Filière cinématographique en France
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à conforter la filière cinématographique en France, présentée par Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Sonia de La Provôté et M. Jérémy Bacchi, à la demande de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport.
Discussion générale
Mme Sonia de La Provôté, auteure de la proposition de loi . - Cette proposition de loi est la traduction législative du rapport d'information que j'ai signé avec Jérémy Bacchi et Céline Boulay-Espéronnier, adopté par la commission à l'unanimité. Je salue la présence en tribune de notre ancienne collègue.
Ce texte, le premier depuis 2010 consacré exclusivement au cinéma, nous offre une occasion trop rare de débattre de ce secteur.
Le cinéma est au coeur des politiques culturelles et de notre diversité artistique. Les mécanismes de soutien et de régulation mis en place depuis plus de soixante-quinze ans font de notre pays un modèle envié en matière de production et de fréquentation.
Comme mes collègues rapporteurs, je viens d'une terre de cinéma : le Calvados, qui a accueilli le tournage de films inoubliables comme Le Jour le plus long, Un Singe en hiver et Un homme et une femme.
Les oeuvres cinématographiques transcendent les territoires dont elles content l'histoire. Chez nous, nombreux sont les cinémas, nombreuses sont les salles et les associations de cinéma itinérant. On sait faire notre cinéma.
Lors de la présentation de notre rapport, on doutait de la pérennité même du cinéma, après l'explosion des plateformes de streaming pendant les confinements. Les spectateurs allaient-ils définitivement déserter les salles ? Depuis, les faits ont confirmé notre optimisme, dont le titre du rapport, « Le cinéma contre-attaque », au-delà de la subtile référence cinématographique, se voulait l'écho.
Avec 181 millions de spectateurs en 2023, la France a retrouvé un niveau de fréquentation « normal ». Mais c'est 30 millions de plus qu'en Allemagne ou en Espagne, pour une population deux fois supérieure !
Ce succès doit beaucoup à la constance des politiques publiques mises en place depuis la création du Centre national du cinéma (CNC), en 1946. Je ne saurais dire si le cinéma demeure populaire dans notre pays car soutenu, ou soutenu car populaire, mais les faits sont là : avec les États-Unis, la France est l'autre grand pays de cinéma. La part de marché des productions nationales s'élève à 40 %, un résultat remarquable face à la force de frappe de l'industrie hollywoodienne.
Le cinéma français a su évoluer et s'adapter aux bouleversements technologiques et aux nouveaux modes de consommation des produits culturels. Les discours alarmistes sur sa pérennité n'ont pas débuté avec le confinement : la télévision dans les années 1960, l'explosion du nombre de chaînes dans les années 1980, l'irruption d'internet au début des années 2000, du streaming dans les années 2010 ont, chaque fois, nourri les discours anxiogènes et les craintes des professionnels. Dans nombre de pays, au reste, comme l'Italie et l'Allemagne, le cinéma a beaucoup cédé.
D'aucuns s'interrogent sur les raisons profondes de notre ténacité et militent pour un relâchement des règles, certes complexes, qui gouvernent notre système. Pourquoi ne pas laisser faire le marché et renoncer à accompagner un secteur menacé d'extinction tous les dix ans ? Fermeture des salles, fin de la diversité et de l'exigence : ce serait à la fois Adieux à la reine et Bonjour tristesse ! Triste dystopie, où chacun serait plongé solitairement dans son petit écran, loin de l'expérience collective partagée dans une salle. Nous avons besoin de ces moments de partage, notre pays aussi.
Nous connaissons l'importance du cinéma dans la construction de notre identité collective, car les oeuvres transcendent les époques, les individus, les territoires. Avec ce texte, nous apportons notre contribution à la consolidation du bel édifice de la culture. (Applaudissements)
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure de la commission de la culture . - Sénatrice d'un département qui fait rayonner le septième art dans le monde entier lors du Festival de Cannes, je me réjouis de rapporter ce premier texte consacré exclusivement au cinéma depuis 2010. Je salue les auteurs du texte, Sonia de La Provôté, Jérémy Bacchi et Céline Boulay-Espéronnier.
Notre modèle se caractérise par sa résilience et sa performance, de la production à la diffusion. Les Français sont attachés à l'expérience de la salle et curieux de la diversité de l'offre. La reprise de la fréquentation est essentiellement portée par la production nationale : quelle fierté !
Construit en associant l'ensemble des parties, ce texte vise à mettre en place des solutions bien acceptées et facilement appliquées.
Il vise d'abord à simplifier la vie des 2 000 établissements cinématographiques - pas moins de 6 300 écrans. Les cartes illimitées contribuent puissamment à la promotion de la diversité. Nous préservons les garanties dont bénéficient les salles associées et améliorons le mécanisme de rémunération des ayants droit et des distributeurs.
Ensuite, la proposition de loi tend à mieux garantir l'accès aux oeuvres sur l'ensemble du territoire - c'est la marque du Sénat. Nous ne voulons pas d'un cinéma des villes et d'un cinéma des champs ! Nous prévoyons ainsi des engagements de diffusion pour les distributeurs.
Enfin, nous inscrivons le cinéma dans les grandes politiques publiques. Si le mouvement #MeToo a réveillé la société, une forme de complaisance reste latente. Il est temps d'apporter des réponses législatives afin de mieux prévenir et sanctionner les violences sexuelles et sexistes lors des tournages, surtout sur les mineurs. Trop d'actrices ont été broyées, en particulier des débutantes qui doivent faire leurs preuves et se retrouvent dans une position de grande fragilité.
Il est temps, aussi, de déconstruire cette conception très française de l'artiste qui élève le génie créatif au-dessus de toute norme sociale, jusqu'à, parfois, accepter la transgression des lois.
J'invite le CNC et l'Afdas, l'organisme de formation du secteur, à veiller au bon déroulement des formations obligatoires en matière de prévention des violences.
Afin de défendre le cinéma en France et celles et ceux qui y jouent un rôle, au sens propre comme au sens figuré, nous comptons sur vous, madame la ministre, pour faire inscrire ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais. (Applaudissements)
M. Jérémy Bacchi, rapporteur de la commission de la culture . - Pour ne pas être en reste, je suis moi aussi originaire d'une terre de cinéma. Comment ne pas citer la Provence filmée par Pagnol, ou les rues de Marseille dans French Connection et Taxi ? J'adresse à mon tour un salut amical à Céline Boulay-Espéronnier. Elle n'aurait pas manqué de rappeler les tournages qui peuvent se dérouler dans cette autre ville de cinéma qu'est Paris.
