Parquet européen et justice pénale spécialisée (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.
Discussion générale
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice . - Le décès de Michel Charasse, votre collègue et le mien au Conseil constitutionnel, m'a bouleversée. C'était un très grand républicain et un ami très cher.
Certains contentieux doivent faire intervenir des magistrats spécialisés. C'est le cas des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne mais aussi de la criminalité organisée, de la grande délinquance financière, du terrorisme ou des atteintes à l'environnement.
Ce projet de loi adapte en conséquence notre législation au Parquet européen et améliore les dispositions relatives aux juridictions spécialisées. Nous avons déjà des juridictions interrégionales spécialisées (JIRS), un parquet national financier (PNF), des pôles spécialisés sur la santé publique et l'environnement et un parquet national antiterroriste (PNAT).
Le Parquet européen est une étape de plus dans l'intégration européenne de la justice. Le Sénat a été présent à chaque étape - je rends hommage à son rôle dans ce domaine, dès le début, lorsqu'une telle perspective semblait chimérique. Plusieurs résolutions ont ainsi défendu l'idée du Parquet européen, dont l'une, dès 2002, par la voix puissante de Robert Badinter, apôtre inlassable de l'Europe.
Par une procédure du carton jaune inédite, le Sénat a demandé à la Commission européenne de revoir son projet pour plus de subsidiarité. Le Conseil européen, par un règlement du 12 octobre 2017, a ainsi dégagé le projet d'un parquet concurrent des parquets nationaux.
L'Irlande et le Danemark se sont exemptés de cette coopération renforcée en matière judiciaire et policière, qui réunit à ce jour 22 États membres sur 27. Manquent à l'appel à ce stade, la Suède, la Pologne et la Hongrie qui y viendront à court terme - pour la première - ou sans doute à plus long terme pour les deux autres. Ce sont donc 22 États membres de l'Union européenne qui sont concernés.
Le schéma retenu assure un juste équilibre entre d'une part l'efficacité de la répression des fraudes qui porte atteinte aux intérêts financiers de l'Union, telles que les escroqueries à la TVA, les faits de corruption, de détournement de fonds publics, d'abus de confiance, de blanchiment d'argent et de certains délits douaniers et d'autre part la préservation de la souveraineté de notre système judiciaire : les juges du tribunal judiciaire de Paris demeureront compétents.
Le Parquet européen siégera à Luxembourg et sera dirigé par Laura Kövesi, assistée de 22 procureurs nationaux, un par État membre. Il y aura au minimum deux procureurs européens délégués dans chaque pays, chargés du suivi des enquêtes et des poursuites, deux à Paris pour la France.
Ce projet de loi leur garantit une totale indépendance : ils ne pourront recevoir d'instructions que du Parquet européen. Ils ne pourront donc pas recevoir d'instructions générales du ministre de la Justice, ni même d'instructions générales ou particulières du procureur général de Paris.
Ces procureurs européens délégués disposeront des mêmes prérogatives que le procureur de la République ainsi que, ce qui est beaucoup plus novateur, de certaines compétences relevant du juge d'instruction : ils pourront placer des suspects sous contrôle judiciaire et, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, placer des suspects sous écoute téléphonique et demander des mises en détention provisoire.
Il ne faut pas y voir une première étape d'une évolution de notre droit interne vers la suppression du juge d'instruction.
Je me réjouis que votre rapporteur et la commission des lois aient accepté ces discussions en les améliorant.
Le Titre II améliore les dispositions pour la criminalité organisée, la délinquance financière, le terrorisme et les atteintes à l'environnement.
Les parquets spéciaux, en cas de compétence concurrente, seront prioritaires sur les parquets non spécialisés. Le parquet national anti-terroriste (PNAT) pourra représenter le ministère public en première instance en cas de crime contre l'humanité, de tortures, de crimes ou délits de guerre, ou d'atteintes aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Le PNF verra ses prérogatives renforcées avec une compétence nationale concurrente pour lutter contre les atteintes à l'environnement.
Le projet de loi hisse en effet notre organisation judiciaire à la hauteur des attentes de nos concitoyens en matière environnementale.
Les contentieux environnementaux ne représentent que 1 % des condamnations pénales et 0,5 % des condamnations civiles. Cela ne rend pas compte de l'action quotidienne des services de l'État en matière de police administrative pour prévenir, sanctionner, voire réparer les infractions les plus courantes. Mais certaines atteintes méritent une réponse judiciaire plus rapide.
Nous créons une justice pour l'environnement sur trois niveaux : une justice de proximité pour les affaires qui concernent la vie quotidienne des Français comme les décharges sauvages ou la pollution visuelle ou sonore - jugées par les tribunaux judiciaires dans chaque département. Il n'est pas question pour ces affaires de saisir une juridiction éloignée. Pour les atteintes graves ou la mise en péril de l'environnement, nous créons une juridiction spécialisée par ressort de cour d'appel qui jugera les atteintes aux espaces protégés ou les manquements aux règles sur les substances dangereuses par exemple. Leur spécialisation sera plus efficace et aboutira à des délais plus courts.
Enfin, pour les risques naturels majeurs, je pense aux accidents nucléaires, nous maintenons les pôles nationaux actuels, spécialisés dans l'environnement et la santé publique, à Paris et à Marseille, qui couvrent toute la France. Un accident industriel comme celui de Lubrizol en relèverait.
Il est indispensable également de relever le niveau des réponses judiciaires avec la convention judiciaire écologique, inspirée du modèle de la convention judiciaire d'intérêt public. Il ne doit plus être comparativement « rentable » pour une entreprise de manquer aux obligations en la matière.
Une procédure coopérative efficace entre la personne morale concernée et l'autorité judiciaire permettra - sous le contrôle du juge - la réparation du dommage, la mise en conformité et le versement d'une amende. Cela responsabilisera et mobilisera les entreprises sur les enjeux écologiques au lieu de se focaliser sur la recherche de la responsabilité pénale des dirigeants. Pour les particuliers commettant de petites infractions, nous développerons les travaux d'intérêt général (TIG) « verts ».
Sur tous ces points, je me réjouis, là encore, que la commission des lois et son rapporteur aient accepté et amélioré - notamment pour l'outre-mer - ces dispositions.
Enfin, le projet de loi améliore certains points de procédure concernant la manière dont les officiers de police judiciaire (OPJ) peuvent faire procéder à des examens médicaux et psychologiques, et à des comparaisons d'empreintes et de traces génétiques.
Les modifications proposées tirent en outre les conséquences de deux questions prioritaires de constitutionnalité, en modifiant le code de procédure pénale : les jurés d'Assises seront ainsi pleinement informés sur l'existence et le fonctionnement de la période de sûreté, et les prévenus criminels détenus depuis plus de six mois pourront s'opposer à ce que l'audience devant la chambre de l'instruction soit tenue en visioconférence.
Une disposition censurée comme cavalier par le Conseil constitutionnel dans la loi d'orientation des mobilités (LOM) est reprise enfin, et améliorée, concernant l'interdiction de paraître dans les transports publics en cas d'infractions graves et répétées.
Enfin, parmi les améliorations qu'elle a proposées, avec l'entier accord du Gouvernement, votre commission a substitué, concernant la péréquation entre les professions d'huissiers de justice, de notaires et de commissaires-priseurs judiciaires aux habilitations à prendre des ordonnances, un dispositif visant à ce que l'objectif de recentrage poursuivi par la loi du 6 août 2015 soit préservé.
Votre commission a conforté le dispositif existant du fonds interprofessionnel d'accès au droit et à la justice (FIADJ), dont le périmètre pourra être précisé pendant la navette, en concertation avec les professions concernées.
En dépit de son apparence technique, ce texte permettra à la France de tenir un engagement européen qu'elle a défendu de longue date et améliorera le traitement des contentieux spécialisés les plus complexes, notamment en matière environnementale. Je souhaite qu'il recueille une très large adhésion. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; M. Joël Labbé applaudit également.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur de la commission des lois . - Ce texte comporte des dispositions prometteuses pour la création du Parquet européen - c'est aussi une bonne surprise quant à la capacité à le transcrire dans un domaine régalien s'il en est, celui de la justice.
L'Europe est un marché unique, mais aussi un système juridique et un ensemble de valeurs - donc un État de droit.
Le Parquet européen correspond à une vraie attente de la société. Ses compétences relèvent essentiellement des fraudes aux subventions et à la TVA - on parle de 50 milliards d'euros, ce qui n'est pas rien.
Chacun des 22 États membres de la coopération renforcée désignera deux procureurs délégués européens, qui traiteront, pour notre pays, de l'ordre de 60 à 100 affaires. Ce seront des magistrats français, on est donc bien dans le domaine de la souveraineté nationale. En cas de conflit de compétences, c'est le procureur général près la Cour de Cassation qui tranche.
Ces deux magistrats poursuivent, avec les moyens d'enquêtes français - mais en cas de mesure privative de liberté, c'est un juge des libertés et de la détention (JLD) qui examinera les choses, avec la possibilité d'exercice d'un droit de recours, et c'est une juridiction française, parisienne, qui jugera en appliquant notre droit.
Dans la mesure où des instructions seraient données par le Parquet européen, notre système traditionnel avec juge d'instruction n'était pas compatible avec un tel dispositif. D'où le caractère hybride de celui qui est proposé. Les deux procureurs délégués bénéficieront donc de certaines de leurs prérogatives.
Deuxième sujet, les juridictions pénales spécialisées. Le système simple proposé par le procureur général François Molins a été retenu : priorité à la juridiction spécialisée sur celle de droit commun et à celle de niveau national sur celle de niveau territorial. Idem pour l'extension des compétences du PNAT et du PNF, dont les compétences sont très élargies.
Sur le droit de l'environnement, le texte intervient en dédiant des juridictions spécialisées dans chaque cour d'appel. Ce n'est pas révolutionnaire : cela ne crée pas des tribunaux spécialisés mais affecte dans chaque cour d'appel des magistrats spécialisés. Cela marque une forme de pédagogie à l'égard du monde judiciaire.
Mais la modification principale est l'ouverture au droit de l'environnement des conventions dites judiciaires d'intérêt public (CJIP). La loi Sapin II avait introduit ce type de convention en matière de droit fiscal et de lutte anticorruption. Cet outil ultra-efficace peut impliquer des réparations allant jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires. C'est une procédure rapide et efficace qui donne lieu à des publications locales.
Vous avez vu l'efficacité en droit anglo-saxon de telles mesures de mise en conformité ou de monitoring pour Airbus.
L'article 77-1 du code de procédure pénale sera réformé. Les parquets sont habitués à faire des réquisitions de portée générale, lorsqu'ils réquisitionnent un médecin par exemple, en cas d'infractions sexuelles. Nous élargirons ces possibilités, par exemple de consultation de vidéosurveillance.
La peine d'interdiction d'accès aux transports publics, sur laquelle je reviendrai, est un peu curieuse intellectuellement : nous l'avons encadrée de garanties en matière de libertés publiques. Le sujet des huissiers de justice et aidants de notaire est un sujet à part. Nous présenterons nos efforts de conciliation à propos des amendements. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE et Les Républicains)
M. Thani Mohamed Soilihi . - La fraude contre les intérêts financiers de l'Union européenne est largement répandue : fraude à la TVA, corruption, blanchiment. Plusieurs dizaines de milliards d'euros échappent ainsi au budget européen, ruinant la capacité des États à lever de l'argent et à mettre en oeuvre des politiques économiques et sociales.
La Commission européenne estime à 137 milliards d'euros la perte de recettes de TVA en 2017, la fraude étant désignée comme la cause principale. Quant à la fraude aux fonds européens, elle représenterait plus de 390 millions d'euros de manque à gagner selon le rapport de Patrice Joly de juillet dernier.
Mais ces statistiques restent à nuancer, car elles sont difficiles à évaluer et se fondent sur les signalements des États membres, reflets de leur volonté à détecter la fraude.
Il était indispensable de mettre en place un effort de répression concerté et conjoint. Sur le fondement de l'article 86 du Traité de Lisbonne et sous l'impulsion de la France et de l'Allemagne, 22 États membres de l'Union européenne ont adopté le 22 octobre 2017 le règlement portant coopération renforcée sur un Parquet européen. Cela complétera l'arsenal constitué de l'Office européen de lutte antifraude (OLAF), d'Eurojust et d'Europol, ainsi que des parquets nationaux.
Le Parquet européen sera compétent pour suivre les infractions pénales portant préjudice au budget européen. Le règlement prévoit une bonne coordination avec le système judiciaire français. Les deux procureurs européens délégués sont indépendants.
Un nouveau régime d'enquête leur permet de solliciter auprès du JLD la possibilité d'enquêter. Ils pourront ordonner des placements sous contrôle judiciaire, soumis au recours du JLD, puis de la chambre de l'instruction.
Le projet de loi comporte des décisions sur la justice pénale spécialisée, renforçant les organes comme le PNAT et le PNAF, et crée de nouvelles juridictions spécialisées pour les atteintes graves à l'environnement, avec une réponse pénale adaptée, sur le modèle de la transaction pénale et sur le fondement d'une convention judiciaire environnementale.
Dans tous ces domaines, en cas de concurrence de compétences et tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, la priorité serait accordée au parquet bénéficiant d'une compétence spécialisée.
Le groupe LaREM soutient les efforts déployés pour lutter contre la fraude et rendre plus rapidement la justice, afin de renforcer l'efficacité de la réponse pénale, notamment en matière de lutte contre les atteintes à l'environnement. Nous voterons ce projet de loi.
Mme Éliane Assassi . - Ce projet de loi porte deux sujets importants sur le Parquet européen et la justice environnementale, sans cohérence, hormis celle consistant à corriger certains problèmes posés par des lois précédentes, et surtout par des décisions QPC du Conseil constitutionnel, à grand renfort d'ordonnances que de procédure accélérée. Vous savez ce que nous pensons du recours à de telles procédures.
La mise en place du Parquet européen fait suite à dix ans de négociations. Le projet initial avait été fortement critiqué avec un « carton jaune » du Sénat suivi par quatorze États membres.
La Commission européenne a revu sa copie. Le groupe CRCE est plutôt favorable à ce projet, qui concerne 60 à 100 procédures par an en France, mais importantes financièrement, en matière de fraudes à la TVA ou de lutte contre la corruption. Vous connaissez nos combats, madame la ministre.
Mais quelle indépendance pour les parquetiers européens ? Les procureurs mèneraient seuls leurs investigations. Or sans garantie, cette indépendance reste une chimère, comme le souligne justement le syndicat de la magistrature...
La cohérence entre le statut du Parquet européen et celui du parquet financier pose question. Ce projet de loi aurait pu être l'occasion de réformer le statut du parquet français.
M. André Reichardt. - Très bien !
Mme Éliane Assassi. - Quelles relations avec le juge d'instruction ? L'arsenal judiciaire européen pourrait être étendu à d'autres compétences, comme l'antiterrorisme. Car la coopération judiciaire européenne est insuffisante. Cette extension ne doit pas se faire en autonomie par rapport aux règles de la politique européenne. Nous avons tous en tête le modèle de construction de l'espace européen sur la base du contrôle des frontières.
