Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Chacun sera attentif au respect des uns et des autres et du temps de parole.
France Ruralités Revitalisation
M. Jean-Luc Brault . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Je ne suis ni le premier ni le dernier à vous interroger sur le sujet, mais la réforme des zones de revitalisation rurale (ZRR) et la mise en place de France Ruralités Revitalisation (FRR) suscitent des questions.
Certes, nous avons validé un accord en loi de finances, mais les données disponibles ne permettaient pas de mesurer l'impact de ces mesures. Dans mon département, plus de la moitié des communes de la communauté de communes de la Sologne des Étangs ont été déclassées du jour au lendemain. Juste à côté, les communautés de communes de la Sologne des rivières et du Romorantinais voient toutes leurs communes classées FRR ou rattrapables.
Il semble, désormais, que toutes les communes rattrapables le seront, mais cela ne réglera pas le problème des communes déclassées, qui seront sans solution en l'espace de six mois. Des médecins se déplacent de quelques kilomètres pour bénéficier d'avantages fiscaux.
Madame la ministre, vous avez promis de ne laisser personne sans solution et de faire le point territoire par territoire, suscitant un espoir. Mais que comptez-vous faire ? Je vous invite à venir dans le Loir-et-Cher. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le dispositif FRR suscite des craintes dans quelques territoires, mais cette réforme généreuse a été pensée pour le bien des 17 000 communes zonées, qui bénéficieront de ces mesures plus justes et efficaces. Nous aiderons notre ruralité à faire face aux défis. (M. Rémy Pointereau proteste.) Sont ainsi ciblés les treize départements les plus pauvres, en déprise démographique constante depuis plus de dix ans.
J'ai en effet indiqué que nous ne laisserions aucune commune sans solution. Cela veut dire que toutes les communes rattrapables le seront et, à la demande du Premier ministre, je réexaminerai la situation de certaines d'entre elles et reviendrai vers vous la semaine prochaine, car certaines communes souffrent d'un effet de seuil, comme celles dont les revenus sont légèrement supérieurs à la médiane. Nous trouverons la solution la plus adaptée à chacune. (Applaudissements sur quelques travées du groupe INDEP)
M. Jean-Luc Brault. - J'en prends bonne note. Rendez-vous dans le Loir-et-Cher !
Accord franco-canadien et Ceta
Mme Annick Girardin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La ratification des deux accords entre l'Union européenne et le Canada, sans réserve formelle de la France, risque de constituer un abandon de toute défense de nos intérêts maritimes au profit du seul intérêt économique.
Ainsi, l'article 1.3 de l'accord reconnaît implicitement la zone économique exclusive (ZEE) et le plateau continental du Canada « tels que définis dans son droit interne », alors que la France les a toujours, légitimement, contestés.
La loi canadienne de 1996 accorde ainsi un plein effet territorial abusif à un îlot inhabité, l'île de Sable, privant la ZEE française de son accès aux eaux internationales. S'agissant du plateau continental, les demandes d'extension concernent une zone commune et nécessiteront un accord entre nos deux pays.
L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon attend la concrétisation des engagements pris lors de l'examen du Ceta à l'Assemblée nationale en 2019 : la mise en place d'un fonds d'innovation et de diversification pour compenser les effets de cet accord dont notre territoire est paradoxalement exclu en tant que pays et territoire d'outre-mer (PTOM).
La France déposera-t-elle ces deux réserves pour défendre ses intérêts ? Le Gouvernement créera-t-il enfin le fonds promis depuis 2019 ? (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Rachid Temal applaudit également.)
M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de l'Europe . - Nous sommes pleinement mobilisés pour que la procédure devant la Commission des limites du plateau continental aboutisse.
Nous soutenons l'économie saint-pierrienne via la baisse du coût du fret, l'aide à la mobilité, à la formation, à l'acquisition de navires, à la recherche halieutique notamment. Je vous propose d'évoquer les réserves avec Franck Riester ces prochains jours. De bon accord, le Ceta est devenu un très bon accord. (Mme Cécile Cukierman le conteste.) Il préservait certaines filières sensibles comme celles du lait ou de la volaille, avec un démantèlement tarifaire progressif pour Saint-Pierre-et-Miquelon. Il prévoyait le cumul du pays d'origine pour que certaines exportations saint-pierriennes puissent s'intégrer dans les exportations canadiennes.
À l'arrivée, c'est un très bon accord ! L'excédent commercial européen avec le Canada a progressé de 25 %, c'est plus de 4 milliards d'euros (M. Fabien Gay proteste) ; les exportations françaises ont augmenté de 40 % dans l'ensemble, de 45 % pour le fromage, 60 % pour les vins et spiritueux. Rejeter le Ceta, c'est porter un coup à ces filières qui ont bénéficié de l'accord. (M. Bruno Retailleau fait non de la tête ; MM. Rachid Temal et Fabien Gay protestent.) Rejeter le Ceta, c'est refuser les accords commerciaux, c'est renoncer à l'ambition de demeurer une grande puissance commerciale. (Applaudissements sur les travées du RDPI et sur quelques travées du groupe INDEP)
M. Emmanuel Capus. - Excellent !
Mme Cécile Cukierman. - Dites-le aux agriculteurs !
Violences contre les directeurs d'école
Mme Marie-Pierre Monier . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Le proviseur du lycée Maurice Ravel à Paris a demandé à des élèves d'enlever leur voile ; une élève prétend qu'il s'en est pris physiquement à elle. Il en a résulté une tempête sur les réseaux sociaux et le proviseur a été menacé de mort. Il est désormais sous protection fonctionnelle. Le déroulement des faits, glaçant, en rappelle d'autres, qui ont conduit au pire.
