Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle la nécessité de respecter les distances de sécurité, les circuits d'entrée et sortie de l'hémicycle. Les ministres sont responsables des distances qu'ils observent entre eux, séparation des pouvoirs oblige. (Sourires) Pour ce qui concerne notre assemblée, le médecin du Sénat ainsi qu'un épidémiologiste de la Pitié-Salpêtrière ont formulé des recommandations.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat et sur notre site internet.
Inspection du travail pendant l'état d'urgence sanitaire
M. Guillaume Gontard . - Madame la ministre du Travail, les personnels de santé, les caissiers, les transporteurs, les éboueurs et tant d'autres assurent la continuité de la vie du pays, malgré les risques. Or, alors que la sécurité sanitaire n'est pas assurée, vous appelez à une relance des activités non essentielles. Avec quels masques, selon quelle organisation, quel accompagnement de l'État ?
Dans ce contexte, l'intervention des inspecteurs du travail est indispensable. Mais vous entravez honteusement leur action : vous leur demandez d'obtenir la validation de la hiérarchie avant toute visite, et avant toute saisine du juge des référés. C'est contraire à l'article 81 de la Convention de l'Organisation internationale du travail (OIT) qui leur reconnaît une autonomie d'action. Pis, vous avez suspendu Anthony Smith pour avoir réclamé à une entreprise d'aide à domicile des masques pour son personnel.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Je veux saluer le travail remarquable de mes services tant pour le financement du chômage partiel que pour l'inspection du travail, qui a un rôle majeur pour protéger les travailleurs.
La discussion préalable avec la hiérarchie est nécessaire pour vérifier que les inspections sur place se font en toute sécurité. Jamais mon ministère n'entrave ni n'interdit de visites ; mais l'OIT est claire, l'Inspection du travail n'est pas une addition d'agents mais un système global de contrôle et de conseil aux entreprises.
L'inspecteur du travail de la Marne qui a été suspendu de ses fonctions à titre conservatoire avait enfreint à plusieurs reprises les instructions de l'autorité centrale, il avait agi hors de sa compétence et avait développé des pratiques antidéontologiques. Une procédure disciplinaire est en cours, avec maintien de traitement. Le service public de l'Inspection du travail se doit d'être irréprochable.
M. Guillaume Gontard. - Vous ne m'avez pas répondu : lèverez-vous les sanctions contre Anthony Smith ? Laissez les inspecteurs du travail accomplir leur tâche. C'est tout ce qu'on vous demande ! (M. Patrice Joly applaudit.)
Mme Éliane Assassi. - Très bien.
Soutien au monde de la culture
Mme Sylvie Robert . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Le rideau est tombé sur tous les lieux et toutes les manifestations culturels, et personne ne sait aujourd'hui quand il se lèvera à nouveau. La culture est en danger. Beaucoup d'artistes, intermittents, techniciens, auteurs ainsi que les structures qui les emploient sont en sursis.
Et pourtant, la culture ne s'est jamais révélée aussi essentielle que dans cette période de confinement où les créateurs, à travers leurs oeuvres numériques et grâce à la qualité de notre audiovisuel public, nous enchantent quotidiennement et nous aident à résister.
Mais l'été sera silencieux et l'automne s'annonce très périlleux, car incertain.
Si le secteur culturel a pu bénéficier des dispositifs transversaux d'aide - c'est important, même si ces outils sont parfois inadaptés et insuffisants - il a besoin de visibilité, pour anticiper et agir dans un cadre réglementaire clair et précis.
Et ce n'est pas en annonçant que des « petits festivals » - qu'est-ce qu'un petit festival ? - pourraient avoir lieu après le 11 mai que vous rassurerez les acteurs, les organisateurs... et les collectivités, car celles-ci sont en première ligne.
L'ensemble forme un écosystème fragile, essentiel à nos vies et qui est aujourd'hui un espace de résistance ; nous aurons toujours besoin des artistes ; et nous sommes attachés à notre modèle culturel français.
À quand un véritable plan d'urgence concerté avec les collectivités territoriales et les acteurs culturels ? Demain ne peut attendre. (MM. David Assouline et Julien Bargeton applaudissent.)
