Précarité énergétique
Mme le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à résorber la précarité énergétique, présentée par M. Rémi Cardon, Mmes Viviane Artigalas, Catherine Conconne, Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues, à la demande du groupe SER.
Discussion générale
M. Rémi Cardon, auteur de la proposition de loi . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) « Nous n'héritons pas de la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants », dit Saint-Exupéry. Dans quel état allons-nous rendre la terre à nos enfants ? Les effets du changement climatique sont de plus en plus dramatiques. Il reste peu de temps pour inverser la situation : il est plus que temps d'agir.
Cette proposition de loi trouve sa source dans le vécu des habitants de la Somme, dans les retours d'expérience des associations. Elle n'a pas la prétention de résoudre tous les problèmes, mais crée un corpus de mesures concrètes, applicables immédiatement.
Je regrette que la commission ait rejeté ce texte sans même proposer de l'amender. Le Sénat n'enverra donc aucun message positif aux millions de Français qui souffrent de la précarité énergétique.
Certes, la commission d'enquête sur la rénovation thermique voulue par le GEST est nécessaire et débouchera sur des propositions, mais l'un n'empêche pas l'autre.
Nous fixons des objectifs toujours plus ambitieux, mais sans les moyens de les atteindre. Si les objectifs de rénovation énergétique prévus par le Grenelle de l'environnement en 2008 avaient été tenus, nous économiserions l'équivalent des importations de gaz russe !
Le logement représente 18 % des émissions de gaz à effet de serre en France, et le premier poste de dépense des ménages. L'été, les températures grimpent dans les logements mal isolés ; l'hiver, les plus fragiles, qui habitent les six millions de passoires thermiques, doivent choisir entre se priver ou s'endetter pour se chauffer - sans parler des maladies induites...
Lutter contre la précarité énergétique est un enjeu social, un enjeu de santé publique, un enjeu environnemental si l'on veut respecter l'Accord de Paris.
Malgré les avancées, les résultats ne sont pas à la hauteur : selon la Cour des comptes, seuls 2 500 logements sont sortis du statut de passoire thermique grâce à MaPrimeRénov', quand le Gouvernement tablait sur 80 000. À ce rythme, il faudra encore 2 000 ans !
Trop peu de personnes s'engagent dans un parcours de rénovation thermique globale. Malgré les 3,4 milliards d'euros distribués par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), les freins perdurent : le reste à charge est de 35 000 euros en moyenne pour la rénovation d'un pavillon, or les passoires thermiques sont surtout occupées par des ménages aux revenus modestes.
Combien faudra-t-il de rapports alarmants pour que l'on s'attaque enfin au mal-logement ?
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques. - Ce n'est pas très sénatorial...
M. Rémi Cardon. - Ce texte ne vise pas à créer de nouvelles normes, mais à réaffecter les moyens en ciblant les conditions de vie indignes. Il y a urgence à changer de cap et à revoir la politique de rénovation énergétique, dans un contexte de prix de l'énergie élevés.
Entre interdiction de location des logements les plus énergivores et effets du zéro artificialisation nette, nos communes rurales pourraient devenir des musées à ciel ouvert de l'habitat d'antan...
Oui, la révision de la stratégie française sur l'énergie et le climat sera l'occasion de clarifier nos priorités d'actions et d'établir une stratégie de rénovation des logements et de lutte contre la précarité énergétique plus performante et plus ambitieuse. Mais il n'y a pas de temps à perdre !
Je songe à ce couple de retraités de la Somme qui n'a toujours pas reçu la subvention MaPrimeRénov', plusieurs mois après l'achèvement des travaux, et qui a dû contracter un emprunt à 15 % pour se nourrir ; à ces personnes qui ont vu leurs travaux bâclés, à celles qui ont renoncé devant la complexité des démarches. Cette proposition de loi est pour elles.
Avec l'article 1er, nous voulons un meilleur fléchage des aides publiques vers les travaux de rénovation plus performants, ainsi qu'un reste à charge zéro pour les plus précaires. De toute évidence, la notion de reste à charge minimale obtenue par le Sénat lors de la loi Climat et résilience est aujourd'hui sans effet, car il peut atteindre 40 %.
Avec l'article 2, nous voulons favoriser « l'aller vers » en assurant un accompagnement gratuit des plus précaires, jusqu'à la fin des travaux.
