SÉANCE

du mardi 13 décembre 2022

40e séance de la session ordinaire 2022-2023

présidence de M. Pierre Laurent, vice-président

Secrétaires : Mme Jacqueline Eustache-Brinio, M. Loïc Hervé.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle quarante-trois questions orales.

Crise des transports du quotidien en Île-de-France

M. Daniel Breuiller .  - La dégradation des transports du quotidien en Île-de-France atteint un seuil critique. Les réseaux se dégradent, les temps d'attente sont interminables, les rames sont bondées. Et le prix du passe Navigo va être porté à 84 euros ! Les ménages ne peuvent pas supporter des coûts supplémentaires pour un tel service.

Si la responsabilité en incombe essentiellement à la région Île-de-France, l'État ne peut s'en abstraire. La région capitale accueille de nombreux événements économiques et touristiques dont les Jeux olympiques et paralympiques en 2024. Surtout, ce réseau est emprunté quotidiennement par douze millions de voyageurs. Alors que la pollution atmosphérique provoque 6 000 morts par an, conduisant à la condamnation de la France pour insuffisance coupable, le soutien aux transports collectifs doit être une priorité.

Le Grand Paris Express déséquilibrera encore plus les budgets d'Île-de-France Mobilités. Quelles seront les mesures proposées lors de la conférence de financement ? Retiendrez-vous la TVA à 5,5 %, telle que votée par le Sénat dans le projet de loi de finances ? Êtes-vous prêt à augmenter le versement mobilité par les entreprises, comme nous l'avions proposé lors de ce même débat ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le prix des transports en commun est attractif en France, comparé à la moyenne européenne, grâce à une large prise en charge des coûts par la collectivité. La TVA sur les transports publics est déjà au taux réduit de 10 %. L'abaisser à 5,5 % aurait un coût important pour les finances publiques ; surtout, rien ne garantit que cette baisse soit répercutée sur le prix des billets.

Plus que le prix, c'est la qualité de service qui importe : régularité, fréquence, propreté, sécurité, voilà ce sur quoi doivent porter les efforts des autorités organisatrices et des opérateurs.

Une hausse du versement mobilité en Île-de-France augmenterait le coût du travail, à rebours de la politique que mène le Gouvernement, et nuirait à l'attractivité de la région. Le Sénat l'a d'ailleurs rejetée lors du débat budgétaire. Les entreprises contribuent déjà pour moitié aux dépenses d'exploitation en Île-de-France. Elles prennent en charge la moitié du coût des abonnements de leurs salariés. Et les recettes du versement mobilité ont augmenté de 5 % par an depuis dix ans !

L'État n'a jamais ménagé son soutien pour garantir la continuité du service. Lors de la crise sanitaire, Île-de-France Mobilités a perçu une aide de l'État de plus de 2 milliards d'euros, sans que soient exigées de contreparties sur les tarifs ou l'offre.

Au vu des circonstances, le Gouvernement renouvellera son aide aux autorités organisatrices l'année prochaine : Clément Beaune a annoncé une aide exceptionnelle de 200 millions d'euros pour Île-de-France Mobilités et de 100 millions pour les autres autorités organisatrices, afin d'accompagner l'amélioration de l'offre de transports.

M. Daniel Breuiller.  - D'autres pays ont abaissé la TVA sur les transports à 5,5 %. Les usagers n'ont pas à combler le trou de 950 millions d'euros d'Île-de-France Mobilités. Quant aux 200 millions d'aide, c'est cinquante fois moins que ce que le Gouvernement consacre au soutien aux carburants automobiles !

Annonces pour les non-voyants dans le métro parisien

M. Pierre Louault .  - Le 2 novembre 1989, Hélène Missoffe, sénatrice du Val-d'Oise, alertait le ministre des transports sur les difficultés auxquelles se heurtaient les non-voyants dans le métro, en lui demandant de faire annoncer le nom des stations par les conducteurs.

Dernièrement, un habitant d'Indre-et-Loire me parlait de sa petite-fille, non-voyante, qui prenait le métro parisien pour se rendre à son lieu de stage, et devait compter le nombre de stations afin de ne pas rater son arrêt. Imaginez la panique pour une jeune provinciale de 18 ans, dans ce labyrinthe qu'est le métro parisien.

Quelle ne fut donc pas ma surprise de retrouver cette question écrite, vieille de 33 ans, sur un sujet qui aurait dû être réglé depuis bien longtemps !

Avec la nomination de Jean Castex à la présidence de la RATP, vous avez un lien direct avec la structure en charge de l'exploitation des métros parisiens.

Qu'allez-vous faire pour enfin répondre à cette question ? Cela ne coûte rien !

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - L'État soutient la mise en accessibilité des réseaux de transport, en accord avec les obligations fixées par la loi Handicap de 2005, laquelle prévoit une exception pour les réseaux souterrains de transports ferroviaires existants au 12 février 2005, dont le métro historique parisien.

Les mesures relatives à l'accessibilité du métro parisien relèvent de la compétence de l'autorité organisatrice Île-de-France Mobilités, en lien avec la RATP. Île-de-France Mobilités a approuvé son agenda d'accessibilité programmée en 2015.

Tous les quais et salles d'échanges des stations du métro sont équipés d'annonces visuelles et sonores. À bord des rames, les lignes 1, 2, 3, 4, 5, 9, 13 et 14 sont déjà équipées d'annonces sonores automatiques de la prochaine station. La ligne 11 en sera équipée à la mise en service des nouvelles rames en 2023. Ce sera ensuite le cas de la ligne 6 à partir de fin 2023, puis des lignes 7, 8, 10, 12, 3 bis et 7 bis, avec la mise en service du nouveau matériel roulant MF19 de façon progressive entre 2025 et 2035.

M. Pierre Louault.  - En attendant des annonces automatiques sur toutes les lignes, il ne serait pas bien compliqué de demander aux conducteurs d'annoncer la prochaine station...

RER métropolitains

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Le 27 novembre dernier, le Président de la République annonçait vouloir créer une dizaine de réseaux express régionaux (RER) dans les métropoles. Ce serait bénéfique tant pour l'environnement que pour les salariés, coincés dans les bouchons ou dans des trains bondés - quand ils circulent. Dans le Pas-de-Calais, des arrêts ont été supprimés en gare de Meurchin, d'Achiet-le-Grand ou encore de Boulogne.

L'agglomération de Lille concentre 1,5 million d'habitants ; surtout, des dizaines de milliers de personnes s'y rendent chaque jour depuis le bassin minier.

Le projet de réseau express Grand Lille, défendu par l'ancien conseil régional Nord-Pas-de-Calais a été remisé avec la fusion des régions. Il prévoyait la création de six nouvelles gares dont une souterraine à Lille, 56 kilomètres de lignes nouvelles pour desservir plus efficacement Hénin-Beaumont, Lens et Douai, et le raccordement des grandes villes du nord.

Tous bords politiques confondus, les élus du bassin minier demandent régulièrement la relance de ce projet. Il est temps de le ressortir des cartons. Quels moyens seront alloués à la région Hauts-de-France pour ce projet ? À quelle échéance peut-on espérer une mise en oeuvre ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Président de la République a en effet annoncé le 27 novembre l'objectif de créer une dizaine de RER métropolitains.

Il s'agit, en améliorant les infrastructures des principales étoiles ferroviaires, d'accroître l'offre ferroviaire dans les grandes métropoles.

En cohérence avec la priorité donnée aux mobilités du quotidien, à commencer par les trajets domicile-travail, le Gouvernement soutient cette démarche, aux côtés des collectivités concernées. À sa demande, SNCF Réseau a ainsi établi en 2020 un schéma directeur du développement des RER métropolitains, et une enveloppe de 30 millions d'euros du plan de relance a été dédiée au lancement d'études dans les métropoles à fort potentiel, dont celle de Lille.

L'État finance ainsi, aux côtés de la région Hauts-de-France et de la métropole de Lille, les études de faisabilité lancées en 2021. Ce projet de grande ampleur, estimé entre 4 et 5 milliards d'euros, comprend un projet de barreau nouveau, dénommé « réseau express Hauts-de-France », entre Lille et le bassin minier.

Comme le Président de la République l'a annoncé en février 2022, l'État sera présent aux côtés des acteurs locaux pour la mise en place de ce projet.

Objectif « zéro artificialisation nette »

M. Patrice Joly .  - Si nous partageons l'objectif du « zéro artificialisation nette » (ZAN) des sols à l'horizon 2050 et celui de réduction de moitié de la consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers d'ici 2030, des points de crispations demeurent, tant sur la méthode que sur le fond.

Le Gouvernement a confié aux régions le soin de mettre en oeuvre cette nouvelle règle, les élus locaux étant ravalés au rang de simples exécutants. Ils s'inquiètent de se voir ainsi dépossédés de la gestion des espaces à aménager alors qu'ils ont une connaissance fine des réalités locales.

Comment justifier que des communes rurales soient évincées, alors qu'elles ont été peu consommatrices de foncier par le passé et qu'elles doivent accueillir de nouvelles populations et développer leur territoire ?

Les délais contraints ne laissent pas suffisamment de place au dialogue et à la coconstruction.

En effet, le conseil régional a comme principal interlocuteur la conférence des schémas de cohérence territoriale (Scot), or de nombreux départements restent totalement ou partiellement dépourvus de Scot, d'où l'absence d'élus siégeant à la conférence régionale des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet).

Quelles garanties apportez-vous aux élus locaux ? Comment comptez-vous atteindre les objectifs sans pénaliser les territoires ruraux ?

Le groupe socialiste plaide pour le report de la première étape fixée à 2030. Quelle est votre position ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Veuillez excuser M. Béchu. Chaque année, 20 000 hectares d'espaces agricoles, naturels et forestiers sont consommés en France, dont 61 % sur les territoires détendus, plus particulièrement en périurbain peu à très peu dense. L'esprit de la réforme est de diminuer la consommation foncière nationale, tout en continuant à construire dans les territoires qui en ont besoin.

D'où l'objectif « ZAN » en 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié d'ici 2030.

Cette trajectoire progressive est à décliner dans les documents de planification et d'urbanisme : 22 février 2024 pour les Sraddet, 22 août 2026 pour les Scot, 22 août 2027 pour les PLU. Une nouvelle extension des délais n'est pas à l'ordre du jour.

Cependant, ces documents devront aussi tenir compte des besoins et des enjeux locaux : dynamiques démographiques et économiques, équilibre du territoire, désenclavement rural.

Pour répondre aux inquiétudes des élus locaux, la Première Ministre s'est engagée à ce que toutes les communes rurales aient la possibilité de construire, en particulier lorsqu'elles ont peu construit par le passé ; et à permettre la contractualisation entre l'État et le bloc communal en cas de blocage à l'échelle des territoires, pour trouver des solutions et assurer un équilibre entre développement de projets d'intérêt majeur et sobriété foncière.

Multiplication des décharges de déchets de chantiers en Essonne

Mme Jocelyne Guidez .  - Avec la multiplication des grands projets urbains, les espaces naturels et les terres agricoles de l'Essonne sont devenus des décharges potentielles pour les entreprises du bâtiment qui y déversent des tonnes de gravats, parfois dangereux.

Les élus locaux et les acteurs associatifs s'inquiètent de l'impact environnemental sur la biodiversité et de la dégradation du cadre de vie des habitants en périphérie des métropoles, et déplorent l'absence de réaction étatique.

Les communes de Fleury-Mérogis, Cheptainville et Saint-Hilaire en particulier sont démunies face à ce phénomène et ont besoin d'aide pour réhabiliter les espaces pollués par ces exhaussements, dits aussi remodelages.

Nos villes et villages n'ont pas à être les victimes collatérales du développement des métropoles et des grandes agglomérations et à subir cette inégalité environnementale en sus des inégalités sociales et territoriales déjà bien ancrées dans le département.

Qu'envisagez-vous pour protéger nos territoires de ces atteintes graves à l'environnement, qui ont des répercussions sur la vie quotidienne des habitants ? Ces pratiques scandaleuses sont en totale contradiction avec les engagements issus de la Convention citoyenne pour le climat.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Les installations de stockage de déchets inertes évitent que des terres excavées ou certains déchets de chantier ne soient dispersés dans l'environnement sous forme de dépôts sauvages et garantissent que le stockage est réalisé dans des conditions respectant l'environnement.

