-amendement n°111.
M. Daniel Gremillet. - C'est un excellent amendement. J'ai juste un regret : que vous n'ayez pas été ministre il y a quelque temps. Avec cet amendement, nous n'aurions pas subi la multiplication des scolytes dans nos forêts. C'est grâce à de telles mesures que nous serons le plus efficaces pour protéger la nature et la biodiversité.
Mme Annie Genevard, ministre. - Merci.
Le sous-amendement n°111 est adopté.
L'amendement n°103, sous-amendé, est adopté et devient un article additionnel.
Vote sur l'ensemble
M. Laurent Duplomb . - Après avoir remercié le rapporteur pour son travail et la présidente de la commission, je souhaite aussi vous remercier, madame la ministre. Nous sommes partis d'une situation où j'y croyais beaucoup et vous n'y croyiez pas à une situation où vous y croyiez beaucoup et moi je n'y croyais plus ! Finalement, nous y croyons tous. (Sourires)
Cela résume sept ans de travail ici. Ce texte ouvre une nouvelle page de l'agriculture française, plus objective, plus rationnelle, pour tous ceux qui - même si on n'aime pas que je le dise - travaillent 70 heures par semaine. Ils ne demandent pas à travailler moins, mais mieux.
Il est satisfaisant de mettre un coin dans cette porte, et de retrouver de la fierté : être fiers de nos paysages, de nos paysans, de notre agriculture française. C'est ainsi qu'on retrouvera une France forte ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Claude Tissot . - Sans surprise aucune, nous voterons contre cette proposition de loi. Il y a trop de points clivants, et même presque que cela.
Autoriser les néonicotinoïdes pour la betterave, c'était ouvrir la boîte de Pandore ; là, nous avons fait bien pire. Je le regrette amèrement. Le directeur scientifique de l'Inrae qualifiait l'acétamipride de « chlordécone de l'Hexagone. »
Je ne suis pas sûr que mes collègues de droite aient même parlé de santé ou d'environnement. Vous ne vous êtes appuyés que sur des arguments économiques. Vous prétendez défendre les paysans, mais vous négligez leur santé. Pour ce qui concerne l'environnement, au moins vous ne prétendez même pas le préserver.
Madame la ministre, vous avez déposé des amendements à la dernière heure, pour court-circuiter nos débats. Il faudra changer de méthode.
M. Daniel Salmon . - Je ne pense pas que l'on tourne une page. Non, on continue sur le même modèle : un modèle qui a vidé nos campagnes de ses paysans et de sa biodiversité ; un modèle qui nous a fait passer de la ferme à l'exploitation agricole. Le terme n'est pas anodin : effectivement, travailler 70 heures pour un salaire de misère, c'est de l'exploitation. On exploite aussi les sols et les ressources naturelles. Je regrette que l'on poursuive dans cette voie.
Il ne s'agit pas d'opposer agriculture et environnement, mais pas non plus de sacrifier l'un à l'autre : l'environnement est essentiel pour que, demain, l'agriculture puisse vivre dans ce pays.
Si nous voulons donner envie à des jeunes et à des moins jeunes de s'installer, il faudra leur proposer un modèle réenchanté, non une industrialisation de l'agriculture.
Vous parlez de paysage, mais ce modèle les détruit. Vous videz le monde rural de ce qui fait son essence, l'agriculture.
Mme Nicole Bonnefoy . - Ce soir, beaucoup de choses ont été mises sur le dos des normes. Pourtant, elles protègent et sont l'unique argument pour s'opposer à un accord entre l'Union européenne et le Mercosur. Sans normes, il n'y aura plus rien, si ce n'est un libre-échange débridé. Les agriculteurs verront alors qu'ils ont été trompés, et vous en serez tenus pour responsables.
Vous pensez qu'il ne faut pas parler des familles. Pourtant, dans la plaine d'Aunis, près de La Rochelle, elles réclament qu'on reconnaisse un cluster de cancers pédiatriques. Elles ont elles-mêmes payé une étude et demandent un moratoire sur les pesticides.
Que disent ces familles ? Plus d'agriculteurs, et moins de pesticides. Que leur répondez-vous ? Plus de pesticides, y compris des produits interdits, parce que votre modèle agricole en a besoin. Là aussi, vous en porterez la responsabilité.