En matière d'environnement, l'article 8 instaure une CJIP concernant les personnes morales. Désengorger les tribunaux au profit d'une justice transactionnelle d'inspiration américaine n'apportera rien qui vaille, car les droits de la défense restent insuffisants. Les entreprises risquent de se tirer d'affaires à moindres frais. Nous proposons de rénover ce dispositif.
Accordons plus de moyens aux agences de l'État, telles l'agence française pour la biodiversité ou l'Ineris.
Les pôles spécialisés ne consisteront qu'en la nomination de référents, à moyens budgétaires constants. Selon Greenpeace, cela a une vocation pédagogique, mais nous regrettons l'insuffisance du dispositif. Comme dans la loi de programmation pour la justice, vous prévoyez moins de collégialité pour l'enquête, plus de pouvoirs pour les OPJ, plus de visioconférences, dans un cadre qui nous pose problème, celui de la détention provisoire, l'instrumentalisation du code pénal à des fins d'affichage... Nous y reviendrons dans les débats.
Le volet environnemental restant en deçà des attentes, nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
M. François Bonhomme. - Dommage !
M. Alain Marc . - Depuis longtemps, les règles de procédure pénale ont été adoptées pour traiter spécifiquement certains contentieux, dès 1986, pour mener la lutte antiterroriste.
De nombreuses compétences spécialisées - économique et financière, délinquance, crime organisé, santé publique et crime contre l'humanité... - sont désormais traitées à part.
La loi du 6 décembre 2013 a créé le parquet national financier puis celle du 23 mars 2019 le parquet national antiterroriste. Le règlement européen du 12 octobre 2017 a prévu la création d'un Parquet européen.
Le projet de loi adapte notre législation à la création du Parquet européen et renforce le droit pénal spécialisé.
La création du Parquet européen s'inscrit dans la volonté de créer un espace européen de justice et de liberté, mais son organisation décentralisée n'était pas celle prévue initialement par la Commission européenne, qui voulait en 2013 un procureur unique.
Mais pour la première fois, 14 parlements nationaux dont le Sénat français ont émis un « carton jaune » pour défaut de subsidiarité. Je me réjouis du consensus sur la collégialité, sur la création de délégués nationaux. Mais cela n'a pas convaincu tous les États membres, ce qui a nécessité une coopération renforcée. L'Irlande et le Danemark avaient un opt-out et la Suède, la Pologne et la Hongrie ont refusé le Parquet européen.
Ce projet de loi étend la compétence des parquets spécialisés et procède à des adaptations diverses dans le code de procédure pénale pour tenir compte des décisions du Conseil constitutionnel ou de la Cour de cassation.
Il prévoit aussi une demande d'habilitation pour définir par ordonnance les modalités de financement d'un fonds destiné à favoriser une présence équilibrée sur le territoire des notaires, des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires.
Je me réjouis que la commission ait apporté des modifications qui ne remettent pas en cause l'équilibre du texte sur les règles applicables aux procureurs européens délégués et la peine d'interdiction de paraître dans les transports publics.
Le groupe Les Indépendants porte un regard positif sur ce texte, victoire du Sénat français, et votera ce projet de loi à l'unanimité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants ; M. Hervé Maurey applaudit également.)
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 17 juillet 2013, la Commission européenne a déposé une proposition de règlement pour combler les lacunes du système répressif actuel et mieux coordonner les efforts nationaux.
Entre 2010 et 2017, l'OLAF a recommandé le recouvrement de 6,6 milliards d'euros pour le budget de l'Union européenne.
L'OLAF ne dispose d'aucun pouvoir de sanction. La fraude à la TVA représente 50 milliards d'euros de perte par an.
Ce projet de loi de règlement a été rejeté par la France et quatorze parlements, car il prévoyait une procédure unique avec des compétences exclusives, contre le mécanisme de subsidiarité.
Les ministres de la Justice français et allemand ont fait avancer le texte avec la création de procureurs délégués. Le collège sera constitué du procureur général et des procureurs nationaux et de chambres permanentes, qui superviseront et dirigeront les enquêtes.
Le projet de loi donne compétence au procureur européen délégué pour des actes relevant du juge d'instruction, mais sous le contrôle du JLD pour la surveillance électronique ou le placement en détention provisoire.
Le tribunal judiciaire et la cour d'appel de Paris traiteront des affaires.
Le Parquet européen rassemble tous les services de l'Union européenne, tels l'OLAF ou l'Agence européenne pour la coopération des services répressifs. Europol pourra aider dans les enquêtes.
Ce projet de loi permet de mieux traiter des atteintes à l'environnement, pour lesquelles les sanctions actuelles ne sont pas suffisamment dissuasives.
Selon l'étude d'impact, sur 1993 personnes physiques condamnées en 2018, 27 seulement ont écopé de prison ferme. Et en 2017, il n'y a eu que 60 amendes fermes sur 137 distribuées. Le Parquet européen devrait récupérer entre 60 et 100 dossiers par an.
Je salue l'introduction d'une peine d'interdiction de paraître dans les transports publics concernant les infractions commises dans les transports en commun. Nous ne pouvons pas nous satisfaire de ce qu'à Paris, les infractions de vol à la tire dans les métros aient augmenté de 40 % entre 2018 et 2019, malgré le rôle préventif joué par le personnel de la RATP, qu'il faut saluer.
Au total, nous regardons ce texte d'un oeil bienveillant. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
M. Jacques Bigot . - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) On ne peut que déplorer la négation du rôle du Parlement : ce texte passé en Conseil des ministres le 29 janvier a été présenté précipitamment à notre assemblée. Félicitations au rapporteur qui a oeuvré rapidement, organisant les auditions pendant la suspension des travaux parlementaires.
Certes le Sénat a beaucoup travaillé sur le Parquet européen et ce texte n'est que la mise en oeuvre d'un règlement européen auquel nous adhérons.
Le système permettra effectivement de poursuivre les atteintes aux intérêts de l'Union européenne. Il fallait un procureur pour engager les poursuites et il n'y a pas d'atteinte à la souveraineté des États. Deux procureurs délégués seront désignés en France. Il faudra une fois de plus veiller à garantir l'indépendance du parquet en France, nécessité que la Cour européenne des droits de l'homme nous rappelle régulièrement.
M. Jean-Pierre Sueur. - Très bien.
M. Jacques Bigot. - Le titre premier ne pose guère de problème - la France a du reste été un promoteur majeur de cette initiative.
Cependant, certains de vos ajouts sont plus difficiles à accepter en l'état. Vous vous félicitez du soutien du rapporteur sur l'article 8 : sa position est plus nuancée que vous ne le dites. Votre « ambition politique en matière d'environnement » n'a rien de révolutionnaire. Des procureurs et juges spécialisés dans le ressort des cours d'appel, très bien, mais pour faire quoi ? L'étude d'impact montre le faible nombre des poursuites dans des affaires environnementales. Le code de l'urbanisme vise des atteintes à l'environnement, mais les maires ne peuvent plus poursuivre les auteurs de constructions sauvages ! Idem pour le dépôt d'ordures illégales, car les constatations font défaut. Dire que votre texte réduira les atteintes à l'environnement est pour le moins douteux.
En ce qui concerne la convention judiciaire en matière écologique, dans le cas d'atteintes à l'environnement, comment évaluera-t-on le montant des préjudices ? Cela n'a rien à voir avec la matière fiscale, où il s'agit de récupérer les sommes manquantes au profit de l'État. Cette partie du texte n'est pas aboutie. Nous souhaiterions pouvoir vous auditionner, vous et la ministre chargée de l'environnement, sur l'article 8. D'où notre motion de renvoi en commission.
Enfin, nous proposerons quelques amendements sur des délits ou infractions qui mériteraient votre attention ainsi qu'une disposition sur les crimes sexuels sur mineurs, sujet d'actualité - puisque le texte contient des « dispositions diverses », nous proposons d'ajouter celle-ci.
Au titre de ces dispositions diverses, vous souhaitez à l'article 12 améliorer l'accès au droit dans tous les territoires. Des professionnels, auxiliaires de justice, y contribuent grandement : ce sont les avocats, lorsqu'ils sont commis d'office ou dans le cadre de l'aide juridictionnelle. Vous nous aviez dit vouloir renforcer les moyens prévus à cette fin avant l'été 2019. Depuis, rien ! L'État doit régler la politique de la rémunération des avocats ainsi sollicités. Je vous suggère de surseoir à la réforme du régime de retraite des avocats tant que ce point n'est pas réglé : sinon ces professionnels devront, s'ils veulent gagner leur vie, se rabattre sur le seul droit des affaires, et la justice ne fonctionnera plus du tout.
Nous verrons quelle sera notre position sur notre amendement à ce sujet. (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
M. André Reichardt. - C'est futé !
M. Joël Labbé . - Ce texte comporte des dispositions plus ou moins attendues : adaptation de notre système judiciaire au Parquet européen, en particulier, qui conclut un long processus salué par le groupe RDSE.
Certains considèrent que cette réforme pose la question des places respectives du procureur de la République, du juge des libertés et de la détention et du juge d'instruction. Je laisserai aux juristes le soin de se prononcer.
D'autres mesures touchent plus directement aux préoccupations de nos concitoyens. La multiplication des juridictions spécialisées reste trop souvent concentrée à Paris. Nous avons déposé des amendements en faveur de leur délocalisation.
Les atteintes à l'environnement sont un sujet de préoccupation croissant et les citoyens s'adressent de plus en plus à la justice pour en connaître. Par exemple, à Lyon, une mère s'est tournée vers le tribunal administratif pour atteinte à la santé de son enfant à cause d'une mauvaise qualité de l'air.
La voie pénale ne doit pas être écartée pour prévenir la pollution de notre écosystème : je vois dans ce texte le résultat de l'engagement pris par Brune Poirson lors de l'examen de la proposition de loi sur l'écocide. Mais les pôles régionalisés spécialisés et la convention judiciaire écologique sont des avancées ambivalentes et insuffisantes.
Je salue votre initiative sur les travaux d'intérêt général (TIG) verts. Il y a une vingtaine d'années, comme maire, j'ai joué le jeu des TIG. Les plus durs étaient souvent les meilleurs ! Nous avons cependant d'autres pistes à proposer. La prise de conscience écologique rebat les cartes. Mais l'éparpillement des mesures entre les quinze codes nuit à leur efficacité.
Les moyens d'enquête devraient également être renforcés. L'article 45 de la Constitution nous empêche hélas d'intégrer des mesures indispensables...
Le groupe RDSE est bienveillant sur ce texte ; une partie d'entre nous reste cependant réservée. Comme le dit Bruno Latour, je ne connais pas de meilleur monde que celui-ci ; je n'en connais d'ailleurs pas d'autre ! (M. Jean-Noël Guérini et Mme Élisabeth Doineau applaudissent.)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Merci !
Mme Sophie Joissains . - Ce texte entend adapter la législation française à l'évolution du monde, où les échanges se multiplient, y compris parmi les criminels ! La coordination est nécessaire avec le Parquet européen ; les juridictions spécialisées sont indispensables. C'est donc une joie que de discuter un tel projet de loi.
La création du Parquet européen, dans ses contours actuels, provient en grande partie des travaux issus du Sénat français. Je remercie Simon Sutour, alors président de la commission des affaires européennes, pour sa détermination à faire valoir nos positions contre le premier projet publié par la Commission européenne, centralisateur, directif et qui ne respectait pas le principe de subsidiarité. Quatorze parlements nationaux nous ont suivis et si la Commission refusait de revoir sa copie, le Conseil européen a ouvert les négociations, aboutissant au règlement que nous connaissons, conforme à la position du Sénat.
Le 16 mai 2019, Jacques Bigot et moi-même avons déposé une proposition de résolution sur la coopération en matière pénale et la mise en oeuvre du Parquet européen. Il a vocation à s'intéresser à la criminalité transfrontalière, mais ceci est une perspective lointaine du fait de la règle de l'unanimité.
Il sera en revanche compétent sur les infractions portant atteinte aux intérêts économiques de l'Union européenne : blanchiment, corruption, fraude à la TVA - dont on évalue le préjudice à 50 milliards d'euros. Le Parquet européen travaillera en coopération avec Europol et Eurojust.
Basé à Luxembourg, il comprendra un chef et 22 procureurs. Son collège principal définira la politique pénale, les chambres permanentes superviseront les enquêtes - elles seront chargées des classements sans suite et renvois devant les juridictions nationales.
L'organisation est ainsi respectueuse de la souveraineté des États. Les procureurs européens délégués seront chargés du suivi organisationnel des poursuites. L'ancrage dans les systèmes nationaux sera ainsi solidifié. Il est du reste bien accepté par les praticiens.
Je remercie le rapporteur Bonnecarrère pour son travail, notamment son amendement renforçant les droits de la personne, dans le cas d'une peine complémentaire de non-parution dans les transports publics.
À l'article 12, le texte tire les conséquences de la mise en oeuvre difficile du fonds interprofessionnel d'accès au droit et à la justice (FIADJ).
Le groupe centriste votera ce texte. (Applaudissements sur le banc de la commission)
M. Hervé Maurey . - Je parlerai surtout de l'article 8 qui prévoit notamment la création des CJIP. Je regrette que les commissions compétentes aient été informées très tardivement de ce texte. D'autant que le Sénat s'est toujours montré très concerné et en pointe sur ces questions.
L'idée de créer des juridictions spécialisées n'est pas nouvelle, elle était réclamée par de nombreux acteurs. Cependant, comment espérer des résultats satisfaisants sans moyens supplémentaires ? Comment espérer raccourcir les délais de jugement ? Et les décharges sauvages, les constructions illégales et les autres incidents du quotidien continueront à être traités par les tribunaux départementaux.
Quelles suites le Gouvernement entend-il donner aux autres recommandations du Conseil général de l'environnement et du développement durable - tout de même 19 sur 21 - qu'il n'a pas reprises, telles que la création d'un référé judiciaire environnemental ?
M. André Reichardt . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En adaptant notre ordre juridique national pour y intégrer les dispositifs du Parquet européen, nous participons à une évolution majeure de la coopération européenne. Pour la première fois, une instance judiciaire européenne disposera de prérogatives propres en matière pénale.
Fraude massive à la TVA, blanchiment, abus de confiance, délits douaniers entreront dans le champ du Parquet européen.
Jusqu'à présent, les outils déployés pour améliorer la coopération entre les États n'ont pas suffi à venir à bout de montages frauduleux complexes. Le manque à gagner est énorme, de 40 à 60 milliards d'euros chaque année en Europe.
À peine 35 à 45 % des recommandations de poursuites par l'OLAF se traduisent en procédures. Il fallait donc améliorer la réponse pénale sur les délits financiers.
La capacité du Parquet européen à mener des enquêtes dans plusieurs États membres est essentielle. Sa création n'a pas été sans débat : elle touche en effet à la souveraineté nationale, même si en l'occurrence, celle-ci a été préservée grâce notamment à l'action du Sénat, gardien du principe de subsidiarité.
Le compromis trouvé finalement, avec son ancrage local grâce aux procureurs européens délégués, est satisfaisant.