L'article 3 s'adapte aux contraintes des propriétaires occupants. Enfin, l'article 4 prévoit une adaptation des normes outre-mer.
Voilà comment nous entendons replacer la question sociale au coeur de la transition écologique pour en finir avec la logique des objectifs ambitieux suivis de rétropédalages permanents.
Il est temps de passer des paroles aux actes. Envoyons des signaux positifs aux citoyens qui ne perçoivent toujours pas, dans leur quotidien, les effets concrets de la transition énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe SER et du GEST ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également.)
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur de la commission des affaires économiques . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La commission des affaires économiques vous propose de rejeter ce texte. Cette position peut surprendre : nous aurions préféré un renvoi en commission, qui n'a pas été accepté par l'auteur de la proposition de loi ni par son groupe. Monsieur le sénateur, nous ne vous avons nullement empêché d'amender le texte.
Nous partageons les constats et les objectifs de lutte contre la précarité énergétique, mais nous pensons que les mesures de ce texte sont soit contre-productives, soit satisfaites.
Selon le rapport de l'Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE) du 16 mars dernier, la situation s'est aggravée : en 2021, 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer leur facture énergétique, et sont considérés comme souffrant de précarité énergétique. En 2022, les impayés ont concerné 863 000 ménages, en hausse de 28 % par rapport à 2019.
La France s'était pourtant engagée, dans la loi pour la transition énergétique et la croissance verte de 2015, à rénover 500 000 logements par an et à réduire la précarité énergétique de 15 % à l'horizon 2020. Cet engagement a été réitéré lors de la loi Climat et résilience de 2021, mais nous risquons de ne pas atteindre ces objectifs.
Pour tenir les objectifs de la stratégie nationale bas carbone (SNBC), il faudrait 370 000 rénovations globales et performantes par an jusqu'en 2030. En 2019, 2,4 millions de logements ont bénéficié d'une aide, mais il s'agit essentiellement de rénovations partielles. Seules 66 000 rénovations globales ont été réalisées en 2022, loin de l'objectif visé ; l'Anah a distribué au total, 3,4 milliards d'euros de subventions, mais l'essentiel n'a conduit qu'à changer le mode de chauffage.
Si la massification des aides et des gestes de rénovation a été réussie, celle des rénovations globales reste à entreprendre.
Les biens les plus énergivores sont interdits à la location depuis le 1er janvier 2023, les biens classés G le seront en 2025, les E en 2028 et les D en 2034. Les mesures les plus contraignantes de la loi Climat et résilience contre les passoires thermiques commencent à entrer en vigueur. Elle impose un calendrier exigeant, qui aura des conséquences lourdes pour les propriétaires bailleurs, les vendeurs et un secteur immobilier sous tension.
Si je partage le constat et la volonté d'aller de l'avant, j'estime que cette proposition de loi vient à contretemps. En effet, le Sénat a lancé une commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique des bâtiments, que je préside, qui rendra ses conclusions et ses propositions fin juin. Ensuite, le Gouvernement doit présenter d'ici mi-2023 la loi de programmation quinquennale sur l'énergie. S'ensuivra l'actualisation de la SNBC et de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), avec un volet rénovation énergétique.
Sur le fond, après avoir consulté les acteurs du secteur, je doute de l'efficacité des mesures proposées. Dans son article 1er, la proposition de loi prévoit un reste à charge nul pour les plus modestes alors que la loi prévoit déjà - à la demande du Sénat et sur mon initiative - un reste à charge minimal. Certes, il est trop élevé, mais ce n'est pas la loi qui changera les montants et la structure des aides. Surtout, c'est une question de respect et de dignité des personnes concernées : philosophiquement, chacun doit contribuer à la hauteur de ses moyens. (M. Rémi Cardon lève les yeux au ciel.) Les ménages doivent rester acteurs de la rénovation de leur logement, au risque sinon de retomber dans les travers des rénovations à 1 euro.
L'article 3 accorde jusqu'à six ans pour la réalisation d'une rénovation globale et performante, or tous les acteurs estiment préférable de réaliser les travaux en une seule fois et dans un délai de trois ans au plus.
D'autres dispositions sont satisfaites par le droit existant. Ainsi des mesures prévues à l'article 3 : sur mon initiative, la loi prévoit déjà la transmission des audits et diagnostics aux acteurs de l'aide sociale, dont les associations de lutte contre la précarité énergétique. L'ONPE a en outre déjà développé un outil de géolocalisation de la précarité énergétique dénommé Géodip, utilisé par 1 500 communes.
