Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
J'excuse l'absence du Premier ministre, retenu à l'Élysée.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Dissuasion nucléaire française et européenne
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une nouvelle fois, des déclarations du Président de la République sur la défense font polémique. Nous n'avions pas besoin de cela, alors que les tensions géopolitiques sont à leur comble.
Lors du débat sur la loi de programmation militaire (LPM), le Gouvernement écartait les demandes du Sénat de discuter du format des armées, au motif que nous disposions de la dissuasion nucléaire. Et voilà qu'au détour d'une interview, le Président de la République appelle à « tout mettre sur la table » : le conventionnel, la défense antimissile, les missiles de longue portée - et l'arme nucléaire !
La dissuasion, c'est l'assurance vie des Français et le fruit de leurs impôts depuis que le général de Gaulle a souhaité l'indépendance stratégique de la France.
Si le débat mérite d'être ouvert, on ne peut lancer l'idée dans la presse sans dire avec qui, comment, qui paie et qui décide. Le sujet mérite mieux que l'improvisation et les petites phrases.
Quelle est la prochaine étape ? Qu'allez-vous dire à nos partenaires, et avec quels objectifs concrets ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État chargée des anciens combattants et de la mémoire . - Veuillez excuser le ministre des armées, qui est avec nos forces.
Notre stratégie nucléaire a toujours concilié l'indépendance de la dissuasion française et la liberté d'action du Président de la République avec la solidarité inébranlable envers nos alliés européens. Depuis la fin de la guerre froide, notre dissuasion nucléaire a un rôle européen, qui dépasse le cadre de l'Union.
Le contexte impose une réflexion collective sur la défense de l'Europe. Au coeur de la défense de notre pays, la dissuasion française est un élément incontournable de la défense européenne.
En 2022, dans son discours à l'École militaire, le Président de la République avait évoqué la « dimension européenne de nos intérêts vitaux ». Ce n'est pas nouveau : le président Chirac, déjà, avait rappelé que la dissuasion française était un élément incontournable de la sécurité du continent, à la suite du président Mitterrand.
La dissuasion nucléaire française est pleinement souveraine. La décision de la mettre en oeuvre ne sera partagée avec personne. Par sa dissuasion, la France contribue à la crédibilité de la défense de l'Europe. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Cédric Perrin. - Le problème, c'est plus la forme que le fond. La priorité devrait être de traiter les problèmes de nos armées. Parlons de la faiblesse de notre production après quarante ans de désindustrialisation, du manque de commandes, des difficultés de recrutement des armées et des moyens qui progressent moins vite que les besoins.
Mme Patricia Mirallès, secrétaire d'État. - Et le doublement acté dans la LPM ?
M. Cédric Perrin. - Lancer des ballons d'essai ne fait pas une stratégie ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Blocages à Sciences Po et dans les universités (I)
Mme Patricia Schillinger . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ces derniers jours, des étudiants et des militants ont manifesté à Sciences Po ou à la Sorbonne en soutien à la Palestine, bloquant et occupant les sites, pour contester et non dialoguer. Le retour au calme était nécessaire, car les examens approchent. Les cours ont repris hier, et je salue l'engagement du Gouvernement.
Si ce mouvement est pour l'heure circonscrit à quelques campus, il faut nous interroger sur ses causes, ainsi que sur les méthodes discutables employées pour faire pression sur les autorités.
L'université est un lieu essentiel pour permettre aux jeunes d'acquérir une pensée critique. On doit pouvoir y discuter, argumenter, faire valoir ses idées et débattre - même, qui sait, changer d'avis.
M. François Bonhomme. - Pas quand tout est bloqué !
Mme Patricia Schillinger. - Il est inacceptable de voir des groupes minoritaires exclure ceux qui ont une opinion différente des leurs. Soutenus par La France insoumise, venue attiser les flammes de la haine et de l'intolérance, certains manifestants se sont permis de stigmatiser une partie des étudiants. Dans un pays qui tient à la liberté d'expression, c'est intolérable.
Au-delà des mouvements des dernières semaines, comment accompagner les universités pour qu'elles restent des lieux d'apprentissage et de débat, et non de censure et de pensée unique ? (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Nous devons garantir à nos étudiants des conditions d'étude sereines, mais aussi garantir le respect du cadre démocratique et républicain.
M. François Bonhomme. - C'est raté !
Mme Sylvie Retailleau, ministre. - Notre position est simple : le débat respectueux, dans un cadre républicain, oui ; le blocage, ce sera toujours non.
Je regrette que certains irresponsables soufflent sur les braises et instrumentalisent ce conflit en appelant au soulèvement. C'est très grave, et nous devrions tous le condamner fermement. L'outrance ne fait pas de bien à notre démocratie. Cela suffit ! (M. Roger Karoutchi soupire.) Un président d'université a été comparé à un nazi : j'ai porté plainte pour injure publique à l'encontre d'un agent public.