Les conseils régionaux sont responsables pour planifier ces installations à l'échelle de leur région. Les services de l'État chargés de l'environnement s'assurent que ces installations sont implantées et exploitées dans de bonnes conditions de sécurité et de respect de l'environnement, notamment au titre de leurs missions d'instruction et d'inspection des installations classées.

Les trois projets que vous évoquez sont dans des situations différentes.

Un projet d'installation était effectivement prévu à Saint-Hilaire, mais une instance de classement au titre des paysages ayant été signée, la procédure d'autorisation environnementale est suspendue, rendant l'avenir du projet incertain.

Dans le cas de Fleury-Mérogis, il ne s'agit pas d'un projet d'installation de stockage mais d'un programme d'aménagement agricole et de mise en culture réalisé sous maîtrise d'ouvrage de la commune, sur des terrains lui appartenant.

Enfin, à Cheptainville-Lardy, si la commune a été approchée, aucun projet d'installation de stockage n'a été déposé à ce jour auprès des services de l'État.

En tout état de cause, la création d'installations de stockage en Île-de-France répond à un réel besoin, évalué dans le plan régional de prévention et de gestion des déchets d'Île-de-France à 2 millions de tonnes par an jusqu'en 2025. Ce plan encourage le rééquilibrage des capacités de stockage de déchets inertes vers l'ouest et le sud de la région, la Seine-et-Marne accueillant actuellement environ 70 % du tonnage régional.

Mme Jocelyne Guidez.  - J'avais déjà posé la même question en 2021. Je regrette que le Gouvernement mette tant de temps à répondre...

Incohérences relatives à la gestion du loup en France

Mme Marta de Cidrac, en remplacement de M. Arnaud Bazin .  - M. Arnaud Bazin réitère ses questions posées il y a deux ans, reprises en août 2021 par le ministre chargé des relations avec le Parlement, mais restées sans réponse. La Commission européenne a estimé le 12 octobre 2021 que pour les paiements compensatoires, il y a « lieu de vérifier si les pertes d'animaux d'élevage sont réellement dues à la prédation par les loups ».

Déjà en 2010, la Cour des comptes estimait que « l'aide introduite en 2004 afin de se prémunir des attaques du loup dans le massif alpin a montré d'emblée de nombreuses faiblesses en matière de contrôle », propos repris par le rapport du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et du conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) de 2019. La France détient le taux de pertes ovines possiblement imputables au loup le plus élevé, mais c'est aussi le pays dont les aides publiques à la protection et à l'indemnisation des troupeaux sont les plus élevées eu égard au nombre de loups. Cette incohérence se doit d'être élucidée. Deux hypothèses : le nombre de pertes ovines possiblement dues aux loups est surestimé, ou la protection des troupeaux est inefficace voire non effective.

Quels sont les critères pour dissocier les pertes dues aux loups de celles dues à d'autres causes ? Quel est le pourcentage de relevés techniques réalisés sur le lieu de l'attaque rapporté au nombre de constats uniquement déclaratifs, le nombre de comptes rendus de visites et de contrôles sur place, de contrôle des schémas de protection et du cahier de pâturage ?

Selon la Commission européenne, « des données de suivi solides sont nécessaires », alors que le Gouvernement tend à approuver la demande des chasseurs et éleveurs de recompter les loups.

Le système de surveillance de l'office français de la biodiversité (OFB) sous-estime-t-il la population lupine ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le niveau élevé de prédation par le loup en France, malgré un financement public important des moyens de protection des troupeaux, s'explique à la fois par un élevage pastoral extensif, avec des troupeaux parfois nombreux dans les zones de présence du loup, et par la prédation de zones nouvelles n'ayant pas encore fait l'objet de mesures de protection. La France est le seul pays où le coût du gardiennage est pris en charge par la collectivité. Il est normal qu'en cas de doute sur l'attribution de la responsabilité d'un dommage à un prédateur, ce doute profite à l'éleveur. Mais les constats déclaratifs restent actuellement très minoritaires par rapport à ceux réalisés par des agents publics. Ils sont réservés aux troupeaux situés dans des départements de présence ancienne du loup, et aux cas d'attaques faisant moins de cinq victimes.

En dehors des zones nouvelles de prédation, les indemnisations de dommages sont conditionnées à la mise en place des mesures de protection. Des efforts sont faits : les 200 élevages concentrant 50 % de la prédation sont particulièrement accompagnés depuis 2020, et ces données alimentent l'Observatoire des mesures de protection, en cours de développement.

La mise en oeuvre effective des mesures de protection est contrôlée par l'État, dans le cadre de l'instruction des demandes de tirs de défense, et systématiquement avant chaque tir effectué par les louvetiers ou la brigade d'intervention de l'OFB.

La méthode française de suivi de la population de loups est l'une des plus complètes et efficaces en Europe. Cependant nous devons conserver la confiance entre tous les acteurs concernés, éleveurs comme chasseurs. Les efforts entrepris depuis fin 2021 ont porté leurs fruits, puisque davantage d'indices de présence ont été collectés au cours de l'hiver 2021-2022.

Le fait que les tirs augmentent la prédation est une hypothèse, ni confirmée ni infirmée. Des recherches sont encore en cours. En tout état de cause, depuis quelques années, une forte priorité est donnée aux tirs de défense, effectués sur des loups en situation d'attaque.

Bouclier tarifaire pour les copropriétés

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Je m'inquiète de la mise en oeuvre du bouclier tarifaire dans les copropriétés équipées d'un chauffage à gaz collectif et dans toutes celles dont les contrats de fourniture d'énergie sont indexés sur les marchés.

Entre les rattrapages de charges de l'année 2021 et les appels de charges pour 2023, de nombreux copropriétaires sont pris en étau avec le risque d'une multiplication des défauts de paiement voire l'abandon des projets de travaux, tout particulièrement en matière de rénovation énergétique. C'est paradoxal !

Le bouclier tarifaire n'est compensé qu'après les avances de charges et il est très nettement sous-dimensionné au vu de l'explosion du prix du gaz.

Ainsi, une copropriété du Parc Lubonis, à Nice, voit ses charges de chauffage prévisionnelles s'élever à plus de 600 000 euros. Le bouclier tarifaire ne s'appliquant qu'à hauteur de 91 076 euros, le reste à charge serait de 593 703 euros, soit une augmentation de 593 % !

Allez-vous enfin proposer un alignement du bouclier tarifaire des copropriétés au chauffage collectif au gaz sur celles équipées de compteurs individuels ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le bouclier pour les copropriétés au gaz couvre, comme le gel du tarif réglementé de vente de l'énergie (TRV) pour les ménages en contrat individuel, l'écart entre le TRV gelé et le TRV hors gel. Beaucoup de remontées indiquent que ce bouclier marche. C'est plus compliqué lorsque les copropriétés ont signé des contrats à prix fixes dans des conditions très défavorables, au-dessus des TRV hors gel ; les ministres concernés sont pleinement mobilisés pour assurer une égalité de traitement entre tous.

Le texte couvrant le deuxième semestre 2023 est sorti le 15 novembre, pour apporter une réponse dès que possible. Pour les contrats signés dans des conditions très défavorables qui ne sont pas bien couverts par le bouclier, le Gouvernement a prévu une aide ad hoc. La loi de finances pour 2023 permettra aux copropriétés qui disposent d'un contrat de fourniture de gaz de percevoir une aide équivalente aux boucliers directement sur leur facture. Si cela ne suffit pas, une aide spécifique répondra aux besoins de trésorerie dans l'attente du versement de l'aide bouclier.

Le Gouvernement est mobilisé pour que personne ne soit laissé de côté.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Les copropriétaires sont inquiets. Il reste beaucoup à faire car la régularisation n'interviendra que plusieurs mois après l'avance des fonds. C'est une véritable usine à gaz : fournisseurs d'énergie, copropriétaires et administration doivent s'accorder. Il y a urgence. Soyez vigilante pour éviter une explosion sociale !

Descente douce des trajectoires aéroportuaires

Mme Marta de Cidrac .  - Présentée lors des Assises nationales du transport aérien en 2021, la descente dite douce consiste à réduire les nuisances sonores des aéronefs commerciaux amorçant leur descente, lorsqu'ils sont à proximité des habitations et lorsque leur plan de vol ne permet pas d'autres itinéraires.

Depuis 2016, cette procédure est parfois utilisée pour les vols de nuit ou pour les périodes de moindre trafic. Même si sa généralisation aurait des conséquences sur l'organisation des flux aériens dans le ciel francilien, la Direction des services de la navigation aérienne (DSNA) prévoit un déploiement opérationnel du concept à Paris Charles-de-Gaulle à l'horizon 2023.

Pour de nombreux vols, notamment transatlantiques, la descente vers l'aéroport de Roissy commence dans le ciel yvelinois, ou du moins les départements de l'ouest francilien. Beaucoup de communes des Yvelines subissent donc d'insupportables nuisances sonores, nocturnes et diurnes, dues au trafic aérien. L'hypothèse d'une réduction du bruit est attendue avec impatience par nos concitoyens et par les élus locaux. La DSNA et Mme Borne, alors ministre des transports, prévoyaient une généralisation des descentes douces pour 2023. Alors que l'échéance approche, où en est cette mise en oeuvre opérationnelle ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La descente douce ou descente continue permet l'optimisation des profils verticaux de descente par les pilotes, facilitée en cela par des procédures de circulation aérienne adaptées basées sur des données de positionnement par satellite. Des études de conception de ces procédures ont été lancées par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Des tests grandeur nature, réalisés sur une des pistes d'atterrissage de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, ont permis d'analyser les impacts opérationnels, environnementaux et réglementaires de telles procédures. Les travaux techniques sont toujours en cours.

Le projet de mise en service de descentes douces à Paris-Charles de Gaulle sera présenté aux instances de concertation, et fera probablement l'objet d'un débat public organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP), préalablement à une enquête publique.

Mme Marta de Cidrac.  - Je vous remercie, mais ne perdons pas de vue l'objectif de 2023. Toutes ces communes attendent avec impatience des réponses opérationnelles contre ces nuisances très impactantes.

Locataires du parc social et coûts de l'énergie

M. Serge Babary .  - Malgré la mise en place d'un bouclier tarifaire, de nombreux locataires ne sont plus en mesure de s'acquitter des charges communes. Cette situation devrait s'aggraver en 2023 en raison de la hausse du prix de l'électricité pour les parties communes et du gaz pour les chaufferies collectives prévue dès le mois de janvier 2023.

En Indre-et-Loire, cette situation a conduit de nombreux locataires à manifester contre l'augmentation des charges communes, contraignant ainsi certains offices publics de l'habitat tels que Val-Touraine-Habitat à lisser les charges locatives.

Le delta facturé aux locataires du parc social restant élevé en dépit des mesures du Gouvernement, le nombre des impayés devrait considérablement augmenter dans les prochains mois.

Le bouclier tarifaire ne pourrait-il pas être plus favorable aux locataires du parc social, et ne pourrait-il pas s'appliquer aux bailleurs sociaux pour l'électricité des parties communes ?

Par ailleurs, depuis plusieurs mois, les fournisseurs ne répondent plus à leurs consultations pour l'achat de gaz et d'électricité, et prévoient même de couper les approvisionnements pour le 1er janvier 2023. Les bailleurs sociaux du département sont extrêmement inquiets. Quelles solutions envisagez-vous ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le décret du 9 avril 2022 a étendu le bouclier tarifaire gaz aux ménages chauffés collectivement au gaz naturel ou par un réseau de chaleur utilisant le gaz naturel. Comme pour les tarifs réglementés, ce bouclier a été étendu jusqu'au 31 décembre 2022. Un décret du 1er novembre précise les modalités pratiques de cette prolongation.

Un décret actuellement en concertation étendra prochainement le bouclier tarifaire aux ménages en chauffage collectif électrique. Ce bouclier sera rétroactif à partir du mois de juillet, et étendu sur l'année 2023. Il couvrira tous les logements, y compris ceux du parc social, ainsi que les parties communes. Le Gouvernement veut protéger tous les Français de la même manière, et travaille avec tous les acteurs pour ne laisser personne de côté.