Enfin, l'article 4 voudrait préciser les missions du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB), mais selon son président, que j'ai entendu, il dispose déjà des compétences évoquées - et la rédaction de la proposition de loi pourrait faire obstacle à leur bon exercice !
Nous devons encore travailler à des solutions qui pourront être intégrées dans la loi de programmation de l'énergie, mais aussi à partir des conclusions de la commission d'enquête, dans de futures propositions de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur plusieurs travées du groupe UC)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission. - Très bien !
M. Olivier Klein, ministre délégué chargé de la ville et du logement . - La précarité énergétique ne se voit pas : elle se joue derrière les portes d'un appartement ou d'une maison. Ce phénomène est d'autant plus prégnant en raison de l'inflation, couplée à la crise climatique. Nous sommes à la croisée des chemins.
Cette précarité a d'abord des conséquences économiques. Pour moi, point d'antagonisme entre fin du mois et fin du monde. Il serait insupportable que certains aient à choisir entre se chauffer et se nourrir. Le mal-logement a également des conséquences sanitaires : rénover, c'est améliorer, voire sauver des vies.
Les conséquences sont aussi sociales. Nous savons l'atteinte à la vie sociale pour des gens qui ont honte de recevoir dans des appartements rongés par l'humidité ou n'osent pas y élever une famille.
Des conséquences environnementales, évidemment. Les plus pauvres sont les plus sobres énergétiquement, mais cette sobriété est subie au détriment de leur confort, de leur santé, voire de leur dignité. C'est pourquoi j'ai annoncé la liste des 25 premiers quartiers résilients développant l'excellence environnementale dans les opérations de renouvellement urbain.
En un mot, l'urgence environnementale est une urgence sociale. Je ne me contente pas de ces constats. Le plus important, c'est d'agir. C'est ce que fait l'État, avec les parlementaires, les collectivités et les associations.
Avant de parler de la rénovation, ce Gouvernement a agi pour protéger les Français contre les prix élevés de l'énergie. Les boucliers tarifaires continueront de protéger les plus fragiles en 2023 ; celui sur l'électricité sera maintenu jusqu'à début 2025. Le Gouvernement se tient aux côtés des ménages.
Nous avons agi au coeur de la crise avec le chèque énergie exceptionnel, venu compléter les boucliers pour 12 millions de foyers. Nous restons vigilants sur la question des impayés de loyers et de charges.
L'aide MaPrimeRénov' est bonne pour la planète et pour le pouvoir d'achat. Elle a bénéficié à 1 million de ménages.
Plus de 70 000 rénovations performantes ont eu lieu : les 2 500 que vous évoquez, monsieur le sénateur, concernent les familles ayant sollicité le bonus. MaPrimeRénov' Sérénité complète le dispositif pour les ménages très modestes souhaitant engager une rénovation globale.
Notre objectif est d'aller vers plus de bouquets de travaux et de rénovations globales et performantes, notamment dans l'habitat collectif.
Je sais les contraintes que représentent les rénovations globales. Les rénovations par geste sont un premier pas. MaPrimeRénov' n'est pas une simple aide, l'accompagnement est au coeur de la démarche. Rénover ne doit plus être un parcours du combattant : c'est la mission du service public France Rénov' et de ses 550 guichets qui maillent le territoire. Ses 2 250 conseillers font en sorte que l'engagement dans des travaux vertueux ne soit jamais déceptif. D'Amiens à Nice, ils facilitent l'accès à la rénovation.
Christophe Béchu, Agnès Pannier-Runacher et moi-même lançons une concertation sur l'avenir du réseau et de son financement. La prolongation du programme Sare (service d'accompagnement pour la rénovation énergétique) pour une année supplémentaire sécurisera la continuité du service public en 2024.
Nous ambitionnons d'atteindre un guichet par intercommunalité d'ici 2025.
La plateforme d'agrément vient d'ouvrir. La concertation sur l'avenir de France Rénov' donnera de la visibilité aux nouveaux acteurs.
Notre cap est clair : disposer d'ici fin 2023 d'un vivier d'accompagnateurs, pour soutenir une montée en charge significative des rénovations globales en 2024.
