Financement des entreprises et attractivité de la France (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France.

M. Jean-François Husson, en remplacement de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Je souligne l'efficacité du travail parlementaire : ce n'est pas tous les matins que, quelques semaines après l'examen en première lecture, nous abordons celui des conclusions de la CMP.

Ce texte pourrait avoir un effet concret sur l'attractivité de la place de Paris et, dans une moindre mesure, sur la vie des entreprises. Ce n'est pas souvent que nous travaillons sur ces sujets, et nous regrettons que la proposition de loi d'Alexandre Holroyd ne traite pas de la régulation.

Une place bien régulée est un facteur d'attractivité. Le Sénat y travaille depuis des années. Il reste regrettable que le Gouvernement semble y porter un moindre intérêt...

Nos travaux ont été guidés par la double exigence de préserver l'équilibre entre l'attractivité financière de la place de Paris et orienter les financements vers les PME et les ETI. L'assouplissement des critères d'éligibilité au PEA-PME en est la preuve.

La commission des lois et son rapporteur, Louis Vogel, ont aussi amélioré le texte. Le Sénat a ainsi pleinement soutenu la création d'actions à droits de vote multiples et facilité le fonctionnement dématérialisé des organes sociaux dans des conditions sécurisées.

Comme Albéric de Montgolfier, je remercie l'auteur de la proposition de loi et son rapporteur à l'Assemblée, Alexandre Holroyd, pour la qualité de nos échanges. Les apports du Sénat sont conservés, pour favoriser le financement des entreprises ou la place des actionnaires minoritaires.

Le Sénat a précisé le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement pour légiférer par ordonnance afin de revoir le cadre juridique des organismes de placement collectif (OPC), ce que retient la CMP. Convenez, madame la ministre, que le champ initial était bien trop large. Nous sortons ainsi du principe selon lequel le Parlement devrait tout accepter.

Sur les indemnités de licenciement des traders, les dispositions votées sont essentielles pour l'attractivité de la place de Paris.

Je vous invite à voter les conclusions de la CMP. (MM. Roger Karoutchi, Louis Vogel et Bernard Buis applaudissent.)

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation .  - Pour développer une entreprise, l'énergie de nos entrepreneurs et de leurs salariés ne suffit pas toujours. Il faut aussi un financement abondant, accessible, des procédures adaptées, un cadre simple - en somme, un environnement attractif. Nous y travaillons depuis des années. Le projet de loi de simplification de la vie économique, que nous examinerons ce soir, s'inscrit dans cette ligne.

Le texte d'Alexandre Holroyd simplifie et facilite le financement des entreprises. Le travail de la commission des finances du Sénat a été précieux pour consolider le texte. Je salue le travail d'Albéric de Montgolfier et de Jean-François Husson.

L'accord trouvé en CMP montre que, lorsque l'essentiel est en jeu, les parlementaires savent travailler ensemble de manière constructive et rapide, pour citer Jean-François Husson.

Le PEA-PME financera davantage d'entreprises, plus facilement, puisque la valorisation maximale des entreprises éligibles sera portée à 2 milliards d'euros. Les critères d'éligibilité seront simplifiés.

L'investissement de l'épargne salariale, via les fonds communs de placement d'entreprise (FCPE), sera élargi, au bénéfice des PME.

Le régime des actions fractionnées sera en outre introduit en droit français, permettant de placer de petits montants.

Les droits des actionnaires seront renforcés par la procédure d'examen accélérée au tribunal de commerce : en cas de désaccord entre actionnaires et conseil d'administration, une résolution sera inscrite à l'ordre du jour afin de trancher en amont de l'assemblée générale.

Les rapporteurs du texte, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, ont souhaité faciliter la relocalisation en France de certains emplois financiers. Les plafonds de l'ordonnance travail de 2017 seront applicables aux indemnités de licenciement des traders.

Gain de compétitivité et simplicité, voilà ce qu'apporte le texte.

