Réduire l'empreinte environnementale du numérique
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France.
Discussion générale
M. Patrick Chaize, auteur de la proposition de loi . - Je suis très heureux de vous retrouver pour l'examen de cette proposition de loi, un texte issu de la mission d'information que j'ai présidée de janvier à juin 2020. Il s'appuie notamment sur une étude chiffrée inédite et prospective concernant l'empreinte carbone du numérique. Il s'agit de concrétiser notre travail.
Monsieur le ministre, je connais votre engagement sur ce sujet : faites en sorte que le texte prospère !
Le numérique et ses divers usages explosent en France et dans le monde. Le confinement a montré nos besoins. Le numérique est également indispensable à la transition écologique. Mais il a des impacts écologiques, notamment en émissions de gaz à effet de serre, de consommation énergétique et d'utilisation d'eau douce.
Son développement doit s'inscrire dans le respect des engagements climatiques et de l'accord de Paris.
Le tournant de la transition écologique doit être pris sans que le numérique devienne une source de pollution exponentielle. Pourquoi ce secteur plutôt qu'un autre, me direz-vous ? Parce qu'il explose : il représente 2 % de notre empreinte carbone aujourd'hui, mais ce sera 7 % demain si nous ne faisons rien.
Je suis heureux de voir se concrétiser une initiative parlementaire inédite, au-delà des habituels clivages partisans, avec près de 130 signataires issus de tous les groupes, et un texte qui aborde pour la première fois les impacts environnementaux de l'ensemble de la chaîne de valeur numérique, des terminaux aux centres de données, en incluant les réseaux.
Depuis la présentation de nos 25 propositions pour une transition numérique écologique, le Conseil national du numérique a publié sa propre feuille de route en juillet; et le Gouvernement aussi. Il est temps d'aller plus loin et d'agir concrètement.
L'avis du Haut Conseil pour le climat (HCC) sur le déploiement de la 5G a été remis au président du Sénat le 18 décembre. Pourquoi ne pas l'avoir demandé plus tôt, avant l'attribution des fréquences? C'est le Sénat qui a pris ses responsabilités, sur proposition de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, alors présidée par Hervé Maurey, que je salue. C'était la première fois qu'un président d'assemblée faisait usage de la faculté ouverte par la loi et saisissait le HCC en vue d'une évaluation environnementale. Celle-ci, sur le fond, conforte nos recommandations. Le HCC estime que la 5G pourrait faire augmenter de 45 % les émissions de gaz à effet de serre du secteur, d'ici à 2030.
Notre proposition de loi apporte de nombreuses réponses aux préoccupations du HCC.
Elle active quatre leviers. En premier lieu, la prise de conscience de l'impact environnemental du numérique, à travers une sensibilisation dès le plus jeune âge à l'école ; il s'agit aussi de ce que vous avez justement appelé, monsieur le ministre, « l'écologie du code », qui passe par la formation et par la création d'un observatoire pour que les entreprises prennent conscience de leur impact.
Le deuxième levier consiste à limiter le renouvellement des terminaux en luttant contre l'obsolescence programmée mais aussi l'obsolescence marketing, qui incite à renouveler constamment les équipements.
Nous devons développer les usages numériques écologiquement vertueux.
Troisième axe, la création d'un référentiel général de l'écoconception, que devront respecter les plus grands fournisseurs de contenus, pour limiter l'utilisation de données, donc d'énergie dans la conception des sites. Le chapitre IV vise à progresser vers des centres de données et des réseaux moins énergivores.
Il convient à cet égard de fixer des engagements pluriannuels contraignants auprès de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). La consommation énergétique des réseaux pourrait en effet augmenter de 75 % d'ici à 2040.
Les rapporteurs présenteront les apports de la commission. Celle-ci a enrichi le texte par un volet de promotion d'une stratégie numérique responsable dans les territoires.
Je proposerai un amendement exemptant les biens reconditionnés de la rémunération pour copie privée.
Il convient aussi de lutter contre les pylônes inactifs, qui ont un impact environnemental inutile.
Je vous invite, naturellement, à adopter cette proposition de loi à laquelle je souhaite une navette fructueuse. (Applaudissements)
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie tous les membres de la mission d'information et de la commission qui ont enrichi ce texte, dans un esprit rigoureux et constructif : c'est la marque de fabrique du Sénat.
Nous avons beaucoup travaillé et exploré. Le contrôle parlementaire peut jouer un rôle de vigie et d'impulsion important. La proposition de loi a pour but de faire prendre conscience à tous les citoyens de l'impact environnemental du numérique.
L'article premier inscrit la sensibilisation à l'empreinte environnementale du numérique comme l'un des thèmes de formation au numérique à l'école. Elle généralise la formation des ingénieurs en informatique à l'écoconception pour faire émerger une écologie du code, à l'article 2.
À l'article 3, elle crée un observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique auprès de l'Ademe.
Par l'article 4, l'impact environnemental du numérique sera inscrit dans la responsabilité sociale des entreprises (RSE).
L'article 5 crée un crédit d'impôt à la numérisation durable des petites et moyennes entreprises (PME).
À l'article 6, la proposition de loi rend plus opérant le délit d'obsolescence programmée, en limitant le renouvellement des terminaux, principaux responsables de l'empreinte CO2 du numérique, en inversant la charge de la preuve. Nous avons rendu cet article 6 plus cohérent en supprimant un des deux critères d'intentionnalité.
Nous luttons contre l'obsolescence logicielle aux articles 7 à 10, en dissociant mise à jour corrective et évolutive à l'article 8, afin que le consommateur soit clairement informé des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour.
La proposition de loi augmente de deux à cinq ans la durée minimale de mise à jour, à l'article 9, mais également celle de la garantie légale de conformité, à l'article 11. Des objectifs de recyclage, de réemploi et de réparation sont prévus à l'article 12.
À l'article 13, la proposition de loi prévoit que la sobriété numérique et la durabilité des produits soient inscrites dans les schémas de promotion des achats publics socialement et écologiquement responsables (Spaser) des plus grandes collectivités territoriales. Enfin, l'article 14 réduit le taux de TVA sur la réparation de terminaux et l'achat d'objets électroniques reconditionnés.