Les jugements seront prononcés par les juridictions nationales. C'était impératif pour que le projet aille jusqu'à son terme. Mais il faudra rester vigilant sur l'articulation entre le Parquet européen et le système judiciaire français. Il est donc prématuré d'appeler à l'extension des compétences, en particulier en matière de terrorisme, comme l'ont fait le Président de la République et la Commission européenne.
Le Parquet européen doit d'abord faire la preuve de son efficacité dans le traitement de la délinquance financière. À terme, nous pourrons évaluer la pertinence d'une extension. Concentrons-nous sur la réussite d'une initiative majeure en Europe, capable de mieux protéger les intérêts de celle-ci et de lutter contre la criminalité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux . - Mme la présidente Assassi évoquait les ordonnances : il n'y en avait guère dans ce projet de loi et j'apporterai mon soutien à un retour au texte « en dur », proposé par la commission des lois, car je connais votre peu d'appétence pour les habilitations à légiférer par ordonnance.
Les procureurs européens délégués seront détachés auprès du Parquet européen et payés par lui ; il pourra révoquer des nominations et prononcer des révocations.
Je ne pourrai pas adresser aux procureurs délégués d'instructions générales - pas plus que d'instructions particulières, que je n'adresse pas aux procureurs français.
Les conventions judiciaires apportent une réponse rapide et efficace, monsieur Bigot, et sous le contrôle du juge. Dans le budget français de la justice pour 2020, nous prévoyons cent magistrats supplémentaires et la vacance n'est que de 0,8 % dans ce corps.
M. Jacques Bigot. - Et la vacance administrative ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Monsieur le président Maurey, ce qui nous a incités à présenter cette réforme de la justice environnementale dans un délai un peu court, c'est la remise du rapport des deux inspections générales, des ministères de la Justice et de l'Environnement.
Nous devons réfléchir davantage à l'aggravation des sanctions - j'ai vu les nombreux amendements d'appel sur ce point : la navette y pourvoira.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°30 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty et Gold, Mmes Guillotin et Laborde et M. Requier.
Alinéas 9 et 10
Remplacer le mot :
Paris
par le mot :
Grenoble
M. Joël Labbé. - Cet amendement établit le procureur européen délégué à Grenoble plutôt qu'à Paris. La concentration des instances à compétence nationale et des juridictions spécialisées dans la capitale accroît la distance entre les juges et les justiciables des zones rurales, qui éprouvent un sentiment d'abandon et voient à Paris une bulle déconnectée de leurs problèmes.
Il faudrait renforcer l'équilibre territorial. La concentration à Paris se fait aussi au détriment de la qualité de vie des acteurs de la justice. (MM. François Bonhomme et Michel Savin ironisent.)
Cela aurait pu être la Bretagne, mais je ne suis pas mû par le chauvinisme et propose Grenoble.
M. François Bonhomme. - Ou Vierzon !
M. Joël Labbé. - Une région transfrontalière s'impose, vu le sujet.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Lors de la discussion générale, vous philosophiez. Je vous répondrai par la poésie... François Villon écrivait : « Il n'est de bon bec que de Paris ». C'est cela que vous dénoncez, monsieur Labbé, et nous le comprenons tous. Mais l'efficacité conduit à maintenir un établissement près du PNF.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Effectivement, cette proximité avec le PNF offrira des économies d'échelle.
La justice est sans doute le plus décentralisé des services publics.
M. Joël Labbé. - Nous devons avoir toujours à l'esprit l'aménagement du territoire. Mais je retire mon amendement.
L'amendement n°30 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°26, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
Alinéa 21
Après les mots :
dispositions applicables à l'instruction
insérer les mots :
et au respect du principe du contradictoire
M. Thani Mohamed Soilihi. - Nous sommes garants des droits de la défense et du respect absolu du principe du contradictoire.
La commission des lois a précisé le statut des personnes mises en examen et des témoins assistés.
Pour prolonger ce travail, cet amendement affine encore le texte.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - L'amendement, de qualité, me semble cependant satisfait. Ne créons pas un droit de procédure pénale spécifique pour le Parquet européen. Le texte de la commission fait référence à chacun des articles concernés - selon qu'il s'agit du procureur ou du juge d'instruction. Les droits garantis par le code de procédure pénale sont ouverts aux personnes concernées.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Comprenant vos motivations, j'aurai le même avis que M. le rapporteur. Retrait ?
M. Thani Mohamed Soilihi. - Dans un contexte où plusieurs pays sont concernés, il me semblait utile de préciser. Mais je retire mon amendement.
L'amendement n°26 est retiré.
L'article premier est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°29, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article L. 228 du livre des procédures fiscales est abrogé.
M. Éric Bocquet. - Selon l'article 6 du règlement du Conseil du 12 octobre 2017, le Parquet européen est indépendant. L'ensemble de ses membres, parmi lesquels les procureurs européens délégués, ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucune personne extérieure au Parquet européen.
Or l'article L228 du livre des procédures fiscales limite le pouvoir du procureur européen délégué puisqu'il rend irrecevables les plaintes portant « sur des faits autres que ceux mentionnés aux cinq premiers alinéas du I [...] déposées par l'administration à son initiative, sur avis conforme de la commission des infractions fiscales ».
L'article en question a été modifié par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude : ont été prévues des hypothèses dans lesquelles l'administration est contrainte de signaler les faits litigieux. Mais le verrou de Bercy demeure, au moins en partie.
Avec cet amendement, nous supprimons le monopole de l'administration fiscale, contraire aux principes du Parquet européen.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - La justice européenne a une culture de l'indépendance du parquet supérieure à nos pratiques.
Le verrou de Bercy n'est pas en cause. Les nouvelles règles ont porté leurs fruits : en 2018, 823 dossiers auraient été transmis par Bercy à la justice, mais 1 678 en 2019, soit deux fois plus !
Demain, vous ou moi pourrons porter plainte auprès du procureur de la République française pour fraude fiscale, celui-ci a l'obligation de transmettre au Parquet européen, qui décide ou non de poursuivre, sans plus aucun filtre national. Vous êtes donc satisfait. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Cet amendement me semble sans lien avec l'objet du texte, car le délit de fraude fiscale n'entre pas dans le champ de compétence du Parquet européen.
Les fraudes à la TVA, notamment de type carrousel, sont appréhendées par nos juridictions comme des escroqueries.
Avis défavorable.
M. Éric Bocquet. - Je note la légère hausse du nombre de dossiers transmis à la justice. Chaque année, 50 000 dossiers de fraude fiscale sont recensés, dont 4 000 d'un montant de plus de 100 000 euros ; entre 900 et 1 000 sont transmis à la commission des infractions fiscales.
Éliane Houlette, ex-patronne du PNF, le disait : « Le verrou de Bercy bloque toute la chaîne pénale. Il empêche la variété des poursuites et constitue un obstacle théorique, juridique, constitutionnel et républicain, en plus d'être un handicap sur le plan pratique ».
Le débat n'est donc pas clos. Le verrou de Bercy a été desserré, mais en aucun cas supprimé.
L'amendement n°29 n'est pas adopté.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°55, présenté par M. Bonnecarrère, au nom de la commission.
Alinéa 2
Remplacer la référence :
sous-section 1
par la référence :
sous-section 2
L'amendement n°55, accepté par le Gouvernement, est adopté.
L'amendement de coordination n°31 rectifié est devenu sans objet.
L'article 2, modifié, est adopté.
Les articles 3 et 4 sont successivement adoptés.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°32 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec et Gold et Mme Guillotin.
Avant l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Aux premier, deuxième, troisième et dernier alinéas de l'article 706-17, au premier alinéa, cinq fois, de l'article 706-17-2, à la première phrase du premier alinéa, deux fois, et au troisième alinéa de l'article 706-18, aux premier, deuxième et dernier alinéas de l'article 706-19, à l'article 706-20, aux premier et deuxième alinéas de l'article 706-22, au premier, quatre fois, deuxième, trois fois, et dernier alinéas de l'article 706-22-1 du code pénal, le mot : « Paris » est remplacé par le mot : « Rennes ».
M. Joël Labbé. - Cet amendement relocalise le parquet national anti-terroriste (PNAT) à Rennes (Sourires à droite), pour un aménagement plus équilibré du territoire français.
Mme Éliane Assassi. - Par hasard !
M. Joël Labbé. - Le grand débat national a montré ce besoin de services publics de proximité. La concentration à Paris produit une distanciation entre le justiciable et le juge. On aurait pu pareillement situer le PNF à Toulouse ou à Strasbourg...
M. André Reichardt. - Il apprend vite !
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Rassurez les grands électeurs du Morbihan, monsieur Labbé : vous ne pensez tout de même pas que le danger principal en matière de terrorisme est l'indépendantisme breton ? (Sourires)
Avis défavorable néanmoins : il faut bien songer, parfois, à l'efficacité, et le parquet anti-terroriste travaille avec la DGSI.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le PNAT mutualise ses compétences avec la force de frappe du tribunal de Paris, mais il a également treize procureurs délégués, qui assurent tout un maillage du territoire national.
M. Joël Labbé. - Je veux rassurer les grands électeurs et vous tous sur ma motivation, en précisant que je ne suis pas renouvelable. Il n'est pas dans mon fonctionnement de promouvoir mes intérêts directs !
L'amendement n°32 rectifié est retiré.
L'article 5 est adopté.
M. le président. - Amendement n°47, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 689-11 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 689-11. - En dehors des cas prévus au sous-titre Ier du titre Ier du livre IV du présent code pour l'application de la convention portant statut de la Cour pénale internationale, ouverte à la signature à Rome le 18 juillet 1998, peut être poursuivie et jugée par les juridictions françaises, si elle se trouve en France, toute personne soupçonnée de l'une des infractions suivantes :
« 1° Les crimes contre l'humanité et crimes de génocide définis aux articles 211-1, 211-2, 212-1 à 212-3 du code pénal ;
« 2° Les crimes et les délits de guerre définis aux articles 461-1 à 461-31 du même code.
« La poursuite ne peut être exercée qu'à la requête du ministère public et si aucune juridiction internationale ou nationale ne demande la remise ou l'extradition de la personne. À cette fin, le ministère public s'assure de l'absence de poursuite diligentée par la Cour pénale internationale et vérifie qu'aucune autre juridiction internationale compétente pour juger la personne n'a demandé sa remise et qu'aucun autre État n'a demandé son extradition. Lorsque, en application de l'article 40-3 du présent code, le procureur général est saisi d'un recours contre une décision de classement sans suite prise par le procureur de la République, il entend la personne qui a dénoncé les faits si celle-ci en fait la demande. S'il estime le recours infondé, il en informe l'intéressé par une décision écrite motivée. »
M. Jean-Pierre Sueur. - Cet amendement reprend des dispositions adoptées à quatre reprises par le Sénat de manière unanime, mais jamais votées par l'Assemblée nationale : appliquer le statut de Rome, donnant aux magistrats français le pouvoir de poursuivre les crimes de génocide, de crimes de guerre et de crime contre l'humanité poursuivis par la Cour pénale internationale.
Nous avons renoncé à supprimer le monopole du parquet, et je vous donne acte d'avoir mis fin à la complémentarité purement formelle entre les juridictions nationales et la Cour pénale internationale. Il reste néanmoins le problème de la condition de résidence habituelle sur le territoire français : comme l'ont dit souvent M. Badinter ou Mme Delmas-Marty, les auteurs de ces crimes n'ont que rarement l'imprudence de résider habituellement en France. Il faudrait pouvoir les appréhender lorsqu'ils y séjournent temporairement. La moindre des choses serait de le décider et de l'inscrire dans la loi, car ces criminels sont de la pire espèce.
Autre limite à lever, la double incrimination suppose que notre juridiction soit identique à celle de pays qui n'ont pas la même compréhension des droits de l'homme que nous. Vous avez levé cette condition pour les auteurs de génocide. Pourquoi ne pas en faire autant pour les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre ?
M. le président. - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 3° de l'article 689-11 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Les infractions prévues par le code de l'environnement. »
M. Joël Labbé. - Nous avons la ténacité en commun avec le président Sueur. Dans la nouvelle justice pour l'environnement, il faut bien distinguer les contentieux du quotidien et les atteintes à l'environnement de haute intensité. Cela implique d'adapter les outils de lutte contre les atteintes à l'environnement à leur gravité. L'histoire mondiale nous a malheureusement enseigné que des atteintes irréversibles à des écosystèmes ont eu des conséquences très graves sur des populations entières, comme par exemple l'agent orange au Vietnam. Il faudrait rendre nos juges compétents en la matière, dès lors que des personnes physiques ou morales françaises seraient touchées. C'est ce que propose cet amendement que nous avions déjà déposé au moment de l'examen de la proposition de loi visant à reconnaître l'écocide.
Il s'agit aussi de permettre que les juridictions françaises soient compétentes pour juger les personnes résidant habituellement sur le territoire de la République qui auraient commis à l'étranger un crime ou un délit en bande organisée accompagnés d'une atteinte à l'environnement.
Les dispositions concernant les atteintes à l'environnement sont éparpillées dans quinze codes différents, ce qui rend difficile leur hiérarchisation. Nous proposons de rapatrier quelques infractions au sein du code pénal après l'article 8. Il faudrait une réflexion collective sur ce sujet.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Jusqu'où aller dans l'extraterritorialité de nos dispositions ?
Celles qui concernent les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité ont déjà été examinées à plusieurs reprises par le Sénat, qui a voté leur exception. Notre commission des lois connaît les réticences de l'exécutif et nos votes n'ont pas réussi à convaincre l'Assemblée nationale. Sagesse sur le 47, pour prendre en compte la continuité d'expression du Sénat.
Sur l'amendement n°15 rectifié bis, le Sénat a déjà rejeté le crime d'écocide, comme l'Assemblée nationale. M. Labbé appelle à une gouvernance mondiale sur l'environnement. Mais il sera difficile à la justice française de se saisir d'une rupture de barrage en Chine ou d'une atteinte à la biodiversité en Russie... Telle est la limite du possible. Avis défavorable au 15 rectifié bis.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Monsieur Sueur, le Gouvernement n'entend pas revenir sur les dispositions de la loi du 23 mars 2019 de réforme de la justice.
Cette loi a modifié la compétence quasi universelle de la France pour juger des génocides, crimes de guerre et crimes contre l'humanité commis à l'étranger, comme l'avait proposé le Sénat. Elle a introduit la référence expresse au génocide, crimes contre l'humanité et crimes et délits de guerre en lieu et place d'un simple renvoi à la compétence de la Cour pénale internationale. Elle a également mis fin à la condition de double incrimination pour les crimes de génocide, et introduit la possibilité en cas de classement sans suite de former un recours devant le procureur général qui devra statuer après avoir entendu le requérant.
Le Gouvernement considère qu'une telle réforme a atteint un équilibre satisfaisant. Votre amendement est un cavalier législatif qui soulève des difficultés importantes, ce qui explique que la proposition de loi que vous avez adoptée en 2013 n'ait pas été examinée par l'Assemblée nationale.
Cet amendement aboutirait à une extension trop large des compétences des juridictions françaises, donnant lieu à un risque d'instrumentalisation politique. Ce serait le premier cas où la France créerait une clause de compétence universelle sans y être autorisée par les conventions internationales. Toute personne de passage en France pourrait être alors poursuivie.
