Orientation et programmation du ministère de l'intérieur (Conclusions de la CMP)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire (CMP) chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).
M. Marc-Philippe Daubresse, rapporteur pour le Sénat de la CMP . - Ne boudons pas notre plaisir : ce projet de loi, mûri par le Beauvau de la sécurité et fortement enrichi par le Sénat, est une bonne loi qui a réuni une très forte majorité dans les deux chambres.
L'Assemblée nationale a retenu, voire prolongé, une grande partie de nos apports. Je salue l'esprit qui a prévalu lors de nos échanges en CMP avec le rapporteur pour l'Assemblée nationale, Florent Boudié. Nous avons abouti à une solution qui préserve l'essentiel des dispositions adoptées par le Sénat.
Ce texte offre 15,3 milliards d'euros supplémentaires au ministère de l'intérieur sur les cinq prochaines années, ce qui donnera les moyens aux forces de l'ordre d'accomplir leurs missions, avec une première traduction dans la loi de finances pour 2023.
Au Sénat, nous nous sommes attachés à garantir l'accessibilité des démarches et le bon accueil de nos concitoyens par les forces de sécurité. Nous avons également été attentifs à la répartition des 200 nouvelles brigades de gendarmerie et aux indispensables concertations avec les élus locaux.
L'Assemblée nationale a renforcé la lutte contre la cybercriminalité. Nous avons décidé de reprendre largement le texte issu de la CMP, sous réserve de quelques modifications. L'une d'entre elles concerne le rôle de la police judiciaire (PJ) au sein de la réforme de la police nationale : les magistrats conserveront le libre choix du service enquêteur, ce dernier restant sous leur autorité ; les affaires sensibles seront toujours traitées par la PJ ; des structures zonales demeureront, selon l'actuelle cartographie territoriale.
L'Assemblée nationale a renforcé nos apports sur les cybermenaces. À l'article 6 sur les cyberassurances, nous avons prévu un délai de 72 heures pour porter plainte et retardé l'entrée en vigueur de trois mois.
Nous avons modifié certains articles additionnels de l'Assemblée nationale. Les droits nouveaux d'assistance des victimes par les avocats ont été conservés, mais avons supprimé diverses mesures superfétatoires. La plupart des demandes de rapport ont été supprimées, à l'exception de celui sur la protection des collectivités territoriales.
L'Assemblée nationale nous a suivis sur les violences envers les élus locaux et les rodéos urbains, tout en alourdissant les sanctions.
Le texte de la CMP est équilibré et efficace. Nous attendons un vote positif à la hauteur des nouveaux enjeux de sécurité. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi que du RDPI)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer . - Ainsi se termine le long chemin de la Lopmi. Je remercie tous les sénateurs qui ont contribué à l'élaboration de ce texte, coconstruit avec le Parlement. Le lien entre les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale - je pense notamment au député Florent Boudié - a été constructif.
Le Gouvernement n'a rien à retirer au texte de la CMP et ne présentera aucun amendement.
Je me réjouis que nous nous soyons mis d'accord sur le rapport annexé qui précise le fonctionnement du ministère de l'intérieur pour les cinq prochaines années.
Après avoir défini les menaces, nous avons établi ce que nous voulions faire dans les cinq prochaines années, avec quels moyens. Auparavant, seul le ministère des armées disposait d'une telle loi d'orientation. Le ministère de l'intérieur était plus dans l'urgence que dans le temps long.
Je ne reviens pas sur la réforme de la police nationale, notamment la police judiciaire. Je serai à votre disposition pour venir devant votre commission des lois, après la remise des rapports Durain-Bellurot du Sénat, Bernalicis-Guévenoux de l'Assemblée nationale et des inspections. Je vous dirai alors ce que j'en ai retenu en vue des textes réglementaires.
J'ai proposé à l'Assemblée nationale un comité de suivi parlementaire du texte. Dès fin janvier, une réunion pourrait se tenir tous les trois mois, avec l'ensemble des directeurs de mon ministère, pour vous présenter comment le texte est respecté.
Ce type d'exercice est pour nous source de conseils et même de correctifs.
Je remercie les policiers, gendarmes, agents de préfecture et sapeurs-pompiers de leur travail quotidien. Madame Assassi, je sais qu'il y a dans ce texte un peu de votre coeur. (Sourires) Lors du débat, chacun a pu être respecté et faire entendre sa voix. Les moyens que vous nous avez accordés seront bien utilisés. (Applaudissements sur les travées du RDPI et des groupes INDEP et UC)
M. Loïc Hervé . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Comme M. Daubresse nous l'a indiqué, la CMP est parvenue assez rapidement à un accord. En tant que co-rapporteur, je me suis particulièrement intéressé à l'article 5, sur le réseau radio du futur, et aux articles 7 à 16.