Avec les actions à droits de vote multiples, les entrepreneurs pourront faire le choix de la France et conserver leur siège social en France.

Je vous remercie, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, pour cet accord rapide. Quand certains, à l'extrême droite, misaient sur le seul financement familial et que d'autres, à l'extrême gauche, comptaient uniquement sur les banques - en attestent les comptes rendus des séances de l'Assemblée nationale -, je salue le point d'équilibre trouvé au service du financement de nos entreprises. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; MM. Louis Vogel et Michel Canévet applaudissent également.)

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du règlement, le Sénat étant appelé à se prononcer avant l'Assemblée nationale, il statue sur les éventuels amendements présentés ou acceptés par le Gouvernement, puis, par un seul vote, sur l'ensemble du texte.

Article 2

M. Louis Vogel .  - Au-delà de ces deux amendements, je salue cette proposition de loi et remercie les parties prenantes de leur travail : l'auteur du texte, Alexandre Holroyd, les membres des commissions des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat et de la commission des lois du Sénat, ainsi qu'Albéric de Montgolfier, rapporteur sur le fond.

La plupart des apports de la commission des lois ont été retenus en CMP, ce dont je me félicite. À l'article 1er, nous avons complété les catégories de résolution pour lesquelles les droits de vote multiples ne s'appliqueront pas.

De même, à l'article 10, le droit pour tout membre de conseil d'administration de s'opposer à une procédure de consultation écrite est une garantie raisonnable dans la mesure où le dispositif du Sénat s'applique à l'ensemble des sociétés anonymes.

Ce texte nous permettra d'attirer de nouvelles entreprises et surtout d'empêcher le départ de certaines vers des places plus agressives. Nous avons renforcé notre attractivité, tout en trouvant un équilibre entre droits des actionnaires et des investisseurs et protection des entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 17

Rédiger ainsi cet alinéa :

- à la seconde phrase, les mots : « mentionnés au b du V ci-dessus » sont remplacés par les mots : « relevant des paragraphes 1, 2 et 6 de la sous-section 2, du sous-paragraphe 1 du paragraphe 1 ou du paragraphe 2 de la sous-section 3 de la présente section ».

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Il s'agit d'un amendement de coordination. En effet, la suppression, par la CMP, du b du V de l'article 214-164 du code monétaire et financier crée une insécurité juridique. Nous proposons de la corriger, en accord avec l'Autorité des marchés financiers (AMF).

M. Jean-François Husson, au nom de la CMP.  - Je rends un avis favorable à titre personnel, la commission n'ayant pu se réunir.

L'amendement n°1 est adopté.

Article 13

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 39

Remplacer les mots :

douzième ligne

par les mots :

treizième ligne

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Rédactionnel.

M. Jean-François Husson, au nom de la CMP.  - Avis favorable à titre personnel.

L'amendement n°2 est adopté.

Vote sur l'ensemble

M. Thomas Dossus .  - (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.) Cette proposition de loi, portée en réalité par le Gouvernement pour se passer d'une étude d'impact, est présentée comme indispensable. Derrière ce discours lénifiant se cache une vision jusqu'au-boutiste de la financiarisation de l'économie, qui nous a pourtant conduits plusieurs fois dans le mur...

Les actions à droits de vote multiples, censées faciliter la levée de capitaux, risquent en réalité de concentrer le pouvoir entre les mains de quelques-uns, mettant fin au principe de « un homme, une voix ». Mais la course entre les places financières justifie tout...

L'assouplissement des règles d'augmentation du capital et la dématérialisation des titres transférables visent à accélérer les mouvements de capitaux, sans songer aux enjeux sociaux et environnementaux, de même que le traitement des indemnités de licenciement des traders est minime par rapport à la philosophie du texte, qui est aveugle quant à la nécessaire place de la transition écologique dans les investissements.

Les travailleurs sont réduits à de simples ressources humaines et, comme les limites planétaires, sont éliminés de l'équation. Le Gouvernement semble prêt à tout sacrifier sur l'autel de la financiarisation à outrance !

