Société du bien-vieillir en France (Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, portant mesures pour bâtir la société du bien-vieillir en France.
Explications de vote
Mme Anne Souyris . - En 2020, la loi consacrait la cinquième branche de la sécurité sociale. Alors que les enjeux sont majeurs pour l'autonomie, cette proposition de loi n'y répond pas.
Nous attendions un grand texte sur l'autonomie et le grand âge, nous avons eu une proposition de loi circonscrite au bien-vieillir. Une fois de plus, le Gouvernement ne prend pas la mesure des défis et nous prive d'un projet de loi assorti d'un avis du Conseil d'État et d'une large concertation des collectivités et des fédérations médico-sociales.
Où sont les mesures pour le handicap, invisibilisé par ce texte ? Pourtant, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) concerne autant les personnes âgées en perte d'autonomie que les personnes handicapées.
Ce texte n'apporte aucune réponse structurelle : sur le recrutement de personnel soignant ou l'attractivité des métiers du grand âge, sur l'accueil en Ehpad, sur l'accueil en milieu rural, sur l'adaptation de la société au vieillissement, sur le financement de la branche...
Il comportait quelques avancées mineures, comme l'instauration d'un droit de visite et l'accès des animaux de compagnie en Ehpad, mais la commission a supprimé une grande partie des mesures introduites à l'Assemblée nationale, comme l'élaboration d'un projet d'accueil et d'accompagnement personnalisé, la remise d'un livret d'accueil dans un format facile à comprendre, ou l'obligation faite aux Ehpad privés lucratifs de réserver une part de leurs bénéfices à l'hébergement et l'accueil.
Malgré le scandale Orpea et les rapports de la Défenseure des droits, nous ne luttons pas contre la maltraitance institutionnelle ou les dérives du privé lucratif, nous ne renforçons pas les contrôles, nous ne répondons pas au manque de personnel, au turnover, à la sinistralité.
Nos amendements visant à pérenniser la tarification globale des services d'autonomie à domicile n'ont pas été retenus. Quel dommage !
Nous attendons désormais la loi de programmation pluriannuelle, qui malheureusement ne portera que sur le grand âge. Il fallait 6 milliards d'euros en 2024, selon Dominique Libault, et nous parlons à peine d'une loi de financement. Mieux vaut tard que jamais, mais c'est un peu tard...
Cette proposition de loi n'est pas satisfaisante. Le GEST s'abstiendra. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mmes Annie Le Houerou et Émilienne Poumirol applaudissent également.)
Mme Cathy Apourceau-Poly . - Depuis 2017, nous attendons avec impatience une loi Grand Âge. Le 24 novembre 2023, la Première ministre s'engageait à présenter une loi de programmation d'ici l'été 2024. Aurore Bergé proposait une coconstruction avec les parlementaires et les acteurs du secteur, et a reçu les fédérations le 5 janvier. Coup de théâtre : lors de la discussion générale, mardi dernier, Mme la ministre annonçait que « l'article 34 de la Constitution ne retient pas la notion de loi de programmation pour le secteur médico-social », tout en prenant l'engagement de faire voter une loi Grand Âge d'ici la fin de l'année.
Vous et vos prédécesseurs avez trop bafoué la parole publique. Nous savons qu'une telle loi de programmation ne vous engage en rien. Il faudra 10 milliards d'euros pour adapter la société au vieillissement : mettons donc à contribution les plus hauts revenus, les revenus financiers, les groupes qui réalisent des profits sur nos aînés. Ce texte prévoit 200 millions d'euros, soit à peine 2 % des dépenses nécessaires !
Cette proposition de loi est un coup de com' du Gouvernement. Pire, la majorité sénatoriale a introduit des mesures régressives dans un texte vide, qui reprend des mesures déjà inscrites dans la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2022-2026, sans rien de novateur.
La création d'une carte professionnelle pour les aides à domicile ne compensera pas l'absence de revalorisation des salaires, que vous avez refusé d'indexer sur le Smic, et de l'indemnité kilométrique.
Concernant les Ehpad, vous ne tirez aucune conclusion de l'enquête de Victor Castanet, en refusant de renforcer les contrôles.
En 2006, le plan Solidarité grand âge prévoyait huit professionnels pour dix résidents ; nous en sommes toujours à six pour dix. On leur demande d'aller toujours plus vite, d'où leur épuisement. Avec plus de professionnels, on améliorerait leurs conditions de travail et les conditions de séjour des résidents.
