Individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à renforcer les moyens de surveillance des individus condamnés pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes, présentée par Mme Marie Mercier et plusieurs de ses collègues.
La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme Marie Mercier, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) J'ai eu la chance de croiser Pierre Chaunu, qui avait écrit que « l'enfant est la ligne de flottaison de la société ».
Cette proposition de loi a pour but de mieux protéger les enfants. Elle comporte trois articles, qui peuvent sembler disparates : l'article 1er a trait au changement de nom, l'article 2 au délit d'extorsion d'image, l'article 3 aux chauffeurs de bus...
Le point commun est l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais), un outil efficace, qui ne peut être utilisé que par des administrations, la police ou la gendarmerie, et dans un cadre très strict - et c'est heureux ! La personne inscrite au Fijais doit pointer régulièrement - parfois pendant trente ans, dans les cas les plus graves.
Il est devenu très simple de changer de nom, d'où un risque de dérive - on l'a vu dans le cas de Francis Évrard, pédocriminel récidiviste ayant changé de nom en prison, qui n'était plus inscrit au Fijais sous son nouveau nom. Marc-Philippe Daubresse avait tenté d'y remédier dans un texte concernant les condamnés terroristes, qui n'a hélas pas prospéré.
L'article 2 intègre le délit d'incitation d'un mineur, par un moyen de communication électronique, à commettre tout acte de nature sexuelle, à la liste des infractions pouvant aboutir à une inscription au Fijais. Idem pour la diffusion de ces images.
L'article 3 pourrait s'appeler l'amendement Émile Louis, qui a violé et assassiné sept jeunes filles dans les années 1970. Il était chauffeur de bus. Les opérateurs de transports publics nous ont alertés : comment savoir qu'un chauffeur ne doit pas être en contact avec des enfants ? Nous avons eu le cas récemment, en Saône-et-Loire, d'un chauffeur intérimaire qui a eu un comportement inadéquat devant des enfants.
Il est donc proposé de donner aux transporteurs publics la possibilité de savoir, via la préfecture, si un candidat est inscrit au Fijais.
Depuis la loi du 8 mars 2024, la consultation du Fijais est désormais systématique pour tous les enseignants, animateurs et éducateurs sportifs, professionnels ou bénévoles. Ce texte l'étend aux chauffeurs de transport public de personnes.
Je remercie tous les collègues qui ont enrichi le texte, et espère son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
L'enfant est la ligne de flottaison d'une société : s'il coule, c'est toute la société qui fait naufrage. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP et du RDSE)
Mme Muriel Jourda, rapporteur de la commission des lois . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Si les mesures de ce texte sont disparates, les infractions qu'il vise ne le sont pas tant : elles sont caractérisées par la dangerosité des auteurs et par le risque de récidive. D'où l'instauration par le législateur de la rétention de sûreté, qui soumet les personnes condamnées pour des infractions particulièrement graves à une surveillance socio-médico-judiciaire. Le moyen le plus commun est l'inscription à un fichier : le Fijais pour les infractions sexuelles, le Fijait (fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions terroristes) pour les infractions terroristes. Ce dernier compte environ 1 900 inscrits ; le Fijais, pas moins de 111 000.
Les inscrits doivent pointer, c'est-à-dire se rendre à la gendarmerie ou au commissariat, signaler leur changement d'adresse et, pour le Fijait, déclarer leurs déplacements à l'étranger.
Dans certains secteurs, l'inscription au fichier entraîne l'interdiction d'exercer et d'entrer en contact avec des mineurs et des personnes vulnérables. L'incapacité peut être prononcée par le juge. Les collectivités employeurs peuvent aussi avoir connaissance de l'inscription au fichier pour éviter de recruter ces personnes dans des métiers impliquant un contact avec des mineurs ou des personnes vulnérables - ce que la jurisprudence a validé.
Bref, il existe déjà des moyens de surveillance pour éviter la récidive.
Les mesures du texte sont disparates parce qu'elles comblent des vides. Mme Mercier avait été rapporteur de la proposition de loi Vignal facilitant le changement de nom ; elle nous avait alertés sur le risque que certains échappent aux contrôles. Elle nous propose donc d'autoriser le procureur de la République à intervenir en cas de risque pour l'ordre public.
Un amendement de la commission a rendu opérationnel l'article relatif aux chauffeurs de bus. Mme Richard nous proposera d'aller plus loin et de sanctionner le manquement que constitue la tentative d'entrer en contact avec des mineurs, y compris à l'étranger.
M. Burgoa s'est soucié des plateformes qui mettent en contact des parents avec des baby-sitters, sans aucun contrôle des antécédents judiciaires de ces derniers. Une procédure permettra aux parents de savoir à qui ils ont affaire. Même chose pour les dirigeants d'associations recevant des mineurs.
Tout cela est délicat, car les fichiers sont des sources d'information très confidentielles. Le Conseil constitutionnel a autorisé leur consultation, mais en veillant à la divulgation des informations et à la préservation des droits et libertés constitutionnels.
La commission s'est donc attachée à préserver cet équilibre. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP)
Mme Nathalie Delattre, ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement . - Je vous prie d'excuser le garde des sceaux, retenu en commission des lois de l'Assemblée nationale. Il nous rejoindra dès son audition achevée.
Il nous revient d'assurer la sécurité et la protection de nos enfants et de nos concitoyens. Ne laissons pas d'espace aux criminels pour agir, soit en changeant de nom, soit en exerçant dans une entreprise de transport public.
Le droit à modifier son identité doit s'inscrire dans un équilibre global préservant l'ordre public. La loi Vignal a connu un vrai succès : entre août 2022 et fin décembre 2023, 144 100 personnes ont changé de nom ; depuis, le rythme s'établit autour de 6 500 changements mensuels.
Le texte de Mme Mercier vise à empêcher que tout délinquant sexuel, violent ou terroriste puisse se soustraire aux obligations liées à l'inscription au Fijais ou au Fijait. Une personne dangereuse ne doit pas passer entre les mailles du filet. Ainsi, l'officier d'état civil pourra avertir le procureur de tout changement contraire à l'ordre public.