M. Vincent Louault . - Madame la ministre, je n'y croyais plus non plus. Je vous remercie, tout comme Pierre Cuypers. Quand mon père a quitté le Sénat, à 74 ans, il l'a fait parce qu'il était impossible de débloquer un boulon dans ce pays. Je suis fier de l'avoir fait, ce soir, pour l'agriculture. (M. Pierre Cuypers applaudit.)
M. Henri Cabanel . - Ce texte a évolué depuis son dépôt. La ministre nous a rassurés par ses amendements. Notre groupe recherche le juste équilibre - je crois que nous l'avons trouvé entre l'économie, l'environnement et la santé.
Il y a encore des interrogations, certes. Nous avons levé les doutes sur l'Anses, sur la réintroduction des néonicotinoïdes ; mais il faudrait conditionner les mesures sur l'eau à un diagnostic des sols, car l'irrigation risque d'être inefficace sur des sols lessivés.
Une grande majorité du RDSE votera ce texte.
M. Bernard Buis . - Plus de la moitié des sénateurs avait cosigné cette proposition de loi. Je remercie la ministre et le rapporteur pour leur travail constructif. Il nous restera à continuer à apporter des progrès dans le cadre du projet de loi d'orientation agricole.
M. Franck Menonville . - Moi aussi, je vous remercie, madame la ministre, pour votre écoute. Vous avez trouvé des équilibres et consolidé ce texte. Nous avons bâti cette proposition de loi avec Laurent Duplomb, mais nous savions qu'il y avait des points perfectibles. Merci au rapporteur et à la présidente Estrosi Sassone.
Nos échanges ont été constructifs, malgré les clivages. Merci pour notre agriculture. La semaine prochaine, nous compléterons ce travail avec la loi d'orientation agricole, afin de renforcer la souveraineté alimentaire et d'assurer le renouvellement des générations.
Ce travail ne doit pas être qu'agricole : tous les maillons de la chaîne économique doivent aussi bénéficier d'une simplification. (Applaudissements sur quelques travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Daniel Gremillet . - Avec ce texte, nous rendons à l'agriculture française les atouts dont bénéficient les autres agricultures européennes. Nous donnons aux agriculteurs une nouvelle capacité de remplir l'assiette des Français.
Beaucoup ont parlé de modèle - c'est méconnaître l'agriculture. Dans ce domaine, des femmes et des hommes mettent en place des méthodes différentes pour atteindre un même objectif, produire des produits de qualité.
Merci aux auteurs et au rapporteur : ce texte offre une chance, dans nos territoires, de reconquérir des parts de marché, dans le respect de la santé humaine.
M. Gérard Lahellec . - Je salue avec respect le travail conduit ces dernières semaines par le rapporteur, la ministre et les auteurs du texte.
Je crains que la focalisation de nos débats sur les normes ait pour effet que l'on se trompe de colère. Cette dernière existe dans nos fermes, mais dépasse la seule question des normes : il faut rendre de la valeur ajoutée à ceux qui travaillent 70 heures par semaine. Je regrette que cela n'ait pas été compris.
Je souhaite que l'on s'attaque aux questions de fond, en évitant d'alimenter le clivage entre considérations environnementales d'un côté et ferme de l'autre. Nos agriculteurs sont des aménageurs de l'espace - ils souhaitent continuer à l'être.
M. Guillaume Gontard . - Ce soir, M. Duplomb est fier. Moi, je ne suis pas fier du résultat et de l'orientation donnée. Nous avons partagé le constat d'une agriculture dans une situation grave, complexe. Nous avons aussi analysé les causes, mais nous persévérons dans la fuite en avant. Je ne suis pas sûr qu'on ait rendu service aux paysans, aux agriculteurs qui font vivre nos territoires et nos villages.
D'abord, la réautorisation de trois néonicotinoïdes...
Mme Anne-Sophie Romagny. - Non, un !
M. Guillaume Gontard. - ... est une grave erreur. Ces produits sont dangereux pour la santé, l'environnement, l'eau. Je n'en suis pas fier.
Nous sommes revenus sur la consultation du public. Or si l'on veut promouvoir des projets, si l'on veut qu'ils soient acceptés, il faut renforcer la concertation.