M. Jean-Pierre Sueur. - Et si c'est un criminel ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Des associations risqueraient de porter plainte à l'occasion de visites en France de personnes qu'elles accuseraient de crimes contre l'humanité.
M. Jean-Pierre Sueur. - Le procureur aurait le monopole des poursuites.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même si le procureur peut refuser de telles demandes, la polémique affecterait l'action diplomatique de la France.
Déroger à la double incrimination ne peut être qu'exceptionnel, pour les crimes de génocide, selon la Convention de l'ONU. La jurisprudence de la Cour internationale de justice a établi que l'interdiction du génocide constituait une norme impérative du droit international.
L'octroi à la France d'une compétence quasi universelle pour les infractions au code de l'environnement est difficilement envisageable, de manière unilatérale. Cela ne peut résulter que de conventions internationales pour des faits particulièrement graves comme le génocide. Tel n'est pas le cas des infractions au code de l'environnement.
La France ne doit pas s'ériger en gendarme du monde en matière d'environnement. Au-delà de sa légitimité, l'effectivité d'une telle mesure n'est pas garantie, car l'établissement de la preuve nécessiterait une enquête sur les lieux.
En revanche, nous devons multiplier les initiatives internationales pour les atteintes transfrontalières. Les réseaux de délinquance criminelle peuvent déjà être poursuivis en France si un fait a été commis en France.
M. Jean-Pierre Sueur. - Merci de vos explications, que nous connaissons déjà. La position du Sénat est équilibrée. Nous avons renoncé à remettre en cause le monopole du parquet. Les associations ont le droit de s'exprimer, mais le droit de poursuivre est réservé au parquet.
La condition de résidence habituelle est toujours une limitation. Je connais la position du Quai d'Orsay que vous relayez, selon laquelle la possibilité d'interpeller des criminels de guerre en France porterait atteinte à la diplomatie française. Il faudrait que ces personnes s'installent en France des années durant pour qu'on puisse les juger. (Mme la garde des Sceaux proteste.)
Pourquoi cette restriction au génocide pour la double incrimination ? Les crimes de guerre et contre l'humanité sont aussi très graves. Cette condition de double incrimination n'est jamais invoquée dans le cadre du mandat d'arrêt européen pour les crimes les plus graves comme la traite des êtres humains, le terrorisme ou le trafic d'armes.
À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°47, mis aux voix par assis et debout, n'est pas adopté.
Mme Éliane Assassi. - Vous n'êtes pas cohérents !
L'amendement n°15 rectifié bis n'est pas adopté.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
Alinéa 4
Remplacer les mots :
aux personnes ou aux biens
par les mots :
aux personnes, aux biens et à l'environnement
M. Joël Labbé. - Dans le même esprit, cet amendement étend les moyens d'enquête aux techniques spéciales actuellement prévues en matière de lutte contre la délinquance criminalisée.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Cela va trop loin. On vous propose des techniques spéciales d'investigation, avec interception de correspondance ou géolocalisation des véhicules. C'est très attentatoire aux libertés et peu adapté aux atteintes à l'environnement. Mieux vaudrait favoriser l'expertise. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Le 21 mars 2019, le Conseil constitutionnel a jugé que ces techniques intrusives étaient réservées à des infractions d'une particulière gravité.
M. Joël Labbé. - J'entends ces arguments, mais nous devons nous donner les moyens en matière d'environnement.
L'amendement n°9 rectifié est retiré.
L'article 6 est adopté, de même que l'article 7.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°18 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Préville et Benbassa et M. Gontard.
Avant l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le code de l'environnement est ainsi modifié :
1° L'article L. 173-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
2° L'article L. 216-6 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les personnes morales, le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
3° L'article L. 218-24 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
4° L'article L. 218-34 est ainsi modifié :
a) Au I, le nombre : « 18 000 » est remplacé par le nombre « 75 000 » ;
b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Pour les personnes morales, le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
5° Après le I de l'article L. 218-70, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
6° À l'article L. 218-73, les mots : « d'une amende de 22 500 euros » sont remplacés par les mots : « de deux ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende » ;
7° Au premier alinéa de l'article L. 218-76, le montant : « 300 euros » est remplacé par le montant : « 1 500 euros » ;
8° Après le I de l'article L. 218-80, il est inséré un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
9° L'article L. 226-9 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
10° L'article L. 331-26 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour une personne morale, le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
11° L'article L. 341-19 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Pour une personne morale, le montant de l'amende prévue au II et au III du présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
12° La section 2 du chapitre V du titre 1er du livre IV est complétée par un article L. 415-... ainsi rédigé :
« Art. L. 415-... - Lorsque les infractions prévues par la présente section ont été commises par des personnes morales, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
13° Le II de l'article L. 514-11 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
14° L'article L. 521-21 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
15° L'article L. 522-16 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
16° La section 2 du chapitre IV du titre III du livre V est complétée par un article L. 536-5-... ainsi rédigé :
« Art. L. 536-5-.... - Lorsque les infractions prévues par la présente section ont été commises par une personne morale, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
17° L'article L. 541-46 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
18° L'article L. 557-60 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
19° Le 3° de l'article L. 596-12 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
20° L'article L. 597-20 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. » ;
21° L'article L. 713-5 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Lorsque les infractions prévues par le présent article ont été commises par une personne morale, le montant de l'amende peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. »
M. Joël Labbé. - Afin de sanctionner les grandes entreprises qui tirent profit des infractions qu'elles commettent, cet amendement proportionne le montant de l'amende aux avantages tirés de l'ensemble des infractions prévues par le code de l'environnement, calculé sur le chiffre d'affaires de la personne morale. Il s'agit d'une mesure d'équité, car certaines grandes entreprises peuvent être accompagnées et négocier via les CJIP, alors que les PME sont sanctionnées pour de petites infractions souvent non intentionnelles.
Les sanctions sont trop indolores pour les grandes entreprises qui en viennent à les provisionner. Le juge pourrait donc les aggraver comme le préconise le rapport commun du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) et de l'Inspection générale de la Justice (IGJ).
Cet amendement tient compte de la directive du 19 novembre 2008 relative au droit de l'environnement : les États membres doivent disposer de peines effectives, proportionnées et dissuasives.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable. Remettre en cause l'échelle des peines est un exercice très complexe et même une science, la peinologie.
Mais plus politiquement, l'avancée la plus notable du texte est moins la création de juridictions spécialisées, que la convention judiciaire d'intérêt public.
Monsieur Labbé, vous nous avez proposé d'aller jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires des entreprises ; le seuil fixé dans la CJIP est de 30 %, ce qui en fait un outil ultra-puissant.
Le monitoring ou les plans de mise en conformité sont aussi un levier important pour le parquet. Retrait ou avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Retrait ou avis défavorable.
Porter à 10 % le montant de l'amende est contraire à la décision du Conseil constitutionnel en 2013 ; il exigeait alors, au sujet de la fraude fiscale, un lien entre le montant de l'amende et le comportement incriminé. En l'absence de lien, la peine est disproportionnée et méconnaît la Constitution.
Sur le fond, le CGEDD et l'IGJ ont remis un rapport le 6 novembre 2019 avec des propositions sur le droit pénal. Une révision des peines en matière de droit de l'environnement est nécessaire, mais qui doit être appréhendée de manière globale. Travaillons ensemble sur ce sujet lors de la navette parlementaire.
M. Joël Labbé. - Je suis embêté de devoir retirer les amendements les uns après les autres. Il est important que le débat ait lieu. Madame la ministre, votre réponse est constructive ; monsieur le rapporteur, la vôtre est objective.
L'amendement n°18 rectifié bis est retiré.
ARTICLE 8 (Renvoi en commission)
M. le président. - Motion n°39, présentée par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission l'article 8 du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée (n° 336, 2019-2020).
M. Jérôme Durain . - L'ambition déceptive, n'est-ce pas là ce qui résume la politique environnementale du Gouvernement ? Tout accuse le décalage entre le Make our planet great again ! du nouveau Président de la République et la réalité, même si quelques chercheurs ont répondu à l'appel. Nicolas Hulot a quitté le navire, tant les actes diffèrent du discours. De la grande à la petite histoire, tout illustre le décalage entre les objectifs affichés et les petits pas accomplis.
Et pourtant, une partie de la jeunesse exprime de fortes attentes et se radicalise, notamment via Extinction rébellion. Plus de 1 000 scientifiques ont signé un appel à la mobilisation incluant la désobéissance civile. Sans parler de la Convention citoyenne pour le climat, innovation institutionnelle audacieuse dans la forme et dans ses objectifs, qui soulève beaucoup d'espoir. Elle se concentre sur des sujets de justice environnementale. L'avez-vous prise en considération dans vos travaux ? Avez-vous volontairement arbitré à la baisse certaines dispositions de ce texte, pour laisser de la place à ses initiatives ?
En l'absence de réponse, nous préférons renvoyer en commission cet article, pour ne pas court-circuiter les travaux de la convention citoyenne. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE ; M. Joël Labbé applaudit également.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable. La CJIP sera un instrument très puissant pour réprimer les infractions au code de l'environnement. C'est aussi un outil de prévention. Il serait dommage de renvoyer l'article 8 en commission. D'autant que la CJIP est l'enfant de votre groupe, chers collègues du groupe socialiste, qui est apparue avec la loi Sapin II.
Mme la présidente Assassi a le sentiment qu'on glisse vers un droit anglo-saxon. S'il est vrai que ces conventions sont issues de pratiques devenues célèbres dans le droit anglo-saxon, elles sont aussi le moyen d'affirmer la souveraineté de notre système judiciaire. L'absence d'une égalité d'armes a été tout le drame des affaires BNP et Société Générale ou de l'échec du règlement de blocage et de l'application de la loi de 1968.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. La CJIP sera très efficace pour lutter contre les délits en matière environnementale et surtout contre la récidive : amendes allant jusqu'à 30 % du chiffre d'affaires, possibilité de suivre la mise en conformité par les services du ministère de l'Environnement, ou encore réparation - dépollution d'un site industriel, reboisement, purification de l'eau...
La CJIP pourra de surcroît être publiée - elle sera donc bien dissuasive. Les résultats des travaux de la convention citoyenne, très précieux, pourront être intégrés dans ce texte par la navette s'ils sont publiés à temps.
Je ne veux pas botter en touche, mais profiter du délai de la navette pour améliorer les dispositions.
M. Jacques Bigot. - La demande de renvoi en commission a pour objectif de travailler avec le Gouvernement pour construire une stratégie globale. Dans l'étude d'impact, on ne voit aucune sanction. Il faudra pourtant traiter une par une chacune des infractions à l'environnement, qu'il s'agisse de la destruction de la biodiversité, de la pollution de l'eau ou de celle des sols... Nous aurons besoin d'une administration formée pour constater les infractions et de procureurs spécialisés. Mais encore faut-il qu'il y ait saisine, rapports et dossiers construits et suffisamment argumentés. L'article 8 en l'état, c'est du vent. La CJIP, pourquoi pas, mais dans le cadre d'une stratégie globale.
La motion n°39 n'est pas adoptée.
M. Guillaume Gontard . - L'article 8 est, si l'on en croit le Gouvernement et le rapporteur, le point fort du projet de loi. La biodiversité et le vivant n'ont jamais été aussi attaqués. Mais le texte est décevant dans ce domaine : la CJIP existe déjà, sur le modèle des transactions fiscales, et elle est contre-performante au niveau des symboles. Nous craignons que cela ouvre la voie à une justice d'exception, dans l'ombre, externalisée, pour ne pas éloigner les entreprises de notre territoire.
N'est-ce pas prendre le problème à l'envers ? Nous devrions plutôt procéder à une refonte des délits et des peines avec une infraction de mise en danger de l'environnement, afin de ne pas attendre l'accident pour agir.
Mme Éliane Assassi . - Nous étions déjà opposés aux transactions pénales pour l'évasion fiscale. Il n'y a pas de raison que nous changions d'avis en modifiant l'objet de ces transactions, dont l'intérêt est principalement de remplir les caisses de l'État. Nous restons opposés à cette CJIP environnementale.
De quel arsenal législatif et répressif avons-nous besoin pour protéger l'environnement ? Tel est l'enjeu. La création de pôles régionaux spécialisés, présentés comme une grande avancée, n'est clairement pas suffisante, surtout à moyens constants : ce n'est en réalité qu'une opération de communication !
Les juges ne s'y sont pas trompés : ils ont demandé en priorité une formation plutôt qu'une création de pôle. Nous sommes en plein dans la politique du « en même temps » : faire illusion avec des mesurettes et limiter les moyens de la justice. Les pollueurs ont encore de beaux jours devant eux !
M. Jean-François Husson . - Cet article est une opération de communication pour nous vendre une justice verdie - c'est du green washing. Deux mécanismes transactionnels existent déjà grâce auxquels 80 % des cas sont réglés hors procès.
Combien de nouveaux cas seraient concernés par la CJIP environnementale ? Celle-ci ne serait-elle pas un moyen d'éviter un procès nécessaire pour les cas les plus gaves comme le cas de l'Erika ?
Bien sûr, transiger permet d'aller plus vite. Mais le seul remède efficace contre les procès trop longs, souvent plus de trois ans, c'est l'augmentation des moyens de la justice. Arrêtons les économies de bout de chandelle ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. le président. - Amendement n°40, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Supprimer cet article.
M. Jacques Bigot. - Merci à M. Husson pour son analyse, que je partage. Le rapporteur l'a dit : il y aura peu de cas - et cela en rassure certains, qui ne veulent pas pénaliser les entreprises. Le Gouvernement a-t-il la volonté d'appeler les entreprises à respecter l'environnement ? Les infractions naissent souvent du mépris des règles administratives. Les stratégies de poursuite devraient être fermes et exemplaires. Or ce n'est pas le cas.
Certains se satisfont de cet amendement d'affichage. Mais nous ne voulons pas que rien ne se passe. D'où cet amendement pour continuer le débat. L'article 8 n'apportera rien de rien. Supprimons-le.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - S'il convient d'être prudent sur les pôles spécialisés dans chaque cour d'appel, je ne partage pas votre avis sur les CJIP.
Le Conseil d'État n'a pas exprimé la moindre contrariété sur le dispositif, pas plus que les syndicats de magistrats et des avocats, quelles que soient leurs menaces. N'oublions pas qu'il y a publication et que les victimes sont entendues dans cette procédure.
Regardez ce qui se passe dans la vraie vie : sans ces conventions, le PNF aurait-il obtenu les dommages et intérêts consentis par Google ou HSBC ? La preuve de l'efficacité est bien là. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - La justice environnementale s'inscrit dans une stratégie globale, celle du ministère de l'Environnement. La loi créant l'Office français de la biodiversité renforce aussi les pouvoirs des inspecteurs de l'environnement ; les juridictions spécialisées ne sont pas un effet de communication. (M. Jean-François Husson en doute.) Elles garantissent l'existence de magistrats bien formés.
M. Jean-François Husson. - Et plus nombreux ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Vous parlez d'économies de bout de chandelle... Allons ! Le budget de la justice a augmenté de 25 % en cinq ans ! Il y a plus de magistrats, plus de greffiers, même si ce n'est toujours pas assez.