Ce lundi, 160 chefs d'établissement se sont rassemblés pour alerter sur les menaces et intimidations subies. Les proviseurs, en première ligne pour faire respecter les valeurs républicaines et la laïcité, disent avoir la peur au ventre et vivre un climat de tension sans précédent.
Les chiffres du ministère témoignent d'une hausse du nombre des incidents graves, et la mission d'information du Sénat souligne leur montée en puissance.
Quelles mesures prenez-vous pour protéger l'ensemble de la communauté éducative ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Les menaces dont le proviseur de la cité Ravel a été victime sont inacceptables, je l'ai redit hier sur place. Alors qu'il rappelle ce que signifie la laïcité dans son lycée, il est inacceptable qu'il soit harcelé sur les réseaux sociaux.
Avec le rectorat, le préfet de police et l'académie de Paris, nous formons un bouclier de protection, avec une triple réponse : déploiement des équipes Valeurs de la République, des forces mobiles de protection et d'une cellule psychologique à destination des enseignements.
Les forces de l'ordre sont présentes devant l'établissement, la plateforme Pharos supprime les messages menaçants des réseaux sociaux. L'article 40 a été invoqué devant le procureur et la protection fonctionnelle a été accordée au proviseur.
Nous ne tolérerons rien qui porte atteinte à la vie des personnels. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI et du groupe INDEP)
Mme Marie-Pierre Monier. - Merci pour vos propos et pour ces mesures rapides. J'espère qu'il en ira de même pour assurer la sécurité de tous les membres de la communauté éducative contre l'obscurantisme religieux. Ils oeuvrent tous les jours pour faire des enfants des citoyens éclairés et mon groupe les soutient. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur plusieurs travées du GEST ; MM. Pierre Ouzoulias et Daniel Chasseing applaudissent également.)
Réduction des crédits au logement
Mme Marianne Margaté . - Notre pays compte 5,2 millions de passoires thermiques, qui entraînent un gaspillage coûteux pour les résidents et la planète. Leur rénovation est une urgence. Tous les bailleurs sociaux et les entrepreneurs sont concernés, alors que vous ne traitez pas le manque de constructions neuves. MaPrimeRénov' devait soutenir cette rénovation avec un reste à charge réduit - ce devait être un budget vert de 7 milliards d'euros, sans précédent mais insuffisant.
Craignant peut-être d'en faire trop - « une pompe à fric » ? -, vous avez réduit de 2,1 milliards d'euros les moyens pour la transition écologique, dont 1 milliard d'euros en moins pour MaPrimeRénov'. Mais le coût de votre inaction sera bien supérieur lorsqu'il faudra faire face aux dégâts du dérèglement climatique. Parmi les 64 millions de tonnes de CO2 émises par les bâtiments, lesquelles laisserez-vous encore dégrader nos objectifs écologiques ?
Il faudrait rénover 500 000 logements par an d'ici 2050, contre 65 000 aujourd'hui. Il faut faire sept fois plus, mais comment le faire avec sept fois moins que nécessaire ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et du GEST, ainsi que sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement . - Votre question réaffirme la priorité de la rénovation thermique des bâtiments. MaPrimeRénov' répondait à cet enjeu, et son budget était en constante augmentation. (Marques d'ironie sur les travées du groupe CRCE-K) Le ministère du logement assume de participer aux économies, renonçant à 1 milliard d'euros d'augmentation sur 1,6 milliard d'euros prévus - cela veut dire que le montant reste en hausse. (Protestations sur les travées du groupe CRCE-K ; M. Hussein Bourgi et Mme Audrey Linkenheld protestent également.)
M. Pascal Savoldelli. - Vous avez renoncé !
M. Jean-François Husson. - Encore du rabot !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Un certain nombre de Français ne réalisent pas les travaux budgétés au sein du ministère. La Fédération Française du Bâtiment (FFB) et la Confédération de l'Artisanat et des Petites Entreprises du Bâtiment (Capeb) nous indiquent que des complexités empêchent d'aller plus loin dans la rénovation. (Mme Cécile Cukierman proteste.)
Il faut avancer sur la labellisation des artisans, ainsi que sur les mono-gestes efficaces.
Nous prévoirons des mesures de simplification pour que les Français puissent rénover leur habitation. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Indemnisation des catastrophes naturelles
M. Pascal Martin . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains) Le changement climatique se fait sentir partout en France, avec notamment le retrait-gonflement des argiles, qui menace dix millions d'habitations métropolitaines. Dès 2019, le Sénat a constitué une mission d'information sur le sujet. En 2021, j'ai co-rapporté la loi Indemnisation des catastrophes naturelles.
Les dossiers se multiplient, or un quart des communes sont déboutées de leur demande de reconnaissance de catastrophe naturelle. La faute à des critères de sélections ubuesques, sur le taux d'humidité par exemple, différenciant parfois des communes limitrophes. Des foyers qui ne peuvent s'assurer sont ruinés, des vies sont brisées.
En 2022, la Cour des comptes a pointé cette insuffisante prise en compte. Le député Ledoux propose de corriger le dispositif. Monsieur le ministre, entendrez-vous ces plaintes ? Réformerez-vous ce critère en urgence ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Alain Roiron applaudit également.)
M. Jean-François Husson. - Lisez le rapport de Mme Lavarde !
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Vous avez raison. Avec Christophe Béchu et Bruno Le Maire, nous nous sommes emparés de ce dossier, poussés par le Sénat et le rapport du député Ledoux, de la dixième circonscription du Nord. (Sourires)
Le retrait-gonflement des argiles concerne un grand nombre d'habitations, notamment de petits propriétaires. La Flandre, qui m'a élu, est particulièrement touchée.
