Conseil européen des 16 et 17 décembre 2021

Mme le président.  - L'ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen des 16 et 17 décembre 2021, à la demande de la commission des affaires européennes.

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes .  - Nous sommes à l'approche du dernier Conseil européen avant la présidence française de l'Union européenne (PFUE), échéance majeure pour notre pays et pour l'Union. Le Président de la République en présentera les priorités dès demain.

Quatre sujets mobiliseront les chefs d'État et de gouvernement : crise sanitaire, gestion des crises en général, hausse des prix de l'énergie, sécurité et défense. Au Conseil sera couplée une réunion des représentants de l'Union européenne et de six pays de notre voisinage oriental.

Cette dernière semaine, la situation sanitaire s'est dégradée. Nos priorités sont identifiées et la coordination européenne s'est améliorée. Nous coordonnons nos mesures de contrôles, veillant à mieux articuler le délai de validité du certificat numérique européen et nos réglementations nationales, du fait de l'introduction d'une dose de rappel supplémentaire. Il ne faudrait pas que des règles disparates fragmentent l'espace européen, notamment pour les travailleurs frontaliers.

La Commission a proposé que la durée de validité maximale passe à neuf mois après la dernière dose.

Il importe, ensuite, de renforcer la couverture vaccinale, en ciblant les personnes qui n'ont pas encore été vaccinées et en généralisant les doses de rappel.

Il est essentiel de consolider notre objectif européen d'accès mondial au vaccin. Nous sommes loin du compte, mais malgré tout, grâce au mécanisme Covax, c'est l'Union européenne qui fait le plus gros effort. La Commission a proposé que l'objectif de dons soit porté à 700 millions de doses d'ici mi-2022 ; l'Union européenne exporte un milliard de doses, soir 50 % de sa production.

Cette crise sanitaire nous engage plus que jamais à penser la gestion européenne des crises - de toutes les crises.

Depuis 2020, le modèle européen s'est montré puissant et protecteur, mais nous devons en tirer des leçons de réactivité et d'efficacité. Les conclusions du Conseil du 23 novembre ont identifié plusieurs pistes, comme des instruments de planification, ou encore le renouvellement des structures existantes, notamment de recherche et de préparation sanitaire.

Une proposition de résolution a été déposée par la commission des affaires européennes sur ce sujet.

Autre priorité : la hausse des prix de l'énergie, qui exige une concertation entre les chefs d'État et de gouvernement sur les mesures à prendre pour atténuer au maximum l'impact - en particulier sur les ménages les plus modestes.

Nous procédons à une analyse approfondie des dysfonctionnements des marchés européens du gaz et de l'électricité. Il serait dommageable de casser le marché unique de l'énergie, mais nos dispositifs devraient être plus réactifs en faveur des plus modestes.

Sous la présidence française de l'Union européenne, nous aurons à faire avancer le paquet Fit for 55.

J'en viens à la sécurité et à la défense. La boussole stratégique, livre blanc européen destiné à décliner nos orientations de sécurité et de défense, a été présentée par Josep Borrell. Une délégation menée par le président Cambon s'est rendue en Pologne pour en discuter, dans la perspective de la PFUE.

Nous ferons des propositions concrètes notamment concernant la cybersécurité et les zones d'actions prioritaires pour l'Europe. C'est la première fois que l'Union se dotera, à 27, d'une stratégie commune en matière de sécurité et de défense. C'est un minimum pour que nos interventions extérieures puissent se développer.

Pour l'Afrique et l'espace indopacifique, la France est porteuse d'une ambition européenne. Une cybersécurité européenne moins dépendante des États-Unis est souhaitable.

Nous aborderons aussi les questions migratoires, avec l'attaque organisée délibérément par le régime biélorusse, instrumentalisant les migrants et utilisant des réseaux de passeurs.

Les mesures que nous avons prises, sanctions ciblant non seulement des personnalités du régime, mais aussi des entités telles que des compagnies aériennes, ont permis d'atténuer la pression sur les frontières européennes.

Plus près de nous, le drame qui a coûté la vie à 27 personnes dans la Manche montre qu'une coopération européenne est indispensable pour démanteler les filières des passeurs.

En Ukraine, nous avons réussi à mener une action commune qui a conduit à la désescalade. Nous devons poursuivre cette ligne de fermeté commune, notamment face à la Russie.

Nous aborderons aussi la réforme de Schengen, afin d'améliorer la protection de nos frontières communes.

Le prochain Conseil européen sera l'occasion de préparer une rencontre importante en février sous présidence française : le sommet entre l'Union européenne et l'Union africaine. L'Europe des 27, malgré les influences étrangères qui se développent, reste le premier partenaire de l'Afrique dans tous les domaines : économique, humanitaire, sanitaire - je l'ai évoqué concernant les vaccins. Nous examinerons à cette occasion les questions de prospérité, de sécurité et de mobilité.

Quelques autres questions internationales s'invitent dans ce Conseil européen. Nous poursuivrons ainsi nos efforts pour parvenir à un cessez-le-feu en Éthiopie où le conflit prolifère et où aucune partie ne prend le dessus ; les 27 États membres accordent leur plein soutien à la médiation du Haut Représentant de l'Union africaine, M. Olusegun Obasanjo.

Le Conseil européen suivant aura lieu fin mars 2022, sous présidence française. Nous y discuterons notamment de la boussole stratégique.

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Conseil européen qui se réunira les 16 et 17 décembre prochains sera le dernier avant la présidence française de l'Union européenne.

Nous avons une responsabilité particulière pour mettre en oeuvre nos priorités au cours du semestre prochain.

La commission des affaires étrangères suit avec une attention particulière les relations avec le Royaume-Uni. Il faut que ce dernier mette en application l'accord de commerce et de coopération signé le 24 décembre 2020. C'est une question de confiance mais aussi de crédibilité : les institutions de l'Union ne sauraient détourner le regard devant le comportement d'un partenaire qui remet sans cesse en cause verbalement et matériellement ses engagements.

J'espère que vous serez en mesure de nous expliquer où en sont les négociations sur le protocole nord-irlandais, pour lequel l'Union européenne a rendu publiques ses propositions d'aménagement depuis plus d'un mois. Le Royaume-Uni n'a toujours pas renoncé à utiliser l'article 16.

Monsieur le ministre, quid des stipulations de l'accord du Brexit sur la pêche, à 48 heures du délai fixé par le Président de la République ? Que se passera-t-il si nos pêcheurs continuent à ne pouvoir pêcher dans les eaux britanniques ?

Nous avons auditionné ce matin le directeur exécutif de Frontex, M. Fabrice Leggeri. Si nous ne pouvons que nous réjouir de la stabilisation de la situation à la frontière biélorusse, une telle crise peut se reproduire à nos portes. Quelle sera la position française dans le cadre de la réforme à venir du code des frontières Schengen ?

Alors qu'une déclaration conjointe UE-OTAN est attendue avant la fin de l'année, quels amendements le Gouvernement entend-il présenter à la boussole stratégique ? Quelle articulation la France propose-t-elle entre la garantie apportée par l'OTAN et l'autonomie stratégique de l'Union européenne, tandis qu'un accord semble en cours de négociation entre l'Agence européenne de défense et le département américain de la défense ? Cet accord permettrait aux États-Unis d'être associés à certains des projets financés par des fonds européens... À quelques semaines du début de la présidence française du Conseil, les enjeux sont nombreux ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Colette Mélot applaudit également.)

M. Dominique de Legge, vice-président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Conseil européen qui se tiendra la semaine prochaine permettra aux 27 de faire le point sur la crise sanitaire et notamment sur ses conséquences économiques, ainsi que sur les prix de l'énergie.

Alors qu'une reprise vigoureuse semblait s'engager, l'OCDE a révisé à la baisse ses prévisions de croissance de la zone euro, à 5,2 % pour 2021, à cause de la reprise de la pandémie.