Je n'ai jamais parlé d'une grande avancée. C'est simplement une organisation adaptée aux nouveaux enjeux. La CJIP est un outil de plus sur une palette de réponses pénales. Il serait dommage de s'en priver.
M. Jérôme Durain. - La CJIP n'est pas plébiscitée, malgré les accents dithyrambiques de notre rapporteur. Le syndicat de la magistrature la critique fortement ; elle serait l'expression d'une conception économique de la justice opposée à notre système judiciaire. Le rapport de force risquerait d'être déséquilibré au profit des entreprises et l'outil pourrait être insuffisamment répressif.
L'analogie avec la matière fiscale n'est pas juste : « plaie d'argent n'est pas mortelle ». On a perdu un peu d'argent, on en regagne.... Mais les atteintes environnementales peuvent être, de votre propre aveu, irréversibles. Quelle est la réparation d'une atteinte irréversible ? Cette dimension transactionnelle s'apparente à un plaider coupable, mais n'est-ce pas un permis de polluer ?
Les moyens d'enquête des services de l'État doivent être à la hauteur des enjeux. La CJIP n'est pas une bonne idée.
Mme Angèle Préville. - Vous parlez de délits et de crimes. Or on ne négocie pas sur ces derniers. Rien ne remplace un procès, notamment lorsqu'il y a des victimes et pour une bonne appropriation par le public. Ce ne sont pas des enjeux classiques. Le dispositif ne répond pas à l'urgence. Nos concitoyens ne comprendraient pas qu'on traite de ces enjeux de cette manière.
M. Jean-Pierre Sueur. - Cette affaire est singulière. Il existe une définition des délits et des crimes, à caractère général. Pourquoi deux types de procédures selon la matière ? Dans certaines, un délit donne lieu à procès. Pourquoi dans d'autres, on pourrait s'arranger, plaider coupable, par une convention ? C'est juste une pollution dans une rivière, avec une petite compensation financière... C'est choquant ! Pour certains délits, on pourrait s'arranger... (Mme la garde des Sceaux proteste.) À l'exclusion des crimes et délits contre les personnes, il est possible de conclure une CJIP.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Effectivement : « Il est possible ».
M. Jean-Pierre Sueur. - Ce qui relève de l'environnement serait plus bénin que d'autres sujets.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est une justice à deux vitesses, choquante.
M. Éric Bocquet. - La justice négociée est incompréhensible : il n'y a pas deux justices !
HSBC a versé 300 millions d'euros, mais combien aurait-il dû verser s'il avait respecté les règles ? Google a payé17 millions d'euros d'impôts en France en 2018 alors qu'il aurait dû verser 7 milliards d'euros. Il a accepté de payer 1 milliard d'euros ; il en manque 6 !
Cet état de fait n'est pas pour rien dans la perte de confiance des citoyens dans les institutions. Arrêtons d'aggraver la situation.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Je suis favorable au maintien de l'article 8. Le plaider coupable existe déjà mais pour des CJIP prévus dans la loi Sapin II. C'est un levier puissant pour prévenir et infléchir profondément les comportements de la personne morale qui s'est mise en faute. Cette possibilité, et ce n'est qu'une possibilité, n'est pas envisageable pour des faits qui toucheraient une personne physique.
On surveille l'entreprise pour qu'elle se mette en conformité. Il y a une ordonnance de validation publique, une CJIP publique, une convention publique. Il y a donc de nombreuses garanties. Assumons cette mesure positive.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - La convention s'applique aux délits et non aux crimes.
Le procureur a l'opportunité des poursuites, et peut proposer soit une convention soit un procès. La CJIP permet d'obtenir une sanction beaucoup plus rapidement, une remise en état et si c'est impossible, une compensation est prévue. La remise en état, si elle est impossible, ne changera pas avec un procès !
M. Jacques Bigot. - C'est dissuasif !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Ça l'est déjà avec la loi Sapin II.
L'amendement n°40 n'est pas adopté.
L'amendement n°37 rectifié a été retiré.
M. le président. - Amendement n°3, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéas 2 à 11
Supprimer ces alinéas.
M. Guillaume Gontard. - Cet amendement propose la suppression de la CJIP en matière environnementale.
L'instauration d'une telle procédure, à l'image de la convention prévue en matière fiscale, crée une justice d'exception pour les délits environnementaux en libérant les principaux pollueurs d'un procès en bonne et due forme.
Cette convention crée une rupture d'égalité. Elle a permis à HSBC pour le blanchiment de fraude fiscale, de n'avoir à payer que 300 millions d'euros d'amende, soit seulement 20 % des avoirs des clients qui s'étaient soustraits à l'impôt, et sans déclaration de culpabilité.
Les puissants ont toujours le droit à des dispositifs particuliers leur permettant discrétion et arrangement. Le rôle des parties civiles doit être renforcé, de même que l'arsenal juridique et la formation des juges.
M. le président. - Amendement identique n°48, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jérôme Durain. - Mme la ministre a dit à l'Assemblée nationale que « les sanctions actuelles ne sont pas à la hauteur de l'urgence écologique ».
On parle d'atteintes à l'environnement irréversibles. Quels moyens en amont pour contrôler, vérifier, expertiser ? Ils sont faibles et en diminution. Les sanctions de 30 % du chiffre d'affaires sont un maximum, mais elles ne seront jamais de ce montant. La CJIP et le manque de moyens créent un dispositif à deux vitesses. Supprimons ces alinéas.
M. le président. - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
Alinéas 2 à 9
Supprimer ces alinéas.
M. Joël Labbé. - Les CJIP accélèrent les sanctions prises, mais permettent d'acheter un droit à polluer.
Le préjudice environnemental est plus difficile à évaluer qu'un préjudice financier, et il est parfois impossible à réparer.
Les grandes entreprises pourraient, grâce à leurs conseils juridiques, s'acheter un droit à polluer dont ne disposent pas les PME, forcées ainsi à être plus vertueuses.
Une évaluation de ce dispositif devra être effectuée, s'il venait à entrer en application.
M. le président. - Amendement n°41, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« ...° Ne pas répondre aux appels d'offres des marchés publics pendant trois ans.
M. Jérôme Durain. - La reconnaissance de culpabilité est importante. Sinon, les sociétés responsables d'atteintes à l'environnement pourraient continuer à répondre aux appels d'offres. Contraignons les entreprises à ne pas pouvoir y répondre pendant trois ans, pour augmenter le caractère dissuasif du dispositif.
M. le président. - Amendement n°5, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Alinéa 9, seconde phrase
Après les mots :
sont publiés
insérer les mots :
au Journal officiel et
M. Éric Bocquet. - Ces conventions permettent aux entreprises d'échapper aux impacts négatifs en termes d'image.
Rendons public l'ordonnance de validation ; le montant de l'amende d'intérêt public et la convention doivent donc être publiés au Journal officiel en plus de la publication sur les sites internet des ministères de la justice et de l'environnement. Ce serait plus dissuasif.
M. le président. - Amendement n°13 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Préville et Benbassa et M. Gontard.
Alinéa 9, seconde phrase
Remplacer les mots :
et de la commune sur le territoire de laquelle l'infraction a été commise, ou à défaut, de l'établissement public de coopération intercommunal auquel la commune appartient
par les mots :
et de la personne morale en cause pour une durée d'un an
M. Joël Labbé. - Cet amendement prévoit la publication de la convention et des documents annexes sur le site internet de l'entreprise concernée pour une durée minimale d'un an, afin d'aller au bout de la logique du name and shame, sans quoi cette disposition de publication serait inutile.
M. le président. - Amendement n°36 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde et M. Roux.
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Ils sont publiés par tous moyens utiles dans la commune sur le territoire de laquelle l'infraction a été commise.
M. Joël Labbé. - Cet amendement prévoit la publication de la CJIP par tous moyens utiles.
M. le président. - Amendement n°42, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 9
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
La personne morale mise en cause mentionne la convention et son contenu dans son rapport annuel.
M. Jérôme Durain. - La personne morale doit mentionner la convention et son contenu dans son rapport annuel. Cela atteste des actes délictueux de l'entreprise.
M. le président. - Amendement n°6, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'alinéa 9
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La même personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus au code de l'environnement ainsi que pour des infractions connexes, à l'exclusion des crimes et délits contre les personnes prévus au livre II du code pénal, ayant déjà conclu deux conventions judiciaires d'intérêt public ne peut plus y avoir recours. En cas de nouvelle infraction, un passage en audience a lieu dans le cadre de poursuites pénales classiques. » ;
M. Guillaume Gontard. - Cet amendement limite le nombre de recours aux CJIP en matière environnementale à deux recours, à la suite desquels des poursuites classiques seront engagées. Les personnes morales aux capacités financières importantes pourraient être tentées d'abuser de ces transactions en se payant un droit à polluer à moindres frais.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Nous sommes arrivés à la limite de notre argumentation sur les CJIP. Avis défavorable à tous ces amendements.
Une publication est déjà prévue sur le site internet de la commune, et à défaut sur celui de l'EPCI, sur le site des ministères... Je ne suis pas sûr qu'une publication au Journal officiel ajoute quelque chose.
L'exclusion des marchés publics est une disposition à laquelle nos tribunaux peuvent avoir recours, avec ou sans CJIP. Un procureur de la République peut la demander. Mais cette condamnation peut poser problème : si un grand groupe de BTP était exclu d'un marché public, ce serait une sanction pour lui et ses actionnaires mais aussi pour ses salariés...
Le monitoring est plus efficace. Sur la limitation à deux transactions, faisons confiance à nos tribunaux qui n'homologuent pas les CJIP s'il leur semble qu'une entreprise en abuse.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Ce sont de simples sanctions financières, selon vous, mais une personne morale ne va pas en prison, même après un procès. « Je n'ai jamais déjeuné avec une personne morale », disait le doyen Hauriou.
On ne peut parler d'achat de droit à polluer, monsieur Labbé ; mais je suis d'accord avec vous : il faudra évaluer le dispositif.
Cet outil n'affaiblit pas l'autorité judiciaire. Toute convention doit être homologuée par un juge en audience publique.
La CJIP a un caractère d'exemplarité malgré l'absence de reconnaissance de culpabilité, mais elle implique nécessairement une reconnaissance des faits. Aucune décision judiciaire n'est publiée au Journal officiel...
M. Gérard Longuet. - Absolument !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - ... et personne ne lit le Journal officiel, hormis vous et moi !
Avis défavorable sur tous ces amendements.
Les amendements identiques nos3 et 48 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°12 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos41, 5, 13 rectifié bis, 36 rectifié, 42 et 6.
M. le président. - Amendement n°43, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 17
1° Après le mot :
jugement
insérer les mots :
des crimes et
2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Une cour d'assises désignée spécialement à cet effet juge des crimes commis à l'environnement.
M. Jérôme Durain. - Cet amendement va jusqu'au bout de la logique. On pensait les êtres humains suffisamment raisonnables pour maîtriser leurs dérives et préserver la planète. Hélas, tel n'est pas le cas.
Poursuivons et punissons crimes et délits les plus graves portant atteinte à la « sécurité de la planète », pour reprendre les mots de Mireille Delmas-Marty. Le Sénat a été précurseur, en faisant adopter la notion de « préjudice écologique » dans la proposition de loi Retailleau. Élargissons ce dispositif aux crimes environnementaux.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Cet amendement est paradoxal. Vous avez demandé la suppression de l'article 8 et là, vous nous proposez une cour d'assises spécialisée en droit de l'environnement ! En quoi serait-elle spécialisée ? Je n'y vois pas de problème pour une juridiction de première instance, mais là, y-aurait-il des magistrats spécialisés, des jurés spécialisés ? Intellectuellement, je ne vois pas votre objectif. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Il n'y a pas de crime en droit de l'environnement, donc pas de cour d'assises.
L'amendement n°43 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°10 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde, M. Requier, Mmes Préville et Benbassa et M. Gontard.
Alinéa 17
Après le mot
prévus
insérer les mots :
aux chapitres III à VI du code rural et de la pêche maritime et
M. Joël Labbé. - Il existe déjà des référents environnement dans les juridictions après la circulaire du 23 mai 2005. Faute de moyens fléchés, les pôles prévus auront le même sort : on ne peut instaurer des équipes qui soient dépourvues de moyens suffisants.
Cet amendement vise à étendre la compétence des nouveaux pôles régionaux aux infractions prévues aux chapitres III à VI du titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime.
Bien que non rattachés au code de l'environnement, ces infractions constituent une part importante des atteintes à l'environnement.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable, par cohérence. Vous avez plaidé pour la suppression des juridictions spécialisées et vous voulez, maintenant, les surcharger ? C'est incohérent et contre-productif. Imaginez une infraction en matière de chasse : il sera préférable que la juridiction départementale s'en occupe, plutôt que par la juridiction spécialisée. Même argumentation pour le code forestier à l'amendement n°11 rectifié bis. N'allons pas trop loin...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°10 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°11 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde, M. Requier, Mmes Préville et Benbassa et M. Gontard.
Alinéa 17
Après le mot :
prévus
insérer les mots :
par le code forestier ainsi qu'aux 1° et 2° du I de l'article L. 512-1 et de l'article L. 512-2 du code minier et
M. Joël Labbé. - Défendu.
L'amendement n°11 rectifié bis, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
M. le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Requier.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 29 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Art. 29. - I. - Les gardes particuliers assermentés sont investis de prérogatives de puissance publique dans l'exercice de leur mission particulière de surveillance des propriétés pour lesquelles ils sont commissionnés par un ou plusieurs commettants et sont dépositaires de l'autorité publique dans cet exercice.
« 1° Ils sont habilités à exercer les pouvoirs de police judiciaire qui leur sont conférés par le présent code et dans les conditions et limites qui en découlent.
« 2° Les gardes particuliers auxquels des lois spéciales attribuent certains pouvoirs de police judiciaire en des domaines spécifiques exercent ces pouvoirs dans les conditions et dans les limites fixées par ces lois.
« II.- Les gardes particuliers assermentés recherchent et constatent par procès-verbaux tous délits et contraventions portant atteinte aux propriétés dont ils ont la garde. Ils remettent ou adressent leurs procès-verbaux par tout moyen à date certaine directement au procureur de la République, à peine de nullité dans les cinq jours suivant leur clôture.
« III.- Les gardes particuliers sont habilités à verbaliser par la procédure de l'amende forfaitaire prévue à l'article 529 les contraventions des quatre premières classes qui peuvent donner lieu à cette procédure et qu'ils constatent dans les domaines de polices pour lesquels ils sont commissionnés et assermentés.
« IV.- Les gardes particuliers sont habilités à relever l'identité des personnes à l'encontre desquelles ils entendent dresser procès-verbal. Si la personne refuse ou se trouve dans l'impossibilité de justifier de son identité, le garde en rend compte immédiatement à tout officier de police judiciaire territorialement compétent qui peut lui ordonner de la retenir sur place ou de la conduire dans un local de police aux fins de vérification de son identité, conformément aux dispositions de l'article 78-3. »
M. Joël Labbé. - Cet amendement rend lisible les ressources liées à la police judiciaire de l'environnement et donc l'existence des autres agents et gardes que les inspecteurs de l'environnement ou les forces de police générale. En particulier, les gardes particuliers assermentés sont des acteurs de proximité incontournables pour la dissuasion et sont habilités à la police des déchets.