Nous avons pris des mesures réglementaires, avec Christophe Béchu, pour traiter le cas des communes qui ne bénéficient pas de la reconnaissance catastrophe naturelle alors que les communes voisines ou adjacentes, elles, en bénéficient. Ce problème est réglé.
La « faible intensité de sécheresse » est désormais appréciée sur cinq ans, et non plus trois, ce qui permettra de reconnaitre plus de communes en catastrophe naturelle.
Certes, il faut un changement plus général. D'abord, il faut travailler sur les nouvelles constructions, pour éviter les fissures.
Ensuite, le régime assurantiel doit être bousculé.
M. Yannick Jadot. - Il y a un texte à l'Assemblée !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Plus largement, il faut travailler sur le financement des catastrophes naturelles, car on s'y perd parfois entre ce que fait l'État et ce que font les assurances. Le Gouvernement travaille à des textes législatifs et réglementaires qui seront publiés très bientôt. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
M. Pascal Martin. - La réponse de l'État doit être rapide, simple et rétroactive. Ce dossier est explosif pour des millions d'habitants ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Mickaël Vallet applaudit également.)
Surcoûts des EPR 2
M. Yannick Jadot . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Je souhaitais m'adresser à Bruno Le Maire, qui a malheureusement en charge l'énergie. (Murmures) Mais il n'est pas là. Il s'exprime dans Le Monde aujourd'hui, en disant : « l'État ne doit pas devenir une pompe à fric ».
S'il y a bien un secteur bénéficiant de la pompe à fric, ce sont les réacteurs nucléaires EPR. (On renchérit sur les travées du GEST ; marques d'exaspération à droite.) La facture des six EPR 2 passe de 51 à 67 milliards d'euros, soit 16 milliards de surcoût !
C'est la malédiction des EPR. Flamanville, c'est aussi 16 milliards de surcoût. Les EPR d'Hinkley Point, c'est aussi 16 milliards de surcoût.
Heureusement, à l'époque, Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, avait brillamment mené la négociation pour que ce ne soit ni les Chinois ni les Britanniques qui paient, mais EDF, l'État et les Français ! (Applaudissements sur les travées du GEST)
Avec plus de 50 milliards d'euros de surcoût pour ces trois programmes, qu'allez-vous faire ? Quand sortirons-nous du « quoi qu'il en coûte » nucléaire ? (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER)
Plusieurs voix sur les travées du groupe Les Républicains. - Et Fessenheim ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique . - Je vous prie d'excuser Bruno Le Maire retenu à l'Assemblée nationale, ainsi que Roland Lescure. (« Ah ! » sur plusieurs travées)
Face aux dérapages des coûts et des délais, l'État a créé la délégation interministérielle au nouveau nucléaire, présidée par Joël Barre.
Celle-ci a mené une revue des programmes en cours. L'avancement du design du projet ne permettait pas à EDF de passer à la phase de design avancée pour certains bâtiments. Premièrement, il a été demandé à EDF d'analyser les causes du renchérissement du projet d'Hinkley Point. (M. Daniel Salmon s'exclame.) Deuxièmement, d'optimiser le projet EPR 2, notamment ses coûts. Troisièmement, de présenter un nouveau chiffrage et un nouveau calendrier. (M. Guy Benarroche s'exclame.)
Le nucléaire est un projet de long terme. (On renchérit à droite ; marques d'ironie sur les travées du GEST ; M. Bernard Jomier s'en amuse.) Nous l'abordons avec une approche industrielle.
Dès réception du nouveau chiffrage, nous reviendrons devant la représentation nationale.
Pour vous, le nucléaire est une pompe à fric, pour nous, c'est une question de souveraineté nationale - ne négligeons pas l'intérêt national. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du RDPI ; applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC et INDEP)
M. Yannick Jadot. - C'est du très long terme ! Les EPR 2, c'est au moins quinze ou vingt ans !
Or l'explosion des factures énergétiques pour les ménages, c'est aujourd'hui, (Mme Dominique Estrosi Sassone s'exclame ; huées à droite) et vous réduisez MaPrimeRénov'.
La souveraineté énergétique de la France, c'est aujourd'hui et EDF et Orano qui maintiennent leurs liens avec l'uranium russe.
La sûreté nucléaire, c'est aujourd'hui, et vous sabordez l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).
Le dérèglement climatique n'attendra pas quinze ou vingt ans ! Les énergies renouvelables, c'est deux fois moins cher ! (Applaudissements sur les travées du GEST et sur quelques travées du groupe SER ; tumulte à droite)
Affiche officielle des jeux Olympiques et Paralympiques
M. Roger Karoutchi . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Franck Menonville applaudit également.) Monsieur le Premier ministre, quelle différence fait votre Gouvernement entre une croix et une flèche ? (Sourires ; applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - (Marques d'ironie à droite) Vous posez votre question avec le panache que l'on vous connaît ! J'ai envie de vous prendre au mot : jouons ensemble au jeu des sept erreurs.
Sur l'affiche des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP), la tour Eiffel est rose et est entourée par le Stade de France. Le métro passe sous l'Arc de triomphe. Les jardins de Versailles sont proches de l'obélisque, lui-même placé sur le Champ-de-Mars.
Plusieurs voix à droite. - Et alors ?
Mme Nadine Bellurot. - Et Châteauroux ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - Ces erreurs sont multiples et sont des écarts à la réalité. Elles sont la preuve de la liberté d'un artiste. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; marques d'ironie à droite) C'est non pas une reproduction, mais l'interprétation foisonnante et joyeuse d'une ville-stade réinventée.
M. Olivier Paccaud. - C'est du wokisme !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - C'est le geste libre d'un artiste inspiré par les JOP.
J'aurais aimé que vous souligniez que pour la première fois les jeux Paralympiques sont mis sur le même plan que les jeux Olympiques. Vous auriez pu chercher des drapeaux : ils sont là, près de notre Phryge.
Cette affiche, c'est la France, c'est notre liberté. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également ; marques de contestation vigoureuse à droite)
M. Roger Karoutchi. - Non, madame la ministre, ce n'est pas la même chose. Vous pouvez repeindre la tour Eiffel, mais pas enlever la croix du dôme des Invalides, présente depuis Louis XIV. Vous ne pouvez pas changer l'histoire de France.
Vous pouvez vous abriter derrière la liberté d'un artiste. Mais nous, Gouvernement, Parlement, nous sommes la nation.
La France est fière d'organiser les JOP, mais ne veut pas que ses symboles soient effacés, reniés. Il y a une croix sur le dôme des Invalides depuis 350 ans, comme en haut de Notre-Dame - nous étions fiers de la voir rétablie, il y a trois mois. (M. Xavier Iacovelli proteste.) Sans nation, il n'y a pas de République, pas d'évolution, pas de solidarité.
Le wokisme mondialisé veut effacer les symboles de la nation. (« Oh ! » à gauche) Quelles que soient nos positions politiques, pour faire évoluer la nation, nous ne devons pas effacer les symboles, sinon nous disparaîtrons.
Faites la nation, toute la nation, la République, toute la République, la France, toute la France, mais n'effacez pas nos symboles ! (Les sénateurs du groupe Les Républicains, plusieurs sénateurs du groupe UC, ainsi que MM. Joshua Hochart, Christopher Szczurek et Aymeric Durox se lèvent et applaudissent de manière prolongée ; d'autres sénateurs du groupe UC, MM. Hussein Bourgi et Jean-Marc Vayssouze-Faure applaudissent également.)
Difficultés des producteurs de canne à sucre
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) J'associe Dominique Théophile à ma question.
Les producteurs de canne à sucre de la Guadeloupe protestent, car ils sont à bout : ils ne peuvent plus couvrir leurs charges. Or cette filière est essentielle, économiquement, socialement, culturellement. Nous parlons de 4 500 exploitations, de la moitié de la surface agricole utile (SAU) et de 10 000 emplois. L'intersyndicale souhaite que le prix de la tonne passe de 109 à 120 euros d'ici à 2026. Ce coût doit être pris en charge par le seul usinier encore présent en Guadeloupe ; celui-ci est en position de force face aux producteurs.
Depuis plus de cinquante ans, seule la richesse saccharine est prise en compte. Les produits dérivés vendus sur le marché international génèrent de substantiels revenus pour l'usinier : 5 millions d'euros de bénéfice, 16 millions d'euros de report. Comment comprendre que ces revenus ne soient pas redistribués aux producteurs ?
Comment comprendre que cet usinier attribue les subventions de l'Union européenne aux producteurs ? Arrêtons de casser du sucre sur leur dos ! Ils iront jusqu'au bout du combat, et peuvent compter sur moi. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ? Il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire - (M. Xavier Iacovelli applaudit.) Je vous sais attachée à la filière. Sous l'égide de l'État, une convention, qui régit les relations entre les industriels et la filière, a été renouvelée il y a un an pour la période 2023-2028, avec d'importantes avancées : augmentation de 30 % du prix, hausse du paiement de 6 euros par tonne par l'industriel, aide de 9 euros par tonne de la part de l'État.
Les discussions se poursuivent, sous l'égide du préfet, avec deux pistes : un gain de 1,90 euro la tonne via la cession de la prime bagasse de l'industriel au producteur, et la valorisation des coproduits.
Mais il faut que la campagne 2024 démarre pour que ces propositions prennent sens : la collecte en temps et en heure garantit la richesse en sucre, donc une meilleure rémunération des planteurs. Au-delà des prix, il faut aussi discuter des rendements à l'hectare, grâce à des itinéraires techniques et à la diversification des cultures.
Vous pouvez compter sur notre engagement total. Marc Fesneau et moi-même serons à vos côtés. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI)
Fiscalité des Airbnb
M. Max Brisson . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Laissez-moi vous narrer un mauvais vaudeville en quatre actes.
Acte I : le 25 novembre 2023, le Sénat adopte quatre amendements identiques pour aligner le taux des locations de tourisme sur celui des locations nues.
Acte II : le 16 décembre, le Gouvernement engage sa responsabilité. Le projet de loi de finances est adopté. Surprise ! Le texte contient les dispositions votées par le Sénat.
Acte III : le 29 décembre, le Président de la République promulgue la loi : le régime fiscal des meublés de tourisme est aligné sur celui des locations nues.
Acte IV : en opposition avec la loi, le Gouvernement fait appliquer la loi antérieure à la loi de finances pour 2024 dans le bulletin des finances publiques. (On le déplore sur quelques travées du groupe Les Républicains.) Que justifie ce refus d'appliquer les dispositions d'une loi démocratiquement votée ? (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur plusieurs travées des groupes UC, SER, CRCE-K et du GEST)
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué chargé du logement . - Oui, il y a une différence entre...
Plusieurs voix sur les travées du groupe SER. - Ce n'est pas la question !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - ... les meublés de tourisme et les meublés traditionnels.
Si vous possédez un appartement à Bayonne, vous n'avez pas besoin de faire un diagnostic de performance énergétique (DPE) si vous le louez à un touriste ; c'est l'inverse si vous le louez à un Basque. C'est une inégalité.
Il en va de même en matière fiscale. Si vous le louez à un touriste, vous bénéficiez d'un abattement fiscal pouvant aller jusqu'à 70 % ; si vous le louez à un Basque, c'est 30 %.
Inégalité aussi pour les communes : certaines disposent d'outils de régulation ; pour d'autres, plus petites, ce n'est pas le cas. (Protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson. - On vote la loi au Parlement !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - C'est pourquoi des travaux parlementaires abordent ce problème, notamment la proposition de loi d'Annaïg Le Meur et d'Inaki Echaniz. (Les protestations à droite et à gauche s'amplifient.) Le Gouvernement souhaite faire prospérer ce texte cette année.
Plusieurs voix sur les travées des groupes Les Républicains et SER. - Ce n'est pas le sujet !
M. Guillaume Kasbarian, ministre délégué. - Nous voulons arriver à un bon résultat. Je me réjouis de votre soutien à ce rééquilibrage. (Les protestations se poursuivent.)
J'aurai besoin de vous, monsieur le sénateur, car les députés Les Républicains à l'Assemblée nationale ont voté contre ce texte.
Je compte sur votre aide pour aboutir à un accord en commission mixte paritaire (CMP) ; nous avons besoin du soutien de toutes les forces politiques. (Applaudissements sur quelques travées du RDPI et du RDSE ; vives protestations sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson. - On a déjà voté ! (M. André Reichardt renchérit.)
M. Max Brisson. - Cette non-réponse à ma question offre un formidable épilogue au vaudeville : le 6 mars au Sénat, des explications confuses avec une petite dose de cynisme et pas mal d'arrogance.
Pendant ce temps, cinq ministres en sept ans, aucune grande loi sur le logement : cela illustre l'absence de boussole du Gouvernement alors qu'une terrible crise sévit dans le pays. Moins de basses manoeuvres, et plus d'action, il y a urgence ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; applaudissements sur plusieurs travées du GEST et des groupes UC, SER et CRCE-K)
Données sensibles d'EDF
M. Mickaël Vallet . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ma question s'adressait au ministre de l'économie... (Sarcasmes sur de nombreuses travées)
« Personne n'a envie que ses données de santé soient répandues aux quatre vents, que les données de fabrication d'un Airbus, d'un TGV, d'un satellite ou d'Ariane soient diffusées à travers la planète. » Vous aurez reconnu la plume du ministre de l'économie, dans ses oeuvres complètes... (On sourit sur plusieurs travées.)
Ces mots ne sont-ils que des mots ? Il y a trois semaines, on apprenait dans Le Canard enchaîné qu'EDF aurait confié la planification de la maintenance de ses centrales nucléaires à Amazon - oui, un Gafam -, pour 860 millions d'euros. L'affaire est sérieuse et ne souffre ni caricature ni légèreté. (M. Yannick Jadot abonde.)
Si cette information est fausse, pourquoi avoir attendu une question à l'Assemblée nationale pour que le ministre Lescure, ici absent, la démente du bout des lèvres ? Si elle n'est que partiellement fausse, dans quelles proportions - périmètre, montant, objet du marché ? Si elle n'est que partiellement vraie, cela reste très grave.
La représentation nationale attend des réponses précises. L'unique actionnaire d'EDF, c'est l'État, c'est nous ; et l'unique responsable, c'est vous ! (Applaudissements à gauche et sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Philippe Grosvalet applaudit également.)
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique . - Dans toute grande organisation numérique moderne, les données reposent sur des solutions hybrides, dites multicloud. On distingue les données sensibles, qui doivent être gérées en interne ou en cloud de confiance, et celle qui le sont moins, qui peuvent faire l'objet d'une gestion en cloud privé ou public.
M. Rachid Temal. - Et donc ?
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - EDF a assuré au Gouvernement que plusieurs expérimentations avaient été lancées dans le cadre d'un programme de rénovation, dont une sur les pièces de rechange des centrales. C'est à cette occasion qu'elle a fait appel au cloud public d'Amazon Web Services.
Cette expérimentation respecte les exigences d'EDF en matière de cybersécurité, de confidentialité et liées au RGPD. Les données sensibles ne sont pas concernées : aucun schéma d'ingénierie ni d'architecture n'est stocké sur ce cloud. Les données confidentielles sont hébergées dans des infrastructures privées que l'entreprise gère en propre.
Reste que vous soulevez une préoccupation majeure, que nous partageons. Les entreprises stratégiques recourent trop peu aux offres de confiance. La doctrine de l'État est claire : veiller à ce que les données sensibles des administrations et des entreprises soient hébergées dans des infrastructures SecNumCloud. Dans le cadre de France 2030, 700 millions d'euros sont prévus pour accompagner les acteurs dans cette labellisation. Comptez sur nous pour faire appel aux leviers de financement nécessaires à l'émergence d'un marché français et européen compétitif du cloud de confiance.
M. Franck Montaugé. - Ce n'est pas rassurant !
M. Mickaël Vallet. - Le directeur de la recherche et du développement d'EDF, récemment auditionné au Sénat, n'était même pas au courant du sujet... Le flou persiste, même si vous nous avez un peu renseignés sur le périmètre du marché et la sensibilité des données. S'agit-il d'une expérimentation ? Quel est le montant de l'opération ?
Comme le courant, la loyauté de l'allié américain peut être très alternative... Vous faites confiance à une entreprise étatsunienne sans craindre l'abus d'extraterritorialité, mais on ne badine pas avec la souveraineté. Nous attendons des actes : à Bercy, comme on sait, tout le reste est littérature... (Sourires sur plusieurs travées ; applaudissements à gauche ; Mme Annick Girardin applaudit également.)
Céréales ukrainiennes
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En mai 2022, par solidarité avec l'Ukraine, l'Union européenne levait droits de douane et quotas sur les produits agricoles de ce pays. Deux ans plus tard, la concurrence de ces importations est devenue insoutenable pour nos agriculteurs.
En janvier seulement, 1 million de tonnes de blé tendre ukrainien ont été importées en Europe - autant qu'en une année avant la guerre. Le cours du maïs a chuté de 30 %.
Face à cet afflux hors de contrôle, la Commission européenne doit réagir. Certes, elle prévoit un frein d'urgence pour les oeufs, le sucre et la volaille en cas de dépassement d'un contingent annuel, mais les céréales ne sont pas concernées.
Le Premier ministre a dit vouloir engager une négociation à Bruxelles pour limiter les importations céréalières. Or les représentants de la France ont voté la proposition de la Commission européenne sans demander une clause de sauvegarde pour les céréales. La position de la France est incompréhensible !
Êtes-vous favorable au déclenchement de clauses de sauvegarde sur le blé et le maïs ? Quelle consigne donnerez-vous à vos députés européens pour le vote de demain ? (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée auprès du ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire . - Pourquoi soutenons-nous résolument l'Ukraine ? Parce que défendre l'Ukraine, c'est défendre les Français et les Européens en répondant à une puissance violente qui multiplie attaques informationnelles et manoeuvres de déstabilisation contre nos intérêts. D'ailleurs, M. Poutine a parfaitement compris que l'arme agricole était une arme de guerre.
L'attaque de l'Ukraine a déstabilisé les marchés agricoles comme le marché de l'énergie. Les céréales ukrainiennes ont perdu leur débouché principal, sur la mer Noire ; les corridors de solidarité en Pologne et en Roumanie ne sont pas suffisants. Résultat : un trop grand volume reste stocké en Europe.
C'est l'honneur de la France de soutenir les mesures temporaires pour faciliter les échanges avec l'Ukraine. Mais solidarité ne veut pas dire naïveté. Nous avons obtenu deux avancées dans le règlement européen : une mesure de sauvegarde pourra être prise en cas de perturbation significative d'un marché pour un ou plusieurs États...
Quelques voix à droite. - C'est le cas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée. - ... et une mesure de sauvegarde provisoire - 120 jours au plus - pourra être mise en oeuvre dans des circonstances critiques.
Nous avons agi sur les oeufs et les volailles ; nous continuons à négocier sur les céréales.
La position de la France est sans ambiguïté : nous défendrons nos agriculteurs. (M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)
Mme Pascale Gruny. - Solidarité avec l'Ukraine, bien évidemment. Mais, pour l'instant, aucune mesure n'est prévue sur les céréales - je pourrais parler aussi du miel. Vous ne mesurez pas la gravité de la crise agricole !
Vous faites des promesses à Paris, mais votez à l'inverse à Bruxelles. L'Europe, le Président de la République, les ministres et vos députés européens y siègent, ne l'oubliez pas.
Au même moment, le règlement pour restaurer la nature instaure l'indice des papillons des prairies ou celui des oiseaux communs : il faut arrêter avec les normes ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains ; murmures désapprobateurs sur les travées du GEST)
Pass rail
M. Franck Dhersin . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Monsieur le ministre des transports, votre prédécesseur a annoncé un pass rail à 49 euros en faisant fi des alertes du secteur ferroviaire et des régions, qui financent les TER.
Tous, nous souhaitons un essor du transport ferroviaire. Nous nous réjouissons que les taux de remplissage des trains augmentent depuis la covid et que les résultats de la SNCF soient excellents depuis trois ans.
Le gouvernement précédent a procédé à une opération de communication sur le dos des régions. Il faut cesser d'avoir de bonnes idées avec l'argent des autres...
Les régions financent massivement les trains régionaux : l'usager ne paie qu'une part très minoritaire du coût réel du transport - 27 % dans les Hauts-de-France. Mais pouvons-nous nous passer de ces recettes de billetterie sans dégradation de l'offre, compte tenu notamment des augmentations démesurées des péages ? Les exécutifs régionaux font le maximum pour ne pas répercuter ces surcoûts sur les usagers, mais l'offre finira par s'en ressentir.
Le coût du Deutschlandticket par utilisateur nouveau s'élève à 3 000 euros. Le manque à gagner serait de 950 millions d'euros pour l'Île-de-France et 200 millions d'euros pour les autres régions. Comment cautionner un tel usage de l'argent public ?
Le véritable problème du train, c'est l'offre. Envisagez-vous de reprendre à votre compte cette promesse ou de privilégier un abonnement resserré, notamment vers la jeunesse ? (Applaudissements sur des travées du groupe UC)
M. Patrice Vergriete, ministre délégué chargé des transports . - Vous avez raison : la mobilité est affaire de pragmatisme. Comme vous, je pense qu'il faut distinguer les problèmes de demande et d'offre quand on réfléchit - sans tabou - à une tarification. Nous avons besoin d'un travail approfondi avec les régions, qui appliquent des tarifications différenciées.
C'est dans cet esprit pragmatique et de collaboration que j'aborde la question du pass rail.
J'imagine proposer à la présidente de l'Association des régions de France (ARF) une expérimentation ciblée sur les jeunes et la période estivale pour les réseaux Intercités et TER. Il s'agirait d'une tarification sociale pour les jeunes, afin qu'ils puissent découvrir les régions de notre beau pays - que vous incarnez dans cet hémicycle.
Si toutes les régions sont d'accord, le Gouvernement dira « banco », comme l'a dit le Président de la République.
Reporting extra-financier
M. Christian Klinger . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Informations relatives à l'adaptation au changement climatique, à la pollution, à la gestion des ressources hydriques, à l'économie circulaire, aux communautés affectées... Ce sont quelques exemples des informations nouvelles que les entreprises devront fournir en application de la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), transposée par ordonnance en décembre dernier.