Avec l'article 14 bis, la proposition de loi améliore la lutte contre l'obsolescence marketing, qui induit un biais en faveur du renouvellement du terminal, en associant son achat à la souscription d'un forfait. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - (Applaudissements sur les travées des groupes SER et UC) La proposition de loi appelle à développer un usage du numérique plus vertueux. La tarification des forfaits mobiles doit favoriser la connexion filaires ou le wifi, et non la connexion impliquant une consommation de données mobiles : c'est l'objet de l'article 15.
L'article 16 promeut l'écoconception via un référentiel général auquel devront se conformer les plus gros fournisseurs de contenus, qui occupent une part très importante de la bande passante : ce référentiel fixera notamment les règles relatives à l'ergonomie des services numériques.
Les articles 18 à 20 prévoyant notamment l'interdiction du défilement infini et du lancement spontané de vidéos ont été satisfaits par les travaux de la commission, et donc supprimés, de même que l'article 17.
J'en viens au chapitre IV de la proposition de loi qui vise à faire émerger des centres de données et des réseaux moins énergivores.
L'octroi du tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) sera conditionné au respect d'objectifs environnementaux, c'est l'article 21 ; et avec l'article 21 bis introduit en commission, les plus petits centres de données en bénéficieront aussi, pour être encouragés au verdissement. L'article 22, ainsi satisfait, a été supprimé.
Les opérateurs de réseau devront souscrire à des engagements contraignants auprès de l'Arcep d'ici 2023, notamment concernant le renouvellement des box : c'est l'objet de l'article 23.
Le cadre de régulation offert sera ainsi pertinent, au moment où la 5G va accroître les usages, comme l'a rappelé le récent rapport du Haut Conseil.
L'attribution de licences par l'Arcep prévoira des critères environnementaux minimaux, selon l'article 24.
La promotion de stratégies numériques responsables dans les territoires a été ajoutée par la commission afin que, par exemple, la chaleur des centres de données soit récupérée. L'article 26 prévoit enfin l'élaboration par les plus grandes collectivités d'une stratégie numérique responsable, présentée chaque année en amont du débat budgétaire.
Ce texte ambitieux et équilibré est important, comme le montre la forte mobilisation de toutes les sensibilités de l'hémicycle.
Monsieur le ministre, j'espère que vous pousserez cette initiative et je vous souhaite une bonne année numérique responsable ! (Applaudissements sur les travées des groupes SER, UC et Les Républicains)
Mme Anne-Catherine Loisier, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques . - Je salue le travail de mes collègues.
Cette proposition de loi place le Sénat en précurseur, un an après la publication de la loi sur l'économie circulaire, dont de nombreuses dispositions, dont l'indice de réparabilité, entrent en vigueur cette année.
L'impact environnemental du numérique est à ce jour assez limité en France, mais devrait exploser dans les décennies à venir.
L'approche coûts-avantages du numérique reste à consolider. Le numérique est un levier majeur de la transition écologique mais les modalités de mise en oeuvre restent à parfaire. Pour un numérique soutenable, il faut diffuser des pratiques plus vertueuses chez les fabricants de matériels, les concepteurs de logiciels et d'applications, les distributeurs.
C'est pourquoi cette proposition de loi s'intéresse à l'ensemble des acteurs de la chaîne. Elle prévoit un allongement de la durée de vie de nos terminaux.
La France devra défendre une stratégie européenne et internationale mais cette proposition de loi engage sans tarder les acteurs français dans la transition écologique.
Il est nécessaire de les inciter tous à une dynamique de changement vertueuse. Des accompagnements fiscaux peuvent y aider, destinés à évoluer, voire disparaître au fur et à mesure que des directives européennes convergentes seront prises dans les mois à venir. Ce texte esquisse une délicate ligne de crête. Il fixe à 2023 l'entrée en vigueur de certaines dispositions, lorsqu'il est nécessaire de disposer au préalable de méthodes standardisées et de données incontestables pour établir des référentiels.
Un bémol : la commission des affaires économiques aurait préféré l'incitation à la contrainte pour mobiliser les opérateurs télécoms. Mais le texte issu des travaux de nos commissions consolide juridiquement certaines mesures, ce qui était indispensable, face à un droit européen contraignant.
Responsabilisation, transparence et incitation sont les maîtres mots de cette proposition de loi qui préfigure un nouvel ordre numérique. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, des finances et de la relance et de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la transition numérique et des communications électroniques . - Ce sujet est très important. La mission d'information sénatoriale a fait naître cette proposition de loi. Je salue la qualité de ses travaux, appuyés sur de nombreuses études, comme celles du HCC, de l'Arcep ou des think tanks. Je remercie notamment Patrick Chaize de son énorme travail.
La convergence entre transition écologique et transition numérique doit être totale.
Je crois au progrès technologique. C'est une condition de l'émancipation, selon la gauche dont je suis issu. (Murmures à gauche) C'est l'ADN de la France que d'assumer ce chemin vers la modernité, condition de prospérité et de réduction des inégalités. Chaque fois que la France a été tentée par le conservatisme, par le retour à une « terre qui ne ment pas », c'était dans les périodes les plus noires de son histoire.
Mais l'innovation n'est pas bonne en soi si elle n'est pas maîtrisée. Prenons le temps d'entrer dans le détail des dispositions proposées. Le politique ne saurait s'en tenir à la surface des choses.
Le progrès doit être mis au service de la préservation de l'environnement. La transition énergétique ne sera possible qu'avec le concours du numérique, qu'il ne s'agit pas de brider a priori.
Nous devons en effet optimiser de façon mathématique la répartition de ressources limitées ; et ce, à grande échelle.
Seuls des réseaux très performants et l'intelligence artificielle peuvent nous aider à réussir, comme le dit très bien Jean-Marc Jancovici.
Le débat est hémiplégique, comme l'a souligné Mme Loisier, si l'on considère seulement la consommation numérique sans prendre en compte ce qu'elle évite, les effets de substitution. Selon le professeur au collège de France Marc Fontecave, nous avons besoin de beaucoup plus d'innovation pour répondre au défi environnemental.