La liquidité des marchés et la disponibilité des marchés figurent en queue de classement du baromètre EY (Ernst & Young) sur les critères d'attractivité de la France, contrairement aux infrastructures ou à la stabilité du cadre réglementaire. Mais de cela, il n'est pas question aujourd'hui !

Nous devons faire un choix de société : une économie au service des hommes, ou au service des marchés ? La proposition de loi y répond. Mon groupe votera contre un texte qui ne répond ni aux besoins des citoyens ni à ceux de la planète. (Applaudissements sur les travées du GEST ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

M. Pascal Savoldelli .  - (M. Akli Mellouli applaudit.) Rappelons deux faits : Paris est devenue la première place financière de l'Union européenne et la France et les métropoles sont plus attractives pour les investissements étrangers. Voilà qui rassure !

Mais nous sommes rattrapés par l'actualité. L'agence ultralibérale Standard & Poor's - je le dis en français -, en service commandé, a dégradé la note de la France, jeu de dupes qui justifiera encore le rationnement des services publics. (Mme Olivia Grégoire le réfute.)

Il faudrait aller encore plus loin dans la déréglementation : une action ne vaudrait plus une voix, mais vingt-cinq ! C'est soumettre encore davantage l'économie réelle au pouvoir de la finance.

Cette proposition de loi renforcera-t-elle la démocratie en entreprise ? La réponse est non !

Toutes nos propositions ont été rejetées. Permettre aux travailleurs, par le biais du comité social et économique (CSE), de s'opposer à une introduction en bourse ou à une ouverture du capital ? Pas retenue. Réserver les droits de vote multiples aux seuls salariés ? Pas retenue. Proposer aux salariés la moitié des titres lors d'une ouverture au capital ? Pas retenue non plus ! Or il n'y a pas d'entreprise sans travailleurs.

Les entreprises protègent leurs actionnaires en versant 100 milliards d'euros de dividendes, plus du double qu'en 2012 : c'est ce qu'on appelle le coût du capital !

Augustin Landier et David Thesmar, en 2005, affirmaient que les mutations du capitalisme faisaient peser sur les salariés des risques dont ils étaient jusque-là protégés. Total Énergies est caricatural : sur 21 milliards d'euros de bénéfice net, 9 milliards de rachats d'actions et 7,79 milliards d'euros de dividendes, soit 70 % pour les actionnaires !

Le transfert de sa cotation principale serait abandonné ? Mais le Gouvernement ne doit accepter aucun chantage ! La fermeté, madame la ministre, rien que la fermeté face à ceux qui menacent de quitter la France !

Roland Lescure a dit que le secteur financier n'était pas une fin en soi, mais au service de l'économie. Belle citation, mais c'est une fable ! La sphère financière est décorrélée de la sphère productive : voyez la volatilité des valorisations boursières.

Où sont passées les PME dans cette proposition de loi ? Quelles mesures les concernent ?

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - Les droits de vote multiples !

M. Pascal Savoldelli.  - Il n'y en a que pour les gros.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée.  - C'est faux !

M. Pascal Savoldelli.  - En revenant sur les principes du droit financier, ce texte est contre-productif : par exemple, en dérogeant au droit de préférence ou en favorisant la publicité commerciale aux personnes physiques étrangères.

Les risques sont multiples : éviction des PME et ETI non cotées ; une épargne française qui quitte le territoire ; concurrence exacerbée entre anciens et nouveaux actionnaires. Permettre par ordonnance - vous en êtes fière, madame la ministre - aux citoyens d'acheter des quarts voire des dixièmes d'actions est révélateur de l'esprit du texte : consacrer chaque centime à la finance. Le groupe CRCE-K s'y opposera. (Applaudissements sur les travées du GEST)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Bernard Buis applaudit également.) L'accord en CMP sur ce texte faisait peu de doute. Si ce texte passe inaperçu aux yeux de la presse généraliste - pas de la presse spécialisée -, il comporte des mesures non négligeables pour le financement des entreprises.

L'utilisation de l'initiative parlementaire pour traduire des annonces gouvernementales peut soulever des questions.

Contrairement à son intitulé, le texte porte sur l'attractivité financière et bancaire, non sur l'économie en général. La volonté est de tirer le meilleur parti des effets du Brexit, dans la bataille avec les autres places européennes -  Francfort, Amsterdam, Luxembourg.

Un objectif affiché est de renforcer le financement des PME et ETI par les marchés tout en leur offrant des garanties. Le mix de financement doit préserver leur identité, mais il est vrai que le financement des marchés est peu développé en France par rapport aux pays anglo-saxons. Mais ne nous jetons pas à corps perdu dans les modes de financement risqués et ne négligeons pas les droits des actionnaires minoritaires.

Je souligne que la version retenue en CMP circonscrit les actions de préférence à certaines sociétés et retient une hausse du seuil de capitalisation pour l'éligibilité au PEA-PME.

Une disposition adoptée au Sénat lève le blocage sur les autorités étrangères de supervision. La dématérialisation des assemblées générales d'actionnaires va dans le sens de l'histoire, même si elle soulève des enjeux de cybersécurité.

Plusieurs mesures seront prises par ordonnance, dont la réforme des OPC. Le Parlement devra les ratifier.

Cette proposition de loi doit répondre aux besoins d'investissement dans la transition écologique, l'industrie de défense et la transition numérique. Cela ne pourra pas se faire sans mobiliser l'épargne. Espérons des retombées positives en termes d'emplois, et pas seulement à Paris.

Ce texte nous semble aller dans le bon sens. En dépit des points de vigilance évoqués, le RDSE le votera. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du RDPI)

M. Bernard Buis .  - Les jeux Olympiques débuteront dans cinquante-trois jours, mais la France a déjà gagné la médaille de l'attractivité en Europe.

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Médaille d'or !

M. Bernard Buis.  - C'est le fruit d'un travail de longue haleine.

Notre pays a su tirer son épingle du jeu après le Brexit. Paris a pris la tête en Europe aussi bien pour la capitalisation boursière que pour les investissements étrangers. Nous sommes désormais en concurrence avec Amsterdam, qui offre des réglementations plus souples que Paris. Il faut donc aller plus loin.

Je me réjouis donc des conclusions de cette CMP, qui conservent de nombreux apports du Sénat, comme le délai de recours d'une décision de l'AMF, de cinq mois pour les cas complexes, et trois mois sinon.

Le plafonnement des indemnités des preneurs de risques est restreint aux seuls traders pour des licenciements sans cause réelle ni sérieuse. Il porte désormais sur les rémunérations servant au calcul des indemnités, tenant compte de l'ancienneté.

Le champ d'habilitation du Gouvernement à prendre des ordonnances a été précisé. Nous serons attentifs à leur contenu.

Le nombre d'entreprises éligibles aux fonds communs de placement à risque (FCPR) augmente de 21 %, soit autant de retombées pour nos emplois.

Pour que la réindustrialisation devienne chaque jour une réalité retrouvée, notre groupe votera le texte. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Michel Canévet applaudit également.)

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les réserves du groupe SER n'ont pas été levées en CMP : cette proposition de loi répond de façon insatisfaisante au sous-financement de nos entreprises à forte croissance, notamment les start-up.

Sur la forme, nous avons dû nous contenter d'une proposition de loi qui nous prive d'une étude d'impact et d'un avis du Conseil d'État, au détriment de la qualité des débats.

Sur le fond, nous partageons le constat, mais pas les réponses. Les épargnants se méfient des marchés financiers, ce qui freine notre économie. Mais, en retour, vous appliquez toujours les mêmes recettes de dérégulation, vous alignant sur Amsterdam. Au contraire, la régulation est un gage de sécurité pour les investisseurs. Nous regrettons que cette proposition de loi ne l'aborde guère, comme l'a fait observer Jean-François Husson.

Nous doutons de l'efficacité de ce texte, en dépit des apports des rapporteurs. L'article 1er, relatif aux actions à droits de vote multiples, concentre nos inquiétudes. Nous aurions préféré, comme l'AMF, les limiter à dix plutôt que vingt-cinq - qui permet le contrôle de la société avec 4 % des actions -, tout en les réservant aux dirigeants. (Mme Olivia Grégoire s'en émeut.)

Un autre motif de regret est lié aux FCPR : nous craignons que le relèvement du seuil de capitalisation par l'article 2, de 150 à 500 millions d'euros, ne favorise que les grandes entreprises.

Nous saluons l'adoption d'amendements de notre groupe facilitant l'accès au financement des sociétés coopératives d'intérêt collectif (SCIC) et renforçant le financement des sociétés coopératives participatives (Scop). Ces deux avancées étaient attendues par les acteurs de l'économie sociale et solidaire.

En revanche, nous regrettons les habilitations à légiférer par ordonnance sur le cadre des OPC.

Compte tenu de ces fortes réserves, nous nous opposerons à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; M. Pascal Savoldelli applaudit également.)

Mme Marie-Claire Carrère-Gée .  - L'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un accord : je m'en réjouis, même si le texte est modeste.

La mesure principale est la mise en place de droits de vote multiples, disposition qui existe aux États-Unis. Le Sénat a encadré le dispositif en garantissant les droits des actionnaires. Les droits de vote seront limités à vingt-cinq sur les plateformes multilatérales de négociation, mais illimités sur les marchés réglementés.

Nous saluons l'assouplissement des critères d'éligibilité des entreprises au PEA-PME, sous-utilisé, ainsi que le renforcement de la consultation dématérialisée des organes sociaux et la dématérialisation des titres transférables.

Le Sénat a tenu à réduire la durée et à préciser le champ de l'habilitation du Gouvernement à réviser par ordonnance le cadre juridique des OPC. Il est fâcheux que les ordonnances soient devenues le premier mécanisme d'adoption de la loi, avec un record sous le premier quinquennat Macron, alors que leur usage avait déjà doublé sous Hollande, une évolution dangereuse que rien ne justifie.

La CMP ayant conservé l'essentiel des précisions et garde-fous introduits par le Sénat, le groupe Les Républicains votera ce texte. Mais enfin ! Comment croire que ces quelques mesures techniques suffiront à accroître le financement des entreprises et l'attractivité de la France ?

Si le Gouvernement avait opté pour un projet de loi au lieu de cette proposition de loi téléguidée, nul doute que l'étude d'impact aurait mis en évidence le caractère maigrelet des mesures proposées. Le défaut d'attractivité de la France tient d'abord au manque d'épargne longue pour financer les entreprises et l'innovation : c'est l'enjeu de la démocratisation du capital investissement. Il tient aussi au manque de crédibilité de nos politiques économiques et budgétaires, sanctionné il y a quelques heures par Standard & Poor's.

Nous voterons ce texte, mais demeurons frustrés que si peu soit fait pour améliorer le financement de nos entreprises et renforcer l'attractivité de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Vanina Paoli-Gagin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.) La prospérité d'une nation dépend de sa capacité à mettre la science au service de l'industrie et son appareil productif au service de sa vision stratégique. Une industrie qui ne se nourrit pas d'innovation se condamne à la sous-traitance, et une économie de la sous-traitance est vulnérable et à faible valeur ajoutée.

M. Jean-François Husson, au nom de la CMP.  - C'est un bon début ! (Sourires)

Mme Vanina Paoli-Gagin.  - Inversement, si la science ignore l'industrie, si notre écosystème de recherche n'est pas tourné vers le développement de nouveaux produits ou services, la France continuera à fournir au monde, grâce à sa science financée sur deniers publics, des découvertes exploitées ailleurs...