Comment rétablir les conditions d'étude et de débat contradictoire dans nos établissements ? Jeudi, je réunirai les présidents d'université pour exprimer des positions et évoquer des actions et un calendrier.
La transmission des savoirs - mission première des universités - et le maintien d'un cadre de travail serein, dans le respect de la loi et des règlements intérieurs des établissements, voilà ce que nous appelons de nos voeux. Nous ne transigerons pas sur le respect du cadre républicain. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Véronique Guillotin applaudit également.)
M. François Bonhomme. - Paroles...
Blocages à Sciences Po et dans les universités (II)
Mme Vanina Paoli-Gagin . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je vous interroge sur ce même sujet, preuve de sa gravité.
Nous assistons, consternés, à une manipulation par de pseudo-mouvements étudiants : Sciences Po et la Sorbonne, temples de la connaissance et du pluralisme des idées, ...
M. Laurent Burgoa. - C'est bien fini !
Mme Vanina Paoli-Gagin. - ... pris en otage par une minorité radicale. Cette mobilisation a pris des proportions dangereuses. Nous ne pouvons tolérer ni l'occupation de locaux universitaires ni l'instrumentalisation politique des étudiants, encore moins les appels à la haine antisémite.
Au fil des années, la garde a été baissée sur la défense du pacte républicain. Cela a pris une tournure politique : les étudiants à l'origine des blocages sont soutenus activement par une extrême gauche dont le naufrage se profile chaque jour davantage.
Nous assistons à une dérive idéologique au sein de ces établissements censés former nos élites républicaines, qui devraient être les lieux de la confrontation des idées, du débat raisonné, de la transmission éclairée. Ce négationnisme intellectuel est diamétralement opposé à l'esprit des Lumières. Tout tend à devenir opinion, dans la polarisation et l'outrance.
Face à la radicalisation, refusons la capitulation intellectuelle et restons fermes. Madame la ministre, que pouvons-nous faire de plus pour que notre université renoue avec l'universalité ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; MM. Loïc Hervé et Philippe Bas applaudissent également.)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Merci d'avoir rappelé le rôle et les missions des établissements d'enseignement supérieur. Le débat, la liberté d'expression, respectueuse et cadrée, en fait partie. Les blocages, les intimidations, c'est non ! L'incitation à la haine, l'appel au soulèvement, à l'insurrection, c'est non ! (Mmes Laurence Rossignol et Marie-Pierre de La Gontrie s'exclament.)
Nous restons fermes. Il est de notre responsabilité collective de veiller au respect du cadre républicain, à la sécurité des biens et des personnes, à l'équilibre. Aucune sanction pour des faits graves, comme des signalements d'antisémitisme, ne sera abandonnée. (On le conteste sur les travées du groupe Les Républicains.) Honte à ceux qui soufflent sur les braises, honte à ceux qui instrumentalisent ces conflits et utilisent notre jeunesse ! C'est irresponsable et dangereux.
Je l'ai dit, nous travaillons concrètement avec les présidents d'université. Le déchaînement de haine, l'appel à l'insurrection, la reprise d'odieux symboles, c'est non ! Les universités sont des lieux d'étude. Elles sont trop précieuses pour qu'on piétine leur image et qu'on tente d'y importer cette mobilisation américaine. (M. François Bonhomme s'exclame ; M. Martin Lévrier applaudit.)
M. Mickaël Vallet. - Et le budget ?
Mme Vanina Paoli-Gagin. - Madame la ministre, nous comptons sur votre action (marques d'ironie à droite) pour protéger notre jeunesse, parfois instrumentalisée par des forces obscures étrangères. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Beauvau de la sécurité civile
Mme Guylène Pantel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Après le Beauvau de la sécurité et le Beauvau des polices municipales, vous lanciez, mardi dernier, le Beauvau de la sécurité civile. Parallèlement, une intersyndicale de neuf organisations de sapeurs-pompiers appelle à la mobilisation le 16 mai, face aux carences financières et humaines dans nos départements.
Le rapport des inspections générales sur les sapeurs-pompiers volontaires a mis le feu aux poudres en recommandant la réduction du nombre d'heures de gardes postées, à rebours de la notion d'engagement citoyen librement consenti. Cela pourrait limiter la réponse capacitaire des Sdis, car le volontariat représente une large majorité des effectifs en zone rurale et hyper-rurale, comme en Lozère.
C'est pourquoi la profession, avec un sens aigu de l'intérêt général, refuse l'application aux sapeurs-pompiers volontaires de la directive de 2003 sur le temps de travail. Le ministre Darmanin s'est engagé à ne pas appliquer ces recommandations, mais les interrogations demeurent.
Comment comptez-vous répondre aux besoins de recrutement ? Quand publierez-vous le décret sur la bonification des trimestres des sapeurs-pompiers volontaires pour la retraite ? Quelles pistes pour rétablir les capacités budgétaires des Sdis ? (Applaudissements sur les travées du RDSE)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Notre modèle français de sécurité civile est solide et résilient, face à des sollicitations opérationnelles toujours croissantes, mais il est sous tension et nécessite une profonde adaptation pour s'adapter aux évolutions sociétales et au changement climatique.
