SÉANCE
du jeudi 2 mars 2023
60e séance de la session ordinaire 2022-2023
Présidence de M. Alain Richard, vice-président
Secrétaires : Mme Françoise Férat, M. Joël Guerriau.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Pratiques douteuses du groupe Avec
M. Guillaume Gontard . - Réunissant 400 établissements et 12 000 salariés dans la santé et le médico-social, le groupe Avec risque la faillite. Selon un cadre du groupe, son patron, M. Bernard Bensaid, est comme un gamin jouant au Monopoly, dont l'habitude est de vider la trésorerie des établissements qu'il contrôle.
La clinique mutualiste de Grenoble en a fait les frais : le groupe lui doit 6,5 millions d'euros, mais récupère chaque année 1 % du chiffre d'affaires en rognant toutes les dépenses - lignes téléphoniques coupées, astreintes des médecins non payées, bloc opératoire privé d'électrocardiogramme... La santé des patients est en danger.
Partout en France, les mêmes pratiques se répètent et les procédures judiciaires s'accumulent.
Le 12 janvier dernier, M. Bensaid a été mis en examen pour prise illégale d'intérêts et détournement de fonds publics. En octobre, la Première ministre assurait qu'il n'y aurait aucune complaisance des pouvoirs publics. Si la justice doit continuer son travail, l'État ne peut rester attentiste. À Grenoble, les syndicats de la clinique demandent la nomination d'un administrateur provisoire. Le Gouvernement l'acceptera-t-il ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Ce groupe fait l'objet d'un suivi de l'État, et une expertise indépendante a été lancée.
Le groupe contrôle des établissements de santé, mais aussi des Ehpad, des résidences pour personnes âgées, des services de soins infirmiers à domicile et des services d'aide et d'accompagnement à domicile. Sans commenter l'enquête pénale en cours, des actions administratives visent à garantir la continuité de l'activité et la qualité des prises en charge.
En 2022, treize Ehpad du groupe ont été contrôlés ; d'autres contrôles auront lieu dans le cadre du plan national engagé à la suite de l'affaire Orpéa. Les agences régionales de santé priorisent la continuité des soins dans les établissements sanitaires.
Le Gouvernement a engagé des mesures structurelles afin de moraliser le secteur privé lucratif : l'article 62 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 oblige à la transparence et renforce les contrôles. D'autres mesures sont en préparation afin de renforcer les sanctions pénales en cas de manquement.
M. Guillaume Gontard. - Allez-vous déclencher une inspection de l'inspection générale des affaires sociales, et conclure à la nomination d'un administrateur provisoire ? Il y a urgence !
Lutte contre l'intérim médical abusif
M. Jean-Luc Fichet . - La loi Rist vise à stopper les abus indécents des mercenaires, mais ne crée aucune obligation pour les professionnels de santé. À l'hôpital de Morlaix, les intérimaires coûtent 3 millions d'euros, une garde étant facturée entre 2 000 et 5 000 euros. Ces tarifs sont insultants pour les spécialistes !
Si les intérimaires refusaient d'assurer leurs missions, la maternité de Morlaix et six blocs opératoires au centre hospitalier universitaire de Brest pourraient fermer. Les syndicats alertent : le Gouvernement n'anticipe pas, et la loi n'est pas appliquée. Le ministre Braun a déclaré hier qu'aucun territoire ne serait laissé sans solution si la situation se détériorait. Mais la situation se dégrade ! Quelles mesures d'urgence le Gouvernement prendra-t-il pour éviter les fermetures ? Ne faut-il pas créer des obligations pour les soignants qui font passer l'argent avant les patients ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Les dérives de l'intérim médical sont importantes. Depuis la loi de modernisation de notre système de santé de 2016, le montant d'une garde est plafonné à 1 170 euros brut, mais les infractions se sont développées. La loi Rist vise à rétablir une équité et à faire respecter le cadre réglementaire. Notre politique est de lutter non contre l'intérim, solution conjoncturelle, mais contre ses dérives.
Les services du ministère et des agences régionales de santé anticipent les conséquences de l'entrée en vigueur des contrôles sur l'offre de soin locale. Élus locaux et parlementaires seront consultés pour identifier les solutions adaptées. Des concertations sont en cours pour assurer la solidarité du secteur privé.
Enfin, pour renforcer l'attractivité du métier de médecin hospitalier, des indemnités ont été créées, telles que la prime de solidarité territoriale, et la majoration des indemnités de garde a été prolongée cet hiver.
M. Jean-Luc Fichet. - La situation se dégrade. À partir d'avril, les intérimaires ne viendront plus faute d'être grassement payés, et des services fermeront. Que ferez-vous pour que les hôpitaux fonctionnent ?
Fermeture de la maternité d'Autun
M. Patrice Joly . - L'application stricte des décrets de 1998 prévoyant la fermeture des maternités enregistrant moins de 300 accouchements par an a multiplié par deux le nombre de futures mères résidant à plus de 45 minutes d'une maternité, alors qu'un tel délai double les taux de mortalité périnatale et de mortalité du nourrisson.
Saône-et-Loire, Côte-d'Or et Nièvre sont particulièrement concernées. Habitants et élus s'élèvent contre cette accentuation de la désertification médicale, alors que la Cour des comptes précisait en 2014 qu'aucune étude n'avait appuyé le seuil en question.
La solution proposée par l'Agence régionale de santé (ARS) d'un centre de périnatalité à Autun et Château-Chinon soulève de sérieux doutes sur sa pérennité, sur le caractère dégradé des soins et les délais d'accès à la maternité. L'unique manière de garantir une prise en charge décente des accouchements est de maintenir la maternité d'Autun.
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - La maternité d'Autun est suivie par les services du ministère et de l'ARS Bourgogne-Franche-Comté. Il faut répondre aux problèmes de personnels, assurer la sécurité des femmes enceintes et des nouveau-nés. De graves défauts ont conduit l'ARS à fermer temporairement la maternité.
Aucun territoire du Morvan ne doit être laissé sans solution : ARS, soignants et élus doivent trouver les réponses adaptées aux territoires enclavés. Afin de laisser le temps à cette consultation locale, le ministre a annoncé mi-février le report de la suspension définitive de la maternité d'Autun. La réflexion porte sur la création d'une maternité territoriale pour la Nièvre et la Saône-et-Loire et d'un service mobile d'urgence et de réanimation (Smur) obstétrical.