M. Franck Riester, ministre de la culture . - Oui, le secteur est dramatiquement touché par la crise. Les spectacles sont annulés, ce qui n'est pas sans conséquences financières mais aussi psychologiques.
Nous avons veillé à ce que les intermittents, auteurs et acteurs puissent bénéficier des dispositifs transversaux. Mais il reste du travail pour accompagner non seulement le déconfinement progressif, mais aussi le rebond pour que, demain, la vie culturelle puisse reprendre. Pour cela, nous avons besoin de tous. J'ai donné beaucoup de détails du travail en cours à la commission de la culture du Sénat lors de mon audition la semaine dernière et je reste à votre pleine disposition pour dialoguer avec vous.
Mme Sylvie Robert. - Les acteurs culturels ont besoin d'anticiper, de se projeter, pour construire le modèle culturel demain - qui est peut-être lui aussi en danger. Attention, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
Renoncement aux soins
M. Jérôme Bignon . - (M. Claude Malhuret et Mme Nadia Sollogoub applaudissent.) La désertification des cabinets de médecins est considérable : à côté de la prise en charge du Covid-19, la consommation des autres soins, en médecine générale comme dans les spécialités, a reculé de 40 % à 50 % La filière cancérologie est paralysée, de nombreux patients ont peur d'attraper le virus en se rendant aux urgences ou dans les consultations. La rupture dans la continuité des soins est particulièrement grave pour les personnes âgées ou handicapées. Le dépistage néonatal est désorganisé.
Les professionnels appellent à une évaluation des soins déprogrammés, à un bilan de l'impact du renoncement aux soins. Une nouvelle vague de mortalité pourrait en résulter.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire ce que vous pensez de ce paradoxe : nos concitoyens ne se soignent plus pour des maux graves, mais préfèrent prendre du temps à parler de la nicotine ? (MM. Claude Malhuret, Pierre Louault et Mme Nadia Sollogoub applaudissent.)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Oui, nous sommes inquiets : certains malades ne se soignent plus, certains ne se dépistent pas. C'est pourquoi nous multiplions les messages : aller voir son médecin est un motif dérogatoire bien légitime de sortie ; nous développons la télémédecine, déjà plus d'un million de téléconsultations. Nous invitons les médecins à contacter leurs patients quand ceux-ci ne se manifestent pas.
Une équipe française de chercheurs a publié un article pour rendre compte d'une étude observationnelle. Le nombre de fumeurs parmi les malades du Covid-19 semble faible. Mais attention ! Le tabac tue 70 000 personnes par an, soit plus que le virus. Il pourrait néanmoins être intéressant de savoir comment la nicotine peut être un marqueur de résistance à la maladie.
Une personne qui met un patch sans être fumeur va le sentir tout de suite : vomissements, malaise, étourdissements... Ce n'est pas un traitement ! Je mets en garde contre ce type d'automédication, avec un produit addictif qui plus est. Cela n'implique pas qu'il faille fermer la porte à une étude de ce type. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM et Les Indépendants ; M. Pierre Louault applaudit également.)
Situation dans les banlieues
M. Alain Joyandet . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Un mot d'abord sur la situation des outre-mer, auxquels le plan de sauvetage n'est pas adapté, comme le soulignent M. Magras et notre délégation sénatoriale aux outre-mer. Il faudrait prendre en compte la structure des entreprises, qui est différente.
Autre remarque, les communes, comme les entreprises, perdent des recettes mais continuent à verser des salaires. Il serait bon de les prendre en considération.
J'en viens à ma question principale : les banlieues flambent à nouveau, à Évreux, à Bordeaux, à Villeneuve-la-Garenne ou Chanteloup-les-Vignes. Nos forces de l'ordre sont attaquées. Pour ne pas stigmatiser, nous sommes discrets sur ces événements.
Mais quand on apprend qu'un homme de 30 ans, condamné 14 fois, a attaqué les forces de l'ordre, qui sont alors immédiatement mises en cause... Cela suffit !
La Représentation nationale doit réaffirmer son soutien aux forces de sécurité. N'ajoutons pas une crise sécuritaire à la crise sanitaire.