Parmi les 500 000 acteurs de la sécurité civile, nos 255 000 sapeurs-pompiers sont indispensables. Nous devons être attentifs à leurs inquiétudes. C'est pourquoi, avec Gérald Darmanin, nous avons lancé une démarche inédite, qui fonctionne : une vaste concertation nationale, le Beauvau de la sécurité civile. Tout au long de 2024, nous recueillerons les idées, nous écouterons, nous nous projetterons pour savoir comment les sapeurs-pompiers, volontaires, professionnels et militaires, les bénévoles, les pilotes, les démineurs, les élus locaux souhaitent façonner la sécurité civile de demain. Nous allons au plus près du terrain et avons aussi lancé une enquête en ligne. Ces sujets seront traités au cours des cinq Beauvau, deux avant l'été, trois après ; vous y serez invitée.
Voix à gauche - Et le décret ?
Projet de loi d'orientation agricole
Mme Catherine Conconne . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le 28 février dernier, en marge du Salon de l'agriculture, le Président de la République a fait savoir à la profession agricole de ladite outre-mer qu'elle ne serait pas oubliée, affirmant : « La souveraineté alimentaire française passe aussi par la ferme outre-mer. »
Or ses spécificités, ses défis sont absents du projet de loi d'orientation agricole présenté il y a un mois. Pourtant, l'agriculture de nos pays d'outre-mer, ce sont 40 000 emplois actifs, dont une part importante sous le seuil de pauvreté, c'est 60 % du total de l'emploi salarié, ce sont 25 000 exploitations, c'est un cinquième de notre superficie.
Une politique publique aussi essentielle est-elle destinée à passer une fois de plus sous le coup des ordonnances ou à attendre d'aléatoires amendements ?
Les travaux engagés par le comité interministériel des outre-mer (Ciom) avaient permis de rétablir la confiance. Continuez dans cette logique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Veuillez excuser Agnès Pannier-Runacher, retenue en audition.
Oui, le projet de loi d'orientation agricole affirme avec force l'impératif de souveraineté alimentaire et la dimension stratégique de notre agriculture, partout sur le territoire.
Il vise trois objectifs : assurer le renouvellement des générations et former aux métiers de l'agriculture pour produire davantage dans un contexte climatique exigeant ; donner un nouveau souffle à notre politique d'installation et de transmission ; sécuriser, simplifier et libérer, car il ne peut y avoir de souveraineté alimentaire sans suppression de contraintes inutiles.
Ce texte a été construit sur la base de larges concertations, qui ont duré plus de six mois, dans chacune de nos régions métropolitaines comme en outre-mer.
J'entends votre alerte, et les ministres Fesneau et Pannier-Runacher sont à votre disposition.
Mme Catherine Conconne. - Non, il n'y a pas eu de longue concertation. J'attends d'échanger avec vos collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Groupe ExxonMobil
Mme Céline Brulin . - Près de 92 milliards de dollars de bénéfice net en deux ans, des dividendes faramineux - mais ExxonMobil ferme son activité chimie à Port-Jérôme-sur-Seine et vend sa raffinerie de Fos-sur-Mer, ainsi que des dépôts de carburant ! En Seine-Maritime, 647 emplois directs sont en jeu, des milliers en comptant les sous-traitants. Les ressources des communes et de l'agglomération Caux Seine seront affectées.
Le Gouvernement doit faire pression sur le groupe qui tire ainsi un trait sur la mobilisation, quatre-vingt-dix ans durant, de tout un territoire.
Le vapocraqueur doit être pérennisé. Moyennant des investissements, il peut produire des plastiques recyclés, participer à la décarbonation. L'unité de polypropylène doit être préservée.
Il faut empêcher ExxonMobil d'imposer son calendrier et son plan de sauvegarde de l'emploi (PSE), au mépris de ses obligations légales.
Abandonner Port-Jérôme, où l'on fabrique des plastiques indispensables à l'industrie médicale, pharmaceutique ou automobile, nous ferait perdre en souveraineté et nous rendrait dépendants des gaz de schiste américains ou de productions venues d'Asie.
Monsieur le ministre, à quand la souveraineté en acte ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Très bien !
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie . - Le 11 avril, ExxonMobil a annoncé la fermeture d'activités chimiques, non loin de Port-Jérôme, à Gravenchon, et la vente d'une raffinerie à Fos-sur-Mer. J'ai immédiatement pris contact avec les dirigeants, en France et à Houston, pour signifier mon mécontentement et entendre leurs raisons.
Ils m'ont objecté que le vapocraqueur, trop petit, souffrait d'un déficit de compétitivité. Faute d'investissements par le passé, l'activité en France est déficitaire depuis des années. (M. Fabien Gay proteste.)
Nous avons rencontré le repreneur de la raffinerie de Fos-sur-Mer, Rhône Énergies - les 300 salariés seront repris.
À Port-Jérôme, malheureusement, cette fermeture s'accompagnera d'un PSE. Nous serons intraitables sur le respect des obligations légales. S'agissant d'une entreprise présente depuis plus de quatre-vingt-dix ans dans la région, nous attendons d'ExxonMobil qu'elle fasse preuve de responsabilité sociale vis-à-vis des salariés et du territoire. (M. Fabien Gay ironise.)
Nous sommes en contact avec la direction ainsi qu'avec les élus - la vice-présidente de la région, une députée. Vous avez pris contact avec mon cabinet, et nous suivrons ce dossier ensemble.
C'est une mauvaise nouvelle, mais je rappelle que votre territoire attire des investissements, y compris de grosses entreprises américaines. (M. Ludovic Haye applaudit.)
Mme Céline Brulin. - Nous attendons plus que des regrets ! Vous envisagez de reprendre les activités d'Atos - pourquoi ne pas étudier un pôle pétrochimique en France avec Total, qui compte partir se faire coter à Wall Street ? Ces activités sont stratégiques ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Espionnage de parlementaires par la Chine
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Cela fait la une à l'international : 116 parlementaires de quinze pays ont été ciblés par une cyberattaque parrainée par l'État chinois en 2021. (Huées à droite) Je fais partie des sept parlementaires français concernés, aux côtés d'Isabelle Florennes, Bernard Jomier, André Gattolin et André Vallini.
Ces parlementaires sont tous membres de l'Ipac, l'Alliance interparlementaire pour la Chine, qui suit les actions de Pékin et du PCC. Le FBI a formellement attribué ces cyberattaques au groupe de hackers APT31, lié au renseignement chinois, poursuivi par la justice américaine.
C'est un acte de cyberguerre de la part d'une dictature 2.0.
À une semaine de la venue en France de Xi Jinping, nous sommes confrontés à une ingérence manifeste de la Chine, utilisant les moyens de la guerre hybride. Quelles sont les mesures prises pour lutter contre ces attaques ? Allez-vous les imputer ouvertement à APT31 et demander une enquête ? Comptez-vous protéger les parlementaires de ceux qui menacent notre liberté d'expression ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur de nombreuses travées des groupes Les Républicains, SER et du GEST)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Le suivi de la menace cyber fait l'objet d'une extrême vigilance de nos services de renseignement et de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Nous détectons et déjouons des centaines d'attaques cyber chaque année. L'APT31 fait l'objet d'un suivi particulier ; nous exprimons nos préoccupations de manière bilatérale.
Des investigations nationales sont prévues, y compris sur le plan judiciaire. Le Gouvernement n'exclut pas d'attribuer publiquement ces cyberattaques, mais ne peut communiquer plus avant à ce stade. Nous mettons tout en oeuvre pour lutter contre ces menaces.
M. Olivier Cadic. - Je vous remercie de votre réponse... (Sourires)
M. Roger Karoutchi. - Débrouille-toi !
M. Olivier Cadic. - Nos services sont informés depuis 2022. Nous attendons impatiemment de nous sentir rassurés... (Sourires ; applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, INDEP, du GEST et sur de nombreuses travées du groupe SER)
Visite d'État du président Xi Jinping
Mme Antoinette Guhl . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La semaine prochaine, le Président de la République recevra le président chinois Xi Jinping. Passons sur la balade bucolique prévue dans les Hautes-Pyrénées, sur le chemin des souvenirs d'enfance d'Emmanuel Macron... Cette visite officielle ne doit pas être une caution française au président Xi, sur Taïwan, sur notre sécurité ou encore sur les Ouïghours.
Joe Biden a pris un engagement clair sur Taïwan avec un plan de 7,7 milliards d'euros. Quelle est la position française ?
L'espionnage chinois s'invite dans notre hémicycle et dans la campagne des élections européennes. Est-ce au programme des discussions ?
Enfin, les atrocités commises contre les Ouïghours appellent une réaction internationale. Le peuple ouïghour subit la répression et l'exploitation ; les femmes, viols, stérilisations et tortures. Nos penderies, nos voitures, nos ordinateurs - toute notre économie est complice de ce crime étouffé ! Nous devons accroître la pression sur la Chine pour obtenir l'accès d'observateurs indépendants.
Allez-vous, lors de cette visite, réaffirmer les grandes valeurs de la France en matière de droits humains ? (Applaudissements sur les travées du GEST ainsi que des groupes SER et CRCE-K ; M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.)
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux . - Le président Xi Jinping sera en France les 6 et 7 mai. Cette visite s'inscrit dans le cadre du soixantième anniversaire des relations diplomatiques entre nos deux pays. Elle doit nous permettre d'évoquer tous les sujets : défis globaux, irritants commerciaux, protection des droits de l'homme.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Bien sûr ! On y croit !
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État. - Elle doit nous permettre d'évoquer les crises internationales, car nous attendons beaucoup de la Chine, s'agissant de l'Ukraine ou du Proche-Orient.
Nous voulons poursuivre les avancées obtenues l'année dernière sur les enjeux globaux et proposerons des actions communes en matière de décarbonation, de biodiversité et de financement du développement.
Nous assumons d'entretenir un dialogue exigeant, sur le caractère insupportable du déficit commercial, sur notre détermination à défendre nos industries et nos emplois. Nous abordons la situation des droits de l'homme en Chine. Sur tous ces sujets, nous travaillons avec nos partenaires européens. La présidente de la Commission européenne sera ainsi en France pour cette visite d'État.
Situation du groupe Atos
M. Thierry Meignen . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Atos englobe des myriades d'activités sensibles. Or il fait face à des difficultés vitales. Vos annonces tardives ne répondent pas aux questions suivantes : quelle est la stratégie du Gouvernement ? Qu'avez-vous fait depuis le début des difficultés du groupe ? Avec qui ?
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique . - (« Ah ! » sur de nombreuses travées) Le groupe Atos est un groupe privé qui se gère lui-même. L'État intervient lorsqu'il y a des difficultés. C'est le cas. Le comité interministériel de restructuration industrielle est chargé de suivre le dossier. Un mandataire ad hoc a été nommé. Je l'ai reçu.
Des repreneurs possibles ont été sollicités quand les difficultés se sont accentuées, dont Airbus. Lorsque cette option a été éliminée, l'État s'est engagé à hauteur de 50 millions d'euros lors d'un tour de table. (M. Fabien Gay ironise.) Ce week-end, j'ai déposé une offre d'intention pour racheter les activités stratégiques d'Atos afin qu'elles ne passent pas sous contrôle étranger. L'État prend toutes ses responsabilités.
Ce n'est pas parce que nous faisons les choses discrètement (rires sur de nombreuses travées) que nous ne sommes pas efficaces. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Thierry Meignen. - C'est bien tard, et bien trop peu ! Vous ne pouvez pas regarder passer les trains depuis le début des difficultés d'Atos.
Je salue mes collègues rapporteurs Sophie Primas, Jérôme Darras et Fabien Gay. Nous regrettons que l'hypothèse d'un maintien du groupe en entier ne soit presque jamais considérée par l'État. La solution du Gouvernement ne réglera pas la question de la soutenabilité de la dette, ni celle de l'avenir du groupe. Il est indispensable d'éviter une procédure de sauvegarde, qui serait le début d'une vente à la découpe. Nous risquerions le pillage de nos technologies stratégiques, et la perte de nos capacités de recherche et de développement. Ce serait faire la part belle à Daniel Kretinsky et aux autres, avec lesquels vous travaillez.
L'État doit garantir l'ensemble des contrats publics d'Atos, s'engager à renforcer le contrôle des investissements étrangers en France et envisager la restriction, voire l'interdiction, de la vente à découvert d'entreprises cotées ayant des activités souveraines. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Dégradation des infrastructures ferroviaires
M. Jean-Marc Vayssouze-Faure . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Quand vous vivez dans un territoire éloigné des lignes à grande vitesse (LGV), comme Gourdon, Vierzon, Argenton ou Clermont, le train ne vous inspire plus que des sentiments de régression, d'abandon et d'exclusion. Lorsque la SNCF annonce un sanglier, du givre ou des feuilles sur les voies, vous n'êtes plus surpris par ces situations qui frôlent l'absurde. Nos Intercités, ces trains du quotidien, sont malades d'un sous-investissement chronique depuis plusieurs décennies. La colère gronde sur toute la ligne. Nos territoires risquent de dérailler. Plusieurs entreprises locales menacent de prendre le large.
Les nouvelles rames Oxygène auraient pu donner un souffle nouveau aux lignes Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (Polt) et Paris-Clermont. Mais une défaillance technique reporte leur livraison à 2027. Rappelons qu'elle était initialement prévue pour 2022... Ces délais seront-ils respectés ? Il faut établir les responsabilités. Pourquoi avoir choisi un constructeur proposant un train sur plan et n'ayant pas l'habitude de travailler avec la SNCF ?
La SNCF prévoit de suspendre le trafic de jour entre Paris et Orléans d'août 2025 à janvier 2026. Le Gouvernement compte-t-il empêcher cette catastrophe ? Comment redonner de la fiabilité au train, transport le plus décarboné à ce jour ? Combien de temps nous laisserez-vous encore au bord du quai ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur quelques travées du groupe CRCE-K ; M. François-Noël Buffet applaudit également.)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . - Cette situation s'explique par des décennies de sous-investissement, ainsi que par le choix de privilégier le TGV au détriment du transport quotidien. Certes, c'est notre fierté nationale, et nous sommes contents que Paris-Bordeaux se fasse en deux heures, mais notre réseau en pâtit.
Cette majorité a décidé d'un rattrapage, en consacrant 3 milliards d'euros par an à la régénération ferroviaire, trois fois plus que dans les années 2000. Ce montant sera de 4,5 milliards d'euros par an à la fin du quinquennat. La ligne Polt recevra ainsi 1,6 milliard d'euros, et Paris-Clermont, 700 millions d'euros. S'y ajoutent 800 millions d'euros pour le matériel roulant.
Je suis, comme vous, consterné (M. Jean-Marc Vayssouze-Faure acquiesce) de ce deuxième retard affiché par l'entreprise CAF France, pour un problème de freins et de moteur. J'ai demandé à son PDG une totale transparence. Je lui demande aussi de garantir la livraison début 2027.
Remettre en route le réseau ferroviaire, c'est du temps long. Soyez assuré que la ligne Polt et le Paris-Clermont sont en haut de la pile. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; quelques protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
Réforme de la justice pénale des mineurs
Mme Agnès Canayer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Samedi dernier, à Châteauroux, la mort de Matisse, 15 ans, poignardé par un autre mineur déjà poursuivi pour violence avec arme, a démontré l'incapacité de la justice pénale à répondre à l'ultraviolence des plus jeunes. Toute ma sympathie, et celle de Nadine Bellurot, vont aux proches de la victime et aux habitants de Châteauroux.
Ce drame s'ajoute à une liste bien trop longue de meurtres commis par des mineurs ces dernières semaines.
L'enquête est en cours, mais il apparaît que les juges n'avaient pas les moyens d'éviter une récidive rapprochée. Le code de la justice pénale des mineurs ne le permettrait pas. Qu'entendez-vous faire pour éviter qu'une nouvelle tragédie se produise ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Oui, une partie de notre jeunesse dérive, bafoue l'autorité et sombre dans l'ultraviolence. Le Gouvernement adresse aussi une pensée aux proches du jeune décédé.
Le Premier ministre l'a dit à Viry-Châtillon : nous devons travailler ensemble à un sursaut d'autorité. L'heure est à l'action. Un texte sur la justice des mineurs est en préparation.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Chiche !
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée. - Plusieurs actions ont été annoncées. La répression des manquements des parents défaillants et de ceux qui ne répondent pas aux convocations sera accrue. Le juge des enfants pourra prononcer une amende contre le mineur sans réunir le tribunal. Nous mettrons en place une procédure rapide pour les petits délits. Des travaux d'intérêt général pourront être prononcés en peine complémentaire en cas de dégradation de biens.
Les internats et les mesures d'intérêt éducatif compléteront l'arsenal. Le Gouvernement est entièrement mobilisé. (Mme Pascale Gruny ironise.)
Mme Agnès Canayer. - Le 11 janvier dernier, le Premier ministre promettait de l'action, de l'action, de l'action ! Les mots ne suffisent plus. Cela fait plus de huit mois que nous attendons le projet de loi sur la responsabilité parentale et la réponse pénale pour les mineurs. Plusieurs fois inscrit à l'ordre du jour, il a été reporté sine die. Dès 2022, le Sénat a formulé des propositions. La commission des lois mènera bientôt une réflexion sur l'exécution des peines.
Seule une réponse pénale forte et rapide limitera la récurrence de l'horreur comme à Châteauroux. Agissez et le Sénat sera au rendez-vous ! (Bravos et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et quelques travées du groupe UC)
Avenir de l'hospitalisation privée
Mme Nadia Sollogoub . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Vincent Louault applaudit également.) J'associe à ma question ma collègue Jocelyne Guidez.
La Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) annonce une grève totale à compter du 3 juin. Cette situation grave et inédite est la conséquence de la campagne tarifaire de 2024. Pourquoi augmenter les tarifs des hôpitaux publics de 4,3 % et faire stagner ceux du privé à 0,3 % ? S'agit-il d'affaiblir le privé en espérant renforcer ainsi l'hôpital public ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Les établissements de santé privés ont toute leur place dans l'offre de santé. Nous avons choisi une campagne tarifaire équilibrée reposant sur les mêmes principes pour tous.
Certaines activités comme les maternités connaîtront une revalorisation tarifaire plus importante, dans le public comme le privé.
Les établissements privés ont bénéficié de 500 millions d'euros de soutien exceptionnel en 2023 et de 2,2 milliards d'euros versés par l'assurance maladie, sans compter les 450 millions d'euros de compensation de l'inflation versés en 2022.
Nous avons soutenu les cliniques privées comme les autres établissements de santé, et nous continuerons à le faire, car nous en avons besoin.
Mme Nadia Sollogoub. - Cette campagne tarifaire, que vous qualifiez d'équilibrée, me pose problème, car ses critères sont obscurs. Celle de 2023 assurait une hausse des tarifs de 6,9 % pour le public et 5,3 % pour le privé. C'était plus homogène. Tous les établissements subissent les mêmes hausses de charges.
On a l'impression d'une enveloppe fermée qui oblige à répartir les financements de façon déséquilibrée. Mais une enveloppe fermée ne signifie pas qu'il y a des vases communicants entre les deux systèmes.
Les territoires ont besoin de chaque heure d'offre de soins. Or en fragilisant le privé, nous en perdrons. Reprenez les négociations. Le blocage du système aurait des conséquences dramatiques là où la situation est déjà très grave. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées des groupes Les Républicains et INDEP)
Blocages à Sciences Po et dans les universités (III)
M. Stéphane Piednoir . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Sciences Po n'en finit plus de sombrer dans une dérive idéologique, loin des ambitions de son fondateur d'en faire un lieu de « culte des choses élevées ».
Depuis les attentats du 7 octobre, on ne compte plus les conférences annulées, les blocages de sites et même l'expulsion d'une étudiante juive, préfiguration d'une forme d'apartheid dans le microcosme de la rue Saint-Guillaume.
Vendredi, la direction de Sciences Po a failli : elle a cédé face à 200 agitateurs, non représentatifs des 15 000 étudiants ; elle a abdiqué devant une poignée de jeunes qui affichent leur soutien aux terroristes du Hamas et qui brandissent des mains rouges en hommage aux bourreaux des soldats israéliens de Ramallah ; elle s'est soumise au diktat d'un comité d'ultragauche en acceptant une amnistie honteuse.
Ministre de tutelle, quelles mesures envisagez-vous ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je le redis : le débat doit avoir lieu (M. Roger Karoutchi proteste), mais cela n'autorise pas tout, et notamment ni les blocages ni les intimidations. Il est inacceptable qu'une minorité d'étudiants bloque 15 000 étudiants, en tentant d'importer ce mouvement américain.
Les chefs d'établissement prennent leurs responsabilités. Les campus sont évacués lorsqu'ils sont bloqués, comme la Sorbonne hier, Saint-Étienne aujourd'hui, le campus Saint-Thomas de Sciences Po mercredi. Les réunions publiques qui présentent un risque de trouble à l'ordre public sont interdites.
Le communiqué de Sciences Po mérite d'être clarifié. La direction n'a pas donné suite à la revendication dangereuse de suspension des partenariats avec les universités israéliennes. Aucune sanction pour des faits graves comme l'antisémitisme ne sera abandonnée, jamais. Le retour au calme était nécessaire pour les examens de la semaine prochaine.
Le respect des principes de la République fait partie des priorités que l'État a fixées à l'administration provisoire de Sciences Po, dans le cadre de la négociation du contrat entre l'État et l'établissement.
M. Stéphane Piednoir. - Nous refusons de participer à la fable de la grenouille ébouillantée. À chaque fois, on s'indigne, puis on se félicite du retour au calme. Qu'y a-t-il derrière la ligne rouge ?
On ne dialogue pas avec les terroristes ni avec ceux qui les soutiennent, pas non plus avec ceux qui veulent déconstruire nos valeurs, qui promeuvent l'islamogauchisme, qui suscitent la haine sous couvert d'antisionisme, faux nez de l'antisémitisme. Il faut condamner les véritables ennemis de la République. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Collectivités territoriales et réduction du déficit
M. Simon Uzenat . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Depuis quelques semaines, les Français réalisent que les Mozart autoproclamés de la finance ne maîtrisent pas le solfège. Les annonces brutales sur les dépenses publiques font saigner d'inquiétude les oreilles de ceux qui travaillent dans les collectivités.
Pourtant, la part des dépenses des collectivités territoriales françaises est nettement inférieure à la moyenne européenne et nos collectivités sont exemplaires en matière de dette, d'investissement et de services publics.
Mais les nuages s'accumulent : quasi-disparition de l'autonomie financière et fiscale, compression des dépenses de fonctionnement, transferts de charges et de compétences, poids des normes, diminution du fonds vert, augmentation des dépenses contraintes pour répondre aux besoins sociaux, entre autres.
Un rapport de l'inspection générale des finances (IGF) préconise la mutualisation - à rebours de la libre administration - , le télétravail - au détriment du lien humain - , les fermetures d'écoles...
Quel sort votre gouvernement compte-t-il réserver aux collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - L'État et les collectivités territoriales ont beaucoup en partage, dont les finances publiques.
L'État a toujours soutenu les collectivités territoriales (quelques protestations à droite) : fonds exceptionnels, filet de sécurité, création du fonds vert...
Les finances publiques sont un objet commun ; les redresser est dans l'intérêt de tous.
M. François Bonhomme. - Vous leur faites les poches !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Nous leur disons : faites en sorte que vos dépenses de fonctionnement augmentent un peu moins vite que l'inflation. (Mme Sophie Primas proteste.) Vous nous demandez pourtant régulièrement de faire des économies : je vois là une petite contradiction.
C'est ce qu'avec Bruno Le Maire, Dominique Faure et Christophe Béchu, nous avons demandé devant le Haut Conseil des collectivités territoriales. Il ne s'agit pas de contrats de Cahors.
Boris Ravignon, maire de Charleville-Mézières, a été saisi d'une mission pour trouver des économies. Quant à Éric Woerth, il a été chargé de faire plus simple et moins coûteux.
M. Simon Uzenat. - Vous ne vous êtes pas positionné sur le rapport de l'IGF : vous en partagez donc probablement les conclusions.
Les élus locaux ont besoin de visibilité, via un projet de loi de finances rectificative ou un débat de l'article 50-1 de la Constitution.
Des recettes peuvent être trouvées : ISF climatique, superprofits, niches fiscales... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Accord entre la direction de la SNCF et les syndicats
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.) Travailler moins pour gagner plus, voilà le nouveau slogan de votre gouvernement.
Depuis lundi dernier, les cheminots savent qu'ils pourront toucher 75 % de leur salaire sans travailler, quinze mois avant leur retraite. Les contrôleurs aériens pourront aussi partir avant 59 ans, grâce à un compte épargne-temps.
Le chantage a payé : face aux menaces de grève à l'approche des jeux Olympiques, la SNCF et la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ont capitulé et acheté la paix sociale.
Ces accords dénaturent l'esprit de la réforme des retraites de 2023 et leur coût pèsera, comme toujours, sur les clients et les contribuables.
Comment pouvez-vous accepter cela dans des entreprises publiques, que vous contrôlez ? Quand soutiendrez-vous la proposition de loi Marseille-Retailleau qui instaure un service minimum dans les services publics ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Alain Duffourg applaudit également.)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . - C'est notre majorité qui a supprimé le régime spécial de la SNCF et la réforme des retraites s'appliquera aussi à cette entreprise. Mais toute entreprise peut signer un accord d'entreprise. (Marques d'ironie sur les travées du groupe Les Républicains) Depuis 2018, la SNCF a été transformée en société : le contribuable ne financera donc pas un centime de cet accord.
M. Bruno Retailleau. - (Joignant le geste à la parole) Trois milliards !
M. Patrice Vergriete, ministre délégué. - Nous sommes dans un régime de concurrence et les régions peuvent choisir un autre opérateur, comme en Paca. (Mme Sophie Primas proteste.) La SNCF devra donc trouver des gains de productivité.
S'agissant des contrôleurs aériens, il fallait améliorer les choses, car nous étions moins performants que nos voisins. Avec cet accord, tout le monde est gagnant, y compris l'usager - un million de minutes de retard en moins ! (Mme Sophie Primas s'indigne.) Les compagnies aériennes, qui financent cet accord, sont satisfaites.
Mme Pascale Gruny. - Dans ce cas, pourquoi ne pas l'avoir fait plus tôt ? L'État finance 3 milliards d'euros des retraites de la SNCF. (M. Patrice Vergriete le conteste.) Le régime spécial a été supprimé, mais voilà que nous en créons un autre !
Les Français en ont assez des régimes spéciaux. La politique, ce n'est pas le renoncement, c'est le courage ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
DPE et bâti patrimonial
Mme Sabine Drexler . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 12 mars, au Sénat, la ministre de la culture a redonné de l'espoir aux défenseurs du patrimoine.
En effet, le diagnostic de performance énergétique (DPE) pénalise le bâti ancien, en imposant des travaux de rénovation énergétique inadaptés ou en conduisant à son délaissement, voire à sa démolition. Ce bâti ancien, qualifié de passoire thermique, risque de sortir du parc locatif, dans un contexte de grave crise du logement.
Le 12 mars, la ministre de la culture a évoqué la piste d'une norme énergétique applicable au bâti ancien. C'est très attendu.
Nous avons besoin d'un DPE spécifique au bâti patrimonial. La liste des travaux éligibles aux aides doit aussi évoluer. Enfin, les collectivités territoriales doivent être mieux accompagnées dans l'identification de leur bâti patrimonial non protégé.
Comment faire pour que le petit patrimoine qui a traversé les siècles ne fasse pas les frais de la transition énergétique ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Lafon applaudit également.)
Mme Prisca Thevenot, ministre déléguée chargée du renouveau démocratique, porte-parole du Gouvernement . - Je tiens à excuser la ministre de la culture qui vous remercie pour votre engagement.
Oui, le DPE ne prend pas suffisamment en compte les matériaux anciens. C'est pourquoi la ministre de la culture travaille étroitement avec le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires pour mieux former les diagnostiqueurs. Désormais, le bâti patrimonial fait partie de leur examen de sélection et de leur formation.
En dépit d'études soulignant leurs qualités, les immeubles d'avant 1948 sont souvent mal pris en compte par le DPE. Mais cela va changer : des valeurs de référence conformes à la réalité sont en cours d'élaboration, pour que le bâti ancien ne soit plus pénalisé.
M. le président. - Madame la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, je vous demande d'être attentive, avec le Premier ministre, à la présence des ministres concernés par les questions. C'est une question de respect du Parlement. (Applaudissements)
Mme Pascale Gruny. - Merci !