Avec Bruno Le Maire, nous accélérons la mobilisation inédite qui accélère concrètement le verdissement de l'économie tout en renforçant la compétitivité.
La volonté portée par cette proposition de loi rejoint celle du Gouvernement de faire converger écologie et numérique. En février, je poursuivrai, avec Barbara Pompili, la feuille de route dont nous avons présenté le premier acte en octobre dernier.
Nous voulons en effet objectiver l'empreinte environnementale du numérique : mieux connaître pour mieux agir. Nous avons donc demandé à l'Ademe et à l'Arcep de réaliser une étude approfondie.
Le numérique est une condition indispensable de la transition écologique : pas de véhicule électrique, de réseau intelligent, de logistique performante, d'agriculture plus vertueuse, de gain de productivité nécessaire à l'acceptabilité sociale de cette évolution, sans le numérique. C'est pourquoi un fonds de 300 millions d'euros a été créé dans le cadre du plan de relance pour les start-up de l'environnement.
Le numérique n'en doit pas moins faire sa part dans la maîtrise de notre empreinte énergétique. Pour atteindre cette maîtrise, il faut agir à tous les niveaux, en amont comme en aval, pour produire moins et mieux, à chaque étape du cycle de vie des équipements.
La Convention citoyenne pour le climat a ouvert la voie, ainsi que la loi Antigaspillage et pour l'économie circulaire (AGEC), qui a prévu des conditions de réparabilité et une extension de la garantie légale, et favorise le reconditionnement des téléphones.
Nous devons éviter toute restriction indue des pièces détachées. Nous avons saisi, sur ce sujet, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de pratiques anticoncurrentielles.
Nous voulons aussi inciter au réemploi des 100 millions de smartphones qui dorment dans les tiroirs des Français.
Nous avons prévu une concertation avec les plateformes pour rationaliser l'usage des vidéos.
Ainsi, nous abordons l'examen de cette proposition de loi de manière ouverte, même si elle devra être affinée au cours de la navette parlementaire.
Nous sommes favorables à votre proposition d'aller plus loin sur l'éco-conditionnalité du tarif réduit d'électricité pour les data centers, sujet dont nous avons débattu en commission et sur lequel j'avais promis des avancées en séance.
Je préfère l'approche incitative à l'approche contraignante, car certains acteurs du numérique sont encore jeunes. Nous divergeons sur le calendrier, car certains textes sont en cours d'élaboration, notamment des transpositions de directives européennes.
Des concertations sont également en cours avec des plateformes et les opérateurs télécom. Nous avons à construire un nouveau cadre pour inscrire le numérique dans la transition écologique, en bonne intelligence avec les opérateurs.
Face à la puissance de grands acteurs numériques, l'Europe représente la bonne échelle d'action. Nous travaillons sur la transition numérique et écologique avec la Commission européenne et avec le Commissaire concerné.
Les périodes de confinement ont montré la convergence entre deux mouvements de fond, essor du numérique et transition écologique. Le numérique est le pilier de notre société, l'écologie le fondement de notre survie et celle de la nature. À nous d'exploiter le premier pour renforcer le second. (Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et UC)
M. Frédéric Marchand . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI) Le numérique est omniprésent dans notre quotidien et il n'y aura pas de retour en arrière. Après vingt ans d'usage, il occupe une place prépondérante.
Comme le disait Michel Serres en 2010, « nous vivons un changement de monde. » Cela engendre des problèmes d'adaptation. Avec les smartphones, chacun a dans sa poche un ordinateur nomade d'une puissance extraordinaire, qu'il convient de réguler.
L'attaque contre la démocratie américaine par les partisans de Donald Trump, fervent utilisateur des réseaux sociaux, illustre les dérives possibles du numérique.
Ces mutations changent aussi notre façon d'aborder le quotidien.
La crise sanitaire a conduit à une accélération des usages qui nous interpelle. En 2040, si tous les secteurs respectent les objectifs de l'accord de Paris et qu'aucune politique de sobriété numérique n'est décidée, le numérique représenterait en France 7 % des émissions de gaz à effet de serre, soit l'équivalent du transport aérien, notamment du fait de l'Internet des objets et des data centers.
Le rapport commis par Patrick Chaize et ses collègues en juin dernier est au fondement de cette proposition de loi. Il faut arrêter une stratégie, mais ce texte ne fait nullement le procès du numérique. À l'exception de certains représentants des GAFA, les opérateurs l'ont bien compris.
L'empreinte environnementale du numérique est désormais un problème partagé. Cette proposition de loi s'inscrit ainsi dans le cadre des travaux du HCC, de la Convention citoyenne pour le climat, de l'Arcep et de collectifs engagés. Elle est aussi en phase avec la feuille de route du Gouvernement sur le numérique que vous nous avez présentée en commission le 2 décembre dernier.
Disons sans ambiguïté que les politiques publiques de lutte contre le changement climatique doivent s'appuyer sur le numérique. Grâce à la mobilisation des données environnementales, il favorise une utilisation plus raisonnée des ressources naturelles, limite les déplacements et favorise l'économie circulaire. Il n'y aura pas de transition écologique sans transition numérique. La mission d'information du Sénat et cette proposition de loi mettent l'église numérique au centre du village.
Le secteur doit travailler sur son empreinte environnementale. Le numérique a des impacts importants sur les émissions de gaz à effet de serre et sur la pollution du sol et de l'air. Ces impacts sont majoritairement liés à la fabrication et à la distribution des terminaux.
Le sujet ne se limite pas à la 5G, laquelle n'est pas ce grand Satan que certains responsables politiques dénoncent avec outrance. Elle est conçue avant tout pour servir à des échanges de données très haut débit dans l'industrie, la santé connectée, la ville intelligente. Il faut poursuivre notre travail d'explication, à l'heure où l'Europe vient de lancer des travaux de recherche sur la 6G.