La question de l'eau, notre bien commun, a été prise par le petit bout de la lorgnette, pour toujours consommer plus.
Mme Kristina Pluchet . - Merci à Laurent Duplomb, à Franck Menonville, au rapporteur et à la ministre pour ce premier pas, afin de répondre aux revendications de l'immense majorité des agriculteurs.
Je remercie aussi les agriculteurs qui, l'hiver dernier, ont manifesté dans le calme et insisté sur la surenchère normative. Leurs revendications sont aussi celles des collectivités territoriales et des entreprises. Ils ont permis d'amorcer le long chemin de la simplification dans ce pays. Vive le bon sens paysan ! (Applaudissements sur quelques travées des groupes Les Républicains, INDEP et UC)
Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente de la commission des affaires économiques . - Je remercie les auteurs de cette proposition de loi. Bravo à Pierre Cuypers pour ce premier rapport.
Je remercie la ministre et ses services, ainsi que les services de la commission qui ont réalisé un travail remarquable. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Merci, madame la ministre, pour votre engagement, votre courage et votre écoute. Vous avez permis que cette proposition de loi évoque des sujets importants, et revienne sur des surtranspositions qui pèsent sur la compétitivité de l'agriculture.
Vous avez permis de trouver des compromis intelligents et exigeants, pour que l'agriculture redevienne une fierté française, nationale.
Merci d'avoir activé la procédure accélérée, grâce à laquelle cette proposition de loi sera rapidement débattue à l'Assemblée nationale.
Nous débutons une longue séquence législative sur l'agriculture, avec une proposition de loi sur les haies, une proposition de loi sur la démocratie agricole, et surtout le projet de loi d'orientation agricole, qui avait été suspendu et repoussé, et dont vous n'avez eu de cesse de demander l'inscription à l'ordre du jour, madame la ministre.
Nous pourrons tous affirmer nos convictions et agir contre le découragement des agriculteurs. J'ai bien compris, monsieur Lahellec, que les normes ne sont pas le seul sujet de découragement. Nous évoquerons tous ces sujets dans le projet de loi d'orientation agricole. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP et du RDPI)
Mme Annie Genevard, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Au travers de cette proposition de loi, nous avons évoqué des sujets difficiles sur lesquels on nous promettait les foudres de tout le monde.
M. Vincent Louault. - Tout à fait.
Mme Annie Genevard, ministre. - Je salue Laurent Duplomb et Franck Menonville qui ont porté ce texte, épaulés par Vincent Louault et son sens de la métaphore fleurie.
Merci, monsieur le rapporteur, et madame la présidente de la commission des affaires économiques, qui n'a eu de cesse de nous soutenir pour rapprocher des points de vue jugés « irraprochables ».
Je remercie les services de la commission des affaires économiques, de mon ministère, de ceux du ministère de la transition écologique.
Cinq des six articles ont fait l'objet de compromis avec le ministère de la transition énergétique. Les voies de passage sont plus complexes, moins tonitruantes, mais elles apporteront des solutions. Opposer environnement et agriculture conduit à une impasse.
Nous avons, pour les agriculteurs, et tous ensemble, fait oeuvre utile. Je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDPI et du RDSE)
À la demande des groupes Les Républicains, SER, et de la commission, la proposition de loi, modifiée, est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°181 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 342 |
Pour l'adoption | 233 |
Contre | 109 |
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Louault applaudit également.)
Prochaine séance aujourd'hui, mardi 28 janvier 2025, à 14 h 30.
La séance est levée à minuit quarante-cinq.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 28 janvier 2025
Séance publique
À 14 h 30 et le soir
Présidence : Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente, Mme Sylvie Robert, vice-présidente
Secrétaires : Mme Sonia de La Provôté, M. Mickaël Vallet
. Proposition de loi visant à sortir la France du piège du narcotrafic, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée) (texte de la commission, n°254, 2024-2025) et proposition de loi organique fixant le statut du procureur national anti-stupéfiants, présentée par MM. Étienne Blanc et Jérôme Durain (procédure accélérée) (texte de la commission, n°255, 2024-2025) (demandes du groupe Les Républicains et de la commission des lois)