L'Assemblée nationale a enrichi le texte sans remettre en cause les apports du Sénat. Elle a rebaptisé l'outrage sexiste en outrage sexiste et sexuel et a élargi son champ pour englober tous les mineurs. La CMP a approuvé cette évolution.
L'Assemblée nationale a élargi le vivier de recrutement des assistants d'enquête, sans abaisser le niveau d'exigence. Elle a approuvé l'extension des autorisations générales de réquisition qui allégeront la tâche des procureurs, en prévoyant un rapport d'évaluation dans les deux ans.
C'est sur la question des amendes forfaitaires délictuelles (AFD) que le dialogue a été le plus nourri. Le Sénat avait rejeté la proposition du Gouvernement d'autoriser le recours à l'AFD pour tous les délits punis d'un an de prison - soit 3 400 infractions. L'AFD ne nous avait pas paru adaptée à un si grand nombre de délits, soit pour des raisons opérationnelles, soit parce qu'elle ne constitue pas une réponse pénale suffisante. Nous avions préféré une approche au cas par cas, en élargissant la liste des infractions concernées.
L'Assemblée nationale a voulu aller plus loin, en incluant par exemple le tapage nocturne, le refus de se soumettre à un contrôle routier ou l'entrée dans une enceinte sportive pour troubler le bon déroulement d'une compétition. Nous avons obtenu que la liste soit resserrée. Pour le délit de port d'une arme blanche, l'amende forfaitaire ne pourra être appliquée que si le contrevenant remet volontairement son arme. Nous avons également limité le recours à l'AFD en cas de récidive.
Au total, la procédure de l'AFD sera applicable à 27 nouvelles infractions, et pour six d'entre elles, même en cas de récidive.
L'article 14 bis avait été inséré par le Sénat à l'initiative de M. Levi, puis supprimé à l'Assemblée nationale. Un compromis a été trouvé, qui recentre la mesure sur les seules menaces de mort. Cette disposition, qui s'inspire des remontées de terrain, facilitera les poursuites.
Mme Françoise Gatel. - Très bien !
M. Loïc Hervé. - Je me félicite que la CMP nous ait suivis sur l'article 15, qui place l'Agence régionale de santé sous l'autorité du préfet en cas de crise. L'importance de l'unité de commandement dans la gestion de crise est l'un des enseignements de la crise sanitaire. (Mme Françoise Gatel acquiesce.)
Je me félicite du travail mené avec le ministre, ses services et l'Assemblée nationale. Cette Lopmi est attendue par nos forces de sécurité, qui seront dotées de nouveaux outils. Je me félicite aussi du large vote de l'Assemblée nationale.
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ça, c'est une majorité !
M. Loïc Hervé. - Les sénateurs UC voteront les conclusions de la CMP. J'invite chacun à en faire autant. (Applaudissements sur les travées du groupe UC ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)
M. Jérôme Durain . - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je salue le travail des deux corapporteurs qui ont défendu les positions du Sénat avec conviction et fermeté.
M. Loïc Hervé. - Merci.
M. Jérôme Durain. - Je salue les efforts du ministre, sans trop en faire, de peur qu'il n'utilise ces compliments dans ses controverses futures avec mes camarades du palais Bourbon... (Sourires ; M. Patrick Kanner s'amuse et acquiesce.)
M. Loïc Hervé. - C'est Noël !
M. Jérôme Durain. - En première lecture, le groupe SER a salué l'effort budgétaire consenti par l'État. Il nous semble cohérent de soutenir la programmation de 15 milliards d'euros. Nous nous félicitons des avancées inscrites dans le rapport annexé à l'initiative de notre groupe, sur la sécurité civile et la gendarmerie, et notons que les recommandations de Mme Conconne sur l'adaptation du projet de loi à l'outre-mer ont été suivies, avec une inscription en dur dans le texte. Nous avons évidemment soutenu une meilleure protection des élus - j'en profite pour apporter mon soutien aux élus de Montcenis, en Saône-et-Loire, qui ont reçu des menaces de mort la semaine dernière.
Reste que le champ des AFD a été trop étendu à notre goût. Le texte ne va pas assez loin sur le rapprochement entre police et population. Je regrette que l'indicateur de performance budgétaire sur les discriminations commises ou subies par les forces de l'ordre ait été supprimé du PLF, et compte sur le ministre pour le rétablir prochainement. Sur la police judiciaire, nous ne sommes guère rassurés.