Gare toutefois à ne pas entraîner une charge excessive sur l'autorité judiciaire. À cet égard, je formulerai quelques réserves, qui ne font pas obstacle à l'adoption de la proposition de loi, et que votre commission a d'ailleurs anticipées.
La commission, dont je salue le travail, a ajouté un article 1er A bienvenu, qui prévoit l'information de l'autorité académique et du chef d'établissement en cas de mise en examen ou de condamnation pour une infraction terroriste d'un élève, ainsi que l'information de l'hébergeur de la personne libérée sous contrôle judiciaire - car les personnes poursuivies ou condamnées pour des infractions terroristes sont de plus en plus jeunes. Il demeure que les dérogations au secret de l'enquête doivent être strictement limitées.
L'article 1er prévoit l'information systématique par l'officier d'état civil et, le cas échéant, l'opposition du procureur. La commission a prévu que le bulletin n°2 du casier judiciaire serait joint à la demande de changement simplifié de nom, et que la menace à l'ordre public ferait l'objet d'une définition légale expresse.
Les inscrits au Fijais ou au Fijait devront aussi déclarer tout changement de nom ou de prénom dans un certain délai, ainsi que leurs déplacements à l'étranger, sur décision expresse du juge. Cette obligation devra être notifiée aux 110 000 personnes actuellement inscrites, qu'elles envisagent ou non de changer de nom.
L'article 2 étend la liste des infractions entraînant l'inscription au Fijais aux délits créés par la loi Billon du 21 avril 2021 : l'extorsion d'images pédopornographiques et les atteintes sexuelles qu'un mineur est contraint de s'infliger à lui-même. L'ensemble du régime procédural prévu pour les infractions sexuelles et de protection des mineurs leur sera applicable, ce qui alourdira la charge des juridictions et des services enquêteurs. L'augmentation des expertises, alors qu'on manque d'experts, doit être soulignée.
L'article 3 empêche les personnes inscrites au Fijais ou au Fijait d'exercer dans le secteur du transport public des mineurs ou des majeurs vulnérables, sur le modèle de l'obligation d'honorabilité introduite par le législateur dans le sport et le médico-social. La rédaction initiale allait trop loin, elle ouvrait l'accès aux données du Fijais à des sociétés privées, or ce fichier comprend aussi des condamnations non définitives.
Une personne dangereuse ne doit pas passer entre les mailles du filet : le Gouvernement est donc favorable à l'adoption de la proposition de loi, même si certaines dispositions doivent encore être travaillées. Par ailleurs, ce texte n'est pas le bon véhicule pour modifier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda).
Chère Marie Mercier, comptez sur moi pour l'inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que des groupes UC et Les Républicains)
M. Pierre Jean Rochette . - Les Français en ont marre de l'insécurité, de la délinquance. Ils nourrissent de fortes attentes en la matière. La théorie du « sentiment d'insécurité », hors des salons où elle a été élaborée, n'a convaincu aucun de nos citoyens. Ils ne supportent plus de voir les forces de l'ordre impuissantes face aux délinquants. Force doit rester à la loi !
Cela suppose des moyens budgétaires - heureusement, ce Gouvernement n'a pas réduit le budget des forces de l'ordre - et une évolution de notre arsenal législatif. Notre droit est complexe, reflet de la complexification de notre société mais aussi d'une criminalité toujours plus innovante.
Ce texte, modeste mais pragmatique, s'inscrit dans la suite du travail mené au Sénat depuis plusieurs années pour renforcer notre sécurité.
L'ouverture de nouveaux droits profite parfois aux délinquants qui cherchent à échapper à la justice et aux mesures de surveillance. Quoi de plus simple pour sortir des fichiers que de changer de nom ? Les criminels violents doivent rester dans les radars de la police et de la justice. L'officier d'état civil devra donc avertir sans délai le procureur de la République si un condamné souhaite changer de nom.
Cette mesure de bon sens avait déjà été votée ici même.
Le texte accorde aux entreprises de transports en commun l'accès au Fijais, pour éviter de mettre au contact du public des individus potentiellement dangereux - on pense à Émile Louis. Encore une mesure de bon sens, que le Sénat avait déjà adoptée.
D'autres dispositions visent à tenir compte de la création de nouveaux délits sexuels à l'encontre des mineurs, ou à allonger la durée maximale de rétention des étrangers condamnés pour infraction violente ou sexuelle, à l'instar de ceux condamnés pour terrorisme - un cavalier peut-être, mais un progrès pour notre sécurité !
Ce texte est le fruit d'un travail patient - j'en remercie Mmes Mercier et Jourda. Nous le soutiendrons sans réserve. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et du RDSE)
M. Stéphane Le Rudulier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi est l'occasion de poursuivre nos débats sur la surveillance des personnes condamnées pour des infractions sexuelles, violentes ou terroristes. Lors de la création du Fijais en 2004, certains critiquaient une forme de « peine à perpétuité » pour les personnes condamnées - il n'en est pas moins très utilisé.
Ce texte vise à corriger une faille de notre système et à gommer les effets de bord de la procédure de changement de nom simplifiée introduite en 2022. En effet, si la loi Vignal a soulagé les personnes souhaitant changer de nom pour des raisons légitimes, elle a également permis aux personnes condamnées d'échapper à la surveillance. C'est un risque bien trop important pour la société.
Aussi, la proposition de loi charge l'officier de l'état civil de saisir le procureur dès lors qu'un changement de nom présenterait un risque pour l'ordre public. Elle intègre également deux nouveaux délits à la liste des infractions pouvant aboutir à l'inscription au Fijais.
Émile Louis a commis ses crimes dans les années 1970, mais n'a été condamné que bien plus tard. Les pédocriminels visent principalement les domaines impliquant des enfants - éducation, sport ou transports. C'est pourquoi ce texte leur interdit d'exercer des professions qui les mettent en contact avec des mineurs ou des majeurs vulnérables.
Le groupe Les Républicains votera ce texte essentiel. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Patricia Schillinger . - Ce texte vise à renforcer l'efficacité de nos moyens de surveillance et de contrôle des individus les plus dangereux de notre société.