Je salue cette proposition de loi, notamment son volet éducatif pour sensibiliser sur les usages et l'achat d'équipements. Limiter le renouvellement des terminaux et promouvoir une stratégie numérique des territoires sont aussi au coeur de ce texte transpartisan. Je salue le travail de nos collègues Patrick Chaize, Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier. C'est un travail serein et constructif. Nos débats permettront d'aller plus loin.
Chacun s'accordera sur le fait que le Sénat fait, avec cette proposition de loi, oeuvre utile. Le RDPI la votera. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI)
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Un an après le vote de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire (AGEC), cette proposition de loi nous permettra de compléter notre arsenal législatif pour atteindre les objectifs ambitieux de l'accord de Paris, ambitieux, notamment 100 % de services numériques écoconçus d'ici 2030.
Le numérique est responsable de 2 % des émissions de gaz à effet de serre de la France. En forte croissance, cette proportion pourrait atteindre 7 % en 2040. Il est urgent d'agir rapidement et au-delà de la loi AGEC pour que les gains du numérique ne soient pas annulés par ses impacts environnementaux.
La mission d'information du Sénat a fourni des éléments concrets sur un sujet où manquaient les données : 80 % de l'empreinte du numérique repose sur le renouvellement des terminaux et 95 % des Français possèdent un portable. La proposition de loi renforce le rôle des consommateurs et la lutte contre l'obsolescence programmée.
Le groupe RDSE proposera des amendements pour limiter le renouvellement des terminaux et favoriser le réemploi des produits. Les consommateurs, par leurs usages vertueux, entraîneront un changement des méthodes de conception.
Les actions proposées auprès des élèves sont utiles, tout comme l'intégration du numérique à la RSE, pour les grandes entreprises.
Le HCC s'est inquiété des impacts de la 5G sur les émissions de CO2. S'il ne faut pas brider le secteur a priori, il ne doit pas non plus être exempté d'efforts. Nous devons tous prendre notre part dans le développement d'un numérique vertueux. Les collectivités territoriales et l'État doivent être moteurs et exemplaires. L'article 13 prévoit la prise en compte de critères de durabilité des produits dans les commandes publiques. Je me réjouis également du nouveau chapitre sur la stratégie numérique responsable des territoires.
La préservation de l'environnement doit aussi être prise en compte par les acteurs économiques, avec des sites Internet écoconçus et des centres de données moins énergivores.
L'Arcep doit jouer un rôle central de régulation dans ces domaines.
En décembre, la commission a adopté cinquante-six amendements, signe de sa volonté d'aboutir sur ce texte que le groupe RDSE votera, espérant que le Gouvernement en saisisse l'opportunité. (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)
Mme Marie-Claude Varaillas . - La démarche de la mission d'information du Sénat était pertinente, comme cette proposition de loi dont nous saluons les auteurs et les rapporteurs. Elle s'articule avec la loi AGEC, la feuille de route du Gouvernement et la proposition de résolution européenne adoptée en novembre dernier. Nous assistons à une prise de conscience de l'urgence écologique : il faut construire une société plus économe en ressources et en consommation énergétique.
La France, qui entend réduire de 40 % ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et aboutir à la neutralité carbone en 2050, doit prendre des mesures fortes.
Le numérique représente, dans ce cadre, un levier puisant. Son empreinte carbone était, en 2019, de 2 % seulement des émissions de gaz à effet de serre, mais cette proportion pourrait augmenter de 60 % d'ici 2040.
Hélas, la proposition de loi reste en retrait et risque d'être peu opérante au regard des enjeux industriels et de souveraineté numérique. Les impacts carbone du numérique sont essentiellement liés à la production des terminaux, principalement en Asie. L'abrogation des accords commerciaux reposant sur le dumping social et environnemental est donc primordiale, comme la remise en cause du modèle libéral.
L'accès à la ressource en eau, la gestion des terres rares représentent aussi des enjeux essentiels sur lesquels une réflexion internationale apparaît nécessaire. Sans prise en compte de ces enjeux, la proposition de loi risque d'être peu efficace.
Nous partageons les objectifs de lutte contre l'obsolescence programmée, dont nous avons déjà débattu dans le cadre de la loi AGEC. Nous nous étonnons toutefois des changements de cap de la majorité sénatoriale s'agissant de l'obsolescence logicielle et de la garantie légale de conformité.
Les obligations des entreprises ont hélas été revues à la baisse avec la suppression en commission des articles 17 à 20. La réécriture de l'article 16 contourne le caractère contraignant des mesures en lui préférant un référentiel à la valeur juridique incertaine. De même, les obligations sur les data centers ont été remplacées par des incitations fiscales. Je crains qu'à force de renoncements, la portée de ce texte soit très limitée...
Pourquoi ne pas revenir sur l'imposition des GAFA ? Cessons l'impunité et obligeons-les à contribuer au financement des politiques de lutte contre le changement climatique. Nous doutons que la proposition de loi change la donne dans ce domaine... (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. Pierre-Jean Verzelen . - De nombreux spécialistes, industriels et acteurs associatifs s'accordent sur l'utilité du numérique pour lutter contre le changement climatique. Sa place est importante en matière de transition écologique. Mais, en 2040, il pourrait représenter 7 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
Nous saluons le travail de la mission d'information et les améliorations apportées au texte par la commission. Ce débat arrive au moment opportun.
Chacun doit participer à cette réforme : consommateurs, entreprises et secteur public. La création d'un observatoire de recherche sur l'impact environnemental du numérique est essentielle.
La durée de vie des terminaux constitue un enjeu majeur. À juste titre, la commission est revenue, à l'article 6, sur la charge de la preuve s'agissant de l'obsolescence programmée.
L'écoconception des sites web reposerait sur différents critères nécessaires, comme l'affichage de la stratégie de captation de l'attention des utilisateurs. Je pense notamment aux vidéos qui se déclenchent automatiquement, hautement consommatrices de données et d'énergie.
Les centres de stockage des données numériques, indispensables, doivent également réduire leur empreinte écologique.
