SÉANCE
du jeudi 6 octobre 2022
3e séance de la session ordinaire 2022-2023
présidence de Mme Nathalie Delattre, vice-présidente
Secrétaires : M. Joël Guerriau, Mme Françoise Férat.
La séance est ouverte à 10 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions orales
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle 29 questions orales.
Création d'un ministère de la protection civile
M. Jean-Baptiste Blanc . - Je rends hommage aux sapeurs-pompiers et à tous ceux qui ont lutté ardemment contre des feux de forêt, tout l'été. Je vous conseille de lire le rapport sénatorial sur ce sujet.
La terrible saison des feux de forêt a démontré le besoin d'une profonde réorganisation de la gestion des crises ainsi que d'une évolution de notre modèle de sécurité civile. Les dernières crises, fréquentes, hybrides et complexes, ont montré combien il était urgent de décloisonner l'action publique, d'accroître la coordination interministérielle et de développer l'anticipation et la planification. Il faut réarmer l'État.
Je me félicite que le Président de la République veuille revoir le modèle de prévention et de lutte contre les incendies. La création d'un ministère de la protection civile, sous la tutelle du ministère de l'intérieur, mettrait en valeur cet objectif. Il regrouperait et coordonnerait l'action de tous les services de prévention et de gestion des crises, qui exigent un savoir-faire particulier. Cela ne montrerait-il pas votre volonté d'agir vite et fort ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Le ministère de l'intérieur est naturellement celui de la sécurité civile, dont il assure le pilotage. Pour ce faire, il s'appuie, au niveau central, sur la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, et au niveau local, sur son réseau territorial animé par les préfets.
Le ministère de l'intérieur agit et protège, en coopération étroite avec les collectivités territoriales, au plus près des réalités de terrain. Il est parfaitement armé et dispose de l'ensemble des compétences utiles pour agir efficacement. Son action intègre fondamentalement la dimension interministérielle. La coopération est continue, riche et approfondie, au quotidien. Chacun a pu mesurer cette coordination interministérielle forte pendant la crise sanitaire.
Insécurité sur le campus de l'Essec à Cergy
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - Un climat d'insécurité s'est installé depuis plusieurs années sur le campus de l'École supérieure des sciences économiques et commerciales (Essec), à Cergy. D'après les étudiants, les agresseurs, souvent armés, agissent en groupe, de façon récurrente.
Des solutions temporaires ont été trouvées par les étudiants, telles que des messages de prévention publiés dès qu'un incident a lieu. De son côté, l'administration de l'Essec a renforcé la sécurité sur le campus.
Mais, si ces mesures montrent temporairement leur efficacité, cette situation invivable ne peut pas durer. Il convient de rétablir un environnement propice au travail. Des mesures fortes sont attendues.
Mes questions écrites étant restées sans réponse, j'ai déposé cette question orale. Entre-temps, un protocole a été signé entre l'école et la préfecture du Val-d'Oise. Qu'en est-il ? Vous engagez-vous à résoudre définitivement le problème ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - La sécurité quotidienne de nos compatriotes est une priorité du Gouvernement, qui vous présentera prochainement l'ambitieux projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur. D'ici 2027, 8 500 policiers et gendarmes supplémentaires seront recrutés.
La police nationale est mobilisée au quotidien et à Cergy, le nombre de vols violents a baissé de 40 % en quatre ans. Mais elle ne peut tout résoudre seule. Je salue son partenariat avec la police municipale et l'Essec. La création d'un groupe de partenariat opérationnel (GPO) consacré à l'Essec est à l'étude. Des travaux sont en cours avec la mairie de Cergy pour développer la vidéoprotection dans le secteur. En outre, des réservistes de la police nationale y seront déployés à partir de mi-octobre.
Vous le voyez, nous sommes pleinement mobilisés.
Mise en berne des drapeaux
Mme Jocelyne Guidez . - La mise en berne des drapeaux n'est réglementée que par le décret du 13 septembre 1989, qui prévoit que « lors du décès du Président de la République, les drapeaux et étendards des armées prennent le deuil ; les bâtiments de la flotte mettent leurs pavillons en berne ». Il est regrettable qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'en détermine les conditions.
En pratique, il appartient au Premier ministre de donner des instructions lors des deuils officiels.
La mise en berne occasionnelle des drapeaux suscite parfois l'incompréhension de nos concitoyens. Très sensibles aux hommages nationaux rendus à leurs frères d'armes morts pour la France, les militaires souhaitent que tous les services de l'État mettent leurs drapeaux en berne le jour de la cérémonie aux Invalides.
Le Gouvernement entend-il réglementer ce qui symbolise le deuil de notre République ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Aucune disposition législative ou réglementaire ne détermine les conditions de pavoisement des bâtiments publics, hormis l'article 3 de la loi de refondation de l'école de 2013, qui dispose que le drapeau tricolore et le drapeau européen sont apposés sur la façade des établissements.
Suivant la tradition républicaine, le Premier ministre donne instruction de pavoisement lors des fêtes et commémorations, ou de mise en berne lors des deuils officiels. Cette directive est rappelée dans une circulaire aux préfets. Lors des onze journées nationales, le pavoisement des bâtiments et des monuments aux morts est obligatoire.
Enfin, un maire peut prendre l'initiative du pavoisement ou de la mise en berne des drapeaux des bâtiments communaux, hors disposition législative ou réglementaire.
Mme Jocelyne Guidez. - Madame la ministre, vous avez très bien lu votre leçon ! Mais in fine, vous me répondez que chacun fait ce qu'il veut. Cela ne me satisfait pas. Quand on perd un soldat en opération extérieure, les drapeaux devraient être mis en berne.
Recrutement des sapeurs-pompiers
M. Rémy Pointereau . - Dois-je rappeler le courage des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) lors de cet été hors norme, rythmé par les feux de forêt ? Je félicite tous les groupes d'intervention, dont celui du Cher, qui se sont rendus en Gironde, où ils ont montré une mobilisation sans faille.
Mais les Sdis sont confrontés à de nombreux problèmes. D'abord, la multiplication des interventions dans les déserts médicaux. Dans le Cher, trois quarts des transports concernent des urgences relatives, et non vitales. Nous ne pouvons pas demander à nos pompiers de remplacer les ambulanciers.
Ensuite, la crise des vocations. Dans le Cher, on espère 300 pompiers volontaires supplémentaires. Comment le Gouvernement aidera-t-il la Fédération nationale des pompiers à atteindre cet objectif ? Prévoyez-vous des incitations, une réduction de cotisations patronales pour les entreprises dont les employés sont sapeurs-pompiers volontaires ?
Mme la présidente. - Je m'associe à votre hommage aux sapeurs-pompiers qui ont agi en Gironde.
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Je remercie aussi nos sapeurs-pompiers. Notre modèle de sécurité civile a été mis sous tension cet été ; il a tenu.
L'inspection générale de l'administration doit remettre dans les prochains jours un rapport sur le financement des centres d'incendie et de secours.
Dès 2019, l'État a déployé les pactes capacitaires en vue de mutualiser les efforts des centres d'incendie et de secours. La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) prévoit 30 millions d'euros sur cinq ans pour les financer.
Le recrutement de sapeurs-pompiers, professionnels ou volontaires, reste un défi, auquel on ne peut répondre par une recette simple, mais plutôt par de multiples actions conjuguées.