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Les règles du confinement doivent être appliquées partout sur le territoire. Les forces de sécurité interviennent dans tous les quartiers. À Marseille, chaque soir, elles dressent 300 procès-verbaux, dont les deux tiers dans les quartiers nord. En Seine-Saint-Denis, trois opérations sont menées chaque soir dans les cités sensibles, avec le concours de moyens aériens. Globalement 220 000 contrôles ont été effectués, et 38 000 verbalisations, soit le double de la moyenne nationale.
Mais il est vrai que des provocations peuvent avoir lieu, des jets de projectiles, voire des guets-apens. Nous les condamnons fermement. N'ayez aucun doute : nous faisons respecter le confinement partout, et partout où nos forces de l'ordre sont provoquées, elles sont soutenues. (M. François Patriat applaudit.)
Pesanteur administrative des agences régionales de santé
M. Pierre Louault . - Je salue votre action, monsieur le ministre, ainsi que celle des directeurs d'ARS et des soignants. Leurs compétences ne sont pas en cause.
Mais comment expliquer que deux mois après les expérimentations du docteur Raoult, on n'ait pas lancé une étude massive sur la chloroquine ? Comment expliquer que l'on mette tant de temps à répondre à l'offre de services des laboratoires vétérinaires ? Qu'on casse les initiatives des collectivités ? Qu'on impose de faire demi-tour à un convoi de malades ?
Comment expliquer qu'on refuse aux dentistes, parmi tant d'autres, les protections qui leur sont nécessaires ? Comment faire confiance à un système qui ne fonctionne pas ?
Tous ces dysfonctionnements sont liés à la gestion bureaucratique opérée par une administration croulant sous des protocoles inadaptés à la crise. Il est des moments où l'on doit s'en affranchir !
Monsieur le ministre, comment adapterez-vous, dans le champ médical, un système administratif aujourd'hui dépassé ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - La France est le pays des études cliniques : nicotine, hydroxychloroquine... Les dernières publications ne sont clairement pas en faveur de ce traitement, hélas. Lisez la publication américaine d'hier.
Mme Sophie Primas et M. Bruno Retailleau. - Ce n'est pas un protocole !
M. Olivier Véran, ministre. - Un protocole clinique répond à des règles universelles de présentation, incluant des publications. Si une publication concluait positivement sur la chloroquine, nous en serions très contents !
Les laboratoires vétérinaires ont été mobilisés pour des analyses sur des humains : c'était une première, qui doit beaucoup à la mobilisation des préfets et des ARS.
Je ne voudrais pas que l'on retienne des 644 évacuations sanitaires le seul cas du bus qui a fait demi-tour, faute de notification à l'ARS. Nous sommes le seul pays à avoir fait de tels transferts. C'est une fierté française. (Protestations à gauche et sur les travées des groupes Les Républicains) Cela n'aurait pas été possible sans les agents des ARS. Les agences comptent du reste des malades et déplorent des morts !
J'ai écrit aux dentistes hier : ils recevront 150 000 masques FFP2. Je les remercie pour s'être organisés afin de traiter les urgences.
M. le président. - C'est un vétérinaire qui, au XIXe siècle, a mis au point le charbon bactéridien...
M. Pierre Louault. - Le 11 mai, on va passer d'une guerre de tranchées à une guerre de mouvement - je ne suis pas sûr que l'on soit prêt. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Vincent Delahaye applaudit également.)
Protection de l'enfance
M. Xavier Iacovelli . - Ma question s'adresse au secrétaire d'État chargé de la protection de l'enfance.
Au moment où une crise sanitaire inédite frappe notre pays, entraînant le confinement de la population, nos pensées vont tout particulièrement aux plus vulnérables : les enfants.
Les chiffres, nous les connaissons : 130 000 filles et 35 000 garçons subissent des viols ou tentatives de viols chaque année, en majorité incestueux. Quelque 140 000 enfants sont exposés à des violences conjugales.
Ces violences ne s'arrêtent pas subitement durant le confinement. Au contraire, les risques sont décuplés par l'impossibilité pour l'enfant de trouver refuge dans la journée à l'école, au sport, ou chez des camarades de classe. Ces rares moments de répit, où l'enfant peut parler et échapper aux violences qu'il subit, s'effacent et laissent place à la solitude la plus totale.
