« Quelle place donner aux acteurs du médico-social dans l'organisation des soins de demain sur nos territoires ? »
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle le débat sur le thème : « Quelle place donner aux acteurs du médico-social dans l'organisation des soins de demain sur nos territoires ? »
Mme Patricia Schillinger, pour le groupe RDPI . - (Applaudissements sur les travées du RDPI) La crise sanitaire a exacerbé les faiblesses de l'hôpital public. Le manque de lits n'est que la partie émergée de l'iceberg. La défaillance de notre système de santé est plus large.
La Nation a témoigné son respect au personnel de santé, qui a su résister face au péril. La crise sanitaire a suscité des solidarités nouvelles, dans l'urgence, avec des prises en charge innovantes. C'est dans les crises que nous sommes les plus créatifs.
Il nous faut maintenant repenser l'organisation des soins, pour la rendre plus efficace.
Avec le groupe RDPI, nous nous sommes interrogés sur la place des acteurs du médico-social. On s'appuie trop sur l'hôpital et la médecine de ville : certes essentiels, ils ne sont pas les seuls relais.
Le domaine médico-social est au coeur de notre politique du soin. Ses acteurs interviennent dans différents secteurs, de la petite enfance au grand âge. C'est un rôle déterminant, en prévenant la désinsertion professionnelle des personnes fragilisées par la maladie et en assurant la persistance du lien social, entre autres missions.
Le personnel du médico-social se sent lui-même parfois précaire, d'où des difficultés de recrutement. Je salue l'effort du Gouvernement pour 1,6 million d'employés du médico-social qui ont été revalorisés. Cette reconnaissance du Ségur a été élargie aux professionnels socio-éducatifs des établissements pour personnes handicapées et du secteur de la petite enfance.
S'adressant à un public de personnes vulnérables, les acteurs du médico-social occupent une position stratégique. Face au vieillissement de la population, il faut libérer du temps médical. Il faut favoriser le maintien à domicile, d'autant que nous manquons de structures dédiées.
Les Ehpad doivent être remédicalisés, pour assurer à chacun le droit de bien vieillir et libérer du temps médical.
Les problématiques de santé mentale de nos enfants sont de plus en plus inquiétantes. Or les éducateurs spécialisés peuvent être des garants d'un diagnostic précoce, s'ils sont formés à cet enjeu.
L'inclusion des personnes en situation de handicap dépend là encore du médico-social. Nous devons imaginer de nouvelles modalités de soins adaptées aux besoins exprimés, dans tous les territoires, qui donneront à chacun toute sa place. Laissons aux nouvelles générations de professionnels des possibilités d'innovation.
Ce sujet est vaste, mais des solutions concrètes existent.
Madame la ministre, je sais votre implication pour maintenir notre modèle de soin.
J'espère que chacun saura être force de propositions. (Applaudissements sur les travées du RDPI et du groupe INDEP)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé . - Je remercie le groupe RDPI pour ce débat. Je salue les 11 millions de concitoyens qui soutiennent la population âgée. Vous le savez, le 6 octobre est la journée nationale des aidants.
Quelle place donner au médico-social dans notre système de soins et dans nos territoires ?
La crise sanitaire a mis en exergue combien notre système de soins doit dépasser l'hospitalocentrisme, pour aller vers de nouvelles collaborations dans les territoires. Mon ministère s'y emploie, en collaboration avec MM. François Braun, Jean-Christophe Combe et Mme Geneviève Darrieussecq.
En 2023, l'objectif global de dépense sera de 5,2 %. Nous prévoyons l'an prochain une augmentation de 125 millions d'euros de financement pour le secteur médico-social. Le bien vieillir est le guide de notre action, notamment en favorisant le maintien à domicile.
Ce sujet sera au coeur du CNR : le secteur de la santé et du médico-social fera l'objet de nombreuses concertations pour trouver des solutions adaptées à nos territoires.