Ce texte représente un excellent exemple du travail d'avant-garde du Sénat. Espérons qu'il constitue une base solide pour une stratégie nationale de la transition écologique. (Applaudissements sur les travées du groupe INDEP)
M. Jacques Fernique . - (Applaudissements sur les travées du GEST) Les enjeux de l'empreinte environnementale du numérique ont souvent été minimisés, voire ignorés. Nous prenons conscience de sa contribution au réchauffement climatique, aux tensions sur l'eau douce et sur les sols ou à l'agression des écosystèmes.
Entre 2010 et 2025, la taille de l'univers numérique devrait tripler et ses impacts environnementaux doubler. En 2019, le numérique représentait déjà, à l'échelle mondiale, deux à trois fois l'empreinte environnementale de la France. Dans moins d'une génération, il pourrait devenir une ressource critique en voie d'épuisement.
Malgré les objectifs des accords de Paris, il demeure un vide juridique criant. Comme l'a été la mission d'information du Sénat, cette proposition de loi est particulièrement opportune ; le GEST salue ce travail transpartisan, en phase avec les travaux du HCC et de la Convention citoyenne pour le climat.
Malheureusement, le projet de loi du Gouvernement sur le climat ne prend pas en compte la nécessaire transition du numérique vers la sobriété et la régulation qui doit s'y attacher. Ce texte est donc utile.
Qui visiez-vous, monsieur le ministre, en évoquant des postures idéologiques réactionnaires et en citant un slogan pétainiste ? Le GEST ne s'y reconnaît absolument pas !
La révision de la garantie légale de conformité et les obligations en matière d'obsolescence programmée représentent une avancée majeure. Le GEST veut aller plus loin et réinscrire des objectifs numériques dans la stratégie nationale bas carbone, demander une étude de l'impact environnemental de la 5G par l'Observatoire créé par la proposition de loi et rétablir dans sa rédaction initiale l'article 19 relatif aux vidéos.
Nous regrettons la modulation des forfaits et voulons renforcer l'article 15 pour limiter la connexion mobile au profit d'une connexion filaire ou par wifi. Nous souhaitons enfin favoriser le recyclage, le réemploi et la réutilisation des terminaux, voire expérimenter un système de consignes avec des territoires volontaires.
Ainsi, nous voulons renforcer l'objectif de ce texte : adopter un usage raisonné du numérique pour préserver nos ressources. Espérons que le Gouvernement reprendra ce texte transpartisan. (Applaudissements sur les travées du GEST)
M. Hervé Maurey . - L'année 2020 et le télétravail contraint ont rappelé l'importance du numérique au quotidien, indispensable à nos concitoyens, comme à l'attractivité des territoires, à l'économie et à l'innovation. Mais son impact environnemental - émission de gaz à effet de serre et utilisation des ressources naturelles - est insuffisamment pris en compte.
La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a mis en place, fin 2019, une mission d'information sur l'empreinte environnementale du numérique en France. Je salue le rapport de MM. Chaize, Chevrollier et Houllegatte qui est issu de ses travaux.
Le numérique pourrait représenter 7 % des émissions de gaz à effet de serre d'ici 2040, contre 2 % actuellement. Il faut une politique de sobriété numérique pour concilier les transitions écologique et numérique.
Le rapport recommande vingt-cinq mesures, reprises - pour celles à caractère législatif - dans cette proposition de loi, améliorée en commission. Elle crée des outils pour rendre le numérique plus sobre et ainsi compatible avec nos engagements internationaux sur le climat.
Ce texte, dont je suis l'un des co-auteurs, limite notamment le renouvellement des terminaux qui représentent 81 % de l'impact environnemental du secteur. Il prévoit des mesures contre l'obsolescence programmée, adapte la commande publique et améliore le fonctionnement d'un marché de seconde main.
La proposition de loi aborde également la question des réseaux. Le président du Sénat a saisi le HCC obtenir une évaluation de l'impact de la 5G. Celui-ci a rendu un rapport alarmant sur son empreinte carbone. Il est donc regrettable que le Gouvernement n'ait pas réalisé une évaluation avant son déploiement. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP et sur plusieurs travées du groupe SER)
M. Hervé Gillé . - L'initiative de nos collègues propose un éclairage novateur, judicieux et pertinent sur cette question, à la suite d'un travail de fond. Quelque 130 sénateurs ont cosigné cette proposition de loi. Toutes les politiques publiques devraient s'inspirer d'une telle démarche environnementale.
L'impact du numérique, avec la montée en puissance de la 5G, fait l'objet d'une prise de conscience générale en faveur de politiques plus soutenables. En témoignent les récents rapports du HCC, de l'Arcep et de la Convention citoyenne pour le climat.
Le débat est trop souvent réducteur, du fait de l'absence de données d'évaluation sur l'impact environnemental du numérique. La proposition de loi améliore la situation en s'appuyant sur des données solides.
L'évaluation est consubstantielle aux politiques de développement durable. Reconnaissons nos carences en la matière et créons des indicateurs partagés et des référentiels communs, pour mesurer l'impact environnemental et agir en conséquence sur les usages.
Il faut mieux réguler, en s'appuyant sur des données objectives que fournira le nouvel observatoire de l'impact environnemental du numérique créé à l'article 3.
Ce texte intervient sur l'ensemble de la chaîne numérique ; il privilégie une approche globale pour créer un cadre vertueux, avec des mesures incitatives et d'autres, contraignantes. Il renforce notamment l'approche normative s'agissant de l'obsolescence programmée.
La responsabilité sociétale de tous les acteurs - entreprises, collectivités territoriales, État et consommateurs - est recherchée.
Les territoires représentent les maillons indispensables de cette politique. Les amendements socialistes adoptés en commission ont permis de créer sur cette question un nouveau chapitre dans la proposition de loi. Ainsi, les collectivités de plus de 50 000 habitants pourront établir une stratégie numérique et les data centers être impliqués dans les plans climat territoriaux.
Monsieur le ministre, vous avez invoqué un risque de perte de compétitivité à l'appui du déploiement de la 5G, mais elle ne sera rentable qu'avec de nombreux utilisateurs. Les enjeux économiques et financiers ne doivent pas nous détourner de nos objectifs environnementaux.