Avec cet amendement, il s'agit de clarifier la compétence en matière de police judiciaire au sein du code de l'environnement.
Pour ce qui concerne les gardes particuliers, la disposition permet de réparer l'oubli de 2012, afin qu'ils apparaissent d'entrée comme des acteurs de la police de l'environnement.
Cet article chapeau permettra également à l'Office français de la biodiversité de mettre en place des partenariats avec les gardes particuliers assermentés structurés en association.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Monsieur Labbé, je rends les armes. En 24 heures, nous n'avons pas été en mesure d'expertiser cette mesure sur les gardes particuliers assermentés. Avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Le projet de loi ne contient aucune disposition sur ces gardes particuliers assermentés. Ces dispositions ne sont pas opportunes, notamment celles de distribuer des amendes forfaitaires. Ces gardes particuliers assermentés sont des agents privés et leurs pouvoirs se limitent à des constatations d'infraction et non à des enquêtes.
L'amendement n°8 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°38, présenté par Mme N. Goulet.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article 705-1 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le procureur de la République financier dispose d'un droit d'évocation des affaires en matière de fraude fiscale. »
Mme Nathalie Goulet. - Cet amendement introduit un droit d'évocation des affaires au bénéfice du parquet national financier en matière de traitement des dossiers de fraude fiscale sans remettre en cause le principe de la compétence concurrente.
Ce droit d'évocation, qui serait exercé lorsque la procédure de concertation avec les parquets territorialement compétents aurait échoué, permettrait au PNF de mieux définir sa compétence sur la base d'un principe de subsidiarité reposant sur des critères objectifs du fait de la technicité et de la complexité des investigations et des règles juridiques applicables. Il permettrait également de favoriser un traitement harmonisé des affaires similaires.
Dans sa communication au Premier ministre relative à la fraude aux prélèvements obligatoires, et remise en novembre 2019, la Cour des comptes recommandait l'attribution au PNF d'un tel droit d'évocation en matière de fraude fiscale.
J'appartiens au groupe de travail sur la fraude fiscale de la commission des finances et je ne pouvais rater cette opportunité.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Vous avez raison. Le texte fait droit à votre proposition, votre amendement est satisfait. Les dispositions d'arbitrage entre juridictions retenues par la chancellerie, à la suite des travaux du procureur général Molins, sont subtiles.
Jusqu'à présent, le PNF n'avait pas de droit d'évocation, mais le projet de loi en crée un sans le dire : la compétence de la juridiction spécialisée l'emporte sur celle de la juridiction de droit commun, de même que celle de la juridiction qui a le ressort le plus étendu. Le PNF, juridiction spécialisée au ressort le plus large, se verra donc attribuer un droit d'évocation, sans le dire ! Retrait ?
M. le président. - Merci pour cette belle démonstration.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
Mme Nathalie Goulet. - Voter quelque chose d'utile sans le dire, c'est une magnifique création ! Cela aidera le PNF et Tracfin. Au bénéfice de ces lumineuses explications qui figureront au Journal officiel, je retire cet amendement.
L'amendement n°38 est retiré.
M. le président. - Amendement n°14 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le 20° de l'article 706-73 du code de procédure pénale est rétabli dans la rédaction suivante :
« 20° Délit prévu par le code de l'environnement, lorsqu'il est connexe avec l'une des infractions mentionnées aux 1° à 19° du présent article. »
M. Joël Labbé. - Cet amendement avait été déposé lors de la proposition de loi Ecocide : il permet l'utilisation de moyens actuellement dévolus à la criminalité organisée en matière d'atteinte à l'environnement.
Le périmètre de cet amendement pourrait être restreint aux atteintes les plus graves, mais cela nécessiterait un travail d'inventaire de long terme. Il convient de renforcer les moyens d'enquête dévolus à la poursuite de ces infractions environnementales.
Le rapport pour une nouvelle justice de l'environnement constate l'inadaptation des moyens techniques des juridictions françaises pour faire face à la multiplication de contentieux environnementaux.
Comme le souligne ce rapport : « II n'y a pas de police efficace sans renseignement ». Les moyens prévus par le code de procédure pénale pourraient permettre de récolter les signaux faibles. Le rapport reconnaît l'existence de liens entre criminalité organisée et atteintes à l'environnement. La piste d'une réforme du code de la sécurité intérieure est même envisagée.
En outre, il est préconisé de remplacer I'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique par un service national d'enquêtes judiciaires écologiques.
Cet amendement doit servir de base de réflexion à un renforcement des moyens d'enquête, qui s'imposera un jour ou l'autre, par la multiplication des recours.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - J'approuve l'objectif mais pas votre demande de revenir à des techniques spéciales d'enquête, attentatoires aux libertés publiques.
L'amendement n°14 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°46, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code pénal est ainsi modifié :
1° L'article 222-22-2 est ainsi rédigé :
« Art. 222-22-2. - Tout acte de pénétration sexuelle par une personne majeure sur ou avec un mineur de quinze ans constitue le crime de violence sexuelle sur enfant. Il est puni de vingt ans de réclusion criminelle. La tentative est punie des mêmes peines. » ;
2° À l'article 227-25, après la première occurrence du mot : « sexuelle », sont insérés les mots : « et l'infraction prévue à l'article 222-22-2 ».
II. - Au deuxième alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, la référence : « et 221-12 » est remplacée par les références : « , 221-12 et 222-22-2 ».
Mme Angèle Préville. - Cet amendement améliore la protection des mineurs victimes de viols et d'agressions sexuelles.
Il crée une nouvelle incrimination pénale : le crime de violence sexuelle sur enfant. Il affirme que tout acte de pénétration sexuelle entre une personne majeure et une personne mineure de 15 ans est un crime de violence sexuelle sur enfant, puni des peines de vingt ans de réclusion criminelle. La tentative est punie des mêmes peines.
Il complète la présomption de contrainte induite par l'écart d'âge prévue à l'article 222-22-1 du code pénal. Les travaux menés par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, et plus particulièrement l'avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et des autres agressions sexuelles ont posé la nécessité d'un seuil d'âge en deçà duquel le non-consentement de la victime mineure est présumé. Dans sa note de positionnement du 16 avril 2018, le Haut Conseil souhaite que soit fixé un interdit clair à destination des adultes de ne pas pénétrer sexuellement des enfants. Considérant l'élément intentionnel de l'infraction, exigé par le Conseil constitutionnel, nulle pénétration sexuelle ne saurait être involontaire. Le Conseil national de protection de l'enfance recommande d'instaurer une infraction criminelle spécifique, posant l'interdiction absolue pour tout majeur de commettre un acte de pénétration sexuelle sur un mineur de moins de 15 ans.
La multiplication des révélations nous impose de répondre à l'ampleur de ces drames. On ne peut indéfiniment exciper d'un véhicule législatif peu adapté. Arrêtons de parler de consentement. Avoir des relations sexuelles avec un mineur de 15 ans est un crime ; protégeons les mineurs.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Ce n'est pas la première fois que nous évoquons ce débat. Notamment, le projet de loi de Mme Schiappa en traitait. Certaines idées, sous l'apparence de bon sens, se retournent contre la protection des enfants.
Créer une barrière d'âge pour constituer un crime est contraire au développement de la maturité sexuelle d'un adolescent. Imaginons une jeune fille de 14 ans amoureuse d'un garçon de 17 ans. À ses 18 ans, celui-ci se verrait renvoyé en cour d'assises ? Par son automaticité, ce système a des conséquences extrêmement graves.
Si nous rouvrons ce débat, faisons-le à travers une proposition de loi ou un projet de loi mais pas au travers d'un projet de loi sur le Parquet européen !
Les bons sentiments ne suffisent pas à faire de bonnes lois.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - La loi d'août 2018 est parvenue à un équilibre. Cet équilibre a conduit à des dispositions interprétatives sur le consentement, sur la différence d'âge, faisant que dans certaines affaires, la prescription peut se poser.
Actuellement, une évaluation est en cours par des députés à l'Assemblée nationale. Attendons ses résultats.
Mme Catherine Deroche. - Je partage l'avis du président Bas. La mission commune d'information sur les violences sexuelles sur mineurs en institution avait ainsi mis de côté le problème pénal, examiné quelques mois auparavant.
Il est indispensable d'évaluer la loi Schiappa mais nous aurions préféré une évaluation commune entre députés et sénateurs.
M. Jacques Bigot. - Oui, nous avons déjà eu ce débat. Le président Bas préfère protéger le jeune majeur que la mineure de 15 ans.
Avoir un débat est indispensable. Dans le domaine du sport, si on ne pose pas clairement à l'adulte qu'il ne peut avoir de relations sexuelles avec un mineur de 15 ans, car c'est un crime, il ne se passe rien. Dans l'urgence du moment, il est indispensable de voter cet amendement.
M. Philippe Bas, président de la commission. - Je ne peux laisser dire que je m'intéresse plus au jeune majeur qu'à la mineure. Si vous mettez la barre à 13 ans, la jeune fille est protégée jusqu'à 12 ans et 364 jours et à 13 ans et un jour, elle ne l'est plus. C'est vous qui vous vous intéressez assez peu à la jeune fille. (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe Les Républicains ; M. Jacques Bigot proteste.)
L'amendement n°46 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°16 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 223-1 du code pénal est ainsi modifié :
1° Après le mot : « immédiat », sont insérés les mots : « ou futur » ;
2° Après le mot : « mutilation », sont insérés les mots : « , une maladie ».
M. Joël Labbé. - Cet amendement, déjà examiné lors du débat de la proposition de loi Ecocide, rapatrie certains délits dans le code pénal. Il s'agit en particulier d'adapter la notion de mise en danger de la vie d'autrui, en prenant en compte une dimension future.
Cette rédaction propose également, ce qui est plus critiqué mais me semble tout à fait nécessaire, de l'étendre aux cas de maladies.
La décision du tribunal administratif de Lyon devrait évoluer le débat.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Vous naviguez sur la mer des incertitudes alors que le droit pénal doit reposer sur des certitudes. Comment inscrire dans le droit pénal une appréciation de l'évolution future de l'état de santé ? Même si je comprends votre raisonnement, je ne peux le suivre.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Votre rédaction est imprécise, et risque d'être déclarée anticonstitutionnelle. Nous y travaillerons durant la navette. Avis défavorable.
L'amendement n°16 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°17 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 223-1 du code pénal est complété par une phrase ainsi rédigée : « Cette infraction est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende lorsqu'elle résulte d'un manquement à une obligation prévue par le code de l'environnement. »
M. Joël Labbé. - Cet amendement crée une circonstance aggravante pour la mise en danger de la vie d'autrui résultant d'une atteinte à l'environnement. L'urgence écologique doit nous contraindre à repenser totalement notre approche pénale des atteintes faites à l »environnement ; il faut changer de paradigme. Explorons de nouvelles pistes.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis plutôt défavorable. Vous modifiez la hiérarchie des peines avec des éléments aggravants. À un moment, vous « criminaliserez » les conséquences d'une atteinte à l'environnement. Or le législateur n'a pas encore fait ce saut.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis défavorable. Poursuivons la réflexion sur ces éléments.
L'amendement n°17 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 223-1 du code pénal, il est inséré un article 223-1-... ainsi rédigé :
« Art. 223-1-.... - Le fait d'exposer directement ou indirectement autrui par un acte de délinquance écologique à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation, une infirmité permanente, par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi, le règlement, ou un acte administratif non-règlementaire, ou par la commission d'une faute caractérisée et qui expose autrui à un risque d'une particulière gravité qu'on ne peut ignorer est puni d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. »
Mme Éliane Assassi. - Défendu.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable.
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°44, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le code pénal est ainsi modifié :
1° Après le livre II, il est inséré un livre II bis ainsi rédigé :
« Livre II bis
« Des crimes contre l'environnement
« Titre Ier
« De l'écocide
« Art. 230-1. - Constitue un écocide le fait, en exécution d'une action concertée tendant à la destruction ou dégradation totale ou partielle d'un écosystème, en temps de paix comme en temps de guerre, de porter atteinte de façon grave et durable à l'environnement et aux conditions d'existence d'une population. « L'écocide est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d'amende.
« Art. 230-2. - La provocation publique et directe, par tous moyens, à commettre un écocide est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d'amende si cette provocation a été suivie d'effet. « Si la provocation n'a pas été suivie d'effet, les faits sont punis de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 € d'amende.
« Art. 230-3. - La participation à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, de l'un des crimes définis aux articles 230-1 et 230-2 est punie de vingt ans de réclusion criminelle et de 7 500 000 € d'amende.
« Titre II
« Dispositions communes
« Art. 240-1. - Les personnes physiques coupables des infractions prévues aux articles 230-1 à 230-3 encourent également les peines suivantes :
« 1° L'interdiction des droits civiques, civils et de famille, selon les modalités prévues à l'article 131-26. Toutefois, le maximum de l'interdiction est porté à quinze ans ;
« 2° L'interdiction, suivant les modalités prévues à l'article 131-27, d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise. Toutefois, le maximum de l'interdiction temporaire est porté à dix ans ;
« 3° L'interdiction de séjour, selon les modalités prévues à l'article 131-31. Toutefois, le maximum de l'interdiction est porté à quinze ans ;
« 4° La confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition ;
« 5° L'interdiction, suivant les modalités prévues à l'article 131-27, soit d'exercer une fonction publique ou d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, soit d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Ces interdictions d'exercice peuvent être prononcées cumulativement.
« Art. 240-2. - Les personnes morales déclarées responsables pénalement, dans les conditions prévues à l'article 121-2, des infractions prévues aux articles 230-1 à 230-3 encourent, outre l'amende suivant les modalités prévues à l'article 131-38 :
« 1° Les peines mentionnées à l'article 131-39 ;
« 2° La confiscation de tout ou partie des biens leur appartenant ou, sous réserve des droits du propriétaire de bonne foi, dont elles ont la libre disposition. » ;
2° Au dernier alinéa de l'article 133-2, après la référence : « 212-3 », sont insérées les références : « et 230-1 à 230-3 ».
II. - Au dernier alinéa de l'article 7 du code de procédure pénale, après la référence : « 212-3 », sont insérées les références : « et 230-1 à 230-3 ».
M. Jérôme Durain. - À défaut de rendre plus opérant l'article 8, le groupe socialiste et républicain propose un dispositif global sur le crime d'écocide. Il s'agit de poser les jalons d'un droit pénal de l'environnement qui permette de lutter contre les crimes qui menacent la planète en introduisant dans notre arsenal juridique l'incrimination d'écocide.
Cette nouvelle incrimination s'inscrirait dans le prolongement direct de la Charte de l'environnement qui proclame dans son préambule que « l'avenir et l'existence même de l'humanité sont indissociables de son milieu naturel ».