Partout sur le territoire, la crise sanitaire, révélatrice des faiblesses mais catalysatrice des énergies, a permis de définir de nouvelles organisations. Nous voulons persévérer et continuer cet état d'esprit.
Le secteur médico-social a déjà une place essentielle dans l'organisation des soins. La coopération entre domaine sanitaire et domaine médico-social est la clef, pour redéfinir de nouvelles voies pour le care.
Nous devons aussi parler de l'avenir des métiers de ce secteur, quatrième pourvoyeur d'emplois dans notre pays. Je salue à nouveau tous les professionnels qui ont lutté au cours de la pandémie et de la récente canicule.
Ces professionnels souffrent. Nous avons revalorisé ces métiers grâce au Ségur, aux accords Laforcade, et à l'ensemble des efforts de 3,2 milliards d'euros pour la branche autonomie. Nous devons aller plus loin pour renforcer l'attractivité de ces métiers et rénover la formation.
Deux grands principes nous guident : simplifier et fluidifier, reconnaître et valoriser. Ces métiers doivent trouver leur juste place dans la société. C'est le sens des deux heures hebdomadaires que nous instituons pour s'occuper des aînés, ou encore de la création de nouvelles places en services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
Je veux mettre en valeur le changement de méthode, avant tout. Ouverture, dialogue et concertation : les réponses doivent être issues des territoires et concertées. (Applaudissements sur les travées du RDPI)
M. Dominique Théophile . - En Guadeloupe, la solidarité familiale est ancrée dans nos valeurs, mais le manque d'équipement nous pousse à repenser toute notre organisation de santé. Par exemple, le texte sur le marché du travail permettra d'encourager la validation des acquis pour les proches aidants, je m'en félicite.
La population va continuer à vieillir en Guadeloupe. Pour l'Insee, entre 2020 et 2030, le nombre de seniors de 60 à 74 ans augmentera de 15 points, les plus de 75 ans, de 45 %. Des dizaines de milliers d'emplois seront nécessaires pour accompagner ce vieillissement. Comment faire pour assurer une prise en charge adéquate, dans tous les territoires ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Vous rappelez la tradition de solidarité familiale ancrée dans les valeurs en Guadeloupe.
En ce jeudi 6 octobre, nous saluons l'engagement des 11 millions d'aidants. L'accompagnement des personnes en soins hospitaliers et des personnes âgées nous touche tous. Le modèle de tarification va évoluer, nous instaurons un tarif plancher de 22 euros pour les interventions à domicile.
Un plan d'aide et d'investissement de 17 millions d'euros est en cours d'élaboration pour effectuer les rattrapages en outre-mer et en Corse, et notamment créer des places nouvelles.
Mme Michelle Meunier . - Je salue cette initiative de nos collègues du RDPI. Il faut changer la perception de ces métiers pour renforcer leur attractivité. Les fonctions du soin souffrent d'avoir été trop longtemps exercées par des femmes : ce n'est pas qu'une inclination personnelle... Ce métier d'accompagnement est technique, et demande des compétences d'aisance relationnelle. La valeur de ces métiers est clairement sous-estimée.
Cette sous-reconnaissance entraîne de très faibles rémunérations et des temps partiels dispersés et subis. Rien ne justifie une telle vision des choses. Comment le Gouvernement va-t-il prendre ses responsabilités pour changer cette vision ? (Applaudissements sur les travées du groupe SER ; Mme Laurence Cohen applaudit également.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - De nombreux travaux ont été menés dans le secteur du grand âge. Il faut effectivement changer le regard sur les métiers du soin. Ces métiers du médico-social sont très féminins. Une grande campagne de communication et de sensibilisation a été menée après la pandémie, pour montrer combien ces métiers sont beaux.
Après l'Ehpad bashing de l'année dernière, nous avons la responsabilité de rendre attractifs ces métiers, qui sont humains, non délocalisables, éminemment précieux.
Jean-Christophe Combe organisera bientôt une journée de l'aide à domicile.