Créés en 2004 et 2015, le Fijais et le Fijait permettent de suivre les personnes qui y sont inscrites et de prévenir la récidive. Ils répondent à un impératif de sécurité publique. Mais la loi Vignal, saluée par beaucoup à l'époque, a créé une faille par laquelle les délinquants peuvent échapper à la surveillance, comme l'illustre le cas de Francis Évrard : condamné à huit reprises pour des viols sur mineurs, il a pu changer de nom en prévision de sa sortie de prison.
Cette proposition de loi vise donc à combler les lacunes de notre droit, et j'en remercie Mmes Mercier et Jourda. À l'initiative de Marc-Philippe Daubresse, le Sénat avait déjà apporté une réponse en janvier dernier, que reprend l'article 1er de la proposition de loi.
Le texte impose désormais d'informer le procureur de la République lorsqu'un condamné pour infraction sexuelle ou terroriste demande de changer de nom, permettant à l'autorité judiciaire de s'y opposer.
L'article 2 intègre deux nouveaux délits à la liste des infractions entraînant l'inscription au Fijais : la « sextorsion » et l'extorsion d'images pornographiques, auxquels les mineurs sont de plus en plus exposés.
L'article 3 ouvre l'accès au Fijais aux entreprises de transport public de personnes, via les préfectures. Cette mesure, déjà adoptée par le Sénat, était attendue par les citoyens et les élus locaux.
La commission a apporté des aménagements bienvenus. Elle a également adopté un amendement visant à prolonger jusqu'à 180, voire 210 jours, la rétention administrative des étrangers condamnés pour une infraction sexuelle ou violente grave. Cette mesure serait plus à sa place dans une loi Immigration - sur de tels sujets, gardons-nous de légiférer sous le coup de l'émotion.
Nous avons le devoir de protéger les mineurs et d'éviter que des personnes dangereuses exploitent les failles de notre droit.
Le RDPI votera ce texte pour assurer la pleine efficacité de nos outils de protection, pour une société plus sûre et plus juste.
Mme Sophie Briante Guillemont . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Si le risque zéro en matière de récidive n'existe pas, il n'est pas interdit de s'interroger sur le suivi des individus déjà condamnés. La question, liée à l'actualité et empreinte d'émotion, est délicate. Le changement de nom de Francis Évrard, condamné huit fois pour viol sur mineur, interpelle.
Je salue l'initiative de Marie Mercier.
Même si je n'étais pas sénatrice lors de l'examen de la loi Vignal, j'ai constaté que vous aviez alerté sur les conséquences juridiques d'une telle innovation. Madame Mercier, votre démarche est donc convaincante.
Vous avez complété votre dispositif par deux articles : l'article 2 étend la liste des infractions entraînant l'inscription au Fijais ; l'article 3 facilite la consultation du fichier par les autorités de transport.
L'objectif initial était louable, mais nous voici face au texte de la commission. À de nombreux égards, le dispositif a été enrichi par la commission des lois : l'article 1er A prévoit l'information obligatoire de l'autorité académique d'une personne scolarisée précédemment condamnée ou mise en examen ; nous l'approuvons, même si nous préférerions la restreindre aux condamnations. L'article 1er a aussi été précisé.
Cependant, l'extension à 180 jours, voire 210 jours, de la rétention administrative pour les étrangers condamnés à une interdiction du territoire français, après avoir commis une infraction sexuelle ou violente grave, ne nous semble pas opportune : ne tranchons pas superficiellement un débat important.
Le RDSE est attaché à l'exigence de qualité du débat et du travail parlementaire. Cette forme de dispersion nous inquiète : concentrons-nous sur le suivi des personnes ayant des antécédents graves, dans l'attente de l'examen d'un texte relatif à l'immigration et à l'asile, annoncé par le ministre de l'intérieur.
La majorité des membres du RDSE s'abstiendra si l'article 4 est adopté, alors qu'il est plutôt favorable aux autres dispositions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du groupe INDEP)
Mme Olivia Richard . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) La proposition de loi répond à un impensé. La simplification de la procédure du changement de nom, qui bénéficie à 10 000 demandeurs par mois, interroge : elle peut être une opportunité pour certains individus condamnés, par exemple, pour pédocriminalité. De plus, de nombreux cas sinistres, comme celui d'Émile Louis, ont conduit l'auteure de la proposition de loi à autoriser les entreprises de transport à consulter les fichiers.
J'ai proposé des amendements, pour prendre en compte deux réalités : les pédocriminels sont là où il y a des enfants - dans les secteurs associatifs - et la pédocriminalité ne connaît pas de frontière. Les employeurs associatifs peuvent déjà demander un extrait de casier judiciaire lors d'une embauche. Guy Benarroche souhaite les mêmes précautions pour les associations cultuelles : c'est de bon sens.
Les personnes condamnées pour pédocriminalité devraient être contraintes de signaler tout séjour à l'étranger, tandis que la violation d'une interdiction prononcée en France d'être en contact avec des mineurs, si elle est commise à l'étranger, doit pouvoir être sanctionnée en France.
Les femmes et les enfants à la rue, les tortures dans la pornographie, les violences intrafamiliales, parfois dans l'isolement des Français à l'étranger, la traite des femmes, l'excision, la prostitution des mineures de l'aide sociale à l'enfance (ASE), voilà ce dont j'ai pris conscience au fil des travaux de la délégation aux droits des femmes du Sénat. À peine élue sénatrice, j'ai été confrontée à ces cruelles réalités. Quelle gifle ! (La voix de l'oratrice se noue.) Le juge Édouard Durand nous a fait savoir que 160 000 enfants étaient victimes de pédocriminels en France - le plus souvent des hommes.
Depuis que je suis montée à la tribune, un enfant a été victime d'une agression sexuelle ; avant que je n'en descende, un second le sera.
Face à l'indicible, je salue tous ceux qui se battent - ce sont majoritairement des femmes. Je salue le travail des associations et des sénatrices, Mmes Marie Mercier et Muriel Jourda.
Véronique Béchu, commandante de police, cheffe du pôle stratégie de l'Office mineurs, rend compte de son activité de lutte contre la pédocriminalité dans Derrière l'écran. J'ai acheté un exemplaire de son livre, puis des dizaines, pour le faire lire autour de moi. On y apprend que la pandémie a fait exploser la cyberpédocriminalité de 6 000 %, que les pédocriminels évoluent avec les législations, que des mots obscurs recouvrent des pratiques hallucinantes, que filles et garçons sont tout autant victimes, que les moyens déployés sont insuffisants - l'Office mineurs devrait passer de 35 à 85 agents en 2025, pour 870 enquêtes par jour ! - , que les agents de l'office passent des heures à regarder chaque détail des vidéos pour aider les victimes, que 40 % des hommes qui échangent des vidéos pédopornographiques passent à l'acte.