Sur le plan économique, le plan de relance européen est effectivement un soutien de taille. J'ai bien noté que la transition énergétique a été définie comme une orientation forte, conformément au pacte vert européen. Il ne faudrait pas cependant que la réglementation européenne sur la taxonomie vienne à pénaliser la France en considérant le nucléaire comme une technologie non durable.

M. Gilbert Favreau.  - Absolument !

M. Pascal Allizard, vice-président de la commission des affaires étrangères.  - Pouvez-vous nous rassurer sur ce point ?

Les mesures du Gouvernement face à la hausse de l'énergie ne sont pas pérennes : le bouclier tarifaire destiné à contenir les prix du gaz et de l'électricité est déjà insuffisant. Le coût budgétaire pourrait dépasser 10 milliards d'euros, alors que le produit de la taxe sur l'électricité ne s'élève qu'à 8 milliards d'euros.

L'augmentation du prix de l'électricité découle de celle du prix du gaz à cause des mécanismes du marché unique de l'énergie. La menace sur la compétitivité de nos entreprises et sur le pouvoir d'achat de nos ménages est injuste, puisque notre électricité décarbonée est produite à faible coût.

La France a proposé une réforme d'ampleur du marché européen de l'électricité. Si quelques pays s'y sont ralliés, comme l'Espagne, l'Italie, la Grèce et la Roumanie, elle se heurte à une coalition déterminée conduite par l'Allemagne hostile au nucléaire sous toutes ses formes.

Comment entendez-vous porter ce sujet, en particulier dans la perspective de la PFUE ? En quoi la nouvelle coalition allemande influera-t-elle sur le processus ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP ; M. Pierre Louault applaudit également)

M. Alain Cadec, vice-président de la commission des affaires euroennes .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Veuillez excuser M. Jean-François Rapin, en déplacement en Grèce avec le Président du Sénat.

La prochaine réunion du Conseil européen sera une première pour le nouveau chancelier allemand. L'Allemagne s'est dotée en moins de deux mois d'une coalition, avec un programme qui converge avec nos priorités : accroître la souveraineté stratégique de l'Union européenne et mieux défendre les intérêts européens communs.

Le Covid impose une coordination des mesures aux frontières intérieures et extérieures. Comment préserver la liberté de circulation face à la disparité des couvertures vaccinales entre États membres ? Le Conseil européen abordera-t-il l'obligation vaccinale, qui émerge dans plusieurs États ?

Deux autres sujets de préoccupation sont à l'ordre du jour. D'abord le prix de l'énergie. Le prochain Conseil européen ne suffira pas à trouver des mécanismes, mais Ascoval a failli délocaliser en Allemagne sa production d'acier pour y trouver une électricité certes moins chère mais plus polluante. Il y a urgence à relever ce défi économique et climatique.

Le Sénat vient d'adopter une proposition de résolution européenne pour l'inclusion de l'énergie nucléaire, bas carbone, abondante, peu chère et régulière, dans la taxonomie de l'Union européenne. Elle peut réduire notre dépendance à d'autres énergies et aux États fournisseurs.

Quand la Commission prendra-t-elle l'acte délégué annoncé pour décembre ?

Le 15 novembre, Josep Borrell présentait la boussole stratégique de l'Union européenne. Le Conseil européen fera le point sur les visions respectives des États membres face aux menaces, notamment celles, immédiates, aux frontières orientales : pression migratoire entretenue par la Biélorussie, mais aussi troupes russes massées à la frontière ukrainienne. Monsieur le ministre, l'Europe aura-t-elle une réponse en cas d'attaque russe dans le Donbass ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jacques Fernique .  - Ce Conseil européen s'inscrit dans un contexte chargé, à la veille d'un semestre français ambivalent : celui de la campagne électorale mais aussi celui de la présidence française du Conseil de l'Union. Nous subissons toujours les vagues pandémiques, nous voyons malmenées à nos frontières et sur nos côtes les valeurs qui ont fondé le projet européen. Sur le front climatique, la COP26, les accords commerciaux, la PAC, la taxonomie pour une finance durable montrent combien les politiques écologiques sont à la peine en Europe.

La récente coalition allemande pose les bases d'une nouvelle donne : n'est-ce pas l'occasion de redonner vigueur au projet européen commun ?

Face au Covid, on pourrait se borner à ressasser que l'Europe a su coordonner sa production et sa distribution vaccinale, qu'elle fournit beaucoup plus de doses aux pays pauvres que les autres nations privilégiées. Ce ne sont pas ces auto-satisfecit qui changeront la donne sanitaire mondiale. Face aux drames humains et aux fabriques à variants, la levée des brevets, les transferts de savoir-faire et de technologie sont impératifs. Dans ce domaine, l'Union européenne devrait prendre toute sa place.

Il faudra également réformer profondément notre politique de migration. Le tout sécuritaire et la sous-traitance à des États tiers chargés de tenir les frontières par les armes défont la dignité humaine et nos valeurs. Déployons des moyens humanitaires partout où cela est nécessaire, ouvrons des voies de migration sûres et légales, avec un mécanisme de relocalisation et de solidarité financière entre les États pour faciliter l'accueil, l'intégration et le traitement de l'asile conformément au droit international.

La directive sur le salaire minimum sera opérante si elle sert à combattre les inégalités. Or 10 % de ceux qui ont un emploi en Europe sont des travailleurs pauvres. Il faut une position française ferme, pour éviter que le texte ne soit vidé de sa substance par les tenants du moins-disant social.

Les investissements publics et la finance durable sont essentiels à la transition écologique. La taxonomie des activités doit être rationnelle et crédible. La question des déchets radioactifs et des risques majeurs empêche la filière nucléaire de passer le critère de durabilité. Un deal avec le gaz fossile ruinerait la crédibilité de la taxonomie.

J'en viens au prix de l'énergie : au-delà du court terme, la proposition de la Commission d'étendre d'ici 2026 le marché carbone aux carburants et au chauffage est totalement antisociale. Il faut accompagner les ménages, en évitant un désastre social.

Pour renforcer l'Europe à l'international, il convient de passer du libre-échange au juste échange. La politique commerciale de l'Union doit être au service de la transition écologique. Il ne faut pas se contenter de retarder un peu l'entrée en vigueur de l'accord avec le Mercosur : le respect de règles sociales et environnementales fortes doit conditionner l'accès au marché unique.

M. Pierre Laurent .  - Alors que l'adoption de la boussole stratégique de l'Union sera à l'ordre du jour sous notre présidence, je veux exprimer nos inquiétudes sur les grands enjeux de sécurité humaine auxquels l'Europe devrait contribuer.

Le naufrage de la Manche et le voyage du pape à Lesbos ont rappelé la violence du drame des migrants. Le traité de Rome prévoyait la levée des obstacles à la circulation des personnes, des services et des capitaux. Pour les capitaux, c'est une réalité ; pour les personnes, ce sont les barbelés, les murs et les cimetières marins. La politique migratoire de l'Europe est un naufrage.

L'instrumentalisation par la Biélorussie de quelques milliers de migrants est l'arbre qui cache la forêt de l'indignité européenne. Les migrants seraient une arme au service d'une guerre hybride visant la déstabilisation de l'Union ? Soyons sérieux. Ce chantage et ceux de la Turquie, du Maroc et du Royaume-Uni n'ont de poids que parce que l'Europe ferme ses frontières, livrant les migrants aux passeurs.

Le rapport de l'Institut Jacques Delors fustige « un conflit profond de valeurs qui tend à opposer le besoin de sécurité des concitoyens européens aux idéaux sur lesquels se fondent leur appartenance à l'Union européenne ». Aucune cause profonde des migrations n'est traitée : ni les guerres, auxquelles nous participons ou que nous alimentons par les ventes d'armes, ni les dérèglements climatiques, ni les inégalités, ni les grands trafics criminels. Et rien sur la circulation vertueuse des jeunes, des savoirs, des cultures.