Ensemble, changeons de regard ! (Applaudissements sur les travées du RDPI)
Mme Michelle Meunier. - J'espère que nous pourrons, lors de l'examen d'une prochaine loi Grand Âge, concrétiser vos propos.
Mme Laurence Cohen . - Le secteur médico-social est très divers, mais le manque de reconnaissance des métiers est général. Les délais pour obtenir un rendez-vous dans un centre médico-psychologique (CMP) ou médico-psychopédagogique (CMPP) sont démentiels, tant on manque de personnel. On sait pourtant les conséquences de la pandémie sur la santé mentale des enfants et des adolescents... Nous sommes face à un abandon institutionnel des professionnels et donc des patients.
Malgré les rattrapages, les oubliés du Ségur sont encore nombreux. Quand allez-vous revaloriser ces métiers de la deuxième ligne ?
Les aides à domicile voient le prix de leurs déplacements exploser avec la hausse du prix de l'essence. Allez-vous enfin revaloriser le barème kilométrique de 0,22 à 0,35 euro ? (M. Pascal Savoldelli et Mme Michelle Meunier applaudissent.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Il faut changer de regard sur les acteurs du médico-social : tous, en effet, méritent reconnaissance. Les oubliés du Ségur ont fait l'objet de rattrapages.
Vous citez les CMP et les CMPP, mais tout le secteur de la santé mentale est touché.
Mme Laurence Cohen. - Abandonné !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - L'investissement y est le plus faible ; Agnès Buzyn avait lancé un plan de rattrapage en 2017, mais la crise sanitaire a accentué les problèmes, notamment chez les jeunes.
Pour l'aide à domicile, le tarif plancher de 22 euros est une avancée. Ce secteur est essentiel, d'autant que les besoins vont aller croissant.
Les contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens (CPOM) sont en cours de discussion, nous espérons des dotations complémentaires pour aider les services d'aide à domicile à faire face notamment à la hausse du prix de l'essence.
Mme Laurence Cohen. - Je me réjouis que vous nous appeliez à changer de regard. Mais nous voulons des actes !
Les aides à domicile ont avant tout besoin de revalorisation salariale. Il reste encore des oubliés du Ségur. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Jocelyne Guidez . - La prise en charge en Ehpad évolue, de nouvelles exigences émergent - coordination des parcours de soins, pluridisciplinarité, démarche qualité - , mais les difficultés de recrutement persistent.
L'apport des secrétaires médicales, des enseignants en activité physique adaptée (APA) ou des référents qualité est bénéfique pour les résidents, mais aussi pour les équipes soignantes.
Il faut mettre les Ehpad en cohérence avec les aspirations sociétales. Plusieurs ARS financent des expérimentations ponctuelles, notamment en ce qui concerne l'activité physique. Mais ce mode de financement ne permet pas d'intégrer ces professionnels de l'accompagnement à l'établissement de manière durable.
Quelle est la position du Gouvernement sur l'intégration de ces personnels dans les Ehpad ? Comment prenez-vous en compte l'émergence de nouvelles professions du soin ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - L'activité physique est essentielle à la prévention de la perte de l'autonomie. Elle l'est d'ailleurs à tout âge de la vie !
L'activité physique sera mieux intégrée dans les parcours de santé : c'est un axe d'action du Gouvernement, avec la promotion du sport-santé. La loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport prévoit la désignation d'un référent activité physique dans tous les établissements médico-sociaux et de santé. Nous y travaillons.
Mme Jocelyne Guidez. - Merci de votre réponse. Il faut simplifier la charge administrative, car infirmiers et médecins n'ont plus le temps de s'occuper de leurs malades.
Mme Catherine Deroche. - Très bien !