On y apprend que la loi française s'applique dans le monde entier pour les ressortissants français, et que la compétence française est conditionnée à une réciprocité d'incrimination : un professeur condamné en France doit certifier tous les six mois qu'il habite cette adresse en France, mais il peut partir entretemps à l'étranger, dans un pays qui ne réprime pas les relations sexuelles avec les mineurs ; la procédure judiciaire engagée contre lui n'a pas pu aboutir, en raison de l'inexistence de l'infraction de pédocriminalité dans ce pays.
Nous devons donc adapter notre arsenal juridique. J'ai voté en faveur de l'amendement rebaptisé « Philippine » par Dominique Vérien, mais le groupe UC considère qu'il devrait être présenté dans un autre texte. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; Mme Laurence Rossignol applaudit également.)
M. Ian Brossat . - Nous souscrivons à l'objet du texte : protéger les plus vulnérables, notamment les enfants, est une priorité absolue. Éviter la récidive y participe pleinement.
Mais pour lutter contre ces phénomènes, il faut bien les comprendre. Le taux de récidive pour les infractions sexuelles s'élève à 5 % pour les crimes et 7 % pour les délits ; mais moins de 10 % des victimes de violences sexistes et sexuelles (VSS) portent plainte.
Vérité glaçante : les trois quarts des femmes victimes de viol ont été violées par une personne de leur entourage ; selon la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), 160 000 enfants subissent chaque année des violences sexuelles. C'est un phénomène de société majeur. Obtiendrons-nous des moyens suffisants pour lutter contre ce fléau ?
L'objectif de la proposition de loi doit être équilibré : il s'agit non pas d'établir une double peine, mais de protéger les plus vulnérables. Évitons la démagogie. Nous soutiendrons des amendements pour revenir sur des ajouts de la commission qui s'écartent de cet équilibre, tel que l'article 4.
Introduite en commission, la durée de rétention de 180 jours n'a aucun lien direct avec la proposition de loi initiale et préempte des débats sur la future loi Immigration. Soyons sérieux. La durée moyenne de rétention en 2023 était de 28,5 jours. Cette mesure augmenterait le taux de séjour en rétention, sans augmenter les moyens des centres de rétention administrative (CRA) ; elle serait également coûteuse - le coût de la rétention administrative est évalué à 600 euros par jour et par personne. Le Gouvernement a déposé un amendement de suppression identique. Nous déterminerons notre vote en fonction des modifications apportées à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; Mme Marie Mercier applaudit également.)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST et du groupe UC) La thèse de Foucault Surveiller et punir est devenue un gimmick mal compris. Pourtant, c'est l'aune à laquelle j'ai tenté de mesurer cette proposition de loi.
Je regrette le véhicule de la proposition de loi, qui nous prive de l'analyse du Conseil d'État. Le texte, qui concerne aussi les personnes mises en examen, s'éloigne de son sujet. Il devient le véhicule législatif de mesures diverses.
Certes, il n'y a pas de texte sans contexte. Certes, nous, sénateurs citoyens, sommes secoués par des faits divers, mais nous avons toujours dénoncé cette manie : un fait divers, une loi. Le punitif seul n'est jamais la solution.
Depuis Beccaria, l'humain, même fautif, même coupable, est au coeur du projet pénal - j'espère que nous nous retrouvons sur ce point. La prison est aussi un lieu de préparation à la réinsertion.
L'application de mesures existantes est une piste d'amélioration sensible : dans les faits, seuls 5 établissements sur les 22 fléchés ont mis en place des programmes luttant contre la récidive des auteurs d'infraction sexuelle. L'impossibilité de mettre en place des protocoles de prévention devrait nous interpeller.
Ce texte contient des mesures disparates loin de l'intention louable de son auteur. Le mécanisme risque d'être le même au prochain fait divers : indignation, posture de sévérité répressive, sans analyse globale ni prévention.
Ainsi, l'ajout de l'article 1er A pose la question du positionnement de notre société face au secret de l'instruction et à la présomption d'innocence. L'information du personnel académique dès la mise en cause nous laisse perplexes. Vous connaissez aussi notre opposition au qualificatif de « terroriste », souvent utilisé contre des militants écologistes, et agité comme une muleta.
Nous avons alerté sur l'adoption de lois qui, mises entre de mauvaises mains, entraîneraient des dérives sans nom, ou plutôt dont nous savons qu'elles font résonner le bruit des bottes.
Certains de nos amendements renforcent les mesures prévues ; d'autres visent à les supprimer. Malgré nos réserves sur les articles 1er A et 1er, si l'article 4 est supprimé, nous ne nous opposerons pas à l'adoption du texte. (Applaudissements sur les travées du GEST)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie Mme Mercier qui, avec d'autres sénatrices, comme Laurence Rossignol et Annick Billon, travaille de façon obstinée sur les violences sexuelles et fait avancer le combat.
Ce texte place la lutte contre les violences sexuelles sur le même plan que la lutte contre le terrorisme et érige au rang de priorité la défense des enfants. Voilà qui est nouveau. S'il est légitime de vouloir corriger la loi Vignal, nous regrettons l'absence d'évaluation de ce texte.
L'alignement du traitement des auteurs de violences sexuelles sur les auteurs d'attentats terroristes se traduit par l'inscription aux fichiers existants ; l'un d'entre eux comprend 111 000 personnes, et tous deux incluent les mis en examen.
Je l'ai indiqué en commission des lois : ces fichiers ne sont jamais « nettoyés », et la Cnil a constaté que 40 % des informations contenues dans le Stic (système de traitement des infractions constatées) sont inopportunes.
L'extension de la consultation de ces fichiers à de nouveaux acteurs - autorités de transport, plateformes de baby-sitting - semble être sans limites. Même chose pour le changement de nom ou de prénom. Pourquoi avoir pris en compte ce dernier ? Devons-nous y voir l'idée qu'un changement de prénom pour changement de genre constituerait un trouble à l'ordre public ? Je n'ose le croire !