Disons que l'Assemblée nationale ne s'est pas contentée d'améliorer notre texte. Les discussions en CMP étaient donc très attendues. Nous avons été déçus sur certains points. Le recours à l'AFD nous semble excessif, notamment en cas de récidive, même si elle a été supprimée pour certaines infractions. Je regrette que les articles 6 bis, 6 bis B et 6 bis C aient été supprimés. La suppression de l'article sur la circonstance aggravante en cas de violence gratuite est en revanche bienvenue. Des avancées du rapport annexé ont été conservées, et je me félicite du compromis trouvé sur la police judiciaire, même si le rapport annexé ne règle pas tout. Mais nous saisissons la balle au bond, et demandons que le suivi des moyens budgétaires de la police judiciaire soit assuré par le comité de suivi.
Le texte de la CMP est meilleur que celui de l'Assemblée nationale. Cette Lopmi est perfectible, mais attendue. Le groupe SER la votera. (Applaudissements sur les travées des groupes SER, Les Républicains et UC)
M. Loïc Hervé. - Très bien !
Mme Catherine Di Folco . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se réjouit de l'accord trouvé en CMP. Cela faisait plusieurs années que le Sénat appelait de ses voeux une loi de programmation sur la sécurité - dix ans après la seconde loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure (Lopsi 2).
L'ambition de cette Lopmi est forte, mais la tâche sera rude. La Coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques nous mettront au défi. Les 15 milliards d'euros budgétés sur cinq ans ne seront pas de trop. Le Sénat sera particulièrement attentif au déploiement des crédits, qui ne devront pas être happés par les enjeux sécuritaires de 2023 et 2024. Les Français auront aussi besoin d'être protégés après les Jeux !
Le doublement des effectifs sur la voie publique n'a de sens que si les services traitant les infractions augmentent proportionnellement. Nous y veillerons également.
La réforme de la police nationale et singulièrement de la police judiciaire doit être menée dans le plus grand consensus possible.
Le groupe Les Républicains salue la qualité du travail des rapporteurs. Une grande partie du groupe Les Républicains votera les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. Dany Wattebled . - Je me félicite que la CMP ait été conclusive. Ce consensus traduit la volonté de la représentation nationale de renforcer les moyens humains, financiers et technologiques des forces de l'ordre. Le projet de loi traduit en chiffres et en actes notre attachement aux forces de sécurité.
La hausse inédite du budget du ministère de l'intérieur, à hauteur de 15 milliards d'euros sur cinq ans, rassurera nos concitoyens face à une délinquance protéiforme. Elle est primordiale pour améliorer le quotidien des forces de sécurité, en leur permettant de déléguer certains travaux chronophages. Leur tâche est immense, alors que la délinquance se fait de plus en plus violente et de plus en plus technologique.
Ce texte ambitieux est une première réponse aux enjeux.
Je me félicite du renforcement des moyens humains, avec 8 500 postes et 200 brigades de gendarmerie créées.
Le développement d'outils numériques modernisera nos forces de l'ordre, qui seront mieux armées face aux nouvelles menaces, à commencer par les cyberattaques. Je pense à celles qui ont visé des établissements de santé, de Villefranche-sur-Saône à Versailles.
La réponse pénale doit être améliorée, ferme et efficace contre la délinquance du quotidien.
Je salue le courage et le sens du devoir de ces femmes et hommes qui ont voué leur vie à la protection de leurs concitoyens.
Ce texte répondra aux attentes des forces de l'ordre, pour lutter contre une criminalité qui se développe sur de nouveaux terrains. Il prend en compte les légitimes exigences de nos concitoyens qui aspirent à plus de sécurité. Le groupe INDEP le votera. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et Les Républicains)
M. Guy Benarroche . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Ce texte présente, dans son rapport annexé, la vision du Gouvernement sur la sécurité publique. Notre groupe a défendu de son côté un projet cohérent. Votre politique, plus répressive que protectrice, néglige le lien avec les citoyens et la nécessaire confiance envers les forces de l'ordre. Elle ne prend pas en compte leur souffrance au travail.
Nous demandions plus de moyens pour que les forces de l'ordre puissent exercer au mieux leurs missions auprès de la population, avec la population, pour la population.
Nous soutenons une police républicaine au service de tous. L'égal accès de tous aux services publics, et donc à la police, doit prévaloir, et l'interaction avec un agent formé doit rester une option pérenne. Oui, il faut mieux équiper les forces de l'ordre, qui exercent parfois dans des conditions indécentes. Mais nous alertons sur l'idée d'un policier « augmenté » : à quel coût, et dans quel but ?