Cette proposition de loi apporte de premières solutions fondées sur l'information, la régulation et l'approche territoriale. Beaucoup reste à faire, mais nous la soutiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue Patrick Chaize, Anne-Catherine Loisier, Jean-Michel Houllegatte et Guillaume Chevrollier pour leur travail et leur sens de la pédagogie sur un sujet relativement contre-intuitif.
En réalité, le numérique n'est pas immatériel : il laisse une empreinte exponentielle sur l'environnement, estimé actuellement à 2 % des émissions de gaz à effet de serre en France.
Il faut réguler pour faire émerger des pratiques plus vertueuses sans fragiliser la filière. La proposition de loi y parvient : nos collèges ont fait un travail d'équilibristes pour maîtriser l'impact du numérique sans handicaper nos entreprises.
Les priorités sont claires et intelligibles : informer, éduquer, lutter contre le renouvellement trop rapide des terminaux, favoriser les usages vertueux, développer des centres de données moins énergivores.
Nous ne pourrons nous contenter de transpositions techniques de directives européennes : la représentation nationale doit débattre de ces questions.
L'article 16 rend obligatoire l'écoconception des sites internet, mais je regrette que certaines entreprises soient exclues du champ de cette mesure. L'écoconception des environnements web ne saurait être perçue comme un surcoût. Toutes les entreprises doivent être concernées.
Les rapporteurs ont, en outre, souhaité repousser à 2023 l'entrée en vigueur de ce dispositif. Cela ne me semble pas souhaitable. Ne faisons pas attendre un marché déjà structuré et prêt, au risque de pénaliser les acteurs.
Enfin, ne serait-il pas souhaitable d'ajouter des critères d'accessibilité pour les personnes handicapées ?
Je propose que les acquéreurs de data centers à climatisation adiabatique bénéficient d'une réduction de TICFE. L'enjeu est important pour les territoires.
Avec cette proposition de loi, le Sénat fait oeuvre utile. Je forme le voeu que le Gouvernement la soutienne. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-Paul Prince . - La relation entre numérique et environnement est ambivalente. D'un côté, le numérique, avec l'intelligence artificielle et le big data, constitue un outil efficace de lutte contre le changement climatique. Je pense notamment aux possibilités offertes par les compteurs électriques intelligents. D'un autre côté, les vertus environnementales du numérique ne sont qu'en puissance, car il est très énergivore. Sa part dans la consommation mondiale d'électricité augmente de 2 % par an. Elle représente entre un quart et la moitié de l'électricité mondiale et entre 2 % et 10 % des émissions de CO2.
D'après un rapport de Cédric Villani réalisé en 2018 pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst), le numérique consommera la moitié de l'énergie mondiale en 2030, la totalité en 2040. Il doit donc être décarboné en amont.
Ce texte est précurseur. Le HCC en a implicitement validé les conclusions dans son avis de décembre 2020 sur la 5G. Les conclusions de la mission d'information sont claires : plus de 80 % de l'impact environnemental du numérique sont liés aux terminaux. Ceux-ci ne sont pas fabriqués en France... Or c'est le nerf de la guerre. Avec eux, nous accroissons notre dépendance économique et importons une pollution. Les articles 6 à 14 limitent donc la consommation d'équipements.
Le travail effectué en commission a été considérable et je le salue.
La dimension territoriale de la stratégie numérique est majeure. Le numérique contribue au désenclavement de la ruralité profonde.
Le groupe UC votera ce texte. Monsieur le ministre, nous espérons que le Gouvernement s'en emparera pour le compléter dans sa dimension relative aux métaux et aux terres rares. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Rémi Cardon . - Cette proposition de loi pose pour la première fois au niveau législatif le débat sur l'empreinte environnementale du numérique et sur le renforcement de la régulation. Je salue le travail de long terme réalisé sur cette question.
Le numérique change notre quotidien - facilitation des échanges, communications instantanées, meilleur partage de l'information. Les citoyens en connaissent les avantages, mais ont-ils connaissance de son impact environnemental ? En raison de la multiplication des équipements, le numérique représente 4 % de l'énergie consommée dans le monde. Une prise de conscience collective est nécessaire, notamment au niveau de l'État et des collectivités territoriales. Il faut modifier la loi, mais surtout nos habitudes.
Ce texte fixe un premier cadre, mais il demeure insuffisant, notamment sur les forfaits illimités, les objets connectés et le streaming. Il prévoit utilement, à l'article 4, l'inclusion de l'impact environnemental numérique dans le bilan RSE des grandes sociétés. Notre groupe proposera d'étendre la mesure aux petites et aux moyennes entreprises.
La loi du 10 février 2020 dite AGEC a permis des avancées en matière de durabilité des équipements, que renforce la proposition de loi : l'indice de responsabilité des équipements électriques et électroniques et l'indice de durabilité à partir de 2024 vont dans le bon sens. L'article 6 améliore le dispositif relatif à l'obsolescence programmée en inversant la charge de la preuve. Alors que dix milliards de téléphones portables ont été vendus depuis 2007, on comptabilise très peu de poursuites et de sanctions. L'article 7 intègre au dispositif l'obsolescence logicielle.
Ne laissez pas certains de nos concitoyens sur le bord de la route. Il faut sensibiliser et accompagner les usagers. (Applaudissements sur les travées du groupe SER)
présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
M. Stéphane Sautarel . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La mission d'information de MM. Chaize, Chevrollier et Houllegatte a mis en évidence un angle mort de nos politiques de lutte contre le changement climatique : le numérique. Le Sénat a défriché un champ émergent. Aussi, nous sommes nombreux à avoir cosigné cette proposition de loi préventive et novatrice.
L'information et la formation apparaissent essentielles à l'heure où la parole politique est malmenée. L'intégration du numérique au RSE, l'éducation des plus jeunes à une utilisation responsable du numérique et la formation des ingénieurs informatiques à l'écoconception des logiciels constituent des mesures intéressantes.