Un très grand nombre de personnes est déjà autorisé à consulter ces fichiers.
Cette proposition de loi s'est fait le refuge d'une mesure tendant à allonger de 180, voire 210 jours, la rétention des personnes condamnées pour crime et délit et soumises à une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Cette disposition n'a rien à faire dans ce texte. Le Sénat a déjà fait un usage bien désinvolte de l'article 45 de la Constitution, ce qui lui a coûté un rejet massif de nombreuses dispositions ; mais cet argument n'a pas convaincu.
Lorsque Charles Pasqua - personne ne fera de lui un gauchiste irresponsable - (M. Laurent Burgoa s'exclame) était ministre de l'intérieur, la durée de rétention était de 12 jours. Puis ce fut 90 jours avec Gérard Collomb. Or le Conseil constitutionnel demande que la durée de rétention soit proportionnée.
Pas moins de 81 % des mesures d'éloignement sont prononcées dans les temps nécessaires. Ne prétendez pas qu'un tel élargissement aurait permis d'éviter le meurtre de Philippine par un récidiviste. La durée de rétention n'accroît pas la performance de l'éloignement.
Nous parlons de personnes en détention frappées d'une interdiction du territoire français. Comment le parquet, chargé de l'exécution des peines, ne se préoccupe-t-il pas, si nécessaire, de demander le laissez-passer consulaire ? Quel est l'intérêt de placer ces personnes en rétention - a fortiori pendant 210 jours ? D'ailleurs, ces OQTF ne sont pas nécessaires lorsque ces personnes ont des papiers d'identité.
Cette disposition me semble être de pure communication : elle n'a pas de fondement sérieux, sachant que tous, ici, nous souhaiterions que les OQTF soient mieux exécutées.
Nous sommes favorables à l'objet du texte, mais réservés sur certaines dispositions et opposés à l'extension prévue à l'article 4. (Applaudissements sur les travées du groupe SER, du RDPI et du RDSE)
Mme Catherine Belrhiti . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La surveillance renforcée des individus condamnés pour des crimes particulièrement odieux est un sujet essentiel. Pour garantir la sécurité des citoyens, notre vigilance se doit d'être absolue. La justice n'a de sens que si elle est capable de prévenir les récidives et de susciter la confiance.
Or certains individus utilisent la loi Vignal pour changer de nom, dissimuler leur passé et contourner les mesures de protection. C'est une menace directe pour les victimes. Il est inconcevable d'autoriser un tel retour à l'anonymat sans une surveillance appropriée.
La proposition de loi de Mme Mercier autorise donc le procureur de la République à agir pour empêcher qu'un condamné échappe au suivi judiciaire, instaure des moyens complémentaires pour suivre les personnes condamnées, notamment l'extension des infractions donnant lieu à l'inscription au Fijais, et permet aux transporteurs publics de consulter ce dernier.
Ces mesures s'inscrivent dans une démarche pragmatique pour corriger une faille de notre système judiciaire et envoyer un message clair : la sécurité de nos concitoyens avant tout.
Notre société ne peut tolérer aucune faille, surtout lorsqu'il s'agit de crimes qui portent atteinte à la paix sociale. Cette initiative va dans le sens d'une société plus protectrice. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Béatrice Gosselin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce texte n'est pas qu'une simple correction technique ; il interroge nos principes fondamentaux et la confiance que nos concitoyens accordent à l'État pour les protéger.
En effet, des individus condamnés pour des crimes sexuels, pour des actes inqualifiables, pour des attentats terroristes, ont profité de failles pour échapper à la surveillance. Le législateur doit y remédier, et prévenir de nouvelles tragédies.
La frontière est délicate entre droits individuels et protection collective, mais pour des récidivistes dangereux, la balance doit pencher vers la sécurité de nos concitoyens. Les victimes subissent des traumatismes irréversibles. Cette proposition de loi est le symbole d'un engagement : ne plus laisser de place à l'impunité.
La commission des lois a ainsi renforcé les contrôles lors des changements de noms et prénoms ; elle a autorisé le dégel du bulletin no 2 du casier judiciaire et étendu la liste des crimes entraînant l'inscription aux Fijais et aux Fijait. Par ailleurs, elle a précisé que les infractions les plus graves justifieraient une saisine automatique. Elle a aussi fixé un délai pour changement de nom et ajouté une déclaration de déplacement à l'étranger. À l'article 3, elle a proposé une interdiction légale de travailler dans le transport des publics vulnérables. Enfin, elle a prévu l'information des établissements scolaires et étendu l'ensemble de ces règles aux collectivités ultramarines.
Face à la barbarie, l'État de droit doit être intransigeant. La protection des victimes et de la société demeure la priorité absolue. Les individus dangereux ne doivent pas pouvoir s'engouffrer dans les failles juridiques.
Je vous invite donc à soutenir ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Article 1er A
M. le président. - Amendement n°8 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Nous restreignons l'information des autorités académiques et des chefs d'établissement aux seules personnes condamnées pour actes terroristes. En effet, l'information en cas de simple mise en examen porterait atteinte à la présomption d'innocence et au secret de l'instruction.
Nous supprimons également cette possibilité pour les personnes ayant seulement méconnu les obligations résultant d'une interdiction de quitter le territoire, qui est une mesure administrative et non une condamnation judiciaire.
Il est regrettable que des magistrats soient contraints à informer les établissements sur réquisition du ministère public. La présomption d'innocence est un principe fondateur de notre société, et le secret de l'instruction offre aux enquêteurs des conditions de travail optimales, particulièrement dans le cadre terroriste, en facilitant la conservation de preuves et en prévenant les démarches dilatoires de potentiels complices.
Cet article nous préoccupe d'autant plus que la criminalisation des actions d'associations environnementales va croissant.
M. le président. - Amendement n°16 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Corinne Narassiguin. - Les personnes mises en examen ont droit à la présomption d'innocence.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable aux deux amendements. L'article ne fait que reprendre un texte existant pour les infractions sexuelles. Il n'est pas anormal qu'une mise en examen pour des actes aussi graves que le terrorisme soit connue des autorités scolaires, d'autant que le nombre de mineurs concernés ne cesse d'augmenter. Le respect de la confidentialité est assuré : ceux qui la violeraient seraient condamnés.