À l'échelle nationale, la fermeture d'une maternité ne doit pas perturber le suivi des grossesses. La rénovation des centres périnataux de proximité et l'hébergement des femmes près des maternités sont des solutions.
M. Patrice Joly. - Ni les élus ni la population ne sont satisfaits. On doit pouvoir naître en Morvan : je déposerai une proposition de loi pour garantir le droit à naître dans tous les territoires.
Gestion des déchets d'activités de soins à risque infectieux
Mme Catherine Deroche . - Les pratiques de tri des déchets d'activité de soins à risque infectieux (Dasri) sont très hétérogènes, et la direction générale de la santé (DGS) révise le guide de gestion de ces déchets, datant de 2009.
La simplification, impérative, doit garantir la protection de la santé des agents au contact des Dasri. La DGS envisagerait d'orienter ces déchets vers la filière des déchets assimilables aux ordures ménagères (Daom). Or les agents en charge des ordures ménagères, ne bénéficiant pas de protections équivalentes à leurs homologues de la filière Dasri, risquent d'être exposés à des coupures ou à des objets entachés de sang.
Par ailleurs, un risque environnemental existe, car les camions d'ordures ménagères ne sont pas habilités à transporter des matières dangereuses, sans compter les erreurs de tri éventuelles. Que pense le Gouvernement de cette réorientation des Dasri vers les ordures ménagères ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Le guide de collecte et d'élimination des Dasri doit être actualisé, en cohérence avec la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire. Les pratiques de tri doivent répondre à l'action 14 du Ségur de la santé, visant à accélérer la transition écologique dans les établissements de santé tout en réduisant le coût des déchets. L'élimination des Dasri coûte en moyenne deux fois plus cher que celle des Daom.
Le ministère a initié en juillet 2022 la révision de ce guide en associant la DGS, la direction générale de l'offre de soins (DGOS) et les professionnels de la collecte et du traitement des déchets. La protection des travailleurs, de la population et de l'environnement est le principe fondateur des Dasri. Une saisine du Haut Conseil de la santé publique est en cours pour garantir la sécurité sanitaire.
La diffusion d'outils pratiques d'aide au tri des Dasri à destination des personnels est prévue. Un point d'étape en avril précisera les différents chantiers relatifs à la transition écologique en santé.
Mme Catherine Deroche. - Nous serons vigilants sur la formation à la gestion des déchets ; il est risqué de modifier des pratiques bien rodées...
Carte scolaire des Côtes-d'Armor
Mme Annie Le Houerou . - La nouvelle carte scolaire des Côtes-d'Armor prévoit la fermeture de 44 classes ! Cette déflagration porte atteinte à la promesse républicaine de l'école publique. Comment le comprendre au regard des investissements consentis pour la revitalisation des communes ?
La carte scolaire proposée fait fi de l'accueil d'élèves à particularités ou des classes maternelles-élémentaires... À Saint-Brieuc, les enfants handicapés ne sont pas comptabilisés, pas plus que les jeunes enfants accueillis dans des écoles en zone de revitalisation rurale. Je pense à Mellionnec ou au regroupement pédagogique intercommunal (RPI) de Carnoët-Plourac'h-Plusquellec, où vous prévoyez 35 élèves en maternelle et 29 élèves dans une classe à trois niveaux, CP, CE1 et CE2. On est loin de votre engagement de 22 élèves par classe en élémentaire !
Des moyens insuffisants vous contraignent à une gestion arithmétique ignorant les contextes locaux. Un projet pluriannuel travaillé avec tous les acteurs serait préférable à ces couperets annuels très mal vécus par les maires, qui sont prêts à rendre leur écharpe républicaine ! Réexaminez cette carte, et acceptez un moratoire pour les RPI !
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Moins 300 000 élèves sur les cinq dernières années ; moins 500 000 attendus d'ici à 2027 : le Gouvernement choisit pourtant de redéployer les effectifs pour améliorer les taux d'encadrement du premier degré et stabiliser ceux du second degré.
Dans les Côtes-d'Armor - 3 148 élèves en moins depuis la rentrée 2017 - ceux-ci ont été améliorés : 21,20 élèves par classe à la rentrée 2022. À la rentrée 2023, on prévoit 478 élèves en moins, particulièrement dans les circonscriptions de Lannion, Lamballe et Loudéac, y compris dans les RPI, où le nombre d'élèves par classe reste très faible.
Le directeur académique des services de l'éducation nationale des Côtes-d'Armor a suspendu la fermeture dans le RPI de Trémel-Lanvellec-Plufur. D'autres situations pourront être revues d'ici septembre.
Nous avons lancé une réflexion partagée sur l'école rurale de demain entre les élus et les différents services déconcentrés de l'État.
AESH
Mme Annick Jacquemet . - Entrée en application le 1er septembre 2021, la grille indiciaire des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) est devenue obsolète en moins d'un an : seuls deux points d'indice séparent un AESH en CDI depuis neuf ans d'un autre en CDD dans sa première année - contre vingt points initialement. Cela supprime toute reconnaissance de l'expérience professionnelle.
De plus, leur temps de travail incomplet - le plus souvent imposé - est synonyme pour la grande majorité, de Smic incomplet.
La circulaire du 5 juin 2019 n'est toujours pas appliquée dans plusieurs académies, dont celle de Besançon : nombre d'AESH sont ainsi rémunérés pour une quotité inférieure à celle correspondant à leur temps de travail effectif. Les heures de fractionnement prévues dans le décret du 26 octobre 1984 ne leur sont pas accordées partout.
Ce n'est pas normal. Comment comptez-vous corriger ces inégalités de traitement ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Aux rentrées scolaires 2022 et 2023, 4 000 postes ont été créés. En septembre 2021, les AESH ont bénéficié de la création d'une grille indiciaire grâce à la mobilisation de 150 millions d'euros. À la rentrée 2023, une enveloppe de 80 millions d'euros a permis d'augmenter leur rémunération de 10 % ; en réseau d'éducation prioritaire (REP), ils bénéficient d'une indemnité annuelle de 1 106 euros - 3 263 euros de part fixe et jusqu'à 448 euros de part modulable en REP+.
La loi Victory leur ouvre un CDI au bout de trois années d'exercice. La circulaire du 5 juin 2019 vise notamment à harmoniser les modalités de décompte de leur temps de travail. Au-delà, l'objectif sera de proposer à tous les AESH qui le souhaitent un contrat de 35 heures. Des avancées seront annoncées au printemps, dans le cadre de la conférence nationale du handicap.
