Intervention des cabinets privés (Deuxième lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques, à la demande des groupes Les Républicains et CRCE-K.

Discussion générale

M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques .  - Ce texte vise à renforcer la puissance publique en précisant les conditions de recours aux cabinets externes. Ma position est constante et cohérente : oui, l'État doit pouvoir faire appel à des compétences extérieures quand il en est dépourvu en son sein ; et oui, il doit se réarmer en compétences et se doter d'un cadre renforcé pour le recours aux prestations extérieures.

La recherche du cadre le plus efficace possible a guidé les travaux des deux assemblées, qui sont parvenues à des points d'équilibre sur certains points.

Le Gouvernement n'a pas attendu l'aboutissement de ce travail législatif pour établir un cadre. La circulaire du 19 janvier 2022 a fixé le cap d'une diminution de 15 % des dépenses de recours aux conseils externes. Nous avons fait mieux : baisse de 35 % en 2022 et division par trois en 2023.

En outre, nous avons renforcé la transparence de ces dépenses à travers un document budgétaire annuel, qui comporte une revue par ministère.

J'ai instauré un accord-cadre interministériel, entré en vigueur en janvier 2023, qui intègre très largement les recommandations du rapport de la commission d'enquête sénatoriale.

Enfin, nous avons renforcé les compétences internes de l'État en créant une agence de conseil interne, qui compte cinquante-trois agents, soixante-quinze à la fin de l'année. Elle est déjà très active, dans des domaines aussi variés que l'éducation, la santé ou le médico-social. Je lui ai confié la mission de cartographier les compétences de chaque ministère, en vue de les renforcer.

Autant de preuves de la volonté sincère du Gouvernement d'instaurer un cadre efficace, proportionné et concret pour l'intervention des cabinets privés. Je crois possible de réaliser cet objectif partagé et salue le travail mené en commission il y a quelques jours pour trouver un équilibre en termes de proportionnalité. L'obligation de déclaration à la HATVP a été recentrée sur les profils d'encadrement et de supervision et, en matière informatique, sur les prestations comportant une part de stratégie : c'est un bon équilibre.

Vous ne serez pas surpris de ma constance sur les points qui restent en débat. Sur chacun d'eux, j'ai veillé à faire des propositions. Je crois que, si nous divergeons sur les moyens, nous nous accordons sur les finalités.

Je propose ainsi l'intégration dans le droit commun des sanctions de la HATVP. Je défendrai aussi des amendements sur la mobilité public-privé, les activités bénévoles des consultants et les professions de leur conjoint, les établissements publics industriels et commerciaux (Épic) soumis à concurrence et la rétroactivité de la loi.

Enfin, le recours aux prestations de conseil peut concerner aussi les collectivités territoriales. Ces dernières ne figuraient pas dans le périmètre de travail de la commission d'enquête. L'Assemblée nationale a réalisé une mission flash et souhaité une transposition des mesures les moins contraignantes aux collectivités territoriales, avec un seuil de population. Je comprends que le cadre applicable aux collectivités doit être spécifique. C'est l'un des points qui restent en discussion.

Je forme le voeu que nous continuions à avancer concrètement. (Applaudissements sur les travées du RDPI)

Mme Cécile Cukierman, rapporteure de la commission des lois .  - En octobre 2022, nous avons adopté en première lecture la proposition de loi d'Éliane Assassi et Arnaud Bazin traduisant les préconisations de la commission d'enquête sénatoriale sur l'influence croissante des cabinets de conseil privé sur les politiques publiques.

Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé à ce que la navette parlementaire se poursuive rapidement. Je regrette que le Gouvernement n'ait pas engagé la procédure accélérée sur ce texte et ne l'ait pas inscrit à l'ordre du jour d'une semaine gouvernementale. C'est dire sa volonté de le voir aboutir rapidement... Il a fallu attendre plus d'un an pour qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Elle l'a adopté le mois dernier, mais dans une version amoindrie.

C'est grâce aux travaux du Sénat que les avancées ont eu lieu. Notre assemblée avait vu juste en dénonçant un phénomène tentaculaire appelant un effort d'encadrement et de transparence. Nous avons besoin d'un cadre légal unifié, contrôlé et sanctionné.

La commission des lois a apporté des modifications au texte de l'Assemblée nationale. Certains ajustements ne modifient la rédaction de l'Assemblée nationale qu'à la marge. Pas moins de neuf articles ont même été adoptés par la commission sans modification.

En revanche, nous avons rétabli sur plusieurs points le texte adopté en première lecture par notre assemblée. De fait, l'Assemblée nationale a souvent revu à la baisse les ambitions du Sénat, notamment en matière de déontologie. Nous nous réjouissons toutefois qu'elle ait accepté de garantir la transparence, avec une évaluation systématique de la prestation.

Nous nous félicitons aussi que, en dépit du Gouvernement, les députés aient maintenu à l'article 3 la publication d'un rapport recensant les prestations de conseil sollicitées par le Gouvernement et les établissements publics. C'est d'autant plus nécessaire que le jaune budgétaire ne respecte pas les obligations légales.

La commission a rétabli en grande partie la rédaction initiale de l'article 3 et y a adjoint l'obligation de publication en format ouvert, initialement inscrite à l'article 4, ce dernier demeurant supprimé.

Nous avons veillé à ce que les obligations créées soient proportionnées et les sanctions adaptées et efficaces.

Je salue l'adoption par l'Assemblée nationale de l'obligation faite aux prestataires et consultants de procéder à une déclaration exhaustive, exacte et sincère de leurs intérêts. La commission a recentré cette obligation sur les personnels d'encadrement et de supervision pour en exempter les consultants junior, affectés à des tâches d'exécution.

En revanche, à l'article 12, la suppression du pouvoir de contrôle sur place de la HATVP a semblé dommageable à la commission, qui l'a rétabli. Elle persiste à considérer que le recours à la sanction pénale n'est guère adapté ; nous avons donc rétabli le régime de sanction administrative adopté en première lecture par le Sénat.

Le périmètre du texte a été discuté lors de la première lecture. Par souci de compromis, nous avons accepté des modifications substantielles opérées par l'Assemblée nationale. À l'article 1er, nous avons ainsi accepté le seuil de 65 millions d'euros de dépenses de fonctionnement fixé pour les établissements publics nationaux.

En revanche, l'intégration des collectivités territoriales au texte ne nous paraît pas acceptable. En presque deux ans, le Gouvernement a maintenu une position de principe sans même consulter les associations d'élus. Heureusement, le Parlement l'a fait. Mais pas de faux suspense : la commission a émis un avis défavorable sur le rétablissement de l'article 1er bis demandé par le Gouvernement.

La commission vous invite à adopter ce texte, qui rétablit les ambitions du Sénat tout en acceptant nombre de modifications opérées par l'Assemblée nationale. Cette deuxième lecture illustre ainsi l'intérêt de faire vivre le débat parlementaire. Je forme le voeu que nous n'ayons pas à attendre à nouveau un an et demi pour que l'Assemblée nationale se prononce... (Applaudissements à gauche)

M. Michel Masset .  - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Je n'étais pas encore sénateur lors de la publication du rapport de la commission d'enquête. Je me suis plongé dans ses temps forts, notamment l'intervention d'un dirigeant de McKinsey à propos d'une mission, payée près de 500 000 euros, destinée à évaluer les évolutions du métier d'enseignant : de quoi laisser perplexe...

Cette proposition de loi traduit la volonté de réguler certains errements en encadrant l'intervention des cabinets de conseil privés. Il est nécessaire de légiférer en la matière pour gagner en transparence et mieux protéger les données de l'administration. Deux ans après le dépôt de ce texte, il est temps d'aboutir.

Le RDSE est profondément attaché à un État fort, garant de l'intérêt général et affirmant sa souveraineté face aux cabinets privés. Cette proposition de loi est la bienvenue. Nous nous réjouissons que la commission ait rétabli un certain nombre de mesures votées par le Sénat en première lecture, s'agissant notamment de l'encadrement des allers-retours entre l'administration et les cabinets de conseil.

Pour autant, le Sénat ne se montre pas dogmatique, par exemple en maintenant le seuil de 65 millions d'euros de budget de fonctionnement pour les établissements publics.

Les articles 17 et 18 visent une meilleure protection des données de l'administration, qui ne doivent pas être diffusées à son insu.

Reste la question des collectivités territoriales. Les arguments les excluant du périmètre de la loi sont audibles, mais n'effaceront pas les potentielles critiques. Leur exclusion du champ de l'article 1er bis paraît la bonne solution pour avancer rapidement, en l'absence d'étude approfondie sur la question. Veillons aussi à ne pas alourdir la charge administrative des collectivités.

Nous voterons à l'unanimité cette proposition de loi, avec le vif espoir que la navette aille à son terme. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du RDPI et du GEST)

Mme Nicole Duranton .  - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte est essentiel au renforcement de la transparence et de la probité dans nos institutions. Membre de la commission d'enquête, je souligne la qualité de nos travaux et leur conclusion unanime : la nécessité de réguler l'intervention des cabinets de conseil dans les politiques publiques est plus que jamais d'actualité - il y va de l'intégrité de l'action publique.