Le législateur national doit légiférer, comme l'y invite la cour pénale internationale, qui place les atteintes graves à l'environnement à la même hauteur que le terrorisme ou la traite des êtres humains. Développons notre arsenal législatif pour créer un véritable droit pénal environnemental. Il n'existe pas de dispositif pour juger efficacement des atteintes les plus graves dans ce domaine. Soyons courageux comme la France a su l'être dans d'autres périodes en matière de consécration des droits de l'homme.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Cet amendement saute le pas du champ criminel. Vous avez pourtant écarté, l'an dernier, tout comme l'Assemblée nationale, le fameux crime d'écocide. Je vous suggère d'en rester à votre position de 2019.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je comprends votre préoccupation de mieux réguler les comportements qui portent atteinte à l'environnement, mais cette nouvelle infraction d'écocide pose en effet des difficultés de nature constitutionnelle : les éléments matériels qui la constituent ne remplissent pas les critères constitutionnels de clarté et de précision de la loi pénale. Construite sur le modèle de celle de génocide, cette notion ne fait aucune référence au comportement de la personne incriminée.
Pour réprimer les atteintes graves, un corpus juridique international serait un préalable indispensable à la création d'une incrimination au niveau national. Avis défavorable.
L'amendement n°44 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°19 rectifié bis, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Préville et Benbassa et M. Gontard.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre IV du code pénal est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre ...
« Des atteintes aux équilibres écologiques et à l'environnement
« Section ...
« Des atteintes volontaires à l'environnement
« Art. 415-1. - Est puni de trois ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende le fait de provoquer une dégradation substantielle de la faune, de la flore, de la qualité de l'air, du sol, du sous-sol ou de l'eau, ou de l'équilibre des écosystèmes.
« Art. 415-2. - Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 des infractions délictuelles prévues à l'article L. 415-2 encourent, outre l'amende dans les conditions fixées à l'article 131-38 ou une amende, les peines prévues aux 3° , 4° , 5° , 6° , 8° et 9° de l'article 131-39 ainsi que celle prévue au 2° de ce même article, qui, si elle est prononcée, s'applique à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
« Le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. »
M. Joël Labbé. - L'éparpillement des dispositions dans de nombreux codes est un tort.
Le rapport de la mission conjointe du conseil général de l'environnement et du développement durable et de l'inspection générale de la justice « Une Justice pour l'environnement » remis en octobre 2019, constate que « cette situation contribue à brouiller la fonction sociale du droit pénal de l'environnement qui apparaît inféodé à la police administrative ». Il souligne que la démonstration d'un résultat dommageable est souvent difficile à établir. La création d'une infraction générique d'atteinte volontaire à l'environnement, que la conférence nationale des procureurs de la République demande également, est une solution.
Cette infraction s'inspire de l'article L. 173-3 du code pénal qui sanctionne une dégradation substantielle de la faune, de la flore, de la qualité de l'air, du sol ou de l'eau, mais aussi de l'article 410-1 du même code, reconnaissant l'équilibre du milieu naturel et de l'environnement de la France au titre des intérêts fondamentaux de la Nation. Par une décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a jugé que « la protection de l'environnement, patrimoine commun des êtres humains constitue un objectif de valeur constitutionnelle » et que sa préservation devait être recherchée « au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation ».
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Votre source d'inspiration est bien identifiée, mais la matière est bien complexe. Prenons la dégradation substantielle de la qualité de l'air, par exemple. L'article173-3 du code pénal sanctionne en réalité le non-respect d'une mise en demeure de l'administration pour dégradation substantielle de l'environnement. C'est donc une définition administrative de cette dégradation qui prévaut. Si l'on vous suit, c'est le juge pénal qui serait dans l'obligation de déterminer la dégradation de la qualité de l'air ou l'atteinte à l'écosystème : il devrait disposer pour ce faire d'une infraction précisément définie. Sans cette précision, le droit pénal, que l'on a parfois du mal à suivre, ne peut emboîter le pas au droit administratif.
C'est encore un départ sur la mer des incertitudes. Cela demanderait un travail bien plus important que celui que nous permet le temps imparti. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°19 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre Ier du livre IV du code pénal est complété par un chapitre ainsi rédigé :
« Chapitre...
« Des atteintes aux équilibres écologiques et à l'environnement
« Section...
« De la mise en danger de l'environnement
« Art. 415-3 - Le fait d'exposer directement ou indirectement la faune, la flore, la qualité de l'air, du sol, du sous-sol ou de l'eau, ou l'équilibre des écosystèmes à une dégradation substantielle par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité imposée par la loi, le règlement ou un acte administratif individuel est puni de deux ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende.
« Art. 415-4 - Les personnes morales reconnues pénalement responsables dans les conditions prévues à l'article 121-2 des infractions délictuelles prévues à l'article L. 415-3 encourent, outre l'amende dans les conditions fixées à l'article 131-38 ou une amende, les peines prévues aux 3° , 4° , 5° , 6° , 8° et 9° de l'article 131-39 ainsi que celle prévue au 2° de ce même article, qui, si elle est prononcée, s'applique à l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
« Le montant de l'amende prévue par le présent article peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés de la commission de l'infraction, à 10 % du chiffre d'affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d'affaires annuels connus à la date des faits. »
M. Joël Labbé. - Le caractère non-intentionnel de nombreuses infractions environnementales et la difficulté de démontrer les atteintes à l'environnement expliquent en partie l'insuffisance de la réponse pénale à des actes dont les conséquences peuvent être graves pour l'environnement et la santé.
Cet amendement incite les entreprises à prévenir les conduites à risque en créant un délit spécifique de mise en danger de l'environnement par la dégradation substantielle de la faune, de la flore, de la qualité de l'air, du sol ou de l'eau. Il faut sanctionner des comportements à risque délibérés.
Vous avez du mal à suivre le droit pénal, monsieur le rapporteur : la vérité, c'est qu?on a du mal à suivre les dégradations de l'environnement.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable pour les raisons exposées à l'amendement précédent.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je comprends votre objectif mais cet amendement ne convient pas dans son écriture. Encore une fois, la définition de l'élément matériel n'est pas conforme à l'exigence constitutionnelle de clarté et de précision de la loi pénale.
Un écosystème, cela ne se définit pas par une étendue ; quelles en seraient les contours ? Il faut y travailler.
M. Joël Labbé. - J'en prends bonne note. Je comprends que le droit pénal ne souffre pas le flou. Eh bien, travaillons !
L'amendement n°20 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par Mme N. Delattre, MM. Arnell et Artano, Mme M. Carrère, MM. Collin, Corbisez et Dantec, Mme Costes, MM. Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Jouve, M. Labbé, Mme Laborde et M. Requier.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 172-4 du code de l'environnement, il est inséré un article L. 172-4-... ainsi rédigé :
« Art. L. 172-4-... - Sont habilités à rechercher et à constater les infractions au présent code, les agents et gardes auxquels le présent code attribue certains pouvoirs de police judiciaire en matière environnementale et à exercer ces missions dans les limites et selon les modalités définies par les autres livres du présent code, à défaut fixées par le code de procédure pénale, dont la liste suit :
« 1° Les agents des services de l'État chargés des forêts, les agents en service à l'Office national des forêts ainsi que ceux de l'établissement public du domaine national de Chambord et les gardes champêtres mentionnés à l'article 22 du code de procédure pénale ;
« 2° Les fonctionnaires et agents des administrations et services publics chargés de certains pouvoirs de police judiciaire mentionnés à l'article 28 du même code ;
« 3° Les gardes particuliers assermentés mentionnés à l'article 29 dudit code. »
M. Joël Labbé. - Cet amendement règle des situations sources de contentieux. Les gardes particuliers assermentés (GPA) doivent pouvoir verbaliser y compris les infractions qui, étant commises hors du couvert boisé, ne relèvent pas des GPA des bois et forêts. En effet, dans le droit en vigueur, le GPA ne peut relever l'identité du contrevenant en milieu non-boisé.
En l'absence d'une telle disposition, les procureurs ne poursuivent que très rarement, au motif qu'un compte rendu adressé au parquet n'est pas considéré comme aussi probant qu'un procès-verbal.
M. le président. - Je devrai suspendre ou lever la séance pour la conférence des présidents à 19 h 30. J'invite en conséquence à la concision dans la présentation des amendements...
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis du Gouvernement ? Je ne connais pas la subtilité des prérogatives des gardes du domaine de Chambord...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable. Les gardes n'ont pas vocation à recevoir des pouvoirs d'investigation, au-delà du pouvoir de constater les infractions, dont ils disposent déjà.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Même avis.
L'amendement n°7 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°23 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le dernier alinéa de l'article L. 172-5 du code de l'environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les fonctionnaires et agents mentionnés à l'article L. 172-4 sont qualifiés pour participer aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies des pièces à conviction, sous la direction d'un officier de police judiciaire, sans être inscrits sur l'une des listes des experts judiciaires prévues par la loi n°71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires et sans avoir à prêter, par écrit, serment d'apporter son concours à la justice en leur honneur et en leur conscience. »
M. Joël Labbé. - Cet amendement permet la participation des techniciens de l'environnement aux visites domiciliaires, perquisitions et saisies de pièces à conviction, sous la direction d'un OPJ, sans avoir à prêter un nouveau serment par écrit. Ces agents sont pourtant déjà commissionnés et assermentés !
M. le président. - Amendement identique n°53, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Mme Angèle Préville. - Défendu.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - N'étant pas sûrs que ces dispositions soient déjà applicables, nous nous en remettons à l'avis du Gouvernement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je partage l'objectif de simplification, mais je suis favorable à une autre solution rédactionnelle qui consisterait à clarifier la possibilité, pour les inspecteurs de l'environnement, de participer aux saisines et perquisitions des officiers de police judiciaire. Travaillons-y dans la navette. Retrait ?
L'amendement n°23 rectifié est retiré.
M. Jacques Bigot. - Pour que le débat ait lieu, il vaut mieux le voter. Garantissons que les agents publics puissent enquêter, au lieu de trouver des arguments pour ne pas agir.
L'amendement n°53 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin et Laborde et M. Requier.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 172-9 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Sans que puissent faire obstacle les dispositions de l'article 11 du code de procédure pénale et celles relatives au secret auquel ils sont, le cas échéant, tenus, les inspecteurs de l'environnement peuvent communiquer aux autorités compétentes des États membres de l'Union européenne les informations et documents détenus ou recueillis dans l'exercice de leurs fonctions de police judiciaire concernant les infractions aux dispositions entrant le champ d'application du règlement (CE) n°338/97 du Conseil du 9 décembre 1996 relatif à la protection des espèces de faune et de flore sauvages par le contrôle de leur commerce et du règlement (CE) n°1013/2006 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2006 concernant le transfert des déchets. Ils peuvent coopérer, dans l'exercice de leurs missions, avec les autorités compétentes des États membres de l'Union européenne. »
II. - Le deuxième alinéa de l'article L. 253-14 du code rural et de la pêche maritime est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les dispositions du second alinéa de l'article L. 172-9 du code de l'environnement sont applicables aux produits phytopharmaceutiques. »
M. Joël Labbé. - Pour lutter contre le trafic international d'espèces sauvages et de déchets, cet amendement prévoit la coopération des inspecteurs de l'environnement avec les autorités compétentes des autres États membres de l'Union européenne, à l'instar de la DGCCRF pour la protection du consommateur.
M. le président. - Amendement identique n°52, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jérôme Durain. - Défendu.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Cela doit être traité par les procureurs généraux et la Chancellerie. Si je suis favorable à la coopération judiciaire, celle-ci doit à tout le moins passer par l'administration centrale. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Oui, conservons les canaux traditionnels de l'entraide et de la coopération judiciaires. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos22 rectifié et 52 ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°24 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et M. Requier.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 173-1 du code de l'environnement est ainsi modifié :
1° Au 3° du II, les mots : « ou de remise des lieux en état » sont supprimés ;
2° Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :
« .... - Est puni de la peine mentionnée au II du présent article le fait, après la cessation d'activités d'une opération, d'une installation ou d'un ouvrage, de ne pas se conformer aux obligations de remise en état ou d'une surveillance prescrites par l'autorité administrative en application des articles L. 171-7 et L. 171-8. »
M. Joël Labbé. - Cet amendement reprend le texte initial adopté par le Sénat lors de l'examen de la loi du 24 juillet 2019 concernant l'Office français de la biodiversité, relatif au délit d'exploiter une installation ou un ouvrage dont l'exploitation ou les travaux ont cessé, en violation d'une mise en demeure de remise en état. Cette rédaction est plus pertinente que celle de la CMP.
M. le président. - Amendement identique n°54, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jérôme Durain. - Défendu.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - En effet, la rédaction est meilleure : avis favorable ! (Exclamations)
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis. (M. Joël Labbé s'en félicite ; nouvelles exclamations.)
Les amendements identiques nos24 rectifié et 54 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°21 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Costes, MM. Dantec, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et M. Requier.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 218-84 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les dispositions de l'article L. 218-30 sont applicables au navire qui a servi à commettre l'infraction définie au premier alinéa. »
M. Joël Labbé. - Cet amendement permet l'immobilisation du navire qui a jeté ses eaux de ballast chargées d'organismes nuisibles et pathogènes dans les eaux françaises dans l'attente du paiement d'un cautionnement garantissant le paiement des amendes et la réparation des dommages. C'est plus efficace pour recouvrer les amendes, comme on le voit pour les rejets volontaires d'hydrocarbures.
M. le président. - Amendement identique n°51, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jérôme Durain. - Défendu.
M. Philippe Bonnecarrère. - Cette proposition est pertinente. Avis favorable !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis ! (Marques de satisfaction)
Les amendements identiques nos21 rectifié et 51 sont adoptés et deviennent un article additionnel.
M. le président. - Amendement n°45, présenté par M. Durain et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 8
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre VI du livre III du code de l'environnement est ainsi rédigé :
« Chapitre III
« Accès par aéronefs
« Section 1
« Interdiction des atterrissages à des fins de loisirs
« Art. L. 363-1. - Dans les zones de montagne, l'atterrissage d'aéronefs motorisés à des fins de loisirs, à l'exception des aéronefs sans personne à bord, et la dépose de passagers par aéronefs motorisés à des fins de loisirs, sont interdites, sauf sur un aérodrome au sens de l'article L. 6300-1 du code des transports, ainsi que sur les emplacements autorisés par l'autorité administrative.
« Art. L. 363-2. - La publicité, directe ou indirecte, de services faisant usage des pratiques mentionnées à l'article L. 363-1 est interdite.
« Art. L. 363-3. - Dans les zones de montagne, les déposes de passagers à des fins de loisirs par aéronefs non motorisés sont interdites, sauf sur les aérodromes au sens de l'article L. 6300-1 du code des transports, ainsi que sur les emplacements autorisés par l'autorité administrative.
« Section 2
« Dispositions pénales
« Art. L. 363-4. - Est puni d'un an d'emprisonnement et 150 000 € d'amende le fait de ne pas respecter l'interdiction mentionnée à l'article L. 363-1.
« Art. L. 363-5. - Est puni de six mois d'emprisonnement et 75 000 € d'amende le fait de ne pas respecter l'interdiction mentionnée à l'article L. 363-2. »
M. Jérôme Durain. - Puisse cet élan d'avis favorables bénéficier à cet amendement qui concerne le Mont-Blanc, lequel fait l'objet de la bienveillance et de la surveillance des plus hautes autorités de l'État. Cet amendement rend impossible la répétition du triste épisode du 28 juin 2019, lorsqu'un avion de tourisme s'était posé à quelques encablures du sommet.