Qu'est-ce qui est préférable : accueillir quelques milliers de migrants afghans comme nous l'avons fait à raison après le fiasco du retrait américain de Kaboul, ou les bloquer aux frontières, les livrant aux passeurs et aux démagogues ? Ce n'est pas le déferlement qui menace, mais l'égoïsme, la peur et le repli.

Tout cela augure mal du pacte asile et migrations, qui voit dans les interdépendances des sources de conflit. Pour les auteurs de la boussole stratégique, tout est conflictualité. La confrontation permanente orchestrée par l'OTAN semble un horizon indépassable. L'Europe doit s'émanciper du logiciel atlantiste qui cristallise les tensions.

Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que l'Union européenne ait du mal à faire face aux nouveaux développements du Covid : qu'en est-il des inégalités de réponses sanitaires et d'approvisionnement en vaccins au sein même de l'Union ? Qu'en est-il de la réponse de l'Europe aux appels renouvelés du président de l'Afrique du Sud qui demande la solidarité plutôt que la fermeture des frontières ? Si 54 % de la population mondiale a reçu au moins une dose de vaccin, cette proportion n'est que de 6 % pour les habitants des pays à faibles revenus. Les pays les plus riches doivent, enfin, trancher en faveur de la levée des brevets. Le Parlement européen a réclamé leur levée temporaire le 25 novembre. Le coût d'accès à la production que permettrait la licence obligatoire est hors de portée des pays vulnérables, qui n'ont pas les moyens d'installer des lignes de production. Les grands laboratoires, eux, affichent un profit de 34 milliards d'euros, soit 65 000 dollars par minute ! Il faut taxer les Big Pharma. Le groupe CRCE vient de déposer une proposition de résolution donnant accès aux pays pauvres aux droits de tirage non utilisés par les pays riches.

La Banque centrale européenne doit libérer les États de la charge de 20 % de titres de dette publique qu'elle possède désormais et le pacte de stabilité doit être abandonné au profit d'un pacte de financement social et écologique.

Voilà les combats que doit porter la présidence française de l'Union européenne. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Pierre Louault .  - Les relations avec le Royaume-Uni sont source de tensions à plusieurs égards, notamment sur la pêche et la question migratoire. Saluons l'annonce, la semaine dernière, de l'octroi de 40 licences de pêche par le gouvernement de Guernesey. Qu'en est-il pour la centaine de demandes restantes ? Que se passera-t-il si elles restent sans réponse le 10 décembre ?

Sur la question migratoire, je tiens à exprimer mon émotion à la suite du drame survenu dans la Manche. Nous devons protéger les migrants des passeurs, en conformité avec nos engagements internationaux de lutte contre la traite des êtres humains. Le Royaume-Uni est lui aussi tenu par le protocole de Palerme visant à réprimer la traite des personnes.

Il faut que tous les États membres soient impliqués, notamment pour contenir plus efficacement les mouvements secondaires au sein de l'espace Schengen. Nous avons appris la semaine dernière que le Royaume-Uni avait signé une déclaration conjointe avec la Belgique sur la coopération stratégique, notamment contre l'immigration illégale. Quelle est la position de la France sur cette initiative bilatérale ?

Il faut améliorer le cadre juridique et mettre en place des partenariats opérationnels contre les passeurs. Où en sommes-nous ?

M. Johnson a exprimé son souhait de conclure un accord de réadmission entre le Royaume Uni et l'Union européenne, à l'instar de ce qui existe entre cette dernière et la Russie. Ce type d'accord consiste à ce que les migrants soient réadmis dans leur pays d'origine : ainsi serait facilité le retour en France des personnes entrant sur le territoire britannique. Le ministre de l'intérieur l'a exclu, préférant un accord entre l'Union européenne et le Royaume-Uni. Quel est l'état des lieux des négociations ? Nos partenaires européens sont-ils mobilisés sur la question, notamment à la suite de la réunion qui s'est tenue à Calais le 28 novembre ?

Quid de la politique de défense ? En quittant l'Union européenne, le Royaume-Uni est sorti de la politique de sécurité et de défense commune et l'accord de commerce et de coopération ne mentionne pas ce volet. Le Royaume-Uni reste un membre important et actif de l'OTAN. C'était un partenaire privilégié de la France dans la défense commune. Après l'accord Aukus, il faut s'interroger sur l'avenir des relations entre l'Union européenne et le Royaume-Uni, notamment sur la politique européenne de sécurité.

Mme Véronique Guillotin .  - Avec la noyade dramatique de 27 migrants, la question migratoire est réapparue en tête des préoccupations européennes. Face à un phénomène durable, il faut des solutions durables. Lampedusa, Melilla, Calais : tous les États sont concernés. Il faut coopérer et se doter de moyens opérationnels, sans oublier la solidarité, première valeur européenne. N'oublions pas que ceux qui protègent les frontières extérieures le font au nom de l'Union.

Des bateaux sont achetés en Allemagne, des passeurs logent aux Pays-Bas tandis que l'argent transite par la Belgique...

Frontex connaît une montée en puissance et je me félicite de l'avion acheté pour surveiller la Manche. Mais la prévention reste fondamentale. L'Europe devrait envoyer un message politique ferme à ceux qui instrumentalisent les migrants.

Comment la France s'emparera-t-elle de ce sujet ? Où en sont les huit plans d'action pour les pays d'origine et de transit ?

L'Europe doit rester une terre d'accueil. Mon groupe est ouvert aux propositions de la Commission sur le pacte pour l'asile et les migrations, et espère que les points de blocage seront levés rapidement.

Le Covid, lui, ignore les frontières. Que peut faire l'Europe ? Coordonner les mesures, notamment dans les zones frontalières, et accentuer la vaccination dans l'Union mais aussi dans le monde.

Plus globalement, un des bénéfices de cette crise est l'apparition d'une Europe de la santé.

Nous devrions toutefois affirmer davantage notre souveraineté en matière de production de médicaments, et la France porte des projets de relocalisation industrielle dans le secteur de la santé afin de réduire sa dépendance.

Enfin, le prochain Conseil européen se penchera à nouveau sur les prix de l'énergie. Lors de sa précédente réunion, le Conseil a demandé à la Commission de réfléchir à une réforme du fonctionnement des marchés. Quelles sont les pistes en la matière ?

La proposition de résolution européenne sur l'inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne insiste sur la préservation d'un mix énergétique intégrant le nucléaire. Certains membres de mon groupe partagent cette position, certes clivante.

Alors que les inégalités se sont accrues sous l'effet de la pandémie, mon groupe est favorable à la proposition belgo-espagnole d'un mécanisme d'alerte en cas de déséquilibre social.

L'Europe doit être plus solidaire pour construire un projet réellement inclusif ! (M. André Gattolin applaudit.)

M. Jean-Michel Houllegatte .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) C'est dans les épreuves qu'on mesure la solidité des organisations. De fait, ce ne sont pas les turbulences qui manquent. Comme tous les élus littoraux, je sais que la conjonction des vents et des marées est propice aux submersions...

Dans ce contexte, trois stratégies sont possibles : renforcement de nos défenses, adaptation ou repli.

Le Brexit est un tsunami, mais nous avions du temps avant que la vague n'arrive sur nos côtes. L'Union européenne a opté pour une stratégie d'adaptation, pensant avoir affaire à un partenaire de bonne foi ; mais les négociateurs n'avaient pas les mêmes arrière-pensées.

Les Britanniques, à coups de psychodrames, ont imposé leur tempo, jusqu'à aboutir à un accord de dernière minute qui contient de nombreuses zones d'ombre.

Sur les licences de pêche, l'accord n'est pas respecté : le Royaume-Uni a fixé unilatéralement de nouvelles conditions pour restreindre l'activité de nos pécheurs.

Or, depuis plus de dix mois, ce ne sont que tergiversations. De recul en recul, les négociations s'enlisent. Les sanctions, annoncées à grand renfort de rodomontades, ont été différées par le Président de la République.

Pendant ce temps, les Britanniques jouent le Brexit perpétuel. Sans parler de l'erreur de communication de la ministre de la mer, suggérant que le repli serait désormais une option à envisager ; elle a provoqué la colère des pêcheurs, dont les nerfs sont soumis à rude épreuve.

L'accord de retrait est bafoué. Quelle réaction forte envisagez-vous ?

La même question pourrait être posée en matière migratoire. Il aura fallu l'horreur de la noyade de 27 personnes et une nouvelle provocation de Boris Johnson pour qu'une prise de conscience ait lieu.

Quelle politique européenne pour lutter contre les passeurs, mais aussi contraindre le Royaume-Uni à ouvrir davantage de voies de migration légales ?

À la frontière biélorusse, nos valeurs sont en péril. Il faut avant tout venir en aide aux femmes et aux hommes pris au piège, instrumentalisés par le régime. Nous devons également prendre des mesures contre les transporteurs.

L'attitude de la Pologne pose aussi question. Le refoulement systématique et l'érection d'un mur infranchissable ne sont pas des solutions. Par ailleurs, l'accès à la frontière doit être garanti aux journalistes et aux humanitaires.

La menace de saisie de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) et le déploiement de structures d'enregistrement des demandes pourraient inciter la Pologne à respecter ses obligations. En tout cas, il serait inopportun que l'argent européen serve à financer un mur, symbole de repli frileux.

Souhaitons que les crises amènent l'Europe à grandir, plutôt qu'à s'abaisser en renonçant à ce qui fait son identité. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. André Gattolin .  - Étrange moment que cet entre-deux où nous nous trouvons.

À quelques jours du Conseil européen, nous ne savons guère qu'en attendre, tant l'ordre du jour est sibyllin. La transparence des réunions, dont on parle souvent, pourrait commencer par une meilleure information en amont...

Après une présidence portugaise proactive, la présidence slovène ne s'est distinguée ni par sa franche adhésion aux valeurs européennes ni par son entrain à faire avancer les dossiers. Ainsi l'adoption de la directive DSA-DMA est-elle reportée à l'année prochaine.

Entre-deux aussi car, demain, le Président de la République annoncera les grandes lignes de la présidence française, dont nous ne savons rien ou presque. L'Assemblée nationale organisera un débat sur le sujet la semaine prochaine ; j'ai cru comprendre qu'il n'y en aurait pas au Sénat. Des eurodéputés allemands m'ont sollicité, croyant que j'en saurais davantage : en France, un parlementaire doit s'habituer à être décevant...

Essayons de prévenir des déceptions futures. La réforme de 2007 a amoindri l'importance des présidences tournantes. Il y a désormais une présidence permanente et un trio de présidences. La comparaison n'est donc pas possible avec les précédentes présidences françaises de l'Union européenne. Celle qui arrive devra d'abord faciliter l'adoption définitive de textes déjà programmés. Nous pourrons aussi faire avancer d'autres dossiers, par exemple sur le devoir de vigilance.

Un report de notre présidence lié au calendrier électoral national aurait été dommageable pour sa portée. En effet, c'est un nouveau trio de présidences qui entrera en fonction le 1er janvier prochain. La France a donc la possibilité d'insuffler des priorités pour les dix-huit mois à venir.

Certes, les orientations de la présidence française de l'Union européenne sont annoncées tardivement. Mais elles ont dû être négociées avec les présidences tchèque et suédoise. Il était bon aussi d'avoir connaissance du contrat signé par la nouvelle coalition au pouvoir en Allemagne qui présente beaucoup de convergences de vue avec la France sur les priorités européennes - bien plus qu'avec la précédente coalition. Je pense notamment à la construction d'une souveraineté stratégique européenne, à la transparence des travaux du Conseil européen et à l'extension du vote à la majorité qualifiée.

Autre présage positif : l'annonce du projet Global Gateway, destiné à contrer les nouvelles routes de la soie en Europe de l'Est et en Afrique. On peut s'irriter, certes, que la totalité des textes soient encore en anglais. Heureusement, la presse québécoise a trouvé une traduction : « Passerelle mondiale »... L'Union européenne se lancerait-elle dans les mobilités douces ?

On peut s'interroger sur le montant prévu, sur la faisabilité du projet au regard des exigences posées. Mais ne faisons pas la fine bouche : même tardive, cette initiative traduit la prise en compte de la nouvelle donne géopolitique mondiale.

Monsieur le ministre, vous qui en savez certainement plus que nous, pouvez-vous nous en dire davantage sur ce projet ? (M. Pierre Louault applaudit.)

Mme Colette Mélot .  - À propos du Brexit, Donald Tusk avait déclaré : « Le plus dur, ce n'est pas la séparation, mais la construction d'une nouvelle relation. » Nous y sommes et, autant le dire, les choses ne sont pas en bon chemin.

On ne peut pas dire que les Britanniques jouent franc jeu. Nous, Européens, devons rester fermes et solidaires.

Sur la question des licences de pêche, le groupe INDEP a réclamé un engagement plus fort de la Commission européenne. Où en sont les négociations, à deux jours de la date butoir que vous avez fixée ? Quelles sanctions envisagez-vous ?

La crise des migrants dans la Manche a déjà coûté la vie à trop de personnes. La réunion des États membres a abouti au déploiement d'un avion de Frontex pour surveiller la Manche, ce qui est un début de solution. Il faut lutter contre les passeurs, qui mettent en danger des vies pour de l'argent.

Le pacte sur l'immigration et l'asile sera-t-il une priorité de la présidence française de l'Union européenne ?

Autre sujet de poids : la flambée des prix de l'énergie, qui concerne toute l'Europe. La réaction doit être à la hauteur des attentes des Européens. Or les positions des États membres sont assez différentes, en particulier sur la révision du marché commun de l'énergie. Quelle position la France défendra-t-elle ?

La taxonomie verte européenne doit inclure le nucléaire. Où en est ce dossier ? Quels sont les scénarios envisagés ?

Je connais l'engagement du Gouvernement contre le harcèlement en ligne. Comment porterez-vous ce thème dans les six prochains mois ?

S'agissant enfin de la pandémie, la cinquième vague frappe l'Union européenne. Où en sommes-nous de la construction d'une Union de la santé ? L'agence européenne des médicaments (EMA) a rendu des avis positifs sur différents traitements : leur déploiement au sein de l'Union européenne est-il prévu ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC, du RDPI et du RDSE)

M. André Reichardt .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Les chefs d'État et de gouvernement européens vont se pencher sur le prochain sommet Union européenne  -  Union africaine. Un changement de paradigme est nécessaire pour dépasser la logique de l'aide au développement au profit de l'investissement dans les compétences et du soutien à la transformation des économies africaines.

Président du groupe interparlementaire d'amitié France  -  Afrique de l'Ouest, j'ai constaté récemment, lors d'un déplacement au Bénin et au Togo, que la covid faisait peser d'importantes menaces sur la stabilité et la prospérité du continent.

La vaccination massive reste le plus sûr moyen de nous protéger. La Commission européenne et les États membres se sont mobilisés, avec un instrument d'appui financier d'au moins 1 milliard d'euros pour les vaccins. Dans le cadre de Covax, 700 millions de vaccins ont été promis aux pays à faibles revenus mais, à ce jour, seulement 100 millions de doses ont été fournies.

En Afrique, la couverture vaccinale est largement inférieure à 10 %. Réduire la fracture vaccinale est une obligation morale, mais c'est aussi dans notre intérêt. Le variant Omicron le montre : tant que tout le monde ne sera pas vacciné, notre continent restera vulnérable.

La gestion des flux migratoires sera aussi au coeur du prochain sommet Union européenne  -  Union africaine. Le Conseil européen devra fixer un cadre commun.

Je souhaite insister sur l'efficacité des retours, condition de la crédibilité d'une politique migratoire. Aujourd'hui, le bilan est catastrophique : seulement 29 % des personnes auxquelles on donne l'ordre de quitter le territoire de l'Union européenne en partent effectivement.

Les retours volontaires sont plus efficaces et moins coûteux. Nous devrions y recourir plus largement. La proposition de la Commission européenne en ce sens est une bonne base. Nous devons progresser avec nos partenaires africains sur ce sujet.

La coopération sécuritaire et la lutte contre le terrorisme seront aussi abordées. Avec les opérations Serval puis Barkhane au Sahel, la France est en première ligne. Elle est surtout bien seule, d'autant qu'elle doit affronter une défiance croissante des populations, souvent instrumentalisée par ceux qui ont intérêt à l'effacement de la France.

M. Guillaume Chevrollier.  - Très juste !

M. André Reichardt.  - L'opération Takuba a un impact trop limité. La task force doit monter en puissance et davantage de pays européens doivent s'impliquer en hommes comme en matériels. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Je vous ai récemment présenté les propositions de Mme Blatrix-Contat et de moi-même pour améliorer le Digital Markets Act (DMA). Cet après-midi, la commission des affaires européennes a adopté notre nouvelle proposition de résolution européenne, sur le Digital Services Act (DSA).

Il est urgent d'agir, car les plateformes n'ont pas fait la preuve de leur volonté de résoudre leurs graves dysfonctionnements, bien au contraire -  la lanceuse d'alerte Frances Haugen, que nous avons auditionnée il y a un mois, l'a bien montré.

Le DMA est une avancée incontestable, avec des pénalités dissuasives. Mais il faudra nous donner les moyens de faire respecter le règlement. Il faut que la Commission européenne dispose de la juridiction exclusive sur ces plateformes, et des moyens humains et techniques nécessaires à ces nouvelles tâches. Les autorités de régulation nationale doivent être mieux associées au travail d'enquête et de contrôle.

Les plateformes doivent cesser d'être des boîtes noires. Le DSA prévoit des avancées en matière d'accès aux données, mais il faut ouvrir l'accès aux chercheurs indépendants pour la détection et l'évaluation des risques. Les plateformes ne doivent pas pouvoir opposer le secret des affaires au régulateur.

Elles sont devenues des quasi-infrastructures publiques, ce qui appelle de nouveaux modes de régulation. L'espace en ligne est déformé par l'amplification algorithmique. Il faut donc encadrer les modalités de diffusion - freedom of reach - plutôt que les contenus -  freedom of speech.

En augmentant la visibilité de certains contenus, les plateformes jouent bien un rôle actif. Ce qui justifie une réforme du régime européen de responsabilité des hébergeurs. De ce point de vue, le DSA manque cruellement d'ambition.

La réglementation numérique ne sera pas réévaluée avant de longues années. Nous avons donc besoin d'un règlement particulièrement robuste. Il faut aussi que la législation européenne sur l'intelligence artificielle inclue des obligations de normes éthiques et de sécurité, ou safety by design. Même aux États-Unis, on envisage de resserrer le champ d'application du fameux article 230 du Communications Decency Act.

L'Europe doit légiférer la première, selon ses valeurs. Le trilogue qui devrait s'engager en janvier s'annonce difficile, mais nous souhaitons une adoption du DSA sous présidence française.

Je m'interroge sur la récente décision de renoncer au cloud souverain au profit du cloud de confiance, autorisant les entreprises françaises à contractualiser avec les Gafam quand il n'y a pas d'acteur français. C'est une aberration stratégique !

N'est-il pas temps de débrancher Gaia-X ? Le projet est gangrené par les Gafam, et maintenant Huawei, alors que l'objectif était de développer les technologies européennes. C'est un fiasco !

Mme Florence Blatrix Contat .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Pouvons-nous espérer que l'Union européenne soit le cadre d'une autonomie stratégique réelle, particulièrement dans les secteurs clés ? Tel est, pour le groupe SER, le véritable enjeu du prochain Conseil européen.

Au coeur de la cinquième vague, il faut s'interroger sur les insuffisances de l'Union européenne : où en sont la relocalisation de la production de médicaments stratégiques et la recherche européenne en santé ?

N'est-il pas temps d'aborder le débat sur l'obligation vaccinale en Europe - même si je suis consciente qu'il s'agit d'une compétence nationale ?

Comment rendre possible l'accès de tous aux vaccins dans le monde ? Nous pensons que les vaccins sont des biens publics : les brevets doivent donc être levés. L'Europe peut être un cadre d'action pertinent, si nous nous donnons les moyens nécessaires.

Dans le domaine industriel, il y a urgence, en particulier dans le numérique : nous sommes en retard sur nos concurrents nord-américains et chinois, mais aussi israéliens et indiens.

En France, on ne parle plus de cloud souverain, mais de cloud de confiance - on peut le regretter. Avec le retrait de Scaleway de Gaia-X, la perspective du cloud européen s'éloigne. Comment parler de boussole stratégique avec des technologies dont nous ne sommes pas sûrs ? (Mme Catherine Morin-Desailly approuve.)

Il faut renforcer la régulation des grandes plateformes dans le DMA et le DSA et encourager la constitution de filières industrielles solides. Cela suppose un chef d'orchestre. Les briques existent : il faut à présent les mettre en cohérence.

La question se pose aussi de la réciprocité dans l'accès aux marchés internationaux, notamment vis-à-vis de la Chine.

Enfin, le financement des jeunes pousses françaises et européennes est essentiel.

Ne nous perdons pas dans les combats d'hier. Affrontons le monde d'aujourd'hui avec un plan Schuman de la santé et un plan Monnet pour le numérique ! (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'Union européenne s'est fixé pour objectif de réduire ses émissions de 55 % d'ici à 2030 et de parvenir à la neutralité climatique d'ici à 2050. La transition énergétique suppose de multiplier par deux la production d'électricité européenne.

La flambée des prix de l'énergie alerte sur notre dépendance aux énergies fossiles et importées. Elle révèle les limites du marché européen de l'énergie, comme l'indexation des tarifs de l'électricité sur ceux du gaz ou l'extinction des tarifs réglementés. Le Gouvernement doit promouvoir une régulation plus forte à l'échelon européen.

La flambée révèle aussi les divergences européennes : la France a choisi une baisse massive de la fiscalité énergétique, contrairement à l'Espagne et à l'Allemagne. Le Gouvernement doit corriger cette divergence.

L'Union européenne doit respecter la souveraineté des États membres, seuls compétents pour choisir leur bouquet énergétique et définir leur stratégie industrielle.

L'inclusion du nucléaire dans la taxonomie européenne est cruciale. Il produit une électricité stable, compétitive et peu émissive. La production d'électricité nucléaire doit donc être considérée comme une activité durable.

Le Sénat vient d'adopter une résolution en ce sens. Il faut appliquer au nucléaire les mêmes obligations d'information qu'aux autres activités durables. Il faut aussi éviter toute distinction entre l'hydrogène issu d'énergies renouvelables et celui issu du nucléaire.

L'acte délégué attendu doit être pris avant la fin de l'année, pour entrer en vigueur en même temps que les autres dispositions de la taxonomie.

Monsieur le ministre, faites vôtre cette résolution. Ce serait un signal politique majeur. Cela rétablirait un équilibre au sein du couple franco-allemand, qui diverge aujourd'hui dans ses choix stratégiques. Il n'est pas envisageable que l'Allemagne obtienne satisfaction sur le gaz naturel et pas la France sur le nucléaire !

Notre production d'électricité nucléaire pourra ainsi être mise au service de la décarbonation de notre économie, obligation juridique et exigence morale.

Mme Gisèle Jourda .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SER) Je vous poserai deux questions, monsieur le ministre.

D'abord, qu'attendez-vous de la conférence sur l'avenir de l'Europe ? Quel est votre investissement ? Je fais partie des quatre parlementaires nationaux qui y siègent. Or son organisation apparaît fort décevante. Elle risque d'aboutir à un marché de dupes pour nos concitoyens.

Lancée le 9 mai, elle présentait l'occasion de débattre des priorités et des défis de l'Union européenne pour les Européens de tous horizons. Voilà pour la théorie, mais la réalité est que cette conférence relève d'une arlésienne. Elle n'est pas promue auprès de nos concitoyens ; pourtant, les campagnes publicitaires du Gouvernement ne manquent pas... Pourquoi ne pas avoir encouragé les Français à se saisir de cet espace de démocratie participative en se prêtant à l'exercice ?

Ma seconde question porte sur les conséquences du contrat de coalition allemand sur la défense européenne. Il témoigne d'une perspective atlantiste, circonspecte à l'égard de la défense européenne en donnant la préférence à la coopération entre armées nationales et aux interventions à titre civil, en assumant le choix du passage à la majorité qualifiée pour les décisions du Conseil européen, en souhaitant le renforcement des liens avec les États-Unis... Ce n'est pas une surprise, mais cela reste décevant, voire énervant, après les crises que nous venons de traverser.

Que va devenir le système de combat aérien du futur (SCAF), aujourd'hui au point mort ? N'était-ce pas une erreur que d'avoir écarté l'Italie et laissé l'Espagne se tourner vers les F-35 ?

Le revers de la présidence française de l'Union européenne qui approche sera le résultat de ce que vous avez semé. La défense aurait pourtant pu être un beau projet européen... (Applaudissements sur les travées du groupe SER)

M. Pascal Allizard .  - Les années passent, les problèmes demeurent : crise migratoire, tensions dans l'Est de l'Europe, inquiétudes vis-à-vis de la Chine, suites du Brexit, inquiétudes dans le secteur de l'énergie. Les dossiers s'accumulent pour la présidence française de l'Union européenne, qui se tiendra pendant l'élection présidentielle et, peut-être, dans un contexte de crise sanitaire.

En matière migratoire, personne ne souhaite revivre les années 2015 et 2016, mais la situation se dégrade à l'Est de l'Europe, comme en Italie. Dans le département de la Manche, le préfet maritime a fait part d'une nouvelle accélération en novembre, dans un secteur très dangereux. La récente tragédie au large de Calais en témoigne. Les communes de la côte normande aux Hauts-de-France se trouvent en première ligne. Le Royaume-Uni conserve son pouvoir d'attraction ; quand cela l'arrange, il s'accommode du travail à bas coût fourni par les migrants, traitant la France en filtre ou en zone tampon.

Les Britanniques traînent opportunément les pieds pour appliquer les accords sur la pêche. Le plan de sortie de flotte qui se profile n'est rien d'autre qu'une mise à la casse de l'outil de travail des pêcheurs, parfois de navires neufs. Comment faire avancer l'Europe quand le citoyen a le sentiment qu'elle se fait duper ? Nous aimons bien nos amis britanniques, mais nous savons qu'ils sont habiles dans les négociations et habitués aux rapports de force. Il faut accroître la pression sur les questions migratoires et la pêche.

Beaucoup ne perçoivent la question migratoire que sous son aspect humanitaire, mais le volet sécuritaire et stratégique n'est pas secondaire. Des pays instrumentalisent les migrants et provoquent le chaos aux frontières pour fragiliser l'Union européenne : il s'agit d'une guerre hybride. Le trafic d'êtres humains par des organisations criminelles n'est pas suffisamment dissuadé.

Cela sape les efforts d'intégration de l'Union européenne et fait le lit du communautarisme, puis du séparatisme, en renforçant le contrôle desdites communautés depuis l'étranger. Il faut briser ce cycle infernal.

L'Union européenne affiche un objectif écologique ambitieux avec la neutralité carbone d'ici à 2050, mais cela ne doit pas conduire la France à affaiblir son industrie de défense et nucléaire. Déjà, les banques sont prudentes, en raison des règles de compliance et de l'activisme des organisations non gouvernementales (ONG) ; les fonds internationaux se dégagent de ces activités considérées comme non durables. Il convient au contraire de les préserver, car elles sont fondamentales pour notre sécurité et notre souveraineté énergétique.

Un mot, enfin, sur la Birmanie : l'Union européenne a condamné le coup d'État militaire et pris des sanctions, mais la junte risque de se normaliser, ce qui fait porter le risque d'une guerre civile. Le ministre du commerce extérieur a dit, au Sénat, envisager la suspension du régime européen « tout sauf les armes ». La France va-t-elle accroître la pression sur le régime birman ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 1er janvier 2022, la France présidera le Conseil de l'Union européenne, comme tous les quatorze ans. Je regrette que cela arrive au milieu d'une actualité nationale forte ; ce n'est pertinent ni pour la France ni pour l'Union européenne.

Au printemps prochain s'achèvera aussi la conférence sur l'avenir de l'Europe, inaugurée le 9 mai par le Président de la République, exercice de démocratie participative destiné à permettre aux citoyens d'exprimer leurs attentes envers l'Europe. Nous en avons très peu entendu parler, malgré l'implication de notre commission des affaires européennes et du réseau des maisons de l'Europe. Peu de nos concitoyens s'y intéressent...

Il est louable de vouloir recréer du lien avec les institutions, mais il faut aussi, pour gagner la confiance, une Europe des solutions et du concret. J'ai récemment reçu un couple franco-belge qui me contait une mésaventure kafkaïenne : la jeune femme rejoint son conjoint français, sa carte de sécurité sociale européenne ne lui est d'aucune utilité, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) lui refuse un numéro de sécurité sociale et, de ce fait, elle ne peut s'inscrire à Pôle Emploi... Ils sont désemparés, déçus par l'Europe.

Il faut des solutions concrètes. Le Parlement, le Gouvernement et les autorités européennes ont la responsabilité de faire de l'Europe un espace de liberté, de mobilité, de sécurité, de justice, de solidarité.

La conférence sur l'avenir de l'Europe risque hélas de déboucher sur des propositions qui pourraient être utilisées à des fins politiques. Une conférence des restitutions du panel de citoyens a eu lieu mi-octobre au Conseil économique, social et environnemental (CESE). Trois sujets ressortaient : la question sociale, celle des valeurs - droits des femmes, droit à l'avortement, indépendance de la justice et liberté de la presse - et la puissance de l'Europe. La crise a renforcé l'Union européenne, notamment avec le plan de relance et la gestion commune des vaccins. Les initiatives se multiplient pour relocaliser, décarboner, réduire notre dépendance, avancer sur un cloud européen.

Je crois au projet européen, mais il existe une fracture culturelle entre un libéralisme décomplexé à l'Ouest et un conservatisme, à l'Est, qui se braque lorsque l'on parle de droit à l'avortement, de non-discrimination sexuelle ou de protection des minorités. Pouvez-vous confirmer que vous souhaitez ajouter le droit à l'avortement aux droits fondamentaux, proclamés en 2000 ?