La loi du 25 novembre 2021 encourage les recrutements, pour une gestion des ressources humaines plus souple. En dix ans, 5 500 sapeurs-pompiers volontaires ont pu être recrutés. Une hausse des effectifs de 10 % en cinq ans devrait pouvoir être atteinte.
Refonte de l'octroi de mer et lutte contre la vie chère
Mme Victoire Jasmin . - L'article 45 de la loi du 2 juillet 2004, qui exclut l'octroi de mer de la base d'imposition de la TVA, n'est pas appliqué. Comment modifier les paramètres de l'octroi de mer pour renforcer le bouclier qualité-prix dans les outre-mer et maintenir les ressources des collectivités, alors que l'État diminue ses dotations ?
L'octroi de mer est devenu un imbroglio législatif : fixé par les collectivités, il varie entre 1 % et 60 % au sein d'une même catégorie de produits. Cette taxe censée protéger les outre-mer des importations à bas coût montre ses limites : créée pour favoriser la production locale, elle est aussi devenue l'une des causes de la cherté de la vie. Comment améliorer cette situation ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Les mesures de soutien au pouvoir d'achat, priorités votées en juillet dernier, s'appliquent dans les outre-mer : remise sur le prix du carburant, prime exceptionnelle de rentrée, revalorisation des aides sociales. Pour tenir compte des revenus en moyenne plus faibles, l'évolution des loyers y est davantage plafonnée, et les préfets peuvent distribuer 19 millions d'euros pour l'aide alimentaire.
Pour limiter les effets de l'inflation, l'Oudinot du pouvoir d'achat initié par MM. Jean-François Carenco et Gérald Darmanin a l'ambition d'étendre le bouclier qualité-prix à davantage de produits et de trouver des accords de modération des prix.
La lutte contre la vie chère ne se limite pas à ces réponses conjoncturelles. L'Insee a estimé l'écart des prix entre les Drom et la métropole entre 7 % et 13 %, selon les territoires. L'octroi de mer alimente la dynamique des prix. Le Président de la République s'y est engagé : une refonte de l'octroi de mer va être menée pour conforter le financement des collectivités, soutenir la production locale et diminuer les prix grâce à une réduction de la fiscalité.
Mme Victoire Jasmin. - J'attire votre attention sur la souveraineté alimentaire. Les agriculteurs ont le choix entre les éoliennes et leurs terres agricoles, parfois inutilisables à cause du chlordécone. La commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) doit faire des choix : on ne mange pas des éoliennes !
Trafic transfrontalier de produits agricoles
M. Christian Klinger . - En Alsace, dans la zone des trois frontières, l'inquiétude est grande : un accord passé en 1938 entre la France et la Suisse qui permet aux agriculteurs frontaliers de vendre leurs produits en Suisse va être remis en cause.
Ces accords montrent bien que ce bassin de vie dépasse les frontières. Malheureusement, un nouveau règlement suisse va entrer en vigueur au 1er janvier prochain et impacter négativement 200 producteurs locaux. Que comptez-vous faire pour les défendre ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - L'office fédéral de la douane et de la sécurité des frontières (OFDF) a constaté que des marchandises importées en Suisse en franchise de redevance n'étaient pas conformes aux accords frontaliers. Une directive plus précise, visant à assurer cette conformité, a suscité des réactions.
La tolérance appliquée pour les importations d'Allemagne ne sera plus accordée en raison de l'absence de bases juridiques. Les livraisons de légumes en franchise de redevance depuis la France restent possibles pour les gros consommateurs, tels les hôtels ou les restaurants, dans le cadre des quantités allouées sur les marchés. Les livraisons aux revendeurs ne seront plus permises que selon des droits de douane réduits et avec certaines limites, conformément à l'annexe 4 de l'accord frontalier.
La nouvelle directive a été discutée à de nombreuses reprises avec les représentants du canton de Bâle ; les bases légales restent inchangées. Les nouvelles réglementations seront expliquées en novembre 2022, lors de séances d'information. Les autorités françaises veulent garantir aux agriculteurs frontaliers un accès équitable au marché suisse.
M. Christian Klinger. - Les producteurs locaux ont été en partie écoutés, mais les quantités annoncées sont faibles. Il ne faudrait pas que les contraintes administratives soient plus lourdes que les cagettes !
Sociétés fantômes et fraude documentaire
M. Jérôme Bascher . - Depuis le 1er janvier dernier, on peut créer une entreprise de manière dématérialisée. Cela est souhaitable, mais les greffiers des tribunaux de commerce signalent un nouveau problème : la multiplication de faux documents, dont l'authenticité est impossible à vérifier.
Les fraudes se multiplient : des gens inscrits au fichier national des interdits de gestion commettent des escroqueries aux aides d'État en créant des entreprises fantômes, en rendant impossible à vérifier leur capital social, ou en déménageant leur siège social pour profiter du fait que les contrôles fiscaux ne se déroulent pas de la même manière dans les départements et que les services ne communiquent pas. Le sujet est majeur.
Depuis le 22 juillet dernier, il est possible de renforcer les vérifications. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - À chaque demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés (RCS), les greffiers contrôlent les dossiers. Un décret du 19 juillet 2022 relatif au registre national des entreprises prévoit plusieurs mesures pour renforcer la lutte contre la fraude documentaire lors des créations d'entreprise.
Le contrôle des greffiers des tribunaux de commerce en amont de l'immatriculation des entreprises au RCS a été renforcé. Les greffiers peuvent vérifier la validité des pièces d'identité produites à l'appui d'une demande d'immatriculation en consultant la base Docverif, selon l'article R. 123-95-1 du code de commerce, pour vérifier qu'une société ne peut être créée au moyen de pièces d'identité falsifiées ou usurpées.
Les greffiers peuvent aussi solliciter des justificatifs complémentaires en cas de doute sur l'authenticité de la pièce produite, selon l'article R. 123-84-1 du code de commerce.
Un nouveau mécanisme de radiation d'office permet aux greffiers de radier une entreprise si son immatriculation a été réalisée à l'aide d'une pièce justificative ou d'un acte irrégulier, selon les articles R. 123-125-1 et R. 123-136-1 du code de commerce. Le contrôle des greffiers postérieurement à la création des entreprises est donc également renforcé.
M. Jérôme Bascher. - Le problème est que ces pièces sont pour les deux tiers étrangères, et ne rentrent pas dans Docverif !
Financement de la scolarité des demandeurs d'asile
Mme Anne-Catherine Loisier . - De nombreux centres d'accueil pour demandeurs d'asile (Cada) ont été ouverts à la suite de la crise migratoire de 2016. En Côte-d'Or, un Cada d'une capacité de 65 réfugiés a ouvert dans la petite commune rurale de Rouvray, située en zone de revitalisation rurale.
Pour couvrir les charges supplémentaires, la commune a perçu, la première année, une aide de l'État de 1 000 euros par réfugié. La demande d'indemnisation présentée en 2020, correspondant à la création de neuf places supplémentaires en 2019, n'a jamais eu de suite.
Le financement repose ainsi entièrement sur le budget de cette petite commune : depuis 2016, cela représente plus de 92 000 euros, somme colossale pour une petite commune qui ne peut assurer ces dépenses sans obérer ses projets d'aménagement.
Avez-vous prévu une indemnisation annuelle systématique, ainsi que la rétroactivité de ces dotations ?
Mme Sonia Backès, secrétaire d'État chargée de la citoyenneté . - Conformément au souhait de la maire de Rouvray, ce Cada accueille des demandeurs d'asile, parmi lesquels entre 30 et 35 enfants fréquentent l'école primaire de la commune, où une classe a été créée.
La charge financière n'est pas négligeable, et l'État s'est engagé : les charges liées à l'accueil et à la scolarisation sont prises en compte dans la dotation globale de fonctionnement (DGF), qui, à Rouvray, est supérieure de 61 % par rapport à la moyenne de sa strate : 228 euros par habitant, contre 142 euros en moyenne.
Par ailleurs, les frais de fournitures scolaires, de cantine et des activités périscolaires sont pris en charge par les parents ou par le gestionnaire du Cada. Pour les collégiens et les lycéens, les frais de transport sont pris en charge par la collectivité, qui en a la compétence. Comptez sur mon engagement à poursuivre les discussions avec les élus locaux concernant l'accueil des réfugiés.
Mme Anne-Catherine Loisier. - Je vous remercie de vous pencher en urgence sur ce sujet. Il faut arrêter de placer des réfugiés dans des communes en grande difficulté économique et sociale.
Résidences secondaires dans les communes touristiques
M. Didier Marie . - Les communes à fort potentiel touristique, notamment sur le littoral et en montagne, sont pénalisées par la conversion d'un nombre croissant de logements en résidences secondaires. L'inflation qui en résulte entraîne un exode de la population locale, qui affaiblit la commune par la diminution des effectifs scolaires et le déclin du commerce. Privées de dynamisme, ces communes ont de grandes difficultés à maintenir les services publics.
L'augmentation de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires constitue un outil de régulation. Toutefois, à partir de 2023, la loi imposera aux communes d'augmenter dans la même proportion cette taxe et celle sur le foncier bâti, une corrélation pénalisante pour les foyers modestes propriétaires de leur logement.
La décorrélation des deux taxes, récemment proposée par un collectif de maires du Val de Saire, permettrait aux maires d'agir pour endiguer la multiplication des résidences secondaires et revitaliser leur commune. Quelle est la position du Gouvernement sur le sujet ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Plusieurs parlementaires alertent sur la situation financière des communes littorales et à fort potentiel touristique, confrontées à une importante conversion de logements en résidences secondaires.
Nous avons mis en place un schéma dynamique visant à compenser à l'euro près la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales. Les résidences secondaires restent soumises à cette taxe, et les communes situées en zone tendue peuvent majorer la part qui leur revient de 5 à 60 %.
Dès lors, le phénomène que vous soulignez ne nuit pas aux ressources fiscales des communes ; certaines bénéficient même d'un surplus de recettes.
S'agissant des difficultés d'accès au logement, nous travaillons à une révision des critères des zones tendues, et une réponse ciblée vous sera proposée dans le projet de loi de finances pour 2023.
M. Didier Marie. - Vous ne m'avez pas répondu sur la décorrélation. Ces communes, déjà fragilisées par la baisse de la fréquentation touristique pendant la crise sanitaire, rencontrent des difficultés financières majeures. Il importe de soutenir leur dynamisme et leurs recettes.
Coût exorbitant de l'électricité pour les entreprises
M. Philippe Tabarot . - Le prix de l'électricité sur le marché de gros a dépassé les 1 000 euros par mégawattheure. Nos entreprises sont asphyxiées, et certaines sont contraintes de réduire leur activité ; des milliers d'emplois sont en péril.
À l'heure où nous devons reconquérir notre souveraineté, ne laissons pas des pans entiers de notre industrie disparaître. Les aides du Gouvernement sont loin d'être à la hauteur des besoins des entreprises et des collectivités. Celles-ci ne peuvent attendre la réforme du marché européen, ni un hypothétique tarif réglementé d'urgence. Elles ne peuvent pas non plus compter sur la seule limitation de la consommation.
Il est urgent de leur venir en aide. Que comptez-vous faire ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Je partage vos inquiétudes, relayées par nombre d'entreprises, notamment industrielles.
Dès l'année dernière, le Gouvernement a agi pour contrer la hausse prévisible du coût de l'énergie. Mais l'envolée des tarifs a atteint cet été des niveaux insensés. Malgré les mesures prises, dont le bouclier tarifaire et le surplus d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), la situation est donc très tendue.
Nous travaillons d'arrache-pied, à trois niveaux. Au niveau européen, un accord a été obtenu pour un plafonnement des prix de production ; les recettes qui en résulteront pour l'État nous permettront d'aider les entreprises. Au niveau national, nous assouplissons les critères du fonds de soutien dit « Ukraine » et en accroissons le montant ; en outre, nous avons signé hier avec les distributeurs d'énergie une charte pour un meilleur accompagnement des consommateurs. Enfin, j'ai mobilisé les commissaires au redressement productif et l'ensemble des fonctionnaires territoriaux pour qu'ils soient au plus près des entreprises.
L'essentiel se joue au niveau européen : nous travaillons à baisser les prix de l'énergie dès la fin de l'année.
M. Philippe Tabarot. - Les Français réalisent avec exaspération à quel point notre souveraineté énergétique a été déconstruite par le couple Hollande-Macron, qui a bradé notre héritage nucléaire sur l'autel d'arrangements politiciens. Par le passé, votre majorité a choisi le renoncement au nucléaire : aujourd'hui, les Français le paient cash.
Résiliation unilatérale des contrats d'énergie par les fournisseurs
M. Christian Redon-Sarrazy . - Dès le printemps, de nombreux chefs d'entreprise nous ont alertés sur les résiliations unilatérales de contrats de fourniture d'énergie et l'impossibilité pour les entreprises concernées d'obtenir une offre de la part d'un autre fournisseur.
Les fournisseurs invoquent une notation financière insuffisante, liée notamment au niveau d'endettement. De fait, la signature ou la renégociation d'un contrat s'appuie sur l'analyse des bilans, généralement covidés et sous prêt garanti par l'État. Ces critères sont très pénalisants pour les petites entreprises.
De nombreuses communes, en Haute-Vienne comme ailleurs, connaissent les mêmes difficultés. La continuité d'approvisionnement n'est assurée qu'au prix de solutions boiteuses, et l'opacité des offres impose le recours à des courtiers, facteur de surcoût.
Alors que PME et collectivités territoriales sont ainsi prises en otage, il y a urgence à rétablir l'égalité d'accès à l'énergie. Comment comptez-vous agir ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Le Gouvernement s'efforce de limiter autant que possible les effets du choc structurel de l'énergie que nous connaissons.
Hier, nous avons convoqué à Bercy les distributeurs d'énergie après avoir été alertés sur certains comportements abusifs. Les distributeurs ont un devoir de conseil et d'accompagnement de leurs clients dans une situation difficile.
La charte signée comporte 25 engagements, dont l'anticipation du renouvellement des contrats et la fourniture d'une offre à tous les clients, à une date convenue à l'avance. En outre, nous avons proposé aux fournisseurs de garantir une partie des contrats.
Nous avons donc pris à coeur les alertes que vous relayez. La charte et la garantie ne résoudront pas tout dans un environnement extrêmement volatil, mais pacifieront la relation entre distributeurs et clients.
M. Christian Redon-Sarrazy. - Une rétroactivité doit être possible pour que ceux qui ont été obligés de signer cet été puissent revenir en arrière. Une hausse de 500 % du coût de l'électricité n'est tout simplement pas acceptable. (Mme Victoire Jasmin renchérit.)
Télétravail transfrontalier
Mme Patricia Schillinger . - La pandémie a accéléré le développement du télétravail, devenu pour nombre de nos concitoyens synonyme d'une meilleure qualité de vie. Avec le prix élevé des carburants et l'urgence climatique, l'essor du télétravail fait sens.
Or les travailleurs transfrontaliers exerçant en Suisse étaient limités dans leur capacité à travailler chez eux par les règles sociales et fiscales en vigueur. Sur le plan fiscal, le télétravail en France est imposable en France ; les employeurs suisses se réfugient derrière la disposition pénale leur interdisant de percevoir un impôt pour le compte d'un État étranger. En matière sociale, le droit européen fixe à 25 % le seuil au-delà duquel l'employeur suisse doit s'acquitter des cotisations auprès de la France.
Du fait de la crise sanitaire, nos deux pays ont conclu un accord amiable levant ces obstacles. Plusieurs fois reconduit, il arrivera à échéance le 31 décembre prochain. Des négociations sont en cours afin de pérenniser la possibilité pour les travailleurs transfrontaliers de télétravailler : où en sommes-nous ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Nombre de parlementaires frontaliers nous interrogent sur la situation de nos 400 000 compatriotes travaillant outre-frontière, au regard de l'essor du télétravail.
Les règles fiscales ne font l'objet d'aucune coordination européenne : elles relèvent du droit interne et des conventions bilatérales. Pour lever les difficultés liées au prélèvement d'une retenue à la source pour le compte de la France par des employeurs étrangers, nous proposerons dans le projet de loi de finances pour 2023 un système d'acomptes contemporains, sans intervention de l'employeur. Une concession unilatérale et sans compensation ne paraît pas souhaitable.
Nos deux États discutent actuellement d'une solution que nous espérons pérenne et équilibrée, respectueuse des intérêts budgétaires de la France. Nous espérons aboutir avant le 31 octobre, date à laquelle la tolérance que nous avons prolongée cessera.
S'agissant de la sécurité sociale, la législation de l'État de résidence s'applique. Sur le fondement de la force majeure, une période de flexibilité pour les télétravailleurs a été mise en place pendant la crise sanitaire, puis prolongée jusqu'à la fin de 2022. Une réflexion est en cours au niveau européen, à laquelle la France participe.
Taxe d'aménagement (I)
M. Pierre Louault . - La loi de finances pour 2022 prévoit l'obligation, pour la commune, de reverser tout ou partie de la taxe d'aménagement à l'établissement public de coopération intercommunale (EPCI). L'idée est bonne, mais la procédure est complexe puisque chaque président d'EPCI devra négocier un taux par commune, après quoi chaque commune devra faire voter ce taux en conseil municipal. En cas de refus, les présidents d'EPCI devront se tourner vers les tribunaux administratifs.
Un décret ne pourrait-il prévoir qu'en l'absence de délibération, la taxe est partagée pour moitié entre l'EPCI et les communes ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Cette obligation, introduite par un amendement parlementaire à la loi de finances pour 2022, répond à l'obligation faite à l'EPCI depuis 2010 de reverser une partie de cette taxe à la commune lorsqu'il se substitue à elle pour prélever cette taxe. Il y a parallélisme des formes et, dans la pratique, on observe une certaine souplesse dans l'application. Ensuite, les associations d'élus ont été largement informées et le Gouvernement a décidé de reporter la date d'application au 31 décembre de cette année : j'espère que ce délai permettra à chacun de s'organiser.
Taxe d'aménagement (II)
M. Max Brisson . - La taxe d'aménagement sur les communes est exigible à la date de délivrance de l'autorisation d'urbanisme ; le versement peut s'effectuer à 12 mois, puis à 24 mois après la délivrance de l'autorisation.
Cependant la loi de finances pour 2021 a transféré la gestion de cette taxe à la direction départementale des finances publiques. La date d'exigibilité est désormais fixée à l'achèvement des opérations imposables, dans les 90 jours de la réalisation définitive des constructions nouvelles.
Un tel changement exige de renforcer les contrôles, donc les moyens des services fiscaux. Ensuite, ce nouveau calendrier touche les budgets des collectivités locales dans des proportions importantes - la commune de Gan, dans les Pyrénées-Atlantiques, pourrait voir cette année son enveloppe de 168 000 euros réduite des deux-tiers.
Les communes craignent d'assister, impuissantes, au transfert progressif de cette taxe, et du pouvoir d'instruire les autorisations d'urbanisme, aux intercommunalités.
Allez-vous tenir compte de ces inquiétudes ? Allez-vous renforcer les moyens des services fiscaux ? Peut-on maintenir le caractère facultatif du reversement de cette taxe aux EPCI ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Je tiens à vous rassurer : selon l'étude préalable à la réforme, le report de l'exigibilité des taxes à l'achèvement des travaux sera sans impact sur la trésorerie des collectivités pour les trois-quarts des montants recouvrés, parce que le recouvrement en sera accéléré et parce que les projets sont achevés majoritairement en moins de 24 mois, c'est-à-dire avant l'émission du second titre de perception dans le système antérieur. Toutefois, pour les projets qui demandent plus de deux ans, il peut y avoir un décalage ; c'est pourquoi l'ordonnance du 14 juin dernier portant transfert de la gestion des taxes d'urbanisme crée, pour les constructions dont la surface est supérieure à 5 000 m2, un système d'acompte qui en neutralisera les effets.
Je peux également vous rassurer sur les moyens : 290 agents supplémentaires des directions départementales rejoignent la direction générale des finances publiques (DGFiP) d'ici deux ans et le dispositif de contrôle est particulièrement robuste, grâce à l'unification des obligations déclaratives en matière de taxe d'urbanisme et de taxe foncière.
M. Max Brisson. - Vous citez des chiffres, je vous parle du ressenti des maires des petites communes : ils sont très inquiets, j'espère que vous les entendrez.
Devenir des conseillers numériques
Mme Martine Filleul . - Emmaüs Connect m'a alertée sur le statut précaire des conseillers numériques : au-delà de leur contrat de deux ans, l'État ne prendra plus en charge leur rémunération - or les structures qui les hébergent ne pourront prendre le relais. L'annonce par le Gouvernement d'une enveloppe de 44 millions d'euros va dans le bon sens, mais pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dire que les emplois seront pérennes, au service de la lutte contre l'exclusion numérique ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - Les maisons France Services me tiennent particulièrement à coeur ; j'en ai recommandé la création après avoir vu fonctionner leurs équivalents au Canada. L'engagement du Président de la République a permis d'y consacrer 250 millions d'euros dans le plan de relance. Le dispositif ayant démontré sa pertinence, la Première ministre a annoncé son maintien : l'État engagera 72 millions d'euros l'an prochain pour les conseillers numériques, entre les contrats engagés et ceux à venir.
Je veux aussi rassurer les structures. Mes collègues Jean-Noël Barrot et Stanislas Guérini proposeront, dans les prochains jours, de créer une structure employeuse. La question du reste à charge est bien identifiée, et nous parviendrons à une solution pérenne d'ici la fin de l'année.
Mme Martine Filleul. - J'insiste : les collectivités territoriales et les conseillers numériques ont besoin de perspective. Il est grand temps d'engager plus vigoureusement une politique publique de lutte contre l'illectronisme.
Label « station de tourisme »
Mme Martine Berthet . - Le label « station de tourisme » récompense les efforts de la commune pour proposer une offre touristique d'excellence ; il est accordé pour douze ans. Les critères ont été modifiés à l'été 2019 pour imposer la présence d'une pharmacie sur le territoire communal ; jusque-là, le label n'imposait qu'une offre de soins à moins de vingt minutes. Ce nouveau critère ne prend pas en compte les réalités : en Savoie, au moins neuf communes ne peuvent renouveler leur labellisation, faute de pharmacie.
Plusieurs solutions ont été évoquées, en particulier le maintien du critère de distance de vingt minutes pour les communes déjà labellisées en instance de renouvellement ou la possibilité pour le maire de prouver qu'une livraison de médicaments peut être effectuée en quelques heures pour sa population touristique, dans de strictes conditions de confidentialité et de sécurité et en complément du dispositif médical et de secours existant dans la station. Le Gouvernement peut-il aller dans ce sens ?
M. Roland Lescure, ministre délégué chargé de l'industrie . - La révision des critères, adoptée en concertation avec les élus des territoires touristiques, a effectivement inscrit la présence d'une pharmacie parmi les critères de ce classement. Cela se justifie d'autant plus en zone de montagne, où les déplacements sont plus complexes qu'ailleurs et où la fréquentation est importante en période hivernale. Cependant, il peut y avoir des effets de bord, et le Gouvernement partage vos préoccupations. C'est pourquoi une concertation sera lancée ce mois-ci pour parvenir à une solution d'ici la fin de l'année, afin de faire évoluer ce critère tout en maintenant une offre d'excellence pour la clientèle touristique.
La séance est suspendue quelques instants.
Dispositif de stérilisation féminine Essure
Mme Catherine Deroche . - Ma question était adressée au ministre de la santé et de la prévention ; je m'étonne que la secrétaire d'État chargée de la ruralité soit chargée de me répondre...
Quatre ans après l'arrêté du 14 décembre 2018 encadrant la pratique de l'acte d'explantation de dispositifs pour stérilisation tubaire Essure, et malgré un protocole d'explantation élaboré par le collège national des gynécologues obstétriciens (CNGOF), l'information des femmes porteuses d'Essure et des professionnels de santé doit être renforcée.
Le réseau d'entraide, de soutien, d'informations sur la stérilisation tubaire (Resist) dénonce notamment les conséquences d'une mauvaise application du protocole d'explantation, comme la non-réalisation des imageries de contrôle préalable à l'intervention chirurgicale.
Qu'en est-il du projet de registre des femmes explantées permettant d'améliorer leur suivi et les connaissances scientifiques annoncé en février 2022, de l'étude Ables sur l'amélioration des symptômes après ablation et enfin de la mise en place d'un parcours de soins conforme à l'arrêté de 2018 ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - François Braun regrette de ne pouvoir être présent ; je vous livre donc les éléments de réponse qu'il m'a transmis.
Un comité de suivi des femmes porteuses d'Essure a été mis en place en octobre 2017. Le ministère de la santé, en collaboration avec les parties prenantes, a défini un plan d'action pour sécuriser le retrait du dispositif et l'information des femmes concernées. Le comité s'est réuni à cinq reprises ; le plan d'action a été présenté le 25 janvier 2022.
Deux documents d'information ont été élaborés en collaboration avec Resist et le CNGOF pour aider les femmes à la prise de décision. Ils sont disponibles sur le site du ministère.
L'arrêté que vous avez mentionné prévoit notamment des consultations de suivi postopératoire. À la suite d'une large consultation auprès des professionnels de santé, ce suivi sera mis en place à la rentrée prochaine. Il permettra de repérer les effets secondaires éventuels et l'état de santé des femmes concernées.
L'étude Ables, financée par le ministère de la santé, est pilotée par le docteur Gautier Chène, des Hospices civils de Lyon. Elle devrait démarrer début 2023 après l'obtention des autorisations préalables.
Mme la présidente. - Madame la ministre, vous avez dépassé votre temps de réponse de plus d'une minute. Je serai contrainte de vous interrompre si cela se reproduit.
Mme Catherine Deroche. - Je vous remercie pour votre réponse.
Centre hospitalier régional (CHR) de Metz-Thionville
M. Jean Louis Masson . - Je regrette d'autant plus l'absence du ministre de la santé qu'il a exercé au CHR de Metz-Thionville.
Comme tous les hôpitaux, le CHR de Metz-Thionville rencontre d'importants problèmes de recrutement, aggravés par la proximité du Luxembourg. Or, sous prétexte de la reconstruction de l'hôpital à 200 mètres de la limite communale de la ville de Metz, l'indemnité de résidence du personnel a été fortement diminuée.
Le CHR Metz-Thionville sera bientôt le seul des 32 CHR français à ne pas avoir le statut de centre hospitalier universitaire (CHU). Ainsi, bien que le département compte davantage d'habitants que le Bas-Rhin ou la Meurthe-et-Moselle, les malades souffrant de pathologies compliquées sont souvent obligés d'aller se faire soigner à Strasbourg ou à Nancy.
À cela s'ajoute la mauvaise volonté de l'université de Lorraine, qui craint la concurrence, comme l'a reconnu un conseiller technique du précédent gouvernement.
Qu'allez-vous faire pour l'indemnité de résidence des salariés du CHR et l'obtention du statut de CHU ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Je renouvelle les regrets du ministre. Comme vous l'avez indiqué, le site de Bon Secours du CHR a déménagé en 2012 du centre-ville de Metz vers un bâtiment neuf, à cheval entre les communes de Peltre et Ars. C'est en application d'un décret du 24 octobre 1985 que l'indemnité a été supprimée, la commune d'Ars ne faisant pas partie des communes éligibles.
En 2007, 822 agents ont demandé la réattribution de l'indemnité avec effet rétroactif. Devant le refus du CHR, 67 d'entre eux se sont pourvus devant le tribunal administratif de Strasbourg qui, le 2 juillet 2019, a rejeté les recours. Dix agents se sont pourvus en appel. Seule une évolution du dispositif ou l'inscription de la commune d'Ars dans la liste des communes éligibles permettrait aux agents de percevoir l'indemnité.
Mme la présidente. - Je regrette, mais votre temps de parole est dépassé.
M. Jean Louis Masson. - Rappel au règlement ! Les non-inscrits que nous sommes sont discriminés sans raison valable. Vous avez accepté que ma collègue, appartenant au groupe majoritaire, reçoive une réponse plus longue de la ministre. Quant à moi, je n'ai eu que la moitié de cette réponse, la moins importante. Ce n'est pas correct ! J'ai la même légitimité démocratique que mes collègues Les Républicains.
Mme la présidente. - Monsieur Masson, il n'y a pas de discrimination. J'ai rappelé à la ministre les règles relatives au temps de parole ; c'est à moi qu'il appartient de les faire respecter. (M. Laurent Burgoa applaudit.)
Nouveaux médicaments antimigraineux
Mme Valérie Boyer . - Une nouvelle classe de médicaments a été reconnue comme représentant une avancée majeure pour la prise en charge de la migraine sévère - un mal qui empêche 13 % des personnes qui en souffrent de travailler. Ils ont permis d'obtenir « des résultats spectaculaires dans plus de 70 % des cas », selon des neurologues.
Au Danemark, en Slovaquie, en Espagne, en Italie, en Allemagne et en Belgique, ils sont remboursés pour tout ou partie par l'État. En France, ce n'est pas le cas, alors que le coût pour les malades est compris entre 2 678 et 4 550 euros par an. Cela tiendrait à l'absence d'accord financier entre le Gouvernement et les laboratoires concernés. Pouvez-vous le confirmer ? Combien de patients ont déjà renoncé à leur traitement pour cette raison ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Trois spécialités pharmaceutiques appartenant à la classe des anti-CGRP ont reçu une autorisation de mise sur le marché en 2018 et 2019. Il existe déjà différents traitements pris en charge pour le traitement de la migraine. Pour les trois médicaments concernés, les autorités de santé ont conclu à l'absence d'amélioration du service médical rendu. Par conséquent, il n'y a pas d'économie dans le coût du traitement. Face aux prétentions tarifaires extrêmement élevées des producteurs de ces médicaments, il a été décidé de ne pas les rembourser.
Cela ne préjuge pas, néanmoins, d'une évolution si les laboratoires sont en mesure de présenter de nouvelles données ou acceptent de négocier dans le cadre réglementaire existant.
Mme Valérie Boyer. - Je suis confuse et consternée de constater que la fiche que vous avez lue ne répond pas à ma question pourtant simple : pourquoi ces médicaments sont-ils remboursés dans certains pays et pas dans le nôtre ?
Quand auront lieu de nouvelles négociations avec les laboratoires commercialisant les nouveaux traitements antimigraineux à base d'anticorps monoclonaux en vue de leur remboursement ?
Quand les patients souffrant de formes sévères et invalidantes de migraines pourront-ils obtenir ce traitement dans les pharmacies destinées au grand public et quand ce traitement sera-t-il pris en charge par la sécurité sociale ?
Métier d'infirmier en pratique avancée (IPA)
Mme Véronique Guillotin . - Créé en 2018, l'IPA est un infirmier expérimenté de niveau master, capable d'assurer le suivi médical des malades souffrant de certaines pathologies chroniques, de cancers ou encore de certaines maladies rénales, en coordination avec le médecin traitant. La création de cette profession avait pour objet de soulager ces derniers et de leur permettre d'élargir leur patientèle, ce qui n'est pas anodin alors que 11 % des Français n'ont pas de médecin traitant.
Or nous arrivons à peine à la moitié du nombre d'IPA espérés, notamment en raison d'un manque d'attractivité économique et d'information des médecins et des patients. Alors que le nombre de médecins généralistes n'augmentera pas significativement avant dix ans, l'IPA demeure pourtant une solution pertinente.
Quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il pour accompagner la montée en puissance de la profession ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - L'IPA apporte davantage d'écoute et de soutien aux malades, et il assure une réponse rapide à la demande de soins. Tous les acteurs concernés, équipes hospitalières, structures ambulatoires et patients, en sont satisfaits. Il est légitime d'attendre un déploiement massif, mais il reste néanmoins des points limitants.
Pour l'exercice en ville par exemple, un nouvel accord conventionnel vient d'être signé entre la Caisse nationale d'assurance maladie et les représentants infirmiers pour revaloriser le financement des activités libérales.
La question sera aussi abordée dans un groupe de travail dédié dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR). Il faut trouver un équilibre entre exercice médical et IPA, en particulier en ville. Nous sommes tous convaincus des vertus du dispositif.
Mme Véronique Guillotin. - Le CNR doit trouver des solutions concrètes avec les acteurs et lever les freins.
Aide alimentaire
M. Laurent Somon . - Le Gouvernement a choisi d'affecter l'intégralité du Fonds européen d'aide aux plus démunis (Fead) à l'aide alimentaire. La crise de la covid a révélé le caractère indispensable de cette aide ainsi que le rôle essentiel des associations. En 2020, l'Union européenne a augmenté les fonds alloués pour la période 2021-2027 et débloqué des crédits supplémentaires. Malheureusement, au niveau national, plusieurs marchés - carotte, petits pois, café... - se sont révélés infructueux et certains fournisseurs résilient les contrats. Pour le Secours populaire français, c'est une perte de plus de 6,5 millions d'euros et de 130 000 euros pour sa fédération de la Somme. Les associations ont réclamé une subvention de compensation : c'est ainsi que le Secours populaire a reçu 3 millions d'euros à titre exceptionnel, mais il manque encore autant pour venir en aide aux huit millions de personnes en insécurité financière. Que compte faire le Gouvernement ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - La loi de finances rectificative pour 2022 du 16 août dernier a prévu à ce titre 55 millions d'euros de crédits exceptionnels, dont 28,5 millions pour les associations. En outre, un travail technique est actuellement mené avec les associations pour réduire le nombre de lots infructueux. Une expérimentation de marchés pluriannuels est en cours, avec un bilan en fin d'année.
En matière d'aide alimentaire, les objectifs du Gouvernement reprennent les orientations de la Convention citoyenne pour le climat. Il s'agit d'un enjeu majeur de santé publique et d'environnement. Les projets alimentaires territoriaux sont un bon outil et il convient de s'appuyer sur les nombreuses initiatives locales pour trouver des solutions adaptées à la diversité des territoires. Je rappelle également que 7 millions d'euros sont prévus au projet de loi de finances pour 2023 afin de développer la tarification sociale dans les cantines et le repas à un euro.
Éoliennes à Vay (Loire-Atlantique)
Mme Laurence Garnier . - Le projet d'implantation d'éoliennes à Vay, dans le nord de la Loire-Atlantique, est un cas d'école : tout le monde est contre, élus, commissaire-enquêteur, architecte des bâtiments de France (ABF), et même le préfet ! Mais le porteur du projet est allé devant les tribunaux et a obtenu l'annulation de l'arrêté du préfet. Élus et habitants sont en colère : ils ne sont pas contre les éoliennes - la commune de Vay en est déjà dotée -, mais ce projet pose un problème d'emplacement. C'est une question de démocratie ! Il faut redonner le pouvoir aux élus locaux, comme le Sénat le propose régulièrement. Au lieu de cela, seule une consultation obligatoire des maires est prévue par la loi. Comment comptez-vous soutenir ces élus désemparés ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - La programmation pluriannuelle de l'énergie et de développement des énergies renouvelables est une priorité pour le Gouvernement face à l'urgence climatique et à la nécessité de diversifier notre mix électrique. Les élus locaux ne sont pas démunis : ils peuvent définir des zones propices à l'implantation d'éoliennes et des zones où l'implantation serait soumise à des conditions restrictives. Une circulaire du 16 septembre dernier invite les préfets à les accompagner dans ce travail. En outre, le développeur doit obligatoirement consulter le maire avant le dépôt du dossier et répondre aux éventuelles observations. Enfin, les futurs comités régionaux de l'énergie permettront prochainement un suivi des objectifs de développement des énergies renouvelables à l'échelle régionale.
À Vay, des mesures complémentaires ont été demandées au développeur afin de répondre aux enjeux patrimoniaux. Le projet de nouvel arrêté préfectoral sera examiné en commission départementale de la nature, des paysages et des sites, instance à laquelle participe le maire.
Mme Laurence Garnier. - La Loire-Atlantique, c'est le département de Notre-Dame-des-Landes. Des projets voulus par les habitants ne se font pas, alors que des projets rejetés par les habitants leur sont imposés... C'est un drame démocratique.
Diagnostics des ponts
Mme Catherine Morin-Desailly . - Le plan de diagnostic des ponts et ouvrages publics mis en place à la suite de la mission Maurey et financé par le plan de relance a permis de faire le point sur l'ensemble du territoire. Certains ouvrages, notamment en Seine-Maritime, sont dans un état préoccupant et imposent parfois des mesures comme la limitation du tonnage.
Avant d'engager des travaux de rénovation, les élus doivent demander des études et des devis, dont le coût n'est pas pris en charge par la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).
Quant aux travaux de rénovation, ils sont à la charge des communes, très partiellement aidées - « Mobi Prêt », DSIL... Certains élus risquent de se trouver rapidement en position financière délicate.
Un fonds dédié, tel que le préconise le rapport sénatorial de 2019, ne pourrait-il être envisagé ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Le plan de relance consacre 40 millions d'euros à la réalisation d'une cartographie précise de nos ouvrages d'art. C'est un outil précieux pour les communes qui disposent ainsi du carnet de santé de leurs ouvrages.
Le financement des travaux repose en premier lieu sur les communes et leurs groupements. Toutefois, la DSIL peut être mobilisée, ainsi que l'a prévu une instruction du 7 janvier 2022. Le Cerema et la Banque des territoires ont également mis en place des dispositifs d'accompagnement. L'éligibilité au « Mobi Prêt » a été étendue, avec 2 milliards d'euros disponibles. Par ailleurs, le programme national Ponts est structuré en deux phases : une phase de recensement qui s'est achevée fin 2021 et une phase d'évaluation actuellement en cours. Fin juin 2022, la moitié des communes bénéficiaires avaient obtenu une visite, soit 25 000 ouvrages visités. Le Gouvernement reste très attentif aux difficultés rencontrées par les collectivités territoriales.
Mme Catherine Morin-Desailly. - Notre rapport de 2019 a fait l'objet d'un droit de suite en juin 2022. Le constat est alarmant : il n'y a toujours aucun fonds spécifique pour aider le bloc communal, contrairement aux propositions de la mission Maurey.
Aides dérisoires pour les communes inondées du Gard
M. Laurent Burgoa . - Le 14 septembre 2021, les communes gardoises ont été touchées par de fortes inondations. Pour 48 d'entre elles, l'état de catastrophe naturelle a été reconnu, mais les subventions qu'elles s'apprêtent à recevoir sont dérisoires : après un an d'attente, une commune recevra 27 000 euros pour 690 000 euros de dégâts, une autre percevra 7 400 euros pour 99 400 euros de dégâts... À ma demande, le ministre de l'intérieur s'est engagé à réexaminer ces situations. Quelles suites comptez-vous donner ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Du 14 au 16 septembre 2021, le département du Gard a subi des inondations et des coulées de boue. Trente-sept communes vont bénéficier d'une subvention au titre de la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'évènements climatiques ou géologiques (DSEC), pour 1,2 million d'euros. Ces subventions permettent une réparation à l'identique, sur la base d'une liste de biens éligibles, tout en prenant en compte la vétusté et le niveau d'entretien du bien. Les travaux d'amélioration ou d'extension en sont exclus. Cela explique que le montant de la subvention soit inférieur au chiffrage des dégâts.
Le FCTVA peut également être mobilisé, sous réserve d'éligibilité. Enfin, les assurances devraient contribuer à l'indemnisation. Dans le cas de charges de fonctionnement exceptionnelles, les communes pourront demander à bénéficier d'un étalement sur plusieurs exercices.
Le Gouvernement reste très attentif à l'évolution de la situation financière de ces communes.
M. Laurent Burgoa. - Il ne s'agit que de remises en état, pas d'aides d'agrément ! Attention à ce que l'État n'adopte pas une attitude pire que les assureurs, au risque d'alimenter la défiance à l'égard de la parole de l'État et de décourager les élus locaux.
Hausse du prix des granulés de bois
Mme Laurence Rossignol . - En un an, la tonne de granulés de bois a vu son prix doubler, et la situation risque de s'aggraver. Les fournisseurs font état de difficultés à reconstituer leurs stocks et ne s'engagent plus sur leurs prix, même s'il ne faut pas être naïf sur l'effet d'aubaine de la hausse des prix...
Beaucoup de ménages ont été encouragés à recourir aux granulés de bois, écologiques et économiques. Ainsi, sept millions de familles s'y chauffent, souvent exclusivement. Comment le Gouvernement les prendra-t-il en compte dans son ambition de répondre à l'urgence du pouvoir d'achat ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Nous traversons la plus grave crise énergétique depuis les chocs pétroliers des années 1970. La hausse des prix des matières premières et du transport est accentuée par la guerre en Ukraine. La constitution de stocks prudentiels accroît la pression sur la demande. Le Gouvernement agit, et producteurs et distributeurs travaillent pour assurer la disponibilité de granulés cet hiver. Il est primordial que les consommateurs ne fassent pas plus de stocks que nécessaire.
Dans le cadre de l'appel à projets BCIAT (biomasse chaleur industrie agriculture et tertiaire), l'Ademe a financé quatorze chaufferies produisant 850 000 tonnes de granulés par an. L'appel à projets biomasse chaleur pour l'industrie du bois pourrait en outre rendre disponibles 300 000 à 400 000 tonnes supplémentaires par an.
Un chèque de 100 euros a été attribué à 5,8 millions de ménages en décembre 2021 pour les aider à régler leurs factures d'énergie. Un autre sera envoyé en fin d'année à 12 millions de ménages. Les 5,8 % de ménages les plus modestes recevront ainsi 200 euros, et les autres 100 euros. Je vous assure de notre détermination.
Mme Laurence Rossignol. - Je constate que tout est sous contrôle...
Conséquences de coupures hivernales d'électricité
Mme Laure Darcos . - La Première ministre, après avoir évoqué des coupures d'électricité cet hiver en omettant de préciser que les ménages ne seraient pas concernés, nous invite à la sobriété. Nous ne le contestons pas. Cependant, les collectivités, qui gèrent des services publics essentiels risquant d'être mis à l'arrêt, sont les oubliées de son discours.
Des maires ruraux de l'Essonne m'ont alertée sur le risque de coupure des réseaux d'eau. Comment assurer l'approvisionnement et la lutte incendie sans surpresseurs ? Comment stocker les eaux usées et éviter les refoulements en cas d'arrêt des postes de relevage ?
La gestion des collectivités est affaire de pragmatisme. Le Gouvernement a-t-il pris conscience de ces risques et comment y répondra-t-il ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - À nouveau, nous traversons une grave crise énergétique, accentuée par la volonté russe d'utiliser l'énergie comme moyen de pression. La disponibilité de nos installations est en outre dégradée, pour l'hydroélectrique avec la sécheresse comme pour le nucléaire avec le grand carénage.
Cela étant, nous activons les leviers de la réduction de la consommation d'électricité, dans le cadre de la sobriété, et de la maximisation des moyens de production, avec un suivi renforcé du nucléaire et la sécurisation du gaz, dont nos stocks sont pleins à 97 %. Nous facilitons aussi la finalisation et une utilisation supérieure au cadre usuel des projets d'énergies renouvelables.
RTE conclut à un risque de tensions accrues, mais maîtrisables. Des coupures locales temporaires pourraient avoir lieu pour des usagers, mais ce serait l'ultime recours. La priorité est d'éviter les menaces sur la vie des personnes. La coupure des réseaux d'eau potable n'est théoriquement pas exclue à 100 %, mais ils disposent de moyens de secours.
Mme Laure Darcos. - J'ai évoqué la question des réseaux d'eau avec mon préfet. Je vous prie de transmettre notre préoccupation à vos collègues.
Réglementation environnementale pour les habitats légers de loisir
Mme Annick Billon . - À l'instar des piscines, des saunas et des lieux de cultes, les habitats légers de loisir (HLL) ne sont pas soumis à la réglementation thermique RT2012, en raison de leur utilisation : beaucoup sont situés sur des campings ou dans des villages de vacances et occupés durant l'été uniquement.
Or la durée de vie des HLL est de vingt ans : l'application de la réglementation environnementale RE2020, qui a une période de référence de 50 ans n'est pas adaptée et entraîne des surcoûts. C'est regrettable, car les HLL s'intègrent mieux dans le paysage et sont plus résilients que d'autres installations de camping.
Je vous demande donc que l'arrêté ministériel à venir précise que seuls les HLL implantés hors infrastructures saisonnières ou dont la destination n'est pas l'hébergement touristique de loisirs soient concernés par RE2020, ce qui serait justifié par leur occupation permanente.
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Les HLL chauffés ont une forte consommation d'énergie. C'est pourquoi la RE2020 leur est appliquée, tout en adaptant les exigences énergétiques. Cette application est possible dans deux cas : pour les surfaces inférieures à 50 m2, au 1er janvier 2023, et ceux prévus pour une durée d'utilisation inférieure à deux ans, avec des exigences adaptées, dès le 1er juillet 2023. Dans les deux cas, les précisions seront données dans un arrêté publié cet automne.
Nous en avons discuté avec les acteurs concernés. L'étude d'impact fait état d'un retour sur investissement inférieur à vingt ans. Ces nouvelles exigences sont donc sans préjudice sur la rentabilité.
Mme Annick Billon. - Bien sûr, des moyens adaptés sont nécessaires. Espérons que la rédaction des arrêtés n'empêchera pas les constructeurs de travailler dans de bonnes conditions.
Indemnité de sujétion géographique des enseignants à Saint-Barthélemy
Mme Micheline Jacques . - La taille et l'économie de Saint-Barthélemy entraînent une pression sur les loyers. Loger les enseignants s'avère complexe, au point qu'une association de parents d'élèves prend en charge une partie de leurs loyers.
Des contractuels sont appelés faute de titulaires. Le décret de 2013 portant création d'une indemnité de sujétion géographique prévoyait que celle-ci n'équivaudrait qu'à six mois de traitement indiciaire, en raison de l'attractivité de l'île, montant ramené à trois mois en 2021.
La réponse indemnitaire ne suffit pas et doit être confortée par des conditions plus encourageantes. La présence d'un maître formateur est une première avancée.
Quelles actions entendez-vous mener pour améliorer la situation ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - Renforcer l'attractivité du métier d'enseignant et compenser le coût de la vie dans les outre-mer sont au coeur des politiques des ministères de l'éducation nationale et de la fonction publique. L'indemnité de sujétion géographique a été étendue aux installations d'une durée d'au moins deux ans au lieu de quatre ainsi qu'aux néotitulaires. En outre, tous les fonctionnaires de l'État à Saint-Barthélemy, dont les enseignants, voient leur traitement brut majoré de 25 %.
Le ministère participe depuis 2022, à hauteur de 15 euros par mois, aux frais de mutuelle des agents, qui bénéficient aussi des primes d'attractivité et d'équipement informatique. Les enseignants titulaires originaires de l'île y obtiennent plus facilement leur nomination.
Le dispositif postes à profil (PoP) ouvre des postes aux caractéristiques particulières. Cela permet de les pourvoir avec des profils adaptés. Trois postes ont été ainsi pourvus en 2022. Enfin, nous allons prendre des mesures en faveur du logement.
Mme Micheline Jacques. - Je prends note des avancées que vous présentez. Toutefois, une personne en PoP est déjà repartie en raison de problèmes de santé, faute d'offre de soins adaptée sur place. Le problème est donc global et nécessite un traitement interministériel.
Mutations dans l'Éducation nationale
M. Serge Mérillou . - Non, la rentrée 2022 ne s'est pas bien passée. La promesse de mettre un enseignant devant chaque classe n'a pas été tenue. Il est temps de rendre au métier d'enseignant ses lettres de noblesse. L'attractivité passe par la revalorisation salariale, or le PLF n'est pas à la hauteur des attentes.
En mars 2022, 14 000 demandes de mutation interdépartementale sur 17 000 n'étaient pas satisfaites. La situation est ubuesque : on refuse à des titulaires des mutations dans des départements qui recrutent des contractuels, comme dans l'académie de Bordeaux - même quand le conjoint de l'enseignant y travaille !
Résultat, de nombreux candidats potentiels se détournent du Capes et préfèrent exercer comme contractuels, tandis que de nombreux titulaires restent chez eux, sans poste !
La suppression des commissions paritaires et la mise en place d'un algorithme opaque, en 2019, ont aggravé les frustrations. Démissions, mises en disponibilité, contractualisation : l'école publique ne séduit plus.
Comment comptez-vous fluidifier le système des mutations et rendre la carrière d'enseignant plus attractive ?
Mme Dominique Faure, secrétaire d'État chargée de la ruralité . - La politique de mobilité du ministère de l'éducation nationale vise à concilier construction des parcours professionnels et réponse aux besoins d'enseignement des académies, dans le respect de la continuité du service public, avec une attention particulière portée aux territoires qui peinent à recruter.
Le ministère gère les nombreuses demandes de mobilité en appliquant un barème qui prend notamment en compte le rapprochement de conjoints, le handicap, le centre des intérêts matériels et moraux de l'agent.
Dans le second degré, le taux de mutation en 2022 est de 43,4 %, contre 42,1 % en 2021 et 85,4 % des nouveaux titulaires obtiennent satisfaction sur un voeu exprimé, contre 84,8 % en 2021.
Dans le premier degré, 20,44 % des candidats ont obtenu une mutation et 87,4 % ont été satisfaits sur leur premier voeu.
Nous sommes confrontés à un déséquilibre entre les demandes d'affectation et les besoins. Ainsi, les départements franciliens concentrent 51 % des demandes de sortie, mais 6 % seulement des demandes d'entrée, tandis que dix départements de Bretagne et de la façade atlantique concentrent 31 % des demandes d'entrées. D'où une nécessaire régulation, afin d'assurer la continuité du service public de l'enseignement et de mettre un professeur devant chaque classe.
La séance est suspendue à 12 h 45.
présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.