Certes le code de l'environnement, dans son article L. 363-1, prévoit déjà que « dans les zones de montagne, les déposes de passagers à des fins de loisirs par aéronefs sont interdites, sauf sur les aérodromes dont la liste est fixée par l'autorité administrative ». Mais à défaut de sanction dans les textes, cette interdiction ne peut aujourd'hui être mise en oeuvre. Dans le cadre du texte présenté par Jérôme Bignon sur l'hyper-fréquentation des sites touristiques, cet amendement avait été adopté, avec un avis favorable de la ministre, Emmanuelle Wargon. En attendant la suite du parcours législatif de ce texte, il peut être utile de l'insérer ici.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Cette situation ubuesque s'est en effet produite l'an dernier. Des dispositions en matière d'aviation civile existent sans doute déjà : faut-il légiférer à nouveau ? La commission des lois s'en remet à l'avis du Gouvernement.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Retrait : pour dissuader des pratiques inacceptables comme celle-ci, la peine de confiscation de la chose me semble être la piste la plus prometteuse. La voie réglementaire peut aussi être explorée.
M. Jérôme Durain. - Je suis très surpris : Mme Wargon était favorable à cet amendement, comme la majorité de cette assemblée. J'espère que ce n'est pas le voyage du Président de la République au Mont-Blanc qui est à la source de ce revirement. L'amende de 38 euros ne suffisait clairement pas ! Je suis déçu.
L'amendement n°45 n'est pas adopté.
ARTICLE 9
M. le président. - Amendement n°35 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
I. - Alinéas 3 et 8
1° Première phrase
Supprimer les mots :
, par la voie d'instructions générales prises en application de l'article 39-3,
2° Avant-dernière et dernière phrases
Supprimer ces phrases.
II. - Alinéas 4 à 6
Supprimer ces alinéas.
M. Joël Labbé. - L'article 9 détermine les conditions dans lesquelles les officiers et agents de police judiciaire font procéder à des examens médicaux et psychologiques, ont accès aux différents systèmes de vidéoprotection dans le cadre d'une enquête préliminaire ou encore procèdent à des comparaisons d'empreintes ou de traces génétiques ou digitales.
Mais une autorisation générale est une atteinte à l'intégrité et aux droits fondamentaux des mis en cause. Jusqu'où irons-nous pour permettre aux parquets de gagner du temps et de pallier les manques de moyens humains de nos juridictions ? Décharger les procureurs de certaines tâches ne doit pas nuire à la protection des droits fondamentaux, par ailleurs invoquée pour ne pas renforcer les moyens d'enquête en matière environnementale.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable. La chambre criminelle de la Cour de cassation a adopté une position très stricte de réquisition individuelle en 2019, compromettant une pratique ancienne de réquisitions générales selon les cas des OPJ pour faire mener des examens médicaux en cas de viol, par exemple, ou consulter les bandes de vidéosurveillance en cas d'agression violente commise sur la voie publique.
Revenons donc à l'autorisation générale ! Mais n'ayons crainte : ce sont bien les parquets qui, en France, pilotent les enquêtes. Seule condition, le parquet doit être averti des mesures prises par les OPJ pour garantir ce pilotage.
N'encombrons pas les parquets ! Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis défavorable également. Le texte unifie les pratiques sur l'ensemble du territoire ; il restreint son champ d'application. Il maintient la surveillance du parquet ; il limite l'autorisation à six mois.
L'amendement n°35 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°25, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Au premier alinéa du I de l'article L. 211-9-3 du code de l'organisation judiciaire, les mots : « de ce département » sont remplacés par les mots : « des ressorts de ces juridictions ».
M. Thani Mohamed Soilihi. - L'article 95 de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice prévoit une spécialisation des tribunaux par décret.
Mais sa rédaction ne permet pas de spécialiser des tribunaux judiciaires dont les ressorts ne couvrent pas l'ensemble du département : c'est notamment le cas des tribunaux judiciaires de Saverne et de Strasbourg ; une partie du tribunal de proximité de Sélestat est rattachée au tribunal judiciaire de Colmar (Haut-Rhin). D'où la correction proposée.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis favorable. Le besoin d'Alsace est partout...(Sourires) et nous apprend que les ressorts de deux tribunaux vont au-delà de leur département...
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Avis favorable.
M. André Reichardt. - Merci à l'Assemblée de faire entendre les besoins particuliers de l'Alsace...
L'amendement n°25 est adopté.
L'article 9, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°4, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Après l'article 9
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet chaque année au Parlement un rapport sur l'utilisation de la procédure de convention judiciaire d'intérêt public notamment concernant le nombre de recours et sur les montants mobilisés.
Mme Éliane Assassi. - C'est un amendement de repli.
Les élus doivent être précisément informés du nombre d'amendes infligées et des montants.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Avis défavorable. C'est la jurisprudence de notre commission sur les demandes de rapport.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Même avis.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté.
ARTICLE 11
M. le président. - Amendement n°27, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Supprimer cet article.
Mme Éliane Assassi. - Cet article crée une peine complémentaire d'interdiction de paraître dans les transports lorsque les faits sont commis en état de récidive de certains délits. Malgré la réécriture par le rapporteur en commission, prenant notamment en compte l'atteinte à la vie privée des individus, les conséquences de cette mesure restent disproportionnées : dans bien des cas le respect de cette interdiction ne pourra être vérifié, et elle n'aura aucun effet réel, comme le souligne au demeurant l'avis du Conseil d'État.
Enfin, ce genre de mesure s'inscrit dans une vision de la société que nous ne cautionnons pas.
M. le président. - Amendement identique n°34 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano, Corbisez, Dantec, Gabouty, Gold et Guérini et Mme Guillotin.
M. Joël Labbé. - Défendu.
M. le président. - Amendement identique n°49, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.
M. Jacques Bigot. - Défendu.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - C'est un article utile, notamment pour que les services de police puissent intervenir sans attendre le passage à l'acte du contrevenant. Voilà pour l'effectivité.
Est-il attentatoire aux libertés ? La commission l'a modifié pour s'assurer du contraire en ajoutant que le juge tient compte des impératifs de la vie privée, professionnelle et familiale du condamné. C'est une peine utile et qui n'est pas disproportionnée. Avis défavorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - L'exercice des libertés publiques appelle une vigilance particulière, mais la peine complémentaire contenue dans cet amendement figure déjà dans le droit. Elle concerne des infractions graves ; elle ne concerne pas les mineurs de moins de 16 ans ; elle tient compte des impératifs de vies professionnelle et familiale du condamné. Enfin, elle est effective, comme l'a souligné le rapporteur. Avis défavorable.
Les amendements identiques nos27, 34 rectifié et 49 ne sont pas adoptés.
L'article 11 est adopté.
ARTICLE 12
L'amendement n°28 est retiré.
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Lefèvre, Bizet, D. Laurent et Kern, Mmes N. Goulet, M. Mercier, Lamure, Vullien et de Cidrac et MM. Pierre et Bonhomme.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
.... - Le III de l'article 52 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques est ainsi rédigé :
« III. - Dans les zones autres que celles mentionnées au I, il ne peut être créé de nouveaux offices qu'à la condition de ne pas porter atteinte à la continuité de l'exploitation des offices existants et à la qualité du service rendu. L'arrêté portant création d'un ou plusieurs nouveaux offices est pris après avis de l'Autorité de la concurrence. »
M. André Reichardt. - Cet amendement inverse la logique de la procédure de création de nouveaux offices de notaire, d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire dans les zones dites d'installation contrôlée.
Ces zones, définies pour une durée de deux ans, sont celles où les ministres de la Justice et de l'Économie estiment, après avis de l'Autorité de la concurrence, que la création de nouveaux offices n'est pas utile. La procédure d'installation de nouveaux professionnels libéraux après appel à manifestation d'intérêts ne s'y applique donc pas. Au contraire, dans les zones d'installation contrôlée, le ministre de la Justice peut rejeter une demande de création d'un nouvel office, après avis de l'Autorité de la concurrence.
Or, en pratique, les créations d'offices sont extrêmement rares dans ces zones. Il serait plus simple qu'elles y soient prohibées en principe, sauf décision contraire du garde des Sceaux.
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - C'est une rédaction bienvenue, qui simplifie la procédure. Avis favorable.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - C'est de bon sens, en effet. Avis favorable. (Exclamations à droite)
L'amendement n°1 rectifié est adopté.
L'article 12, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°50, présenté par M. Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 12
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le régime autonome de retraites des avocats est conservé tant que la profession assure des missions d'assistance des justiciables en commission d'office ou en aide juridictionnelle qui ne sont pas rémunérées à leur juste valeur par l'État.
M. Patrick Kanner. - Il y a un mois M. Jacques Bigot vous interrogeait sur l'avenir de la profession d'avocat et celui du régime de retraite. Le moins que l'on puisse dire est que vous ne l'avez pas rassuré et nous le sommes encore moins aujourd'hui.
L'article 12 du présent projet de loi - que ce soit dans la version initiale du Gouvernement ou dans le texte issu des travaux de la commission - garantit l'accès au droit et à la justice en assurant une couverture du territoire par les notaires et les commissaires de justice.
Aujourd'hui, l'accès au droit pour tous les justiciables dépend également du bon vouloir des avocats. Les auxiliaires de justice continuent d'exercer leurs missions d'assistance en commission d'office et en aide juridictionnelle alors que ces dernières ne sont pas rémunérées convenablement par l'État.
Les avocats de France sont mobilisés dans une grève sans précédent, contre une réforme qui double leur taux de cotisation, de 14 % actuellement à 28 % en 2029 ! De nombreux petits cabinets disparaîtront, asphyxiés par cette hausse.
Vous avez proposé « un dispositif de solidarité géré par la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) » selon lequel serait prise en charge la hausse des cotisations des avocats gagnant moins de 80 000 euros par an. En réalité, votre amendement à ce sujet nationalise les réserves des régimes des avocats. L'institution judiciaire est devenue « une vraie clocharde », a dénoncé Mme Caroline Mécary, membre du syndicat des avocats de France, hier lundi 24 février. Et d'ajouter qu'un tiers de la profession mettra la clé sous la porte.
Après la manifestation de 20 000 robes noires, ce sont à nouveau 15 000 robes qui ont foulé le pavé parisien le 3 février, selon le conseil national des barreaux.
Le 17 octobre 2018, vous annonciez, madame la ministre, vouloir travailler à la question. Rien n'a été fait depuis...Il paraît - permettez-moi d'employer ce terme un peu vulgaire - imbécile de s'attaquer ainsi au régime de retraite autonome, équilibré, pérenne, solidaire et prévoyant d'une profession que cet amendement reconnaît dans ses droits. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. Philippe Bonnecarrère, rapporteur. - Si je salue l'habileté et l'inventivité du groupe socialiste à introduire ainsi dans ce texte un avant-goût du débat sur la réforme des retraites, peut-être par jalousie envers l'Assemblée qui s'y occupe en ce moment, je dois donner l'avis défavorable de la commission. Cet avis, je le précise, est technique et ne préjuge pas de la position de la commission des lois sur le fond.
Je ne doute pas que la profession d'avocat trouvera des défenseurs sur ces bancs, au premier rang desquels le président de la commission des lois, le moment venu... Il ne l'est pas encore.
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. - Je serai la première à défendre cette profession essentielle à notre État de droit.
Je ne me permettrai jamais, ni dans ma pensée, ni dans mes propos, d'utiliser à l'égard de votre groupe ou de cette institution ce qualificatif d'imbécile que vous avez employé.
Le dialogue avec la profession n'a jamais été rompu ; nous avons des rendez-vous réguliers. Je rencontre ses représentants fréquemment, je les ai au téléphone de même et les vois après-demain.
Sur les retraites, nos positions de principe sont opposées. Les avocats refusent d'entrer dans le système universel de retraite : cela peut se comprendre mais ce n'est pas conforme à notre ambition, consistant à constituer un système universel pour 66 millions de Français, qui ne peut exclure 70 000 avocats. Nous sommes prêts à prendre en considération les spécificités historiques de ce régime ; en témoignent nos nombreuses propositions.
Les dernières propositions en date se traduisent par un amendement déposé aujourd'hui même à l'Assemblée nationale, maintenant la caisse nationale des barreaux comme interlocuteur unique des avocats ; garantissant une hausse des pensions d'au moins 11 % ; compensant la hausse des cotisations par un abattement, pérenne et constitutionnel, de 30 % jusqu'en 2029 sur ces cotisations et après, par l'injection des droits de plaidoirie payés par les justiciables, ainsi que par des contributions équivalentes payées par les cabinets.
À cela, la caisse nationale des barreaux pourra, si elle le souhaite, y ajouter ses réserves.
Tout cela devrait permettre aux cabinets économiquement les plus fragiles d'être préservés des effets de la hausse des cotisations, intégralement compensée pour les cabinets qui perçoivent jusqu'à 80 000 euros par an. Or vous savez que le revenu moyen des avocats est inférieur à 40 000 euros par an.
J'ai rencontré jeudi la présidente de la Conférence nationale des barreaux, le bâtonnier de Paris et la présidente de la Conférence des barreaux de province pour évoquer des sujets hors retraite, notamment la reconstruction du système d'aide juridictionnelle, à laquelle je m'étais engagée, afin qu'elle réponde à leurs attentes, mais aussi la formation et d'autres thèmes plus larges. Je crois dans l'oeuvre de justice. Les magistrats et les professionnels de la justice sont essentiels. Nous ne pouvons pas vivre sans les avocats. Avis défavorable à l'amendement.
M. René-Paul Savary. - Merci à M. Kanner d'avoir soulevé ce problème, qui illustre les difficultés d'un système universel de retraite.
La caisse des avocats assure déjà une solidarité entre grands et petits cabinets ; elle assure une retraite minimale de 1 000 euros. Or vous allez faire passer leurs cotisations retraite de 14 % à 28 %, et les éléments dont nous disposons que vous n'allez pas garantir leur niveau de pension ? On peut comprendre que les avocats veulent maintenir un régime qui possède 2 milliards d'euros de fonds de réserve...
Cette politique n'est pas isolée. Vous déséquilibrez des maisons historiques comme l'Opéra de Paris ou la Comédie française, comme le montrent les auditions que j'ai commencées. Nous y reviendrons...
M. le président. - Oui, longuement sans doute... Comme je vous l'ai indiqué, je dois lever la séance à 19 h 30 pour la conférence des présidents.
Mme Nathalie Goulet. - Parmi les sujets hors retraite qui concernent les avocats et leurs clients, il faudra aussi considérer, madame la ministre, le respect du secret professionnel, comme le montrent d'autres auditions auxquelles a procédé la commission des finances. La transposition de la directive européenne en la matière qui doit entrer en vigueur le 1er juillet est très inquiétante : elle fait de l'avocat un véritable informateur des services fiscaux. C'est une garantie fondamentale du justiciable.
L'amendement n°50 n'est pas adopté.
L'article 13 est adopté, de même que les articles 14 et 15.
M. le président. - Les explications de vote et le vote par scrutin public sur l'ensemble du projet de loi auront lieu le mardi 3 mars 2020, à 14 h 30.
Prochaine séance demain, mercredi 26 février 2020 à 15 heures.
La séance est levée à 19 h 30.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication