Convention des Nations unies sur le droit de la mer (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord se rapportant à la convention des Nations unies sur le droit de la mer et portant sur la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique marine des zones ne relevant pas de la juridiction nationale.

Discussion générale

M. Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - C'est une grande fierté de vous présenter le projet de loi autorisant la ratification du traité dit BBNJ (Biodiversity Beyond National Jurisdiction), ou traité sur la haute mer, historique par son objet comme par ce qu'il symbolise.

Adopté par consensus en juin 2023, il est le fruit d'un processus de plus de quinze ans. C'est une victoire pour la France, qui a joué un rôle moteur dans son élaboration ; une victoire pour le multilatéralisme ; une victoire, surtout, pour les océans, dont les deux tiers sont couverts par cet accord qui complète le cadre en vigueur depuis le traité de 1982.

Je remercie le ministre de la mer, Fabrice Loher, et l'ambassadeur pour les pôles et les océans, Olivier Poivre d'Arvor, présent au banc des commissaires du Gouvernement, ainsi que tous nos services.

L'océan est un des principaux réservoirs de biodiversité et une source d'énergie, qui nourrit directement plus de trois milliards d'êtres humains et absorbe une part importante du CO2 que nous émettons. Il est donc essentiel d'agir pour sa sauvegarde : nous dépendons de sa santé et de la préservation de ses ressources.

Or il n'a jamais été autant menacé. La pollution, notamment par les plastiques, l'acidification, le réchauffement, la pêche illégale, l'exploitation des fonds sont autant de pressions qui le mettent en péril.

L'accord BBNJ prévoit des outils opérationnels pour sa protection.

En premier lieu, des aires marines protégées pourront être créées, le cas échéant à la majorité qualifiée des États parties - une innovation déterminante pour surmonter le blocage d'une minorité.

Ensuite, l'accord prévoit une étude d'impact environnemental avant le lancement de toute activité susceptible d'entraîner des dommages graves sur les océans. La transparence est renforcée, de même que la concertation des parties prenantes, ou encore les capacités des pays en développement. L'accord prévoit un partage des bénéfices tirés des réserves génétiques marines.

Dans une logique d'efficacité, il renforce la coordination entre les autorités et organisations existantes, en les faisant converger. Point d'équilibre entre des intérêts divers, il est ambitieux, comme la France et l'Union européenne le sont toujours dans les négociations liées à l'environnement et au climat.

Mon ministère a joué un rôle moteur, mobilisant toute l'expertise disponible au niveau national. C'est un exemple de réussite à suivre.

Nous maintiendrons la même ambition en vue de la conférence des Nations unies sur les océans qui se tiendra en juin prochain à Nice. Elle a vocation à être aux océans ce que l'accord de Paris est au climat. Avec le Costa Rica, pays coorganisateur, nous oeuvrons à l'entrée en vigueur de l'accord avant cette conférence. À ce jour, quatorze États l'ont ratifié.

L'adoption de ce texte ferait de la France le premier pays de l'Union européenne, du G7 et du G20 à leur emboîter le pas, ce qui aurait un puissant effet d'entraînement.

C'est pourquoi je vous encourage à adopter largement ce projet de loi que les députés, puis votre commission, ont adopté à l'unanimité. Nous devons agir sans tarder pour les générations présentes et futures, pour nos populations et pour les océans. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

M. André Guiol, rapporteur de la commission des affaires étrangères .  - Cet accord historique et ambitieux est le fruit d'un consensus remarquable dans un contexte international fracturé, marqué par la rivalité stratégique sino-américaine.

La haute mer, 64 % de la surface maritime et plus de 50 % de la surface totale du globe, n'est sous l'autorité d'aucun État. Elle recèle un potentiel largement inexploré.

Ce texte est le résultat d'un long processus débuté en 2004. Il comble les lacunes du seul texte international en vigueur jusqu'ici, la convention de Montego Bay, signée en 1982 et entrée en vigueur en 1994. La communauté internationale a pris conscience qu'il fallait aller plus loin pour la protection des océans. Notons toutefois que plusieurs secteurs sont exclus du champ de l'accord : les activités militaires, l'exploitation des minéraux des fonds marins et la pêche.