Avec ce texte, nous pouvons prévenir le risque d'atteindre 7 % d'émissions de CO2 liés au numérique en 2040 en agissant sur différents leviers. Notre responsabilité collective réside là. N'hésitons pas !
En matière de RSE, nous pouvons aller plus loin. Les entreprises sont déjà bien engagées. L'entreprise participe historiquement à l'intérêt général et crée du lien social. Elle est moteur d'un projet économique. Comment peut-elle aussi jouer un rôle dans la refondation écologique ? La France est pionnière sur ces sujets : loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) en 2001, Grenelle II en 2010, loi dite Pacte en 2019.
La loi Pacte reconnaît que, au-delà de la profitabilité, l'entreprise poursuit un second objectif : sa raison d'être. Elle définit trois niveaux d'engagement, dont la prise en considération des impacts sociaux et environnementaux dans l'entreprise et l'introduction du statut de société à mission. À titre d'illustration, une entreprise peut choisir de développer sa plus-value sociétale en s'engageant dans la reforestation.
En créant ainsi la « raison d'être » de l'entreprise, la loi Pacte a consacré sa responsabilité sociale et l'a ancrée dans le XXIe siècle. Il peut s'agir de contribuer à un nouveau modèle de consommation ou à l'amélioration de l'environnement. L'article 4 aurait donc pu aller plus loin en se référant à ce concept.
Je souhaite que nous adoptions cette proposition de loi qui constitue une première étape. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Muller-Bronn . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je salue les travaux de la mission d'information qui nous permet de proposer des solutions concrètes et des alternatives à la surconsommation de ces produits. En amont, la majeure partie des impacts environnementaux du numérique provient de la fabrication délocalisée de ces équipements. La multiplication des usages entraîne en aval une surconsommation d'énergie. L'information du public est donc indispensable.
Le temps des injonctions culpabilisantes étant révolu, ce texte montre la bonne voie et consacre des outils incitatifs. En nous appuyant sur l'innovation et sur la réglementation, nous pouvons réguler l'obsolescence programmée des appareils et des logiciels, allonger la durée des usages, ou encore inciter à l'achat de produits reconditionnés et moins énergivores.
Depuis le 1er janvier 2021, les vendeurs de smartphones et d'ordinateurs doivent afficher un indice de réparabilité. En outre, toute technique empêchant la réparation ou le reconditionnement d'un appareil est désormais illégale.
Enfin, la réparation de ces produits est créatrice d'emplois non délocalisables. Dans le Bas-Rhin, des associations comme Envie donnent une seconde vie aux appareils qu'elles collectent. Ces filières sont créatrices d'emplois et mériteraient d'être développées.
Ce potentiel est loin d'être utilisé : d'après une étude de juillet 2019 réalisée par OpinionWay, seulement quatre à huit millions d'appareils sont reconditionnés, tandis que des centaines de millions dorment encore dans les tiroirs.
Je voterai pour cette proposition de loi qui prévoit une feuille de route claire et précise. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Longeot, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Il s'agit d'un texte pionnier, le premier à traiter ce sujet de manière globale. Cinq ans ont passé depuis l'accord historique de Paris : il est temps d'accélérer.
Le Sénat est fort quand il unit ses forces, comme avec ce texte transpartisan. L'avant-projet de loi Climat, qui ne comporte pas de mesures sur le numérique, pourrait être enrichi par l'adoption de cette proposition de loi, qui répond à une très forte attente de nos concitoyens : ils veulent en effet accéder à un numérique vertueux.
Je tiens à remercier les auteurs et rapporteurs du texte, ainsi que la commission des affaires économiques et son rapporteur, Anne-Catherine Loisier, qui ont enrichi le texte.
Monsieur le ministre, je me joins aux appels de mes collègues pour que ce texte prospère. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et GEST)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
Mme Nadège Havet . - Je souhaite aborder la question de l'empreinte cognitive du numérique sur les enfants. Le fondateur du site Conspiracy Watch, Rudy Reichstadt, a récemment alerté sur l'impact des écrans qui cambriolent notre attention. Les écrans sont une manne qui a un coût cognitif, sanitaire et environnemental. J'attire aussi votre attention sur les travaux de Gérald Bronner, auteur de l'ouvrage Apocalypse cognitive.
Une attention préservée, mieux armée et mieux prévenue sera le levier indispensable d'une consommation plus responsable et moins énergivore.
Mme Martine Filleul . - L'article premier peut sembler symbolique, mais il est important. L'explosion de l'utilisation du numérique durant la crise sanitaire pose problème car les appareils numériques sont construits dans des pays peu respectueux de l'environnement. Leur utilisation représente 6 à 10 % de la consommation électrique mondiale.
Une fois obsolètes, ces objets numériques se transforment en déchets très polluants et peu valorisés. Or tout cela s'apprend : éduquer est le meilleur investissement pour préserver notre planète. D'où l'utilité d'une initiation des enseignants à l'utilisation raisonnée du numérique.
Ce texte est la preuve que notre assemblée est souvent à l'avant-garde pour aborder les principaux problèmes de notre société.
Mme la présidente. - Amendement n°46 rectifié, présenté par M. Gold, Mme Guillotin, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, MM. Guérini et Guiol, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
Supprimer les mots :
des usages
M. Éric Gold. - Sachant que 80 % de l'empreinte environnementale du numérique provient des terminaux, il convient de limiter le renouvellement de ceux-ci. L'amendement élargit la formation des élèves à l'adoption de comportements plus responsables dans l'achat et le renouvellement de leur matériel numérique.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. - La notion d'usage couvre celle de mise en veille des équipements et de l'utilisation d'un appareil reconditionné. Votre amendement est donc satisfait. Retrait ou avis défavorable.
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°46 rectifié n'est pas adopté.
L'article premier est adopté.
ARTICLE 2
Mme la présidente. - Amendement n°4 rectifié, présenté par MM. Gold, Artano et Cabanel, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mmes Guillotin et Pantel et MM. Requier et Roux.