Des milliers d'enfants suivis dans le cadre d'une action éducative en milieu ouvert se retrouvent aujourd'hui 24 heures sur 24 à la maison avec leurs parents, malgré les tensions qui peuvent exister au sein des familles.
Nos travailleurs sociaux, malgré leur dévouement le plus total, peinent à assurer leurs missions dans un contexte de crise sanitaire qui bouleverse nos modes de déplacement. Cet épisode intervient en outre après des coupes budgétaires intervenues d'année en année dans un grand nombre de départements.
Ces mêmes départements n'assurent plus les visites médiatisées : le lien est alors rompu entre les parents et l'enfant depuis près d'un mois et demi. Ils ont renvoyé certains enfants dans leurs familles malgré les risques encourus. Cette situation dramatique s'observe chez moi, dans les Hauts-de-Seine.
Des milliers de jeunes isolés sont hébergés dans des hôtels sociaux. Ils ne peuvent suivre leurs enseignements au même titre que tous les autres jeunes.
Face à cette situation, le Gouvernement, les associations et la société dans son ensemble se mobilisent.
Monsieur le ministre, vous avez multiplié les canaux permettant de détection des violences : l'adaptation du 119, l'augmentation du nombre d'écoutants, l'élargissement du 114...
De nombreuses personnalités prennent la parole pour sensibiliser la population. Les ONG, les associations se mobilisent.
Malgré tout, le confinement aura une fois de plus démontré les dysfonctionnements dramatiques qui existent au sein de l'aide sociale à l'enfance (ASE) dans nos territoires.
Quelles mesures sont et seront prises pour davantage protéger les enfants des maltraitances et soutenir les parents qui, souvent pour des raisons sociales et économiques, peinent à jouer pleinement leur rôle ?
M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - Les appels au 119 ont augmenté de 89 % la semaine dernière. Cela ne nous surprend pas. C'est le signe de l'augmentation des violences mais aussi de notre vigilance accrue.
Les appels par les voisins ont augmenté de 84 % et ceux des camarades de 100 %. On recense plus de 200 saisines sur le formulaire internet. Nous avons augmenté de 25 % le temps d'écoute. Les campagnes d'information fonctionnent.
Dès le 21 mars, j'ai saisi l'ensemble des départements pour qu'ils assurent une continuité du travail social, notamment via les cellules départementales de recueil de traitement et d'évaluation (CRIP). Il faudra aussi penser à la suite. Quels effets aura eu le confinement sur la santé mentale des enfants ? Nous entendons détecter les violences qui se seront produites. J'y travaille avec le ministère de la santé ; l'Éducation nationale aura un grand rôle à jouer. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Soutien des collectivités territoriales aux acteurs économiques
M. Jean-Marc Gabouty . - Les collectivités locales sont un maillon essentiel pour mettre en oeuvre les mesures nationales et l'accompagnement des populations face à la crise du coronavirus.
Départements, EPCI et communes ont su assurer avec réactivité le soutien aux familles en difficulté, le lien avec les populations fragiles, la livraison de repas ou de courses, le contact régulier avec les personnes âgées ou isolées ou encore l'acquisition et la distribution de masques.
Les régions, en plus de leur participation au fonds de solidarité, ont pour la plupart mis en place des dispositifs complémentaires d'aide aux entreprises, parfois avec possibilité de délégation par convention aux départements, EPCI ou communes, comme dans les Hauts-de France.
Cependant beaucoup de petites structures, bien qu'éligibles au fonds de solidarité - indispensable mais peut-être pas suffisant - seront confrontées pendant des mois à des difficultés menaçant leur pérennité.
Les mieux placées pour accompagner sur le plan économique les microentreprises, les autoentrepreneurs, les travailleurs indépendants, les artisans ou les petits commerçants sont les collectivités de proximité : départements, EPCI et communes. Or la législation ne leur permet pas de les soutenir directement, sous forme par exemple d'avances remboursables de loyers.
Ne peut-on assouplir, à titre exceptionnel et pour une durée limitée, l'exercice de cette compétence économique d'aide directe aux TPE ? La réactivité des collectivités locales dans ce domaine peut utilement compléter et amplifier les dispositifs nationaux.
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Merci d'avoir rappelé le rôle très important des collectivités locales.