Nous voulons recruter 200 000 personnels en Ehpad et 100 000 personnels pour l'aide à domicile.
Même la ministre de la casse du droit du travail, Myriam El Khomri, proposait dans son rapport de 2019 de créer 92 300 postes en cinq ans et d'augmenter les salaires. Vous en proposez 50 000 en six ans, sans hausse de salaire. Et la majorité sénatoriale a supprimé la publication du taux d'encadrement dans les Ehpad.
La pénibilité du métier, le manque de reconnaissance et un salaire moyen de 930 euros n'attirent guère. En 2014, le rapport de Dominique Watrin et Jean-Marie Vanlerenberghe sur l'aide à domicile décrivait un système à bout de souffle et préconisait un tarif national de 24 euros de l'heure. Dix ans plus tard, le Gouvernement se félicite d'avoir imposé aux départements un tarif plancher de 23 euros, mais l'inflation a frappé : il faudrait 30 euros, avec compensation intégrale par l'État.
M. Mickaël Vallet. - Bien dit !
Mme Cathy Apourceau-Poly. - Nul ne souhaite finir ses jours en Ehpad, mais, faute d'aide pour le maintien à domicile, les familles sont contraintes d'y recourir. Soit elles attendent plusieurs mois une place dans un Ehpad public, soit elles paient une place hors de prix dans un établissement privé. Or l'affaire Orpea a mis en lumière les dérives du privé lucratif. En autorisant les Ehpad habilités à l'aide sociale à fixer un tarif différencié pour les non-bénéficiaires de l'aide, la majorité sénatoriale a ouvert une boîte de Pandore : les établissements pourront limiter le nombre de places réservées aux plus fragiles.
À l'opposé du projet du Gouvernement et de la droite sénatoriale, nous portons un projet de justice sociale : la création d'un service public de l'autonomie, financé à 100 % par la sécurité sociale, grâce à la fin des exonérations de cotisations patronales. Nous ne voterons pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE-K et sur quelques travées du groupe SER)
Mme Véronique Guillotin . - (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Cédric Chevalier applaudit également.) L'horloge démographique de la France est implacable : en 2030 - demain ! -, la France comptera 4 millions de personnes en perte d'autonomie, alors que les métiers du soin peinent à recruter. Face à ce choc démographique, il faut un choc d'attractivité, sur la formation, les rémunérations, les conditions de travail et la pénibilité, que ce soit en Ehpad, à l'hôpital ou à domicile. Et il faut adapter les bâtiments.
La majorité des personnes âgées souhaitent vieillir à domicile. Moins onéreux, le virage domiciliaire implique une révolution : celle de la politique de prévention de la perte d'autonomie, alors que 45 % des Français sont en bonne santé à 65 ans, contre 77 % en Suède.
Dans l'attente de l'indispensable loi Grand Âge, plusieurs fois reportée, nous examinons une proposition de loi plus modeste. Après un grand nettoyage en commission, elle comporte 40 articles.
Reprenant une initiative sénatoriale, le texte garantit un droit de visite quotidien, tirant les leçons de la période covid. Le directeur d'établissement pourra s'y opposer en cas de menace pour l'ordre public ou pour la santé des résidents. Nous y sommes favorables.
Le débat sur les animaux de compagnie est loin d'être anecdotique. Toutefois, l'inscription dans la loi du droit à un animal de compagnie en établissement me paraît peu réaliste au vu des contraintes.
Nous saluons le financement par la dotation soins d'actions de prévention et la généralisation de l'outil de dépistage Icope (Integrated Care for Older People). Nous regrettons la suppression du référent prévention, qui aurait pu avoir un rôle moteur, et l'irrecevabilité de notre amendement sur l'activité physique adaptée (APA). En cette année olympique, madame la ministre, engageons-nous sur le sport-santé !
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
Mme Véronique Guillotin. - Ce texte comporte des mesures pour prévenir les maltraitances institutionnelles, dues au manque de soignants, de formation ou à l'épuisement professionnel. Nous saluons la création d'une cellule départementale de recueil et de suivi des signalements, l'élargissement de la Conférence nationale de santé à la question de la maltraitance.
Le service public départemental de l'autonomie (SPDA) sera créé pour mieux orienter les personnes et coordonner les services : nous le saluons. Il faudra l'adapter aux réalités locales. La décentralisation en santé est un chantier essentiel.
Enfin, nerf de la guerre, l'attractivité des métiers doit être améliorée. Nous saluons l'expérimentation de la tarification forfaitaire des services autonomie à domicile (SAD), dès 2025 et pour deux ans.
Une aide annuelle à la mobilité sera versée par l'État aux départements pour aider les aides à domiciles dans l'obtention du permis de conduire, et pour des temps collectifs d'échange, très attendus. Ces 100 millions d'euros amélioreront le quotidien de ces professionnels essentiels. Quant à la nouvelle carte pour les intervenants à domicile, elle est essentiellement symbolique, sauf si un décret l'assortit d'avantages concrets, en matière de mobilité notamment.
Cette proposition de loi contient de bonnes idées auxquelles le RDSE apportera sa voix. (Applaudissements sur les travées du RDSE ainsi que sur plusieurs travées du RDPI et des groupes UC et Les Républicains)
Mme Solanges Nadille . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Le RDPI se satisfait que nos discussions aient permis des débats de qualité, réduisant le nombre d'articles et intégrant des avancées comme la carte professionnelle ou les aides à la mobilité.
Différents amendements de notre groupe ont été adoptés, sur le SPDA et sur la prise en compte des spécificités des outre-mer dans les aides à la mobilité. Nous regrettons néanmoins le rejet de nos amendements sur le pouvoir du juge des tutelles de nommer un tuteur ou curateur de remplacement, ou sur le statut des Ehpad. Nous espérons que la commission mixte paritaire trouvera un accord.
Nous aurions aimé des chiffres plus précis sur le financement de la proposition de loi, madame la ministre.
En discussion générale, vous disiez vouloir agir avec ambition pour répondre aux enjeux spécifiques du vieillissement outre-mer. Nous vous en remercions, car il est urgent d'agir, tant certains Ehpad sont vétustes.
Beaucoup reste à faire sur le grand âge, mais cette proposition de loi apporte des améliorations utiles pour une meilleure coordination, pour la lutte contre la maltraitance et l'accompagnement des professionnels.
Nous voterons ce texte sans hésitation, mais attendons le projet de loi Grand Âge promis d'ici la fin de l'année. Il faudra avancer sur la gouvernance, pour piloter efficacement des actions nationales, ainsi que sur le financement des politiques publiques, sachant qu'il faut trouver 10 milliards d'euros par an d'ici 2030 - malgré les crédits croissants dédiés à la CNSA, avec l'affectation de 0,15 point de CSG, soit 2,4 milliards supplémentaires par an pour atteindre 42 milliards en 2026.
Nous devons redonner de l'attractivité au secteur, et être vigilants sur le contrôle des Ehpad. Je suis heureuse de faire partie de la future mission d'information sur le contrôle des Ehpad.
Le RDPI est volontariste pour avancer sur le sujet du grand âge, et nous serons à vos côtés, madame la ministre. Nous devons montrer à nos aînés que nous nous occupons d'eux au quotidien. Comme le disait Montaigne, « la vieillesse n'est pas une maladie mais le plus grand des mérites ». (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Corinne Féret . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Les dispositions de cette proposition de loi, prises isolément, vont dans le bon sens. Manque toutefois la vision globale qu'aurait apportée la grande loi promise depuis six ans...
La capacité de notre société à faire face au vieillissement est un défi majeur, auquel cette proposition de loi ne répond pas. Nos amendements pourtant constructifs n'ont pas trouvé d'écho favorable.
Les débats ont mis en lumière certains points de vigilance. Ainsi, l'article 1er bis F crée une obligation de coopération des Ehpad publics autonomes dans le cadre de groupements territoriaux sociaux et médico-sociaux (GTSMS). Avant de penser à l'organisation territoriale, fixons déjà une stratégie en matière d'autonomie et accompagnement des personnes âgées, et parlons financement... Se réunir pour échanger, c'est bien, mais sans moyens, cela n'ira pas loin.
Nous regrettons la suppression de nombreux articles, comme l'article 11 bis B, qui dérogeait à la reconduction tacite de l'autorisation d'un établissement. Nous avons tous été scandalisés par les dérives exposées dans Les Fossoyeurs de Victor Castanet, or certains établissements privés lucratifs voient leur autorisation d'ouverture tacitement reconduite depuis des années, malgré les alertes.
L'article 11 bis D prévoyait que les bénéfices des Ehpad privés lucratifs puissent être en partie fléchés vers l'amélioration de la qualité de l'hébergement ; l'article 11 ter automatisait les sanctions à l'encontre de ceux qui ne respecteraient pas leurs obligations de qualité de soins et d'accompagnement. L'article 12 quinquies, enfin, obligeait les Ehpad privés à adopter le statut de société à mission.
Certes, le SPDA, la carte professionnelle vont dans le bon sens, tout comme la revalorisation du barème kilométrique, avec le fonds de soutien de 100 millions d'euros à la mobilité des aides à domicile. Cela reste toutefois insuffisant au vu des difficultés de recrutement, qui tiennent au bouleversement du rapport au travail mais aussi aux difficultés structurelles propres au secteur. Le texte n'y apporte pas de réponse, alors que 70 % des établissements peinent à recruter.
Logiquement, le groupe SER s'abstiendra. Les promesses d'hier ne tiennent plus : la promesse d'une loi Grand Âge d'ici la fin de l'année sera-t-elle tenue ? Nous aurions aimé que vous la repreniez à votre compte, madame la ministre. Que de temps perdu, alors qu'il y a urgence ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Silvana Silvani applaudit également.)
M. Jean Sol . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Jocelyne Guidez applaudit également.) Vieillir n'est pas une maladie, et nous espérons tous une longue vie en bonne santé. Cela suppose une prise en charge adaptée aux besoins des personnes vieillissantes. La proposition de loi adoptée par les députés s'apparentait davantage à un catalogue de mesures diverses : nous l'avons recentrée, au pas de course, en supprimant une trentaine d'articles.
Ainsi de la nouvelle conférence nationale de l'autonomie, redondante. En revanche, le SPDA, s'il ne bouleverse pas la gouvernance, sera mieux adapté aux spécificités des territoires ; il comprendra parmi ses objectifs le maintien à domicile et le suivi des personnes dans la durée.
En matière de prévention, la généralisation d'Icope est une avancée. Nous l'avons articulée avec les rendez-vous de prévention pour les 60-65 ans et les 70-75 ans créés par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.
Le texte consacre aussi le droit de visite en établissements, reprenant la proposition de loi de Bruno Retailleau. Conscients de l'importance des animaux de compagnie pour les personnes en perte d'autonomie, nous avons concilié leur accueil avec les contraintes propres aux établissements.
Une cellule spécifique, sous l'autorité conjointe du conseil départemental et de l'ARS, accueillera les signalements de maltraitance.
Le virage domiciliaire passe par l'attractivité du métier d'aide à domicile. Nous regrettons la faible portée des mesures. Nous soutenons la mobilité des personnels en rendant éligibles aux aides de la CNSA les actions des départements pour financer le permis de conduire.
Même améliorée, cette proposition de loi ne répond que partiellement aux enjeux que sont la prévention de la perte d'autonomie, le maintien au domicile, souhaité par 90 % des citoyens, ou encore l'accompagnement de la dépendance.
La loi de programmation devra appuyer ces chantiers. L'Icope, une fois généralisé, permettra de repérer les facteurs de risque, et de tracer un parcours : prise en charge à domicile, résidence autonomie, habitat inclusif partagé, Ehpad, unité de soin de longue durée.
Oui, il faut des moyens. Mais il faut avant tout des professionnels formés, reconnus et un taux d'encadrement adéquat. Formation, statut, rémunération et mobilité sont les clés de l'attractivité pour améliorer la prise en charge domiciliaire. Pour ce qui est des soignants, une spécialisation infirmière en gériatrie est nécessaire. Les 50 000 postes que le Gouvernement entend créer ne le seront pas en quelques mois.
Enfin, la qualité de la prise en charge et la reconnaissance des proches aidants ne s'amélioreront qu'avec le concours de tous, professionnels, usagers et collectivités.
Nous attendons tous avec impatience la grande loi, promise depuis six ans, pour répondre aux défis du vieillissement. Le groupe Les Républicains votera ce texte, modifié par le Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC et sur quelques travées du RDSE)
M. Joshua Hochart . - Bien vieillir : un thème majeur, un enjeu moral et civilisationnel. Nos aînés ont créé la richesse de notre société et porté ses valeurs : ils méritent la reconnaissance et un accompagnement digne.
Cela passe par la valorisation des métiers du soin : formation adaptée et évolution professionnelle pour les intervenants à domicile ; réel revenu et accompagnement personnalisé pour les proches aidants, menacés par l'épuisement moral et physique.
La société du bien-vieillir que nous voulons sera basée sur l'accompagnement à domicile, avec une mise en réseau de tous les acteurs, mais aussi sur l'Ehpad de demain, qu'il faut repenser.
Cette loi sert tout au plus à se donner bonne conscience après la réforme des retraites - réforme injuste qui a volé deux ans de vie à nos aînés, réforme misogyne qui pénalise surtout les femmes.
La prise en charge en Ehpad doit être mieux individualisée, là où les établissements se standardisent, faute de moyens, de personnel et d'ambition politique, Madame la ministre. Comme d'habitude, mesurettes et amateurisme macronien prévalent. Dans leur sagesse, les commissions des lois et des affaires sociales ont retiré des mesures inutiles.
En attendant la loi Grand Âge, nous voterons cette proposition de loi, même bien timide. (M. Aymeric Durox applaudit.)
Mme Corinne Bourcier . - (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP) Il est un chiffre souvent entendu, M. Daniel Chasseing l'a rappelé (« Ah ! » sur les travées du groupe INDEP) : le nombre des plus de 85 ans doublera entre 2020 et 2040. D'ici 2050, elles seront 4,8 millions. Il y aura 2 millions de personnes dépendantes en 2040.
Il y a trente fois plus de centenaires aujourd'hui que dans les années 1970. Le vieillissement est d'ores et déjà un défi ! C'est donc un projet de loi d'ampleur que nous attendons.
Adaptation des logements, des établissements, de l'urbanisme, mobilité, formation, disparités territoriales, notamment avec les outre-mer : les enjeux ne manquent pas. Cette proposition de loi est-elle le texte tant attendu ? Malheureusement non : elle ne va pas assez loin et ne donne aucune perspective financière. L'intitulé voté en commission le reflète.
Nombre des 65 articles du texte transmis au Sénat étaient inutiles, symboliques, réglementaires, voire satisfaits. Ce texte est, désormais, législatif. Toutefois, nous comprenons qu'il était le reflet de l'émotion suscitée par les scandales et par la crise sanitaire, des récits renvoyant à la peur de la dépendance et des abus.
La Haute Assemblée a néanmoins rappelé qu'il ne faut pas légiférer sous le coup de l'émotion, mais en gardant la tête froide.
Je remercie tous ceux qui travaillent auprès des personnes âgées, applaudies au début de la crise sanitaire, puis salies par un scandale avec lequel beaucoup n'avaient rien à voir. Au prix parfois de leur santé, elles apportent gentillesse et bienveillance aux personnes âgées. J'ai une pensée pour les salariés et bénévoles du Village Santé Saint-Joseph, dans les Mauges.
Même mineur, ce texte apporte des avancées, comme le SPDA, mesure de bon sens pour un pilotage cohérent et une meilleure coordination des acteurs.
J'aurais préféré, pour ma part, le maintien de la conférence nationale de l'autonomie.
Dès l'année prochaine, les départements volontaires pourront expérimenter le financement forfaitaire des SAD.
Si nous voulons réussir le virage domiciliaire, il faut soutenir les services d'aide à domicile. Nous avons donc rendue facultative la fusion entre les Ssiad (services de soins infirmiers à domicile) et les Saad (services d'aide et d'accompagnement à domicile). Je me réjouis de l'adoption de mon amendement ouvrant la carte professionnelle à tous les professionnels intervenant à domicile, même si elle reste symbolique. La meilleure reconnaissance passe par la rémunération. Sur ce point, nous saluons l'intégration du permis de conduire à l'aide à la mobilité.
Nous saluons également la suppression, par un amendement de Pierre Jean Rochette (applaudissements sur les travées du groupe INDEP), d'un article qui ajoutait des contraintes administratives aux Ehpad, sans effet concret sur la lutte contre la maltraitance.
Madame la ministre, nous voterons ce texte mais attendons de pied ferme un texte Grand âge. Les besoins ne sont plus imminents, mais urgents. (« Bravo ! » et applaudissements sur les travées du groupe INDEP ; Mme Anne-Sophie Romagny applaudit également.)
Mme Jocelyne Guidez . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Philippe Mouiller applaudit également.) Pour reprendre les mots du sociologue Michel Billé, « Être vieux n'est en soi ni un défaut ni une maladie ni un délit... Demain, je serai un peu plus vieux, et j'aurai peut-être besoin d'être soutenu à domicile et non maintenu à domicile ! J'aurai besoin d'être pris en considération, non pas pris en charge. »
Je remercie les équipes du Sénat et du ministère pour leur travail sur un sujet sensible dans un contexte singulier de remaniement, ainsi que Jean Sol, avec qui j'ai eu le plaisir de travailler.
Ce texte était passé, à l'Assemblée nationale, de 14 à 65 articles ; nous l'avons recentré sur les dispositifs utiles en supprimant plusieurs articles satisfaits ou réglementaires.
Je salue la reconnaissance d'un droit de visite dans les établissements, reprise de la proposition de loi Retailleau, ainsi que la suppression de l'article 3 bis A sur le droit à une vie affective et sexuelle, inadapté, même s'il est bon d'avoir mis en lumière ce sujet encore tabou.
L'article 4 crée une cellule départementale de recueil et de suivi des signalements de maltraitance, qui centralisera les signalements au 3977. Les personnes à l'origine du signalement seront désormais informées des suites. En revanche, imposer un comité d'éthique dans chaque Ehpad serait trop lourd.
Le contrôle des antécédents judiciaires des intervenants dans les structures médico-sociales, renforcé par la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants, l'est encore par le Sénat à l'article 5 bis A, avec la suspension provisoire d'une personne mise en examen. Le Gouvernement a présenté tardivement un amendement peu étayé prévoyant la présentation d'une attestation d'honorabilité. Vu les enjeux, mieux valait ne pas l'adopter : la suite de la navette y pourvoira.
J'approuve la création de la carte professionnelle, certes symbolique. La commission l'a ouverte aux personnes justifiant de deux années d'exercice professionnel. Les facilités offertes par cette carte devront être précisées par décret. Je me réjouis l'adoption de mon amendement sur l'aide accordée aux intervenants à domicile pour obtenir le permis de conduire, indispensable dans les communes rurales.
Le regroupement des Saad et des Ssiad, voté dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, entraîne des difficultés pratiques. En effet, les Ssiad craignent de disparaître s'ils n'obtiennent pas une autorisation dans le délai de deux ans. L'article 8 bis prévoit la possibilité de conventionner avec un SAD pendant une durée de trois ans, ainsi qu'un délai supplémentaire pour les Ssiad recevant un refus d'autorisation, que nous avons étendu à deux ans.
Le Sénat a voté l'assouplissement du cadre des SAD. Je partage ces préoccupations, mais ne remettons pas en cause cette réforme déjà bien engagée. Nous veillerons, dans la navette, à l'accompagnement des Ssiad dans la période transitoire.
L'article 13 bis A qualifie les locaux d'habitat inclusif en bâtiment d'habitation pour l'application de la réglementation en matière de sécurité incendie, ce qui évitera les contraintes liées aux requalifications en établissement recevant du public. Je suis favorable au renforcement de la sécurité juridique, mais le sujet mérite une réflexion plus approfondie.
Enfin, nous attendons impatiemment la loi de programmation sur le grand âge, qui devra aborder la question de la gouvernance et des moyens financiers, pour assurer une coordination sereine entre ARS, départements et CNSA.
Le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur quelques travées du groupe RDSE)
Scrutin public solennel
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°115 :
Nombre de votants | 332 |
Nombre de suffrages exprimés | 250 |
Pour l'adoption | 233 |
Contre | 17 |
La proposition de loi est adoptée.
Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités . - (Applaudissements sur les travées du RDPI ; Mme Nathalie Delattre applaudit également.) Mes premières paroles vont au président et aux rapporteurs de la commission, que je remercie pour leur travail.
Je relève la généralisation du SPDA, les mesures contre l'isolement social, le repérage précoce des difficultés liées à l'âge - grâce au programme Icope -, la lutte contre la maltraitance, la tarification forfaitaire de l'aide à domicile, entre autres.
Je note votre volonté d'aller plus loin dans la prévention.
Je salue l'amendement prenant en compte les difficultés de continuité territoriale, notamment outre-mer.
Pas tout à fait quatre semaines après mon arrivée, je mesure l'enjeu démographique. Ce défi est sociétal et structurel. Nous devons définir une stratégie, une gouvernance et des financements face à ce défi. Nous le devons aux agents qui s'occupent chaque jour de nos aînés. (Applaudissements sur les travées du RDPI, du groupe INDEP et sur quelques travées du groupe UC)
M. Philippe Mouiller, président de la commission des affaires sociales. - Je remercie nos deux rapporteurs pour leurs travaux, les administrateurs de la commission et Mme la ministre, pour la qualité de nos échanges. C'est un bon démarrage ! (Mme Françoise Gatel s'en amuse.) Je retiens l'article 2 bis B, qui prévoit une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge avant le 31 décembre 2024. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, ainsi que sur quelques travées du RDPI et du groupe INDEP)
La séance est suspendue quelques instants.