La charte des droits fondamentaux comprend cinquante-quatre articles organisés autour de six valeurs. Il me semble indispensable que l'Europe réaffirme les valeurs qui fondent sa civilisation. En ferez-vous une priorité de la présidence française de l'Union européenne ? Pouvez-vous expliciter les droits que vous comptez faire respecter ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Stéphane Sautarel .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le prochain Conseil européen examinera notre préparation et notre réaction aux crises. La réponse de l'Union européenne à la pandémie a montré son utilité comme ses défaillances face aux crises multisectorielles.

En 2013, le Conseil européen a créé le dispositif intégré de l'Union européenne pour une réaction au niveau politique dans les situations de crise (IPCR), récemment activé dans le cadre de la crise migratoire et de la crise sanitaire. Depuis le début de la pandémie, des initiatives ont été prises pour le renforcer.

Il faut améliorer la stratégie industrielle de l'Union européenne en forgeant de nouvelles alliances, afin d'accroître notre indépendance face aux fournisseurs étrangers, notamment de matières premières, de médicaments et de semi-conducteurs. Les pénuries se multiplient depuis plusieurs mois sur divers produits. Couplées à l'augmentation des prix de l'énergie, elles pèsent sur le revenu des ménages et freinent la relance.

La Commission européenne a présenté, il y a un an, un plan d'action sur les matières premières critiques. Quel premier bilan tirez-vous de cette initiative ? L'Union européenne envisage-t-elle d'aller plus loin ?

La pénurie de semi-conducteurs a montré leur caractère indispensable pour les industries. Le président américain a annoncé un plan d'investissement de 50 milliards de dollars. La Commission européenne a, pour sa part, évoqué une alliance industrielle pour atteindre 20 % de la production mondiale en mobilisant 20 à 30 milliards d'euros. Mais, deux mois plus tard, Ursula von der Leyen annonçait une loi sur les semi-conducteurs. Qu'en est-il ? Quelle serait la complémentarité d'une telle réglementation avec l'alliance industrielle ?

S'agissant du prix de l'énergie, la Commission européenne a présenté, le 13 octobre, une boîte à outils pour aider les États membres. Aucune nouvelle mesure n'est cependant prévue et la proposition de la France de réviser le principe de fixation du prix de l'électricité en référence à celui du gaz n'a pas été retenue. Neuf États membres s'y opposent au nom des principes concurrentiels, considérant que la hausse des prix est conjoncturelle.

D'autres pays - l'Espagne, la Grèce, l'Italie et la Roumanie - demandent une telle révision et l'application d'un mécanisme de régulation des prix. Comment la France compte-t-elle faire valoir ce souhait, économiquement et écologiquement juste, pour protéger un de nos rares avantages comparatifs ?

M. Clément Beaune, secrétaire d'État, chargé des affaires européennes .  - S'agissant des relations avec le Royaume-Uni, notamment sur la pêche, il n'y a pas de rodomontades, mais une détermination que nous partageons avec les filières et les représentants des pêcheurs.

Pendant de longs mois, la France et la Commission européenne ont patiemment négocié avec les Britanniques. Nous avons obtenu un certain nombre de licences, mais il en manque encore dans les îles anglo-normandes et dans la bande des douze milles, notamment pour les Hauts-de-France.

Après avoir haussé le ton, nous avons réengagé un dialogue en novembre et nous avons invité la Commission européenne à se remobiliser pour faire respecter un accord conclu avec l'Union européenne. Annick Girardin et moi-même avons récemment rencontré le commissaire européen.

Je salue quelques signaux positifs : la semaine dernière, quarante licences ont été octroyées par Guernesey, neuf à dix par Jersey. Plusieurs dizaines manquent encore d'ici la date limite du 10 décembre, dont je rappelle qu'elle n'a pas été fixée par la France, mais par la Commission européenne, qui nous présentera le résultat des dernières réunions avec les Britanniques.

Soyons honnêtes : nous n'obtiendrons jamais d'ici là l'ensemble des licences souhaitées, mais, si les choses avancent, nous continuerons le dialogue. En revanche, si nous avons le sentiment d'un jeu de dupes - notamment avec Jersey - nous en tirerons les conséquences et demanderons des mesures au niveau européen.

Sur la question migratoire, la coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni est de bonne qualité. Aussi, nous comprenons mal la réaction britannique après le récent naufrage d'une embarcation de migrants... Ce n'est pas sérieux ! Nous tenons la frontière terrestre - un travail difficile, parfois compliqué à expliquer à nos concitoyens, mais le plus économe en termes de vies humaines - mais nous avons besoin d'une plus grande coopération des Britanniques, notamment financière et en matière de renseignement. En revanche, il n'est pas question de créer des brigades conjointes.

Nous sommes ouverts à un accord non bilatéral - il doit être européen sur la lutte contre les filières - et équilibré. Nous ne pouvons accepter de réadmettre tous les migrants. Nombre d'entre eux sont d'ailleurs admissibles à l'asile, mais préfèrent tenter leur chance au Royaume-Uni. Il faut prévoir une voie d'immigration légale et un cadre de coopération stable.

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Dans le cadre des négociations sur le Brexit, l'Union européenne avait proposé aux Britanniques un chapitre sur la question. Ils l'avaient refusé, comme sur la sécurité et la défense. En attendant, la coopération bilatérale avec le Royaume-Uni se poursuit sur ce dernier point.

Honnêtement, malgré nos efforts, l'adoption du pacte sur l'asile et l'immigration apparaît peu probable, car il ne fait pas consensus. Soit nous abandonnons, soit nous recherchons des voies pragmatiques, notamment la réforme de Schengen, dont nous proposerons de renforcer le pilotage politique, et le renforcement des contrôles aux frontières extérieures.

Monsieur Laurent, je partage nombre de vos analyses. Nous devons assumer des contrôles aux frontières de l'Europe, mais selon des règles humaines, en respectant les valeurs qui nous honorent. Nous ne devons pas ériger des barbelés, ni refouler, ni interdire des zones à la presse.

Nous sommes solidaires des États membres victimes d'une pression organisée. Je ne confonds pas les bourreaux - la Biélorussie - et les victimes - les migrants -, pas plus que les agresseurs que sont les Biélorusses et les agressés que sont la Pologne et la Lituanie, mais les États membres ne doivent pas agir sans limite. Cela constitue un véritable test imposé à l'Union européenne : sommes-nous capables de maintenir l'ordre, tout en respectant nos règles ?

La boussole stratégique sera au coeur de la présidence française de l'Union européenne. Ce document nous permettra de disposer d'une analyse commune, qui nous a tant fait défaut en Afghanistan où nous dépendions des Américains pour penser les menaces.

L'Union européenne n'avait pas de compétence sanitaire au début de la crise. Elle l'a construite, avec la création de l'European Research Area (ERA), la mise en place d'un passe sanitaire unique et l'établissement d'une stratégie commune en matière de vaccin. Tout cela s'accélérera sous la présidence française.

Je partage la frustration de certains concernant la solidarité internationale sur les vaccins : beaucoup de pays, notamment en Afrique, demeurent peu vaccinés. L'Europe, cependant, a rapidement agi. Elle a su ne pas bloquer ses exportations et a choisi de donner massivement mais, sur les 700 millions de doses promises à la fin du premier semestre 2022, seules 100 millions ont été livrées. Il nous faut donc accélérer les dons, mais également soutenir les capacités de production locale. En Afrique du Sud, au Rwanda, au Sénégal, nous investissons un milliard d'euros à cet effet.

Enfin, si nous ne faisons pas de la levée des brevets l'alpha et l'oméga de cette coopération, elle en fait partie. Nous soutenons ainsi l'assouplissement des règles de propriété intellectuelle et prônons une licence obligatoire.

Il faut à la fois donner des doses, encourager la production locale et adapter les règles de propriété intellectuelle.

Nous devons maintenir la libre circulation dans l'espace européen grâce au passe sanitaire, tout en l'adaptant en tant que de besoin. Le schéma vaccinal complet est défini de la même façon en Europe. Prochainement, nous devrons fixer des règles identiques pour la troisième dose - avec une certaine souplesse, compte tenu des différences de calendrier.

L'obligation vaccinale sera abordée lors du prochain Conseil, mais aucune décision ne sera prise : cette position est minoritaire en Europe et nous avons fait un autre choix.

La stratégie énergétique européenne intègre la taxonomie. Nous attendons, à la fin de l'année, que l'acte délégué de la Commission européenne classe le nucléaire comme une énergie durable. De fait, si nous voulons être neutres en carbone à l'horizon de 2050, nous aurons besoin collectivement de cette option - sans évidemment obliger quiconque à revenir sur ses choix en la matière.

S'agissant de la politique commerciale, une évolution importante figure dans le contrat de coalition allemand : la prise en compte des exigences environnementales dans les accords commerciaux, comme nous le souhaitons, notamment celui avec le Mercosur.

Les huit plans d'action sur les migrations ont bel et bien été établis ; reste à les appliquer.

Les passerelles mondiales représentent une initiative importante pour ne pas être les seuls - face aux États-Unis et à la Chine - à ne pas disposer d'une stratégie en Afrique ou dans les Balkans occidentaux, où nous sommes les premiers en matière d'aide au développement. Nous devons le faire savoir !

M. André Gattolin.  - Nous avons perdu la guerre de la communication !

M. Clément Beaune, secrétaire d'État.  - Ces passerelles, avec des financements renforcés à hauteur de 300 milliards d'euros, nous permettront de cibler les zones d'action prioritaires pour l'Europe.

Le numérique représentera la grande priorité de la présidence française de l'Union européenne : nous aurons à coeur de faire aboutir les négociations, notamment sur le harcèlement, et de permettre une application rapide des règles définies. J'ai parlé avec Frances Haugen, qui m'a alerté sur des sujets dont je n'étais pas conscient. Il est notamment important que les modérateurs parlent des langues utiles.

Il faudra que la Commission européenne déploie une capacité d'adaptation régulière des textes par acte délégué. Pour les très grandes plateformes, elle devra agir pour éviter l'embolie de petits régulateurs - sinon l'apathie.

Le cloud de confiance constitue une initiative louable, mais il nous faut aussi un cloud souverain. Or, les projets tels que Gaia-X restent décevants.

Je suis attaché à la conférence sur l'avenir de l'Europe, dont j'ai participé à de nombreuses sessions plénières. L'organisation laisse certainement à désirer, mais les panels ont produit des résultats intéressants. Nous avons organisé des conférences régionales qui ont suscité l'enthousiasme. Les échanges ont mis en évidence des priorités climatiques, de défense et de concurrence, qui nourriront les travaux de la présidence française. Le fait que le contrat de coalition allemande souligne une même volonté de réforme me semble encourageant.

Le document allemand soutient également la politique de sécurité et de défense européenne. Le choix de la coopération avec l'Allemagne sur le SCAF ou le char du futur, effectué en 2017 après le Brexit, me semble irréversible. Les projets industriels communs seront l'ossature d'une défense européenne à construire.

Concernant le calendrier de la présidence française, je ne crois pas que le télescopage avec les élections nationales lui nuise. Un semestre vaut d'abord par la préparation qui le précède. Il y aura évidemment des questions d'organisation : il faut respecter la réserve électorale, ce qui empêchera les conférences de presse entre six semaines avant les élections et le deuxième tour.

Il aurait cependant été étrange de repousser notre présidence, de la part d'un pays qui se veut un leader européen. Cela n'arrive que tous les quatorze ans ! Toute autre solution aurait eu bien des inconvénients. Au reste, de nombreux pays ont fait ce même choix. La présidence française sera pleinement assurée. J'ai déjà réuni quatre fois un comité transpartisan du Parlement pour en partager les préparatifs.

Un mot, enfin, sur les valeurs de l'Europe, qui représenteront un point central de notre présidence. L'État de droit n'est pas une marotte ni un combat entre l'Est et l'Ouest, mais une nécessité pour faire adhérer durablement nos concitoyens au projet européen. Un socle commun - les traités, les valeurs - est nécessaire à tout projet politique. Des outils, comme le règlement de conditionnalité entre les financements européens et certains principes de l'État de droit, seront mis en place. Nous poursuivrons aussi le dialogue avec la Hongrie et la Pologne.

Concernant les règles du marché énergétique, la conservation des prix de gros unifiés, bénéfique aux opérateurs français, doit être maintenue. Notre production est compétitive et nous exportons quand les prix augmentent. Cela nous permet de réduire la fiscalité dans les périodes difficiles, sans nuire aux finances publiques. Il faut également conserver des mécanismes de régulation, tels que l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), contestée par certains de nos partenaires européens.

Enfin, les microprocesseurs font l'objet d'une initiative européenne : un texte sera présenté dans les prochaines semaines pour définir les standards, les règles de production et les montants d'investissement. Le sujet avancera sous la présidence française.

M. Alain Cadec, vice-président de la commission des affaires européennes .  - Je ne partage pas votre analyse sur la concomitance entre la présidence française et les élections. Il aurait été responsable de repousser notre présidence ; d'autres l'ont fait.

Ce débat a été riche : chacun a pu exprimer les priorités qu'il souhaite voir aborder au prochain Conseil. Je ne doute pas, monsieur le ministre, que vous saurez prendre en compte la voix du Sénat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 9 décembre 2021, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit quarante.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Rosalie Delpech

Chef de publication

Ordre du jour du jeudi 9 décembre 2021

Séance publique

De 10 h 30 à 13 heures

Présidence : M. Roger Karoutchi, vice-président

Secrétaires : Mme Martine Filleul - Mme Jacqueline Eustache-Brinio

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)

1. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles (texte de la commission, n°250, 2020-2021)

2. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à relancer une initiative internationale multilatérale visant à la concrétisation d'une solution à deux États et à la reconnaissance d'un État palestinien par la communauté internationale, aux côtés d'Israël pour une paix juste et durable entre les peuples, présentée par M. Pierre Laurent et plusieurs de ses collègues (n°228 rectifié, 2021-2022)

À 14 h 30

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

3. Désignation des dix-neuf membres de la mission d'information sur le thème « Excellence de la recherche/innovation, pénurie de champions industriels : cherchez l'erreur française » (droit de tirage du groupe Les Indépendants)

4. Désignation des dix-neuf membres de la mission d'information sur « L'exploration, la protection et l'exploitation des fonds marins : quelle stratégie pour la France ? » (droit de tirage du RDPI)

De 14 h 30 à 16 heures

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

(Ordre du jour réservé au groupe CRCE)

5. Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles les plus faibles (texte de la commission, n°250, 2020-2021)

6. Suite de la proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à relancer une initiative internationale multilatérale visant à la concrétisation d'une solution à deux États et à la reconnaissance d'un État palestinien par la communauté internationale, aux côtés d'Israël pour une paix juste et durable entre les peuples, présentée par M. Pierre Laurent et plusieurs de ses collègues (n°228 rectifié, 2021-2022)

De 16 heures à 20 heures

Présidence : Mme Laurence Rossignol, vice-présidente

(Ordre du jour réservé au groupe SER)

7. Proposition de loi relative à la commémoration de la répression d'Algériens le 17 octobre 1961 et les jours suivants à Paris, présentée par MM. Rachid Temal, Jean-Marc Todeschini, David Assouline et Hussein Bourgi (n°42, 2021-2022)

8. Proposition de loi pour un nouveau pacte de citoyenneté avec la jeunesse par le vote à 16 ans, l'enseignement et l'engagement, présentée par Mme Martine Filleul et plusieurs de ses collègues (n°370 rectifié, 2020-2021)