Politique familiale
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur la politique familiale, à la demande du groupe Les Républicains.
Mme Pascale Gruny, pour le groupe Les Républicains . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur certaines travées du groupe UC) Depuis sa création, la politique familiale française poursuit le triple objectif de maintenir le niveau de vie des familles, de renouveler les générations et de favoriser l'articulation entre vie privée et vie professionnelle.
Or, depuis 2012, les fondements de cette politique familiale sont remis en cause par les gouvernements successifs. Sous le dernier quinquennat, les prestations familiales sont devenues un outil de lutte contre la pauvreté, les familles riches devant payer pour les plus pauvres. D'universelle, la politique familiale est devenue un instrument pour aider les familles les plus vulnérables. Une fois de plus, les classes moyennes trinquent : le plafond du quotient familial a été réduit de 2 000 à 1 500 euros et les allocations familiales sont désormais modulées en fonction des revenus. La vocation première de la politique familiale - compenser la charge liée à l'éducation des enfants - a été perdue de vue.
La remise en cause du principe d'universalité est inquiétante. Demain, il pourrait être menacé dans d'autres domaines. Qu'en sera-t-il du remboursement des frais médicaux, par exemple ? Les services publics resteront-ils accessibles à tous ? Fera-t-on payer l'école publique aux familles qui en ont les moyens ? En raison de choix politiques hasardeux et faute d'avoir inversé la courbe du chômage, François Hollande a inversé celle de la natalité. Nous sommes à 1,87 enfant par femme en 2019, chiffre en baisse depuis cinq ans. Les effets des mesures prises en 2012 ont commencé à se faire sentir dès 2016.
Le groupe Les Républicains s'est toujours opposé à ces réformes. Il considère qu'il faut remettre la politique familiale au coeur de notre pacte républicain. La famille représente, comme l'entreprise, le noyau de notre société. Elle est le ciment de notre jeunesse, quels que soient les progrès de la robotique et de l'intelligence artificielle. Elle est indispensable pour assurer notre avenir.
Nous devons revenir à l'universalité de la politique familiale. La majorité de l'Assemblée nationale a récemment tenté de supprimer le quotient familial, jugé trop coûteux, et de le remplacer par une aide mensuelle, prélude à une fusion entre l'impôt sur le revenu et la contribution sociale généralisée (CSG), jusqu'à présent interdite par le Conseil constitutionnel. Le quotient familial doit, au contraire, être rehaussé à 3 000 euros.
Il faut aussi mieux prendre en compte la parentalité dans le calcul des pensions de retraite. Or le remplacement des dix trimestres supplémentaires par enfant accordés aux mères par une majoration des pensions de 5 % par enfant inquiète, car il risque de pénaliser les mères, notamment de famille nombreuse. Ainsi, à trois enfants, la majoration atteindra 17 % au lieu de 20 % actuellement.
Il est également nécessaire d'améliorer la politique d'accueil du jeune enfant. L'efficacité de la prime à la naissance doit être accrue. Avant 2015, elle était versée au septième mois de grossesse. Désormais, les familles la reçoivent deux mois après la naissance, alors qu'elles ont déjà engagé de nombreux frais. Un tel dispositif méconnaît complètement la vie des Français !
Nous prônons enfin un congé parental plus court et mieux rémunéré. Le recours des familles à ce dispositif s'est considérablement réduit depuis que la durée de perception de l'allocation a été limitée en cas de non-partage du congé entre les conjoints.
Je salue l'adoption l'année dernière de la directive européenne sur l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée, qui encourage le congé parental flexible permettant ainsi aux parents de rester dans l'emploi. En effet, plus le congé parental est long, plus il éloigne de l'emploi, surtout chez les femmes.
Enfin, il convient de donner davantage de moyens aux collectivités locales pour créer des places en crèche. La précédente convention d'objectifs et de gestion 2012-2017 signée entre l'État et la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) n'a pas tenu ses promesses : elle prévoyait 275 000 places en crèche ; or à peine 60 000 ont été créées, dont 30 000 par le privé, en raison du manque de moyens des collectivités territoriales. La convention d'objectifs et de gestion pour 2018-2022 n'est pas plus réaliste avec son objectif de 30 000 places de crèche supplémentaires. Les restes à charge seront importants pour les familles, les communes et les intercommunalités.
Le Gouvernement avait demandé une habilitation à légiférer par ordonnance dans la loi pour un État au service d'une société de confiance (Essoc). Ayant laissé passer le délai de dix-huit mois, il en demande une nouvelle dans le projet de loi d'accélération et de simplification de l'action publique (ASAP). Nous dénonçons ce chèque en blanc sur un sujet qui concerne les collectivités territoriales.
La politique familiale a trop longtemps servi de variable d'ajustement budgétaire. Il est urgent de lui redonner du sens et d'adopter une vision de long terme, sans quoi l'exception française aura vécu.
Les Françaises et les Français qui mettent au monde des enfants et les éduquent investissent pour l'avenir et cet investissement bénéficie à toute la Nation. Le coût de la politique familiale doit donc être partagé par tous. C'est une question d'équité entre les citoyens.
Les gouvernements de la IVe République l'avaient bien compris, eux que le général de Gaulle avait prévenus : « Si les Français ont trop peu d'enfants, la France ne sera plus qu'une grande lumière qui s'éteint. » (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; M. Jean-Marie Mizzon applaudit également.)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé . - La politique familiale est une politique de solidarité qui prend en compte les charges et les besoins des enfants, des familles, mais aussi une politique d'investissement dans la société de demain. Elle concerne 6,6 millions de Français. Les dépenses de la branche famille de la sécurité sociale s'établissent à 50 milliards d'euros.