Ce texte a fait l'objet de débats nourris. J'en retiens la volonté partagée d'un encadrement strict de l'intervention des cabinets de conseil. Des divergences subsistent sur le champ d'application du texte et les sanctions. Toutefois, nous avons trouvé des compromis, notamment sur la transparence. Il est fondamental que les consultants ne prennent pas part aux décisions administratives et ne soient pas confondus avec des fonctionnaires ou des contractuels.

Le Gouvernement agit depuis plusieurs années pour encadrer le recours aux cabinets privés. En particulier, une agence de conseil interne a vu le jour il y a quelques semaines ; à la fin de l'année, 75 consultants contribueront en son sein à réduire le recours aux cabinets privés. Je salue le travail moteur des agents de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP).

Il faut se souvenir que les prestations de conseil, bien que plus fréquentes depuis 2007, sont une composante historique du fonctionnement de l'État. Elles sont irremplaçables lorsqu'un projet se construit dans la technicité et l'urgence.

Fruit d'un travail collectif qui dépasse les clivages politiques, ce texte vise un équilibre entre nos besoins administratifs et les impératifs de transparence et d'intégrité. Je renouvelle mon voeu que le processus législatif aboutisse à un texte équilibré et efficace ; son équilibre est la condition de son efficacité, et je salue à cet égard le travail de la rapporteure Cukierman.

L'encadrement renforcé du recours aux cabinets de conseil permettra à notre administration de rester intègre, efficace et digne de la confiance de nos concitoyens. Ce texte est indispensable et très attendu : le groupe RDPI le votera. (Mme Cécile Cukierman applaudit.)

Mme Audrey Linkenheld .  - Un phénomène tentaculaire : voici comment la commission d'enquête qualifiait l'intervention des cabinets privés dans la conception de nos politiques publiques. De fait, en 2021, elle représentait plus de 1 milliard d'euros. Pis, certaines missions facturées plusieurs milliers d'euros ne débouchaient en réalité sur rien...

C'est l'opacité des relations entre les cabinets et l'administration qui a rendu cela possible. D'où le soutien apporté par le groupe SER tant aux travaux de la commission d'enquête qu'à cette proposition de loi, qui permet de lutter contre le foisonnement incontrôlé des cabinets et la dépossession de l'État.

Nous voyons revenir ce texte au Sénat avec soulagement, et même avec satisfaction ; nous craignions qu'il fût enterré par le Gouvernement, alors que la commission d'enquête soulignait l'urgence de légiférer sur le sujet.

À l'Assemblée nationale, la majorité et l'exécutif ont plus affaibli qu'amélioré le texte, avec l'exclusion des Épic et de la majorité des établissements de santé, tandis que les pouvoirs d'enquête et de sanction de la HATVP sont amoindris. Nous présenterons des amendements visant à assortir de sanctions le pouvoir de contrôle accordé à la Cnil sur l'utilisation des données non personnelles associées au livrable des cabinets de conseils privés.

Principal changement apporté par la chambre basse : l'ajout des collectivités de grande taille dans le champ d'application du texte. Mais personne n'est dupe ! Pris la main dans le sac, le Gouvernement veut faire diversion en jetant le doute sur les collectivités territoriales avec un amendement sorti de son chapeau à l'Assemblée nationale, sans aucune étude d'impact ou concertation avec les associations d'élus. Cette disposition ne fait que perturber le processus législatif et fragiliser le compromis entre les deux chambres. Notre groupe s'y opposera !

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Audrey Linkenheld.  - Les missions des collectivités sont distinctes et les contrôles auxquels elles sont soumises déjà bien établis. Nous espérons que les députés se rallieront à notre position -  c'était d'ailleurs la conclusion de la mission flash menée par l'Assemblée nationale...

Le texte examiné aujourd'hui a retrouvé son ambition initiale. Nous nous en satisfaisons, car nous sommes favorables à la transparence entre les administrations et les cabinets de conseil. Il faut mieux valoriser en outre les ressources humaines internes de nos administrations. Les fonctionnaires ont non seulement des compétences équivalentes à celles des cabinets de conseil, mails ils ont un petit plus : le sens de l'intérêt général et du service public.

Nous saluons les efforts déjà menés par l'administration, mais les manoeuvres dilatoires du Gouvernement à l'Assemblée nationale montrent que la loi doit encadrer ces pratiques, en vue de restaurer la confiance de nos concitoyens dans l'action publique.

Le groupe SER votera cette proposition de loi ainsi rétablie par la commission des lois. (Mme Cécile Cukierman applaudit.)

M. Arnaud Bazin .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Nathalie Goulet applaudit également.) « Phénomène tentaculaire dans un contexte d'opacité et de risque déontologique majeur » : tels étaient les termes retenus par la commission d'enquête que j'avais l'honneur de présider, Éliane Assassi en étant la rapporteure. Ce rapport a eu un fort retentissement et a fait l'objet de 3,5 millions de publications et de partages sur les réseaux après sa parution.

Phénomène tentaculaire, avec au moins 1 milliard d'euros dépensé en 2021. Phénomène tentaculaire, car les cabinets de conseil sont intervenus sur des sujets majeurs, tels que la gestion de la crise sanitaire ou l'aide juridictionnelle, notamment. Solliciter un cabinet de conseil est devenu une habitude !

Pourtant, les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous. On comprend pourquoi les consultants préfèrent rester « behind the scenes » comme dit McKinsey... (Sourires) Un rapport sur l'avenir du métier d'enseignant, facturé 496 800 euros, et une prestation visant l'encadrement supérieur, facturée 558 900 euros, n'ont ainsi eu aucune suite ! (Mme Nathalie Goulet et M. Bruno Sido renchérissent.)

Nous avons identifié des risques déontologiques majeurs : conflits d'intérêts, pratique du pro bono, pantouflage des administrations vers les cabinets de conseil, risque de réutilisation des données, notamment.

Les membres de la commission d'enquête ont donc déposé une proposition de loi, adoptée à l'unanimité par le Sénat le 10 octobre 2022. Toutefois, il a fallu attendre quinze mois pour qu'elle soit examinée par l'Assemblée nationale ! (M. Joshua Hochart renchérit.)

Le Gouvernement veut mettre la poussière sous le tapis par tous les moyens... Ainsi de la circulaire du Premier ministre publiée le jour même de l'audition de Mme de Montchalin par notre commission d'enquête ou de la conférence de presse lunaire de Mme de Montchalin et de M. Dussopt en pleine campagne présidentielle, tout comme la publication d'un jaune budgétaire insuffisant, ou encore la tentative d'extension de la proposition de loi aux collectivités territoriales, sans qu'aucune donnée fiable soit disponible sur le sujet.

Après une énième manoeuvre dilatoire, une mission d'information sur le périmètre de la proposition de loi -  fait inédit dans l'histoire du Parlement  - , le texte a enfin été examiné par l'Assemblée nationale.

Pourtant, nous avons toujours dit que le recours par l'État aux prestations de conseil était parfaitement légitime quand il est nécessaire. Mais il doit être encadré, notamment sur le plan déontologique.

Si la version issue de la commission des lois de l'Assemblée nationale respectait l'esprit du texte, la version sortie de la séance le dénature. L'exclusion d'établissements publics d'importance comme l'ANRU ou l'Ademe, le renvoi de la définition des prestations à un décret à la main du Gouvernement, la réduction drastique des obligations de publicité, la limitation des pouvoirs de la HATVP ou la non-application de la loi aux contrats en cours le montrent bien.

Je remercie donc la rapporteure et les membres de la commission des lois d'être revenus sur ces graves reculs.

J'ai toutefois déposé quelques amendements ; l'un d'eux vise à supprimer le décret censé préciser le périmètre des prestations concernées, qui risque de déstabiliser le texte. Nous avons un fâcheux précédent, avec le décret du 9 mai 2017, concernant l'inscription au registre des représentants d'intérêts, qui a considérablement rogné l'esprit de la loi Sapin II. (Mme Nathalie Goulet renchérit.) Maintenir un décret du même type dans le présent texte amoindrirait sa portée.

Personne ne connaît la liste des prestations de conseil de l'État ni de ses opérateurs et si le texte était voté tel qu'issu de l'Assemblée nationale, nous ne serions pas près de la connaître !

Transparence, contrôle, déontologie : ce sont autant d'exigences démocratiques de base qui seraient menacées si cette démarche n'allait pas à son terme. La question du rapport des gouvernements des mandats d'Emmanuel Macron aux cabinets de conseil privés se poserait alors de façon aiguë.

Malgré les réticences du Gouvernement, il faut revenir à l'ambition initiale du texte. C'est une exigence démocratique, une demande des citoyens, alors même que trois enquêtes pénales sont en cours sur le sujet ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et CRCE-K, ainsi que sur quelques travées du GEST et du groupe SER)

M. Roger Karoutchi.  - Bravo !

M. Joshua Hochart .  - Phénomène d'ampleur considérable, menace pour notre démocratie et la souveraineté de l'État : depuis l'arrivée d'Emmanuel Macron à l'Élysée, les dépenses consacrées à ces cabinets ont plus que doublé.

Les consultants de McKinsey ont même participé à la campagne de 2017, dans l'opacité la plus totale.

Des faits concrets illustrent la privatisation rampante de l'action publique : McKinsey s'est vu confier la gestion de la crise du covid pour 12 millions d'euros, sans que personne le sache ! Le même a reçu 4 millions d'euros pour proposer la baisse des APL.

La souveraineté de l'État est en jeu, y compris sur des sujets stratégiques. Un encadrement strict et des garde-fous sont indispensables pour éviter les pires dérives. Le recours aux cabinets de conseil doit être l'exception, non la norme.

Nous voterons donc ce texte, première étape utile, tout en présentant des amendements visant à intégrer les régions et les départements qui prennent des décisions majeures avec des budgets parfois proches de ceux des ministères.

Nous souhaitons aussi faire la lumière sur les prestations informatiques, sur le recours aux cabinets étrangers ou sur les contrats de maintenance applicative.

N'oublions pas que nous disposons de hauts fonctionnaires, issus de concours prestigieux, présentant une expertise pointue. Accordons-leur la priorité, faisons leur confiance, en leur donnant les moyens d'exercer leurs missions.

L'heure est grave. Ne laissons pas se poursuivre cette privatisation insidieuse et la perte de souveraineté de notre État. Réaffirmons la primauté de l'intérêt général. Saisissons cette occasion historique de redonner tout son sens à l'action publique !

M. Dany Wattebled .  - La polémique née du recours aux cabinets de conseil par l'État continue avec la deuxième lecture de ce texte. En 2022, les Français ont été surpris d'apprendre que près de 800 millions d'euros leur avaient été versés en 2021. À quoi servent nos 5 millions de fonctionnaires s'il faut avoir ainsi recours au privé ?

Mais, derrière les polémiques, voici les faits : les trois quarts des prestations concernaient l'informatique.

L'État n'est pas seul à recourir aux conseils extérieurs. Pas moins de 557 millions d'euros ont été dépensés par les collectivités territoriales en matière de conseil.

La rapporteure a choisi de retirer les collectivités territoriales de la liste des entités soumises au texte. Notre groupe s'en réjouit : celles-ci n'y ont recours que lorsque cela est nécessaire. Mais l'Assemblée nationale a le dernier mot, et pourrait les inclure de nouveau...

Nous avons mieux à faire que de confier à la HATVP la mission d'animer une nouvelle commission de sanctions alors qu'elle manque de moyens.

À terme, le risque est d'imposer de nouvelles obligations aux collectivités territoriales. Renforçons plutôt les moyens de lutte contre le vrai problème, le pantouflage : les allers-retours incessants entre public et privé sont inacceptables. Un seul aller-retour doit être possible.

Donnons à la HATVP les moyens de réaliser ses missions dans les meilleures conditions.

En majorité, le groupe INDEP s'abstiendra, car cette proposition de loi nous paraît dangereuse pour les collectivités territoriales.

M. Jean-Michel Arnaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Ce texte est le fruit d'un long travail parlementaire. La commission d'enquête a tiré deux enseignements majeurs.

Premièrement, le caractère systématique du recours aux cabinets de conseil, preuve de leur force de frappe et de leur capacité d'adaptation. Pourtant, c'est paradoxal, car l'administration dispose déjà de compétences variées.

Deuxièmement, la plupart des prestations extérieures ont été réalisées par quelques groupes en situation de quasi-oligopole, ce qui soulève des questions éthiques et politiques, voire des risques d'ingérence. En 2021, plus de la moitié des prestations de conseil ont été effectuées pour le compte de trois ministères régaliens : l'intérieur, la défense et les finances.

À la suite de la commission d'enquête, le Gouvernement a présenté quelques mesures, via la création d'un service de conseil interne au sein de la DITP, par exemple.

Sans transparence, point de confiance : le législateur ne pouvait rester immobile, d'où l'examen de cette proposition de loi.

Je salue la rapporteure pour son travail. L'impératif de transparence passe par l'encadrement accru du recours aux cabinets de conseil, avec une extension des prestations concernées ; les cabinets de conseil auront aussi l'interdiction d'utiliser tout signe distinctif de l'administration. D'autres mesures visent à parer toute tentative d'influence, comme l'utilisation obligatoire de la langue française ou l'interdiction des prestations gratuites.

La commission des lois a fait preuve d'un esprit de compromis. Cependant, l'intégration des collectivités territoriales de plus de 100 000 habitants constitue un point de divergence avec les députés. Nous nous y opposons : le code général des collectivités territoriales et le code de la commande publique encadrent déjà le recours aux cabinets de conseil par les collectivités territoriales.

Le champ de la commission d'enquête n'incluait pas les collectivités territoriales. Par quel tour de prestidigitation ont-elles été incluses dans le texte ? Ce n'est qu'un écran de fumée pour masquer l'attitude de l'État.

Le texte vise aussi à instaurer un cadre déontologique s'imposant aux cabinets de conseil. La commission a rétabli une mesure supprimée par les députés : le contrôle, sur place et sur pièce, confié à la HATVP, qui garantit la crédibilité du dispositif de contrôle introduit par la loi. S'y ajoute un régime de sanctions administratives.

J'espère que cette deuxième lecture ne sera pas de façade et que la navette sera fructueuse. Le groupe UC votera le texte ainsi amendé par la commission des lois. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions)

M. Guy Benarroche .  - Nous nous retrouvons plus d'un an et demi après l'examen en première lecture de ce texte ; ces délais sont bien trop longs.

Cette proposition de loi fait suite aux révélations sur le scandale des cabinets de conseils depuis l'arrivée au pouvoir d'Emmanuel Macron, qui avait pourtant promis une République exemplaire, avec la fin du pantouflage et plus de transparence !

La commission d'enquête a mis en évidence des dysfonctionnements majeurs. Ainsi de la mission sur la petite enfance confiée à Boris Cyrulnik : un cabinet privé a ensuite été missionné sur le même sujet pour un demi-million d'euros... Les travaux du Sénat ont montré ces défaillances que le présent texte entend combler.

C'est bien l'absence de transparence sur les contrats qui est en cause. Le problème s'est certes réduit. Contraint par la médiatisation de l'affaire McKinsey, le Gouvernement a divisé par trois son recours aux cabinets de conseil entre 2021 et 2022 et a réduit de 15 % les dépenses de conseil en stratégie. Mais, à la même période, le cabinet McKinsey a été sélectionné pour un marché de 75 millions d'euros, alors que la firme fait toujours l'objet d'une enquête pour blanchiment aggravé de fraude fiscale, sans parler de la saisine de la justice par le Sénat le 25 mars pour soupçon de faux témoignages (Mme Nathalie Goulet le confirme.)

Les sociétés de conseil sont perçues comme un moyen simple et agile de pallier le problème des plafonds d'emplois. Mais cela crée un cercle vicieux infernal : la baisse de compétences des services publics entretient le recours à ces cabinets. Nous sommes en présence de pompiers pyromanes qui ne donnent pas à l'administration les moyens d'agir.

Nous approuvons le travail de la commission. Nous avons toutefois déposé de nouveaux amendements ; l'un d'eux vise à expressément interdire le recours aux prestataires privés pour la rédaction des études d'impact et des exposés des motifs des projets de loi.

Nous attendons du Gouvernement qu'il réduise le recours aux cabinets de conseil et qu'il permette à la HATVP de fonctionner correctement.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Guy Benarroche.  - Notre groupe votera cette proposition de loi dans la version issue de la commission des lois (Mmes Nathalie Goulet et Cécile Cukierman applaudissent.)

M. Éric Bocquet .  - Il aura fallu l'engagement des Républicains et de notre groupe pour que ce projet de loi soit inscrit à l'ordre du jour.

M. Alain Chatillon.  - Très bien !

Mme Nathalie Goulet.  - Et nous ?

M. Éric Bocquet.  - Je salue l'ancienne présidente de notre groupe, Éliane Assassi, ainsi qu'Arnaud Bazin.

M. Roger Karoutchi.  - Très bien !

M. Éric Bocquet.  - C'est peu dire que le Gouvernement s'est employé à lutter contre cette proposition de loi transpartisane, avec une circulaire visant à encadrer le volume et le recours au cabinet de conseil le jour même de l'audition d'Amélie de Montchalin. « Qu'ils aillent au pénal ! », s'était ensuite écrié Emmanuel Macron avec fébrilité.

Déposée en 2022, cette proposition de loi n'a jamais été reprise par le Gouvernement. Adoptée en octobre 2022 au Sénat, elle a été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale quinze mois après. La machine à saper le travail parlementaire s'est mise en route. Dès l'examen en commission des lois à l'Assemblée nationale, l'ambition du texte a été amoindrie, malgré le travail de Nicolas Sansu et Bruno Millienne. Marie Lebec a indiqué vouloir réarmer l'État ; c'est tout ce que nous voulons !

Mais réarmer l'État, pour le Gouvernement, c'est tout au plus créer une agence de conseil interne, qui existait déjà : la DITP.

Vous auriez divisé les dépenses par trois depuis 2021 dites-vous, mais aucun document ne l'atteste et votre jaune budgétaire est lacunaire. Il ne peut y avoir de transparence sans information ni sanction. (Le micro de la tribune dysfonctionne ; l'orateur achève son discours en élevant la voix.)

Seulement 9,6 millions d'euros en 2023 pour solde de tout compte. Ce n'est ni suffisant ni acceptable, donnons-nous les moyens de la transparence ! Cette proposition de loi est nécessaire, nous la voterons. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées des groupes UC et Les Républicains)

La séance est suspendue quelques instants.

Discussion des articles

Article 1er

Mme Nathalie Goulet .  - Je tiens à dire tout le mal que je pense de la façon dont ce texte a été traité - façon massacre à la tronçonneuse. Il n'est pas si fréquent que tous les orateurs disent à ce point la même chose !

Monsieur le ministre, le mépris exprimé à l'égard du travail Sénat sur le pantouflage ou la transparence est inacceptable. Pour redonner de la crédibilité à la parole publique et au travail parlementaire, ce texte doit aboutir, dans la version du Sénat. Le travail d'Arnaud Bazin et d'Éliane Assassi est remarquable ; nous y avons tous participé. Le débat montrera que la position du Sénat est la bonne.

Mme la présidente.  - Amendement n°26, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2

Après le mot :

publics

insérer les mots

à caractère administratif

II. - Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Les centrales d'achat au sens de l'article L. 2113-2 du code de la commande publique.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Cet amendement améliore un amendement adopté à l'Assemblée nationale. Cet amendement exclut les Épic du champ d'application du texte, tout en réintégrant dans le périmètre des centrales d'achats, comme l'Union des groupements d'achats publics (Ugap). C'est un compromis.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Cet amendement vise à exclure les Épic du champ d'application du texte, tout en y intégrant les centrales d'achat. C'est un compromis entre la rédaction issue de l'Assemblée nationale et la nôtre ; dès lors, sagesse.

L'amendement n°26 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et, par dérogation, à 200 millions d'euros pour les établissements publics de santé

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Il s'agit de porter le seuil d'application du texte de 60 à 200 millions d'euros pour les établissements de santé. C'est une demande du secteur hospitalier. Les arguments avancés sont assez similaires à ceux justifiant l'exclusion des collectivités territoriales du champ de la proposition de loi.

L'AP-HP ou les hospices de Lyon seraient concernés, mais pas des hôpitaux de plus petite taille.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Le seuil de 60 millions d'euros est déjà le résultat de notre volonté de compromis. Vous nous avez fourni une liste de 91 établissements de santé concernés par votre amendement, soit seulement quelques unités d'écart avec le dispositif actuel. L'objet de votre amendement cite le centre hospitalier de Roanne, ville à laquelle je suis très attachée... (Sourires) Je le crois parfaitement capable de se gérer sans abuser des cabinets de conseil.

La sagesse sénatoriale s'arrêtera ici : avis défavorable.

M. Éric Bocquet.  - Nous ne partageons pas l'objectif d'exclure les établissements de santé réalisant un chiffre d'affaires de 20 à 60 millions d'euros. L'hôpital a subi une politique de rationalisation des coûts. Or les hospices civils de Lyon ont consacré plus de 11 millions d'euros à des prestations de Capgemini, McKinsey ou KPMG.

Une mission d'accompagnement du pôle pharmacie n'a abouti à rien. Une seconde mission a même dû refaire le travail, d'après Mediapart. Résultat : un mécontentement partagé !

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°22, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

3° Les prestations de conseil informatique adossées à des prestations d'audit et de conseil en stratégie des systèmes d'information, l'étude de projet applicatif et le forfait de service de projet applicatif ;

M. Éric Bocquet.  - Nous n'avons pas trouvé l'équilibre ne permettant ni d'inclure ni d'exclure trop largement les prestations informatiques. Je rejoins notre rapporteure : les catégories de maintenance ne recouvrent pas des réalités concrètes. Les dépenses ont plus que doublé depuis 2018 et échappent à la loi. La distinction que nous proposons est plus en phase avec la nomenclature des marchés publics.

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Ros, Pla, Temal, M. Weber et Roiron, Mme Bélim, MM. Tissot, Marie et Redon-Sarrazy, Mme Monier et M. P. Joly.

Aline?a 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et les prestations de re?alisations informatiques

Mme Florence Blatrix Contat.  - Cet amendement réintègre les prestations d'informatique dans le champ de la proposition de loi, aux côtés du conseil en stratégie numérique. Ces services jouent en effet un rôle central dans les administrations. En 2021, les ministères ont dépensé près de 381 millions d'euros pour des prestations d'expertise technique. Les exclure du champ d'application de la loi reviendrait à négliger la majorité des prestations informatiques.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Nous avons limité le périmètre aux seules prestations informatiques qui revêtent un caractère stratégique.

Dès lors, avis défavorable sur ces deux amendements. L'amendement n°22 mentionne des prestations qui font partie des trois catégories listées par la circulaire sans reprendre la catégorie dans son ensemble -  c'est du saupoudrage.

En ce qui concerne l'amendement n°5 rectifié, il semble disproportionné d'exiger le même niveau de transparence et de déontologie pour des installations de matériels ou des opérations de numérisation.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis. La circulaire du 7 février 2023 de la Première ministre est une nouvelle preuve de la volonté d'avancer du Gouvernement : elle opère un distinguo entre les prestations à caractère stratégique et les autres.

M. Arnaud Bazin.  - Il n'a jamais été dans l'esprit de la commission d'enquête de viser des prestations informatiques. Je ne voterai pas l'amendement n°5 rectifié.

L'amendement n°22 aborde un sujet à approfondir au cours de la navette. Il ne faut pas s'en remettre à une définition de ces prestations par décret, au risque de déconvenues.

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai l'amendement n°22, qui pourra être amélioré, puisque nous aurons une vraie navette -  une fois n'est pas coutume... Préciser les choses dans la loi est toujours plus efficace que le faire dans une circulaire.

L'amendement n°22 est adopté.

L'amendement n°5 rectifié n'a plus d'objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par Mme N. Goulet.

Alinéa 12

Supprimer les mots :

relatives aux participations de l'État et de celles

et les mots :

et des prestations de conseil mentionnées aux 4 et 5 du I de l'article L. 311-2 du code monétaire et financier et au 5 de l'article L. 321-1 du même code, lorsqu'elles sont réalisées par des établissements de crédit

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement de bon sens supprime deux dérogations non prévues dans la version initiale. Il s'agit de réintégrer dans le champ de la proposition de loi les prestations réalisées par l'agence des participations de l'État (APE) et les banques.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Ni la commission d'enquête ni la commission spéciale n'ont traité de ces prestations. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis. L'État actionnaire doit agir à armes égales avec ses interlocuteurs privés pour défendre les intérêts de l'État. L'APE est déjà soumise à de nombreux contrôles.

M. Arnaud Bazin.  - Je voterai l'amendement de Mme Goulet, sinon les lacunes se multiplieront. Nous demandons l'intitulé, le coût et l'évaluation des prestations : cela ne menace en rien le secret des affaires ni la concurrence entre l'APE et secteur bancaire. Cela se fera de façon rétrospective, au moins un an après, lors de la présentation du jaune budgétaire : je ne vois aucune difficulté à cet amendement.

L'amendement n°11 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°12 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mme N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

M. Arnaud Bazin.  - Nous souhaitons supprimer l'alinéa 13 de l'article 1er, introduit par l'Assemblée nationale, qui confie à un décret la définition du périmètre.

Nous avons un précédent fâcheux : le décret d'application de la loi Sapin II sur l'encadrement des lobbies, qui l'a complètement vidée de sa substance. Sept ans plus tard, ce décret scélérat n'a toujours pas été modifié. Revenons au texte initial et ne passons pas par un décret, d'autant plus que nous définissons les prestations concernées.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°23, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Éric Bocquet.  - Encore une fois, le Gouvernement dépose treize amendements pour déconstruire le texte du Sénat. Nous ne pouvons donc qu'être inquiets s'agissant des textes réglementaires. Le jaune budgétaire est une parodie de transparence -  sept groupes de marchandises seulement, contre douze dans le rapport sénatorial.

Vous esquivez, vous rechignez, vous resquillez, vous freinez. Peut-être craignez-vous que le recours aux cabinets de conseil n'apparaisse comme le symptôme de gouvernements libéraux qui préfèrent le privé au public ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Nous avons, aux alinéas précédents, précisé la définition et l'encadrement et préféré un décret pris en Conseil d'État plutôt qu'un décret simple.

Nous sommes en deuxième lecture : l'objectif est d'aboutir à un texte consensuel avec l'Assemblée nationale. La commission des lois a donc tenté de trouver des équilibres sans renoncer aux exigences de la commission d'enquête et des auteurs de la proposition de loi. Le décret en Conseil d'État semble un compromis acceptable. Retrait, sinon avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis. Je souscris aux propos très sages de la rapporteure et salue le travail de la commission qui a su trouver des équilibres.

Resquiller, dites-vous ? Vous avez face à vous un ministre respectueux du travail du Sénat et sincère dans son engagement.

Le jaune budgétaire a le mérite d'exister : il montre que le montant des prestations de conseil en stratégie est passé de 260 millions d'euros en 2021, à 130 millions d'euros en 2022, et 73 millions d'euros en 2023. Ne caricaturons pas les positions.

