Nationalisation du groupe Électricité de France (Troisième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion en troisième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l'Assemblée nationale en troisième lecture, visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement.
Discussion générale
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie et de l'énergie . - Cette troisième lecture permet d'achever un travail engagé depuis plus d'un an, et qui conduit aujourd'hui à un texte auquel le gouvernement est favorable. Je remercie le député rapporteur Philippe Brun et la rapporteure Christine Lavarde, qui a succédé à Gérard Longuet. J'espère un vote conforme sur ce texte qui, depuis la première lecture, a beaucoup évolué et été considérablement enrichi. (M. Fabien Gay en doute.)
Il s'agit d'inscrire dans la durée la relation entre l'État actionnaire à 100 % et EDF, à travers conclusion d'un accord de dix ans, actualisé tous les trois ans, en cohérence avec l'investissement massif prévu pour les deux prochaines décennies. Il s'agit bien d'un contrat pour dix années courantes ; nous y reviendrons lors de l'examen de l'amendement déposé par la rapporteure.
Il s'agit également d'étendre, à partir du 1er février 2025, les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRV) à 3,7 millions de TPE et à 25 000 petites communes. Le Gouvernement s'est rallié à cette mesure simple qui évitera de distinguer en fonction de la puissance des compteurs. C'est une protection pour nos artisans, nos commerçants, nos agriculteurs, nos collectivités locales, qui arrive au bon moment, alors que les prix de l'énergie sont apaisés.
Neuf mois après l'OPA sur EDF réalisée par l'État, pour laquelle tout s'est bien passé, je vous invite à adopter conforme le texte issu de l'Assemblée nationale.
Mme Christine Lavarde, rapporteur de la commission des finances . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Il est urgent d'accélérer car ce projet de loi a mobilisé beaucoup de temps, et les rendements sont décroissants pour ses initiateurs. Le présent texte est assez éloigné de l'ambition initiale.
J'en propose l'adoption conforme, car le texte issu de la troisième lecture à l'Assemblée nationale correspond à l'esprit qui a prévalu au Sénat lors des précédentes lectures.
D'aucuns affirment que le Gouvernement aurait plié devant le Parlement. Pourtant, le résultat est bien le fruit de la discussion parlementaire. Le Gouvernement était à l'origine hostile à l'article 3 bis, et les députés de la majorité avaient refusé de voter l'extension des TRV.
L'Assemblée nationale s'est ralliée à la sagesse du Sénat, adoptant un dispositif conforme au droit européen ; le Gouvernement, lui, a accepté un texte plus ambitieux que celui qu'il avait soumis au Conseil d'État. En cas de nouvelle crise des prix de l'énergie, nous aurons un système protecteur pour nos TPE et nos collectivités.
Reconnaissons toutefois qu'aujourd'hui, le dispositif n'est pas intéressant. J'ai consulté le comparateur du médiateur de l'énergie : en restant chez le même opérateur, je gagne 15 % par rapport au tarif réglementé ; idem si je choisis une offre d'électricité verte ! Aujourd'hui, les tarifs réglementés ne sont donc pas plus attractifs que les offres de marché. Surtout, nous n'avons pas de visibilité sur leur formule de calcul, avec la disparition de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) au 31 décembre 2025.
Le contrat décennal permettra à l'État actionnaire et à l'entreprise d'exposer sur la longue durée leur politique pour assurer une énergie compétitive, tant pour les citoyens que pour les entreprises. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Évelyne Perrot applaudit également.)
M. Christian Bilhac . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) EDF est stratégique pour l'indépendance énergétique de la France, pour la maîtrise des infrastructures et pour leur sécurité.
Le projet de nationalisation a été abandonné au profit d'un statut de société anonyme au capital détenu à 100 % par l'État, ce qui protège l'opérateur de toute tentative de privatisation : toute ouverture du capital supposera de passer par le Parlement. Ce texte, s'il n'est pas parfait, est une garantie, et le spectre du démembrement, incarné par le projet Hercule, s'éloigne.
La signature d'un accord décennal, les tarifs réglementés - même insuffisants - sont des avancées. L'actionnariat salarié serait un atout.
Je ne peux passer sous silence la hausse vertigineuse des tarifs de l'électricité, qui ont bondi de 49 % entre janvier 2022 et février 2024, quand les prix des denrées alimentaires croissaient de 23 %. Quand s'arrêtera cette spirale infernale ?
La hausse des taxes sur l'électricité n'est-elle pas une entorse au sacro-saint principe de « pas de hausse de la fiscalité » ?
Les prix pour le consommateur français sont indexés sur le gaz, pas sur les coûts de production, alors que l'électricité consommée en France est produite à 94 % en France. L'harmonisation des politiques nationales en matière de production énergétique doit se faire vers le haut : ceux qui ont choisi les énergies fossiles, comme l'Allemagne, n'ont pas à faire payer l'addition aux autres.
Sans enthousiasme, mais avec raison, le RDSE votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Marc Laménie applaudit également.)
M. Saïd Omar Oili . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce texte a largement évolué au fil des trois lectures. Le Gouvernement a promptement agi pour protéger le groupe : l'OPA simplifiée lancée en 2022 a été un succès, et le capital d'EDF est désormais détenu à 100 % par l'État. Dès lors, les articles 1er et 3 n'avaient plus de raison d'être, et ont été supprimés.
La navette a été cruciale pour élaborer un texte proportionné aux enjeux de la politique énergétique.
Le RDPI est favorable à l'actionnariat salarié, mais, au vu de la situation financière du groupe, l'ouverture du capital dès à présent n'aurait pas grand intérêt pour les salariés et anciens salariés. Aussi souscrivons-nous à la proposition de Luc Rémont d'encourager plutôt l'intéressement, tout en laissant la possibilité d'ouvrir ultérieurement le capital d'EDF aux salariés et anciens salariés.
Nous nous réjouissons que l'Assemblée nationale ait validé la version sénatoriale de l'article 3 bis. L'accès aux TRVE des boulangers, restaurateurs ou fleuristes, qui en étaient exclus, renforcera les tissus économiques locaux et protégera en cas de nouvelle crise énergétique.
L'ouverture ciblée du périmètre d'éligibilité des TRVE assure la conformité avec le droit européen ; c'est aussi une marque de responsabilité budgétaire.
L'effort a été transpartisan et devrait aboutir à un vote conforme.
L'action du Gouvernement en amont, combinée aux dispositions de cette proposition de loi, est une garantie pour l'avenir. Le RDPI votera conforme ce texte raisonnable, réaliste et utile aussi bien pour les TPE que pour les petites communes.
Un mot, pour finir, sur l'article 3 ter, qui a été voté conforme. En tant que sénateur de Mayotte, je n'en vois pas l'intérêt, car je ne pense pas que ce qui est fait au niveau métropolitain soit transposable pour Électricité de Mayotte. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Victorin Lurel . - Nous espérons que cette troisième lecture sera conclusive. Si d'aucuns regretteront le redimensionnement du texte, nous pouvons collectivement être fiers du travail parlementaire. Les socialistes ont convaincu de la nécessité de sanctuariser le fleuron EDF, d'assurer la souveraineté énergétique et de protéger les Français face à la précarité énergétique.
Ces enjeux d'intérêt supérieur commandaient de trouver des compromis. Nous nous sommes donc concentrés sur l'essentiel : la consécration de la détention publique du capital à 100 % et la notion de société d'intérêt national.
Les auditions de la commission d'enquête sénatoriale montrent qu'il est urgent de réarmer le service public de l'électricité. Nous demandons au Gouvernement de définir une stratégie claire pour le pays et de présenter rapidement un projet de loi de programmation énergie-climat.
Seconde avancée : l'élargissement des TRVE, sans condition de puissance, pour les TPE et les petites collectivités - bouclier vital pour des millions d'artisans, commerçants, restaurateurs ou agriculteurs.
La discussion sur ce texte ne tranchera pas nos débats philosophiques, mais nous transcendons les divergences pour s'accorder sur l'essentiel, bel exemple de parlementarisme abouti. Le groupe SER votera ce texte (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Bruno Belin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Merci à Christine Lavarde, qui a pris le relais de Gérard Longuet comme rapporteur. Nous avons enfin une solution et espérons un vote conforme sur ce texte.
En matière de capital, de démembrement, de participation, il y a de vrais progrès. Mais je me félicite surtout du volet TRVE, qui bénéficiera à nos communes rurales - celles qui ont moins de dix ETP ou un budget de fonctionnement inférieur à 2 millions d'euros. Alors qu'elles sont en souffrance, nous leur envoyons un message de soutien. Nous l'adressons aussi aux artisans, notamment aux boulangers, qui ont subi la hausse des tarifs à l'automne 2022, alors qu'ils font face à la concurrence de la grande distribution.
Je conclus en ayant une pensée pour le boulanger de Buxeuil, dans mon département de la Vienne, confronté aux inondations ce week-end. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Christopher Szczurek . - Il y a quelques semaines, j'exprimais la perplexité des sénateurs du Rassemblement national sur ce texte dépourvu d'ambition.
Certes, le principe d'une détention publique à 100 % et la mention d'entreprise d'intérêt national protègent d'un démembrement futur, mais je m'étonne que la majorité sénatoriale, qu'on pensait attachée au gaullisme, ait été l'allié zélé du Gouvernement pour limiter l'actionnariat salarié au sein d'EDF ! Le renvoi au pouvoir réglementaire est un mépris du Parlement.
La participation demeure une idée profondément moderne, alliant engagement des salariés, pouvoir d'achat, protection de notre souveraineté, et gouvernance plus coopérative des grands groupes. Ce texte aurait pu être l'occasion d'inscrire ce modèle dans la loi pour l'étendre à d'autres entreprises. Mais la droite sénatoriale et le Gouvernement ont choisi le conservatisme le plus obtus.
Je ne crois pas à la bonne foi d'un gouvernement qui a sciemment organisé le démantèlement de notre système énergétique, endetté EDF et enrichi les traders de l'énergie et le charbon allemand.
Par pragmatisme, nous voterons ce texte, mais appelons le Parlement à la plus grande vigilance. En 2027, il nous faudra reconstruire notre indépendance énergétique. Les Français attendent qu'on allège leur fardeau. Si l'actuelle majorité ne l'a pas souhaité, une majorité nouvelle le fera.
M. Mickaël Vallet. - Avec Gazprom !
M. Pierre-Jean Verzelen . - À l'hiver 2022, quelques mois après l'invasion de l'Ukraine qui avait généré des tensions sur le marché du gaz, les prix de l'énergie explosaient, on parlait de coupures d'électricité et on importait de l'énergie des centrales à charbon de nos voisins. Était-ce le résultat de mauvais choix d'EDF ?
M. Thomas Dossus. - Oui !
M. Pierre-Jean Verzelen. - Non, mais d'un mécanisme européen de fixation des prix aberrant, de la situation géopolitique, et surtout, des décisions découlant de l'accord électoral passé entre Martine Aubry et EELV visant à fermer plusieurs centrales nucléaires.
M. Thomas Dossus. - Vingt-deux réacteurs à l'arrêt !
M. Pierre-Jean Verzelen. - François Hollande qualifiait le nucléaire d'énergie du passé. Belle vision, beau résultat.
La proposition de loi pose la question du lien entre l'État et les grandes entreprises nationales. L'État est-il un bon capitaine d'industrie ? On a toujours constaté le contraire. Les gouvernements Chirac mais aussi Jospin sont ceux qui ont le plus privatisé...
Nous sommes de ceux qui pensent que l'État ne doit pas administrer d'entreprises, mais qu'il doit être stratège. En matière nucléaire, il faut relancer la filière, réinvestir dans la recherche, la formation des ingénieurs et retrouver de la main-d'oeuvre. Nous soutenons pleinement le choix de relancer la construction de nouvelles centrales.
Le mécanisme de fixation du prix européen est peu compréhensible. Chacun doit payer son électricité en lien avec les coûts de production de l'énergie nationale.
Les tarifs réglementés sont étendus aux collectivités territoriales et petites communes : c'est une bonne chose. Nous saluons l'extension des TRVE aux TPE et aux communes, afin de leur garantir un prix raisonnable face à l'explosion des tarifs. Nous voterons ce texte, qui doit beaucoup au Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Michel Canévet . - Nous avons le plaisir de vous retrouver, monsieur le ministre.
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Plaisir partagé !
M. Michel Canévet. - Ce texte ne révolutionnera pas la situation d'EDF, mais il apporte des précisions, notamment sur l'accès aux tarifs réglementés. Certes, l'offre de marché est peut-être plus avantageuse aujourd'hui, comme l'a montré la rapporteure, mais le groupe UC est attaché à la protection des consommateurs.
Nous regrettons que le Gouvernement ne promeuve pas l'actionnariat salarié, alors que la loi Pacte, dont vous étiez rapporteur, monsieur le ministre, avait fixé comme objectif d'atteindre 10 % du capital des entreprises cotées. Nous en sommes très loin, à seulement 4,23 %. L'État doit être exemplaire. Il serait regrettable qu'EDF, principal producteur d'électricité, ne fasse pas aussi bien que Total ou Engie en la matière ! Pour redresser le groupe, il convient de mobiliser les salariés. Nous comptons sur le Gouvernement pour prendre un décret autorisant l'actionnariat salarié - sujet cher au groupe UC.
Le groupe UC est également attaché à l'adoption d'une loi pluriannuelle de l'énergie - sujet qui relève de vos attributions, monsieur le ministre. Il faut aller au-delà des contrats décennaux, fixer un cap ; il y va de la compétitivité de nos entreprises.
Nous avons aussi besoin de développer les initiatives en faveur de la diversification des productions d'énergie renouvelable. (M. Thomas Dossus approuve.) Cela exige une réelle volonté politique, que ce soit pour la méthanisation ou les énergies marines autres que le vent. Le Gouvernement doit encourager les acteurs de terrain à explorer de nouvelles technologies, afin de parvenir à des coûts de production des énergies renouvelables satisfaisants.
Décarboner, diversifier, produire : voilà ce qui est en jeu avec cette proposition de loi que le groupe UC appelle de ses voeux. (M. Christian Bilhac applaudit.)
M. Thomas Dossus . - (Applaudissements sur les travées du GEST) La part de l'électricité dans le budget des ménages ne cesse d'augmenter, de 7 % en 1970 à 12 % en 2010 et 15 % en 2021.
Il y a du cynisme dans la décision d'augmenter les tarifs réglementés de 9,8 % en janvier - la promesse étant une hausse de moins de 10 %. Court-termiste, le Gouvernement invoque la guerre en Ukraine.
L'explication de long terme, c'est le gouffre financier de l'atome. Dire que c'est l'énergie la moins chère est factuellement faux. Flamanville a coûté 19,1 milliards d'euros au lieu des 9 milliards prévus ; Hinkley Point, 40 milliards au lieu de 21 milliards ; le grand carénage : 49,4 milliards. Tous ces coûts seront payés par EDF et le contribuable.
Le texte examiné aujourd'hui va dans le bon sens, malgré les nombreux lissages qu'il a subis pendant la navette - initialement, il prévoyait la nationalisation d'EDF, pour empêcher tout projet de démantèlement, comme le projet Hercule.
Après le coup de rabot du Sénat, le texte prévoit la contractualisation avec EDF. Je souligne toutefois une avancée notable : l'élargissement des TRVE.
Mais la révolution à opérer, c'est celle de notre mix énergétique, avec la sortie de l'impasse nucléaire - curieux entêtement de la France alors que l'atome perd du terrain à l'échelle planétaire. Ainsi, 495 milliards de dollars d'investissements sont allés aux énergies renouvelables en 2022, contre 35 milliards pour le nucléaire, quatorze fois moins. Mais qu'attendre d'un Gouvernement nostalgique de Pompidou ?
Nous avons besoin d'une loi de programmation de l'énergie.
Le GEST s'abstiendra pour parvenir à un vote conforme. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Fabien Gay . - Enfin, la troisième lecture d'un texte imaginé il y a presque deux ans. Je salue la ténacité de Philippe Brun, présent en tribune aujourd'hui.
Ce texte a été déposé au lendemain de l'avortement du projet Hercule, défaite politique du Gouvernement, grâce à la mobilisation des salariés et de quelques élus de gauche, opposés au détricotage de l'oeuvre du ministre communiste Marcel Paul.
Même si ce texte a été affaibli, il a deux atouts. Le premier est le contrat de dix ans, passé entre EDF et l'État, qui empêche toute privatisation. Le second est le retour des tarifs réglementés.
À ce propos, monsieur Lescure, vous et Bruno Le Maire êtes de formidables danseurs de claquettes - ou de flamenco : vous vous gargarisez de cette extension, alors que vous vous y opposiez depuis le premier jour ! Depuis 2017, à chaque examen du budget, nous présentons un amendement à ce sujet : le Gouvernement y est toujours défavorable. On nous traitait de ringards avant la crise énergétique, et nous nous sentions bien seuls.
Ainsi, ce texte est une victoire du Parlement et des oppositions de gauche contre le Gouvernement.
Il faut reconstruire un grand service public de l'énergie, pour décarboner notre mix énergétique et sortir 12 millions de personnes de la précarité énergétique. Dans quelques jours, nous déposerons une grande proposition de loi pour nationaliser tout le secteur énergétique, Engie, EDF et TotalEnergies, et créer GEDF, Groupe Énergie de France.
Pour préparer le post-Arenh, il faut une loi pluriannuelle de programmation de l'énergie.
Je veux dénoncer le terrible scandale du bouclier tarifaire. Il a coûté 40 milliards d'euros, quand les marges nettes des fournisseurs, notamment alternatifs, ont été de 30 milliards d'euros, alors que la taxe sur les rentes inframarginales a rapporté 300 millions d'euros sur les 12 milliards attendus. Ainsi, l'augmentation des tarifs de l'électricité atteint 36 % en deux ans.
Nous voterons ce texte. Félicitations à Philippe Brun et à tous ses soutiens ! (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE-K, SER et du GEST ; M. Christian Bilhac applaudit également.)
M. Franck Montaugé . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je remercie nos collègues de l'Assemblée nationale et particulièrement Philippe Brun.
L'État détient désormais tout le capital d'EDF, qui fait face à un mur d'investissements. Or les coûts d'emprunt auront un très fort impact sur les coûts de production, donc les tarifs de l'énergie pour les ménages, les entreprises, les collectivités.
Comment l'État s'impliquera-t-il pour que le coût pondéré moyen du capital soit le plus faible possible ? Sans l'État, le coût pour les Français sera très élevé. La question est exclusivement financière. (M. Victorin Lurel renchérit.) Elle conditionne la compétitivité de la production nationale.
Qu'en est-il du souhait du Gouvernement de prélever des dividendes à EDF pour contribuer au redressement des comptes publics ? Est-ce le moment, alors que de lourds investissements se profilent ?
Nous voterons cette proposition de loi. Le Gouvernement doit maintenant en tirer les conséquences, en tant qu'actionnaire unique et garant de l'intérêt général.
Nous saluons l'action des syndicats auprès de Bercy sur la participation des salariés au développement d'EDF. (Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE-K)
M. Jean-Claude Anglars . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Une troisième lecture est assez rare pour être soulignée, alors qu'il s'agit de la procédure normale. En effet, les procédures accélérées sont récurrentes. Or les navettes parlementaires assurent une certaine maturité législative, comme avec cette proposition de loi.
Nous avons constaté un profond changement des votes de l'Assemblée nationale au fil des navettes, pour aboutir à une adoption à l'unanimité.
Le contexte du dépôt du texte en décembre 2022 est différent de celui d'aujourd'hui : le projet Hercule a été abandonné et il s'agit désormais de soutenir les TPE et les petites communes.
Je salue le travail de la commission des finances et de Christine Lavarde.
M. Jean-François Husson. - Très bien !
M. Jean-Claude Anglars. - La version du Sénat adoptée en deuxième lecture a été conservée, avec par exemple la possibilité pour EDF de céder certaines activités si besoin et le rétablissement, au 1er février 2025, des TRVE pour les petites communes et les TPE.
Le texte fixe dans la loi la détention par l'État de 100 % du capital d'EDF. Le Gouvernement devrait donc repasser par le Parlement pour toute cession.
La qualification d'entreprise d'intérêt national est essentielle à la souveraineté et à la transition.
Rappelons la situation juridique des concessions hydrauliques, dans l'impasse. Les exploitants actuels, dans l'Aveyron sur la Truyère et le site de Montézic, sont prêts à faire démarrer une centrale de 430 MW. Mais la concrétisation dépendra du cadre juridique et de la résolution du contentieux européen. Qu'en est-il de la réponse du Gouvernement, du transfert des concessions et du régime d'autorisation ?
Le groupe Les Républicains votera ce texte, tout en restant vigilant vis-à-vis du prochain projet de loi relatif à la souveraineté énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Discussion des articles
Article 2
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Lavarde, au nom de la commission.
Alinéa 4, première phrase
Compléter cette phrase par les mots :
pour une durée de dix ans
Mme Christine Lavarde. - Je le retire, car le ministre a répondu dans la discussion générale au problème résolu par cet amendement, de correction d'une erreur rédactionnelle issue de l'Assemblée nationale. Il serait dommage de faire redémarrer la navette, alors que le ministre a été clair : tous les trois ans, le contrat sera réactualisé pour dix ans.
L'amendement n°5 est retiré.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par MM. Szczurek, Durox et Hochart.
Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
« L'entreprise Électricité de France propose une opération permettant à ses salariés et à ses anciens salariés d'accéder à son capital. Cette opération porte au minimum sur 2 % du capital de l'entreprise. Elle a lieu dans les quatre mois suivant la date de publication de la loi.
« Un rabais est octroyé aux salariés et aux anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.
« Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise les critères d'éligibilité des anciens salariés, le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l'offre, les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts prise en charge par l'État.
« Pour assurer le partage de la valeur au sein de l'entreprise Électricité de France, la part de la détention par l'État est minorée, jusqu'à 10 % du capital social de l'entreprise, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l'entreprise. »
M. Christopher Szczurek. - Le but de cet amendement, que je pourrais retirer, est de graver dans le marbre de la loi l'actionnariat salarié. Le Gouvernement peut-il s'engager en la matière ?
M. le président. - Amendement n°1 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Cambier, Courtial et Mizzon, Mme Loisier, MM. Hingray et Parigi, Mme Devésa, M. Folliot, Mmes Florennes et Sollogoub et M. Henno.
Alinéa 6
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Pour assurer le partage de la valeur au sein de l'entreprise Électricité de France, la part de la détention par l'État est minorée, jusqu'à 10 % du capital social de l'entreprise, par le capital détenu par les salariés et les anciens salariés de l'entreprise. »
M. Michel Canévet. - Cet amendement va dans le même sens, en inscrivant dans le texte que l'actionnariat salarié puisse monter jusqu'à 10 %. Les salariés doivent être mobilisés le plus possible pour la réussite de l'entreprise. Je souhaite entendre le Gouvernement à ce sujet.
M. le président. - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par MM. Canévet, Cambier, Courtial et Mizzon, Mme Loisier, MM. Hingray et Parigi, Mme Devésa, M. Folliot, Mmes Florennes et Sollogoub et M. Henno.
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Dans un délai de trois mois suivant la date de publication de la loi n° du visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement, l'entreprise Électricité de France propose une opération permettant à ses salariés et à ses anciens salariés d'accéder à son capital. Cette opération porte au minimum sur 2 % du capital de l'entreprise, pour un prix de souscription hors rabais qui ne peut être supérieur à 12 euros.
Un rabais est octroyé aux salariés et aux anciens salariés éligibles si les titres acquis ne peuvent être cédés avant une période de cinq ans.
Un arrêté du ministre chargé de l'économie précise les critères d'éligibilité des anciens salariés, le nombre de titres proposés aux personnes éligibles et le prix de souscription ainsi que, le cas échéant, la durée de l'offre, les modalités d'ajustement de l'offre si la demande est supérieure à l'offre, le rabais, les mécanismes assurant la liquidité des titres et la partie des coûts prise en charge par l'État.
... - L'entreprise Électricité de France peut s'exonérer de son obligation de mettre en place l'opération d'actionnariat salarié prévue au II en versant une prime de sortie à tous les actionnaires salariés et anciens salariés détenteurs de titre de l'entreprise au 8 juin 2023.
Un arrêté ministériel fixe le montant de la prime par action détenue.
M. Michel Canévet. - Nous rappelons que les salariés ont reçu 12 euros pour des actions qu'ils avaient parfois payées 25 ou 66 euros. Quelle perte pour ces 80 000 salariés !
Vu l'importance du partage de valeur, l'État doit être exemplaire.
Une prime de sortie éviterait aux salariés concernés d'être encore plus spoliés.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Triple avis défavorable. La commission a pris acte du « deal » entre le rapporteur de l'Assemblée nationale et le Gouvernement et propose un vote conforme, d'autant que le texte revient à la version adoptée par la commission en deuxième lecture.
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Demande de retrait, pour obtenir un vote conforme.
L'État a acquis 100 % du capital d'EDF. Le rouvrir n'est pas d'actualité alors que des investissements sont prévus.
Le débat du partage de la valeur ajoutée, essentiel, aura lieu.
Le texte actuel lève toute ambiguïté, précisant le caractère facultatif de l'ouverture du capital, au bénéfice des seuls anciens salariés conservant un lien avec l'entreprise au titre de son système collectif d'épargne.
La prime de sortie n'est pas acceptable. L'OPA a été validée par la justice, à une valeur expertisée. EDF n'étant pas l'initiatrice de l'OPA, elle n'a pas à être sollicitée.
M. Christopher Szczurek. - Je retire l'amendement, mais la réponse du ministre n'est pas satisfaisante.
L'amendement n°3 est retiré.
M. Fabien Gay. - M. Michel Canévet continue à promouvoir l'actionnariat salarié, ce qu'il fait depuis la loi Pacte : nous apprécions sa constance.
Pour nous, c'est plus mitigé... (Sourires) Mais je voterai son amendement. Les salariés qui ont acheté à 36 ou 66 euros l'action subissent une démarche qui n'est pas la leur. L'indemnisation à 12 euros est très basse.
Marcel Paul a unifié 1 300 entreprises électriques et gazières : sa nationalisation n'était pas une mince affaire ! Il avait prévu que, si la situation évoluait sous trois mois, un réajustement était possible par décret.
Les salariés actionnaires ont payé les mauvais chiffres d'EDF, pourtant aujourd'hui la situation a totalement évolué. Il faut trouver un compromis avec les représentants des actionnaires salariés.
M. Victorin Lurel. - Nous comprenons l'amendement de Michel Canévet, mais nous nous abstiendrons.
En revanche, nous souhaitons une réponse beaucoup plus claire du ministre. Il semblait qu'un accord avait été conclu, que l'intersyndicale devait être reçue.
Je relève le caractère optionnel de l'ouverture du capital. Le Gouvernement devrait faire des efforts à l'égard des salariés et anciens salariés.
L'amendement n°1 rectifié bis est retiré, ainsi que l'amendement n°4 rectifié bis.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par M. Gay et les membres du groupe Communiste Républicain Citoyen et Écologiste - Kanaky.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le capital de la société gestionnaire des réseaux publics de distribution mentionnée au 1° de l'article L. 111-52 du présent code est détenu en totalité par l'entreprise Électricité de France. »
M. Fabien Gay. - Je m'interroge : Enedis a été exclu du texte, après un compromis. Pourtant Enedis est une filiale d'EDF à 100 %. La réalité, c'est que vous n'avez pas abandonné le projet Hercule : vous n'avez acquis 100 % d'EDF que pour avoir les mains libres ! (M. Roland Lescure s'en émeut.)
Cela vous fait peut-être sourire, monsieur le ministre (l'intéressé s'en défend), mais les réponses d'Agnès Pannier-Runacher et de Bruno Le Maire n'ont jamais été très claires. Pour éponger les 60 milliards de dettes, il faudra vendre des actifs ou ouvrir le capital des filiales, dont Enedis, la poule aux oeufs d'or.
C'est pourquoi nous voulons rendre les titres d'Enedis incessibles.
J'attends un engagement fort du Gouvernement en ce sens.
Mme Christine Lavarde, rapporteur. - Avis défavorable. Regardez le plan pluriannuel d'investissements d'Enedis avant de la qualifier de poule aux oeufs d'or...
MM. Fabien Gay et Franck Montaugé. - Au contraire !
M. Roland Lescure, ministre délégué. - Avis défavorable. Nous avons des besoins d'investissement énormes dans les prochaines années, pour construire des EPR et investir dans les énergies renouvelables et les réseaux.
Premièrement, Hercule est mort. Deuxièmement, un actionnaire public comme l'État doit pouvoir aider Enedis à investir. Troisièmement, cet amendement risque l'inconstitutionnalité, car vous formulez des injonctions à l'actionnaire d'Enedis, c'est-à-dire EDF.
M. Franck Montaugé. - Je crois le contraire de ce qui vient d'être dit : une entreprise qui doit investir beaucoup va attirer des convoitises. Ce raisonnement ne tient pas la route.
Le groupe communiste pose une question de souveraineté nationale : comment protégeons-nous l'énergéticien central français ?
M. Fabien Gay. - Monsieur le ministre, vous ne me rassurez pas, bien au contraire !
Pourquoi intégrer la production, le transport et la distribution ? Parce que cela permet d'investir dans l'une des activités grâce au financement des autres.
Vous, les libéraux, avez fait le choix de les séparer au profit d'acteurs alternatifs qui sont, en réalité, tous des requins.
L'an dernier, Enedis a versé 1,25 milliard d'euros de dividendes... Et vous n'appelez pas cela une poule aux oeufs d'or ? Il faut le rendre incessible.
Nous retirerons l'amendement, pour obtenir un vote conforme. Mais nous avons besoin d'un grand débat sur le sujet. (Mme Cathy Apourceau-Poly renchérit.)
L'amendement n°2 est retiré.
M. le président. - Le vote sur l'article 2 vaut pour l'ensemble de la proposition de loi.
L'article 2 est adopté et la proposition de loi est définitivement adoptée.
(Mme Corinne Narassiguin et M. Jean-Claude Tissot félicitent M. Philippe Brun, présent en tribune.)
Prochaine séance, mardi 9 avril 2024, à 9 h 30.
La séance est levée à 19 h 35.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 9 avril 2024
Séance publique
À 9 h 30, à 14 h 30 et le soir
1. Questions orales
2. Proposition de loi visant à concilier la continuité du service public de transports avec l'exercice du droit de grève, présentée par M. Hervé Marseille et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°493, 2023-2024) (demande du groupe UC)
3. Débat sur la fermeture des classes et la mise en place de la carte scolaire dans les départements (demande du groupe Les Républicains)
4. Proposition de loi visant à proroger la loi n°2017-285 du 6 mars 2017 relative à l'assainissement cadastral et à la résorption du désordre de la propriété, présentée par M. Jean-Jacques Panunzi et plusieurs de ses collègues (texte de la commission, n°495, 2023-2024) (demande du groupe Les Républicains)
5. Sous réserve de leur dépôt, conclusions des commissions mixtes paritaires sur le projet de loi relatif à l'organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire et sur le projet de loi organique modifiant la loi organique n°2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l'application du cinquième alinéa de l'article 13 de la Constitution (demande du Gouvernement)
6. Sous réserve de leur dépôt, conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (demande du Gouvernement)