Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
Création de l'agence de conseil interne de l'État
Mme Nathalie Goulet . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'inauguration des locaux de l'agence de conseil interne de l'État le 26 mars dernier aurait pu être une bonne nouvelle. Je rappelle que dans une anarchie déontologique absolue et une opacité complète, l'utilisation des cabinets privés avait coûté plus de 1 milliard d'euros aux contribuables. Cette gabegie n'avait pas échappé au groupe CRCE-K ni à la commission d'enquête menée de main de maître par Éliane Assassi et Arnaud Bazin.
S'ensuivait une proposition de loi adoptée ici le 18 octobre 2022 puis, à reculons et bien détricotée, le 1er février à l'Assemblée nationale.
Pourquoi cette initiative en pleine navette parlementaire, alors que nous sommes en période de disette budgétaire, que les agences et autres autorités pullulent à grands frais et que notre administration est dotée de plusieurs inspections générales très compétentes ? Une telle agence pourrait-elle régler les problèmes de transparence, éviter les consanguinités et les conflits d'intérêts, améliorer la gestion des deniers publics et celle de la haute fonction publique ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées des groupes Les Républicains, CRCE-K, SER et du GEST)
M. Stanislas Guerini, ministre de la transformation et de la fonction publiques . - Je vous lis la recommandation n°6 du rapport de la commission dirigée effectivement de main de maître par Arnaud Bazin et Éliane Assassi : « un plan de réinternalisation pour mieux valoriser les compétences internes et moins recourir aux cabinets de conseil ». C'est exactement ce que nous faisons ! (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
J'ai toujours été clair sur les objectifs. Janvier 2022, le Premier ministre Jean Castex a publié une circulaire pour réduire de 15 % les dépenses de conseil externe. L'année suivante, ces dépenses ont été divisées par deux, et l'année d'après par trois. Ainsi, 190 millions d'euros ont été économisés...
M. Jean-François Husson. - Grâce au Sénat !
M. Rachid Temal. - Cela coûtait cher !
M. Stanislas Guerini, ministre. - ... grâce à un accord-cadre de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP). J'ai mis en place cet engagement quelques semaines après ma nomination. Il reprend quasiment intégralement les recommandations du Sénat : limitation des budgets et des missions de conseil, des droits de suite, suppression des missions pro bono et de celles en marque blanche, suppression des données chez les cabinets de conseil, capitalisation par les administrations, publication d'un jaune budgétaire et internalisation des missions de conseil.
Citez-moi des cas où nous investissons 10 millions d'euros pour en économiser 190 ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Nathalie Goulet. - Si vous avez fait toutes ces économies, c'est grâce au travail du Sénat ! (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et sur quelques travées du groupe SER. Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
Mme de Montchalin a publié une circulaire le matin de son audition par notre commission d'enquête - élégant... Nous demandons de la transparence. Il faut une tour de contrôle pour éviter les conflits d'intérêts, le pantouflage et le rétropantouflage. Nous demandons la juste utilisation des deniers publics. Encore mieux si cela figure dans le texte qui arrive au Sénat...
Mais avec une agence en plus, c'est mal parti pour avoir des dépenses en moins... (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains et sur quelques travées des groupes CRCE-K et SER)
Crise de l'éducation nationale
Mme Monique de Marco . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Mille cinq cents ans : un établissement privé est susceptible d'être contrôlé une fois tous les mille cinq cents ans.
M. Loïc Hervé. - Oh, ça va !
Mme Monique de Marco. - Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur le double discours du Gouvernement. D'un côté, 7,8 milliards d'euros par an pour l'enseignement privé, sans contrôle, de l'autre, 690 millions d'euros de moins pour l'école publique. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Loïc Hervé. - Mais c'est faux !
Mme Monique de Marco. - Quelles que soient son origine, sa situation géographique ou ses croyances, chaque enfant a le droit de recevoir les mêmes moyens pour son éducation et son émancipation. (Murmures désapprobateurs au centre et à droite)
Dans de nombreux territoires, l'éducation nationale n'est plus en mesure de garantir l'égalité des chances. En Seine-Saint-Denis, enseignants, parents et élèves demandent depuis plus d'un mois un plan d'urgence pour recruter et rénover les établissements insalubres.
Votre réforme du choc des savoirs est un nouvel affront aux valeurs républicaines. Avec les groupes de niveau, vous organisez le tri social. (Exclamations au centre et à droite)
MM. Max Brisson et Olivier Paccaud. - Caricature !
Mme Monique de Marco. - Les conservateurs se sont toujours prévalus de la liberté d'enseignement pour s'opposer à la mixité sociale, agitant le chiffon rouge de la guerre scolaire. Actuellement, ils usent de tous les artifices pour éviter le débat sur les ghettos scolaires. Mais l'école de la République doit être un rempart face aux inégalités : nous ne voulons ni des groupes de niveau ni des uniformes. (Protestations au centre et à droite) Nous attendons un choc d'égalité, un choc de moyens et un plan d'urgence.
Madame la ministre, allez-vous remettre l'école publique au coeur de l'action du Gouvernement ? Dans quel camp êtes-vous ? (Marques d'impatience à droite) Celui des conservateurs ou celui des progressistes ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ; marques de désapprobation à droite)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - L'éducation nationale, c'est la priorité : nul besoin d'un plan d'urgence, c'est l'urgence de chaque instant.
Deux objectifs nous guident. Premièrement, la réussite de tous nos élèves. C'est pourquoi je mettrai en oeuvre le choc des savoirs, qui permettra de prendre en charge la singularité de chaque élève, pour le porter au plus haut de ses connaissances et de ses compétences.
Vous n'avez pas évoqué la sécurité, autre sujet de préoccupation, et condition d'un bon apprentissage.
Deuxièmement, la mixité scolaire. Madame la sénatrice, vous faites allusion aux établissements privés sous contrat. Nous avons recruté 60 personnes pour assurer leur contrôle administratif, financier et pédagogique.
La mixité fait aussi partie du plan construit avec le secrétariat général de l'enseignement catholique : je veillerai à ce qu'il s'applique pleinement.
Nous sommes attentifs aux situations singulières. En Seine-Saint-Denis, nous avons dédoublé les classes en école primaire dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP). Ainsi, six classes sur dix ont moins de quatorze élèves.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Nicole Belloubet, ministre. - Nous sommes arc-boutés sur la réussite et la mixité. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Réforme de l'assurance chômage (I)
Mme Frédérique Puissat . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Compliqué, monsieur le Premier ministre, de vous suivre sur cette réforme de l'assurance chômage.
M. Rachid Temal. - Ah !
Mme Frédérique Puissat. - Celle-ci est un bien universel. Certes, certains peuvent frauder, ou profiter du système. Mais des milliers de personnes ont besoin de règles stables, qui ne changent pas au gré des gouvernements. La dernière réforme de l'assurance chômage date d'il y a à peine un an !
Les règles de l'assurance chômage ne sont pas définies par le Premier ministre au 20 heures (applaudissements sur les travées du GEST et sur plusieurs travées du groupe SER ainsi que sur quelques travées du groupe Les Républicains), mais par les partenaires sociaux. La dernière réforme d'Élisabeth Borne est-elle déjà caduque ? Les partenaires sociaux ont fait des propositions en novembre 2023. Les avez-vous lues ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du GEST, et sur quelques travées des groupes UC et SER)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - L'assurance chômage est définie par l'article L.1 du code du travail, issu d'une excellente réforme de 2007 dont l'auteur était le président Larcher ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Cet article est extrêmement précis, et fait du dialogue social la base de tout.
En novembre dernier, les partenaires sociaux ont reçu une lettre de cadrage, écrite dans le contexte économique de l'automne 2023. Ce contexte a changé depuis. (Murmures sur les travées du groupe Les Républicains) Ils étaient invités à travailler sur le pacte de la vie au travail, et sur l'assurance chômage.
En novembre 2023, ils ont demandé au Gouvernement de pouvoir continuer à discuter sur l'assurance chômage. Le décret s'achevait au 31 décembre. Le Gouvernement a accepté un décret dit de jointure, qui court jusqu'au 30 juin 2024.
Les partenaires sociaux devaient répondre le 26 mars ; ils répondront le 8 avril, la balle est dans leur camp. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Frédérique Puissat. - L'article L.1 du code du travail, c'est aussi l'Unédic, à laquelle vous avez fait les poches, par sous-compensation. Cet État pickpocket, nous le craignons pour les collectivités, l'Agirc-Arrco et nous le condamnons pour l'Unédic. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et du GEST ainsi que sur quelques travées des groupes SER et CRCE-K ; MM. Yannick Jadot et Akli Mellouli invitent Mme Frédérique Puissat à rejoindre le GEST)
Réforme de l'assurance chômage (II)
Mme Nicole Duranton . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Comme le Premier ministre l'a rappelé à l'Assemblée nationale, nous tendons depuis 2017 vers une société de plein emploi. (« Allo ? » à droite) Le taux de chômage est au plus bas depuis 25 ans. (Brouhaha à droite)
N'en déplaise à certains, la France n'a pas perdu de son attractivité (protestations sur les travées du groupe Les Républicains) et près de trois millions d'emplois ont été créés.
Une voix à droite. - Tout va bien !
Mme Nicole Duranton. - Nous avons multiplié les efforts pour réindustrialiser la France.
Il faut accompagner nos concitoyens dans la recherche d'un emploi : c'est le principe de la prochaine réforme de l'assurance chômage, pour un système juste dans lequel le travail paie. La durée d'indemnisation n'est qu'un des leviers envisagés dans les discussions en cours. Laissons travailler les partenaires sociaux. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
En cristallisant les débats sur un seul paramètre, nous risquons d'oublier l'essentiel. Faisons confiance au dialogue social : nous saurons le retranscrire dans la loi, comme nous l'avons fait pour l'accord national interprofessionnel (ANI) en 2022.
Madame la ministre (exclamations sur les travées des groupes Les Républicains et SER), pouvez-vous nous tracer les contours de cette réforme au service d'une société du plein emploi ? (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - Merci de me permettre de continuer à parler de l'assurance chômage. (On ironise sur les travées des groupes Les Républicains et SER.)
Premier point : n'en déplaise à certains, nous sommes sortis de la période du chômage de masse. (Protestations sur les travées du groupe SER ; M. François Patriat applaudit.)
M. Hussein Bourgi. - Vous l'avez déjà dit !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Depuis 2017, 2,4 millions de personnes ont retrouvé le chemin de l'emploi. Mais 400 000 entreprises cherchent à recruter ! Vous les rencontrez tous les jours : elles ont des offres à pourvoir mais ne trouvent personne.
Parlons de la formation. En 2019, l'Unédic était déficitaire de plus de 4 milliards d'euros. Non, le Gouvernement n'a pas fait les poches de l'Unédic (Mme Frédérique Puissat le conteste), mais lui a permis de financer des formations, via des plans d'investissement dans les compétences sur les territoires, notamment. Quoi de plus normal que de former vers l'emploi les allocataires du RSA ? Cela renforce aussi l'attractivité de notre pays. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Finances des départements
M. Pierre-Jean Verzelen . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) J'associe à ma question mes collègues axonais Pascale Gruny et Antoine Lefèvre.
Voilà cinquante ans que l'État présente des budgets en déficit, contrairement aux collectivités territoriales.
M. Olivier Paccaud. - C'est la loi.
M. Pierre-Jean Verzelen. - Pourtant, le président du conseil départemental de l'Aisne s'apprête à présenter un budget en déséquilibre.
Nous sommes confrontés à des difficultés structurelles. Nous bouclons les budgets avec des rustines - quelques millions d'euros de péréquation, ou de soutien exceptionnel. Depuis vingt ans, les départements assument une partie des politiques sociales de l'État. Nous reportons les investissements pour les collèges et les routes. Dans les territoires ruraux, les collectivités territoriales doivent se substituer au privé pour investir dans la fibre optique, les commerces, les maisons médicales.
Voilà la vérité : sans une plus grande équité, si on ne remet pas les modèles à plat, des départements n'auront plus les moyens d'exister.
Monsieur le ministre, les élus ne se plaignent pas de leur sort, et ne sont pas dans une démarche politicienne : nous participons aux travaux de la mission Woerth.
Quelle réponse le Gouvernement peut-il donner aux départements au bord du précipice ? (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires . - Les départements sont confrontés à un effet ciseau : diminution des recettes, liée à la baisse des droits de mutation, et augmentation des dépenses sociales. Les disparités sont grandes : les départements littoraux, où le prix de l'immobilier est plus élevé, résistent mieux. Cela dit, les baisses de recettes se poursuivent.
Plusieurs dispositifs sont prévus aux articles 86, 131, 251 et 304 de la loi de finances pour 2024, à hauteur de 300 millions d'euros, notamment pour l'enfance et l'autonomie. Le fonds de sauvegarde a été porté à 106 millions d'euros pour les quatorze départements les plus en difficulté. S'y ajoute le complément aux crédits de fonctionnement, pour un demi-milliard d'euros de DGF supplémentaire.
Mais votre question, constructive, est : que faire maintenant ?
Je vous renvoie aux propos du Premier ministre la semaine dernière en réponse à Cécile Cukierman (M. Rachid Temal ironise) : comment trouver des chemins collectifs pour s'accorder sur des réponses structurelles, sans revenir aux contrats de Cahors ? La mission Woerth s'y attelle, elle rendra ses conclusions début mai, avant notre travail ensemble. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Olivier Paccaud. - Où est la réponse ?
Éolien en mer
M. Philippe Grosvalet . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le 13 octobre 2017, la première éolienne flottante de France était mise à l'eau, à Saint-Nazaire.
« C'est une filière d'avenir : j'y crois et je veux que nous soyons un des leaders », a déclaré le Président de la République en novembre dernier, lors des assises de la mer. Nous sommes en mesure de construire turbines, pâles et sous-stations pour atteindre l'objectif de 45 gigawatts en 2050, mais, selon les grands industriels installés dans mon département, planification et visibilité font défaut.
À Saint-Nazaire, General Electric annonce se séparer de 600 salariés, la moitié de son effectif. Dans le département, deux usines vont fermer. C'est l'ensemble de notre filière photovoltaïque qui connaît de graves difficultés, risquant tout bonnement de disparaître.
Comment comptez-vous garantir une meilleure planification ? Comment renforcer la compétitivité de nos entreprises dans les appels d'offres, notamment face à la concurrence chinoise ? Comment accompagner le creux de charge de General Electric et sauver les 600 emplois menacés dans mon département ?
Monsieur le ministre, breton comme moi, vous êtes attaché à nos pêcheurs : comment comptez-vous rattraper les couacs de communication qui ont accompagné la présentation des cartographies des futurs parcs éoliens en mer ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Rachid Temal applaudit également.)
M. Hervé Berville, secrétaire d'État chargé de la mer et de la biodiversité . - Je vous remercie, ainsi que le maire de Saint-Nazaire, pour votre implication en faveur de la souveraineté énergétique de notre pays. Nous ne pouvons pas dépendre des hydrocarbures étrangers, notamment du gaz russe.
Pour réaliser la transition écologique, nous devons bâtir une filière française de l'éolien flottant, qui crée de l'emploi sur notre territoire et rayonne à l'international.
M. Rachid Temal. - Et concrètement ?
M. Hervé Berville, secrétaire d'État. - Dans le cadre de la planification, il faut prendre en compte les zones de pêche, les zones de protection forte et les zones de développement touristique.
Concrètement, nous avons lancé en janvier dernier un exercice inédit de planification en mer : pendant six mois, tout le monde pourra participer à la réflexion sur la construction des éoliennes en mer et leurs retombées économiques. Nous devons aux industriels de mener à bien ce travail de concertation et de planification, pour leur offrir de la visibilité.
Nous lancerons ensuite, en janvier prochain, un appel d'offres de 10 gigawatts. Nous devons aussi travailler avec les lycées professionnels, donc les régions, pour développer dans nos territoires les compétences nécessaires à la production des composants dont nous avons besoin. C'est ainsi que nous renforcerons notre réindustrialisation et notre souveraineté. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Situation en Haïti
Mme Hélène Conway-Mouret . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Deux minutes : c'est court pour une question, à laquelle j'associe les membres du groupe d'amitié France-Caraïbes et nos collègues de la zone, en particulier Catherine Conconne et Victorin Lurel, sur un pays qui nous fait rêver, mais connaît un drame terrible.
Je veux parler d'Haïti, un pays auquel nous sommes intimement liés par notre histoire. Selon les mots d'Alexandre Dumas, « les Haïtiens n'ont cessé d'être français qu'après avoir fourni leur contingent de gloire à la France ».
Ce pays vit un cataclysme : quel pays pourrait résister à l'assassinat de son président, à une assemblée nationale vide depuis un an et à la démission du septième premier ministre en quatre ans ? Haïti n'est plus dirigé.
Le conseil de transition et l'état d'urgence n'ont pas empêché le déplacement de 400 000 personnes ni la prise de contrôle de la capitale par des gangs qui pillent et violent. Sous ces tristes tropiques, la violence a fait l'année dernière 8 400 morts et 1 700 blessés, selon le Bureau intégré des Nations unies. La République dominicaine a déjà reçu 700 000 réfugiés haïtiens : elle mérite tout notre soutien.
Face à la crise humanitaire, qu'attendons-nous pour répondre à l'appel de l'ONU en faveur d'une force internationale qui puisse protéger la population et favoriser la reprise du processus démocratique ? Six pays ont déjà proposé leur aide : qu'entend faire la France ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER, sur plusieurs travées du groupe CRCE-K et du GEST et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Chrysoula Zacharopoulou, secrétaire d'État chargée du développement et des partenariats internationaux . - Vous avez raison : la situation sécuritaire en Haïti s'est fortement dégradée, avec des conséquences humanitaires catastrophiques.
La France condamne fermement les attaques de groupes criminels. La priorité est de rétablir l'accès à l'aide humanitaire. Nous soutenons activement les efforts de la communauté internationale pour une solution politique interhaïtienne.
Le mois dernier, j'ai représenté notre pays à la réunion organisée par la Communauté caribéenne, avec les États-Unis, le Canada et le Mexique. La France salue les progrès accomplis dans la constitution du conseil présidentiel de transition, issu de l'accord de Kingston. Elle appelle les membres de ce conseil à désigner rapidement un nouveau premier ministre pour rétablir la sécurité et préparer des élections.
Nous appelons au déploiement rapide de la mission multinationale d'appui à la sécurité, que nous aidons à hauteur de 3,8 millions d'euros à travers l'Organisation internationale de la francophonie. Nous avons prévu 1 million d'euros supplémentaires pour soutenir la police haïtienne en 2024. Enfin, nous affrétons des vols spéciaux pour évacuer les personnes les plus vulnérables : 243 ont déjà été prises en charge, dont 79 ressortissants étrangers.
L'ambassade à Port-au-Prince continue de fonctionner et soutient la communauté française sur place. (MM. François Patriat, Jean-Baptiste Lemoyne et Ludovic Haye applaudissent.)
Mme Hélène Conway-Mouret. - Nous saluons ces efforts, mais j'aurais aimé entendre un engagement beaucoup plus fort pour l'avenir. Allons-nous répondre à l'appel des Nations unies ? La situation est intenable, et je regrette que ma question demeure sans réponse... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Réforme de l'assurance chômage (III)
Mme Evelyne Corbière Naminzo . - (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K) Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé une nouvelle réforme de l'assurance chômage - la quatrième depuis 2017. Face au déficit, vous cherchez 50 milliards d'euros. Mais plutôt que de rétablir l'ISF et de taxer les superprofits, vous voulez, une fois de plus, faire des économies sur le dos des pauvres. (Murmures désapprobateurs à droite)
Non, réduire la durée et le niveau de l'indemnisation n'incite pas les gens à reprendre le travail. Le chômage n'est ni un choix ni un confort : il est toujours le résultat d'un accident de vie. Éloignement des bassins d'emploi, saturation du marché du travail, discriminations à l'embauche : il faut en priorité régler ces questions.
Les chômeurs subissent une double peine, le sentiment d'exclusion et d'inutilité s'ajoutant à la précarité. Plus d'un tiers d'entre eux sont touchés par la pauvreté, et cette proportion est deux à quatre fois supérieure en outre-mer. Il s'agit bien souvent de mères à la tête d'une famille monoparentale, sans solution de garde.
Ce sont elles et tous les ménages modestes que vous allez précariser davantage encore, dans un contexte de cherté de la vie et de crise du logement. Vous engendrerez encore plus de dettes locatives et d'expulsions.
Comme l'a rappelé la secrétaire générale de la CFDT, le régime d'assurance chômage ne saurait être une variable d'ajustement budgétaire. Les chômeurs ne sont pas responsables de votre incapacité à gérer le budget de l'État !
Au lieu d'appauvrir les chômeurs, allez-vous permettre à tous nos concitoyens, en emploi ou privés d'emploi, de vivre dignement ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur certaines travées du groupe SER)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - Notre stratégie consiste à sortir les femmes et les hommes qui sont au chômage de cette situation pour les conduire vers l'emploi - là est la seule émancipation.
Logement, garde d'enfant : il faut commencer par traiter ces difficultés. C'est l'objectif de France Travail, qui reçoit les bénéficiaires du RSA pour établir avec eux un bilan de leur situation. C'est le sens aussi des crèches à vocation d'insertion. Pour former ces personnes, nous leur permettons une immersion, grâce aux accords conclus entre France Travail et les entreprises.
Si l'assurance chômage est redevenue bénéficiaire, c'est parce que 2,5 millions de Français ont retrouvé le chemin de l'emploi.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Ils ont été rayés !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Ne confondons pas les ajustements budgétaires et la réalité du travail ! Nous continuerons à renforcer l'accompagnement de nos concitoyens et, bien entendu, l'attractivité du pays. (M. François Patriat applaudit.)
Finances publiques
M. Bruno Belin . - (Applaudissements nourris sur les travées du groupe Les Républicains) Quand je pense à nos comptes publics, je me dis parfois : tout va bien ! Comme le jour où je vois mon fils ramener une pièce de 2 euros sur les jeux Olympiques - l'opération a coûté 16 millions d'euros. Mais quand je lis mon journal, ce n'est pas la même chanson : il est question de milliards, on ne sait même plus combien... Où en sommes-nous et quelles sont vos solutions ?
M. Thomas Cazenave, ministre délégué chargé des comptes publics . - Je vous remercie de cette question très ouverte... (Rires sur diverses travées)
Nous partageons, je pense, l'objectif. Peut-être aussi une frustration liée au dernier projet de loi de finances...
Mme Sophie Primas. - En effet, le 49.3 !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Les 45 milliards d'euros d'économies que, dites-vous, nous n'aurions pas saisis, auraient conduit à ne plus rien avoir pour la cohésion des territoires, pour l'audiovisuel public, pour le sport, pour le logement.
Mme Sophie Primas. - Pour le logement, vous pouvez parler...
Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains. - Sept milliards d'euros !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Voilà pour la seconde partie du projet de loi de finances. Pour la première, vous parlez de 7 milliards d'euros : vous vouliez augmenter de 20 % les prix de l'électricité, supprimer les crédits de la formation des enseignants et retirer 1,4 milliard d'euros au plan de relance...
M. Olivier Paccaud. - Ils ne sont pas consommés !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Il n'est pas trop tard pour bien faire. Bruno Le Maire, Frédéric Valletoux et moi avons convié toutes les forces politiques à un échange sur les finances publiques, mais votre groupe n'était pas représenté.
M. Xavier Iacovelli. - La chaise vide !
M. Thomas Cazenave, ministre délégué. - Je reste ouvert à la discussion pour construire ensemble les économies nécessaires au redressement de nos finances publiques.
Mme Sophie Primas. - Pas brillant...
M. Jean-François Husson. - Zéro pointé !
M. Bruno Belin. - Vous n'avancez aucune solution.
Réduire le train de vie de l'État, oui, mais sur quoi ? L'essentiel est la masse salariale.
S'attaquer à la santé, notamment aux affections de longue durée ? Mauvaise idée. Quant aux franchises sur les médicaments, il faudrait commencer par régler les pénuries, parce que pas beaucoup sur pas grand-chose, cela ne fait pas lourd... (Sourires)
S'attaquer aux collectivités territoriales ? Mauvaise idée. Elles assurent les trois quarts de l'investissement public, il faut donc les aider.
Le projet de loi de finances rectificative doit être un exercice de vérité et de sincérité. Nous avions proposé une dépense réduite de 7 milliards d'euros. Écoutez-nous !
Nous commémorons le décès du président Pompidou, il y a cinquante ans : il est le dernier chef d'État à avoir présenté un budget à l'équilibre ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Réforme de l'assurance chômage (IV)
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Madame la ministre du travail, ma question est simple. Assumez-vous le choix du Gouvernement de faire financer les déficits publics par les demandeurs d'emploi, par les personnes en difficulté...
M. Gabriel Attal, Premier ministre. - Il faut arrêter !
Mme Monique Lubin. - ... par les salariés, par les assurés sociaux, plutôt que par les hauts revenus et les dividendes qui explosent ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; MM. Fabien Gay et Daniel Salmon applaudissent également.)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - Je viens de répondre à plusieurs reprises. Nous avons deux visions totalement opposées. (On le confirme bruyamment à gauche.) Celle de cette majorité, c'est de lutter contre le chômage de masse. Des majorités que vous souteniez n'ont pas eu la même approche... La différence se mesure en termes de résultat : 2,7 millions de chômeurs ont retrouvé le chemin de l'emploi depuis 2017.
M. Rachid Temal. - Il n'y a plus de chômeurs ?
Mme Catherine Vautrin, ministre. - L'assurance chômage a longtemps été déficitaire, car il y avait plus de demandeurs d'emploi, donc moins de cotisations (M. Gabriel Attal renchérit) ; aujourd'hui, les cotisations servent à financer l'accompagnement par la formation des personnes les plus éloignées de l'emploi.
Notre taux d'emploi est bon - sauf chez les seniors, où il n'est que de 45 %, et chez les jeunes - signe que ceux qui peinent à trouver un emploi ont besoin qu'on améliore leur employabilité.
Ce matin, je rencontrais un demandeur d'emploi de 55 ans. (On ironise bruyamment à gauche.)
M. Rachid Temal. - Qu'il traverse la rue !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - Cela vous fait rire ? Pas moi. Retrouver un boulot à 55 ans n'est pas simple. La différence entre vous et nous, c'est que nous cherchons des solutions concrètes, quand vous êtes dans les postures ! (Brouhaha à gauche ; applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
Mme Monique Lubin. - Six millions de chômeurs sont inscrits à France Travail, 2,6 millions sont indemnisés, la moitié travaille, l'allocation moyenne est de 1 035 euros : on est loin des nantis et des profiteurs dont vous nous parlez !
Mme Catherine Vautrin, ministre. - C'est vous qui en parlez !
Mme Monique Lubin. - Vous voulez réduire la durée d'indemnisation. Que restera-t-il à ces chômeurs de plus de 55 ans ? Il faut du temps pour chercher un emploi de même qualité et au même salaire que le précédent ; pour se former, pour changer d'orientation. Ce sera la course effrénée à l'emploi, quel qu'il soit.
Que leur restera-t-il ? L'allocation de solidarité spécifique ? Vous l'avez supprimée ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ils se tourneront donc vers le RSA, c'est-à-dire vers les départements, ces collectivités dispendieuses que vous allez saigner à blanc !
Voilà vos choix politiques, votre projet pour les Français : contre les assurés sociaux, contre les salariés, contre les plus pauvres, au bénéfice des plus riches, à qui on ne demande rien ! Les salariés s'en souviendront ! (Vifs applaudissements à gauche)
Compétence « eau et assainissement »
M. Jean-Marc Boyer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Monsieur le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, en ce cinquantième anniversaire de la mort de Georges Pompidou (« Ah ! » à gauche), président auvergnat, « arrêtez d'emmerder les Français ! ». (On apprécie la référence à droite.)
Cinquante ans après, vous imposez à la ruralité le transfert de la compétence eau et assainissement, le ZAN, objectif zéro artificialisation nette, vous modifiez les zonages et les critères des zones de revitalisation rurale (ZRR)... Quelle confiance accordez-vous aux élus des territoires ruraux ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - (Marques de déception) Vous m'interrogez sur l'un des quatre axes de France Ruralité : les ZRR, devenues FRR (France Ruralités Revitalisation), qui permettent à nos artisans, nos commerçants, nos médecins installés dans les zones rurales de bénéficier d'une défiscalisation.
La loi de finances pour 2024 a prévu que 17 700 communes bénéficient du zonage. En effet, certaines communes de la ruralité profonde sont sorties du zonage : 6 000 communes entrent dans le dispositif, d'autres sortent.
Je suis au travail, avec mon cabinet, avec les administrations, auprès du Premier ministre, pour trouver une solution pour chaque commune exclue, une à une. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Jean-Marc Boyer. - Je vous interrogeais sur la compétence eau et assainissement ! (Sourires) En décembre, M. Béchu disait vouloir faire preuve de souplesse et ne pas imposer le transfert à l'intercommunalité. Mais, en réalité, vous ne faites pas confiance aux élus.
Sur le ZAN, vous ne voulez rien céder. Le Sénat vous propose la garantie rurale d'un hectare, la mutualisation, la différenciation, mais vous n'écoutez pas le terrain et continuez dans le « en même temps ».
Pour les ZRR, vous refusez le maillage communal et excluez 3 000 communes du dispositif.
Allez-vous longtemps vous laisser dicter votre politique par des conventions citoyennes qui prétendent sauver la planète ? Vous vous enfermez dans l'écologie punitive en muselant les élus des collectivités qui n'auront plus la gestion de l'eau, ni de l'urbanisme. Cette politique liberticide, source de décroissance, marginalise la France.
Faites donc confiance au bon sens auvergnat de Georges Pompidou ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Oraux de fin de sixième année de médecine
Mme Anne-Sophie Romagny . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains) Le concours de fin de sixième année de médecine, fondamental, détermine la spécialité et la région d'exercice des futurs praticiens. La réforme entre en vigueur cette année : l'épreuve écrite est remplacée par un écrit en début d'année et un oral en fin d'année, dit examens cliniques objectifs structurés (Ecos). Cet oral consiste en des jeux de rôles auprès de patients, interprétés par des volontaires rémunérés, pour évaluer les réflexes de l'étudiant en situation.
L'intention est bonne, mais les Ecos blancs organisés le 12 mars dernier ont révélé de nombreux dysfonctionnements : étudiants interrogés par des proches, ayant trouvé le brouillon de leurs prédécesseurs ou les ayant entendus à travers la cloison, fuite de sujets, perte de grilles d'évaluation... Ces défaillances rompent manifestement l'égalité des chances entre candidats.
Quelles mesures comptez-vous prendre pour que ce concours décisif ne soit pas une loterie ? À deux mois des examens, pourriez-vous envisager de rendre les Ecos validants mais pas classants ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - Ces épreuves, qui visent à privilégier les examens cliniques plutôt que les QCM, sont une innovation dans le parcours de formation des futurs médecins.
L'examen blanc du 12 mars était un test grandeur nature. Il a révélé certains dysfonctionnements - appelons un chat un chat. Un jury en tirera les enseignements et nous ajusterons les dispositifs pour les épreuves des 28 et 29 mai.
Impossible de modifier en cours de route le caractère classant de cet examen, qui figure dans la loi ; nous pourrons réfléchir, avec Sylvie Retailleau, à une adaptation pour l'année prochaine, si nécessaire.
L'épreuve test visait justement à détecter les ajustements nécessaires pour que les examens de mai se passent au mieux. Sur les 8 041 étudiants qui ont pris part à ces Ecos, 96 % n'ont rencontré aucune difficulté. Il y a des cas résiduels, que nous prenons en compte. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Anne-Sophie Romagny. - Une pétition circule, qui a recueilli 8 300 signatures. On ne peut pas sacrifier les étudiants qui passent les Ecos cette année. C'est le concours d'une vie ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
Démission du proviseur du lycée Maurice-Ravel
Mme Agnès Evren . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les événements survenus au lycée Maurice-Ravel qui ont conduit à la démission de son proviseur sont le nouveau symbole de la lâcheté face à l'offensive islamiste. Le rectorat a maladroitement évoqué un départ « pour convenances personnelles », mais personne n'est dupe : le proviseur a démissionné pour protéger sa sécurité, parce qu'il était la cible de menaces de mort, après les assassinats de Samuel Paty et de Dominique Bernard.
Oui, l'offensive islamiste se déploie dans nos écoles, elle pousse les enseignants à l'autocensure, elle piétine les valeurs républicaines, elle tue. Ce que les Français ont retenu, c'est la démission du proviseur face à des élèves qui défiaient la loi ; c'est que la République a cédé devant l'obscurantisme.
L'école ne doit pas seulement être un sanctuaire, elle préfigure notre civilisation. Laïcité, cohésion nationale, esprit critique, État de droit : sur tous ces tableaux, si l'école sombre, c'est la France qui sombre.
Au-delà des brigades de sécurité, nous attendons une réponse systémique. Comment allez-vous protéger nos élèves et épauler les enseignants et chefs d'établissement, sans attendre que les choses se dégradent ? (M. Stéphane Ravier s'exclame.)
Ne cédons plus un pouce de terrain à ceux qui veulent abattre l'école, et à travers elle, la République et la France. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Nous partageons bien des points. La laïcité est au fondement de la République et de notre école. On ne peut bien apprendre que quand elle est respectée, car c'est notre terreau commun. Nous serons intransigeants sur ces sujets, et aux côtés des équipes éducatives.
La réponse que nous avons construite à la suite des attentats islamistes contre Samuel Paty et Dominique Bernard est efficace. Nous sommes aux côtés des établissements. Au moindre événement, nous déployons un bouclier de protection, avec les forces de l'ordre, les équipes académiques, avec des réponses juridiques. Dès qu'il y a un incident sur les espaces numériques, nous les suspendons.
Nous apportons à nos équipes un soutien psychologique, un soutien juridique avec la protection fonctionnelle. M. le Premier ministre a souhaité que, dans l'affaire du lycée Maurice-Ravel, l'État porte plainte pour dénonciation calomnieuse. L'État se portera systématiquement partie civile en cas d'atteinte à l'école, qui pourra ainsi demander réparation.
Notre réponse est globale, ferme et intransigeante ; nous serons arc-boutés sur la laïcité, principe cardinal. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
Situation sociale de la France
Mme Marion Canalès . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La Défenseure des droits porte un regard inquiet sur les droits et libertés dans notre pays. On mesure le degré de civilisation d'un peuple à la façon dont sont traités les plus vulnérables - et, ajouterais-je, ceux qui les accompagnent : 1,3 million de travailleurs sociaux oeuvrent chaque jour, dont 90 % de femmes.
Chacun de nous aura besoin d'eux. Pourtant, ces hussards bleus, blancs ou rouges alertent : ils manifestent demain, que leur dites-vous ?
La logique gestionnaire les fragilise : que leur dites-vous ? Plus que de la gratitude, il faut des actes !
Mais leur réalité, c'est l'intérim, l'ubérisation et le déficit d'attractivité : 30 000 postes vacants, 150 000 départs à la retraite d'ici deux ans, 90 000 professionnels déjà partis, un salaire médian inférieur au Smic, des accidents du travail trois fois supérieurs à la moyenne. Que leur dites-vous ?
Pour la première fois, des magistrats ont alerté sur la situation préoccupante d'enfants. Que leur dites-vous ?
Devant le risque imminent de craquage social, que proposez-vous ? Intégrerez-vous les exclus du Ségur ? Quand le taux d'encadrement prévu par la loi de 2022 sera-t-il enfin appliqué ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - Merci pour votre question, qui met en avant le travail des travailleurs sociaux, tant dans la fonction publique que dans les associations. Je salue leur engagement quotidien.
Les missions locales jouent un rôle majeur d'accompagnement des jeunes : les professionnels travaillent avec eux pour les ramener vers l'emploi.
Vous parlez de la reconnaissance. Merci d'avoir cité le Ségur, majeur pour l'ensemble des agents, dont les derniers développements, en janvier dernier, portaient sur l'indemnisation pour sujétions de garde et de week-end. Je rappelle aussi le Ségur de l'investissement.
Sur les postes vacants, un travail doit être mené avec Sylvie Retailleau dans le cadre de Parcoursup sur la lisibilité des formations vers ces métiers. Il y a un manque de connaissance des opportunités qu'ils offrent. Il faut aussi avancer sur les passerelles, qui permettent une logique de carrière.
La cohésion de notre société a un moteur : l'égalité des chances. Elle passe par les travailleurs sociaux. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Laurence Rossignol. - Quel blabla !
Prise en charge des enfants en situation de handicap
Mme Marie-Pierre Richer . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées du groupe UC) Je salue les nombreuses associations et institutions qui oeuvrent à la prise en charge des personnes en situation de handicap. Malheureusement, entre complexité administrative et manque de moyens, elles ne peuvent apporter toutes les réponses.
Le reportage diffusé le 24 mars sur M6 n'a laissé personne insensible. Quelle indignité, quelle honte : enfants maltraités, adultes malmenés, parents interdits de visite... Les mots ne sont pas assez forts.
Loin de stigmatiser, regardons en face cette réalité insoutenable. À l'heure où l'on parle d'inclusion, force est de constater qu'elle n'est pas au rendez-vous - en attestent de nombreux témoignages.
La ministre Fadila Khattabi a déclaré que tous les établissements seraient contrôlés, que la parole serait libérée, dès 2025... Désormais, nous attendons des garanties et des moyens. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques travées des groupes UC, SER et CRCE-K.)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - Je m'associe à votre condamnation ferme de toutes les maltraitances, qui sont intolérables. Mais il ne faut pas jeter l'opprobre sur l'ensemble d'une profession.
En effet, Fadila Khattabi a annoncé les moyens prévus contre la maltraitance : 130 inspecteurs supplémentaires seront recrutés en plus des 120 déjà enrôlés à la suite du scandale Orpea, afin de vérifier le respect de la loi et des conditions humaines d'accueil.
La proposition de loi Bien vieillir facilitera l'écoute de la parole des familles et des enfants, afin d'avoir connaissance plus rapidement des cas problématiques. Le Gouvernement agit au bénéfice des enfants handicapés. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI)
Mme Marie-Pierre Richer. - Monsieur le ministre, 2025, ce n'est pas demain, mais après-demain, et c'est déjà trop tard ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Olivia Richard applaudit également.)
Difficultés des professions de santé
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En 2023, deux propositions de loi ont été votées pour améliorer l'accès aux soins : la première autorise l'accès direct à un infirmier en pratique avancée (IPA) qui a droit à la primo-prescription ; la seconde - dont vous êtes l'auteur, monsieur le ministre - a été complétée au Sénat par la possibilité pour les infirmiers d'expérimenter la signature des certificats de décès sous certaines conditions. Quand les décrets d'application seront-ils publiés ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Bruno Belin. - On n'a pas le droit de demander à un ami ? (Rires)
M. Jérôme Durain. - Pour trois questions, la quatrième est gratuite ! (Les rires redoublent.)
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la santé et de la prévention . - J'ai fait le compte en arrivant : une vingtaine de textes réglementaires doivent être pris en application, non seulement de ces deux textes, mais aussi de la loi de financement de la sécurité sociale.
Sur les vingt mesures d'élargissement prévues, dix ont déjà été prises, comme la prescription de lunettes par des orthoptistes et la vaccination par les pharmaciens, sages-femmes et infirmières. Toutes le seront d'ici à l'été.
M. Bruno Belin. - Ah !
M. Frédéric Valletoux, ministre délégué. - Pour l'expérimentation de la signature par les infirmiers des certificats de décès, le décret sera signé dans les prochains jours. De même pour l'accès des kinésithérapeutes aux maisons de santé. La concertation démarre pour le décret sur les IPA, une avancée de cette majorité.
D'ici l'été, c'est l'ensemble du dispositif réglementaire qui sera en place, pour le bénéfice des Français. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Mme Corinne Imbert. - Avec tout le respect que j'ai pour vous, monsieur le ministre, je suis vaccinée ! (Sourires) Par le passé, deux ministres de la santé m'ont promis un décret lié à la loi Santé de 2019, qui ne sera jamais publié... (M. Frédéric Valletoux s'exclame.)
La prochaine fois, je vous appellerai pour me donner des idées de question. Vous avez du pain sur la planche, avec tous les décrets annoncés !
Sur les certificats de décès, les élus attendent, mais aussi les forces de l'ordre, les ARS et, surtout, les familles...
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Corinne Imbert. - Quand la volonté du législateur est claire, il faut que le Gouvernement signe les décrets d'application ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes SER et UC ; M. Cédric Chevalier applaudit également.)
Entrisme islamiste à l'école
M. Aymeric Durox . - Le 27 mars dernier, nous apprenions la démission du proviseur de la cité scolaire Maurice-Ravel, à Paris, pour convenances personnelles selon le rectorat.
En réalité, il s'agissait de sa sécurité, ce proviseur ayant reçu des menaces de mort pour avoir demandé à une élève de retirer son voile. Elle avait porté plainte pour violences : c'était faux, mais la fabrique du mensonge et des réseaux sociaux était déjà en marche. Le collectif contre l'islamophobie en Europe (CCIE), successeur du collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), y a pris part. Le 16 mars, le lycée était bloqué. Onze jours plus tard, le proviseur démissionnait.
C'est cette fabrique du mensonge qui avait conduit à l'assassinat de Samuel Paty, le 16 octobre 2020 - déjà, le CCIF était impliqué. Depuis cette triste affaire, les messageries de centaines de lycées ont été noyées par des menaces de terrorisme islamiste. Pas un jour sans nouvelles menaces de mort envers la communauté éducative - et ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, selon un récent rapport sénatorial.
Mickaëlle Paty, la soeur de Samuel Paty, a dénoncé le peu de progrès depuis l'assassinat de son frère et mis en cause l'État.
Madame la ministre, comment comptez-vous protéger les hussards noirs de la République face à l'entrisme islamiste ? (MM. Joshua Hochart, Christopher Szczurek, Stéphane Ravier, Thierry Meignen et Alain Duffourg applaudissent.)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je l'ai dit : nous sommes intransigeants vis-à-vis des atteintes à la sécurité contre la communauté éducative. Les enseignants ne sont pas seuls, nous sommes à leurs côtés.
Je comprends la situation anxiogène qui a conduit le proviseur à prendre sa décision. (M. Stéphane Ravier s'exclame.)
Nous accompagnons les personnels : sécurité, soutien psychologique, soutien juridique. Mais nous avons aussi instauré des actions structurantes, autour de trois axes : la prévention, avec des moyens matériels, en lien avec le ministère de l'intérieur ; des actions de formation, en amont, pour les agents de l'État et des collectivités territoriales ; des actions d'accompagnement, avec les équipes académiques valeurs de la République. Lorsque les enseignants sont contestés, des cellules d'appui interviennent à leur demande.
Tous ces dispositifs montrent que nous constituons un véritable bouclier autour de nos équipes éducatives. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Aymeric Durox. - Cela fait sept ans que ce Gouvernement est aux affaires. Or nous avons eu Samuel Paty, Dominique Bernard, de nombreux rapports non suivis d'effet.
Le 18 octobre 2020, le Président de la République disait que la peur allait changer de camp. Encore un échec flagrant ! (MM. Joshua Hochart, Christopher Szczurek, Stéphane Ravier, Mme Christine Herzog et M. Alain Duffourg applaudissent.)
La séance est suspendue à 16 h 20.
Présidence de Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidente
La séance est reprise à 16 h 35.