En étant transparent je suis respectueux du Sénat : oui, je réitère mes amendements, même je suis mis en minorité.

M. Arnaud Bazin.  - Je comprends le souhait de la commission de trouver un équilibre, mais pas le besoin d'un décret en Conseil d'État, puisque nous avons bien défini les choses.

Mme Nathalie Goulet.  - Sénateur échaudé craint l'eau froide. Je voterai ces amendements.

Mme Audrey Linkenheld.  - Le groupe SER les votera aussi. Je rappelle les quinze mois d'attente entre l'adoption de ce texte au Sénat et son retour devant notre assemblée. Le taux d'application des décrets étant à parfaire - confer le débat précédent -, réduisons-en le nombre !

Les amendements identiques nos12 rectifié bis et 23 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 17

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Les cabinets de conseil indiquent aux administrations les différents scénarios de projet qu'ils ont décidé d'exclure et expliquent les raisons pour lesquelles ces scénarios de projet n'ont pas été retenus.

M. Guy Benarroche.  - Les prestataires doivent citer tous les scénarios et justifier l'abandon de ceux qu'ils ont écartés. Cet amendement a été préparé avec l'association Sherpa.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - L'Assemblée nationale a considéré que cela ferait peser une charge trop lourde sur les cabinets de conseil et que cela s'appliquerait mal à certaines prestations comme le conseil en informatique. Au demeurant, la notion de « scenario non retenu » n'est pas définie. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

L'article 1er, modifié, est adopté.

Article 1er bis (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I.- Les II à V de l'article 1er, les articles 2 et 5, les 1°, 1° bis et 2° du I de l'article 6, l'article 7, le I de l'article 9, les I à III et V de l'article 10, et les articles 11 à 13, 17 et 18 de la présente loi sont applicables aux régions, aux départements, aux communes de plus de 100 000 habitants et aux établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de plus de 100 000 habitants. 

II.  -  Pour l'application du I du présent article, les 1°, 1° bis et 2° du I de l'article 6 entrent en vigueur dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je sens que mon succès atteindra son apogée avec cet amendement, qui est plutôt d'appel, dès lors.

Les collectivités ne faisaient pas partie du champ d'étude de la commission d'enquête, mais une mission flash de l'Assemblée nationale a apporté quelques éclairages : l'enjeu financier pour les finances locales est non négligeable, avec 557 millions d'euros de prestations de conseil en 2021 - chiffre sous-évalué et en très forte augmentation ; la nature de ces prestations n'est pas si différente, avec du conseil en stratégie sur les grandes orientations des politiques publiques locales ; certaines dispositions de la proposition de loi sénatoriale sont aisément transposables aux collectivités territoriales -  l'interdiction de prendre des décisions administratives ou l'obligation d'utiliser le français, entre autres.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Sans surprise, avis défavorable. Nous ne souhaitons pas intégrer les collectivités territoriales à l'aveugle. Des mécanismes de contrôle et de transparence pour les assemblées délibérantes existent déjà -  ce qui n'est pas le cas entre le Parlement et le Gouvernement  -  : le code de la commande publique s'applique pleinement ; les assemblées délibérantes peuvent contrôler les prestations ; la chambre régionale des comptes peut être saisie. Même si c'est loin d'être parfait, c'est déjà cela.

Des difficultés de méthode s'y ajoutent : les travaux de la commission d'enquête n'ont pas concerné les collectivités territoriales ; il n'y a donc aucun panorama exhaustif et même le Gouvernement a du mal à présenter des données agrégées. L'Assemblée nationale a suggéré d'approfondir l'étude de cette question. Le Gouvernement n'a consulté aucune des associations d'élus locaux - nous les avons interrogées : elles y sont toutes opposées.

M. Arnaud Bazin.  - Monsieur le ministre, si vous tenez tant à ces dispositions, présentez un projet de loi !

Mme Audrey Linkenheld.  - Très bien !

M. Éric Bocquet.  - La commission d'enquête avait expressément exclu les collectivités territoriales, afin de cadrer son travail et de mener ses investigations avec sérieux dans le délai imparti. Son rapport constitue, en quelque sorte, l'étude d'impact de cette proposition de loi. Quant à la mission flash de l'Assemblée nationale, elle a fait consensus sur un point : le besoin de retravailler la question.

L'amendement n°28 n'est pas adopté et l'article 1er bis demeure supprimé.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

des cinq années précédentes

par les mots :

de l'année précédente

M. Stanislas Guerini, ministre.  - C'est un amendement de cohérence avec ceux que j'ai présentés en première lecture. Vous demandez à l'administration un travail faramineux de consolidation des informations sur cinq ans.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Vos explications m'invitent à émettre un avis défavorable. Vous reconnaissez que le jaune budgétaire n'est pas encore satisfaisant. Les députés eux-mêmes ont constaté que la liste des prestations était incomplète. Monsieur le ministre, votre argument relatif à la charge de travail n'est pas acceptable.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°20, présenté par Mme Duranton et les membres du groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

et de la sécurité des systèmes d'information

par les mots :

, de la sécurité des systèmes d'information et à l'exclusion des marchés entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique

Mme Nicole Duranton.  - Les données relatives aux marchés de défense et de sécurité, sensibles, ne devraient pas être concernées. Au demeurant, les marchés supérieurs au seuil européen sont soumis à l'obligation de publication.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable. Nous avons déjà eu ce débat en première lecture. L'exception prévue à l'article 3 s'agissant du secret de la défense nationale est suffisante.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°20 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mme N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.

I.  -  Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

, de même que le bon de commande ou l'acte d'engagement lorsque la prestation de conseil se rattache à un accord-cadre

II.  -  Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Ces informations figurent dans le rapport social unique de l'administration bénéficiaire prévu à l'article L. 231-1 du code général de la fonction publique.

M. Arnaud Bazin.  - Nous réintroduisons deux dispositions de la proposition de loi initiale : la publication en données ouvertes des bons de commande et des actes d'engagement et l'insertion des listes de prestations de conseil dans le rapport social unique.

M. Bruno Sido.  - Très bien.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°24, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Éric Bocquet.  - La commission d'enquête avait constaté qu'à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), le cabinet de conseil avait bousculé les agents : « comme si on ne s'était jamais posé la question de travailler mieux avant ! ». Management visuel, items infantilisants, boite à questions, PowerPoint : cette république des Post-it méprise et maltraite les agents.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis favorable, comme en première lecture.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Le Gouvernement est constant dans sa recherche d'effectivité. La publication en données ouvertes des bons de commande nécessite au minimum le biffage des prix, par exemple. Cela n'est pas automatisé dans les administrations. Imaginez la charge de travail ! Avis évidemment défavorable. Pensons à nos administrations et à la complexité administrative que vous créez... (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Bruno Sido.  - 39 heures !

Les amendements identiques nos13 rectifié bis et 24 sont adoptés.

L'article 3, modifié, est adopté.

L'article3 bis est adopté.

L'article 5 est adopté.

Après l'article 5

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Durant les cinq années qui précèdent une action de mécénat, il est interdit aux prestataires et consultants de réaliser, de proposer ou d'accepter une prestation de conseil à destination de leurs bénéficiaires d'actions de mécénat mentionnés à l'article 238 bis du code général des impôts.

M. Guy Benarroche.  - Nous interdisons aux consultants de fournir des prestations de conseil à un client ayant bénéficié de mécénat de leur part dans les cinq années précédentes - c'est aussi un amendement inspiré par Sherpa.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - J'entends bien l'objectif, mais l'interdiction du mécénat désinciterait les entreprises à y recourir. L'équilibre de l'article 5 est satisfaisant. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une prestation de conseil ne peut être confiée à un prestataire de conseil par l'une des administrations mentionnées au I de l'article 1er que si celle-ci ne dispose pas en interne des ressources humaines nécessaires à sa réalisation dans des délais utiles.

M. Joshua Hochart.  - Depuis plusieurs années, nous assistons à une prolifération des prestataires, dont l'influence ne cesse de croître. Le coût financier est énorme, et notre administration n'est plus ni indépendante ni impartiale quand elle est influencée par des cabinets ayant des intérêts commerciaux.

Cet amendement vise à encadrer strictement le recours aux prestations de conseil, qui ne pourra intervenir que subsidiairement, lorsque l'administration ne dispose pas des ressources en interne.

C'est un amendement de bon sens et de bonne gestion des deniers publics. Nos fonctionnaires doivent redevenir les artisans de nos politiques publiques. Éloignons-nous de l'ubérisation du service public et reprenons le contrôle !

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Il faut raison garder. Une telle précision est superflue. Le Gouvernement a certes des torts, mais il ne recourt probablement pas aux cabinets de conseil pour son bon plaisir, quand l'administration offre des ressources adaptées. Avec l'article 3, nous favorisons le développement des moyens de conseil internes. Inscrire la subsidiarité du recours aux prestataires de conseil dans la loi n'est pas utile : avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

Après l'article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le cahier des charges des prestations de conseil peut contenir une clause permettant de choisir un cabinet de conseil en fonction de l'implantation de son siège social sur le territoire national.