L'interdiction de sortie du territoire est prononcée par le ministre lui-même, à l'encontre de personnes qui projettent un déplacement à l'étranger pour participer à des activités terroristes. Elle entraîne l'invalidation, à titre conservatoire, du passeport et de la carte nationale d'identité. C'est donc une mesure particulièrement grave, qui répond à des comportements qui le sont tout autant !
M. Didier Migaud, garde des sceaux, ministre de la justice. - Favorable à l'élargissement du mécanisme introduit en commission des lois, je ne puis qu'être hostile à sa suppression.
Bien que sensible à votre observation sur le risque d'atteinte à la présomption d'innocence et au secret de l'instruction, je rappelle qu'une obligation de confidentialité s'impose aux destinataires de ces informations, qui ne peuvent les évoquer qu'auprès des responsables de la sécurité et des professionnels, soumis au secret, chargés du suivi social et sanitaire des élèves. Cette obligation ne relève pas seulement de la déontologie : sa violation est soumise à une amende pénale de 3 750 euros.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le tout c'est d'y croire !
L'amendement n°8 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°16.
L'article 1er A est adopté.
Article 1er
M. le président. - Amendement n°9 de M. Benarroche et du GEST.
M. Guy Benarroche. - Cet amendement de suppression protège le droit de changer de nom ou de prénom à l'état civil : la mesure projetée imposera à des dizaines de milliers de personnes, non concernées par des infractions violentes, sexuelles ou liées au terrorisme, une charge administrative disproportionnée par rapport à l'objectif poursuivi.
La possibilité pour le procureur de la République de s'opposer au changement de nom ou de prénom d'une personne condamnée n'empêchera pas la récidive. Justifiée par une seule affaire, cette mesure n'est fondée sur aucune donnée objective. Le contrôle systématique des antécédents judiciaires d'une personne souhaitant simplement changer de nom ou de prénom entre en outre en contradiction avec la loi de modernisation de la justice et la loi Vignal.
Selon l'Insee, 144 000 personnes ont changé de nom ou de prénom entre 2022 et 2023. Autant de personnes affectées par cette disposition sans lien avec la prévention de la récidive ! Supprimons cet article.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable, évidemment. L'article 1er est l'une des dispositions majeures du texte. Nous ne répondons pas à un fait divers, mais à une faille systémique : la possibilité d'échapper à la surveillance en changeant de nom. Cette faille avait déjà été identifiée par le rapporteur de la loi Vignal - qui n'est autre que l'auteur de ce texte.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Je partage votre souci de protéger les droits et libertés individuels, mais pas votre avis sur l'inutilité de cet encadrement pour la prévention de la récidive. Il s'agit simplement de s'assurer que le changement de nom ou de prénom rendu possible par la loi Vignal ne contrevient pas à l'ordre public. Avis défavorable.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10 de M. Benarroche et du GEST.
M. Guy Benarroche. - Cet amendement répond à votre argumentaire, en supprimant l'ensemble des mesures de l'article 1er, à l'exception de l'obligation pour une personne fichée de déclarer le dépôt de sa demande de changement de nom et de prénom. Le fichier pourrait ainsi être mis à jour - car c'est cela qui est nécessaire -, comme après un changement d'adresse. Les autres mesures sont disproportionnées.
M. le président. - Amendement n°1 de M. Brossat et du groupe CRCE-K.
M. Ian Brossat. - Attention à un effet de bord : étendre la mesure aux changements de prénom aurait des conséquences discriminatoires, notamment pour les personnes trans qui sont à l'origine d'environ 25 % des demandes.
Depuis la circulaire du 17 février 2017, la volonté de mettre en adéquation son état civil avec son apparence physique est certes reconnue comme un motif légitime de demande de changement de prénom, mais les démarches restent lourdes et complexes et cette mesure ne ferait qu'aggraver la situation de personnes déjà discriminées.
M. le président. - Amendement n°18 du Gouvernement.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Nous proposons que la liste des autorités compétentes pour consulter et délivrer copie du bulletin n°2 du casier judiciaire et de l'attestation de non-inscription au Fijais et au Fijait soit déterminée par voie réglementaire.
M. le président. - Amendement n°19 de Mme Jourda au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Correction d'une erreur matérielle. Monsieur Benarroche, nos points de vue convergent.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ouh là !
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Vous jugez pertinente une disposition que vous souhaitiez supprimer sauvagement il y a quelques minutes ! Mais la commission juge toutes les mesures de l'article pertinentes. Avis défavorable à l'amendement n°10.
Monsieur Brossat, nous traitons tous les changements de prénom à égalité ; il n'y a donc aucun effet de bord ni aucune discrimination. Avis défavorable à l'amendement n°1.
Monsieur le ministre, vous souhaitez que le Gouvernement choisisse lui-même les autorités pouvant consulter les fichiers. Avis favorable : le Gouvernement s'organise comme il l'entend. Si l'amendement du Gouvernement était adopté, mon amendement n°19 deviendrait sans objet.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Avis défavorable aux amendements nos10 et 1. Si mon amendement n°18 n'est pas adopté, avis favorable à l'amendement n°19.
L'amendement n°10 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°1.
L'amendement n°18 est adopté et l'amendement n°19 n'a plus d'objet.
L'article 1er, modifié, est adopté.
Article 2
M. Guy Benarroche. - Nous avions déposé un amendement, déclaré irrecevable au titre de l'article 41 de la Constitution, tendant à mieux informer les employeurs publics territoriaux sur la possibilité d'obtenir des informations du Fijais durant et après le recrutement de personnes travaillant auprès de mineurs ou de personnes vulnérables.
Il est essentiel d'encadrer la consultation des fichiers ; nous alertons le ministre sur le manque de lisibilité du droit. Nous aurions souhaité que le Gouvernement mette à disposition de l'ensemble des autorités locales un document présentant la liste des autorités habilitées à consulter le Fijais et les modalités de cette consultation.
L'article 2 est adopté.