Mme Annick Jacquemet. - Les AESH font un travail admirable.
Statut des jeunes de l'Épide
Mme Laure Darcos . - L'Établissement pour l'insertion dans l'emploi (Épide) admet chaque année 3 000 jeunes majeurs peu ou pas qualifiés et en voie de marginalisation dans un des vingt centres implantés en France, dont celui de Brétigny-sur-Orge, dans l'Essonne - 30 % d'entre eux sont issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
La prise en charge est globale : accompagnement sanitaire et social, enseignement général et spécialisé, éducation à la citoyenneté, préparation à l'emploi grâce à des périodes d'immersion dans le monde professionnel.
Mais l'Épide pâtit d'une visibilité encore insuffisante. Il serait particulièrement judicieux d'octroyer à ces jeunes le statut de stagiaire de la formation professionnelle, comme les volontaires stagiaires du service militaire volontaire (SMV), un dispositif d'insertion très similaire. Cela impliquerait davantage financièrement les régions.
Qu'en pensez-vous ? Je vous invite à venir visiter le centre de Brétigny.
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Les jeunes accueillis au sein de l'Épide ont le statut de « volontaire pour l'insertion » et perçoivent une allocation qui a été alignée à la hausse sur d'autres allocations d'insertion professionnelle.
Inspiré du modèle militaire, l'encadrement de l'Épide s'en distingue par la mise en oeuvre d'une pédagogie originale.
Les volontaires du SMV disposent de la qualité de stagiaire de la formation professionnelle lors de leurs actions de formation en milieu civil qui font partie du parcours ; or ces formations signifieraient pour les jeunes de l'Épide une sortie du dispositif.
La visibilité de l'Épide s'est nettement améliorée grâce, en 2022, à l'ouverture des centres le week-end pour un hébergement sept jours sur sept et à son élargissement aux mineurs, jeunes sans domicile fixe et bacheliers éloignés de l'emploi. Le taux d'occupation de l'établissement est ainsi grimpé à 91,1 % fin 2022, pour un total de 4 291 volontaires accueillis sur l'année, soit un record depuis sa création.
Je viendrai avec plaisir à Brétigny !
Mme Laure Darcos. - J'aimerais qu'on creuse davantage cette proposition, qui leur donnerait par exemple droit au tarif réduit dans les transports...
Rémunération pour copie privée
M. Patrick Chaize . - Créée en 1985, la rémunération pour copie privée vise à compenser pour les ayants droit le préjudice que celle-ci constitue pour eux. Une mission de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires culturelles a préparé le rapport du Gouvernement au Parlement demandé dans le cadre de ma loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France. Elle a formulé vingt-deux propositions d'une part pour améliorer la gouvernance du dispositif en permettant une meilleure participation des parties prenantes et un enrichissement de la collégialité des décisions et d'autre part pour adapter le mode de calcul de la rémunération pour copie privée à la réalité des usages.
Si ce dispositif présente des marges d'amélioration, il est fragilisé dans un contexte de transformation des usages avec le streaming et l'utilisation d'appareils reconditionnés. Quelles suites entendez-vous donner à ce rapport ?
Mme Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'enseignement et de la formation professionnels . - Le rapport auquel vous faites allusion, rendu public le 31 octobre 2022, formule plusieurs recommandations dont la mise en oeuvre relève surtout de la compétence de la commission de la copie privée.
Le Gouvernement se réjouit de la décision de cette commission en janvier de travailler sur leur mise en oeuvre, mettant à l'ordre du jour de sa prochaine séance, en mars, la modification de son règlement intérieur.
La commission s'attachera à refondre les études d'usage des principaux supports assujettis et à réexaminer les modalités de calcul de la rémunération. Son président devrait présenter, lors de la prochaine réunion, des documents de cadrage pour une étude des usages téléphoniques et tablettes et sur les valeurs de référence.
La commission s'est engagée à mener des discussions sur la possibilité d'exclure du champ de la rémunération certains supports par nature destinés au seul marché professionnel.
Les deux ministres concernés ont accepté que les deux inspections ayant produit le rapport soient désignées en appui par une lettre de mission signée le 22 février 2023.
M. Patrick Chaize. - Merci. Il y a urgence !
Chèque énergie et résidences pour personnes âgées
Mme Marie-Pierre Richer . - On observe une différence de traitement des personnes âgées accueillies en établissement à l'égard du chèque énergie, en fonction du statut juridique de l'établissement.
Si cette aide est accordée à toute personne dont les revenus ne dépassent pas un certain montant, son emploi dépend du mode de résidence. Les personnes occupant leur logement peuvent l'imputer sur le montant de leur facture d'énergie. Celles qui résident dans un Ehpad ou une résidence sociale bénéficient d'une réduction de la facture qui leur est adressée par l'établissement. D'autres, en revanche, sont privées du bénéfice de cette mesure : c'est le cas des personnes accueillies en résidence seniors.
Cette inégalité de traitement, au détriment de personnes souvent modestes, n'est en rien justifiée. Comment comptez-vous y mettre fin ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Généralisé en 2018, le chèque énergie est une aide attribuée par l'État aux ménages modestes pour les aider à payer leur facture d'énergie, mais aussi leurs travaux de rénovation énergétique. Il dépend des revenus et de la composition du ménage, déterminée sur la base des données afférentes à la taxe d'habitation (TH).
Pour en bénéficier, il faut donc avoir déclaré ses revenus et occuper un logement assujetti à cette taxe. Or seuls les résidents des Ehpad à but non lucratif sont imposés à la TH, les locaux des Ehpad à but lucratif étant soumis à la cotisation foncière des entreprises. Plus précisément, dans les Ehpad à but non lucratif, seuls sont assujettis à la TH les résidents ayant la disposition privative de leur logement : ce sont donc les seuls, à l'heure actuelle, à bénéficier du chèque énergie. Les résidents des autres structures sont éligibles à une aide spécifique, quérable, via les gestionnaires, auprès de l'agence de services et de paiement.
Dans le cadre de la réforme du chèque énergie qui résultera, en 2024, de la suppression de la TH, les modalités d'usage de ce chèque pourraient être réétudiées, notamment dans les structures d'accompagnement social des personnes âgées.