M. Joshua Hochart.  - La question de notre indépendance à l'égard des grands cabinets internationaux est cruciale. Comment garantir que nos données sensibles et nos savoir-faire ne seront pas captés par des intérêts étrangers ? Nos hauts fonctionnaires doivent redevenir les artisans de l'action publique.

Cet amendement réaffirme donc la priorité nationale dans le choix des prestataires de conseil, dans une logique de réindustrialisation et de relocalisation des activités stratégiques : les cabinets ayant leur siège social en France seraient privilégiés.

Nous avons trop cédé aux sirènes de la mondialisation sans frein. Nous devons défendre nos fleurons nationaux. Néanmoins, en l'absence d'alternative, le recours aux cabinets internationaux resterait possible.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Je décèle une petite contradiction (M. Joshua Hochart manifeste sa désapprobation) : dans l'amendement précédent, il ne fallait jamais avoir recours aux cabinets de conseil, ici cela devient possible...

Sur le fond, le principe de non-discrimination est précisé par la directive du 26 février 2014, qui proscrit les clauses de préférence locale ou nationale, ainsi que par l'article L.3 du code de la commande publique qui rappelle le principe d'égalité de traitement. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

Article 5 bis (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante : 

L'administration ne peut recourir aux prestataires et consultants privés pour la rédaction des études d'impact et pour la rédaction de l'exposé des motifs des projets de loi.

M. Guy Benarroche.  - Nous voulons interdire le recours aux consultants privés pour la rédaction des études d'impact et des exposés des motifs des projets de loi -  en 2018, Édouard Philippe leur avait délégué ces tâches pour le texte sur les transports. Les services de l'État ne doivent pas être dépossédés de leur rôle.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - La commission des lois a supprimé cet article, non pas pour offrir un blanc-seing au Gouvernement sur les études d'impact et les exposés des motifs, mais parce qu'une telle disposition requiert une loi organique : avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis. La proposition de loi atteint un bon équilibre quand elle interdit la marque blanche ou le pro bono. Mais laissons le Gouvernement recourir à des cabinets quand il a besoin d'une expertise technique poussée.

Mme Audrey Linkenheld.  - Convaincue par l'argumentaire juridique de la rapporteure, j'étais prête à la suivre jusqu'au bout si je n'avais pas entendu à l'instant le ministre nous expliquer que c'est non pas un problème juridique, mais politique. Je suis très surprise de cet argument. Y a-t-il de véritables raisons juridiques ?

Mme Cécile Cukierman, rapporteur.  - On peut arriver à des votes identiques pour des raisons diverses. Je maintiens mes arguments, sans malice ; le ministre a les siens.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5 bis demeure supprimé.

Article 6

Mme la présidente.  - Amendement n°31, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 7

Rédiger ainsi le II :

II.  -  Les évaluations prévues au I sont rédigées à partir d'un modèle fixé par décret.

Sous réserve des articles L. 311-5 et L 311-6 du code des relations entre le public et l'administration et à la condition que ces évaluations ne portent pas sur des prestations de conseil préparatoires à une décision administrative tant qu'elle est en cours d'élaboration ou sur des marchés entrant dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 1113-1 du code de la commande publique, elles sont publiées sous forme électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Il s'agit de préciser le périmètre de publication des évaluations des prestations en rétablissant l'équilibre entre nécessaire transparence et nécessaire protection des secrets mentionnés au code des relations entre le public et l'administration (CRPA). Évitons une exception pour les seuls cabinets de conseil.

Le secret des affaires est très précisément défini en droit et il a été reconnu en 2018 par le Conseil constitutionnel. La structuration d'une filière économique pourrait peut donner lieu à la révélation de la situation difficile de certaines entreprises...

Excluons provisoirement la publication de l'évaluation des prestations de conseil préparatoires à une décision administrative, suivant les dispositions du code des relations entre le public et l'administration en matière de communication des documents administratifs.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - J'entends les arguments du ministre, mais la rédaction de l'amendement, beaucoup trop large, risque de priver d'effectivité l'article 6. Avis défavorable.

L'amendement n°31 n'est pas adopté.

L'article 6 est adopté.

L'article 6 bis est adopté.

L'article 9 est adopté.

Article 10

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lavarde et N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.

Alinéas 3 à 14

Rédiger ainsi ces alinéas :

II.  -  Pour le prestataire, la déclaration d'intérêts porte sur les éléments suivants :

1° Les missions qu'il a réalisées, au cours des cinq dernières années, pour des clients de droit public ou de droit privé et qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou sur l'issue de la prestation de conseil envisagée ;

2° Les missions qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou sur l'issue de la prestation de conseil envisagée qui ont été réalisées au cours des cinq dernières années, pour des clients de droit public ou de droit privé, par les sociétés dans lesquelles il détient une participation financière ;

3° Les missions qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou sur l'issue de la prestation de conseil envisagée qui ont été réalisées par la société qui contrôle, directement ou indirectement, le prestataire au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

III.  -  Pour les consultants, la déclaration d'intérêts porte sur les éléments suivants :

1° Les activités professionnelles ayant donné lieu, au cours des cinq dernières années, à une rémunération ou à une gratification ;

2° Les missions qu'ils ont réalisées, au cours des cinq dernières années, pour des clients de droit public ou de droit privé et qui sont susceptibles de générer une influence sur la conduite ou sur l'issue de la prestation de conseil envisagée ;

3° Les participations, au cours des cinq dernières années, aux organes dirigeants d'un organisme public ou privé ou d'une société intervenant dans le même secteur que la prestation ;

4° Les participations financières directes détenues, à cette date, dans le capital d'une société intervenant dans le même secteur que la prestation ;

5° Les activités professionnelles exercées, à cette date, par leur conjoint, le partenaire auquel ils sont liés par un pacte civil de solidarité ou leur concubin ;

6° Les fonctions bénévoles actuelles ou terminées susceptibles de faire naître un conflit d'intérêts ;

7° Les fonctions et mandats électifs exercés au cours des cinq dernières années.

M. Arnaud Bazin.  - Prenons acte du consensus transpartisan Sénat-Assemblée nationale et refermons l'article 10 par un vote conforme.

Quelle est la frontière entre consultant junior et senior ? Les juniors, qui écrivent les rapports, peuvent être en situation de conflit d'intérêts, sans que les seniors en aient connaissance. Tous les consultants doivent remplir une déclaration d'intérêts.

Mme la présidente.  - Amendement n°32, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 12

Supprimer cet alinéa.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - L'accord-cadre de la DITP prévoit une déclaration sur l'honneur d'absence de conflit d'intérêts pour les consultants, opposable pénalement.

L'équilibre trouvé par la commission, qui cible les consultants qui encadrent la mission et qui sont susceptibles d'avoir une influence sur la décision administrative, est le bon.

Veillons à la constitutionnalité de la loi en ne visant ni les conjoints, ni les concubins, ni les activités bénévoles des consultants. Suivant la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ces atteintes à la vie privée sont probablement disproportionnées.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Défendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Monsieur Bazin, notre rédaction de l'article 10 est certes perfectible, mais celle de l'Assemblée nationale n'est pas satisfaisante : un vote conforme serait dommageable.

Il est nécessaire de circonscrire l'obligation de déclaration d'intérêts aux seuls consultants qui encadrent la mission. Il faut aussi borner dans le temps les fonctions bénévoles devant figurer dans la déclaration. Enfin, la commission a souhaité rendre plus opérantes certaines formulations introduites par l'Assemblée nationale : à la notion d'influence, vague et subjective, elle a préféré celle de conflit d'intérêts.

Avis défavorable à l'amendement n°14 rectifié bis.

J'entends vos craintes sur les atteintes à la vie privée, mais une telle obligation se justifie face au risque de conflit d'intérêts. Avis défavorable à l'amendement n°32.

Quant à l'amendement n°33, nous avons fait un compromis, avec un bornage dans le temps à cinq ans. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°14 rectifié bis.

M. Arnaud Bazin.  - Je retire l'amendement n°14 rectifié bis, après avoir entendu les arguments de la rapporteure. J'espère toutefois que nous aboutirons à un texte définitif efficace, précisant les obligations des uns et des autres.

Avec nos pauvres moyens, nous-mêmes sénateurs sommes astreints à de telles obligations.

L'amendement n°14 rectifié bis est retiré.

L'amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°33.

L'article 10 est adopté.

Article 11

Mme la présidente.  - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par M. Bazin, Mmes Lavarde et N. Goulet, MM. Burgoa, Sautarel et Wattebled, Mme Eustache-Brinio, M. Karoutchi, Mmes Estrosi Sassone et Muller-Bronn, MM. Pellevat, D. Laurent, Cambon et Chatillon, Mmes Dumont, Micouleau, Lassarade et M. Mercier, MM. Lefèvre, Naturel, Bouchet, Bruyen, Saury et Brisson, Mme Imbert, M. C. Vial, Mmes P. Martin et Belrhiti et MM. Belin, Sido et Gremillet.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, sous forme électronique, dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé

M. Arnaud Bazin.  - Améliorons la transparence en prévoyant la publication en données ouvertes des actions de démarchage, de prospection et de mécénat des cabinets de conseil, telle que votée à l'unanimité par le Sénat en première lecture.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - L'Assemblée nationale a souhaité un alignement sur les règles applicables aux représentants d'intérêts. La précision que vous souhaitez devrait figurer dans le décret en Conseil d'État. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°15 rectifié bis est adopté.