Après l'article 2
M. le président. - Amendement n°12 rectifié de M. Benarroche et du GEST.
M. Guy Benarroche. - Il s'agit d'accélérer les délais de réponse des services de l'État lorsqu'une collectivité territoriale demande à consulter les fichiers dans le cadre du recrutement d'une personne au contact avec un public mineur ou des majeurs vulnérables. Les préfets devront répondre dans un délai d'un mois afin de ne pas bloquer le recrutement et cela encouragera les collectivités territoriales à contrôler les antécédents judiciaires de leurs futurs employés.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis défavorable : n'étant assortie d'aucune sanction, cette obligation serait inopérante. Nous pourrions toutefois modifier notre avis, si jamais le Gouvernement y était favorable...
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - La généralisation du contrôle d'honorabilité a fortement augmenté les demandes de consultation du Fijais, auxquelles les services peinent à répondre, faute de moyens humains suffisants. Ce sont 157 729 consultations qui ont été demandées par les collectivités territoriales en 2023, en augmentation de 109,5 % par rapport à 2022. Ce travail est d'autant plus chronophage qu'il est réalisé manuellement, nom par nom. Le respect du délai d'un mois serait donc impossible.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Cette réponse, quoique sincère, n'en demeure pas moins préoccupante : à la fin, les personnes sont bloquées dans leur recrutement.
Il n'y aurait pas de sanction, madame la rapporteure ? Qu'à cela ne tienne : sous-amendez en prévoyant qu'à défaut, l'avis est favorable.
Toutes les collectivités vont se retrouver en difficulté au moment de recruter.
Mme Olivia Richard. - Je partage l'inquiétude de ma collègue : quel est le délai moyen de réponse à une demande de consultation ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Madame de La Gontrie, je ne suis pas convaincue de la pertinence d'un tel sous-amendement. Préjuger d'un avis favorable irait à l'encontre de notre objectif, qui est d'empêcher que des personnes condamnées soient recrutées et mises en contact avec des mineurs !
M. Guy Benarroche. - Je ne comprends pas le raisonnement de Mme la rapporteure. Nous parlons de personnes condamnées qui pourraient se retrouver en contact avec des mineurs ! Cet amendement s'inscrit parfaitement dans l'objectif de l'auteur du texte. On ne peut pas y renoncer sous prétexte qu'il y a de plus en plus de demandes. Il faut recruter pour éviter que les services soient sous l'eau.
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.
Après l'article 3
M. le président. - Amendement n°14 de M. Benarroche et du GEST.
M. Guy Benarroche. - Nous interdisons à toute personne condamnée pour une infraction sexuelle ou violente d'exercer des activités auprès de mineurs ou de personnes vulnérables au sein d'associations cultuelles. La Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase) a montré que sur les 330 000 victimes mineures recensées, près de 216 000 victimes le sont de clercs et religieux. Selon le rapport de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise), les religieux sont plus concernés - à 25 % - que les enseignants - 19 % - ou les entraîneurs sportifs - 8 % - par les agressions sexuelles sur mineur. La première recommandation de la Commission Sauvé, c'est de vérifier systématiquement les antécédents judiciaires des personnes mandatées par l'Église auprès de mineurs ou de personnes vulnérables.
Nous étendons donc aux salariés d'associations cultuelles les obligations prévues pour les chauffeurs de transport collectif.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Cet amendement me surprend tout de même un peu : vous reprenez les conclusions de la commission Sauvé, bien sûr, mais il faut viser l'ensemble du milieu associatif ! Trop partiel - trop partial, ce serait injuste -, cet amendement mériterait d'être retiré au profit de l'amendement de Mme Richard, qui vise toutes les associations. Retrait, sinon avis défavorable.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Même avis. L'objectif est légitime, mais l'amendement nécessite une réflexion complémentaire. Avis défavorable à défaut d'un retrait.
M. Guy Benarroche. - Nous voterons des deux mains l'amendement de Mme Richard. Cela dit, notre amendement interdit - j'y insiste - l'exercice d'activités auprès de mineurs par les personnes condamnées, ce que ne fait pas celui de Mme Richard.
Mme Olivia Richard. - Seul le juge peut interdire toute activité auprès des mineurs - en vertu du principe d'individualisation des peines.
Mon amendement n'aurait pas couvert le vôtre, j'aurais voté celui-ci.
En outre, la demande d'attestation prévue par votre amendement me semble un peu lourde, surtout compte tenu du débat sur les délais de consultation que nous venons d'avoir...
L'amendement n°14 n'est pas adopté.
Article 4
M. le président. - Amendement n°2 de Mme Cukierman et du groupe CRCE-K.
M. Ian Brossat. - Nous souhaitons supprimer l'article 4, car nous ne sommes pas favorables à l'augmentation de la durée de rétention. Cette disposition n'a rien à faire dans ce texte, relatif au changement de nom.
C'est l'affaire Philippine, ce meurtre monstrueux, qui a conduit à sa rédaction. L'auteur des faits est resté 75 jours en CRA ; le laissez-passer consulaire a été délivré trois jours après : alors pourquoi augmenter la durée de rétention, alors que les 90 jours réglementaires n'avaient même pas été atteints ? Les CRA ont été conçus comme des sas, mais à 210 jours de rétention, on n'est plus dans un sas ! La vraie question, c'est comment on obtient les laissez-passer consulaires.
M. le président. - Amendement identique n°4 de Mme de La Gontrie et du groupe SER.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Faute de réponse, je repose ma question : pourquoi une personne en détention visée par une OQTF ne fait-elle pas déjà l'objet d'une demande de laissez-passer consulaire de la part du parquet ou de la préfecture ?
M. le président. - Amendement identique n°11 de M. Benarroche et alii.
M. Guy Benarroche. - Je m'associe à la question de Mme de La Gontrie et au propos de M. Brossat.
La durée de rétention, de 10 jours en 1993, est passée à 18 en 1998, à 32 en 2003, à 45 en 2011 puis à 90 en 2018. Cet allongement n'a pas entraîné une hausse des éloignements, dont l'écrasante majorité interviennent dans les premiers jours. Le problème n'est donc pas là.
M. le président. - Amendement identique n°17 du Gouvernement.
M. Othman Nasrou, secrétaire d'État chargé de la citoyenneté et de la lutte contre les discriminations. - Je salue le travail de Mme Mercier.