C'est la région qui est compétente pour définir les régimes d'aide et attribuer les aides directes aux entreprises. Les EPCI peuvent attribuer des aides immobilières et participer aux fonds mis en oeuvre par les régions, comme les fonds de résilience. Les départements, en revanche, ne peuvent pas financer des aides aux entreprises, mais ils peuvent participer à des fonds finançant des secteurs de leur compétence tels que l'économie sociale et solidaire.
Tenons-nous à cette règle, ne dispersons pas nos forces. Les dépenses sociales des départements sont appelées à augmenter. Nous avons par ailleurs donné de la souplesse en permettant aux collectivités de participer au fonds national, de 7 milliards d'euros, dont 6 milliards proviennent de l'État et 500 millions des régions.
M. le président. - Il faut conclure !
Mme Jacqueline Gourault, ministre. - Le Gouvernement encourage les départements, communes et EPCI à le faire. À titre dérogatoire, les collectivités participantes verront leurs concours inscrits en dépenses d'investissement. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Distribution des masques en vue du déconfinement
Mme Catherine Procaccia . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Alors que le déconfinement, ou plutôt l'allègement du confinement est dans dix-neuf jours, la dernière conférence de presse du Premier ministre a posé plus de questions qu'il n'a apporté de réponses. Même si le plan du Gouvernement est toujours en construction, la gravité des enjeux vous impose de répondre rapidement à certaines questions clés.
Celle des masques est essentielle, d'abord parce que la plupart des Français veulent protéger les autres, à défaut de se protéger eux-mêmes, et pour son impact psychologique car le masque conforte les gestes barrières. Un géant français de la vente en ligne annonce la vente de 60 millions de masques chirurgicaux pour les entreprises, avec votre accord, alors que les pharmaciens, dont c'est pourtant le métier, ne savent toujours pas s'ils peuvent ou non vendre, à prix coûtant, des masques en tissu ou chirurgicaux. (L'oratrice exhibe un masque en tissu de type « trois plis ».)
Comment va s'effectuer la distribution des masques « grand public » annoncés par le Président ? Si les collectivités en sont chargées, il faut leur dire comment, quand et auprès de qui passer commande, leur indiquer une date effective de livraison. Devront-elles les payer ? Devront-elles prioriser certaines populations ?
Qui ? Quand ? Combien ? Comment ? Il leur faut des consignes claires pour préparer cette nouvelle phase. Il faut leur répondre maintenant, et non le 11 mai, sur les transports scolaires, la restauration du midi, la désinfection des équipements ou la réouverture des lieux publics. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Lors de la conférence de presse, le Premier ministre a évoqué en détail la question des masques. Certains sont destinés aux soignants : masques FFP2 et chirurgicaux, pour lesquels nous avons passé des commandes massives en Chine et que nous produisons en France. Ils sont distribués gratuitement par les pharmaciens. Cette distribution, sur le stock de l'État, sera progressivement étendue aux malades, aux personnes contacts et aux personnes particulièrement vulnérables, sur prescription médicale.
Les masques dits « grand public » ne sont pas des masques en tissu lambda que l'on peut fabriquer chez soi à partir d'un morceau d'étoffe. Ils filtrent 70 % et jusqu'à 90 % des particules de un à trois microns qui véhiculent le virus. Ce sont des masques protecteurs. Avec le concours d'une centaine d'entreprises textiles, nous en produisons des dizaines de millions pour les rendre disponibles progressivement. Les pharmacies seront fondées à participer à la distribution de ces masques, de même que la grande distribution, les entreprises ou les mairies, qui sont un maillon essentiel.
Mme Catherine Procaccia. - Vous n'avez pas répondu. Les collectivités territoriales doivent-elles passer commande ? Cdiscount s'en est procuré - les pharmacies pourraient faire de même. À trois semaines du déconfinement, comment participer à l'effort ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)
Un collectif social pour 2020 ?
M. Patrice Joly . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Le projet de loi de finances rectificative est en trompe-l'oeil, les crédits sont gonflés : ils ne sont pas de 110 milliards d'euros mais de 42 milliards. Pour les foyers plus modestes, le compte n'y est pas. Ayez en tête la crise des gilets jaunes qui a témoigné de la fracture sociale, la hausse de la pauvreté qui va s'aggraver brutalement... Étudiants, intérimaires, acteurs culturels, trop de nos concitoyens sont laissés sur le bas-côté.