L'article 11, modifié, est adopté.

Article 12

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Benarroche, Mme M. Vogel, MM. G. Blanc et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mmes Ollivier et Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et Souyris.

Alinéa 4

Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :

2° Une organisation syndicale de fonctionnaires représentée au Conseil supérieur de la fonction publique de l'État ;

M. Guy Benarroche.  - Lors de l'affaire McKinsey, plusieurs organisations syndicales ont déposé plainte auprès du parquet national financier (PNF). Les syndicats, qui jouent un rôle de contrôle et de protection des salariés, doivent pouvoir saisir la HATVP en cas de manquement déontologique des consultants. Cet amendement a été voté à l'unanimité du Sénat en première lecture.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°25, présenté par M. Bocquet et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.

M. Éric Bocquet.  - Défendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis très défavorable. Les syndicats défendent les agents publics ; ils n'ont pas à contrôler les prestataires privés et ne peuvent saisir une autorité administrative indépendante.

Les amendements identiques nos4 rectifié et 25 sont adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°10, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Soixante députés ou soixante sénateurs ;

M. Joshua Hochart.  - Le rôle de la HATVP est essentiel. Nous voulons qu'elle puisse être saisie par 60 députés ou 60 sénateurs, comme le Conseil constitutionnel, afin d'éviter que des affaires ne soient étouffées comme par le passé. Nous ne pouvons plus tolérer l'ombre du soupçon ni les portes dérobées par lesquelles se glissent les intérêts particuliers. Renforçons le contre-pouvoir qu'est la HATVP.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Le parallèle avec la saisine du Conseil constitutionnel est hasardeux. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis.

Mme Nathalie Goulet.  - La loi Sapin prévoit déjà des procédures pour les lanceurs d'alerte. Cet amendement n'est vraiment pas nécessaire : je ne le voterai pas.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°34, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 8 et 9 

Supprimer ces alinéas.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Supprimons le pouvoir de vérification sur place de la HATVP, qui n'est pas utile. Celle-ci peut d'ores et déjà se faire communiquer tout document par l'administration ou les prestataires, et elle peut consulter qui bon lui semble.

Demain, la HATVP pourrait se rendre chez un consultant pour un contrôle sur place. De plus, vous venez de voter l'obligation de déclaration de toutes les activités des consultants et de leurs conjoints - y compris bénévoles, politiques et religieuses... Même les ministres et les parlementaires ne sont pas soumis à de telles obligations ! J'invite le Sénat à s'interroger sur le caractère proportionné de cette mesure.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - On entre là dans une série d'amendements dont nous avons déjà débattu : quels pouvoirs pour la HATVP ? Le ministre veut supprimer son pouvoir de contrôle sur place, qui nous semble pourtant indispensable. Soit on se contente d'une déclaration de principe, soit on lui donne véritablement les moyens.

Certains, ici, vantent les vertus de l'économie de marché. Tant que ces marchés demeureront juteux, les cabinets de conseil continueront leur activité. Je ne m'inquiète pas pour leur avenir !

Je ne doute pas que la volonté du Gouvernement de réduire le recours aux cabinets de conseil produira ses effets. La Haute Autorité ne croulera pas sous une charge de travail exponentielle. Avis défavorable.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

L'article 12, modifié, est adopté.

Article 13

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Est puni d'une peine de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 € d'amende, le fait :

1° De ne pas respecter les exigences des dispositions des articles 2, 10 et 11 ;

2° Pour le prestataire de conseil, de réaliser ou d'accepter, à titre gracieux, une prestation de conseil au sens de l'article 1er à l'exclusion des actions de mécénat mentionnées à l'article 238 bis du code général des impôts ;

3° D'entraver l'action de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique en refusant de lui communiquer toute information ou pièce utile à l'exercice de sa mission, quel qu'en soit le support, sous réserve de la préservation des secrets au sens de l'article 12.

Les personnes physiques coupables de l'une des infractions prévues au présent article encourent également l'exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, dans les conditions prévues à l'article 131-34 du code pénal.

Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l'article 121-2 du même code de l'une des infractions prévues au présent article encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 dudit code, la peine prévue au 5° de l'article 131-39 du même code.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je ne me soucie pas de l'avenir des cabinets de conseil - je n'ai pas d'actions ! - mais de l'intérêt de l'État, qui peut avoir, à l'occasion, besoin d'une expertise, d'un regard extérieur.

L'amendement n°35 maintient le dispositif actuel, qui permet à la HATVP de saisir la justice pour aller jusqu'à des sanctions pénales.

Je m'interroge sur l'effectivité d'un système ad hoc pour les cabinets de conseil, comme le propose le Sénat. Privilégions le droit actuel, qui n'est pas moins lourd que les sanctions administratives proposées par le Sénat. Par cohérence, je défendrai un amendement de suppression de la commission dédiée.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté.

Article 14

Mme la présidente.  - Amendement n°36, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Je l'ai présenté.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Article 15

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Idem.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis défavorable.

L'amendement n°37 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°16, présenté par Mme N. Goulet.

I.  -  Alinéa 2

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

1° A Au premier alinéa de l'article L. 2141-1, après la référence : « 434-9-1 », est insérée la référence : «, 434-13 » ;

II.  -  Alinéa 6

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

1° bis Au premier alinéa de l'article L. 2341-1, après la référence : « 434-9-1 », est insérée la référence : « , 434-13 » ;

III.  -  Alinéa 15

Rétablir cet alinéa dans la rédaction suivante :

3° bis Au premier alinéa de l'article L. 3123-1, après la référence : « 434-9-1 », est insérée la référence : « , 434-13 » ;

Mme Nathalie Goulet.  - Cet amendement, adopté en première lecture au Sénat, ajoute les auteurs de faux témoignage à la liste des infractions entraînant l'exclusion de la commande publique. Je vous renvoie aux auditions de notre commission d'enquête...

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Avis favorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Avis défavorable, pour des raisons légistiques, même si je partage l'esprit. L'amendement n'est pas compatible avec la directive européenne relative au marché public, qui fixe une liste limitative des motifs d'exclusion.

L'amendement n°16 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par Mme Cukierman, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

Après la trente-deuxième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 2651-1, après la trente-et-unième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 2661-1 et L. 2671-1 et après la trentième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 2681-1, est insérée une ligne ainsi rédigée :

II.  -  Alinéa 11 :

Rédiger ainsi cet alinéa :

La trente-quatrième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 2651-1, la trente-troisième ligne du tableau du second alinéa des articles L. 2661-1 et L. 2671-1 et la trente-deuxième ligne du tableau du second alinéa de l'article L. 2681-1 sont ainsi rédigées :

III.  -  Alinéa 13

1° Remplacer le mot :

troisième

par le mot :

deuxième

2° Après la première occurrence du mot :

ligne

insérer les mots :

du tableau du second alinéa

3° Remplacer le mot :

deuxième

par le mot :

unième

L'amendement de coordination n°40, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 15, modifié, est adopté.

Article 16

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Le chapitre IV du titre II du livre Ier du code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° L'article L. 124-4 est ainsi modifié :

a) Au troisième alinéa, après les mots : « précédant le début de cette activité, », sont insérés les mots : « s'agissant en particulier des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif, » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique élabore des recommandations afin d'harmoniser l'examen par l'autorité hiérarchique et par le référent déontologue des demandes émanant d'un agent public cessant ou ayant cessé ses fonctions depuis moins de trois ans, définitivement ou temporairement, et souhaitant fournir des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif. » ;

2° L'article L. 124-7 est ainsi modifié :

a) Après les mots : « une activité privée lucrative », sont insérés les mots : « , en particulier des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif, » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique élabore des recommandations afin d'harmoniser l'examen par l'autorité hiérarchique et par le référent déontologue de la compatibilité des prestations de conseil dans le secteur privé lucratif fournies au cours des trois dernières années par la personne qu'il est envisagé de nommer avec les fonctions auxquelles elle candidate. »

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Il s'agit de restaurer le principe de contrôle gradué qui prévaut en matière déontologique et de l'appliquer aux allers-retours vers les cabinets de conseil, sans créer un droit particulier les concernant.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Mentionner explicitement le secteur du conseil dans les dispositions de droit commun de la fonction publique n'a aucune portée par rapport au droit existant. Charger la Haute Autorité d'élaborer des recommandations ne relève pas de la loi. Nous tenons à notre rédaction de cet article 16. Avis défavorable.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

Après l'article 16

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par MM. Hochart, Szczurek et Durox.

Après l'article 16

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Les personnes occupant les emplois ou fonctions pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée en application de l'article 13 de la Constitution, qui souhaitent exercer une activité de conseil au sein d'un cabinet de conseil ayant son siège en dehors du territoire national ou sous contrôle étranger, sont tenues d'en faire la déclaration au Premier ministre, en respectant un délai de préavis fixé par un décret en Conseil d'État.

Cette obligation s'applique dans les dix années suivant la cessation des emplois ou fonctions mentionnés au premier alinéa du présent I. 