Le Gouvernement souscrit sans ambiguïté à votre objectif. Oui, la rétention administrative est un outil efficace pour réussir les éloignements et protéger nos concitoyens, s'agissant d'individus dangereux et pénalement caractérisés comme tels.
Le cadre européen actuel - je ne parle même pas d'une nouvelle directive Retour - nous permet d'aller plus loin que ce que nous faisons. C'est, du reste, le choix de la plupart de nos voisins européens.
Si nous proposons la suppression de cette mesure, c'est que nous souhaitons l'insérer dans un véhicule législatif adapté, début 2025, pour lui donner sa pleine portée. L'objectif est partagé et assumé. (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Et ma question ?
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Je ne partage aucun des arguments avancés en défense des trois premiers amendements. Cette mesure concerne la sécurité de nos concitoyens : elle a donc un lien avec le présent texte. Pour autant, j'entends l'engagement du ministre, et du ministre de l'intérieur, de présenter une loi Immigration qui donnera à cette mesure sa pleine portée. Je leur fais confiance, ainsi qu'au garde des sceaux. Dès lors, avis favorable.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Madame de La Gontrie, c'est à la préfecture et non au parquet de faire la demande. Les enjeux sont diplomatiques.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Qu'en pense le ministère de l'intérieur ?
Les amendements identiques nos2, 4, 11 et 17 sont adoptés et l'article 4 est supprimé.
L'amendement n°3 n'a plus d'objet.
Après l'article 4
M. le président. - Amendement n°20 de Mme Jourda au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Il s'agit d'étendre le périmètre de la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité au contact habituel de mineurs aux auteurs de certaines infractions lorsqu'elles sont commises sur mineurs : meurtre et acte de torture ou de barbarie ; enlèvement et séquestration ; proxénétisme et traite des êtres humains.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Avis favorable.
L'amendement n°20 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°6 de Mme Richard.
Mme Olivia Richard. - Cet amendement réprime de manière autonome la violation d'une interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs. La sanction serait applicable même en cas de tentative et pour des faits commis à l'étranger.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Je partage votre volonté d'assurer le respect des peines prononcées, mais l'article 434-40 du code pénal punit déjà la violation d'une telle interdiction de deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende. Par ailleurs, le droit en vigueur permet de poursuivre un tel comportement commis à l'étranger, sous réserve de l'existence d'une infraction équivalente. Votre amendement créerait une incohérence dans le droit. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Olivia Richard. - Dans nombre de pays, cette réciprocité ne s'applique pas. J'ai à l'esprit moult exemples de personnes qui en profitent pour commettre à l'étranger des crimes pour lesquels elles ont été condamnées en France. Nous parlons de crimes graves ! Une force supplémentaire doit être donnée à la décision du juge.
L'amendement n°6 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°21 de Mme Jourda au nom de la commission des lois.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Le procureur de la République doit être tenu d'informer une série de personnes publiques et privées de toute interdiction d'exercer auprès des mineurs, afin que toutes les conséquences d'une telle décision soient rapidement tirées.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Je partage votre objectif, mais le droit actuel prévoit déjà cette information, et même de façon plus large. La liste des professions devant être informées intègre les personnes publiques, les personnes de droit privé chargées de missions de service public et les ordres professionnels. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Une mise en cohérence avec le droit en vigueur est sans doute nécessaire ; nous y pourvoirons dans la suite de la navette.
L'amendement n°21 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°7 de Mme Richard.
Mme Olivia Richard. - Il s'agit d'inciter les associations à demander le bulletin n°3 du casier judiciaire avant tout recrutement. Là où il y a des enfants, il y a des pédocriminels. Des associations n'ayant pas pour objet principal le contact avec des mineurs peuvent mener des activités impliquant des contacts occasionnels.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable à cet amendement qui a l'avantage de ne pas rendre public le Fijais.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Sagesse.
L'amendement n°7 est adopté et devient un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°5 de M. Burgoa et alii.
M. Laurent Burgoa. - Cet amendement est aussi simple qu'essentiel : de nombreux Français ont recours à des plateformes de mise en contact pour recruter des baby-sitters. Nous voulons imposer à celles-ci d'informer leurs clients de la possibilité de consulter le bulletin n°3 du casier judiciaire. En cas de méconnaissance de cette obligation, les autorités administratives pourraient suspendre le site et la DGCCRF prononcer des amendes allant jusqu'à 3 % du chiffre d'affaires.
Mme Muriel Jourda, rapporteur. - Avis favorable, d'autant que, là aussi, une publication du Fijais est évitée.
M. Didier Migaud, garde des sceaux. - Je souscris à l'intention : permettre aux employeurs de s'assurer que leur salarié n'a pas été condamné par la justice via la consultation du bulletin n°3. Mais votre amendement nécessiterait un travail d'expertise dont nous ne disposons pas. Sagesse, toutefois.
L'amendement n°5 est adopté et devient un article additionnel.
L'article 5 est adopté.
M. Guy Benarroche . - Le GEST soutient les articles 2 et 3 et salue l'adoption des amendements d'Olivia Richard. À chaque fois, ce sont des condamnés qui sont concernés.
En revanche, nous sommes opposés à l'article 1er A, qui permet au ministère public d'obliger le juge à rompre le secret de l'instruction pour informer les autorités académiques d'une mise en examen. De même, nous sommes réservés sur l'article 1er, qui complexifie les démarches de changement de nom, ce qui n'est en rien une aide à la surveillance.
Du fait de ces deux articles dangereux, nous nous abstiendrons.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
(Applaudissements sur de nombreuses travées)
Prochaine séance demain, mercredi 6 novembre 2024, à 15 heures.
La séance est levée à 20 h 10.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mercredi 6 novembre 2024
Séance publique
À 15 heures, 16 h 30 et, éventuellement, le soir
Présidence : M. Gérard Larcher, président, Mme Sylvie Robert, vice-présidente, Mme Anne Chain-Larché, vice-présidente
Secrétaires : M. Philippe Tabarot, M. Guy Benarroche
1. Questions d'actualité
2. Débat sur le rapport sur la situation des finances publiques locales remis en application de l'article 52 de la loi organique relative aux lois de finances
3. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité (texte de la commission, n°90, 2024-2025)