Nous aurions voulu débattre de l'évolution des techniques de maintien de l'ordre - LBD (lanceur de balles de défense), drones, lacrymos, technique de la nasse...
Nous regrettons l'absence de réforme de l'IGPN (Inspection générale de la police nationale). Nos citoyens demandent plus de transparence, une meilleure gestion des dérives parfois violentes. La réforme de l'IGPN est plus nécessaire que celle de la police judiciaire.
Nous regrettons qu'aucune avancée sur la généralisation des agents de liaison LGBT+ ou la formation au cyberharcèlement n'ait été retenue. Idem pour nos propositions sur les droits de la défense, comme l'interdiction de la reconnaissance faciale.
Nos inquiétudes sur les droits des justiciables n'ont pas été dissipées. L'AFD est un outil comptable, mais dont l'efficacité sur la réponse pénale est peu étudiée. Notons que son utilisation est en outre très variable selon les territoires. Une fois de plus, l'opportunité de la poursuite, qui revient au juge, est niée. La mise à l'écart du monde judiciaire est une erreur. Penser la police sans la justice, la sécurité sans les acteurs du terrain, est une erreur.
Nous avons soutenu l'augmentation du budget, mais aurions aimé être suivis sur nos propositions d'amélioration des conditions de travail des forces de l'ordre et de leurs relations avec les usagers - accompagnement par des psychologues, sanctuarisation des formations.
L'insécurité dépend aussi de l'environnement, c'est pourquoi nous plaidons pour une police environnementale. Les gardes champêtres exerçant au sein de la brigade verte doivent être distingués des autres services et bénéficier de moyens adéquats. La sécurité, c'est aussi la gestion du risque incendie : merci d'avoir conservé la proposition de Mme de Marco sur une seconde base de Canadair.
Les forces de l'ordre sont au coeur du pacte républicain et doivent assurer la tranquillité publique. Hélas, nos craintes ont été confirmées voire amplifiées, et nous ne pourrons nous associer à ce projet de loi : nous voterons contre. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Loïc Hervé. - J'y ai presque cru !
M. Alain Richard . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) Ce projet de loi arrive à son terme après un travail législatif sérieux et méthodique. Cela doit beaucoup à l'ample concertation, transversale, qui l'a précédée, et qui a permis de mieux nous informer sur les choix du Gouvernement.
Le projet de loi met en avant des objets d'intérêt public : accueil du public, lutte contre la cybercriminalité, lutte contre les violences intrafamiliales et sexistes, présence de nos forces sur le terrain.
Des crédits sont dédiés à des outils techniques d'avenir, comme le réseau Radio du futur notamment.
Les apports de cette loi doivent signifier de réels progrès dans les conditions de travail des personnels et pour leur sécurité. Leurs missions sont éprouvantes et dangereuses. Nous voulons qu'ils conservent leur motivation et soient soutenus par leur hiérarchie et par les autorités publiques. Ce sont autant de progrès, implicites, mais importants.
Nous saluons les mesures pour accroître l'efficacité de la chaîne pénale. Les améliorations de procédure contribueront au rétablissement de la paix publique.
La limitation des AFD à certaines infractions est bienvenue. Il sera toujours possible de revenir à un traitement judiciaire.
Nous contribuerons au large vote en faveur de ce projet du Gouvernement, clair et qui a su convaincre. C'est un aboutissement mérité, pour le Gouvernement et pour le ministre. (Applaudissements sur les travées du RDPI ; M. Loïc Hervé applaudit également.)
M. Gérald Darmanin, ministre. - Merci.
M. Jean-Claude Requier . - (Applaudissements sur les travées du RDSE) Le 12 août 1789, face à l'Assemblée nationale, le député du tiers état du Dauphiné Jean-Joseph Mounier affirmait que « la véritable liberté n'est que la sûreté des biens et des personnes ; cette sûreté n'a point d'autres fondements que le respect des lois. »
Aujourd'hui, nous parlons plutôt de sécurité, mais nous chérissons tout autant nos libertés, qui ne peuvent s'exprimer pleinement que quand les règles communes sont respectées. Nous n'avons donc aucune pudeur à dire combien le travail de la police et de la gendarmerie nationale est précieux. Cette Lopmi convainc, avec des moyens budgétaires en hausse.