La loi Climat et résilience interdit progressivement la mise en location de passoires énergétiques. Elle répond largement aux ambitions de cette proposition de loi. J'entends les inquiétudes des professionnels sur le calendrier, mais aussi ceux qui estiment que nous n'allons pas assez vite. Nous devons tenir le calendrier. Il y va de la crédibilité de la parole publique. Les mesures les plus contraignantes viennent d'entrer en vigueur. Depuis le 1er janvier, les biens classés G sont interdits à la location, et l'obligation de réaliser un audit énergétique pour la vente de maisons individuelles classées F et G est entrée en vigueur depuis le 1er avril.
J'ai installé le 13 avril dernier un comité des partenaires de la rénovation du parc locatif privé ; ce sera un espace d'échange et de travail pour coopérer et lever des freins opérationnels. Nous sommes dans l'action, pour apporter des réponses concrètes aux Français qui vivent dans ces logements les plus énergivores.
Si beaucoup a été fait, il faut bien sûr continuer d'agir. Le Gouvernement et le Parlement sont au travail, avec plusieurs échéances qui rendent les propositions de ce texte moins pertinentes.
Je pense par exemple aux travaux de planification écologique, conduits avec l'appui du Secrétariat général pour la planification écologique. Le 9 mai prochain, je présenterai la restitution des travaux du Conseil national de la refondation (CNR) Logement. Je pense aussi à la commission d'enquête du Sénat sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique.
Au regard du travail déjà accompli, des chantiers engagés et des échéances engagées, le Gouvernement ne soutiendra pas cette proposition de loi.
Nous ferons, avec vous, monter en puissance le service public de la rénovation. Nous encouragerons les rénovations globales. Ainsi, nous bâtirons une transition énergétique efficace, concrète et populaire.
Mme Viviane Artigalas . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Ces derniers mois, notre assemblée a débattu de plusieurs textes sur ce sujet, dont la proposition de loi visant à mieux protéger les locataires bénéficiant d'une allocation de logement et vivant dans un habitat non décent.
S'ils n'apportent pas toujours de solutions adaptées, ces textes se fondent sur un même constat : malgré les engagements de réduction des passoires thermiques et 3,1 milliards d'euros dépensés l'année dernière pour des travaux dans 670 000 logements, les politiques publiques demeurent inefficaces face à l'ampleur des enjeux. Au contraire, la précarité énergétique s'accroît.
Pas moins de 5,6 millions de ménages sont concernés, et 37 % des passoires thermiques sont occupées par des personnes vivant sous le seuil de pauvreté. Les territoires ruraux sont particulièrement touchés. Le reste à charge peut s'élever à 35 % des travaux, une dépense souvent bien trop importante.
En raison des dysfonctionnements de la plateforme MaPrimeRénov', de la fracture numérique et du manque de coordination entre les corps de métiers, les publics concernés ne sont pas suffisamment accompagnés.
Les moyens sont là, mais rien n'avance, et la France risque de passer à côté d'un enjeu majeur. Les logements les plus énergivores risquent de sortir du parc locatif : 90 000 logements du parc privé seraient concernés cette année, 160 000 au 1er janvier 2025.
La révision de la stratégie française sur l'énergie et le climat sera discutée lors des prochains mois. Agir pour résorber la précarité énergétique, une nécessité sociale et environnementale, suppose une stratégie de rénovation des logements plus performante et inclusive.
Avec ce texte, le groupe SER se veut force de proposition dans la perspective de la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie. Les objectifs de la loi Climat et résilience doivent être atteints dans la mise en oeuvre de la transition énergétique.
Nous souhaitons concentrer l'effort sur l'éradication des passoires thermiques, instaurer le reste à charge zéro pour les plus modestes, favoriser « l'aller vers » pour toucher tous les foyers concernés et affirmer l'égal accès aux accompagnateurs France Rénov' sur tout le territoire. Les propriétaires occupants sans possibilité de relogement doivent pouvoir réaliser une rénovation globale en plusieurs phases. Enfin, nous proposons d'améliorer les techniques et matériaux de rénovation pour prendre en compte les spécificités locales, notamment en outre-mer.
La lutte contre les passoires thermiques fait consensus, mais notre texte a été rejeté en commission. Il y a urgence à trouver des réponses concrètes et efficaces. Celles que nous proposons, adaptées aux situations réelles, sont fondées sur nos expériences de terrain.
En 2021, 11,9 % des Français ont dépensé plus de 8 % de leur revenu pour payer les factures énergétiques de leur logement : ils sont donc considérés comme victimes de précarité énergétique. Le nombre de ménages ayant subi une intervention pour impayés de facture a augmenté de 28 % en trois ans.
Ce texte se veut une alerte : nous n'acceptons pas qu'il y ait des laissés pour compte de la transition énergétique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Marie-Claude Varaillas applaudit également.)
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Résorber la précarité énergétique devrait être une priorité absolue de la Nation, surtout en cette période d'inflation. C'est un enjeu social, mais aussi environnemental et de souveraineté : plus nous dépensons pour notre énergie, plus nous sommes fragilisés dans nos échanges commerciaux.
Nous partageons le diagnostic de nos collègues du groupe SER : l'action menée n'est pas à la hauteur de la tâche.
Des décisions urgentes s'imposent. La dérégulation des prix du gaz, qui aura lieu au début de l'été, aura un effet catastrophique sur les plus précaires : nous en demandons le report. Il faut au moins doubler l'APL charges, un moyen de solvabiliser les familles. Je soutiens les démarches des gestionnaires de pensions de famille, de résidences sociales et de foyers de jeunes travailleurs qui demandent à toucher la prime énergie.
De façon structurelle, nous devons résorber les passoires thermiques et faire muter l'ensemble du parc de logements.
À vous entendre, monsieur le ministre, on a l'impression qu'il suffirait de continuer comme aujourd'hui... Mais pas un seul spécialiste ne croit que MaPrimeRénov' suffira à atteindre nos objectifs ! Allons-nous attendre que l'État soit encore condamné pour inaction ?
Il faut une révolution copernicienne. Le texte du groupe SER est une première étape. Le signal politique doit être envoyé ici et maintenant !
Il faut également garantir la qualité des travaux réalisés. Je pourrais vous donner moult exemples de travaux qui ne sont pas à la hauteur - je pense à des pompes à chaleur dont les factures sont supérieures à celles des chaudières antérieures... Il faut une certification des acteurs, et l'accompagnement doit être une prérogative de service public. (Applaudissements sur les travées des groupes CRCE et SER)
Mme Daphné Ract-Madoux . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Sous l'influence de la hausse conjuguée du coût des matières premières et de l'inflation, la précarité énergétique a atteint en 2022 un niveau inédit.
Cette précarité touche un Français sur quatre, au-delà des frimas hivernaux : 59 % des foyers interrogés par l'ONPE estiment avoir souffert d'un excès de chaleur durant l'été. Nous devons penser une rénovation énergétique globale pour toutes les saisons.
Les boucliers tarifaires sur le gaz et l'électricité ont été des mesures conjoncturelles salvatrices. Le Gouvernement agit aussi structurellement : saluons la montée en puissance de MaPrimeRénov', mais le dispositif doit être rendu plus opérationnel, notamment en vue de massifier les rénovations globales. Sur les 670 000 rénovations individuelles déjà effectuées, on ne compte que 65 000 rénovations globales : nous devons faire mieux. La rénovation des logements collectifs doit aussi être favorisée.
Le succès de la lutte contre la précarité énergétique passera par des solutions adaptées aux territoires. En Essonne, la Prime écologique 91, aide forfaitaire versée sous condition, finance des travaux de rénovation en diminuant le reste à charge. Ce dispositif renforce l'effet de levier en matière de financement des rénovations énergétiques.
Pour agir plus efficacement, nous devons consolider le modèle des agences locales de l'énergie et du climat (Alec), qui réalisent des audits locaux. Elles ne sont pas présentes sur tous les territoires : sur quarante agences, dix sont situées en Île-de-France. Cessons d'agir en silos, bâtissons de nouvelles synergies.
Cette proposition de loi pose de bonnes questions, mais formule de mauvaises réponses. L'excellent travail de la rapporteure met en lumière les insuffisances du texte : le reste à charge doit effectivement diminuer, mais il faut responsabiliser les propriétaires. En outre, avec l'examen prochain de la programmation pluriannuelle de l'énergie, cette proposition de loi intervient à contretemps.
La précarité énergétique est un enjeu trop essentiel pour être galvaudé par des demi-mesures et des fausses promesses : nous voterons contre le texte. (Applaudissements sur des travées du groupe UC et du RDPI)
Mme Guylène Pantel . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) La précarité énergétique prend une place particulière dans le débat public. De fait, la situation est inédite : après la crise du covid, l'inflation a exacerbé la crise. L'an passé, 22 % des Français ont déclaré avoir souffert du froid ; 69 % ont réduit leur consommation énergétique pour faire des économies.
Le RDSE rejoint la commission : il faut attendre les conclusions de la commission d'enquête sénatoriale et la loi de programmation pluriannuelle sur l'énergie.
La rénovation thermique des logements est un enjeu majeur de la transition énergétique. Elle concerne également la sauvegarde de notre patrimoine bâti.
Le secteur du bâtiment fonctionne sur le temps long : il faut une vision de long terme stable pour que les acteurs puissent identifier les leviers de changement. Nous devons nous appuyer sur deux leviers indissociables : un signal législatif et réglementaire qui oriente la décision du propriétaire et un réflexe de performance énergétique à chaque occasion de travaux.
Par ailleurs, les rénovations énergétiques partielles centrées sur le changement du mode de chauffage ne suffisent pas : il faut rénover de manière pertinente et utiliser une énergie décarbonée.
Au-delà de la viabilité économique, la complexité des dossiers, la crainte des surcoûts et la difficulté à trouver des artisans sont autant de freins. Les réponses ne sont pas forcément législatives, il faut agir aussi sur la qualité des services et de l'accompagnement.
Nous partageons donc le constat de l'urgence, mais ce texte est inadapté au vu du calendrier législatif. Le RDSE se partagera entre vote pour et abstention.
Mme Catherine Belrhiti . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le constat est accablant : le poids des factures énergétiques aggrave la situation des plus modestes, au budget déjà grevé par l'inflation.
Il est impératif d'accélérer le rythme des rénovations énergétiques. Les objectifs fixés en 2015 et réaffirmés en 2021 étaient ambitieux : rénover 500 000 logements chaque année et réduire de 15 % la précarité énergétique. Inutile d'épiloguer : les engagements ne sont pas tenus, et les quelque 66 000 rénovations globales réalisées l'année dernière ne laissent guère présager une amélioration à venir.
Cependant, les solutions proposées par ce texte sont insuffisantes. En matière législative, il ne faut pas aller trop vite : le Sénat débattra de cette question au cours des prochaines semaines, avec les futures conclusions de la commission d'enquête et l'examen de la PPE. La commission d'enquête transpartisane a mené jusqu'à présent un travail rigoureux et complet : ses conclusions seront à la hauteur de l'enjeu.
Loin d'approfondir le sujet, cette proposition de loi fixe de nouveaux objectifs vertueux sans tenir compte des défis actuels ni prévoir les moyens nécessaires.
L'article 1er conditionne les aides à une rénovation globale pertinente et prévoit un reste à charge nul ; mais la loi prévoit déjà une incitation financière accrue pour les rénovations globales, qui doit rester souple, afin que la progressivité des aides demeure, certains ménages ne pouvant se permettre de rénover l'intégralité de leur logement. Un reste à charge nul pour les ménages aurait un coût exorbitant pour les finances publiques.
Voter cette proposition de loi est impensable : la question est trop importante pour être abordée de manière imparfaite. Le texte ne répond pas efficacement à trois problématiques essentielles : les modalités de financement, les moyens humains et matériels mis à la disposition des ménages et l'information sur le sujet.
La commission d'enquête donnera un aperçu du travail restant à réaliser pour résorber, sur le long terme, la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Dany Wattebled . - La France a beau atteindre ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre, les émissions mondiales ne cessent de croître : il est donc à craindre que le dérèglement climatique ne se poursuive.
Nous devons redoubler d'efforts pour concilier croissance et écologie. Dans le contexte actuel, tout le monde comprend l'intérêt de la sobriété.
Cette proposition de loi entend lutter contre la précarité énergétique : nous partageons tous cette ambition. Son auteur souhaite concentrer les aides sur les plus modestes, pour qu'ils bénéficient d'un reste à charge nul. Si l'intention est louable, les besoins ne sont pas créateurs de droits.
La rentabilité est l'une des conditions nécessaires aux rénovations. Le reste à charge nul nous semble problématique : l'occupant et le propriétaire du bien récupéreront le fruit de l'investissement et doivent donc contribuer aux travaux.
Les spécificités des territoires ultramarins sont déjà prises en compte pour le choix des méthodes de rénovation.
Comme il est question d'argent public, nous devons nous assurer de l'efficacité des dispositifs existant. Il faut mieux lutter contre l'habitat indécent, comme le prévoit la proposition de loi de notre collègue Jean-Louis Lagourgue.
Le Sénat a créé une commission d'enquête pour faire le point. Ses conclusions, rendues prochainement, rendent le calendrier de cette proposition de loi inopérant.
Il ne faut pas offrir aux propriétaires une rénovation payée par l'argent public : les membres du groupe INDEP voteront contre ce texte.
M. Daniel Salmon . - Tous les rapports, qu'ils émanent de la Cour des comptes, de l'Assemblée nationale ou de France Relance, déplorent l'échec des politiques de rénovation énergétique.
Si cette proposition de loi part d'une bonne intention - lutter contre le nombre encore trop important de passoires thermiques, l'insuffisance des rénovations et le manque de moyens -, un problème de temporalité évident se pose, alors que la commission d'enquête sénatoriale poursuit ses travaux : elle émettra des recommandations structurantes pour un effort national de rénovation énergétique, et ses conclusions pourront être reprises dans une proposition de loi ou dans le projet de loi de programmation énergétique.
Nous voulons l'accompagnement des ménages par un référent, un parcours simplifié et une baisse du reste à charge. L'adaptation des normes est également un enjeu majeur.
Nous soutenons la concentration de l'effort budgétaire sur les passoires thermiques et l'accent mis sur les plus précaires. Nous regrettons néanmoins l'absence de lisibilité des dispositifs d'ingénierie publique et des moyens des différentes agences de l'État, ainsi que l'absence de moyens pour les collectivités territoriales. Nous regrettons aussi la faible portée normative de certaines dispositions, comme l'égal accès au guichet France Rénov'.
Nous voterons ce texte, un début de réponse dans la lutte contre la précarité énergétique. (Applaudissements sur les travées du GEST ; Mme Angèle Préville, M. Jean-Claude Tissot et Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudissent également.)
M. Bernard Buis . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) En France, sur trente millions de logements, cinq millions sont des passoires énergétiques. En raison de la piètre isolation de certains foyers, quatre millions de ménages ont des difficultés à payer leur facture de chauffage. Nous ne pouvons rester insensibles à leur étranglement financier.
Nous avons déjà agi, au travers de 416 000 subventions MaPrimeRénov' entre janvier et août 2022.
La réduction des émissions de gaz à effet de serre est un défi majeur et le secteur du bâtiment représente à lui seul 27 % des émissions de CO2. Nous subissons déjà les conséquences du changement climatique : il nous revient d'agir pour stopper ce phénomène.
Si le RDPI partage l'objectif de ce texte, il regrette qu'il soit examiné avant des échéances importantes, comme la présentation, en juin, des conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur la rénovation énergétique.
En outre, nous émettons des réserves sur la pertinence de certaines mesures, comme le conditionnement des aides financières à la performance des rénovations globales. MaPrimeRénov' ou le bouquet travaux existent déjà. Cette proposition est contradictoire avec la massification des rénovations.
L'Institut de l'économie pour le climat estime le reste à charge à 35 000 euros pour un pavillon. Le ménage doit contribuer, même de façon minime, à la rénovation.
Enfin, l'extension de la durée de la rénovation énergétique jusqu'à six ans ajouterait de la complexité au dispositif et limiterait son efficacité. En effet, il est admis qu'une rénovation globale doit être effectuée dans un délai limité. C'est pour cette raison que le règlement prévoit entre 18 mois et trois ans pour la durée des travaux.
En raison de la date d'examen du texte et du nécessaire travail sur certaines mesures, le RDPI ne votera pas ce texte.
M. Laurent Somon . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je souhaite un bon anniversaire à mon collègue de la Somme, Rémi Cardon... (Exclamations amusées)
Chacun reconnaît la nécessité d'une politique de rénovation énergétique. Mais eu égard au travail de la commission d'enquête et à la future loi quinquennale de programmation, la temporalité de cette proposition de loi en réduit l'opérationnalité.
L'idéal de faciliter l'accès à la rénovation pour tous les propriétaires pose problème. Je suis sceptique sur le reste à charge nul et la proposition de n'aider que les rénovations globales.
Il faut une coordination de tous les acteurs, dont les collectivités territoriales. Plus de douze millions de personnes sont dans une situation de fragilité, et cinq millions de passoires thermiques nécessitent une rénovation indispensable, mais coûteuse. Certains doivent même emprunter dans l'attente des aides, ce qui aggrave leur précarité financière.
Monsieur le ministre, prenez acte du rapport de la Défenseure des droits sur MaPrimeRénov' : 600 des 700 réclamations sont encore sans réponse de l'Anah, faute de moyens.
Il faut un pilotage économique et social, des diagnostics territoriaux, un accompagnement administratif, technique et financier important via des subventions et des régies d'avances, la réduction de la précarité sociale et sanitaire. Voilà ce que devra comporter la future loi de programmation énergétique.
La commission d'enquête sénatoriale mène le travail de fond indispensable pour prendre les mesures nécessaires au vivre mieux dans le bien-loger. Rappelons que la Fondation Abbé-Pierre estime à 300 000 le nombre de personnes sans domicile fixe, soit 30 000 de plus en un an, et à plus de quatre millions celui des mal-logés.
Il faut territorialiser et améliorer les dispositifs, afin de résorber la précarité énergétique et sanitaire. Le Gouvernement doit aussi protéger les plus vulnérables contre les arnaques, de plus en plus fréquentes, sur les réseaux sociaux.
La proposition de loi paraît trop peu efficiente pour que nous puissions l'adopter, mais elle permettra à leurs auteurs de nourrir les futurs débats. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Sophie Primas, présidente de la commission des affaires économiques . - Au début de son propos, l'auteur de la proposition de loi a remis en cause la position de la commission et caricaturé l'avis de la rapporteure.
Nous sommes au Sénat : évitons les positions caricaturales et préférons le débat de fond, en général collégial et transpartisan.
M. Laurent Burgoa. - Ici, pas de Nupes !
Mme Sophie Primas, présidente de la commission. - C'est dans cet esprit que nous recommandons d'attendre les conclusions de la commission d'enquête, par respect pour nos collègues qui y travaillent.
Certains dispositifs de la proposition de loi sont satisfaits, d'autres seraient peu opérationnels ou contre-productifs. Aussi avons-nous proposé le renvoi en commission.
Rien ne vous empêchait de déposer des amendements. Alors que la rapporteure n'a pas souhaité être désagréable à votre égard, vous avez tenu des propos un peu exagérés, qui caricaturent les méthodes de travail au sein des commissions du Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Laurent Burgoa renchérit.)
Discussion des articles
ARTICLE 1er
À la demande de la commission, l'article 1er est mis aux voix par scrutin public.
Mme le président. - Voici le résultat du scrutin n°277 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 338 |
Pour l'adoption | 101 |
Contre | 237 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Les articles 2 et 3 ne sont pas adoptés.
ARTICLE 4
Mme le président. - Les interventions sur l'article 4 vaudront interventions sur l'ensemble.
M. Rémi Cardon . - Je m'excuse du contretemps, mais, parfois, les choix des groupes politiques n'interviennent pas dans le bon calendrier. Ce texte aurait pu être examiné à la fin de l'année dernière, dans le cadre d'une niche socialiste.
Je m'excuse aussi d'avoir froissé certains ego... (Mme Catherine Di Folco proteste.) Cet après-midi, dans une question au Gouvernement, il était question de voyants au rouge sur la rénovation thermique.
Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur. - Sur le logement !
M. Rémi Cardon. - À présent, il n'y a rien d'alarmant et il faudrait continuer comme si de rien n'était... Pourtant, les indicateurs de la rénovation globale sont en baisse, toutes aides confondues. Qu'en dit le ministre ? Nous aimerions bien l'entendre.
Mme la rapporteure a vanté le logiciel Geodip, dont le déploiement est en cours. Un financement de 90 000 euros est attendu pour pérenniser cet outil, fortement utilisé : sera-t-il concrétisé ?
L'article 4 n'est pas adopté.
L'article 5 n'a plus d'objet.
Mme le président. - En conséquence, la proposition de loi n'est pas adoptée.
La séance est suspendue à 20 h 20.
Présidence de M. Alain Richard, vice-président
La séance reprend à 21 h 50.