Le financement par la dette renvoie la charge à demain. Il est urgent que les plus aisés, si choyés depuis le début du quinquennat, participent à l'effort national. Mais le dogmatisme du Gouvernement préfère l'appel au don à la justice fiscale, le marché à la planification, l'incitation à la régulation...
Ce PLFR ne définit pas les grandes orientations de l'après. Il faut renforcer nos services publics, sanitaires et autres, notre souveraineté, sanitaire et alimentaire, inventer un nouveau modèle de mondialisation, plus social et écologique.
N'ayez pas peur du débat démocratique, présentez au Parlement un projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Quand vous engagerez-vous dans ces débats ? Notre groupe, lui, y est prêt.
M. Cédric O, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, chargé du numérique . - Oui, il faudra un débat sur l'après, mais reprocher au Gouvernement de ne pas protéger les plus fragiles, c'est lui faire un mauvais procès ! Le soutien est massif. Les bénéficiaires du RSA reçoivent 150 euros par enfant en plus du socle de 400 euros ; ceux des APL, 100 euros. Au total, quatre millions de ménages sont concernés.
Le PLFR comporte nombre de dispositions en faveur des TPE-PME et des entreprises en grande difficulté. Le fonds de solidarité passe de 1 milliard à 6 milliards d'euros, le fonds de développement économique et social à 1 milliard d'euros. Pas moins de 9,6 millions de salariés et 785 000 entreprises bénéficient du chômage partiel. Le temps du débat sur l'après viendra, mais dans la situation actuelle, le Gouvernement est la hauteur des attentes des Français.
Mesures sanitaires dans les transports publics
Mme Nadia Sollogoub . - Nous vivons avec une unique consigne : restez chez vous. Mais bientôt, il faudra renouer avec la mobilité. L'image des transports publics a pâti des mouvements sociaux, il fallait déjà reconquérir les usagers ; s'ajoute désormais la dimension sanitaire. Dans les transports collectifs, difficile de respecter la règle de distanciation sociale, d'éviter tout contact.
Pour restaurer la confiance et éviter le retour en force du tout-voiture individuelle, des mesures sanitaires devront être prises. Comment va s'organiser la gouvernance sanitaire des transports publics ? Y aura-t-il une directive nationale ? Allez-vous rendre obligatoire le port du masque ? Si oui, qui les fournira ? Quid des gants, de la mise à disposition de gel ?
Comment limiter l'asphyxie des transports urbains ? En audition, M. Farandou estimait qu'avec la règle d'un mètre entre chaque passager, la SNCF ne pourrait transporter que 20 % des passagers habituels... Pour limiter l'affluence, on évoque un lissage des heures de pointe. Comment cela se concrétiserait-il ?
Se pose aussi la question de l'équilibre économique. Comment conserver l'attractivité et la compétitivité des transports publics avec tous ces surcoûts ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)
M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports . - Ce sujet fait l'objet d'un intense travail, sous l'égide du Premier ministre. D'ores et déjà, un décret impose la désinfection au moins une fois par jour de tous les moyens de transport, l'interdiction de la vente de billets à bord, l'équipement en masque des conducteurs les plus exposés.
Nous discutons avec les autorités organisatrices de transport (OAT) et les organisations syndicales. Avec le déconfinement progressif, le maître-mot sera de restaurer la confiance - des usagers, des clients, des opérateurs, des élus.
Nous sommes en contact constant avec les régions et les départements pour construire une doctrine sanitaire qui tienne compte de l'hétérogénéité des situations territoriales. Les mesures sur les masques et la distanciation sociale seront clarifiées, mais nous travaillons aussi sur un renforcement des procédures de nettoyage et de désinfection, sur la régulation de l'emport dans les trains ou le lissage des heures de pointe. Ces mesures seront annoncées par le Premier ministre. Nous mettons tout en oeuvre pour que les passagers jouissent de bonnes conditions sanitaires. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
La séance est suspendue à 15 h 55.
présidence de M. Philippe Dallier, vice-président
La séance reprend à 16 h 30.