Le Sénat a équilibré le texte sur l'AFD et ajouté certains dispositifs bienvenus, comme à l'article 14 bis, qui supprime la nécessité de réitération ou de formalisation des menaces de mort pour encourir une sanction pénale.
Idem à l'article 10 bis, qui reconnaît la qualité d'agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie nationale.
Quelques réserves n'ont hélas pas été totalement dissipées. Les dispositions initiales sur l'AFD ont été corrigées par le Sénat, largement suivi par la CMP. Nous avons encadré le dispositif et renforcé le droit des victimes qui pourront toujours se porter partie civile.
Deuxième réserve : la suppression de la condition d'ancienneté pour se présenter à l'examen d'OPJ. L'expérience est pourtant précieuse dans ces métiers où les décisions sont parfois d'une gravité vertigineuse.
S'agissant des assistants d'enquête, nous nous interrogeons encore sur leur formation, leur encadrement, leur rémunération, leur répartition. Espérons que ce nouveau corps de métier apportera le soutien attendu à la police judiciaire.
La réforme en cours de la police inquiète et divise. Le Sénat a rappelé les spécificités de la police judiciaire. Le Gouvernement doit rassurer les agents qui oeuvrent au quotidien pour la sécurité de nos concitoyens et pour le bien public.
Globalement, le RDSE est très favorable à ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE ; M. Laurent Burgoa applaudit également.)
Mme Éliane Assassi . - L'issue de la CMP ne nous invite pas à modifier notre vote.
M. Loïc Hervé. - Dommage.
Mme Éliane Assassi. - En prônant le tout répressif, nous ne faisons pas honneur aux professions de la sécurité, auxquelles je suis très attachée.
Pour le ministère de l'intérieur, un policier hyperéquipé - plutôt qu'un policier proximité - nourrirait des vocations. Je ne partage pas cette conception froide des policiers comme des victimes.
Nous dénonçons l'extension des autorisations générales de réquisition. La simplification de la procédure pénale se fait au détriment des droits de la défense. Cela dessert les droits fondamentaux du mis en cause, et menace la régularité de la procédure pénale.
La restriction de l'AFD à 29 délits privera les justiciables des garanties qu'offre la procédure pénale. On délègue aux agents de police une fonction qui relève de la justice, comme l'ont souligné la Commission nationale consultative des droits de l'homme et le Conseil d'État. Si la CMP, dans sa sagesse, a limité la liste des infractions concernées, nous aurions préféré ne pas recourir du tout à l'AFD.
L'abaissement des exigences dans le recrutement des OPJ conduira à des manquements procéduraux, ce qui desservira la sécurité. La responsabilité exige expérience et rigueur. La fonction d'assistant de police et de gendarmerie n'est pas gage d'efficacité.
Cette Lopmi présente une conception dégradée du fonctionnement de la police. À l'orée de probables mouvements sociaux d'ampleur en réponse au projet de réforme des retraites...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Ah bon ?
Mme Éliane Assassi. - ... je vous invite à privilégier une doctrine de maintien de l'ordre fondée sur l'apaisement plutôt que la tension.
La départementalisation de la police judiciaire est synonyme d'intrusion du pouvoir exécutif dans la procédure pénale. La nouvelle rédaction de l'alinéa 150 du rapport annexé ne suffira pas à éteindre la colère des magistrats, des avocats et des enquêteurs. Les garanties d'indépendance sont trop faibles.
Autre déception, la suppression, en CMP, de l'article 6 bis prévoyant des référents formés sur la lutte contre les discriminations, au prétexte que le rapport annexé le mentionne.
M. Loïc Hervé. - C'est objectivement vrai !
Mme Éliane Assassi. - La disposition n'aura aucun effet normatif.
Être moderne, ce n'est pas se doter d'équipements numériques ; c'est tendre l'oreille, être inventif et au service de l'intérêt général. Cette Lopmi est robotique mais pas innovante. Le CRCE votera contre.
M. Loïc Hervé. - Quel dommage !
À la demande du groupe Les Républicains, l'ensemble du projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°107 :
Nombre de votants | 343 |
Nombre de suffrages exprimés | 343 |
Pour l'adoption | 316 |
Contre | 27 |
Le projet de loi est définitivement adopté.
(Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, INDEP, du RDSE et du RDPI)
Prochaine séance demain, jeudi 15 décembre 2022, à 11 heures.
La séance est levée à 17 h 25.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du jeudi 15 décembre 2022
Séance publique
À 11 heures
Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président,
Secrétaires : M. Dominique Théophile - Mme Corinne Imbert
. Nouvelle lecture du projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 (n°203, 2022-2023)