II.  -  Les personnes soumises à l'obligation prévue au présent I en sont informées.

III.  -  Le Premier ministre peut s'opposer à l'exercice de l'activité envisagée lorsqu'il estime que cet exercice comporte un risque de divulgation d'informations de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.

La décision d'opposition n'intervient qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, sur sa demande, des observations orales.

IV.  -  En cas de méconnaissance de l'obligation prévue au I ou de l'opposition prévue au III, le contrat conclu en vue de l'exercice de l'activité envisagée est nul de plein droit.

M. Joshua Hochart.  - Défendu.

L'amendement n°8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Article 17

Mme la présidente.  - Amendement n°17, présenté par Mme Linkenheld et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par les mots :

, et dispose des pouvoirs prévus aux articles 20, 22 et 22-1 de cette même loi

Mme Audrey Linkenheld.  - L'article 17 accorde à la Cnil des pouvoirs nouveaux de contrôle sur les données non personnelles contenues dans les documents remis par les cabinets, qui peuvent être sensibles. Protégeons-les.

La Cnil estime que ce nouveau pouvoir de contrôle doit être assorti d'un pouvoir de sanction, comme pour les données personnelles. C'est l'objet de cet amendement de cohérence.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°18 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Maurey et Laugier, Mme Antoine, M. Mizzon, Mme Billon, MM. Kern, Canévet et Lafon, Mmes Gatel et Perrot, MM. Chauvet et Duffourg, Mme Jacquemet et M. Capo-Canellas.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Ces nouvelles dispositions élargissent sensiblement les missions de la Cnil.

Si les cabinets de conseil étaient amenés à transmettre des données à caractère personnel, ils seraient, au sens de la réglementation, des responsables de traitement comme les autres, donc soumis au RGPD et à la loi Informatique et libertés, et potentiellement aux sanctions de la Cnil. Cet amendement est donc logique.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - En première lecture, nous avions étendu les pouvoirs de contrôle de la Cnil, mais sans étendre ses pouvoirs de sanction, car cela aurait trop modifié l'esprit de la loi Informatique et libertés. Sans étude d'impact, l'application d'une telle disposition me semble risquée. N'allons pas trop vite en besogne.

En deuxième lecture, nous avons intérêt à sécuriser ce qui a été validé par l'Assemblée nationale sur certains points, et à garder des articles ouverts sur d'autres pour cheminer vers un texte commun. L'Assemblée nationale a le dernier mot, je le rappelle. Avis défavorable, tant sur le fond que sur la forme.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - Même avis, sur le fond.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Vous avez fait la démonstration vous-même : soit on amende le texte complètement, avec une étude d'impact, pour qu'il soit efficace et conforme aux pratiques de la Cnil, soit on ne fait rien. Il faut être cohérent !

Tout cela ajoutera en outre du travail à la Cnil, qui a déjà fort à faire. Il faudra y penser au moment de l'examen du projet de loi de finances.

Les amendements identiques nos17 et 18 rectifié bis ne sont pas adoptés.

L'article 17 est adopté.

Article 18

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mme Blatrix Contat, MM. Ros, Pla, Temal, M. Weber et Roiron, Mme Bélim, MM. Tissot, Marie et Redon-Sarrazy, Mme Monier et M. P. Joly.

Alinéa 2

Après la deuxième occurrence du mot :

se?curite?

inse?rer les mots :

et de protection des donne?es garantissant notamment la protection des donne?es traite?es ou stocke?es contre tout acce?s par des autorite?s publiques d'E?tats tiers non autorise? par le droit de l'Union europe?enne ou d'un E?tat membre,

Mme Florence Blatrix Contat.  - Cet amendement vise à renforcer la protection des données sensibles en imposant des garanties contre l'accès non autorisé par des autorités publiques d'États tiers lors des prestations de conseil privé, en cohérence avec les dispositions de la loi visant à sécuriser et à réguler l'espace numérique, dite loi Sren.

Appliquons aux cabinets de conseil les règles en vigueur pour nos administrations, notamment la qualification SecNumCloud de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Cet amendement comble une faille critique.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Je comprends l'intérêt de cet amendement pour contourner l'extraterritorialité du droit américain, mais je doute de sa portée opérationnelle, faute de disponibilité suffisante de l'offre en cloud sécurisée. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Stanislas Guerini, ministre.  - L'enjeu de la protection des données sensibles est essentiel. Le référentiel SecNumCloud fait peser les contraintes de protection des données sur les fournisseurs de solutions techniques. Il existe de plus en plus de solutions de cloud de confiance, proposées par des entreprises françaises. Ne faisons pas peser les contraintes sur leurs utilisateurs, on manquerait la cible. Retrait, sinon avis défavorable.

Mme Florence Blatrix Contat.  - Il faut s'assurer que les cabinets de conseil ont recours aux solutions de cloud sécurisées.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Même avis que le Gouvernement.

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Je voterai cet amendement de bon sens, qui s'inscrit dans le droit fil des travaux de la commission des affaires européennes sur la souveraineté des données - sachant que ces dernières, même sous label SecNumCloud, sont à tout moment transférables vers les États-Unis.

M. Arnaud Bazin.  - Si nous votons conforme l'article 18, nous engrangeons déjà le principe de l'audit de sécurité. Le mieux est parfois l'ennemi du bien.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Eh oui !

L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté.

Article 19

Mme la présidente.  - Amendement n°39, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - La liberté contractuelle, garantie par la Constitution, s'oppose à l'application rétroactive de dispositions législatives à des contrats en cours.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - Au vu des incertitudes sur le calendrier législatif, nous voulons nous assurer de l'application de la loi dès la promulgation du texte et non à l'expiration des accords-cadres, conclus pour une durée de quatre ans. Avis défavorable.

M. Stanislas Guerini, ministre.  - La quasi-totalité des recommandations de votre commission d'enquête ont été intégrées dans l'accord-cadre, qui s'applique d'ores et déjà à toutes les administrations de l'État. Nous n'avons pas attendu.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure.  - À ce jour, je ne sais pas si le texte sera promulgué avant la négociation du prochain accord-cadre.

L'amendement n°39 n'est pas adopté.

L'article 19 est adopté.

Vote sur l'ensemble

Mme Nathalie Goulet .  - Nous voterons le texte issu des travaux du Sénat. La rapporteure l'a dit, nous ne savons pas quand il sera définitivement adopté.

Le document budgétaire promis devra être plus complet, au vu des carences du document de politique transversale. Monsieur le ministre, c'est le moment de montrer votre bonne volonté ! Nous devrons avoir un document budgétaire conforme à la réglementation d'ici le PLF.

M. Éric Bocquet .  - Nous voterons ce texte, revenu pour l'essentiel à l'esprit de la commission d'enquête. C'est une avancée.

Mme Audrey Linkenheld .  - Le groupe SER votera cette proposition de loi. Nous sommes favorables à l'installation d'une relation de transparence entre les cabinets de conseil privés et les administrations et opérateurs de l'État. Le recours à ces cabinets doit se faire dans des conditions différentes.

Nous avons des fonctionnaires d'État de très bon niveau, aux compétences équivalentes à celles des consultants, avec pour petit plus le sens de l'intérêt général et du service public. Espérons que ce texte aboutira, malgré les manoeuvres dilatoires du Gouvernement.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Je voterai ce texte et salue le travail mené. Mais j'insiste sur l'absurdité qu'il y a à étendre les missions de la Cnil sans lui donner les moyens de les exercer.

Mme Cécile Cukierman, rapporteure de la commission des lois .  - Je salue à nouveau la qualité des travaux de la commission d'enquête. Monsieur le ministre, la publication de ces travaux et les premiers débats au Sénat ont modifié culturellement les rapports des cabinets de conseil avec les administrations. Une traduction législative s'impose. Nous connaissons les méandres, parfois tortueux, du travail législatif... Vous avez les cartes en main pour que ce texte poursuive son chemin dans un délai raisonnable à l'Assemblée nationale. Nous en avons besoin, pour rétablir la confiance en l'action publique.

L'Assemblée nationale doit étudier ce texte rapidement, à l'occasion d'une semaine gouvernementale ; vous pourrez convoquer ensuite rapidement une CMP, pour une promulgation dans un délai raisonnable.

M. Guy Benarroche .  - Je confirme que le GEST votera ce texte, dès lors que le Sénat a rétabli la substantifique moelle des travaux de la commission d'enquête.

Monsieur le ministre, n'attendez pas encore un an avant d'inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Nous comptons sur vous ! Nous avons fait deux fois le job : avec la commission d'enquête, puis en rétablissant l'équilibre du texte. À vous de le soumettre aux députés, pour finir le travail.

M. Arnaud Bazin .  - Je salue de nouveau les travaux de la rapporteure et de la commission des lois. Nous ne sommes plus dans la même situation que lors de la commission d'enquête. (Mme Cécile Cukierman le confirme.) Les cabinets de conseil eux-mêmes ont repris nos recommandations et instauré un cadre plus protecteur. Il faut désormais inscrire rapidement ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, puis convoquer une CMP qui fera litière des quelques difficultés qui demeurent. Nous avons fait l'essentiel du chemin.

La proposition de loi, modifiée, est adoptée

Mme la présidente.  - À l'unanimité ! (Applaudissements)

La séance est suspendue quelques instants.