La France, très engagée dans la diplomatie environnementale, a accueilli à Brest en 2022 le One Ocean Summit et organisera en juin prochain à Nice la conférence des Nations unies sur les océans. Elle se mobilise également pour accélérer l'entrée en vigueur de cet accord, qui comporte quatre volets principaux.

D'abord, les États pourront mettre en place des outils de gestion par zone, en particulier des aires marines protégées, par consensus mais aussi par un vote à la majorité de 75 % - une avancée qui doit beaucoup à la France.

Ensuite, l'accord exige des études d'impact environnemental pour les activités susceptibles d'endommager gravement les océans. Les mesures actuellement prévues à cet égard ne sont pas toujours respectées. Une procédure sera désormais définie, qui prévoit une large concertation des parties prenantes.

En outre, l'accord traite des ressources génétiques marines, dont la valeur est considérable, notamment dans le domaine médical. Or dix pays possèdent 90 % des brevets sur ces ressources. L'accord pose le principe d'un partage juste et équitable. Un comité devra formuler des recommandations sur les mécanismes à mettre en place.

Enfin, l'accord prévoit le renforcement des capacités des pays en développement et des transferts préférentiels de technologies dans le domaine maritime.

Les États parties ont décidé de ne pas porter atteinte aux réglementations existantes, mais de favoriser la coopération entre les structures en place.

Le Gouvernement a suivi la recommandation de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), consistant à formuler une réserve pour protéger les collections du Museum national d'histoire naturelle.

Les États qui ne sont pas parties à la convention de Montego Bay pourront signer le présent accord. Le Parlement européen a approuvé sa ratification en avril et l'Assemblée nationale a adopté ce projet de loi en mai. Espérons que les soixante ratifications nécessaires à son entrée en vigueur seront réunies avant la conférence de Nice en juin prochain.

En ratifiant l'accord, la France participera à une nouvelle dynamique multilatérale au service de la protection des océans. Mais tout restera à construire au niveau des conférences des parties.

Étant donné la superficie de son domaine maritime, la France a une responsabilité particulière. Fabrice Loher m'a assuré que le budget pour 2025 lui accorderait les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs de l'accord, notamment en matière de surveillance.

Ratifions cet accord qui fait confiance à la science, protège les ressources marines contre la prédation et nous fait prendre conscience de la beauté, mais aussi de la fragilité, des océans. « Science sans conscience n'est que ruine de l?âme », disait Rabelais. (Applaudissements sur de nombreuses travées)

M. Michaël Weber .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ce traité mondial historique instaure enfin un cadre juridique protecteur pour la haute mer. Ce bien commun ne doit plus être le terrain privilégié de prédations et de pollutions. Du fait de la surpêche ou des appétits de l'industrie minière, les océans sont au bord du gouffre. Il est essentiel de stopper l'effondrement de leur biodiversité.

La France a tiré vers le haut l'ambition de cet accord, dont nous espérons qu'il entrera en vigueur avant juin prochain. Sans attendre, identifions les zones à protéger et les leviers financiers pour mettre en oeuvre l'accord. La France doit être une puissance diplomatique active et progressiste.

Nous devons aussi être exemplaires dans nos propres eaux territoriales. Notre zone économique exclusive (ZEE), la deuxième au monde, s'étend sur plus de 10 millions de km2. Or seules 1,6 % de nos mers bénéficient de la protection la plus forte. À cet égard, il y a loin des déclarations du Gouvernement à la réalité.

La France et l'Europe doivent clarifier la notion d'aire maritime protégée. Les zones de protection qui ne remplissent pas les standards fixés ne devront pas être comptabilisées. En particulier, il faut y interdire le chalutage de fond.

Pour conclure, je m'élève contre la scandaleuse arrestation de Paul Watson. Les trois États qui pratiquent encore la chasse à la baleine sont signataires du traité. Le Japon se vante d'avoir mis en place de véritables abattoirs flottants et la Norvège et l'Islande veulent relancer ce commerce hideux. Offrons l'asile politique à Paul Watson, afin de soutenir son combat pour la liberté et la préservation de la diversité marine. (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées au centre)

M. Pierre Médevielle .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) La haute mer représente plus de la moitié de la surface du globe. Sa biodiversité doit être protégée car elle est essentielle à la préservation du climat et aux équilibres de la planète.

L'accord dont la ratification nous est proposée vise à assurer cette protection. La haute mer ne relevant d'aucun État, seul un accord international peut lutter contre les dangers qui la menacent.

Les aires marines protégées sanctuariseront des zones importantes pour leur biodiversité. La majorité qualifiée des trois quarts sera suffisante pour leur mise en place. De fait, les Européens sont bien placés pour savoir que l'unanimité est vite paralysante.

S'agissant de l'exploitation des ressources issues de la biodiversité marine, le fait que dix pays détiennent 90 % des brevets interpelle. Mais l'exclusivité temporaire liée au brevet est la contrepartie d'un investissement dans la recherche pour des découvertes qui bénéficieront à tous. Cessons de considérer que les brevets sont une entrave !

L'application rétroactive de la convention mettrait en danger les réserves du Muséum national d'histoire naturelle. La réserve formulée par la France parera à ce danger.

La France a une relation singulière avec la mer. Nous souhaitons que le seuil des soixante ratifications soit franchi avant la conférence de Nice, en juin prochain. Le groupe Les Indépendants votera ce projet de loi. (Applaudissements sur de nombreuses travées au centre et à droite)

M. Hugues Saury .  - Matrice de la vie, les océans en restent le garant : ils produisent les trois quarts de l'oxygène de l'air et absorbent un tiers de son CO2 ; leurs courants tempèrent notre climat et leurs ressources assurent l'alimentation de milliards d'êtres humains.

Le surcroît de protection que leur confère le présent accord marque donc un progrès historique. La haute mer ne sera plus une zone de non-droit, livrée à toutes les dérives. Je pense à la pêche illégale et au déversement de déchets, entre autres pratiques dommageables souvent commises sous pavillon de complaisance.

L'avancée est essentielle pour une zone qui représente les deux tiers de la surface maritime totale.

En particulier, des aires marines protégées pourront être créées pour sanctuariser les espaces essentiels à la biologie marine, à l'instar des écosystèmes planctoniques, à l'origine de 70 % de la vie marine et qui permettent la séquestration du carbone, en plus d'être une nurserie pour de multiples espèces de poissons.

Une approche large a prévalu en matière de protection environnementale : l'accord freinera des activités illégales de toutes sortes par le mécanisme des déclarations et études d'impact.

Il prévoit en outre un système de partage des bénéfices tirés des ressources génétiques marines. Les grandes profondeurs restent inexplorées, et l'homme connaît mieux l'espace que les fonds marins ! Pourtant, ceux-ci regorgent de vie et recèlent un patrimoine génétique d'une richesse inouïe, prometteur notamment sur le plan médical.

L'accord fait des océans, en quelque sorte, un nouveau bien public mondial. Reste que nous devrons être attentifs à ses conditions d'application, qui restent à définir. Les pays industrialisés espèrent un retour sur investissement, mais les pays en développement ne sauraient être dépossédés de ce bien public. Nul ne devra se sentir spolié.

En ces temps de fragmentation, de prétendu affrontement entre un Occident collectif et un Sud global, prenons la mesure du travail accompli pour aboutir à ce compromis et formons le voeu que cet accord en appelle d'autres.

Pour que l'accord produise des effets tangibles, les parties devront démontrer une volonté de le mettre en pratique. De grandes puissances l'ont signé, tout en étant frileuses. Il ne faudrait pas que la France soit la seule à imposer de nouvelles contraintes à ses entreprises : nos partenaires, qui sont aussi nos concurrents, devront faire de même.

La France, deuxième nation au monde pour la surface de ZEE, mais aussi puissance spatiale, aura un rôle majeur à jouer, notamment en matière de surveillance. Compte tenu des surfaces gigantesques à contrôler, des capacités militaires étoffées seront indispensables.

Le groupe Les Républicains soutient la ratification de cet accord. (Applaudissements sur plusieurs travées)

Présidence de M. Pierre Ouzoulias, vice-président

M. Teva Rohfritsch .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Dans un monde instable et soumis à des tensions croissantes, l'océan pourrait devenir l'espace de coopération dont nous avons besoin pour reparler d'une même voix. La signature du traité BBNJ en est une preuve concrète.