Le cinéma change au gré des évolutions technologiques et sociales, à nous de l'accompagner. Pour reprendre une référence cinématographique autant que littéraire, « il faut que tout change pour que rien ne change »...
Trois grands défis sont devant nous.
D'abord, assurer la pérennité de notre modèle de financement, qui repose sur un équilibre subtil entre flux financiers publics et privés et régulation. Cet édifice patiemment construit a fait la preuve de son efficacité, mais demeure fragile et doit sans cesse être régénéré.
Avec une chronologie des médias en négociation et des plateformes de streaming à mieux insérer, il y aura fort à faire pour promouvoir notre filière cinématographique, pourvoyeuse d'emplois et de richesse dans nos territoires. Nous défendons un modèle qui contribue à notre économie et au rayonnement des territoires. Je tiens également à souligner, comme l'a fort opportunément fait Catherine Morin-Desailly en commission, l'implication des régions dans le financement du cinéma.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Merci !
M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - Autre défi : la surproduction qui frapperait notre cinéma.
Notre rapport a étayé sur le temps long le constat d'une hausse de la production et d'un financement moyen par oeuvre en baisse. En conséquence, les films sont parfois trop peu travaillés en amont et insuffisamment exposés en aval. Ce débat est souvent source d'une mauvaise compréhension entre le monde du cinéma et le monde politique et économique.
Nous avons engagé le dialogue avec le CNC pour faire évoluer sans à-coup notre système et préserver le formidable potentiel des jeunes réalisateurs, sans renoncer à construire des grands succès populaires qui participent au financement de la création. Il n'existe pas de formule magique pour prédire un succès. Tout est question d'équilibre entre la nécessaire recherche artistique et un public qui ne demande qu'à découvrir des oeuvres ambitieuses - en témoigne le succès du film Anatomie d'une chute, de Justine Triet.
Enfin, nous devons favoriser la conclusion d'accords sur les rémunérations minimales. De tels accords ont été signés dans l'audiovisuel, mais achoppent encore dans le cinéma. Le Syndicat des scénaristes de cinéma s'inquiète : comme souvent, on espère un accord « avant Cannes », mais les négociations sont rendues complexes par la pluralité des parties prenantes. J'ai bon espoir, toutefois, qu'un accord soit conclu et trouve dans notre proposition de loi un puissant relais.
Fruit d'un travail au long cours, cette proposition de loi est attendue dans la profession, où elle rassemble une rare unanimité. Je remercie l'ensemble de nos interlocuteurs, avec qui les échanges ont été aussi intenses que passionnants, en particulier les services du CNC. Vive le cinéma ! (Applaudissements)
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État chargée du numérique . - Je vous prie d'excuser l'absence de Rachida Dati, en route pour la Conférence mondiale sur l'éducation artistique et culturelle de l'Unesco, à Abou Dabi.
Cette proposition de loi s'appuie sur deux convictions largement partagées.
D'abord, le secteur du cinéma va bien. Il ne connaît pas aujourd'hui de crise profonde liée à son financement. Au contraire, l'écosystème a montré sa capacité de rebond après la crise sanitaire. Nul besoin, donc, d'un quelconque big-bang de la régulation.
Ensuite, notre cinéma peut profiter d'ajustements ciblés, qui nourriront sa dynamique positive tout en lui permettant de répondre à de nouveaux enjeux et de mieux atteindre ses objectifs.
Fruit d'un travail de longue haleine, cette proposition de loi est un texte approfondi, fondé sur les attentes du secteur et enrichi par des apports venus de tous les bords politiques.
Le rapport remis par le président Lasserre au printemps dernier aux ministres de la culture et de l'économie dresse un constat clair des enjeux et formule des préconisations pour moderniser la régulation du secteur. Ces réflexions se concrétisent dans votre texte.
Je salue votre travail exemplaire, en particulier celui de Mmes de La Provôté, Boulay-Espéronnier et Borchio Fontimp et de M. Bacchi.
Ce texte nous paraît apporter des réponses satisfaisantes à trois enjeux prioritaires.
D'abord, nous devons donner aux Français l'envie d'aller au cinéma. Même si le public est largement revenu dans les salles, cette situation favorable n'est jamais acquise. Nous devons accompagner le secteur pour qu'il conserve toute son attractivité. D'où la nécessité de permettre aux exploitants de proposer des offres pertinentes - cartes illimitées ou offres promotionnelles sur internet. Les cartes illimitées ont permis de fidéliser des clients et d'amener de nouveaux publics vers le cinéma d'auteur. Il est bon d'alléger les contraintes pour favoriser des offres également bénéfiques pour le pouvoir d'achat. (M. Gérard Lahellec approuve.)
Ensuite, il faut donner à nos oeuvres l'exposition qu'elles méritent. À cette fin, la proposition de loi instaure des engagements de diffusion qui ont vocation à permettre à chaque film de trouver son public. Nous dotons le CNC d'un nouvel outil pour pousser les distributeurs des films les plus porteurs à réserver une partie de leur plan de sortie à des salles en zone peu dense. Ce n'est pas parce qu'on habite loin d'un centre urbain qu'on doit voir un film qui fait événement plusieurs semaines, voire mois, après tout le monde... Chaque Français pourra participer pleinement à l'émotion collective des grands succès au cinéma, dès la sortie des films.
Enfin, nous devons rendre la filière exemplaire. Le soutien continu au secteur a permis au cinéma d'incarner avec brio l'exception culturelle française. Il implique logiquement une contrepartie d'exemplarité, sur les sujets propres au cinéma, comme la rémunération des auteurs, mais aussi les enjeux transversaux, à commencer par la transition écologique.
Dans cet esprit, la proposition de loi conditionne les aides du CNC au respect préalable de certaines exigences. C'est ce qui se fait déjà ailleurs dans l'Union européenne. Désormais, un film qui reçoit un soutien financier devra respecter des critères environnementaux et proposer des rémunérations au-dessus d'un seuil minimal.
En votant ce texte, vous améliorerez la diffusion culturelle sur tout le territoire et auprès de tous les Français, tout en encourageant la responsabilité sociale et environnementale du secteur. Alors que les Français plébiscitent notre cinéma et que celui-ci fait rayonner la culture française comme jamais auparavant, donnons-lui les moyens de rester un secteur dynamique, que le monde nous envie. Vive le cinéma ! (Applaudissements)
M. Gérard Lahellec . - (Mme Nadège Havet applaudit.) Cette proposition de loi est l'occasion de parler du cinéma pour la première fois depuis la loi du 30 septembre 2010.
Le cinéma français s'en sort mieux que les autres après la covid. Les exemples éloquents dans mon département ne manquent pas : à Guingamp, la fréquentation du cinéma Les Korrigans a augmenté de 20 % ; à Lamballe, le cinéma Le Penthièvre a réalisé 2 900 entrées supplémentaires en 2023 ; à Loudéac, le Quai des images a vu sa fréquentation augmenter de 25 %.
Parler du cinéma c'est aussi exercer une vigilance sur les conditions de production. Regardons à ce titre d'un oeil positif le combat des acteurs hollywoodiens, qui, après 118 jours de grève, ont obtenu une augmentation de près de 8 % des salaires minimaux.
Les femmes doivent pouvoir exercer leur métier sans crainte. Il faut combattre toute omerta, et le cinéma ne doit pas se dérober à la justice.
Parler de cinéma, c'est rappeler notre attachement à l'exception culturelle, politique inspirée de Malraux qui consiste à soustraire de la loi marchande les biens culturels. Les oeuvres de cinéma ne sont pas des oeuvres comme les autres et doivent être accessibles à tous. Les chefs-d'oeuvre deviennent ainsi de grands films populaires.
Or cette exception culturelle semble aujourd'hui menacée. Comme Justine Triet nous y a invités lors du Festival de Cannes, résistons à ceux dont le coeur penche toujours un peu plus vers la marchandisation du cinéma, plaidant pour une plus large part de financements privés ou pour un plafonnement des taxes affectées au CNC.
Face à ces remises en cause de l'exception culturelle, ce texte apporte des éléments de protection : assouplissement du système d'agrément du CNC pour assurer une juste rémunération des distributeurs et une équité d'accès pour les exploitants indépendants ; obligation pour les distributeurs de consacrer une diffusion minimale de l'offre à des lieux à faible densité démographique ; rémunération minimale des auteurs via le conditionnement des aides du CNC au respect des accords de rémunération.
Favorables à ces avancées, nous voterons ce texte. (Applaudissements)
M. Bernard Fialaire . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Pour ma part, je suis sénateur du Rhône, où le cinéma est né avec les frères Lumière... Voilà qui me donne toute autorité pour parler du cinéma ! (On s'en amuse.)
Je ne défendrai pas le cinéma américain, comme l'a fait l'orateur du groupe CRCE-K... (Sourires)
M. Pierre Ouzoulias. - Procès d'intention ! (Nouveaux sourires)
M. Bernard Fialaire. - Garantir l'égal accès à la culture est inscrit à l'alinéa 13 du préambule de la Constitution. Cette accessibilité doit être garantie sur tout le territoire national et dans les outre-mer.
Autoriser les promotions pour les billets vendus en ligne et la simplification réglementaire pour les cartes illimitées facilitera le travail des exploitants, dont la trésorerie sera améliorée.
Les lourdeurs administratives doivent être levées et la proposition de loi met un terme à l'agrément du CNC, ce qui offrira plus de souplesse. Une nouvelle dynamique pour les cartes illimitées pourrait naître, attirant ainsi de nouveaux publics. La promotion des billets vendus en ligne doit aussi être autorisée, comme pour les billets vendus sur place - je rappelle que la réservation en ligne porte sur 25 à 70 % des places vendues.
Le président du CNC pourra imposer des objectifs de diffusion pour les territoires ruraux, et le respect des normes environnementales sera encouragé par le conditionnement des aides du CNC.
Nous saluons aussi le renforcement du dispositif de lutte contre le piratage grâce à l'interdiction des sites miroirs. Les pertes causées au secteur par ce fléau sont abyssales.
La proposition de loi raccourcira les délais de saisine de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et simplifiera décision de blocage, qui pourra être prise par le seul président de l'Arcom ou par un membre du collège qu'il aura désigné.
Le RDSE votera cette proposition de loi qui offre des garanties au monde du cinéma. (Applaudissements)
Mme Nadège Havet . - (Mme Maryse Carrère applaudit.) En 2009, Quentin Tarantino, président du Festival de Cannes, avait clamé : vive le cinéma ! J'aurais pu aussi, comme lui, lever le poing. (L'oratrice mime ce geste.) Des grands complexes aux salles indépendantes, des films d'auteur aux blockbusters, le cinéma est, dans sa diversité, notre fierté. C'est un patrimoine culturel, dont les racines se situent non loin d'ici, rue de Rennes, où les frères Lumières organisèrent la première projection il y a 130 ans.
À quelques jours des cérémonies des Césars et des Oscars, reconnaissons tous les beaux métiers qui se conjuguent pour créer de beaux films.
Il faut se battre pour un maillage territorial dense et défendre notre exception culturelle.
Le montant des subventions publiques s'élève à 3,8 euros par spectateur et par film. La production de films a augmenté de 163 % en trente ans. Notre pays compte 1 million de sièges, dans 5 300 salles.
L'anatomie de cette fierté, c'est la reconnaissance de tous les acteurs. Le secteur représente des dizaines de milliers d'emplois, une richesse de programmation, des publics et de types d'établissements ; une richesse territoriale qui répond à un objectif de démocratie culturelle. C'est le fruit d'un combat politique, d'une redistribution de l'aval vers l'amont, et ce depuis la création du CNC.
Notre groupe souligne les travaux remarquables et transpartisans des rapporteurs ainsi que celui du président de la commission. Le cinéma français a un grand avenir, c'est votre conclusion et nous nous en réjouissons. Nous saluons la hausse de la fréquentation de 19 % en 2023, reprise très attendue après le covid et le pic de 2019.
Sur la richesse de la diffusion, le rapport du CNC pointait une disparité géographique dans l'accès aux films d'art et d'essai, comme le fait aussi Bruno Lasserre. Vous proposez que les distributeurs soient soumis à des engagements de diffusion, nous y sommes favorables.
L'article 4 précise qu'une part minimale des films devrait être réservée à des cinémas situés dans des territoires faiblement peuplés. L'article suivant prévoit une sanction administrative si l'obligation n'est pas respectée.
Il faut aussi favoriser le renouvellement du public, notamment auprès des jeunes : le pass Culture, dont nous saluons la réussite, pourrait être fléché vers les films français et européens. Quelque 3 millions de jeunes étaient inscrits deux ans après sa création. La Bretagne détient le taux de couverture le plus élevé, 85 %.
Deux modifications du code du cinéma et de l'image animée sont prévues : les aides du CNC seront conditionnées à des critères environnementaux - j'y suis favorable comme membre de la commission du développement durable - et au respect des règles de rémunération minimale des auteurs.
L'encadrement des cartes d'abonnement illimité sera assoupli. Un prix de référence par place devra être déterminé, et un contrat type sera établi pour les exploitants, notamment pour les indépendants qui veulent se joindre au dispositif.
Nous soutenons la commission qui introduit une disposition pour lutter contre le piratage, notamment par les sites miroirs proposant un visionnage en direct des salles.
Agnès Jaoui disait, en citant Omar Khayyâm, « Sois heureux un instant, cet instant, c'est ta vie ». Nous voterons ce texte. (Applaudissements à gauche)
Mme Sylvie Robert . - L'excellent rapport de nos collègues qui sert de soubassement à cette proposition de loi s'interrogeait sur l'année 2023, pleine de dangers après la covid. Or la reprise est sensible.
Le retour en salle des spectateurs contredit le discours de déclin du septième art. Le cinéma est irremplaçable dans les habitudes culturelles, y compris des plus jeunes. Il s'est bien enraciné, tant comme lieu que comme expérience.
Cette proposition de loi vise à conforter la filière et à réduire les inégalités. Le premier levier prévu est d'assouplir certaines procédures, avec l'autorisation de promotions sur les ventes de billets en ligne et la suppression de l'agrément du CNC pour les cartes illimitées. Elles offrent des opportunités sans déséquilibrer le marché. À l'origine, les cartes suscitaient de vives craintes ; celles-ci sont dissipées aujourd'hui. Les deux principes cardinaux sont sanctuarisés : prix de référence du billet et possibilité d'adhésion des exploitants indépendants. La régulation des cartes perdure, mais leur déploiement est simplifié.
L'article 6 prend en compte la dimension environnementale et la rémunération des auteurs, on peut s'en réjouir. L'industrie cinématographique, malgré ses efforts, demeure polluante. Il est urgent d'accélérer son adaptation. Des générateurs à hydrogène ont ainsi été utilisés lors du tournage de la série Lupin.
La conditionnalité des aides du CNC au respect des accords sur la rémunération des auteurs est une bonne mesure. La grève de six mois à Hollywood avait pour origine notamment la rémunération des auteurs, confrontés au défi de l'intelligence artificielle.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Tout à fait.
Mme Sylvie Robert. - En 2022, les salles classées art et essai représentaient 37 % de la fréquentation totale des salles de cinéma. Ces mesures ont un impact pour favoriser la visibilité de ce cinéma. Le système d'aides publiques doit être préservé pour conserver cette richesse.
Des critiques ont été émises sur le classement des cinémas et sur le degré de sélectivité des films. Le rapport Lasserre esquisse quelques pistes, notamment le potentiel commercial des films d'art et d'essai, reprises dans le travail de nos rapporteurs.
Notre commission aura intérêt à poursuivre ses travaux, c'est fondamental.
Vous mettez en évidence les inégalités territoriales. En 2021, les cinémas des unités urbaines de 50 000 habitants étaient largement majoritaires dans le plan de sortie des films d'art et d'essai. Pouvons-nous accepter cette concentration ? Non, les territoires enclavés ont le droit d'avoir accès à toutes formes de cinéma. Je n'opposerai jamais films grand public et films d'art et d'essai. En revanche, l'accès au cinéma et à tous les genres est un motif impérieux.
J'en viens à l'éducation au cinéma : vous connaissez les dispositifs existants, comme Collège au cinéma.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Très bien !
Mme Sylvie Robert. - Des millions d'élèves ont ainsi découvert des films patrimoniaux. Or l'éducation à l'image est menacée à la suite des annonces du précédent ministre de l'éducation nationale, avec des effets de bord en matière de remplacement et de formation. Les professeurs n'ont plus le temps de se former. Les rectorats qui ont appliqué les directives ont vu le nombre d'élèves concernés divisé par deux. (Mme Catherine Morin-Desailly renchérit.) Je vous demande d'agir, madame la ministre, en lien avec la ministre de l'éducation nationale.
Après la proposition de loi du groupe SER sur le cinéma outre-mer, le Sénat poursuit son travail, autour d'autres grands chantiers : révision de la chronologie des médias, découvrabilité des oeuvres sur les plateformes, égalité femmes-hommes, lutte contre les violences sexistes et sexuelles... Nous devons être au rendez-vous : nous le serons grâce à un amendement cosigné avec le GEST.
Parce qu'elle fait avancer la filière, nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche, au centre et sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Evren . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue l'excellent travail des auteurs et rapporteurs. Cette proposition de loi vise à accompagner l'industrie du cinéma face à de nouveaux défis technologiques, énergétiques ou sociaux.
Le cinéma est un modèle de l'exception culturelle française. Investir dans le cinéma, c'est investir dans notre économie, dans nos territoires et dans la diversité de la création.
Le cinéma français a connu l'une des meilleures reprises au monde après la crise sanitaire, avec une fréquentation en hausse de 20 % en 2023 et 40 % des entrées réalisées par des films français.
Cependant, ces chocs sans précédent ont révélé les fragilités du modèle. Les Français se sont de plus en plus tournés vers les plateformes, notamment les jeunes. Quid de l'égalité d'accès aux oeuvres sur tout le territoire, de la juste rémunération des auteurs, de la transition écologique dans un secteur particulièrement énergivore ?
Afin que la France reste au premier plan, cette proposition de loi poursuit un triple objectif : suppression des agréments pour les cartes illimitées ; meilleure diffusion des films d'art et d'essai dans les territoires ruraux, qui sont les grands oubliés des politiques culturelles ; réduction des inégalités d'accès à la culture et des fractures territoriales.
La culture est un enjeu de cohésion sociale : elle nous rassemble. Les obligations prévues à l'article 4 pour la distribution des films d'art et essai bénéficieront aux petites communes et aux communes rurales
Avec son plan « Action ! », le CNC a introduit depuis 2022 une écoconditionnalité dans les aides attribuées. Je me réjouis également de la lutte contre le piratage et d'une volonté de diffusion plus équilibrée entre les territoires.
Je salue l'intelligence collective et transpartisane des rapporteurs.
Nous voterons cette proposition de loi, en espérant son inscription rapide à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC ainsi qu'au banc des commissions ; Mmes Sylvie Robert et Nadège Havet ainsi que M. Pierre Ouzoulias applaudissent également.)
Mme Catherine Morin-Desailly. - Bravo !
Mme Laure Darcos . - Je m'étais émue de la tournure prise par le débat lors de l'examen du projet de loi de finances, au point de parler de « cinéma bashing ». La suppression par le Sénat du crédit d'impôt était une erreur. Heureusement, le dispositif est reconduit jusqu'au 31 décembre 2026. Ainsi, les producteurs étrangers continueront à investir.
Nous avons aussi sauvé les Sociétés de financement de l'industrie cinématographique et de l'audiovisuel (Sofica) du désastre.
La mission d'information sénatoriale constituée l'an dernier a formulé plusieurs recommandations : meilleure diffusion des films à l'échelle des territoires, amélioration des conditions d'exploitation en salle, respect des règles de rémunération minimale des auteurs et amélioration de la chronologie des médias, entre autres.
Cette proposition de loi traduit certaines de ces conclusions. Elle vise, en premier lieu, à faciliter l'activité des exploitants. Ainsi, les contraintes pesant sur la délivrance des cartes illimitées sont allégées. Pour autant, la juste rémunération des ayants droit et des distributeurs reste un objectif majeur, de même que le soutien aux exploitants indépendants. Gageons que ces mesures renforcent la fréquentation des salles. Désormais, les exploitants pourront proposer des promotions sur les ventes de billets en ligne.
Pourquoi certaines oeuvres de qualité seraient-elles réservées à un public de connaisseurs, dans les grandes villes ?
Plutôt que d'imposer une obligation générale et permanente de diffusion dans les territoires, nos rapporteurs ont prévu un mécanisme temporaire, solution qui a recueilli un consensus au sein de la profession. Ainsi, le président du CNC pourra demander des solutions adaptées pour corriger les déséquilibres constatés dans la diffusion des oeuvres.
En matière de lutte contre le piratage, la proposition de loi cible les sites miroirs, qui seront mis en échec plus rapidement.
Avec cette proposition de loi, les oeuvres cinématographiques seront plus accessibles et mieux protégées. Le groupe INDEP la votera sans réserve. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; Mmes Monique de Marco et Nadège Havet applaudissent également.)
Mme Catherine Morin-Desailly . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Je remercie le président Lafon d'avoir demandé une évaluation du secteur du cinéma à la sortie de la crise sanitaire, et je salue cet excellent rapport.
Résilient, le secteur a su rebondir, grâce à un réseau de salles denses et à une production cinématographique riche, diversifiée et reconnue. Cela doit durer.
Nous soutenons les propositions du texte. Le rapport reconnaît le bien-fondé du système d'aides à la création, mais aussi d'obligations d'investissement par les entreprises de l'audiovisuel et les plateformes.
La chronologie des médias dépendra d'accords interprofessionnels, difficiles à négocier, et sur lesquels nous aurons notre mot à dire.
Le rôle du CNC est essentiel dans la perception des taxes affectées et la distribution des aides, tout comme celui des collectivités, notamment les régions : aides à la formation, à l'écriture, à la production, à l'accueil de tournages, aux dispositifs d'éducation.
Dans le cadre des conventions triennales régions CNC-région-Drac, on constate un glissement : en 2022, les régions ont investi près de 46 millions d'euros, quand le CNC a attribué 16 millions d'euros. C'est désormais 1 euro du CNC pour 2,7 euros des régions.
Des élus ont créé des systèmes de cinéma itinérant : c'est le cas en Seine-Maritime depuis 2016, avec CinéSeine, soutenu par le département, la région, la Drac et même la réserve parlementaire. Il existe 114 circuits et un dispositif d'aide du CNC.
Rendre le cinéma plus accessible commence à l'école : il faut sauver les dispositifs d'éducation à l'image comme Collège au cinéma et Lycéens et apprentis au cinéma. Ces dispositifs ont été remis en cause unilatéralement par Gabriel Attal : les professeurs ne peuvent plus se former durant le temps scolaire. (Mme Colombe Brossel applaudit.) Il faut agir rapidement, sous peine de voir le système s'effondrer.
Je salue le conditionnement des aides à la juste rémunération des auteurs.
L'intelligence artificielle soulève de nombreuses interrogations. Le règlement sur l'intelligence artificielle a apporté des garanties de respect et de transparence minimale des oeuvres utilisées pour les bases d'entraînement. Remercions Thierry Breton, qui, il y a quelques jours, rappelait ici l'importance de cette régulation.
Mais je m'inquiète des discours de Bruno Le Maire qui évoquait une possible réouverture de la directive sur les droits d'auteur, ou encore de la mise en place d'un marché unique de la donnée assimilant des films ou des séries à n'importe quelle donnée. (M. Pierre Ouzoulias renchérit.) J'espère que la ministre de la culture agira avec force. Madame la ministre, nous comptons sur vous pour faire appliquer le règlement sur l'intelligence artificielle tel qu'il a été voté. (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du GEST, des groupes SER et CRCE-K, et au banc des commissions ; Mme Nadège Havet applaudit également.)
Mme Monique de Marco . - Comme vous le savez, le Gouvernement est désormais dirigé par un homme, né en 1989 et animé par de grandes ambitions. (Sourires) Moi, je suis une femme, née quelques années plus tôt et attachée à un petit espoir : faire avancer les droits des femmes au cinéma à l'occasion de cette proposition de loi.
En 1971, Delphine Seyrig déclarait : « Il y a beaucoup de femmes en France et on ne parle pas d'elles. Ce sont toujours les hommes qui les ont montrées et qui en parlent. Je voudrais faire des films faits par des femmes collectivement, qui montrent les difficultés des femmes, qui sont gigantesques. » C'était quatre ans avant la loi Veil légalisant l'avortement.
Cinquante ans plus tard, la féminisation de la profession reste faible : seulement 27 % de réalisatrices, avec des budgets et des rémunérations inférieurs. Seuls 5,2 % des films sélectionnés par le Festival de Cannes depuis sa création étaient réalisés par des femmes. La direction artistique des grands festivals demeure la chasse gardée des hommes. À Cannes, seule une présidence sur six est accordée à une femme.
La parité doit être la première réponse aux violences morales, sexuelles et sexistes qui perdurent dans le cinéma. Depuis 2018 et #MeToo, nous savons que le phénomène est systémique. J'ai déposé un amendement généralisant le bonus parité à l'ensemble des aides du CNC, mais il a été déclaré irrecevable.
Il faut aller plus loin. Depuis 2018, les victimes assument seules leur défense. Nous avons considéré qu'il s'agissait de conflits interpersonnels, que le droit allait régler. Six ans plus tard, les témoignages montrent l'étendue du problème. Des postes de coordinateurs d'intimité ont été créés. Nous sommes saisis par le silence des témoins. C'est pourquoi nous proposons de renforcer la responsabilité des producteurs et de prévoir que les aides seront retirées en cas de violence ou de harcèlement.
Je remercie Céline Boulay-Espéronnier, Jérémy Bacchi, Sonia de La Provôté et Alexandra Borchio Fontimp. Je sais que mes propositions sortent un peu du cadre de cette proposition de loi, mais être au rendez-vous de l'histoire suppose parfois de faire des pas de côté.
Durant la crise sanitaire, de mars 2020 à mai 2021, les salles de cinéma ont été fermées pendant plus de 300 jours, rompant le lien avec les salles de cinéma pour la première fois.
Ce texte facilite la commercialisation des cartes illimitées et la distribution des films d'art et d'essai partout sur le territoire.
L'intelligence artificielle menace le droit d'auteur. Le compromis européen de la fin de l'année 2023 n'est pas à la hauteur de ce qui a été adopté aux États-Unis. Je m'inquiète que cette négociation revienne à Bruno Le Maire. L'absence de la ministre de la culture ne me rassure pas non plus. À terme, l'exception culturelle française et le cinéma d'auteur risquent d'être fragilisés. Le CNC n'est pas là pour rééquilibrer la balance commerciale.
J'espère que la navette enrichira le texte dans l'intérêt des femmes et du cinéma. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Pierre-Antoine Levi . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC et au banc des commissions) Comme le dit Lino Ventura dans Les tontons flingueurs : « On ne devrait jamais quitter Montauban. » (Rires, bravos et applaudissements)
En ce soir de Saint-Valentin, nous nous penchons sur l'histoire d'amour entre la France et le cinéma, point fort de notre économie et joyau culturel. C'est parce que nous aimons le septième art que nous nous penchons sur son avenir.
Cette proposition de loi vise à relever les défis de notre secteur cinématographique. La crise sanitaire a révélé la résilience de notre industrie, grâce au soutien robuste des pouvoirs publics. La mission d'information du Sénat a abouti à la présente proposition de loi.
Notre cinéma, reconnu mondialement, joue un rôle indispensable dans le rayonnement de la culture française, dans les territoires et dans le monde. Le cinéma français se distingue par son originalité et sa créativité. Il est vecteur d'influence culturelle à l'international.
L'assouplissement de la procédure d'agrément des films par le CNC, la simplification de l'accès aux abonnements illimités et l'élargissement des possibilités de promotion en ligne visent à soutenir cette industrie majeure et à encourager les Français à aller au cinéma. Le cinéma français contre-attaque, la force est avec lui. (Sourires)
Ce texte offre plus de flexibilité aux exploitants et intègre le cinéma dans nos grandes politiques publiques.
Notre commission a enrichi la proposition de loi en faveur d'un cinéma accessible, diversifié et résilient. L'adoption d'amendements qui améliorent l'accessibilité des oeuvres sur tout le territoire et renforcent la lutte contre le piratage illustre notre volonté de promouvoir un cinéma inclusif et de protéger les droits des créateurs.
Voter ce texte, c'est faire le choix d'un cinéma innovant, dynamique et ancré dans nos valeurs républicaines. Notre cinéma reflète la diversité et la richesse de notre société.
J'espère que le Sénat votera à l'unanimité cette proposition de loi, à l'instar du groupe UC. (Applaudissements au banc des commissions et sur les travées du groupe UC ; M. Pierre Ouzoulias applaudit également.)
M. Jean-Baptiste Blanc . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La filière cinématographique illustre l'exception culturelle française. Le Vaucluse, riche d'un patrimoine culturel et naturel unique, est aussi une terre de cinéma.
Je félicite moi aussi les auteurs et rapporteurs de cette proposition de loi. Une large concertation a été menée. Dans mon département, le cinéma est perçu comme un vecteur de développement économique et culturel majeur. La présidente du conseil départemental, Dominique Santoni, a présenté récemment un plan cinéma, pour dynamiser l'économie locale et enrichir l'offre culturelle.
Les objectifs de la proposition de loi sont clairs : simplifier la vie des cinémas, en vue de faciliter l'accès à toutes les oeuvres en tout point du territoire. Madame Evren, merci pour votre clin d'oeil à la ruralité.
Le texte comporte aussi des mesures innovantes de lutte contre le piratage - nous le saluons.
Le texte renforcera le cinéma partout dans nos régions. Il valorisera notre patrimoine culturel et naturel. Je voterai ce texte qui ouvrira très certainement de nouvelles perspectives pour le cinéma français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et au banc des commissions)
Discussion des articles
Les articles 1er, 2, 3, 4 et 5 sont adoptés.
Article 6
Mme la présidente. - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, Fernique, Dossus, Dantec et G. Blanc, Mmes M. Vogel et Senée, M. Salmon, Mme Poncet Monge, MM. Mellouli et Jadot, Mme Guhl et M. Gontard.
Après l'alinéa 2
Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :
...° La même première phrase du 2° de l'article L. 111-2 est ainsi modifiée :
a) Après les mots : « du cinéma », sont insérés les mots : « et de ses auteurs, » ;
b) Après les mots : « de l'image animée », sont insérés les mots : « sur l'ensemble du territoire » ;
c) Les mots : « des marchés et » sont supprimés ;
Mme Monique de Marco. - Le cinéma est un art, mais aussi une industrie, comme le disait si bien André Malraux.
Mais aujourd'hui on cherche avant tout la rentabilité économique. Cet amendement vise à réorienter la politique du CNC vers le cinéma d'auteur.
La marchandisation de la culture, défendue par ce gouvernement néolibéral, est en train de casser l'exception culturelle française, comme le disait Justine Triet à Cannes.
Le CNC doit aider les films d'économie fragile, comme les premiers films ou ceux qui ne sont pas produits par des plateformes.
M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - Vous proposez de révolutionner les aides versées par le CNC au profit exclusif du cinéma d'auteur. Cette logique pose plusieurs problèmes : depuis sa création en 1946, le CNC soutient toutes les formes de cinéma - c'est sa force ; ensuite, le cinéma d'auteur n'est pas un concept juridique établi - chaque film est le travail de son réalisateur ; enfin, la politique du cinéma repose sur une large diffusion territoriale. Avis défavorable.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - Votre amendement restreint le champ du CNC, qui a vocation à soutenir la diversité et l'originalité de la création, mais aussi une industrie insérée dans un contexte concurrentiel.
Vous le savez : les oeuvres les plus fragiles bénéficient d'une majoration de 20 % - d'où un taux de subvention de 70 %.
Le CNC fait évoluer ses aides en fonction du marché, ce qui ne signifie pas qu'il est guidé par le marché. Cela n'est pas choquant. En outre, il aide déjà très largement le cinéma d'auteur. Avis défavorable.
L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6 rectifié, présenté par Mmes de Marco, Ollivier, Billon et Corbière Naminzo, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le g du 2° de l'article L. 111-2 est complété par les mots : « tenant compte des objectifs de promotion de la parité et de la diversité » ;
Mme Monique de Marco. - Malgré des progrès depuis 2018, la parité et la diversité sont encore insuffisantes dans le cinéma. Un précédent amendement imposant cette parité et cette diversité dans tous les organes de pouvoir du cinéma a été déclaré irrecevable, mais celui-ci est mystérieusement accepté.
Il vise à mieux valoriser l'héritage des femmes cinéastes - le matrimoine. La parité est impossible quand, pendant des décennies, les films réalisés par des femmes ont été minoritaires. Mais ne les laissons pas disparaître et restaurons ces oeuvres.
Entre 2013 et 2022, seules 591 femmes ont réalisé un ou plusieurs films, contre 1 605 hommes...
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - On peut le regretter, mais l'essentiel des grandes oeuvres patrimoniales passées a été réalisé par des hommes. La situation s'améliore, mais il reste du chemin à parcourir. Le CNC s'efforce de mettre le matrimoine à l'honneur. Les critères d'attribution des aides en tiennent compte. L'intérêt de votre ajout n'est donc pas évident ; il est même redondant. Le patrimoine ne dépend pas de l'identité du réalisateur. Avis défavorable.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - Je vous remercie de porter la question de la parité, qui m'est chère, dans ce débat.
Le CNC a une mission propre de conservation, ainsi qu'une mission de soutien financier aux initiatives en faveur du patrimoine, dans toute sa diversité. La précision que vous souhaitez apporter risquerait de restreindre son champ de compétences. Avis défavorable.
L'amendement n°6 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...° Le 6° de l'article L. 111-2 est complété par les mots : « , et de prévenir la fragilisation du droit d'auteur par le recours à l'intelligence artificielle » ;
Mme Monique de Marco. - L'intelligence artificielle va jouer un rôle croissant dans le cinéma français. La mission de protection de droits d'auteur du CNC doit donc être étendue à l'anticipation du recours à l'intelligence artificielle.
En octobre 2023, les scénaristes américains ont obtenu des garanties pour protéger leurs droits. Quelques exemples : l'intelligence artificielle ne peut avoir la qualité d'auteur d'un texte ; un scénariste peut utiliser l'intelligence artificielle, mais le producteur ne peut l'exiger ; le producteur doit informer le scénariste si les documents fournis ont été générés par l'intelligence artificielle.
L'accord politique trouvé sur le règlement européen n'apporte pas de garanties comparables, car les États membres restent compétents en matière de politique culturelle. Nous proposons donc de confier cette mission au CNC.
M. Jérémy Bacchi, rapporteur. - Nous partageons votre préoccupation en matière de droits d'auteur. La montée en puissance de l'intelligence artificielle pourrait déséquilibrer le système actuel.
Mais votre amendement est une déclaration d'intention.
Ce vaste sujet commence à être encadré par l'Europe, il mérite une réflexion globale pour mesurer les risques et les opportunités.
Avis défavorable.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - Le règlement IA, adopté le 2 février dernier, prévoit des obligations en matière de respect des droits d'auteur. Un Office européen de l'intelligence artificielle sera créé et des sanctions sont prévues en cas de manquement. Ce sujet est transversal et touche tous les champs de la création. Avis défavorable.
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par Mmes de Marco, S. Robert, Ollivier et Monier, M. Kanner, Mme Brossel, M. Chantrel, Mme Daniel, MM. Lozach, Ros et Ziane, Mmes Billon et Corbière Naminzo, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Après l'alinéa 2
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 311-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque des faits constitutifs d'atteinte à l'intégrité physique ou psychique de la personne mentionnée aux articles 222-22 à 222-33-1 du code pénal se sont déroulés lors de la production d'une oeuvre cinématographique, audiovisuelle ou multimédia et ont fait l'objet d'une condamnation pénale, le Centre national du cinéma et de l'image animée retire l'aide dont a bénéficié l'entreprise de production qui assume les fonctions d'entreprise de production déléguée pour la production de cette oeuvre, dès lors que cette entreprise n'a pas respecté ses obligations résultant des articles L. 1153-1 à L. 1153-6 du code du travail. » ;
Mme Monique de Marco. - Depuis 2018, les victimes de violences sexuelles et sexistes ou de harcèlement peinent à se faire entendre.
En droit du travail, le chef d'entreprise doit veiller à la sécurité de ses salariés pendant le temps professionnel. Au cinéma, cette responsabilité incombe au producteur.
Notre amendement, qui vise à renforcer la responsabilité administrative du producteur, a été réécrit après échanges avec la commission : nous proposons désormais le retrait des aides obtenues en cas de sanction pénale.
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. - - Cet amendement s?inscrit dans le contexte du bouleversant témoignage de Judith Godrèche. Il s'agit d'apporter une réponse rapide et ferme, en imposant le remboursement des aides perçues par le producteur défaillant.
Le CNC peut déjà retirer une partie ou la totalité des aides - ce qu'il a d'ailleurs déjà fait. Avec ce dispositif, la sanction est alourdie et rendue automatique, mais reste proportionnée. Avis favorable.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - J'ajoute que le CNC va étendre l'obligation de formation à l'ensemble des équipes de tournage dès cet été. Avis favorable.
Mme Sylvie Robert. - Nous avons cosigné cet amendement, car le cinéma est secoué par de nombreuses affaires. Nous devons être au rendez-vous. Le CNC a déjà retiré des aides : avec cet amendement, nous lui octroyons une base légale pour le faire.
L'amendement n°2 rectifié est adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°3 rectifié, présenté par Mmes de Marco et Ollivier, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mmes Senée et M. Vogel.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« L'attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée est également subordonnée au respect, par les entreprises de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, de la formation des équipes aux pratiques destinées à protéger l'environnement et à réduire l'empreinte carbone lors de la production, de la post-production, de la distribution, de la diffusion et des opérations de communication qui s'y attachent. »
Mme Monique de Marco. - Un film, c'est 750 tonnes de CO2. Une réflexion est en cours chez les professionnels, comme en témoignent le référentiel d'Ecoprod ou le plan de sobriété énergétique de la Fédération française des cinémas. Cet amendement instaure une obligation de formation aux pratiques respectueuses de l'environnement pour tous les métiers de la filière, à laquelle est conditionnée l'attribution des aides.
Mme Sonia de La Provôté, rapporteure. - Le sujet est fondamental, mais votre amendement ferait peser sur les producteurs un coût significatif, que les plus petites structures ne sauraient absorber. De surcroît, vous mettez les actions de formation à leur seule charge, y compris dans les domaines relevant des distributeurs et des exploitants. L'article 6, qui prévoit de moduler les aides en fonction des efforts faits sur le tournage en la matière, est plus incitatif. Avis défavorable.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - La production cinématographique et audiovisuelle doit restreindre son empreinte environnementale. Le CNC a déjà conditionné l'octroi de ses aides à la production d'un bilan carbone, qui couvre tout le spectre des activités liées à la production. Votre amendement est satisfait : avis défavorable.
L'amendement n°3 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°5 rectifié, présenté par Mmes de Marco, Ollivier, Billon et Corbière Naminzo, MM. Benarroche, G. Blanc, Dantec, Dossus, Fernique et Gontard, Mme Guhl, MM. Jadot et Mellouli, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Senée.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« L'attribution des aides financières du Centre national du cinéma et de l'image animée est également subordonnée à la mise en place, par les entreprises de production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles d'une formation des équipes à la prévention et au signalement de violences sexuelles et sexistes et de harcèlement. »
Mme Monique de Marco. - Depuis 2018, le CNC a instauré une formation de sensibilisation aux violences sexuelles et sexistes, mais elle est réservée aux gérants des entreprises de production, qui ne sont pas forcément sur les plateaux. Au demeurant, il ne s'agit que de rappels à la loi. Les personnes exposées à ces violences doivent être mieux informées. Un référent a été mis en place pour l'ensemble du territoire, ce qui nous semble là aussi insuffisant.
Nous souhaitons conditionner l'octroi des aides du CNC à une formation de l'ensemble de l'équipe, à la charge du producteur. Nous aurions préféré un financement par le CNC, mais les règles de recevabilité financière des amendements l'interdisent.
La prévention est préférable aux sanctions.
Mme Alexandra Borchio Fontimp, rapporteure. - Ce sujet est essentiel, comme l'ont montré les récentes révélations sur des comportements particulièrement odieux. Le CNC a prévu d'expérimenter l'extension de l'obligation de formation à la prévention des violences sexistes et sexuelles à l'ensemble des équipes le premier jour du tournage. Le coût sera assumé par l'Afdas, l'opérateur de compétences des secteurs de la culture, des industries créatives et des médias. Les paramètres seront élaborés d'ici au mois de juin. Avis défavorable.
Mme Marina Ferrari, secrétaire d'État. - Même avis pour les mêmes raisons.
L'amendement n°5 rectifié n'est pas adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
L'article 7 est adopté, ainsi que l'article 8.
La proposition de loi, modifiée, est adoptée.
Mme la présidente. - À l'unanimité. (Applaudissements)
Prochaine séance demain, jeudi 15 février 2024, à 10 h 30.
La séance est levée à 23 h 25.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 15 février 2024
Séance publique
De 10 h 30 à 13 heures et de 14 h 30 à 16 heures
Présidence : Mme Sophie Primas, vice-présidente, M. Alain Marc, vice-président,
Secrétaires : Mme Alexandra Borchio Fontimp, M. Guy Benarroche
1. Proposition de loi visant à préserver des sols vivants, présentée par Mme Nicole Bonnefoy et plusieurs de ses collègues (n°66, 2023-2024)
2. Proposition de loi visant à améliorer et garantir la santé et le bien-être des femmes au travail, présentée par Mme Hélène Conway-Mouret et plusieurs de ses collègues.
À l'issue de l'espace réservé du groupe SER :
3. Désignation des vingt-trois membres de la mission d'information sur le thème : « Complémentaires santé, mutuelles : l'impact sur le pouvoir d'achat des Français » (droit de tirage du RDPI)