Ce phénomène explique l'effondrement de notre balance commerciale : excédentaire de 20 milliards d'euros en 2000, elle présentait en 2022 un déficit record de 164 milliards d'euros. À l'instar de la batterie lithium - dont nous avions l'antériorité sur le plan scientifique grâce au CNRS, mais brevetée par les Américains et industrialisée par eux et par la Chine - nous finissons par importer des produits issus de notre propre recherche, mais que nous n'avons pas su exploiter.

Pour enrayer cette mécanique infernale, le Gouvernement a engagé une politique volontariste de réindustrialisation. Élue d'un territoire, l'Aube, qui a souffert des délocalisations, j'y vois la mère des batailles.

Mon rapport d'information sur la recherche-développement identifie le maillon faible de notre chaîne de l'innovation : le financement. Renforcer nos capacités de financement pour permettre à nos entreprises, singulièrement nos PME et start-up, de développer des solutions industrielles de rupture est un enjeu stratégique. Car lorsqu'une start-up industrielle ne trouve pas en France le financement nécessaire, c'est l'ensemble de la chaîne de valeur qui nous échappe - et ce sont les États-Unis, le Canada, la Chine ou l'Inde qui tirent profit des deniers publics français investis pour l'innovation.

Cette proposition de loi s'inscrit dans cette logique. Elle est technique, mais c'est dans les mécanismes financiers que se joue, pour une large part, notre destin industriel. Le groupe INDEP la votera et salue le travail des rapporteurs.

Deux mesures issues d'amendements de notre groupe ont été conservées : l'éligibilité des bons de souscription d'actions au PEA, très attendue par les business angels et investisseurs, et celle des sociétés de capital-risque au PEA-PME, à l'assurance vie et au plan d'épargne retraite. Il s'agit de drainer l'épargne des Français vers le financement de l'innovation, en s'inspirant du cercle vertueux californien.

D'apparence austère, ce texte marque une étape sur le chemin d'une France plus prospère. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; M. Bernard Buis applaudit également.)

M. Michel Canévet .  - (Mme Nathalie Goulet encourage l'orateur.) Le groupe UC se félicite de l'accord intervenu en CMP sur ce texte issu de l'Assemblée nationale, mais sérieusement retravaillé au Sénat sous l'égide d'Albéric de Montgolfier et Louis Vogel.

L'enjeu est majeur. Si le texte ne marque pas un grand soir, la politique des petits pas permet d'avancer. Ne boudons pas notre plaisir de voir se poursuivre la politique menée en faveur de la compétitivité.

Voilà cinq ans, Jean-François Husson était rapporteur de la loi Pacte et vous-même, madame la ministre, présidente de la commission spéciale à l'Assemblée nationale. Beaucoup a été fait pour favoriser le développement des entreprises, comme le prélèvement forfaitaire unique à 30 %. Il est important d'avoir une politique fiscale identifiable et stable. C'est vrai notamment pour l'impôt sur les sociétés, dont le niveau a été opportunément aligné sur celui des autres grands pays développés.

À la suite du Brexit, le Gouvernement n'a pas ménagé ses efforts pour faire de Paris la première place financière en Europe, alors que d'autres capitales européennes cherchent à nous supplanter. L'AMF fait un excellent travail, avec pertinence et agilité ; c'est un atout.

Le texte aligne dans plusieurs domaines notre droit sur celui d'autres pays afin de simplifier la vie des entreprises, notamment en matière de dématérialisation - je pense aux assemblées générales ou à certains titres. Le gain de temps sera facteur d'efficacité.

Je me félicite du maintien des apports du Sénat en faveur des preneurs de risque.

Le groupe UC votera ce texte qui facilitera l'investissement dans les entreprises et les rendra plus compétitives. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et du RDPI ; M. Roger Karoutchi applaudit également.)

La proposition de loi, modifiée, est adoptée.

La séance est suspendue quelques instants.