Grâce à ses outre-mer, la France est une nation mondiale. La haute mer couvre la moitié de la surface du globe et abrite 80 % de la biosphère. Parce que nous la connaissons mal, il faut protéger les trésors uniques qu'elle renferme probablement : ne les sacrifions pas à des intérêts de court terme.

Ce traité, complétant la convention de Montego Bay, apporte des solutions concrètes aux défis de la conservation marine et contribue au développement durable des États côtiers et insulaires.

Il prévoit la mise en place d'outils de gestion par zone, dont la création d'aires marines protégées, la réalisation d'études d'impact environnemental pour chaque activité en haute mer, un cadre pour la préservation des ressources génétiques marines et le transfert de technologies vers les pays en développement.

Après de longues années de négociation, nous ne pouvons nous permettre d'attendre douze ans pour que l'accord entre en vigueur, comme ce fut le cas pour la Convention de Montego Bay. La France doit encourager ce mouvement global.

L'océan n'est pas un désert de population : il est habité par des peuples enracinés dans des cultures millénaires, porteurs d'une histoire profondément liée à l'océan. Les peuples de navigateurs sont la mémoire et les gardiens de ces eaux. Ils sont pourtant en première ligne face aux effets dévastateurs du changement climatique. Afin d'éviter une double sanction, il est essentiel de garantir un partage juste des avantages issus des activités en haute mer et de renforcer les transferts de technologies marines vers ces communautés océaniques.

Les défis sont sans précédent : réchauffement, pollution aux plastiques, surpêche, alors que seuls 2,8 % de l'espace de la mer sont protégés. Il n'a jamais été aussi urgent d'agir, et l'ADN maritime de la France nous y oblige.

En Polynésie française, mon fenua, nous ne vivons pas en bord de mer, mais en bord de terre ! La mer est plus qu'un espace : elle nous berce et nous nourrit.

Ce traité ne doit pas être un texte de plus, mais un engagement réel. C'est l'occasion de s'engager dans un mouvement global de préservation des océans. Soyons le premier pays européen à nous acquitter de ce devoir. (Applaudissements sur diverses travées)

Mme Mireille Jouve .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) À l'examen de cet accord, des mots émergent : surpêche, exploration des fonds marins, transport maritime, pollution sonore, chimique et bactérienne.

Cet accord est issu des travaux de la conférence intergouvernementale sur la biodiversité marine, sous les auspices des Nations unies. La COP 15 avait fixé l'objectif de protéger 30 % des mers et des terres à l'horizon 2030. C'était hier, mais cela semble si lointain.

Faut-il égrener les catastrophes qui ont provoqué cette lente prise de conscience ? Amoco Cadiz, Erika, Sea Empress, Aegan Captain... Ces désastres ont accouché de la convention de Montego Bay ; elle se limitait aux hydrocarbures, mais c'était un début.

Félicitons-nous de la réussite de la diplomatie environnementale française. Forte de 18 000 km de littoraux, possédant la deuxième ZEE mondiale, la France est une grande puissance maritime et littorale, grâce à ses territoires d'outre-mer. Cette réalité nous oblige.

D'aucuns affirmeront que l'accord est trop timoré. Il témoigne au contraire d'une prise de conscience majeure en faveur de la protection de la biodiversité marine et du rôle substantiel joué par la France et l'Union européenne dans ce domaine.

Mais ne soyons pas naïfs. Je m'interroge sur les moyens politiques mis en oeuvre par les Nations unies, l'Union européenne et la France pour encourager les États à ratifier l'accord - à ce jour, seuls quatorze l'ont fait. Et je m'inquiète de la capacité de la France à mobiliser des moyens après les annonces de Michel Barnier sur le redressement des comptes publics.

Malgré ces incertitudes, le RDSE soutient la ratification de l'accord. (Applaudissements sur diverses travées)

M. Édouard Courtial .  - Alors que le rôle de la perturbation anthropique dans la dégradation des océans et des fonds marins n'est plus à prouver, cet accord est historique, ambitieux et prometteur.

Historique, parce qu'il fait de la haute mer, jusqu'ici espace de liberté totale, un bien public. Les deux tiers de la surface maritime mondiale sont concernés. La communauté internationale a cherché, ces dernières années, à s'entendre sur les lacunes à combler dans le régime issu de la Convention de Montego Bay : le traité BBNJ est le fruit de ce travail.

Ambitieux, parce que l'accord ouvre la voie à des aires marines protégées créées par consensus ou, en cas de blocage, à la majorité qualifiée, ce qui est inédit. Des études d'impact devront être entreprises avant toute nouvelle activité en haute mer, l'exploitation des ressources génétiques marines sera régulée et les capacités des pays en développement seront renforcées.

Ce package deal est indispensable pour protéger les écosystèmes et nos engagements communs - lors de la COP 15, la France a pris l'engagement de protéger 30 % des mers d'ici à 2030. C'est un véritable pacte politico-scientifique au service de la santé des océans.

Enfin, l'accord est prometteur, car il marque un premier pas vers une protection plus complète de la haute mer. Certes, l'absence de mesures relatives à la pêche et à l'exploitation des ressources minérales en réduit la portée, comme le souligne l'Opecst. Ce traité n'en demeure pas moins une avancée historique.

La diplomatie française a un rôle déterminant à jouer pour pousser les pays signataires, à commencer par les Européens, à ratifier l'accord. Nous espérons que la troisième conférence des Nations unies sur les océans, qui se tiendra en juin prochain à Nice, marquera l'histoire.

Je remercie André Guiol pour la qualité de son travail. Le groupe Union Centriste votera ce texte. (Applaudissements sur diverses travées)

M. Jean-Pierre Corbisez .  - Nous examinons ce texte après un déchaînement d'intempéries en France, en Europe centrale et en Espagne. Ces phénomènes s'accentueront avec le dérèglement climatique. Or la lutte contre ces derniers est inséparable de la protection des océans.

Cet accord complète le cadre juridique fixé en 1982. Nous saluons ce progrès, mais déplorons certaines lacunes. Un tiers des aires marines dans le monde seulement sont protégées efficacement, tandis qu'1,6 % des eaux françaises sont placées sous régime de protection intégrale - ailleurs, le chalutage de fond reste autorisé, alors qu'il est une cause majeure de destruction des océans.

Ce texte aurait gagné à se concentrer sur les aires marines à forte protection. Par ailleurs, nous regrettons l'absence de référence à la notion de « préoccupation commune de l'humanité », apparue dans une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies de 1988 à propos du changement climatique. Cette notion implique que les problèmes doivent être résolus par une coopération renforcée entre tous les États.

Dans l'ensemble, cet accord va dans le bon sens en posant les jalons d'une coopération internationale renforcée pour la préservation des océans et la mise en commun des avancées scientifiques. Nous voterons donc en faveur de sa ratification. (Applaudissements sur diverses travées)

M. Guillaume Gontard .  - « L'océan vous touche à chaque respiration que vous prenez, à chaque gorgée, à chaque bouchée. Tout le monde, partout, dépend de la mer », écrit l'océanographe Sylvia Earle.

Or 66 % des milieux marins sont détériorés par la pollution, par la surpêche et par l'acidification induite par le réchauffement climatique. Un tiers des récifs coralliens, un tiers des mammifères marins, 40 % des amphibiens et 27 % des crustacés sont menacés, et avec eux toute la chaîne alimentaire. Protéger les océans est une condition sine qua non de notre survie.

Merci au groupe SER d'avoir permis le débat sur ce traité, dont l'accouchement est à mettre au crédit de la présidence française de l'Union européenne, après vingt ans de négociations internationales.

Je salue la possibilité de créer -  y compris à la majorité qualifiée - des aires marines protégées en haute mer, où les activités humaines seront fortement encadrées. Nous approuvons également le renforcement des études d'impact environnemental, le partage des données génétiques extraites de l'océan ou le partage de technologies entre le Nord et le Sud. Nous comptons sur une entrée en vigueur rapide !

Au-delà de ce succès diplomatique, nous appelons le Gouvernement à passer aux actes. La France métropolitaine protège moins de 0,1 % de ses eaux, selon les critères scientifiques internationaux. Des méthodes de pêche destructrices sont pratiquées dans 86 % des aires maritimes européennes protégées. Suivons donc l'exemple de la Grèce et de la Suède, qui ont annoncé l'interdiction du chalutage de fond dans leurs aires marines protégées d'ici à 2030 ; interdisons aux navires-usines de venir ravager nos côtes, mettant sur la paille notre pêche artisanale ; et préparons la transition écologique et sociale du secteur de la pêche.

Monsieur le ministre de la mer, des ONG prétendent que vous oeuvrez pour que le monstrueux méga-chalutier pélagique Annelies Ilena bénéficie du quota de pêche français. Ce serait aussi incompréhensible qu'indéfendable.

Enfin, nous vous demandons d'accorder l'asile politique et la nationalité française à Paul Watson : la place d'un défenseur des baleines n'est pas en prison. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K et SER)

M. Jean-Noël Barrot, ministre.  - Merci à André Guiol, fin connaisseur du sujet, pour son rapport.

À ce jour, quatorze pays signataires ont ratifié la convention, bientôt quinze. Il faut arriver aux 60 avant la conférence de Nice sur les océans, mais une cinquantaine de pays ont déjà engagé le processus. Avec M. l'ambassadeur et le Président de la République, nous sommes conquérants, mais restons raisonnablement optimistes.

Madame Jouve, il appartient au Parlement de fixer le budget. Mais faire de la conférence de Nice pour les océans l'équivalent de l'accord de Paris pour le climat suppose une certaine ambition budgétaire. Nous avons préservé la part de l'État, mais des collectivités contribueront aussi et des fonds privés seront mobilisés pour rendre cette conférence accessible au grand public, afin qu'elle soit aussi un moment de pédagogie.

M. Médevielle peut être rassuré : les questions de propriété intellectuelle seront réservées à l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI).

Je laisserai le ministre de la mer répondre sur les aires marines protégées françaises, mais le chiffre de 1,6 % ne nous semble pas correct - nous sommes plutôt autour de 5 %.

S'agissant de Paul Watson, nous travaillons sur les possibilités offertes à la France. Vous le savez, la France partage sa cause. Le vote que vous vous apprêtez à exprimer le montre.

M. Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et de la pêche.  - Je suis fier, en présence de l'ambassadeur des pôles et du rapporteur, de voir la France ratifier le BBNJ. Cela marque notre ambition pour une politique maritime protectrice et durable.

J'ai été surpris d'entendre que j'aurais attribué des quotas de pêche à l'Annelies Ilena. Ces quotas sont attribués au Joseph Roty, qui dépend du port de Saint-Malo. Aucune décision de transfert n'a été prise, et je n'ai à aucun moment rencontré les dirigeants de la Compagnie des Pêches Saint-Malo.

Monsieur Weber, il n'y a pas de contradiction entre cet accord et les piliers de notre stratégie nationale que sont le développement des activités humaines maritimes durables, sources de milliers d'emplois et de valeur ajoutée, et la protection des océans et de la biodiversité marine. Mais les aires marines protégées ne sont pas des aires d'interdiction. Cette position pragmatique nous conduit à analyser au cas par cas l'impact des activités humaines sur l'environnement. Là où la pression est manifeste, nous pouvons réguler, voire interdire ; là où elle est faible, nous pouvons autoriser, sous conditions.

Notre devoir est de protéger nos pêcheries, notre économie territoriale, qui contribue à notre souveraineté alimentaire. Mon objectif est d'accompagner les professionnels en faisant évoluer les techniques de pêche - je pense au projet Jumper porté par l'Ifremer.

Près de 80 % des produits de la mer consommés en France sont importés : veut-on encore dégrader ce ratio ? Choisissons la voie de l'équilibre, tout au long de l'année de la mer en 2025. (M. Cédric Perrin applaudit.)

À la demande de la commission des affaires étrangères, l'article unique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°30 :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 340
Pour l'adoption 340
Contre     0

L'article unique constituant l'ensemble du projet de loi est définitivement adopté.

(Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.