M. Jean-Claude Requier . - Nous vivons de plus en plus longtemps, c'est heureux. La France compte 1,5 million de plus de 85 ans ; en 2050, ils seront 5 millions. Cette démographie est un défi et appelle un plan ambitieux pour accompagner le vieillissement de la population. Or les métiers de l'accompagnement sont en forte tension. Nous devons certes améliorer les rémunérations et les conditions de travail, mais aussi progresser sur la formation, et développer massivement la qualification d'infirmier de pratique avancée (IPA). Actuellement, les IPA ne peuvent pratiquer en gériatrie, ce qui freine le développement de la filière dans les Ehpad et à domicile, pourtant attendu par tout le secteur du grand âge. Quelle est la position du Gouvernement ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - La pratique avancée infirmière est une réponse adaptée, que le Gouvernement entend développer. Nous travaillons avec les universités pour augmenter les capacités de formation et enrichir les domaines d'activité afin de rendre ce métier plus attractif.
Les IPA suivent des pathologies chroniques, ce qui peut répondre aux besoins de prise en charge en gérontologie. Leur formation en la matière pourrait être complétée. L'ambition reste toutefois une prise en charge populationnelle en pratique avancée, et non la multiplication de domaines d'intervention pour chaque spécificité médicale.
Mme Catherine Deroche . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le décloisonnement entre le médical et le médico-social est essentiel. Il existe des alternatives à l'offre binaire entre Ehpad et domicile : un maire de mon département porte un projet innovant de collaboration entre deux Ehpad et un Ssiad. Des appels à candidatures sont lancés par l'ARS pour le centre de ressources territorial. Quels sont les financements prévus pour ces centres ? La région Pays de la Loire prévoit cinq financements, un par département, contre deux à l'origine. Cela se poursuivra-t-il ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Vivadom est un dispositif expérimental alternatif à l'Ehpad. Quand l'infirmière à domicile ne suffit plus, il faut parfois un complément d'accompagnement - une diététicienne, un ergothérapeute ou une psychologue. Les mesures votées dans le PLFSS 2022 permettent ces expérimentations, comme le dispositif renforcé de soutien à domicile.
Les centres de ressources territoriaux porteront une offre pérenne alternative à l'Ehpad, pour que les personnes âgées puissent rester chez elles plus longtemps.
Les moyens sont conséquents : 400 000 euros par porteur. L'enveloppe dédiée passera de 20 millions d'euros à 60 millions en 2023. L'objectif de Mme Bourguignon de quatre centres de ressources par territoire sera poursuivi, avec une enveloppe en croissance.
Mme Colette Mélot . - À la veille de l'examen du PLFSS 2023, il faut insister sur l'importance des acteurs du médico-social. Trop d'offres d'emploi restent vacantes et les patients vulnérables ne reçoivent pas les soins nécessaires.
Les besoins ont changé et appellent une vision globale : les secteurs médico-sociaux, paramédicaux et médicaux doivent travailler main dans la main. La formation est la clé ; elle doit se dérouler au plus près des territoires, sur le modèle de l'antenne de Paris-Est Créteil installée à Melun.
Les pôles de santé sur nos territoires sont souvent associés à des services médico-sociaux. C'est pourquoi nous devons développer un panel de formations complet, qui s'adapte autant aux spécificités de nos territoires qu'aux évolutions démographiques. Quelles pistes de réflexion avez-vous pour faire évoluer le secteur ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - L'engagement des acteurs du médico-social lors de la crise sanitaire a été remarquable.
Le Président de la République a affiché des ambitions claires : 50 000 recrutements dans les Ehpad sur le quinquennat. Il faut travailler main dans la main, ce n'est pas une nouveauté.
Un exemple concret : la mise en place des dispositifs d'appui à la coordination (DAC) pour les interventions complexes, quels que soient la pathologie ou l'âge de la personne.
Il faut améliorer la formation et l'attractivité de ces métiers du soin. Il faut simplifier, mieux faire connaître les métiers, valider les acquis et l'expérience - l'Assemblée nationale a voté hier la création d'un service public de la validation des acquis et de l'expérience - et repenser les maquettes de formation. Nous nous y attelons.
Mme Victoire Jasmin . - La prise en charge du grand âge est un enjeu majeur pour nos sociétés. En Guadeloupe, il faut innover de manière différenciée, en corrélation avec le schéma départemental de l'autonomie. Une attention doit être portée à la formation ; à la coordination de la prise en charge entre les différents acteurs - surtout dans un archipel comme la Guadeloupe ; à l'équité salariale pour lutter contre les difficultés de recrutement, notamment dans le secteur associatif. Quelles mesures prendrez-vous pour apporter à nos territoires des réponses concrètes ? (Mme Michelle Meunier applaudit.)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Je le rappelle : 17,5 millions d'euros sont consacrés à un plan de rattrapage dans les outre-mer. Il faut coordonner tous les professionnels de santé. C'est un axe majeur de notre politique. La crise sanitaire a favorisé l'accélération de la prise en compte de ces préoccupations. Il ne faut pas empiler les dispositifs, mais les coordonner pour faciliter la vie des professionnels intervenant auprès des personnes âgées.
La revalorisation salariale était l'enjeu du Ségur, et les oubliés du Ségur ont fait l'objet de rattrapages. Le différentiel entre Ehpad publics et privés n'existe plus.
Je me suis rendue à la Réunion dernièrement ; je suis consciente de la nécessité d'accompagner vos territoires pour mieux prendre en charge les personnes âgées et les personnes en situation de handicap.
Mme Victoire Jasmin. - Je ne suis pas tout à fait satisfaite de cette réponse : il y a encore des oubliés du Ségur !
M. Olivier Henno . - Le champ du médico-social est large : personnes handicapées, enfance, personnes âgées. Il faut répondre au manque de vocations, comme cela a été fait avec les revalorisations salariales du Ségur ou les actions d'amélioration de la qualité de vie au travail, comme les deux heures hebdomadaires de temps social pour les services d'aide à domicile. La mise en place d'un tarif plancher est aussi une avancée. Mais il faut sécuriser le périmètre pour que les personnels trouvent du sens à leur activité, qui est de prendre soin.
Dans le Nord, la survie même des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) est en cause. Nous avons voté la fusion des Saad et des Ssiad ; il nous faut un point d'étape sur les DAC.
Écoutons les proches aidants, qui disent que les soins médicaux doivent rester aux soignants. Quelle place pour les acteurs du soin dans le médico-social demain ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Les services d'aide à domicile, Ssiad ou Saad, sont essentiels pour les personnes en handicap et les personnes âgées. Le PLFSS comporte les deux heures de convivialité, ainsi qu'une nouvelle grille salariale reconnaissant l'expérience.
Le tarif plancher fixé à 22 euros pour les services infirmiers, dans le cadre de l'APA et de la PCH, va dans le bon sens. Son application valorisera les Ssiad.
Pour les futurs Saad, le système actuel sera maintenu : un travail en équipe est nécessaire pour la qualité de vie au travail.
La mise en place du service public territorial de l'autonomie (SPTA) facilitera le parcours des personnes concernées et de leurs aidants. La mise en place se fera territoire par territoire, en se basant sur les structures existantes.
Mme Béatrice Gosselin . - En 2050, on dénombrera quatre millions de plus de 85 ans ; en Normandie, ils seront 250 000 en 2050. La place du médico-social sera de plus en plus importante.
Les structures gérant les personnes dépendantes sont pourtant en difficulté, à cause d'un déficit d'attractivité des métiers en raison de la pénibilité, des faibles rémunérations et du manque de reconnaissance. Résultat, un encadrement insuffisant des résidents, des conditions de travail dégradées.
Les charges de fonctionnement augmentent avec la crise énergétique et l'inflation, et viennent freiner les capacités d'investissement et augmenter les tarifs d'hébergement. Il faut une politique volontariste. Quelles mesures pour soutenir le secteur médico-social ? À quand une loi Grand Âge ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Les métiers de l'aide à domicile sont jugés utiles par 96 % de nos concitoyens, mais difficiles par 93 % d'entre eux.