Nous étudions comment les locataires avec un chauffage collectif pourraient mobiliser le chèque énergie pour régler directement leurs charges, ce qui pose des difficultés juridiques et opérationnelles. Dans cette attente, ils peuvent l'utiliser pour payer leur facture d'électricité individuelle liée à leur propre contrat.

M. Serge Babary.  - Les fournisseurs d'énergie ne répondent plus aux appels d'offres des bailleurs sociaux. Dans les relations de gré à gré, ils laissent parfois une heure ou deux pour prendre une décision sur un prix parfois extravagant, tandis que les contrats sont léonins sur la durée et les montants des dédits proposés.

Délestages et services d'eau potable et d'assainissement

M. Daniel Laurent .  - Entendez-vous réviser l'arrêté du 5 juillet 1990 fixant les consignes de délestage sur les réseaux électriques, afin d'y intégrer les services d'eau potable et d'assainissement parmi les activités relevant du service prioritaire ? En cas de débordement des eaux usées ou d'arrêt de fonctionnement des stations de pompage ou d'épuration, qui ne disposent pas toutes de groupes électrogènes, les risques sont importants en matière d'alimentation en eau potable, de sécurité incendie, ou de protection des milieux aquatiques.

En cette période de forte activité conchylicole, la filière s'inquiète des coupures d'électricité pouvant affecter les équipements d'assainissement collectif. Il est incompréhensible que les services publics de l'eau et de l'assainissement ne soient pas considérés comme prioritaires au vu des incidences en termes de salubrité publique et de pollution.

Alors que des aides de compensation sont prévues pour les entreprises de droit privé du secteur, les régies publiques ne seraient pas éligibles.

En Charente-Maritime, la régie d'exploitation des services d'Eau17 est le premier opérateur de production et de distribution d'eau potable sous statut d'établissement public à caractère industriel et commercial (Epic), dont les dépenses d'électricité devraient passer de 3 millions d'euros en 2021 à 8,6 millions d'euros en 2024.

Dans quelles conditions ces Epic peuvent-ils accéder aux mesures mises en place pour les collectivités ou les entreprises ? Il y a urgence.

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - Le Gouvernement a pris toutes les dispositions nécessaires pour aborder l'hiver dans les meilleures conditions possibles. Le premier levier activé est celui de la réduction de notre consommation d'électricité, qui s'intègre dans la démarche plus globale du plan de sobriété énergétique.

Le second levier est celui de la maximisation des moyens de production. Cela passe par le suivi rapproché de la disponibilité nucléaire et par la sécurisation de nos approvisionnements en gaz, et aussi par l'accélération des projets d'énergies renouvelables en cours ou par l'autorisation d'usages à des seuils supérieurs au cadre usuel.

Si le système électrique était confronté à une situation de tension inédite et si tous les autres leviers activés se révélaient insuffisants, la Première ministre a précisé que des coupures locales, ciblées et temporaires pourraient théoriquement intervenir en dernier recours pour certains usagers raccordés aux réseaux publics de distribution d'électricité.

Les installations d'eau potable et d'assainissement ne sont pas explicitement prévues par l'arrêté du 5 juillet 1990. Pour autant, elles peuvent être prises en compte dans l'exercice de priorisation à l'échelon local réalisé par les préfets. Le Gouvernement a conscience de la nécessité de revoir les critères de priorité. Les évolutions éventuelles ne devront toutefois pas trop élargir le champ, étant donné que les consommations électriques préservées ne doivent pas dépasser 38 % de la consommation du département. Ce travail pourra être mené en 2023, à l'aune du retour d'expérience de l'hiver 2022-2023.

M. Daniel Laurent.  - La circulaire transmise aux préfets précise qu'ils devront porter une attention particulière aux gestionnaires des services publics d'eau et d'assainissement. Nous risquons de graves problèmes sanitaires si l'assainissement ne fonctionne pas.

Réparation d'éoliennes

Mme Brigitte Lherbier .  - Bien des élus locaux ne comprennent pas pourquoi de nouvelles implantations d'éoliennes sont autorisées, alors que d'anciennes doivent être réparées, voire démantelées. La côte d'Opale, de Dunkerque à Berck, est un lieu pionnier en la matière. À Widehem, j'ai constaté que des pales étaient, pour la plupart, manquantes ou cassées. Certaines éoliennes, mises en service en 2000 et 2001, souffrent encore des dégâts de la tempête du 6 janvier 2012. Aucune réparation n'est constatée.

Chaque élu lutte contre la pénurie d'énergie, mais il faut aussi préserver nos sites naturels de la pollution visuelle. Comment obligerez-vous les opérateurs à entretenir rigoureusement et rapidement le parc ?

Mme Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité .  - La ministre de la transition énergétique a lancé un grand plan d'accélération des énergies renouvelables, avec trente textes réglementaires pris cet été, notamment pour mieux organiser les services de l'État. L'Assemblée nationale examine le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, volet législatif du plan. Son article 3 prévoit des zones d'accélération, et l'article 1er dispose que seules les incidences sur l'environnement résultent des extensions.

Pour le moment, c'est l'arrêté du 26 août 2011 qui est en vigueur. Il a été modifié en décembre 2021 pour étendre l'obligation de démantèlement aux renouvellements. Le Conseil de l'Union européenne Énergie du 24 novembre a fixé un délai maximum de six mois pour l'octroi de permis aux projets de repowering, ce qui devrait donner lieu à un règlement européen dans les prochaines semaines.

Registre des procurations

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - L'article 3 de la Constitution dispose que le suffrage est universel, égal et secret. Or pour les élections sénatoriales des Français établis hors de France, l'atteinte de la procuration au secret du suffrage est disproportionnée. En effet, l'article 51 de la loi de 2013 prévoit que la liste d'émargement est déposée sur la table du bureau de vote pendant les opérations de vote, sans mentionner de communication préalable. Or en pratique, le secrétariat de l'Assemblée des Français de l'étranger (AFE) la transmet aux électeurs qui la demandent. Le collège ne comptant que 553 grands électeurs, il est aisé de deviner le vote du mandant selon la sensibilité du mandataire.

Ainsi, j'ai eu des retours négatifs à la suite de la communication du registre, avec de nouvelles procurations par crainte de représailles politiques. La loi doit être strictement interprétée. L'administration ne devrait-elle pas limiter la communication du registre des procurations à une consultation papier le jour du vote ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - En 2022, 3,7 millions de procurations ont été établies. Le Conseil constitutionnel reconnaît ce droit, qui fait l'objet d'une procédure encadrée. Seul le registre permet à l'électeur de soulever le grief de l'irrégularité de la procuration auprès du juge électoral.

Désormais extrait du répertoire électoral unique, il comprend, par souci d'effectivité, l'identité du mandant et du mandataire, garantie pour l'électeur et pour les membres du bureau de vote. Dès lors, sa mise à disposition, même pour un collège peu nombreux, est indispensable.

La seule identification du mandant et du mandataire n'est pas une divulgation réelle du choix de l'électeur. Les pressions et les éventuelles manoeuvres altérant la sincérité du scrutin doivent faire l'objet d'une saisine.

Nouvelles mesures pour le financement du permis de conduire

M. Pascal Martin .  - Pour les jeunes, le permis de conduire est un passeport vers l'autonomie, notamment dans les zones rurales et périurbaines. Or nous sommes face à une double réalité : les mesures pour baisser le coût du permis ne sont pas opérantes et l'inflation renchérit les frais des écoles.

Il faut des mesures concrètes pour aider les jeunes à accéder à la mobilité et à l'emploi. Les professionnels proposent la portabilité du compte personnel de formation (CPF) au sein de la cellule familiale : les parents pourraient l'utiliser pour financer le permis de leurs enfants, sans impact financier pour l'État.

Cela s'inspire de la portabilité des pensions de réversion et des RTT, au bénéfice de ceux qui en ont le plus besoin, et renforce la solidarité intergénérationnelle. Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Le CPF apporte des droits attachés à la personne en application de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il est alimenté à l'issue de l'année travaillée et reste acquis même en changeant d'employeur. Il ne peut faire l'objet d'un don, car il est financé par un fonds mutualisé issu de la contribution à la formation professionnelle versée par les entreprises, au bénéfice de deux millions de titulaires par an.

De ce fait, les droits CPF ne sont pas cessibles. Le permis de conduire est déjà éligible au CPF, et le Gouvernement prévoit des aides pour les jeunes, les apprentis, les demandeurs d'emploi et les personnes en situation de handicap. Ainsi, chaque jeune âgé de 15 à 25 ans a accès au permis à 1 euro par jour.

M. Pascal Martin.  - Le CPF est un progrès social incontestable, mais il faut envisager de le rendre cessible. Cela compléterait les aides des communes aux jeunes en difficulté.

Législation sur les forêts cinéraires

Mme Elsa Schalck .  - Un nombre croissant de citoyens et d'élus appellent de leurs voeux une évolution sociétale : faire de la forêt sa dernière demeure. La forêt cinéraire offre des lieux de mémoire et de recueillement en pleine nature et une alternative économique et écologique à des cimetières où il reste peu de place. Une centaine de sites existent en Suisse, au Luxembourg et en Allemagne, où la première a été créée il y a 21 ans.

La commune d'Arbas, en Haute-Garonne, est la première en France à avoir développé un projet de forêt cinéraire. Son cas illustre les blocages administratifs, avec des contradictions entre les différents services de l'État. Ainsi, on peut disperser gratuitement les cendres en pleine nature, mais les urnes biodégradables sont interdites, car elles doivent conserver les cendres.

Des communes alsaciennes recherchent d'autres solutions. Dans le Bas-Rhin, Muttersholz a décidé d'implanter une telle forêt avec des urnes en matériaux naturels, tandis qu'Illkirch-Graffenstaden crée un jardin des souvenirs alliant nature et lieux de mémoire.

Comment accompagnerez-vous les communes s'engageant dans un tel projet ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Les projets de forêt cinéraire sont des sites cinéraires isolés, c'est-à-dire situés hors d'un cimetière et non contigus à un crématorium. Ils relèvent donc de la commune et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

Ces projets ne sont pas conformes au droit, car l'inhumation d'une urne biodégradable après réservation d'un emplacement revient à faire payer aux familles des prestations qui devraient être gratuites. La dispersion des cendres à l'issue de la crémation, possible en forêt, ne peut donner lieu à une sépulture matérielle.

L'État demeure à la disposition des collectivités, dans le respect du droit en vigueur, pour créer des sites cinéraires isolés, plus écologiques que les cimetières.

Hélicoptère de sécurité civile dans le Pas-de-Calais

M. Jean-François Rapin .  - En 2015, les moyens de la sécurité civile du Pas-de-Calais se sont vus amputés de leur hélicoptère Dragon 62, transféré en Guyane - je ne conteste pas les moyens complémentaires nécessaires sur place. Néanmoins, le Dragon 62, implanté au Touquet, répondait à des besoins particuliers, avec la hausse du tourisme autour des trois estuaires et le problème migratoire, qui supposent surveillance et interventions.

Les élus du département et les services de secours appellent à repenser l'implantation de cet hélicoptère au Touquet, soit à l'année, soit, au pire, à l'été. À l'aune du schéma d'implantation en cours de réexamen, que compte faire le Gouvernement ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - La flotte de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des risques compte 35 hélicoptères, qui seront portés à 37 dans quelques jours. Les nouveaux appareils - deux en 2021, et deux en 2022 - résolvent en partie les défaillances logistiques du prestataire et le vieillissement des EC 145. Cependant, l'équilibre entre les ressources humaines et techniques est délicat : un détachement permanent est resté fermé pendant un an.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) fixe une cible à 40 appareils, qui remplira le contrat opérationnel. Une étude sur l'implantation sera alors conduite, avec la faisabilité d'une base sur la zone de défense Nord.

Les Hauts-de-France ont sept hélicoptères, dont trois d'État : quatre du service mobile d'urgence et de réanimation (HéliSmur), ainsi qu'un EC 145, un Écureuil de la Gendarmerie nationale et un Dauphin de la marine nationale. Cela compense l'absence de l'hélicoptère de la sécurité civile.