Alinéa 1
Après le mot :
écoconception
insérer les mots :
des biens comportant des éléments numériques ou
M. Éric Gold. - Il convient d'insister sur l'écoconception dans la formation des ingénieurs en informatique.
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. - Cet article 2 qui vise à développer l'écologie du code est en cohérence avec l'article 16 qui crée un référentiel d'écoconception. Cependant ici, ce ne sont pas les concepteurs et les fabricants de terminaux numériques qui sont visés, mais les ingénieurs en électronique. Avis défavorable.
M. Cédric O, secrétaire d'État. - La question de l'écoconception des sites et outils de communication électronique est importante, et il faut le prendre à la racine en commençant par la formation des ingénieurs.
Cependant, le Gouvernement est réservé sur cet article, trop ciblé et satisfait par l'article 41 de la loi de programmation pour la recherche du 24 décembre 2020 qui inscrit dans le code de l'éducation la formation et la sensibilisation aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l'enseignement supérieur. Avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n°4 rectifié n'est pas adopté.
L'article 2 est adopté.
ARTICLE 3
Mme la présidente. - Amendement n°47 rectifié, présenté par M. Gold, Mme Guillotin, MM. Artano et Bilhac, Mme M. Carrère, M. Corbisez, Mme N. Delattre, M. Guérini, Mme Pantel et MM. Requier et Roux.
I. - Alinéa 1
Après le mot :
observatoire
insérer le mot :
indépendant
II. - Alinéa 3
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
Placé auprès de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, qui en assure le secrétariat, il associe des chercheurs et des personnalités qualifiées désignés en raison de leur expertise, notamment en matière d'étude des impacts environnementaux du numérique et de transition écologique et solidaire.
Un décret précise les missions de l'observatoire, sa composition et son fonctionnement de manière à assurer son indépendance et son impartialité.
M. Éric Gold. - Cet amendement garantit l'indépendance et l'impartialité de l'observatoire de recherche des impacts environnementaux du numérique, en précisant les modalités de désignation de ses membres. Il précise également que cet observatoire doit comporter des experts choisis en raison de leur expertise en matière d'étude d'impacts environnementaux du numérique, mais aussi en matière de transition écologique et solidaire.
M. Guillaume Chevrollier, rapporteur. - Préciser dans la loi l'indépendance de l'Observatoire n'apporte pas de garantie supplémentaire. Avis défavorable.
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Même avis.
L'amendement n°47 rectifié n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°25, présenté par MM. Gontard, Fernique et Benarroche, Mme Benbassa, MM. Dantec, Dossus et Labbé, Mme de Marco, M. Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme Taillé-Polian.
Après l'alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
Au plus tard six mois après l'entrée en application de la présente loi, l'observatoire évalue l'impact environnemental du déploiement du réseau 5G en France.
M. Guillaume Gontard. - L'impact environnemental du réseau 5G doit être évalué. Monsieur le ministre, vous avez consacré à la 5G une part importante de votre intervention. L'absence d'évaluation de cette technologie pose un réel problème, d'où l'idée de la confier en amont à l'observatoire. Nous sommes tous d'accord pour dire que le numérique est indispensable, mais il faut se pencher sur son impact.
La Convention citoyenne pour le climat a demandé un moratoire et le HCC, saisi par le président du Sénat, a préconisé une évaluation avant tout nouveau déploiement. Il convient donc de prévoir cette évaluation.
M. Jean-Michel Houllegatte, rapporteur. - Le Haut Conseil a rendu le 19 décembre un avis sur l'impact environnemental de la 5G. Il eût mieux valu une évaluation ex ante...
Grâce à l'Observatoire, cette évaluation sera systématique avant l'attribution des fréquences. Faisons confiance à cette instance. Avis défavorable.
M. Cédric O, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Plusieurs sénateurs ont cité l'avis du Haut Conseil, sans mentionner les effets bénéfiques de la 5G sur les usages numériques.
Avec le président Ferrand, j'ai visité en Bretagne une exploitation agricole qui avait réduit grâce au numérique sa consommation de produits phytosanitaires et de fertilisants de respectivement 10 % et 20 % grâce à une optimisation au centimètre près des déplacements de ses tracteurs.
En Vendée, j'ai visité une ferme qui économisait quinze jours d'arrosage des champs de maïs par an grâce à des sondes hygrométriques.
La 5G permettra, grâce à l'échange d'images en temps réel, d'aller encore plus loin ; ce qui ne serait pas possible en 4G.
Ces effets bénéfiques de la 5G sur la logistique, les transports, l'agriculture, la santé doivent être pris en compte pour évaluer cette nouvelle technologie.
Ainsi, la consommation énergétique du secteur de la logistique pourrait baisser de 15 % grâce à la 5G, ce qui compense largement la consommation des antennes télécom ! Il faut prendre la question dans sa globalité.
De plus, le Conseil n'évoque pas le scénario contrefactuel, à savoir ce qui se passerait si l'on n'adoptait pas la 5G. Nous aurions une saturation des réseaux dans les grandes villes d'ici un an, à moins de déployer des antennes 4G supplémentaires qui consommeraient vingt fois plus d'électricité que la 5G pour la même bande passante. Si c'est ce que veulent certains maires de grandes villes, comme Grenoble, il faut le dire clairement à la population ! (Rires sur les travées du GEST) Et je ne parle pas des bénéfices économiques ou industriels...
M. Guillaume Gontard. - Monsieur le ministre, vous faites vous-même l'évaluation de la 5G. L'amendement n'est ni pour ni contre la 5G, mais il vise à obtenir une évaluation. Je vais sans doute le retirer puisque l'observatoire y procédera.
Si vous voyez ainsi l'avenir de l'agriculture, il y a de quoi s'inquiéter...
Quoi qu'il en soit, dès lors que vous plaidez pour une évaluation, je ne comprends pas votre avis défavorable.
M. Hervé Gillé. - Une étude d'impact, c'est prendre en compte le positif et le négatif. L'évaluation que nous demandons n'a pas été faite avant le déploiement, et c'est bien ce que nous regrettons. L'évaluation doit se faire presque en temps réel pour être objective. L'amendement me semble tout à fait justifié.
L'amendement n°25 n'est pas adopté.
L'article 3 est adopté.