L'État mobilise plusieurs leviers, avec les départements à ses côtés : l'amélioration des rémunérations des salariés des Ehpad de 183 euros nets, une revalorisation de 15 % pour les professionnels de l'aide à domicile, la promotion de la qualité de vie au travail, l'augmentation des effectifs qualifiés grâce à des formations courtes pour les demandeurs d'emploi, un accès facilité à la formation continue et la reconnaissance des acquis de l'expérience.
Les métiers du grand âge sont également ouverts à de nouveaux publics par des contrats aidés ou des situations de mise en activité professionnelle, en lien avec Pôle emploi. Il faut changer l'image de ces métiers pour recruter massivement.
Mme Béatrice Gosselin. - Certains oubliés du Ségur n'ont pas reçu ces primes. Ainsi le bouclier tarifaire a été étendu aux Ehpad en 2023, mais les professionnels de l'aide à domicile en sont exclus.
Mme Michelle Meunier . - La prime décidée lors du Ségur de la santé a été étendue par touches successives après les multiples appels en faveur des oubliés. Pourtant, deux ans plus tard, les mesures sont toujours inégalement appliquées, et les invisibles du Ségur sont toujours là. Je songe notamment aux agents logistiques des établissements. C'est injuste et délétère.
Injuste parce qu'un agent d'accueil d'Ehpad est au contact des résidents et des familles ; un agent de nettoyage dans un établissement d'aide à l'enfance participe lui aussi à la mission éducative en faisant respecter les règles de propreté.
Délétère parce que l'on pousse ainsi des personnels compétents vers la sortie. L'État n'est pas seul en cause - les collectivités tardent parfois à verser les primes - , mais il est responsable de l'orchestration des mesures. Alors, le Ségur pour toutes et tous, c'est pour quand ?
M. Xavier Iacovelli. - C'est pour maintenant !
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Le Ségur est un moment historique, pour l'hôpital comme pour les Ehpad, même s'il s'agit surtout d'un rattrapage. En donnant satisfaction à une catégorie d'oubliés du Ségur, on en crée de nouveaux. L'enjeu, désormais, est de mettre en place des conventions collectives uniques pour le secteur sanitaire et médico-social, qui permettra d'éviter cet écueil.
M. Philippe Mouiller . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les pouvoirs publics mettent en place une médecine de parcours pour décloisonner les secteurs. L'objectif est d'accompagner les patients de manière globale, ce qui suppose une bonne répartition des structures sur le territoire, ainsi qu'un véritable virage du domicile pour répondre à la volonté croissante de la population.
Compte tenu des difficultés de recrutement, cela nécessite de faire bouger les lignes. Quelle sera l'architecture budgétaire ? Le secteur est aujourd'hui financé selon deux logiques différentes : dotation limitative pour les soins à domicile, enveloppe ouverte pour les actes infirmiers.
Comment faire pour que cette architecture ne soit pas un frein ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - Prévoir, prévenir, accompagner : tel est l'enjeu pour l'État et les conseils départementaux. Le parcours de prise en charge de la personne doit reposer sur une vision globale, sur l'ensemble du territoire.
Le virage domiciliaire répond aux souhaits de nos concitoyens : 80 % d'entre eux veulent rester à domicile aussi longtemps que possible. Nous avons engagé une restructuration des services d'aide à domicile, mais ce n'est pas la seule réponse. Nous avons aussi créé le tarif plancher de 22 euros par heure, pour réduire les inégalités de prise en charge entre les départements.
Les services d'aides à domicile et les actes infirmiers sont deux domaines différents ; à nous d'inventer une organisation qui en assure la complémentarité.
M. Philippe Mouiller. - Concrètement, l'architecture budgétaire est un frein à un service de qualité. On aura beau ajouter des moyens, les difficultés persisteront si nous ne résolvons pas ce problème.
Mme Annie Delmont-Koropoulis . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les acteurs du médico-social sont très divers : éducateurs, acteurs de l'aide sociale, infirmiers, généralistes, psychiatres, aides-soignants, professionnels du paramédical. Les dirigeants de ces structures ont compris l'intérêt du maillage territorial et du parcours de soins.
Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) du médico-social pourraient être une réponse. Leur valeur ajoutée est exponentielle : la CPTS du sanitaire et du médico-social d'Aulnay-sous-Bois répond à l'ensemble des missions-socles des CPTS.
Mais le traitement entre le sanitaire et le médico-social demeure inégalitaire : comment donner envie à ce dernier secteur de répondre aux nouveaux défis du soin ? Quelle reconnaissance, quels moyens pour demain ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - L'expérimentation que vous mentionnez mérite d'être accompagnée. C'est tout l'objet du CNR que de pérenniser ce type d'initiatives et de les diffuser. Je viendrai volontiers voir comment cela fonctionne sur le terrain : on ne peut pas parler de décloisonnement sans voir comment les professionnels s'organisent eux-mêmes au bénéfice de nos concitoyens. N'hésitez pas à mettre cette expérimentation en valeur dans le cadre du CNR. La difficulté réside dans l'articulation ; mais si nous trouvons la maquette de financement, pourquoi ne pas inscrire ces CPTS dans le droit commun ?
Mme Annie Delmont-Koropoulis. - Je vous inviterai bien volontiers. Je suis moi-même médecin coordonnateur dans ces structures. Il est primordial de donner plus de moyens à tous les acteurs du médico-social.
Mme Annick Petrus . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La crise sanitaire a renforcé la conviction d'une nécessaire amélioration de la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
L'un des chantiers prioritaires est le développement des maisons départementales de l'autonomie et, pour Saint-Martin, d'une maison territoriale de l'autonomie (MTA).
À la suite de la création en 2007 des collectivités de Saint-Martin et Saint-Barthélémy, il n'a pas été créé de maison territoriale des personnes handicapées. Une convention a été passée entre la collectivité de Saint-Martin et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour en assurer les missions, mais sans le statut juridique associé. La direction de l'autonomie traite ainsi à la fois le handicap et la perte d'autonomie.
Mon territoire souhaite migrer vers le dispositif MTA, comme a pu le faire Saint-Pierre-et-Miquelon. L'État est-il prêt à nous accompagner ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - On ne propose pas un accueil de proximité dans les mêmes conditions dans les Hauts-de-Seine, en Haute-Loire ou à Saint-Martin. En créant une MTA en 2006, Saint-Pierre-et-Miquelon a fait un choix fort.
Les professionnels de l'autonomie de Saint-Martin peuvent s'appuyer sur les outils mis à disposition par la CNSA : guides, webinaires, échanges de bonnes pratiques. J'invite les acteurs de votre territoire à solliciter les services de l'État, et nous verrons comment vous accompagner.
M. Hugues Saury . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La France a perdu dix mille médecins généralistes en douze ans. Un tiers des Français vivent dans un désert médical. Dans le Loiret, la densité médicale a baissé en 2021 et la pyramide des âges n'incite pas à l'optimisme.
Parmi les propositions récentes du Sénat pour y remédier figure l'extension du champ des actes médicaux pouvant être pratiqués par les professionnels paramédicaux. On a ainsi créé en 2018 les infirmiers de pratique avancée (IPA).
Ce modèle devrait s'étendre au médico-social, mais nous sommes contraints par des moyens limités, une formation inadaptée et un manque de reconnaissance.
En attendant de retrouver des effectifs suffisants de professionnels de santé, déléguez-vous certains actes médicaux aux professionnels du médico-social ? Quels actes seraient concernés, et comment faire pour rendre ces métiers, à commencer par celui d'aide-soignant, plus attractifs ?
Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. - C'est bien parce que nous avons perdu dix mille médecins que nous sommes dans cette situation. Mais le problème n'est pas seulement la pyramide des âges : les jeunes ne veulent pas travailler comme leurs aînés et pour remplacer un praticien qui part à la retraite, il faut trois nouveaux médecins.