Cette directive établit un cadre, mais ajoute encore au millefeuille administratif. Et les PME ne seront pas épargnées, si elles fournissent une ETI concernée.
L'objectif principal d'une entreprise est la création de valeur : l'information extrafinancière ne doit pas se faire à son détriment.
Comment comptez-vous accompagner les entreprises dans ce fastidieux exercice ? Qui traduira le vocabulaire technique dans un langage clair, compréhensible par les dirigeants d'entreprise ?
La délégation sénatoriale aux entreprises propose une pause jusqu'à l'application pleine de la directive, en 2028. Rappelons que le contenu de la déclaration de performance extrafinancière a été modifié 21 fois en 21 ans...
Comment l'État compte-t-il simplifier concrètement la vie des entreprises ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des entreprises, du tourisme et de la consommation . - La chambre haute est celle de la précision : les grandes entreprises seront concernées par cette directive en 2025, mais ce sera 2026 pour les ETI et 2027 pour les PME. Nous avons assez de raisons d'avoir peur pour ne pas en inventer d'autres...
Ne soyons pas naïfs !
M. François Bonhomme. - C'est bien vrai !
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. - Il y a vingt ans, nous avons commis une erreur majeure avec les normes IFRS (International Financial Reporting Standards) - nous n'avons pas fini de la payer.
On ne peut pas faire fi de ces débats ; sinon, les normes américaines s'imposeront.
Ne soyons pas simplistes ou flous. On parle de 1 178 data points, mais ce sera pour les très grandes entreprises. Pour les PME concernées, comme sous-traitantes, ce sont 24 indications qui seront demandées.
Ces 24 points d'information, nous devons les tester. Sous l'égide du président Rietmann, votre délégation aux entreprises a fait des propositions remarquables sur le sujet. Je suis en train de mettre en oeuvre, avec la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), un test PME sur la norme CSRD : des PME testeront les trois blocs de normes qui les concernent, notamment le dernier, sur la chaîne de sous-traitance. Si les modules ne correspondent pas aux attentes de nos PME, la CPME et votre ministre le diront avec force à Bruxelles. (M. Bernard Buis applaudit.)
M. Christian Klinger. - Il y a peu, les agriculteurs manifestaient contre l'inflation normative ; faites en sorte que nos PME ne viennent pas grossir le long cortège des incompris et des mécontents ! (Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains)
Éducation à la vie affective et sexuelle
Mme Monique Lubin . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) La loi du 4 juillet 2001 prévoit la tenue obligatoire de trois séances d'éducation à la vie affective et sexuelle au cours de l'année scolaire. Il s'agit de prévenir les pratiques à risque, de sensibiliser les jeunes au consentement, aux violences sexistes et sexuelles et de dévoiler les stéréotypes de genre.
C'est dès l'école que tout se joue, d'autant que le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) pointe l'aggravation du sexisme chez les jeunes.
Or ces heures ne sont pas effectuées. Les établissements se trouvent de plus en plus souvent sous le feu d'organisations, soutenues par la droite conservatrice (protestations sur quelques travées du groupe Les Républicains) et l'extrême droite, qui contestent cet enseignement sur les réseaux et par des campagnes de désinformation. Comment garantir leur bonne tenue, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
Mme Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations . - Vous avez raison, tout commence à l'école. Le rapport du HCE est alarmant : le sexisme n'est pas un fait générationnel, il n'appartient pas à un passé révolu, comme nous aurions pu le croire. Un quart des hommes de 20 à 35 ans estiment normal d'être parfois violents pour se faire respecter de leur compagne !
Avec Nicole Belloubet, nous travaillons pour assurer l'effectivité de ces heures dédiées, essentielles pour intégrer les notions de respect, d'intégrité du corps, de consentement, d'égalité entre filles et garçons.
Le rapport du Sénat sur l'industrie pornographique, « Porno, l'enfer du décor », nous apprend que nos enfants commencent, dès 11 ans, leur éducation sexuelle en regardant de la pornographie, qui donne une image déformée, violente, humiliante pour les femmes.
Contre ces biais, il faut travailler à réguler cette industrie mais aussi agir à la racine en accompagnant nos enfants avec ces heures dédiées pour garantir une culture de l'égalité dans notre pays. (M. Thani Mohamed Soilihi, Mme Olivia Richard et M. Olivier Cadic applaudissent.)
Mme Monique Lubin. - Lundi, nous avons vécu un moment extraordinaire, mais, comme l'a dit Laurence Rossignol à la tribune du Congrès, le combat est loin d'être terminé. Il faut attaquer le mal à la racine et combattre l'hypocrisie de ceux qui votent dans nos assemblées, pour être dans l'air du temps, mais soutiennent sur le terrain des organisations qui défendent l'indéfendable. (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)
Mme Laurence Rossignol. - Très bien.
Libre pratique du sport par les femmes
Mme Laurence Garnier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.) Ce 8 mars sera dédié aux droits des femmes. Profitons de cette année sportive pour adresser un message ferme et clair concernant les principes de la République dans la pratique du sport.
En France, en 2024, des jeunes filles s'entendent dire qu'elles n'ont pas leur place dans un club sportif, parce que femmes ; des clubs leur demandent de se couvrir intégralement pour pratiquer leur sport. Or nos lois sont confuses. Une petite fille pourra pratiquer un sport sans voile le mercredi matin, à l'école, mais devra se voiler l'après-midi pour pratiquer le même sport en club...
Madame la ministre, vous avez précisé que les athlètes françaises qualifiées aux jeux Olympiques ne pourront porter le voile - mais d'autres voix au sein du Gouvernement sont plus ambiguës. Et vous continuez à bloquer les textes d'interdiction votés par le Sénat.
Chacun mesure à qui profite cette confusion que vous refusez de lever. Selon la Ligue du droit international des femmes, « le hijab dans le football, ce serait de la liberté conditionnelle ». Que répondez-vous aux filles, aux femmes qui s'y refusent ? Que faites-vous pour les protéger des pressions communautaristes et garantir que le sport reste un espace de partage et d'universalisme ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ; MM. Aymeric Durox et Christopher Szczurek applaudissent également.)
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des jeux Olympiques et Paralympiques . - Je leur réponds que le sport est un espace de partage et de mixité, d'émancipation, un vecteur d'égalité entre les hommes et les femmes ; que ce Gouvernement a fait plus que tout autre sur ce sujet... (Murmures de protestation à droite comme à gauche)
La décision du Conseil d'État est claire : elle dit que les actes de prosélytisme sont inadmissibles, que nous pouvons interdire le port du voile sur les terrains, de manière nécessaire et proportionnée, dans le respect de notre droit et de notre Constitution.
M. Laurent Somon. - C'est-à-dire ?
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - Elle dit que nous devons préserver la neutralité de nos services publics.
Je l'ai dit sans ambiguïté : les athlètes qui représentent les équipes de France ne porteront pas le voile aux jeux Olympiques et Paralympiques.
M. Laurent Somon. - Ce n'est pas la question !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - Nous faisons levier d'outils nouveaux, comme le contrat d'engagement républicain créé par la loi de 2021 contre le séparatisme. Notre main ne tremblera jamais pour retirer des subventions, des agréments, fermer des clubs qui ne seraient pas au rendez-vous de la lutte contre le communautarisme.
Je suis allée chercher des moyens supplémentaires, j'ai formé des fédérations, je leur ai demandé de désigner des référents laïcité.
M. Jean-François Husson. - Formidable !
Mme Amélie Oudéa-Castéra, ministre. - J'ai doublé les contrôles, j'ai demandé au ministre de l'intérieur une réunion nationale, en avril, des cellules de lutte contre l'islamisme et le repli communautaire (Clir) pour porter ce message sur le terrain. Nous sommes intransigeants sur le respect plein et entier de la laïcité. (Applaudissements sur plusieurs travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.)
Atteintes à la laïcité à l'école
Mme Agnès Evren . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Olivia Richard applaudit également.) Le proviseur du lycée Maurice Ravel à Paris a été menacé de mort sur les réseaux sociaux pour avoir rappelé l'interdiction du port du voile dans l'enceinte scolaire. Lundi, 150 chefs d'établissement étaient rassemblés devant la Sorbonne pour le soutenir.
Ces proviseurs nous disent que leur autorité est bafouée, la violence endémique. Que les atteintes à la laïcité perturbent désormais toutes les disciplines, que les professeurs s'autocensurent car ils ont peur. Que nous payons déjà le prix de nos lâchetés. Ils nous rappellent les meurtres de Samuel Paty et de Dominique Bernard.
Certains élus LFI propagent de fausses informations, remettent en cause la parole du proviseur menacé. Il est inadmissible de mettre sur le même plan sa parole et celle d'élèves qui ne respectent pas la loi.
M. Jean-François Husson. - Très bien !
Mme Agnès Evren. - Ces élus jouent avec le feu, complices d'un obscurantisme qui gagne du terrain. Selon Gérald Darmanin, la France compte plus de mille mineurs radicalisés - or leurs enseignants ne sont pas informés de leur potentielle dangerosité.
Il est temps de prouver, en paroles comme en actes, que nous défendrons avec fermeté la République. Laurent Lafon et François-Noël Buffet présenteront ce soir 38 recommandations, j'espère que le Gouvernement s'en inspirera.
M. le président. - Votre question ?
Mme Agnès Evren. - Vingt ans après la loi du 15 mars 2004 sur les signes religieux à l'école, comment entendez-vous la faire respecter et protéger nos enseignants des coups portés à nos valeurs communes ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe UC)
Mme Nicole Belloubet, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse . - Je l'ai dit, nous étendons le bouclier de protection auprès de l'ensemble des personnels de la communauté éducative victimes de ces attaques inadmissibles.
La laïcité est un principe fondateur de notre République, énoncé à l'article 1er de la Constitution. C'est une condition du vivre ensemble, la règle commune à laquelle nous devons tous être attachés. Les établissements scolaires doivent être préservés du bruit et de la fureur du monde. Nous sommes arrimés à cet impératif.
J'aurai l'occasion, lors du colloque consacré au vingtième anniversaire de la loi du 15 mars 2004, de rappeler le fondement du principe de laïcité et son application dans nos établissements scolaires.
Nous ne laisserons jamais rien passer lorsqu'il s'agit de la sécurité des élèves et des équipes. (Mines dubitatives sur les travées du groupe Les Républicains) Le Premier ministre l'a rappelé...
M. Michel Savin. - Il n'a rien dit !
Mme Nicole Belloubet, ministre. - Le Président de la République aussi : l'école est le lieu où l'on apprend les valeurs de la République.
Vous avez cité le rapport des sénateurs Buffet et Lafon, je serai attentive à leurs préconisations. (Mme Marta de Cidrac mime une brasse coulée.)
M. Max Brisson. - Elles sont excellentes !
Mme Nicole Belloubet, ministre. - Nous sommes aux côtés de la communauté éducative pour assurer le respect du principe de laïcité dans nos écoles. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Bernard Fialaire applaudit également.)
La séance est suspendue à 16 h 15.
Présidence de Mme Sylvie Robert, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 30.