M. Jean-François Rapin.  - Le Samu n'intervient pas comme la sécurité civile. De plus, vous avez mentionné le Dauphin de la marine nationale. Or il est impossible de coordonner la sécurité civile, le Samu et la marine nationale, car son hélicoptère ne peut être mobilisé à tout instant.

Situation de l'Agence nationale du traitement informatisé des infractions

M. Didier Marie .  - La ville de Rouen a conclu une convention avec l'Agence nationale du traitement informatisé des infractions (Antai), chargée de l'envoi du forfait post-stationnement (FPS) à l'adresse de la carte grise des propriétaires de véhicules en défaut de paiement de redevance de stationnement.

Si ce FPS n'est pas acquitté dans les délais, la direction générale des finances publiques (DGFiP) adresse un avertissement avec une majoration à hauteur de 50 euros. Mais un grand nombre d'usagers indiquent ne pas l'avoir reçu et saisissent la commission du contentieux du stationnement payant (CCSP), qui interroge l'Antai.

Celle-ci n'apportant jamais la preuve demandée, la CCSP annule systématiquement la majoration et demande à la collectivité d'adresser cette décision d'annulation à l'Antai, qui doit prévenir la DGFiP pour procéder au remboursement. Ce n'est pas toujours fait, car les requérants sollicitent la CCSP pour faire exécuter les décisions. La collectivité craint donc que cela aboutisse à des condamnations pécuniaires à son encontre.

Comment simplifier ces procédures ?

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - L'Antai assure l'édition et l'envoi des avis de paiement des FPS et, en cas d'impayé après trois mois, émet le titre, qui permet la majoration de 50 euros pour le compte de l'État.

En 2021, elle a ainsi adressé plus de 11 millions d'avis de paiement de FPS, dont 132 000 pour la ville de Rouen.

La CCSP ne reconnaît pas la valeur de preuve aux informations ayant transité par la collectivité. L'Agence propose donc depuis 2021 une interconnexion informatique avec la CCSP pour transmettre les éléments de preuve.

Contrairement à ce qui a été dit, l'Antai transmet systématiquement à la DGFiP les messages d'annulation de FPS envoyés par les collectivités, mais l'augmentation du nombre de requêtes déposées devant la CCSP au fil des ans - plus de 150 000 en 2021 - a mécaniquement allongé les délais de traitement des dossiers. Dans certains cas, les dossiers peuvent avoir été sortis pour archivage dans les trésoreries, ce qui allonge encore les délais.

Transformation en projet de loi de la proposition de loi constitutionnelle sur l'IVG

Mme Mélanie Vogel .  - Les députés ont adopté à une écrasante majorité, le 24 novembre, la proposition de loi de Mathilde Panot visant à introduire le droit à l'avortement dans la Constitution. Le Gouvernement s'est déclaré, depuis la réélection d'Emmanuel Macron, favorable à cette modification de la Constitution, contrairement à ce qui était le cas dans le précédent mandat, mais je m'en félicite... Comptez-vous déposer pour cela un projet de loi, véhicule législatif le plus approprié car une proposition ne peut être adoptée en Congrès, mais doit être soumise à référendum ? Celui-ci ne paraît ni nécessaire ni justifié démocratiquement : pourquoi dépenser des dizaines millions d'euros pour poser une question dont on connaît la réponse, puisque 86 % de la population y est favorable ? En outre, la campagne référendaire donnerait une tribune pendant des mois à des opposants à un droit défendu par une écrasante majorité.

Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté .  - Le droit à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est l'un de nos droits fondamentaux les plus absolus. Nul ne doit pouvoir retirer aux femmes le droit de disposer de leur corps !

Le Président de la République avait voulu l'inscrire dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

La décision choquante et incompréhensible de la Cour suprême des États-Unis n'a fait que nous renforcer dans cette volonté. Certes, le droit à l'IVG est mieux protégé ici, mais ne prenons pas de risque !

Le Gouvernement soutient donc toutes les initiatives parlementaires en ce sens, comme la vôtre le 19 octobre dernier, qui évoquait également la contraception et a été rejetée de seulement dix-sept voix, ou, le 24 novembre dernier, celle de la présidente Panot, largement adoptée à l'Assemblée nationale. Il revient désormais au Sénat de se prononcer sur cette nouvelle version plus à même de faire consensus, car elle ne mentionne pas la contraception. En matière de révision constitutionnelle, les deux chambres doivent en effet donner leur accord tant sur les projets que sur les propositions de loi.

Situation de la filière foie gras périgourdine

M. Serge Mérillou .  - Noël approche, mais le foie gras du Périgord se fera malheureusement rare sur les tables. Le 6 décembre, trois nouveaux foyers d'influenza aviaire ont été détectés en Dordogne, menaçant 600 éleveurs du Périgord, et avec eux toute une économie basée sur la vente directe ou l'agrotourisme. L'activité a été réduite de 60 %, après un arrêt total pendant la crise sanitaire.

Plans de mise à l'abri, de claustration et d'abattage des bêtes... Ces moyens de lutte contre la propagation de l'épidémie sont efficaces et nécessaires, mais il nous faut un vaccin, et vite !

Face aux pertes colossales, il faut soutenir des éleveurs pris à la gorge. Certains n'ont pas encore reçu le solde des abattages d'avril et sont à nouveau contraints de réduire leur nombre d'animaux.

Il y a urgence. Pourtant, les aides et subventions de l'État ne sont pas à la hauteur des dépenses de mise aux normes, de l'achat de nouveaux animaux, des frais énergétiques en hausse...

Envisagez-vous de renforcer les aides accordées à la filière ? Avez-vous plus de précisions à apporter aux éleveurs concernant le vaccin ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Cette filière est durement touchée. Nous avons été obligés de renforcer les mesures de protection en passant le niveau de risque à « élevé » sur tout leur territoire national. Les aides ne seraient pas à la hauteur ? Un milliard d'euros sur presque 7 milliards de chiffre d'affaires, ce n'est pas rien. Mais un certain nombre d'éleveurs, victimes pour la deuxième fois de cette épidémie, rencontrent des problèmes de trésorerie. J'ai donc décidé du versement d'une seconde avance à partir de la mi-janvier pour les éleveurs ayant déposé un dossier avant la fin de l'année.

Nous tentons de dédensifier les élevages pour être plus résilients.

Nous avons obtenu d'expérimenter la vaccination dans cinq pays d'Europe, dont la France. D'ici fin décembre ou début janvier, nous saurons si c'est faisable. Dès le début de l'année, nous verrons comment la déployer. Nous devons aussi nous assurer que les pays vers lesquels nous exportons l'acceptent.

Coût de l'électricité pour les agriculteurs

Mme Martine Filleul .  - Les agriculteurs de Wambaix, dans le Nord, sont dans une situation alarmante : les plants de pommes de terre doivent être conservés dans des bâtiments frigorifiques à une température de 2 degrés pendant plus de sept mois avant d'être expédiés aux agriculteurs chargés de les planter. Or les contrats d'électricité arrivent à leur terme et le prix du kilowattheure augmente fortement.

Leur consommation ne leur permet pas de bénéficier du bouclier tarifaire. Malgré des travaux d'isolation, les factures pourraient connaître jusqu'à 500 % d'augmentation par rapport à 2021 !

Si les plants ne sont pas réfrigérés, la production de pommes de terre, déjà réduite en raison de la crise de la covid, de la multiplication des pucerons et des sécheresses de cet été 2022, chutera.

Le Nord est le premier producteur de ce produit populaire, aliment préféré des Français, qui en nourrit des millions. Que comptez-vous faire ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le Nord est effectivement très important pour la production de semences. Pour atténuer la hausse des prix de l'énergie, les producteurs de plants de pommes de terre et d'endives bénéficient d'une taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) à son minimum légal européen et de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh).

Le plan de résilience a permis d'abonder dès cette année l'enveloppe de prise en charge des cotisations sociales à hauteur d'environ 60 millions d'euros supplémentaires pour les exploitations confrontées à des hausses de charges significatives. Comme Roland Lescure et Bruno Le Maire l'ont indiqué, nous déterminons des dispositifs pour des filières très spécifiques comme celle que vous citez, tels que des prêts ou des prêts garantis par l'État (PGE).

Enfin, j'ai lancé un plan de souveraineté Fruits et légumes visant à améliorer la résilience face aux questions énergétiques, notamment par la décarbonation.

Mme Martine Filleul.  - Je me réjouis de ces nouvelles mesures. Les agriculteurs ont vraiment besoin de vous et notre souveraineté alimentaire est en jeu.

Mesures agroenvironnementales et climatiques dans le marais poitevin

M. Philippe Mouiller .  - Le marais poitevin, zone humide de 110 000 hectares, est aménagé en totalité et l'agriculture y occupe une place prépondérante. Les prairies naturelles humides constituent le principal habitat naturel à préserver.

Depuis plus de vingt ans, l'État, les collectivités territoriales, les gestionnaires, les chambres d'agriculture mettent en oeuvre la stratégie de reconquête du marais dans ce sens.

Mais les mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec), qui jouent un rôle central, doivent être révisées en 2023. Des éleveurs, notamment deux-sévriens, n'y auront plus accès et l'obligation de réaliser un diagnostic d'exploitation et d'élaborer un plan de gestion pour chaque parcelle apporte de la complexité. L'exploitant agricole aura l'obligation de suivre une formation dans les deux premières années de son contrat et d'enregistrer ses pratiques au fil de l'année.

Les budgets devraient être réduits : les montants des indemnités par hectare vont être revus à la baisse.

Quelles mesures entendez-vous proposer afin de préserver cette zone humide ?

M. Marc Fesneau, ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire .  - Le catalogue national des Maec 2023-2027 a été élaboré lors d'une concertation sans précédent.

Chaque cahier des charges est assorti d'un montant unitaire national qui permet de compenser les surcoûts et manques à gagner résultant de la mise en oeuvre des obligations prévues. Ces montants ont fait l'objet d'une vérification approfondie par un organisme extérieur à l'administration. C'est le cas pour les zones basses de prairies dans les marais pour un montant de 216 euros par hectare et par an. La différence de rémunération avec les mesures précédentes provient d'une révision des modalités de calcul : les surcoûts liés aux pratiques de fertilisation ne sont plus rémunérés, la baisse du montant unitaire pourra donc être compensée par une augmentation des surfaces. L'absence de rémunération de l'interdiction permet d'ouvrir la mesure sur tout le territoire. Le cumul entre ces mesures et la MSC protection des espèces a été rendu possible à l'échelle de l'exploitation.

Je suis prêt à me pencher sur la question des lourdeurs administratives : il n'est pas anormal de demander des éléments attestant que les mesures sont bien mises en oeuvre, mais il faut alléger les démarches autant que possible.

Fiscalité applicable à l'accueil familial

Mme Catherine Deroche .  - Je souhaite obtenir des précisions sur le régime fiscal applicable à l'une des solutions pour la prise en charge des personnes en perte d'autonomie, l'accueil familial. La doctrine fiscale nous dit que les personnes qui sont contraintes d'y recourir bénéficient du maintien des avantages fiscaux applicables à l'aide à domicile, notamment du crédit d'impôt. Mais elle ne précise pas si le recours à un organisme tiers pour la coordination et la mise en oeuvre d'un séjour en accueil familial aux côtés des conseils départementaux ouvre droit, lui aussi, à ce crédit d'impôt.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Dans le cadre de l'accueil familial, la personne hébergée signe avec l'accueillant un contrat en fixant les conditions, notamment la rémunération et les charges telles que la préparation des repas. Ces prestations entrent pleinement dans le champ du crédit d'impôt, au titre du maintien des avantages fiscaux dont aurait bénéficié la personne accueillie dans le cadre d'une aide à domicile.

Votre question renvoie plus précisément aux activités de coordination et d'intermédiation, qui peuvent notamment être réalisées par des groupements de services à la personne ou des associations. Selon la circulaire du 11 avril 2019, les dépenses engagées à ce titre ouvrent droit au crédit d'impôt lorsque la prestation est réalisée au domicile du contribuable. Par conséquent, le crédit d'impôt s'applique également dans le cadre de l'accueil familial.

Mme Catherine Deroche.  - Alors que nous attendons la loi sur le grand âge, nous avons besoin d'un éventail de solutions aussi large que possible ; l'accueil familial y a toute sa place, notamment dans le contexte de la fin de vie. Merci pour cette clarification.

Conséquences de la dissolution de Novarhéna

M. Christian Klinger .  - Le projet Novarhéna avait été lancé en grande pompe, annoncé par la ministre de l'époque comme la référence en matière d'économies bas carbone. On nous promettait un espace frontalier générant 130 millions d'euros de volume d'affaires, avec l'extension du port rhénan et une nouvelle zone industrielle. Novarhéna devait être la locomotive de la reconversion de Fessenheim ; c'est un fiasco à un demi-million d'euros puisque la structure a été dissoute en octobre.

La fermeture de la centrale de Fessenheim était une décision politique et idéologique, mais surtout une erreur, car la centrale, sûre et rentable, faisait vivre plus de deux mille foyers. Emmanuelle Wargon avait annoncé que le Gouvernement serait au rendez-vous le moment venu. Nous y sommes. À quoi a servi ce demi-million, et qu'envisagez-vous pour recréer ces deux mille emplois perdus ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - L'annonce de la fermeture de la centrale de Fessenheim, qui a animé la vie du territoire pendant quarante ans, en a profondément remis en cause le modèle économique et social de développement.

L'industrie du futur, l'innovation, les énergies, la culture et l'agriculture sont autant d'opportunités de reconversion. L'État s'est engagé dans un projet de territoire pour en faire un modèle de transition et d'innovation. C'est dans ce contexte que la société d'économie mixte (SEM) Novarhéna a été créée en 2019.

Ce projet de territoire s'est déjà concrétisé dans le domaine du photovoltaïque, de la méthanisation, dans l'extension du port de Colmar-Neuf-Brisach et avec le lancement de la zone d'activité de Novarhéna.

La décision de dissolution de la SEM a été prise compte tenu de la faible surface à laquelle elle pouvait candidater, mais le projet de territoire n'est aucunement remis en cause. De nombreux projets à l'étude témoignent ainsi de notre ambition constante : rénovation de la ligne de fret Colmar-Volgelsheim, renforcement de la plateforme d'accélération vers l'industrie du futur du Cetim, ligne ferroviaire Colmar-Fribourg, reconstruction du dernier pont sur le Rhin. Citons également le projet de technocentre porté par EDF et Orano pour la mise en place d'une économie circulaire au sein de la filière nucléaire, avec des moyens financiers importants mobilisés dans le cadre du plan de relance.

Fessenheim est ainsi un emblème des enjeux territoriaux de la transition énergétique.

M. Christian Klinger.  - Ce qui manque, ce sont les réalisations concrètes pour compenser le poumon économique qu'était Fessenheim, qui produisait 1 800 mégawatts d'énergie à bas carbone. Nous en importons aujourd'hui 2 600 d'Angleterre et 5 800 d'Allemagne, produits à partir de charbon et de gaz. La pollution atmosphérique a été multipliée par huit suite à la remise en route de ces usines.

Utilisation abusive de la location-gérance et droits des salariés

Mme Annie Le Houerou .  - Dans les Côtes-d'Armor, Carrefour envisage de confier la gestion de son hypermarché de Langueux, près de Saint-Brieuc, à une entreprise tierce dans le cadre d'une location-gérance. Ce serait également le cas à Guingamp et à Paimpol. À Langueux, les 230 salariés sont inquiets. Avec la location-gérance, Carrefour souhaite éviter de payer les salariés dans les conditions prévues au sein du groupe. C'est intéressant pour les dirigeants et les actionnaires, beaucoup moins pour les salariés qui perdront les avantages sociaux de l'entreprise mère.

Le groupe a présenté en novembre son plan stratégique, qui prévoit 4 milliards d'euros d'économies en quatre ans. Carrefour affirme que la location-gérance est mise en place dans les magasins déficitaires, pour éviter les fermetures. Mais nous sommes inquiets du risque de casse sociale alors que le groupe est bénéficiaire. Comment le Gouvernement envisage-t-il d'encadrer ce système pour éviter que Carrefour n'en abuse au détriment des salariés ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - La location-gérance, utilisée par deux mille entrepreneurs, modifie la situation juridique de l'employeur de manière encadrée. Tous les contrats de travail en cours subsistent. Selon l'analyse de la Cour de cassation, la location-gérance à Carrefour n'entraînera aucune modification des éléments essentiels du contrat de travail, dont la rémunération.

En revanche, la location-gérance emporte la mise en cause des accords collectifs. Les accords d'origine restent applicables en attendant l'entrée en vigueur des accords de substitution, dans une limite de quinze mois. Au-delà, en l'absence d'accord, les salariés conservent la garantie d'une rémunération annuelle ne pouvant être inférieure à celle qui a été versée lors des douze derniers mois.

Concernant la convention collective de branche, soit celle qui s'applique dans le nouveau cadre est la même que la convention d'origine, soit elle est différente et, dans ce cas, la convention d'origine cesse de s'appliquer après quinze mois. En l'espèce, c'est la convention collective du commerce de détail et de gros qui devrait continuer à s'appliquer.

Il n'est donc pas nécessaire de modifier la législation en vigueur.

Situation des boulangeries

M. Bruno Belin .  - Alors que la baguette vient d'être sacralisée par l'Unesco, nos 33 000 boulangeries voient leur trésorerie asphyxiée par la hausse du coût de l'énergie. Les boulangers sont les mineurs de fond de l'alimentation. Alors que commence la haute saison, nous devons les aider à traverser les six prochains mois.

Il y a plusieurs pistes : décaler le remboursement des prêts garantis par l'État (PGE) et réinjecter les sommes ainsi dégagées dans l'amélioration thermique et énergétique, geler les contributions Urssaf ou la TVA, inciter les banques à se montrer plus aidantes, demander à la grande distribution, qui se targue de vendre pour quelques centimes un produit culturellement si important, de constituer un fonds pour alimenter leur trésorerie.

Nous avons besoin d'un « quoi qu'il en coûte » dans les prochains mois pour ce secteur d'activité si important pour les territoires : les premières boulangeries à craquer sont les plus fragiles, en milieu rural.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Je partage vos préoccupations. Depuis le mois de septembre, nous sommes en lien constant avec les entreprises. Celles qui ne sont pas incluses dans le bouclier tarifaire font face à la double hausse des coûts de l'énergie et des matières premières. Nous agissons dans trois directions.

D'abord, nous avons demandé des comportements responsables aux fournisseurs, avec l'élaboration d'une charte. Ensuite, nous avons mis en place les conseillers départementaux à la sortie de crise. Enfin, il y a les aides aux entreprises touchées, en sus de l'Arenh (accès régulé à l'électricité nucléaire historique), qui ont été constamment améliorées. Bruno Le Maire a ainsi annoncé un soutien supplémentaire, à compter du 1er janvier 2023, aux entreprises très consommatrices d'énergie.

Avec l'amortisseur électricité destiné à toutes les TPE-PME inéligibles au bouclier tarifaire, l'État prendra en charge une partie de la facture au-delà de 180 euros par MWh. Parmi ces entreprises, celles qui sont très électro-intensives et dont la facture représente plus de 3 % du chiffre d'affaires après application de l'amortisseur bénéficieront du soutien supplémentaire.

L'État prend ainsi à sa charge 35 % de la hausse de la facture d'électricité.

Certes, les hausses restant à la charge des entreprises sont importantes, même avec l'aide. Mais les entrepreneurs savent que les efforts doivent être équitablement répartis ; tous font face à des choix difficiles, en matière de réorganisation de la production ou d'établissement de prix. Je vous encourage à diffuser la liste des conseillers départementaux à la sortie de crise aux entrepreneurs que vous rencontrerez.

Menace sur la souveraineté agricole

M. Gilbert Bouchet .  - Le syndicat intercommunal d'irrigation drômois (SID) se trouve dans une situation préoccupante avec l'augmentation des prix de l'électricité. La Drôme est le premier département agricole de la région Auvergne Rhône-Alpes, avec un chiffre d'affaires de 760 millions d'euros. Le SID regroupe 126 communes de la Drôme et deux de l'Isère, pour une consommation électrique de 67 GWh annuels. À la veille de conclure un nouveau contrat de fourniture d'électricité, il ne peut assumer le surcoût lié à la flambée des prix.

Comme vos services me l'ont indiqué, monsieur le ministre, il bénéficiera de l'amortisseur électricité, soit un gain de 3,6 millions d'euros, mais cela reste insuffisant. Le SID, qui présente un profil atypique de consommation concentré sur l'été, souhaite un bouclier tarifaire spécifique pour les consommations liées à l'irrigation, pour contenir l'augmentation du coût à 30 % par rapport à 2022, avec un plafond à 120 euros le KWh. Que proposez-vous pour répondre à cet appel à l'aide ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Le Gouvernement est mobilisé face à la hausse des coûts, en appliquant une méthode, celle de l'écoute. Bercy s'est mobilisé pour répondre aux inquiétudes, en adaptant les aides au besoin. Concernant le SID, Bruno Le Maire a demandé à son cabinet de vous contacter le 8 décembre dernier. Il lui a été confirmé qu'il pouvait prétendre aux dispositifs mis en place par le Gouvernement. En 2022, le SID devrait toucher 1,5 million d'euros à ce titre ; et pour 2023, si la facture est vraiment de 30 millions d'euros - et je vous invite à la transmettre au cabinet de Bruno Le Maire - il recevrait 6,5 millions d'euros.

Le 6 décembre, le ministère a publié tous les contacts disponibles pour répondre aux interrogations. Le site impots.gouv.fr propose ainsi une foire aux questions et un simulateur de calcul des aides qui fournit des renseignements précis. Il y a aussi un numéro vert ainsi qu'un point de contact dans chaque département, en la personne du conseiller départemental à la sortie de crise. Vous pouvez compter sur l'engagement de Bercy.

Compensation de l'augmentation des indemnités des élus des petites communes

Mme Frédérique Puissat .  - Je vous sais sensible, monsieur le ministre, à l'engagement des conseillers municipaux, adjoints et maires, singulièrement dans les petites communes rurales, qui disposent de services réduits.

Comme d'autres parlementaires, je souhaite interroger le Gouvernement sur l'évolution de la dotation particulière « élu local » (DPEL).

Vous me répondrez sans doute que son enveloppe a connu plusieurs augmentations depuis 2017. En même temps, cette dotation a donné lieu à une communication intense, laissant peut-être entendre aux élus que les indemnités seraient compensées par l'État sinon intégralement, du moins à 80 ou 90 %.

Or la réalité est tout autre. Ainsi, Oris-en-Rattier, commune de l'Isère de moins de 500 habitants, supporte une dépense annuelle de 22 000 euros pour les indemnités de son maire et de ses trois adjoints - soit 450 euros par mois pour chacun -, mais ne perçoit que 6 000 euros au titre de la DPEL, un montant qui n'a pas évolué ces dernières années.

Entre la communication et la réalité, n'y a-t-il pas une différence ? N'y a-t-il pas là une difficulté sur laquelle nous avons tous à travailler ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Conscient de l'implication permanente des élus locaux, le Gouvernement a revalorisé, dans la loi du 27 décembre 2019, les plafonds des indemnités de fonction des maires et adjoints, en portant une attention particulière aux élus des petites communes : le barème indemnitaire a été augmenté de 50 % dans les communes de moins de 500 habitants, de 30 % dans les communes de 500 à 999 habitants et de 20 % dans les communes de 1 000 à 3 499 habitants.

Pour accompagner cette évolution, la loi de finances pour 2020 a accru de 28 millions d'euros la DPEL, la portant à près de 93 millions d'euros ; 8 millions d'euros supplémentaires ont été mobilisés par la loi de finances rectificative pour 2020.

Ce soutien de l'État, nécessaire, bénéficie aux communes rurales les moins peuplées et dont les budgets sont les plus contraints. Après dix ans de stagnation, les 36 millions d'euros supplémentaires dégagés en 2020 sont un gage de reconnaissance de l'engagement de nos élus.

Par ailleurs, toutes les communes bénéficieront l'année prochaine de l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement, à hauteur de 320 millions d'euros, dont 200 millions d'euros pour la dotation de solidarité rurale, au titre de laquelle Oris-en-Rattier a perçu cette année 4 907 euros.

Mme Frédérique Puissat.  - Entre les grands chiffres annoncés dans cet hémicycle et le ruissellement sur les territoires, les différences sont parfois notables.

Une génération d'élus va s'en aller : alors que nous pourrions avoir du mal à les renouveler, travaillons ensemble à une meilleure reconnaissance de leur engagement et regardons comment les financements ruissellent -  y compris jusqu'à Oris-en-Rattier...

Secrétaires de mairie des petites communes

Mme Patricia Schillinger .  - Pas une semaine ne passe sans que maires et élus municipaux, dont nous sommes les porte-voix, ne soulignent l'importance de leur secrétaire de mairie. Budget communal, documents administratifs et techniques, accueil des habitants, gestion des ressources humaines : autant de tâches pour lesquelles ces agents sont essentiels. Dans nos petites communes rurales, ils incarnent la République décentralisée.

Pourtant, ils sont en voie de disparition. Le déficit de reconnaissance s'est creusé année après année, et le métier a nettement perdu en attractivité. Résultat : nos élus peinent à pourvoir les postes vacants.

Ce problème, s'il s'aggrave, n'est pas nouveau : il a été soulevé lors du déploiement des maisons France Services. Le ministère de la transformation et de la fonction publiques avait chargé l'Association des maires de France de proposer des solutions. En octobre 2021, celle-ci a présenté 26 préconisations visant notamment à modifier le statut des secrétaires de mairie et à créer un groupement d'employeurs. L'attractivité de ces carrières figurait aussi parmi les chantiers de la Conférence sur les perspectives salariales de la fonction publique.

Quelles sont les prochaines étapes envisagées par le Gouvernement pour améliorer les conditions d'exercice de ce métier en tension, et selon quel calendrier ? Les attentes sont fortes sur le terrain.

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - Stanislas Guerini, empêché, m'a chargé de vous répondre.

Les secrétaires de mairie jouent, en effet, un rôle fondamental pour le bon fonctionnement de nos communes, notamment les plus rurales.

Les maires disposent d'outils pour mieux prendre en compte les conditions d'exercice de ces agents, gérer leur planning lorsque les intéressés sont rattachés à plusieurs employeurs - situation fréquente dans les petites communes et qu'il faut continuer à accompagner - et mieux reconnaître leurs responsabilités en termes de rémunération. À cet égard, les secrétaires de mairie peuvent bénéficier d'un régime indemnitaire allant jusqu'à 12 600 euros bruts annuels en catégorie C.

Pour mieux valoriser ce métier, le gouvernement précédent a doublé, en février dernier, la nouvelle bonification indiciaire (NBI) attribuée aux secrétaires de mairie des communes de moins de 2 000 habitants - ce qui représente une augmentation de plus de 70 euros par mois.

Nous devons aller plus loin en agissant sur le recrutement, la formation et les parcours de carrière. Le chantier « Parcours-rémunérations » que Stanislas Guerini lancera au mois de janvier en sera l'occasion.

Les secrétaires de mairie attendent aussi un quotidien facilité et un accès amélioré aux formations et à l'information, ainsi que davantage de travail en réseau.

Près de 40 % des secrétaires de mairie partiront à la retraite dans les huit ans : nous devons continuer à rendre ce métier attractif. Mes collègues Guerini et Faure y travaillent, en liaison avec les employeurs territoriaux. Les propositions de l'AMF sont étudiées avec grande attention, comme celles de l'Association des maires ruraux de France, du Centre national de la fonction publique territoriale, de la Fédération nationale des centres de gestion et de Pôle emploi.

Insertion des jeunes en outre-mer

Mme Victoire Jasmin .  - Ma question porte sur l'inadéquation de l'offre de formation et les perspectives d'insertion des jeunes en outre-mer, singulièrement en Guadeloupe. En la matière, nous devons répondre aux attentes des entreprises, mais aussi des jeunes et des familles.

L'Insee a fait apparaître une tendance au déclin démographique en Guadeloupe. Cette situation hautement préoccupante résulte du vieillissement de la population et de la migration massive des personnes en âge de procréer. De très nombreux jeunes partent se former ou travailler dans l'Hexagone ou à l'étranger, aggravant ce dépeuplement.

Une attention particulière doit être accordée aux femmes, qui pâtissent toujours de discriminations à l'embauche et à la rémunération.

Ces problèmes sont solubles par une mise en adéquation des possibilités de formation avec les besoins des entreprises. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour favoriser une offre de formation adaptée aux besoins de nos territoires ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - La formation initiale et continue est capitale pour le développement des territoires ultramarins, en particulier la Guadeloupe, dont vous avez rappelé l'important déficit démographique.

Nous devons poursuivre nos efforts pour préparer nos jeunes aux compétences dont nos territoires ultramarins ont besoin.

L'apprentissage est un levier efficace. En Guadeloupe, pas moins de 2 570 apprentis se sont formés cette année, contre 175 en 2017. Nous allouons au Conseil régional de Guadeloupe 6 millions d'euros par an pour soutenir les centres de formation d'apprentis. Par ailleurs, l'État s'engage durablement au côté des territoires en maintenant une aide à l'embauche d'apprenti de 6 000 euros.

La future réforme des lycées professionnels s'accompagnera d'une réflexion sur la carte des formations, destinée à améliorer leur adéquation avec le tissu économique local et les métiers de demain. Via France 2030, l'État accompagnera les collectivités territoriales dans le renouvellement des plateaux techniques et la formation des professeurs pour favoriser l'insertion professionnelle des jeunes dans les entreprises locales.

Le contrat d'engagement jeune est déployé depuis mars dernier ; il propose un accompagnement personnalisé et, le cas échéant, une sécurisation financière. L'année prochaine, 300 000 entrées en contrat seront financées.

Pour les jeunes les plus en difficulté, des appels à projets régionaux se déploieront sur l'ensemble du territoire.

Mme Victoire Jasmin.  - Merci pour votre réponse, monsieur le ministre. J'espère des actions concrètes, en faveur non seulement des jeunes en recherche d'emploi, mais aussi des jeunes en recherche de stage, car nombre d'entreprises ne jouent pas le jeu.

Révision du règlement européen sur les substances chimiques

Mme Laurence Rossignol .  - Malgré des attentes fortes, la révision du règlement européen sur les produits chimiques dit Reach risque d'être repoussée, probablement à la fin de l'année prochaine -  dans les faits, après les élections européennes. Cette nouvelle a suscité de vives inquiétudes, dans la mesure où l'exclusion du marché européen de familles de produits dangereux serait reportée d'autant.

Depuis 2007, la complexité de ce règlement et la lenteur des procédures d'évaluation ont été fréquemment dénoncées. Cette révision est donc indispensable. Il s'agit notamment d'évaluer les produits par familles, d'identifier les perturbateurs endocriniens, de prendre en compte les effets cocktail et d'interdire certains usages de substances dangereuses.

La Commission européenne aurait renoncé à avancer sous pression des acteurs économiques. La France, elle, est bien silencieuse, alors qu'elle était autrefois en pointe sur la santé environnementale.

Quelle est la position de la France ? Le Gouvernement soutient-il une révision rapide du règlement Reach ?

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications .  - La France a clairement pris position : le 4 octobre dernier, mon collègue Christophe Béchu a cosigné, avec six autres ministres de l'environnement, un courrier appelant la Commission européenne à réviser le règlement rapidement.

Le 2 novembre, auditionné au Sénat, M. Béchu a insisté sur la nécessité d'adopter un cadre plus contraignant avant les prochaines élections européennes et l'urgence de durcir nos règles, y compris pour que l'industrie chimique puisse se préparer aux modifications réglementaires, qui prendront effet cinq ans après la révision.

Le Gouvernement est conscient du caractère essentiel de cette révision pour la santé de nos concitoyens comme pour la préservation de l'environnement. Il connaît aussi les inquiétudes de certains secteurs et l'importance pour eux de disposer d'une visibilité sur le cadre à venir.

La France continuera de plaider auprès de la Commission européenne et de ses partenaires en faveur d'une révision rapide.

Mme Laurence Rossignol.  - La France doit plaider, certes : elle a une obligation de moyens. Mais il est temps de passer aux résultats. Notre pays pèse en Europe, notamment en matière de santé environnementale. Les ministres, qui peuvent compter sur le soutien des associations et parlementaires engagés sur ces questions, doivent obtenir une révision aussi rapide que possible, car les substances se diffusent et leur toxicité touche de plus en plus d'habitants de nos pays.

Pénurie d'accompagnants d'élèves en situation de handicap dans les Alpes-Maritimes

M. Bruno Belin, en remplacement de M. Philippe Tabarot .  - Notre collègue Philippe Tabarot, contraint à l'isolement dans son département, m'a chargé d'interroger le Gouvernement en son nom.

L'inclusion des élèves handicapés, dans les Alpes-Maritimes comme partout ailleurs, est confrontée à une grave crise de l'accompagnement.

Entre précarisation et offre insuffisante, le département de M. Tabarot souffre d'une pénurie d'accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH) : pour 4 434 élèves qui devraient bénéficier d'un soutien humain, il y a seulement 1 545 AESH en poste. Élèves et parents sont en plein désarroi.

La condition salariale des AESH est à l'inverse de l'attention qui doit être portée à la prise en charge de l'autisme ou du polyhandicap.

Une proposition de loi accélérant la possibilité de « CDIsation », renforcée par le Sénat, a été adoptée. Cette première avancée appelle le Gouvernement à mener sans tarder une réforme structurelle.

Une idée, aussi noble soit-elle, doit s'accompagner d'une ambition forte. Or la réalité vécue par les familles s'apparente bien plus à un parcours du désespoir qu'aux vertus angéliques de papier. Des parents financent sur leurs propres deniers des AESH, faute d'autre solution. Dire que, à la rentrée 2019, une circulaire promettait une rentrée pleinement inclusive...

Comment le Gouvernement compte-t-il agir sur ce sujet sensible ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Je souhaite à M. Tabarot un prompt rétablissement.

Sa question est d'une extrême importance : elle touche au regard que nous posons sur nos enfants et nos jeunes et à leur avenir.

Notre système scolaire accueille plus de 430 000 élèves en situation de handicap en classe ordinaire ; plus de 132 000 AESH sont mobilisés, dont 4 000 viennent d'être recrutés. La loi de finances pour 2023 prévoit 4 000 postes supplémentaires. Au total, le nombre d'AESH a augmenté de 50 % entre 2017 et 2022 : nous avons aujourd'hui presque un AESH pour huit enseignants.

Toutefois, des manques perdurent, dans les Alpes-Maritimes comme dans de nombreux territoires. L'académie de Nice vient de se voir déléguer 60 AESH supplémentaires.

Trois avancées majeures ont été réalisées pour améliorer l'attractivité de ce métier : augmentation salariale de 10 % à la rentrée 2023, extension aux accompagnants de la prime REP et REP+, engagement du Président de la République de favoriser leur accès au temps complet. Enfin, la proposition de loi Victory sur la « CDIsation » dès trois ans a été votée à l'unanimité, ce qui va dans le bon sens.

M. Bruno Belin.  - M. Tabarot tient à insister sur la promesse politique déçue, rattrapée par une réalité : celle de l'appauvrissement de la politique d'inclusion à l'école.

Ségrégation scolaire

M. Pierre Ouzoulias .  - C'est tardivement et contraint par la Commission d'accès aux documents administratifs (Cada) que le ministère de l'éducation nationale a publié les indices de position sociale (IPS) des écoles élémentaires et des collèges.

Pourquoi avoir caché ces chiffres ? Parce qu'ils sont catastrophiques, témoignant d'une très forte ségrégation sociale : les riches vont dans les écoles de riches, les pauvres dans des écoles de pauvres - pour le dire de façon un peu abrupte.

Dans les Hauts-de-Seine, les quinze collèges présentant les plus faibles IPS sont publics, les quinze présentant les IPS les plus élevés sont privés. La ségrégation est devenue quasi absolue et correspond à une ségrégation territoriale sociale.

L'OCDE a montré que notre système est sans doute le plus socialement injuste.

Comment comptez-vous changer les choses ? Alors que 73 % du budget des établissements privés sous contrat provient de l'État, ces aides ne pourraient-elles pas être conditionnées à la mixité sociale ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - L'école de la République est le premier lieu où nos jeunesses, de toutes situations sociales et origines, doivent se rencontrer. Elle doit offrir à tous les mêmes opportunités.

Réaliser l'égalité des chances suppose de lutter contre les déterminismes, par la mixité sociale.

Dès sa prise de fonction, Pap Ndiaye a fait de la mixité sa priorité. Une première circulaire demande aux recteurs de fixer des objectifs de progression dans les établissements. Nous renforçons l'attractivité de l'offre pédagogique dans certains établissements défavorisés : plus de 43 nouvelles sections internationales ont été créées à la dernière rentrée, dans des collèges parmi les plus défavorisés. Nous suivons la même démarche pour des classes à horaires aménagés danse ou théâtre ou des classes bilingues.

Au niveau du lycée, 94 établissements publics parmi les plus favorisés se sont vus attribuer des objectifs de progression du taux de boursiers. Cette action a été étendue à 230 collèges. Ces mesures doivent s'ancrer dans la durée.

Enfin, nous travaillons sur la sectorisation et l'affectation, qui sont le nerf de la guerre pour corriger l'effet de ségrégation - je reprends le terme que vous avez employé  - par l'habitat. C'est l'objectif des opérations menées pour redéfinir la carte scolaire, un enjeu qui suscite le débat ; je pense aux secteurs multicollèges et aux resectorisations.

Des discussions sont aussi en cours avec l'enseignement privé - il ne faut pas avoir de tabou.

L'action en faveur de la mixité à l'école n'a de sens que globale, partenariale et ancrée dans la réalité des territoires.

M. Pierre Ouzoulias.  - Au public vous fixez des objectifs, avec le privé vous négociez... L'enseignement privé devrait être intégré à la sectorisation, qu'il sert aujourd'hui à contourner. Assez de paroles : nous voulons des actes !

Conseillers pédagogiques

M. Jean-Jacques Michau .  - Les conseillers pédagogiques du premier degré accompagnent les enseignants et participent à la mise en oeuvre de la politique éducative nationale. J'ai été interpellé par leur association nationale, qui est inquiète.

Depuis plusieurs années, le désintérêt vis-à-vis de cette fonction grandit, en raison d'une accumulation de tâches administratives, d'un ambitieux plan de formation national continu des professeurs des écoles, de l'accompagnement de contractuels de plus en plus nombreux, mais aussi d'un manque d'attractivité financière. De plus en plus de postes sont vacants ou occupés à titre provisoire par des personnes qui n'ont pas le diplôme requis. La compensation indemnitaire ne bénéficie pas à tous, ce qui n'est pas compris.

Quels moyens seront engagés pour renforcer la place centrale des conseillers pédagogiques dans le système éducatif et éviter que des enseignants expérimentés et diplômés ne renoncent à cette mission ? Avec quelle revalorisation salariale ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - Les missions des conseillers pédagogiques sont essentielles. En effet, ils assurent la jonction entre les écoles et le pilotage départemental du premier degré.

Afin de reconnaître leur engagement et l'importance de leurs missions, nous avons revalorisé leur indemnité de fonctions de 500 euros, afin de la porter à 1 500 euros annuels depuis le 1er janvier 2022. Cette indemnité sera de nouveau augmentée de 1 000 euros à compter du 1er janvier 2023, ce qui la porte à 2 500 euros. S'y ajoute la nouvelle bonification indiciaire, soit, au total, un régime indemnitaire annuel de 4 071 euros bruts.

Par ailleurs, les conseillers pédagogiques des réseaux d'éducation prioritaire, REP et REP+, bénéficieront, à compter du 1er janvier 2023, de l'extension de l'indemnité de fonctions, soit 500 euros annuels en REP, et 3 302 euros annuels en part fixe et 702 euros en part modulable en REP+.

Vous le voyez, le ministère est mobilisé pour rendre cette fonction plus attractive.

Prise en charge des activités physiques adaptées

M. Jean-Jacques Lozach .  - Les bénéfices des activités physiques et sportives sur la santé sont connus.

Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 auraient pu être le catalyseur de politiques publiques de prévention plus ambitieuses, alors que la sédentarité frappe particulièrement les classes populaires et les jeunes. C'est pourquoi il est nécessaire de renforcer le sport à l'école.

Nous relèverons le défi de la dépendance par la réduction du nombre de chutes et par une meilleure gestion de la baisse des capacités physiques.

Le rôle des activités physiques thérapeutiques, dites « adaptées », est prépondérant.

Faut-il aller plus loin que le remboursement de la prescription d'activités physiques adaptées (APA), en systématisant leur remboursement par l'assurance maladie ? Y a-t-il des expérimentations en cours ? Nous pensons que c'est la condition d'un déploiement à une plus large échelle.

Où en est le rapport sur la prise en charge des APA médicalement prescrites, qui aurait dû être remis en septembre 2022 ?

Les maisons sport-santé disposent-elles des moyens suffisants pour remplir leur mission de pilote et de coordinateur des APA dans les territoires ?

Mme Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et du service national universel .  - La Haute Autorité de santé rappelle régulièrement que l'activité physique constitue une thérapie non médicamenteuse qui réduit le risque de cancer, ou les effets secondaires de nombreuses pathologies.

Dès 2019, le Gouvernement a engagé une stratégie nationale Sport santé pour promouvoir l'activité physique.

La loi du 2 mars 2022 a ouvert la prescription d'APA à l'ensemble des médecins et en a élargi le champ d'application.

Le rapport sur la prise en charge de l'APA sera communiqué dans les prochains jours.

Le sport sera la grande cause nationale de 2024. Aussi, le Gouvernement a confié au Docteur Delandre une mission sur le développement du sport-santé. Cette mission se penchera notamment sur les 26 expérimentations qui proposent aux patients une prise en charge de l'APA.

Projet d'unité mobile de néonatalogie de l'hôpital Sainte Musse de Toulon

M. André Guiol .  - L'architecture actuelle des services de néonatalogie des hôpitaux ne permet pas la présence permanente des parents auprès de leur bébé hospitalisé, alors même que cette présence est stipulée dans la nouvelle charte du nouveau-né hospitalisé de novembre 2021.

Alors que les services de santé sont surchargés, toute organisation nouvelle qui les soulagerait serait opportune.

Un certain nombre de professionnels proposent de mettre en place une équipe mobile de néonatalogie pour favoriser le retour précoce des familles à la maison. Cette proposition de l'équipe de l'hôpital Sainte Musse de Toulon a été formulée dans un courrier au ministre de la santé, resté sans réponse. J'ai moi-même saisi les services de la Première ministre.

Madame la ministre, prenez en considération cette proposition et expérimentez-la à Toulon !

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Afin de favoriser les sorties d'hospitalisation des nouveau-nés prématurés, un décret du 11 avril 2022 ouvre la possibilité de réaliser à titre expérimental des soins de néonatalogie à domicile.

C'est dans ce cadre juridique que l'agence régionale de santé (ARS) de Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) a relayé en avril 2022 un appel à manifestation d'intérêt national. En Paca, deux établissements, dont l'hôpital Sainte Musse de Toulon, ont exprimé leur souhait de développer des équipes mobiles de néonatalogie.

Le service de néonatalogie de l'hôpital Sainte Musse est incontournable à l'échelle régionale. Son équipe médicale et paramédicale possède le savoir-faire pour accueillir, prendre en charge et accompagner les nouveau-nés et leurs parents.

Le ministère a donc sélectionné ce projet parmi ceux qui feront partie de l'expérimentation, annoncés par un prochain arrêté.

M. André Guiol.  - C'est parfait !

Absence d'accord franco-italien sur la prise en charge des patients étrangers

M. Jean-Michel Arnaud .  - Depuis le 1er mai 2022, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de Nice, qui gère désormais les dossiers administratifs des citoyens italiens, ne prend plus en charge les consultations de patients étrangers réalisées au centre hospitalier des Escartons à Briançon, ce qui engendre un manque à gagner de 2,5 millions d'euros pour l'établissement.

La pérennité du centre hospitalier, situé à quelques kilomètres de la frontière, est en jeu. Les patients italiens y sont nombreux. L'absence d'accord transfrontalier entraîne un risque de réduction de la fréquentation de l'établissement et de départ des professionnels de santé, dont un quart sont italiens, qui ne pourraient plus organiser la continuité des soins entre les deux États.

Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour préserver les finances du centre hospitalier des Escartons ? Quelles sont les intentions du Gouvernement quant à un accord transfrontalier de prise en charge de la patientèle italienne ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Le ministère de la santé a pris contact avec les différents acteurs impliqués. Des actions seront engagées pour traiter les dossiers litigieux.

Dans la continuité des travaux menés depuis 2021, les autorités françaises sont favorables à la mise en place d'une coopération sanitaire avec l'Italie, et ont préparé un projet d'accord de coopération sanitaire transfrontalier franco-italien, inscrit dans le cadre du traité du Quirinal, qui devrait entrer en vigueur début 2023.

Ce projet de coopération encadrerait juridiquement les soins des populations dans les territoires enclavés ou mal desservis. Il a été transmis début juillet 2022 aux autorités italiennes. La nouvelle équipe ministérielle italienne étant désormais installée, notre ambassade a prévu d'entamer une nouvelle démarche en vue de la conclusion de cet accord.

M. Jean-Michel Arnaud.  - Cette réponse ne me satisfait qu'à moitié. Les régions italiennes disposant de la compétence santé, il y a des discussions internes en Italie. Mais j'insiste, car l'urgence est là : l'avenir du centre hospitalier est en jeu.

Développement de l'antibiorésistance

Mme Corinne Imbert .  - Je ne pensais pas, en prévoyant cette question, que nous serions en pleine pénurie d'amoxicilline.

Apparue dès les années 1940, l'antibiorésistance est la capacité d'un micro-organisme à résister aux effets des antibiotiques. À partir des années 2000, cette tendance s'est accélérée avec l'apparition de bactéries hautement résistantes. L'utilisation exponentielle des antibiotiques est la cause principale de ce phénomène et nous nous dirigeons probablement vers des impasses thérapeutiques dans le traitement de nombreuses maladies comme la méningite, les infections sexuellement transmissibles ou encore les infections de la peau.

À terme, l'antibiorésistance pourrait devenir un phénomène mondial incontrôlable. Cette réalité est encore trop méconnue du grand public, malgré une sensibilisation constante de nos concitoyens et une mortalité en France liée à l'antibiorésistance estimée à 5 500 décès.

Le Gouvernement entend-il accélérer la prévention de ce phénomène, afin d'en limiter les coûts humains et financiers dans les années à venir ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'antibiorésistance est un phénomène naturel amplifié par la consommation excessive d'antibiotiques. Les antibiotiques, c'est pas automatique !

La prévention de l'antibiorésistance nécessite un engagement fort des pouvoirs publics. La feuille de route interministérielle dédiée, publiée en 2016, est en cours d'actualisation.

La prescription d'antibiotiques en ville a baissé de 20 % entre 2009 et 2019 et la consommation en établissement baisse également. Pour autant, notre consommation reste trois fois supérieure à celle des plus faibles consommateurs européens.

En février dernier, le ministère de la santé a publié une ambitieuse stratégie nationale 2022-2025 de prévention de l'antibiorésistance. Elle repose sur le bon usage des antibiotiques et la prévention et le contrôle des infections. Professionnels et citoyens y sont fortement associés, avec une formation renforcée et des campagnes de communication.

Ces objectifs sont pilotés par les agences régionales de santé (ARS), appuyées par des structures locales et des équipes mobiles.

La France travaille également au développement de nouveaux produits contre l'antibiorésistance, et est engagée à l'international sur cette thématique.

Mme Corinne Imbert.  - Je salue les campagnes de sensibilisation, qui sont indispensables. L'antibiorésistance est une pandémie silencieuse qui pourrait remettre en cause toutes les avancées de la médecine. Son coût se chiffre en centaines de milliards d'euros à l'échelle mondiale. Les antibiotiques ne sont ni automatiques ni magiques.

Remboursement du matériel paramédical d'occasion

M. Henri Cabanel .  - La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a prévu la prise en charge par l'assurance maladie des dispositifs médicaux remis en bon état d'usage. Mais nous sommes toujours dans l'attente du décret d'application ! Le matériel paramédical d'occasion permettrait pourtant aux familles de faire des économies et de développer l'économie circulaire. Quand ce décret sera-t-il publié ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Il s'agit en effet d'un dispositif essentiel pour favoriser l'accès aux aides techniques et développer l'économie circulaire. Mais cette réforme d'envergure nécessite d'abord une discussion approfondie avec les acteurs concernés. Le décret sera en effet couplé à une norme en cours d'élaboration afin de définir les activités et la responsabilité des acteurs de la remise en bon état d'usage. Un projet de décret a été finalisé ; il sera soumis pour avis au Conseil d'État, pour une publication au cours du deuxième trimestre 2023. La norme permettra l'homologation des centres de remise en bon état d'usage. En outre, afin d'accélérer le déploiement de l'économie circulaire, le Gouvernement a décidé la reprise des négociations tarifaires avec les industriels et distributeurs de matériel médical afin de faire aboutir la réforme de la prise en charge.

M. Henri Cabanel.  - Il est plus qu'urgent d'avancer. Les bénévoles de nombreuses associations - je pense notamment à Grandir et Vieillir ensemble, dans l'Hérault - collectent déjà des fauteuils roulants pour les remettre en état.

Réforme des transports sanitaires urgents

M. Franck Menonville .  - La réforme des transports sanitaires urgents, entrée en application le 1er juillet dernier, est à l'origine d'importantes difficultés pour les ambulanciers en milieu rural. Tout d'abord, la rémunération forfaitaire de 150 euros, auxquels s'ajoutent 2,32 euros par kilomètre supplémentaire à partir du 21e kilomètre, pénalise les territoires ruraux. Ensuite, l'instauration d'un revenu minimum garanti (RMG), de 64 euros par heure et 768 euros pour une garde de douze heures, est nettement moins favorable que le système antérieur. Enfin, le calcul et le versement trimestriels du RMG ne sont pas adaptés au contexte de forte hausse des prix du carburant. Cela a des conséquences lourdes dans nos territoires où les services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) sont déjà sous tension. Comment comptez-vous adapter cette réforme pour mieux prendre en compte les spécificités des territoires ruraux ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - La réforme des transports sanitaires urgents a bien pris en compte les spécificités de ces territoires. Le RMG doit inciter les transporteurs à effectuer des gardes, notamment dans les secteurs ruraux. En cas de nombre insuffisant de transports, un complément est versé. Les interventions non suivies d'un transport sont également prises en charge à hauteur de 80 euros. La réforme rend possible l'organisation d'une garde ambulancière sur l'ensemble des plages horaires, avec des modulations selon les territoires. Afin de tenir compte des départements à faible activité et à fortes contraintes, un seuil dérogatoire a été instauré, notamment dans la Meuse, et il a même été abaissé à l'été 2021 pour faciliter l'organisation de la garde dans les territoires ruraux. Nous sommes attentifs aux remontées du terrain.

Un bilan financier sera partagé en fin d'année et un bilan organisationnel établi au premier trimestre 2023, nous permettant d'envisager d'éventuels ajustements.

Aide à la vie partagée

M. Olivier Cigolotti .  - La question du bien vieillir est essentielle dans nos territoires. En Haute-Loire, le département et les acteurs locaux se mobilisent pour déployer de l'habitat inclusif au bénéfice des personnes âgées ou en situation de handicap. D'ici deux ans, l'aide à la vie partagée (AVP) devrait y concerner 100 personnes dans dix habitats. Mais il existe aussi d'autres habitats partagés qui ne sont pas reconnus comme habitats inclusifs. Loin des grandes résidences services, ces projets de moins de quinze places sont souvent le fruit d'une initiative personnelle et constituent une réponse intéressante entre le domicile et l'établissement. Il faut une approche pragmatique, associant public et privé. L'État doit aussi valoriser ces habitats. Quelles dispositions le Gouvernement envisage-t-il pour soutenir ces solutions essentielles dans nos territoires ruraux ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'AVP doit permettre aux personnes âgées ou en situation de handicap de bénéficier d'un habitat inclusif, dans le respect de leur libre choix. Mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021, l'AVP avait vocation à remplacer le forfait pour l'habitat inclusif. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 simplifiera le financement de l'habitat inclusif et en accélérera le déploiement, y compris dans les territoires ruraux.

L'AVP est attribuée par le département et compensée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) à hauteur de 80 %, puis 50 % à partir de 2025. Pour la CNSA, cela devrait représenter 45 millions par an jusqu'en 2025, puis augmenter avec le développement de l'habitat inclusif qui repose sur une politique incitative. D'ici la fin de l'année, 96 départements auront inscrit l'AVP dans leur règlement départemental d'aide sociale et établi leur programme.

Nous mettons en place un continuum de solutions, avec notamment MaPrimeAdapt' pour l'aménagement des logements des personnes aux revenus modestes. La prochaine conférence nationale du handicap permettra de faire évoluer l'offre médico-sociale pour toujours mieux répondre aux besoins.

M. Olivier Cigolotti.  - La Haute-Loire fait face au vieillissement de sa population, aux revenus très modestes. L'AVP doit prendre en compte un éventail plus large d'habitats avec services.

Accueil de la petite enfance

Mme Colette Mélot .  - Le Président de la République a fait de l'accueil de la petite enfance une priorité nationale et a rappelé le caractère décisif des mille premiers jours de la vie. Nous disposons de 446 000 places de crèche, mais il en manque 230 000. Notre système d'accueil de la petite enfance était performant. Il est aujourd'hui en perte de vitesse : 40 % des enfants n'ont pas de solution d'accueil. C'est d'autant plus inquiétant que d'ici 2030, 160 000 des 290 000 assistantes maternelles prendront leur retraite.

Le Président de la République et la Première ministre ont annoncé la formation de 100 000 nouveaux professionnels d'ici 2027, mais a-t-on les candidats ? La profession n'attire plus, en raison des conditions de travail, de rémunération, de remplacement des absences et d'un manque de considération. Les crèches sont à la peine pour recruter ; elles ont besoin, non pas de personnel non diplômé, mais de personnel formé à la sécurité, à l'hygiène, à l'accompagnement et à la communication avec les enfants, les parents et les équipes.

Le manque de solutions d'accueil risque d'avoir de graves répercussions sur l'emploi. Quelles actions envisagez-vous pour redonner un nouveau souffle à cette politique ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - L'accueil du jeune enfant est la première préoccupation des parents. Les difficultés sont connues : il manque 200 000 places de crèche.

Beaucoup a déjà été fait - avec le plan Rebond doté de 200 millions d'euros et la réforme du complément de libre choix du mode de garde (CMG) dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 -, mais il faut aller plus loin. Jean-Christophe Combe a annoncé le 21 novembre dernier le lancement d'une grande concertation sur la création d'un service public de la petite enfance dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR). Des concertations locales seront organisées au cours du premier trimestre 2023 dans dix territoires, afin de prendre en compte la diversité des situations.

Un travail est déjà en cours avec le comité de filière pour restaurer l'attractivité des métiers sur la question de la qualité de vie au travail, des parcours, des formations et des salaires. Dès juillet, le ministre a débloqué 2,5 millions d'euros pour créer un observatoire de la qualité de vie au travail et organiser une campagne de promotion de ces métiers. Le 22 septembre, il a confirmé que l'État accompagnerait des revalorisations salariales, sous réserve qu'un socle social commun soit défini. L'inspection générale des affaires sociales (Igas) a été saisie par le Gouvernement pour accompagner les partenaires sociaux en ce sens.

Conséquences de la ZFE-m d'Île-de-France

Mme Laure Darcos .  - Les chefs d'entreprise d'Île-de-France, et tout particulièrement de l'Essonne, sont inquiets. La mise en place progressive de la zone à faibles émissions mobilité (ZFE-m) est un casse-tête pour les 100 000 entreprises de travaux publics, du bâtiment et du transport routier qui exercent sur le territoire de la métropole. Déjà lourdement impactées par les limitations d'accès au territoire de certaines communes, elles subiront de nouvelles restrictions de circulation à partir du 1er juillet prochain. Comment desservir des chantiers, assurer des livraisons ou répondre à des marchés avec des véhicules qui ne répondent plus aux normes ? Les aides de l'État, de la Région et de la Ville de Paris sont insuffisantes pour assurer le renouvellement de la flotte et l'offre de véhicules à faibles émissions est inexistante. Les entreprises sont face à un mur écologique et économique. Elles déplorent aussi un défaut de concertation avec leurs organisations professionnelles : de nouvelles mesures coercitives ont été édictées lors du premier comité interministériel sur les ZFE, dont elles n'ont eu connaissance qu'a posteriori. Allez-vous entendre leur voix ? Envisagez-vous de revoir le calendrier de déploiement de la ZFE-m d'Île-de-France ? Prévoyez-vous de déployer des aides financières massives pour ces professionnels ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Veuillez excuser mon collègue Christophe Béchu. Les ZFE-m sont un outil à la main des collectivités qui en définissent le périmètre, les critères et le calendrier. Des étapes de concertation et d'information permettent de prendre en compte les contraintes des différents acteurs et de proposer des adaptations ou dérogations ciblées.

L'État met à disposition des statistiques du parc de véhicules pour aider les collectivités à élaborer une trajectoire. Une task force interministérielle associant l'ensemble des acteurs travaille depuis fin 2020 à la construction d'une trajectoire de transition énergétique pour le transport routier de marchandises. Lors du premier comité interministériel de suivi des ZFE du 25 septembre dernier, la création d'un comité de concertation en vue d'explorer les possibilités d'harmonisation a été annoncée.

Enfin, l'État soutient les territoires souhaitant ou devant créer une ZFE à travers des aides renforcées à l'acquisition de véhicules peu polluants ou de mobilité douce. Le fonds vert disposera d'un volet spécifique pour les ZFE-m. Les collectivités sont invitées à mettre en place des aides complémentaires. C'est ainsi que la Région Île-de-France propose quatre aides pour l'achat d'un véhicule propre par un professionnel et l'aide du Grand Paris complète le dispositif d'aide à la conversion de l'État.

Mme Laure Darcos.  - N'oublions pas les entreprises, tout particulièrement les petits artisans qui n'ont pas les moyens de changer de véhicule.

Réforme du master et concours de niveau bac+4

M. Pierre-Antoine Levi .  - Depuis septembre 2020, les étudiants en droit et en science politique sont sélectionnés dès le master 1. Cette réforme de l'entrée en master, qui supprime la sélection en master 2, est bénéfique. En effet, la sélection en master 2 imposait à certains étudiants de changer de master ou d'abandonner l'université. Les étudiants sont désormais automatiquement admis en master 2 dès lors qu'ils ont validé leur quatrième année. Mais cette réforme présente aussi des travers : en droit, les étudiants s'inscrivent parfois en master 1 pour présenter certains concours à bac+4. En leur fermant les portes du master 1, la réforme prive donc de nombreux étudiants de l'accès à ces concours ou examens, notamment celui d'avocat, mais aussi de nombreux autres. Pour eux, c'est la double peine : ni master 1 ni concours. Que compte faire le Gouvernement pour y remédier ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé .  - Je vous prie de bien vouloir excuser ma collègue Sylvie Retailleau, en déplacement en Guyane. La réforme du master prévue par la loi de 2016 a permis d'adapter notre deuxième cycle d'enseignement supérieur au système LMD (licence-master-doctorat), conformément au processus de Bologne. Cette harmonisation permet la reconnaissance de nos diplômes nationaux dans tout l'espace européen d'enseignement supérieur. Il n'y a donc désormais plus de sélection entre le master 1 et le master 2 et la poursuite d'études pour les titulaires d'une licence est garantie via la saisine du recteur.

De nombreux concours - d'enseignant, de commissaire de police ou de commissaire de justice - prévoient désormais un recrutement en fin de master. Les avocats le souhaitent également. Dans les faits, la plupart des candidats sont déjà titulaires d'un master. Certains concours de catégorie A ou A+, et notamment celui de l'Institut national du service public, restent accessibles aux titulaires d'une licence.

M. Pierre-Antoine Levi.  - Madame la ministre, entendez la détresse de milliers d'étudiants.

La séance, suspendue à 12 h 30, reprend à 14 h 30.