Nous avons mené de nombreuses actions pour améliorer l'attractivité des métiers du médico-social : 700 000 professionnels ont ainsi bénéficié d'une revalorisation de 183 euros mensuels. Jamais nous n'avons autant investi dans le médico-social.
Le 15 septembre, le Gouvernement a annoncé l'élargissement de la valorisation du point d'indice de la fonction publique aux salariés du secteur associatif.
Nous attendons un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les infirmiers et aide-soignants dans les jours à venir. En effet, il y a fort à faire dans la formation pour renforcer l'attractivité de ces métiers.
M. Hugues Saury. - On constate de nombreux arrêts de travail, une lassitude, mais aussi une exacerbation des demandes d'amélioration du pouvoir d'achat. L'hémorragie continue. Or l'avenir de notre système de soins dépend de notre capacité à rendre attractifs ces métiers du soin. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Xavier Iacovelli, pour le groupe RDPI . - Je salue la tenue de ce débat et les propositions concrètes qui ont été formulées.
Je retiendrai plusieurs points : renforcer l'attractivité, améliorer la coordination, notamment grâce aux CPTS étendues au médico-social, comme le propose Mme Delmont-Koropoulis, et assurer l'égal accès aux soins dans tous les territoires.
Nous voulons que le regard change sur la vieillesse. Mais il faut aussi changer de regard sur le sanitaire et le médico-social, dont les acteurs ont été aux avant-postes, aux côtés des soignants, pour assurer la continuité du lien et la gestion de l'urgence pendant la crise sanitaire.
Ils sont indispensables au maintien du lien dans notre pays, dans tous les domaines : grand âge, handicap, précarité sociale.
Ces travailleurs sociaux sont au contact direct de nos concitoyens, ils sont au coeur de notre modèle social.
Le secteur du médico-social souffre pourtant d'un manque d'attractivité et de reconnaissance, ce qui entraîne une pénurie dans ces métiers. Un exemple : les enfants protégés ne peuvent se rendre aux visites médiatisées avec leurs parents, faute de personnel pour les accompagner. Dans certains foyers, les travailleurs sociaux ont quarante enfants à gérer seuls, ils sont épuisés.
Comment un travailleur social peut-il assumer la mission que nous lui confions, aussi dévoué soit-il, dans ces conditions ? Un taux d'encadrement minimal est exigé dans les centres de loisirs, pour protéger les enfants. Il faudrait l'étendre aux foyers de l'aide sociale à l'enfance, où un enfant sur quatre est en situation de handicap.
Le PLFSS prévoit 1,5 milliard d'euros supplémentaires pour le secteur du médico-social, notamment pour renforcer l'attractivité des métiers de l'autonomie. L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) est en hausse de 3,7 points hors dépenses liées à la crise sanitaire. Cela traduit notre volonté de bâtir une société plus inclusive.
Les professionnels du médico-social ont toute leur part dans l'organisation des soins de demain. Accompagner, c'est aussi une manière de soigner.
Je salue à nouveau les participants à ce débat, qui a évoqué des enjeux cruciaux que nous devrons traiter ensemble. Le Sénat devra y prendre toute sa place ; et, en tant que chambre des territoires, il se grandirait à créer une délégation aux droits de l'enfant, comme l'a fait l'Assemblée nationale. (Applaudissements)
La séance est levée à 17 h 15.
Prochaine séance, mardi 11 octobre 2022, à 14 h 30.
Pour le Directeur des Comptes rendus du Sénat,
Rosalie Delpech
Chef de publication
Ordre du jour du mardi 11 octobre 2022
Séance publique
À 14 h 30
Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente, Mme Pascale Gruny, vice-président
Secrétaires : Mme Victoire Jasmin - M. Pierre Cuypers
. Projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (procédure accélérée) (texte de la commission, n°19, 2022-2023)
En outre, de 14 h 30 à 15 h : Scrutin pour l'élection d'un juge suppléant à la Cour de justice de la République. (Ce scrutin secret se déroulera, pendant la séance, en salle des Conférences.)