Mme Marie-Pierre Richer. - Merci pour ces précisions, mais j'insiste sur l'importance des résidences seniors, alternative à l'Ehpad qui sécurise les personnes âgées et leur permet de rompre leur isolement. Je pense à une résidence de Sancerre qui accueille quatorze résidents de milieux différents dans une structure à taille humaine. Comment expliquer à ces résidents, qui ont droit au chèque énergie, que leur choix d'hébergement n'est pas compatible avec le soutien du Gouvernement ? Il faut l'égalité de traitement.
Évaluation des modalités du recensement
Mme Michelle Gréaume . - Depuis la réforme de 2008, le recensement repose sur une collecte annuelle d'informations portant successivement sur toutes les parties de la commune pendant cinq ans. À l'usage, ce système de comptabilisation, dont dépendent les montants des dotations d'État, présente de nombreuses limites.
L'important délai de mise à jour de la population pénalise les communes dont le nombre d'habitants a augmenté. Des défaillances de méthode ont été constatées, qui biaisent les résultats : quand les agents recenseurs ne les trouvent pas chez eux, les habitants doivent remplir un formulaire en ligne, mais tous n'ont pas accès à internet, et le site a connu plusieurs pannes. En outre, les consignes sont parfois perçues comme floues, d'où des déclarations erronées.
De ce fait, le recensement est souvent inférieur à la réalité. La fiabilité aléatoire du décompte a des conséquences non négligeables sur les dotations versées aux communes.
En 2008, une évaluation a été prévue ; au vu des défaillances constatées, elle est indispensable. Il faut répondre au mécontentement légitime des maires. Allez-vous procéder à cette évaluation et quelles améliorations envisagez-vous pour un recensement plus fiable ?
M. le président. - Cette question nous ramène, en réalité, à 2002...
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - La méthode de recensement a été revue en 2004 pour réduire le délai de production des résultats de sept à neuf ans. Il s'agissait aussi de tirer parti des avancées méthodologiques pour réduire le coût des opérations.
Les communes de moins de 10 000 habitants sont recensées exhaustivement une fois tous les cinq ans. Leur population légale est actualisée tous les ans avec les données de l'enquête terrain et des données administratives.
Les communes de plus de 10 000 habitants sont recensées tous les ans sur un échantillon de 8 % de logements. La construction d'un nouveau quartier ou lotissement est prise en compte à son achèvement, sans attendre la prochaine enquête terrain.
Les communes participent activement à l'enquête, ce qui sécurise le processus et garantit des résultats de qualité. Grâce à leur action de proximité, le taux de réponse est très élevé : 95,2 % l'année dernière.
Pour toutes les communes, la population légale publiée à la fin de l'année reflète la situation effective trois ans auparavant. Ce décalage est un compromis nécessaire, compte tenu de la nécessité de garantir l'égalité de traitement de toutes les communes.
Depuis 2015, il est possible de répondre à l'enquête par internet ; l'année dernière, 70 % des enquêtés l'ont fait. Le système informatique n'a connu que très peu d'incidents, de très courte durée.
Des discussions s'engageront en mai prochain avec les associations d'élus pour évaluer les avantages et les inconvénients d'un calcul anticipé d'un an des populations légales.
Mme Michelle Gréaume. - Je me réjouis de l'ouverture de cette concertation. Je resterai vigilante, car de nombreux élus locaux se plaignent du système actuel et du fonctionnement informatique.
Régime fiscal du GPIS
Mme Catherine Dumas . - Le Groupement parisien inter-bailleurs de surveillance (GPIS) est un groupement d'intérêt économique, à but non lucratif, constitué par douze bailleurs sociaux pour assurer la surveillance de plus de 500 000 habitants. Il dispose d'un budget annuel de 18 millions d'euros, abondé par les bailleurs membres et une subvention de la Ville de Paris.
Jusqu'au 1er janvier dernier, le GPIS a bénéficié d'un rescrit fiscal de mai 2021 l'exonérant de TVA sur ses appels à cotisations. Il semblerait que la loi de finances pour 2021 ait modifié, à compter du 1er janvier 2023, les dispositions sur lesquelles se fondait ce rescrit.
Or l'annulation de cette exonération risque d'entraîner une réduction des effectifs et des activités du GPIS. Afin de ne pas freiner son développement, j'appelle au maintien de l'exonération via un nouveau rescrit.
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Les règles en matière de TVA sont strictement encadrées par le droit européen. Un dispositif transposé en droit interne à l'article 261 B du code général des impôts exonère de TVA, sous certaines conditions, les prestations de services effectuées par les groupements autonomes au profit de leurs membres exerçant une activité exonérée ou pour laquelle ils ne sont pas assujettis.
La Cour de justice de l'Union européenne a précisé en 2017 que, dans le cas de membres exerçant une activité exonérée, le dispositif ne s'applique que lorsque l'exonération résulte d'un motif d'intérêt général prévu par la directive TVA ; il ne peut bénéficier aux membres exonérés sur un autre fondement, ce qui est le cas des bailleurs d'immeubles.
La législation fiscale française a été mise en conformité avec cette jurisprudence européenne, à travers une nouvelle rédaction de l'article précité, entrée en vigueur au 1er janvier dernier. Désormais, seuls les services rendus par des groupements concourant directement et exclusivement à la réalisation par leurs membres d'activités d'intérêt général exonérées sur le fondement de l'article 261 peuvent être exonérés. La location de logements, exonérée sur un autre fondement, n'est pas incluse.
Le GPIS soutient que ses membres restent éligibles à l'exonération prévue à l'article 261 B. Sa demande de rescrit est en cours d'instruction par l'administration fiscale. La procédure est couverte par le secret fiscal. Difficile d'aborder une situation individuelle en réponse à une question orale.
Mme Catherine Dumas. - Votre réponse ne me satisfait pas. Les activités concernées sont clairement d'intérêt général, le GPIS contribuant largement à la tranquillité résidentielle. Je solliciterai de nouveau le Gouvernement sur ce cas particulier, d'intérêt général.
Retraites des ex-travailleurs frontaliers
Mme Patricia Schillinger . - Les polypensionnés ayant travaillé en Suisse et en France peuvent choisir le versement de leur retraite sous forme de rente ou de capital. Or les retraites suisses sont assujetties au paiement de la CSG, de la CRDS et de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie, dès lors que les retraités sont fiscalement domiciliés en France et affiliés à un régime obligatoire de base de sécurité sociale français.
Un arrêt du tribunal de Strasbourg, tirant les conclusions de la jurisprudence Nicula de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), limite le paiement de ces cotisations à hauteur du montant de la retraite française, mais les services fiscaux appliquent cette mesure aux seules retraites sous forme de rente.
Les associations de défense des droits des travailleurs frontaliers dénoncent une contradiction avec la jurisprudence européenne et un frein à la libre circulation des travailleurs. À quand une pratique des services fiscaux conforme au droit européen ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Pour les retraites suisses versées sous forme de rente, la France s'est alignée sur la jurisprudence Nicula de la CJUE, depuis un arrêt du Conseil d'État de 2019 : ainsi, ces retraites sont assujetties à cotisations si les retraités domiciliés en France reçoivent des prestations médicales en France, mais leur montant ne peut excéder le montant des cotisations françaises. En effet, la sécurité sociale française ne peut pas précompter des cotisations sur les rentes versées par la Suisse.
Pour les retraites sous forme de capital, la procédure est différente. Le versement du capital est réalisé en une fois, tandis que la retraite par rente est versée chaque mois : appliquer un plafond à la retraite par capital reviendrait à une exonération de fait. La jurisprudence Nicula est inapplicable dans ce cas précis.
Mme Patricia Schillinger. - Je vous remercie pour vos explications ; la question est très complexe, j'y reviendrai.
Guichet unique pour les entreprises
Mme Christine Herzog . - En mai 2019, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, a supprimé le service Infogreffe, remplacé par le guichet unique, aux grandes ambitions : ce nouveau service devait faciliter les démarches administratives des entreprises, des autoentrepreneurs, des experts-comptables, des avocats, des notaires, des greffiers des tribunaux de commerce, des organisations patronales, des administrations publiques et enfin des collectivités territoriales. Le guichet devait être opérationnel au 1er janvier 2023.
En Moselle, face à l'incapacité du portail à traiter les demandes et aux bugs à répétition, la chambre des métiers et de l'artisanat (CMA) a pris le relais, mais elle facture environ 200 euros par formalité, formalités normalement gratuites. Le préjudice est considérable, surtout pour les entrepreneurs débutants et les repreneurs. Quelles solutions proposez-vous ? Quand la plateforme sera-t-elle opérationnelle ?
Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme . - Je ne souhaite pas refaire le match des articles 1 et 2 de la loi Pacte. Face au maquis des centres de formalités des entreprises et des formulaires, le guichet unique répondait à un besoin réel ; des problèmes d'exécution existent, je ne le nie pas.
Pour réduire les délais, nous menons des travaux informatiques. Plus de 60 % des créations sont traitées en moins d'une semaine. Le stock des modifications et cessations de début janvier a été intégralement absorbé. Une voie papier a été temporairement ouverte, et depuis le 20 février, les procédures de modification et cessation peuvent repasser par Infogreffe, ce jusqu'au 30 juin prochain.
Le guichet unique s'améliore rapidement, et il faut mesurer les difficultés à l'aune de l'immensité de la tâche. Plus de 372 000 dossiers ont été enregistrés depuis le 1er janvier 2023, dont plus de 200 000 créations.
Concernant la CMA, nous n'avons jamais envisagé que les entreprises paient ces formalités. Ce n'est pas normal, et je suis à votre disposition pour en parler.
Mme Christine Herzog. - Je peux me satisfaire de cette réponse. Il y a urgence.
Dysfonctionnements de MaPrimeRénov'
M. Jean-Claude Anglars . - Le Gouvernement fait de la rénovation énergétique des logements et de l'éradication des passoires thermiques une priorité, notamment grâce à MaPrimeRénov' - mais le traitement des dossiers est trop long. Le Gouvernement affiche des chiffres positifs, mais n'apporte pas de réponses satisfaisantes aux particuliers aux revenus modestes qui ont engagé des travaux.
Étant donné les difficultés rencontrées par l'Agence nationale de l'habitat (Anah), entreprises artisanales et particuliers attendent le paiement des aides et doivent assumer des avances de trésorerie dans un contexte économique difficile. Ces dysfonctionnements ralentissent la rénovation énergétique du parc de logements et pénalisent le secteur du bâtiment, déjà durement touché par l'inflation.
Comment le Gouvernement compte-t-il résorber ces délais d'instruction anormalement longs et accélérer le versement des aides à la rénovation énergétique ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - MaPrimeRénov' a soutenu plus de 1,4 million de nos concitoyens depuis janvier 2020. Pour répondre à ces volumes très importants, l'Anah dispose d'équipes dédiées. Les difficultés restent limitées au regard des 630 000 primes engagées en 2022.
L'Anah se mobilise pour fluidifier les parcours des usagers et tous les dossiers qui rencontrent des difficultés sont examinés individuellement. En moyenne, les dossiers sont traités en moins de cinq semaines. Il faut donc ramener les difficultés à leur juste proportion, MaPrimeRénov' restant un succès indéniable.
Nous travaillons à une amélioration de l'information aux usagers, grâce à la création de France Rénov' en 2022 et à la montée en charge progressive de MonAccompagnateurRénov' en 2023.
Enfin, l'Anah travaille avec la filière pour fluidifier le paiement des dossiers.
M. Jean-Claude Anglars. - Tout cela va dans le bon sens. Entreprises et particuliers attendent ces nouveaux dispositifs.
Interdiction de mise en location des passoires énergétiques
Mme Amel Gacquerre . - Réussir la transition écologique passe par un plan de lutte contre les passoires énergétiques. La loi Climat et résilience a donc interdit la location les logements classés G et F d'ici 2025 puis 2028. Dès 2025, ce sont 600 000 logements classés G qui risquent d'être retirés du marché locatif.
Je suis favorable à une obligation de rénover et d'isoler, mais le dispositif doit être juste et non punitif. Or les propriétaires de biens classés F et G se heurtent à l'ampleur et au coût des travaux, dans un contexte de pénurie de matériaux et de main-d'oeuvre, et alors qu'ils subissent déjà l'encadrement et le plafonnement des loyers depuis l'été dernier ainsi que la hausse de la taxe foncière...
Un accompagnement technique et financier par la puissance publique est nécessaire, mais les moyens alloués sont insuffisants et de nombreux propriétaires sont inéligibles aux dispositifs actuels.
Il en résulte une explosion des ventes des logements F ou G et, partant, un recul des logements à louer. Près de deux millions de logements risquent d'être retirés du marché locatif dans les deux années à venir, selon l'Union nationale des propriétaires immobiliers.
L'interdiction de mise en location de ces logements dans un délai court risque d'aggraver les tensions sur le marché locatif, déjà caractérisé par une offre insuffisante et une demande croissante.
Afin de garantir le droit au logement et d'éviter une crise du logement, envisagez-vous de repousser l'interdiction de location des logements F et G et de prévoir des dérogations ? Allez-vous accorder des aides aux propriétaires bailleurs afin de les accompagner dans la rénovation énergétique de leurs logements ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le Gouvernement a engagé une politique de long terme pour résorber les passoires énergétiques et élever progressivement le niveau de performance énergétique dans le parc locatif : un seuil de 450 kWh/m2 et par an dès 2023, la classe F en 2025, E en 2028 et D en 2034. C'est un élément clé de notre stratégie d'économies d'énergie et de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans le secteur du bâtiment - avec un objectif de baisse des émissions de plus de 60 % à échéance 2023, qui découle de nos engagements européens.
Ces logements locatifs peu performants représentent environ 20 % du parc locatif privé. Les travaux se traduiront, pour les locataires, par plus de confort mais surtout par une modération de leurs charges d'énergie.
Les propriétaires bailleurs peuvent s'appuyer sur les aides financières existantes, MaPrimeRenov' ou certificats d'économie d'énergie, qui représentent au total près de 7 milliards d'euros en 2022. La loi de finances rectificative pour 2022 a également prévu le doublement du plafond du déficit foncier en cas de travaux de rénovation énergétique. Le décret d'application doit être publié très prochainement. Citons aussi la création du service public France Rénov', piloté par l'Agence nationale de l'habitat, et le développement progressif de l'accompagnement à la rénovation énergétique. Les propriétaires bailleurs ne manquent donc pas d'outils pour respecter les échéances fixées.
Difficultés des communes à trouver un prestataire d'assurance
M. Didier Marie . - Les maires de mon département peinent à trouver un prestataire d'assurance pour couvrir leurs risques de dommage. Soit les assureurs ne répondent pas aux appels d'offres, soit ils proposent des coûts insupportables pour les communes, déjà fragilisées par l'explosion des coûts de l'énergie.
Faute d'avoir pu souscrire un contrat d'assurance, certaines collectivités se retrouveront donc seules à devoir supporter les dépenses résultant d'éventuels aléas climatiques menaçant leur patrimoine. Or certaines communes de Seine-Maritime voient la moitié de leur superficie menacée par les risques d'inondations à l'horizon 2050, quand d'autres subissent le recul des falaises... Ce sont des écoles, des médiathèques, des gymnases, des bâtiments municipaux qu'il leur faut assurer pour garantir leur ouverture et la sécurité des agents qui y travaillent ainsi que du public qui y est accueilli.
Bien que les collectivités adaptent leurs documents d'urbanisme et les constructions futures pour limiter les risques, l'existant doit être protégé.
L'État ne peut-il agir, par le biais d'un opérateur public ou d'une obligation de réponse aux marchés publics pour les assureurs privés ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Je partage votre préoccupation. En effet, il n'y a que très peu d'assureurs actifs sur le marché de l'assurance des collectivités territoriales, pour près de 13 000 consultations publiques chaque année, car nombre d'entre eux se sont retirés du marché en raison notamment de la hausse de la fréquence et de l'intensité des catastrophes naturelles.
Face à cette situation, le Gouvernement a engagé, fin 2022, un cycle d'échanges avec les principaux assureurs pour les alerter. Des consultations approfondies des instances représentant les élus seront également menées. Parallèlement, le Conseil de planification écologique mènera en 2023 une réflexion sur l'évolution du système assurantiel face à l'accroissement des effets liés au dérèglement climatique.
Au-delà de ces chantiers en cours, l'État a porté, en 2021, à plus de 200 millions d'euros le budget du fonds Barnier, qui peut être mobilisé par les collectivités pour financer des études, des travaux ou des équipements de prévention ou de protection contre les risques naturels. Il existe en effet une corrélation forte entre l'existence d'un plan de prévention des risques inondation (PPRI) et la fréquence des sinistres, et la mise en place d'un PPRI se traduit, en moyenne, par une réduction de 28 % du coût des sinistres.
En tout état de cause, le Gouvernement s'est saisi de cet enjeu et nous ne manquerons pas de revenir vers vous.
M. Didier Marie. - Il est heureux que le Gouvernement ait pris conscience du problème, mais au-delà de la concertation, il faudra sans doute contraindre les assureurs à se soucier des collectivités locales...
Dangerosité du parc d'autocars
M. Jean-Marie Mizzon . - La dangerosité de notre parc d'autocars est un fait.
L'accident de Puisseguin, qui a provoqué la mort atroce de 43 personnes, a mis en lumière un défaut de conception de ces véhicules qui mériterait d'être corrigé au plus vite afin d'éviter d'autres pertes de vies humaines.
Le placement côte à côte du boîtier électrique et du réservoir à carburant à l'avant du car, dans une zone particulièrement exposée aux chocs en cas d'accident, est tout simplement incompréhensible. En cas d'impact, l'explosion qui se produit immanquablement entraîne un incendie : les passagers, prisonniers de l'habitacle, meurent brûlés vifs.
Allez-vous enfin tirer des enseignements de ces trop nombreux drames dont la cause est connue, identifiée et incontestable ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - En 2017, le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre a rendu un rapport d'enquête technique sur cet accident. Il recommande de modifier les règlements internationaux concernant les véhicules, notamment ceux traitant des caractéristiques de constructions des autocars et autobus et de leur comportement au feu.
Dès 2017, les autorités françaises ont demandé la création d'un groupe de travail international sur le comportement des véhicules en cas d'incendie, groupe que la France a présidé. Ses travaux ont abouti à l'adoption à l'ONU, en 2021 puis en 2022, d'amendements aux règlements concernés - portant par exemple sur de nouveaux tests sur l'inflammabilité des matériaux ou de meilleurs dispositifs de bris de vitres. Les premières dispositions entreront en vigueur sur les nouveaux véhicules à partir de septembre 2023.
M. Jean-Marie Mizzon. - Personne ne souhaite un nouveau Puisseguin. Hasard du calendrier, j'apprends ce matin que la cour d'appel de Bordeaux rouvre l'instruction de ce dossier, évoquant de nouvelles investigations concernant la conception de l'autocar par Mercedes.
Il est vital de protéger les passagers. Le triangle du feu que je dénonce régulièrement doit enfin être pris en compte pour que l'on mette fin à cette situation éminemment dangereuse.
Crise du norovirus
M. Henri Cabanel . - Le norovirus, qui est d'origine humaine et non animale, provoque des gastro-entérites après consommation de coquillages. En janvier 2020, le Gouvernement s'était engagé à améliorer le traitement des eaux usées, assurant que les préfets accorderaient la priorité aux contrôles des rejets de stations d'épuration et aux épandages dans les zones conchylicoles.
Cette année, dix-sept zones de production ont été fermées, les entreprises concernées étant le plus souvent familiales et de taille modeste. Le comité national de la conchyliculture a alerté l'État sur l'urgence d'agir face à des contaminations récurrentes et parfaitement identifiées. Allez-vous concrétiser votre soutien à cette filière ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La contamination des huîtres par le norovirus a plusieurs facteurs : épidémie de gastro-entérite hivernale, fortes pluies qui ont entraîné un dysfonctionnement des systèmes d'assainissement aggravé par l'augmentation de la population. Les autorités travaillent à l'amélioration de l'assainissement mais c'est un chantier long et complexe.
Nous travaillons avec les préfets sur trois axes : lancer rapidement les travaux, renforcer les prescriptions pour les systèmes d'assainissement en zone conchylicole, et mobiliser toutes les mesures de police de l'eau pour la mise aux normes des installations de collecte et de traitement des eaux usées. Nous allons identifier les chantiers prioritaires et les bonnes pratiques.
Via le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture, des aides à l'investissement pourraient être mobilisées pour financer des bassins de mise à l'abri ou encore la constitution d'un système d'assurance.
M. Henri Cabanel. - La dernière contamination a eu lieu entre Noël et le jour de l'an, période où les conchyliculteurs de l'Hérault réalisent 60 % de leur chiffre d'affaires. Elle a des effets désastreux en nourrissant la défiance des consommateurs. Sans compter qu'il n'y a pas de dispositif d'aide pour cet aléa sanitaire. Dans l'Hérault, les collectivités sont venues en aide à la filière dont l'avenir s'assombrit. J'espère que l'État aussi s'engagera à ses côtés.
Étiquetage des volailles
M. Thierry Cozic . - Le projet européen de modification du mode d'étiquetage des élevages de volailles est destructeur pour nos filières. L'objectif, clair et scélérat, est d'entretenir le flou sur les modes d'élevage. Ce manque de transparence et de traçabilité pénalise des pays vertueux comme la France et évite à d'autres qui n'ont que le rendement pour horizon de rendre des comptes.
Les normes en vigueur établissent un étiquetage clair qui permet aux productions de volailles alternatives, pour lesquelles la France est au premier rang européen, de mieux s'identifier auprès du consommateur. Cet étiquetage est particulièrement important en Sarthe, où les volailles fermières élevées en liberté représentent 20 % du total national, via l'AOC, le Label rouge et le bio.
Quelles sont les actions menées par le Gouvernement auprès de la Commission européenne pour maintenir l'étiquetage en vigueur ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le projet de réforme transmis par la Commission européenne aux États en janvier 2023 a suscité l'inquiétude des professionnels sur deux points : l'obligation d'étiqueter toute viande de canard ou d'oie issue de la production de foie gras en tant que telle, et la dérégulation de l'usage des mentions valorisantes pour la viande de volaille, alors que seules cinq sont autorisées.
Ces normes ont un intérêt économique majeur pour la filière volaille française en offrant une visibilité aux productions de plein air. En effet, la filière française se caractérise par une forte segmentation du marché plein air, à travers les signes de qualité et le Label rouge.
Nous avons su porter le message : la Commission européenne vient de transmettre un projet de texte où ne figure plus l'obligation de la mention « issu de foie gras », et où l'exclusivité de l'utilisation des mentions « plein air » est préservée.
Nous restons prudents, car plusieurs étapes restent à franchir. Le travail se poursuit pour consolider le résultat positif qui se profile.
Abattages de bovins pour diagnostic sanitaire
Mme Anne-Catherine Loisier . - Les abattages de bovins pour diagnostic sanitaire sont encadrés par un arrêté de juin 2009, qui fixe les mesures financières relatives à la brucellose et à la tuberculose.
Les acteurs de la filière font valoir l'évolution des prix actuels et l'indexation des coûts de production dans le cadre de la loi Égalim pour obtenir une majoration de l'indemnisation pour les bovins de plus de 24 mois non inscrits au livre généalogique.
Mais la direction du budget semble bloquer les choses, au prétexte que la grippe aviaire aurait consommé l'ensemble des enveloppes budgétaires, et reporte la revalorisation à la campagne de prophylaxie 2023-2024, sans envisager de rétroactivité pour les abattages déjà réalisés. Ce serait un coup de frein à l'action sanitaire des acteurs engagés depuis de longs mois dans l'éradication de la tuberculose.
Le Gouvernement envisage-t-il une revalorisation rapide des indemnisations pour les bovins abattus, avec rétroactivité au 1er janvier ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - La tuberculose bovine pouvant contaminer tous les mammifères dont l'homme, il est indispensable d'assainir les troupeaux. Les actions de biosécurité réduisent drastiquement les risques de contamination ; une formation dans ce domaine est obligatoire pour le recouvrement de la qualification « indemne » d'un troupeau. L'État a mobilisé 3,5 millions d'euros dans le cadre de France Relance pour financer ce dispositif.
L'État va aussi lancer en 2023 une expérimentation sur la faisabilité de la vaccination des blaireaux, comme en Irlande, et sur l'autorisation du test en prise de sang qui réduit la durée de blocage des exploitations.
Seuls vingt départements sont encore concernés par la surveillance renforcée, et il n'y a plus de surveillance minimale sur l'ensemble du territoire.
Le ministre de l'agriculture a souligné que l'indemnisation trop faible des abattages nuit à la qualité de la surveillance. L'évolution des cours de la viande et des coûts de production justifie une mise à jour des forfaits, au regard du risque de sous-déclaration qui résulte du décalage entre la valeur réelle de l'animal et le montant indemnisé. C'est pourquoi un arrêté vient de revaloriser les forfaits d'un montant compris entre 100 et 600 euros en fonction des catégories d'animaux.
Expérimentation de la vidéo-verbalisation des poids lourds
Mme Jocelyne Guidez . - L'inefficacité du régime juridique de sanction des infractions des poids lourds circulant sur des voies interdites est préoccupante.
En dépit de la loi d'orientation des mobilités, qui autorise l'installation de radars poids lourds, nos communes demeurent largement impuissantes, faute de clarifications législatives et réglementaires.
En effet, les radars poids lourds n'ont toujours pas fait l'objet d'une expérimentation en lien avec les collectivités. En outre, la circulation de poids lourds sur des voies qui leur sont interdites ne figure toujours pas à la liste des infractions vidéo-verbalisables. Les élus locaux sont démunis.
Quand procéderez-vous aux clarifications législatives et réglementaires requises et quand autoriserez-vous la vidéo-verbalisation des poids lourds par les collectivités locales ? De nombreuses communes sont prêtes.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Le Gouvernement souhaite doter les maires de moyens juridiques et techniques pour faire respecter efficacement les règles de la sécurité routière.
La loi d'orientation des mobilités leur a donné le droit d'installer des radars de contrôle des voies réservées, du tonnage des poids lourds et des zones à faibles émissions.
La vidéo-verbalisation est la seule option à court terme pour un contrôle sans interception efficace et facile. Les policiers municipaux et les gardes champêtres peuvent constater les infractions après visionnage en direct.
Les modifications réglementaires sont d'ores et déjà engagées par le ministère de l'intérieur afin d'étendre le périmètre des infractions constatables sans interception, ainsi que pour élargir l'accès au système d'immatriculation des véhicules des policiers municipaux. Le cadre juridique sera ainsi finalisé. Mais les appareils de contrôle ne pourront être mis en place que lorsqu'ils disposeront de toutes les sécurités et homologations nécessaires. Ils devront notamment être connectés à l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai). Leur certification est prévue pour mi-2023.
Mme Jocelyne Guidez. - La seule modalité demeure à ce jour l'interception de véhicules pris sur le fait par la police et la gendarmerie, déjà fort occupées par ailleurs.
Contrat d'engagement républicain
M. Daniel Breuiller . - Selon le contrat d'engagement républicain (CER), les associations et fondations « ne doivent entreprendre ni inciter à aucune action manifestement contraire à la loi, violente ou susceptible d'entraîner des troubles graves à l'ordre public ».
Le ministre de l'intérieur avait déclaré à l'Assemblée nationale que ce texte devait surtout combattre « les idéologies - singulièrement l'idéologie islamiste ».
Selon le Haut Conseil à la vie associative, le CER confie à l'administration un pouvoir d'interprétation et de sanction très large, sans information claire sur les voies de recours des associations.
En septembre 2022, le préfet de la Vienne a sommé la ville de Poitiers et la communauté urbaine de retirer leurs subventions au Village des alternatives de l'association Alternatiba Poitiers. D'après Libération, cette décision aurait été prise en raison d'une formation à la désobéissance civile, « manifestement incompatible avec le contrat d'engagement républicain ». Une telle formation serait-elle constitutive de troubles graves à l'ordre public ? Si oui, sur quelle définition le préfet se fonde-t-il ? La dénonciation non violente de l'inaction écologique est-elle une idéologie à combattre au même titre que l'islamisme ?
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - Toute association qui demande une subvention à une autorité administrative doit s'engager, dans le CER, à respecter un ensemble de principes républicains, dont le premier est de n'entreprendre ni d'inciter à aucune action manifestement contraire à la loi ou susceptible d'entraîner des troubles graves à l'ordre public. Si une association ne le respecte pas, l'autorité administrative doit retirer la subvention après une procédure contradictoire.
Le conseil municipal de Poitiers a subventionné le Village des Alternatives alors que des ateliers de désobéissance civile étaient prévus. Le préfet de la Vienne a invité la maire à retirer la subvention car de tels ateliers étaient manifestement incompatibles avec le CER.
Les formations à la désobéissance civile ne constituent pas, par principe, des troubles graves à l'ordre public, mais peuvent inciter à des actions manifestement contraires à la loi.
M. Daniel Breuiller. - C'est un comble qu'une loi contre l'idéologie islamiste serve à affecter la loi de 1901.
Délinquance des étrangers
Mme Valérie Boyer . - Alors que l'on crie toujours au scandale lorsqu'un lien entre immigration et délinquance est établi, le ministre de l'intérieur a reconnu l'été dernier qu'il serait idiot de taire qu'une part importante de la délinquance est le fait d'immigrés.
Ainsi, 48 % des interpellés pour délinquance à Paris, 55 % à Marseille et 39 % à Lyon sont des étrangers. La petite Lola a été sauvagement tuée par une ressortissante algérienne qui avait reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
Vous y voyez un fait divers ; j'y vois un fait de société. Au premier trimestre 2021, seules 5,6 % des OQTF ont été exécutées.
Selon le parquet de Paris, 75 % des mineurs jugés sont étrangers. Les étrangers représentaient 24 % des incarcérés en 2020 alors qu'ils ne sont que 7,4 % en France.
Je souhaite davantage d'informations sur les étrangers condamnés et incarcérés, les expulsions, et une cartographie détaillée des attaques à l'arme blanche. Je souhaite aussi connaître le profil des auteurs et des victimes.
Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité . - L'éloignement des étrangers menaçant l'ordre public est une priorité. Deux opérations ciblant les sortants de prison, en 2021 et 2022, ont éloigné 2 815 étrangers en situation irrégulière menaçant l'ordre public.
Depuis le 18 octobre 2020, 317 étrangers inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) ont été éloignés.
Quelque 88 % des étrangers en centre de rétention administrative sont inscrits au FSPRT ou ont un profil à risque.
Le ministre de l'intérieur a amendé la trajectoire budgétaire de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur de 60 millions d'euros par an pour porter les capacités de rétention à un niveau jamais atteint.
Le service statistique ministériel de la sécurité intérieure ne recense pas les attaques à l'arme blanche car la qualification des infractions issue du code pénal ne le permet pas. En outre, les éléments statistiques font apparaître la part des étrangers non par pays, mais par grande région d'origine.
Mme Valérie Boyer. - Je voudrais des chiffres plus précis, sur les attaques à l'arme blanche notamment. Nous en avons besoin pour travailler.
La séance est suspendue à 12 h 15.
Présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 14 h 30.