Le Gouvernement y apporte tout son soutien et prône une adaptation aux besoins nouveaux des familles. Notre politique familiale repose sur trois principes : l'universalité, la prévention et l'adaptation à tous les parcours de vie.
L'universalité constitue un principe fondateur de la politique familiale. Il convient de lui donner une nouvelle impulsion, notamment en développant l'offre d'accueil des jeunes enfants. Tous les parents sont aidés pour la garde de leur enfant, mais la recherche d'un mode de garde ressort souvent d'un parcours du combattant. Nous souhaitons développer l'offre d'accueil collective - 30 000 places de crèche supplémentaires seront créées d'ici à 2022 - et individuelle. Les chiffres annoncés seront atteints.
Mais aujourd'hui, ces places ne bénéficient pas à tous les enfants, et c'est inacceptable : 54 % des enfants handicapés de moins de 3 ans sont gardés par leurs parents, contre 32 % des autres enfants. Seuls 5 % des enfants défavorisés sont accueillis en crèche contre 22 % des enfants favorisés. Avec la création du bonus « inclusion handicap » et du bonus « mixité sociale » pour les crèches, nous agissons pour réduire ces inégalités. Par ailleurs, le bonus « territoires » encourage les collectivités à créer des places de crèche. Nous souhaitons enfin améliorer le service de garde par les assistants maternels.
Grâce à l'introduction du tiers payant, les parents n'ont plus à avancer le complément de libre choix du mode de garde (CMG) depuis le mois de juin 2019. Nous avons ainsi majoré de 30 % le montant du CMG octroyé aux familles monoparentales et aux familles dont un enfant est en situation de handicap.
Nous souhaitons aussi mettre en place un service unique d'information des familles sur les offres de garde proches de leur domicile ou de leur travail.
Une réflexion sur la qualité de l'accueil des jeunes enfants est également nécessaire. En janvier, nous avons lancé un plan de formation des 600 000 professionnels de la petite enfance sur trois ans et créerons 1 000 relais assistants maternels supplémentaires d'ici à 2022.
Le deuxième pilier de la politique familiale menée par le Gouvernement concerne la prévention.
Depuis le 1er janvier 2019, l'indemnisation du congé maternité s'établit à 112 jours pour toutes les femmes. C'est important pour la mère comme pour l'enfant, car beaucoup se joue lors des mille premiers jours, qui représentent parfois une période de doute, de questionnement et d'inquiétude. Certains parents se sentent seuls face à la parentalité. Une commission d'experts a été installée par le Président de la République en septembre dernier. Elle rendra ses conclusions au printemps. Adrien Taquet devrait alors annoncer un nouveau parcours d'accompagnement de cette période cruciale. Une politique publique ciblée sur les mille premiers jours garantira que nos concitoyens grandiront bien, dès leurs premiers pas.
Il convient également de prévenir les situations de rupture de droits, notamment en cas de séparation. La question préoccupante des impayés des pensions alimentaires a émergé avec force lors du Grand débat. Quelque 30 % des pensions ne sont pas payées ou de manière irrégulière. Or, elles représentent en moyenne 18 % du budget des familles monoparentales. Un service public de versement des pensions par les CAF fonctionnera à partir du mois de juin 2020, ce qui limitera les impayés tout en affranchissant les parents de ce souci pour se concentrer sur l'éducation des enfants.
Avec Adrien Taquet, nous réfléchissons aussi à un dispositif d'accompagnement des familles lors de la plus dure des ruptures, à savoir le décès d'un enfant.
La politique familiale doit enfin prendre en compte les parcours de vie. Le modèle familial se renouvelle : les familles monoparentales représentent 23 % des familles, tandis que l'homoparentalité nous invite à redéfinir la famille du XXIe siècle.
Pour soutenir les familles monoparentales, nous avons voulu lever le frein à l'emploi en augmentant le montant du CMG et en développant les crèches labellisées - 300 le seront en 2020 - en matière d'insertion professionnelle, conformément à la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté. Une concertation permettra d'adapter au mieux l'offre aux besoins.
Certaines familles monoparentales bénéficient d'un complément de revenu important grâce à la prime d'activité. Son augmentation exceptionnelle fin 2018 a entraîné une baisse de 0,9 point de leur taux de pauvreté contre 0,5 point pour l'ensemble des bénéficiaires.
Le Gouvernement soutient également les proches aidants en facilitant la conciliation entre leur vie familiale et leur vie professionnelle grâce à un congé indemnisé à partir d'octobre 2020 et à l'offre de solutions de répit. Quelque 105 millions d'euros supplémentaires y seront consacrés d'ici 2022. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Michelle Gréaume . - Le groupe Les Républicains a souhaité débattre de la politique familiale. C'est indispensable alors que la réforme des retraites débattue à l'Assemblée nationale pénalise les familles nombreuses, en remplaçant les trimestres supplémentaires par une majoration pour un seul parent. Dans 75 % des cas, le salaire de l'homme est supérieur à celui de la femme, le choix risque donc de se porter sur lui et la femme sera pénalisée.
Il faut augmenter le quotient familial et le montant de la prestation d'accueil du jeune enfant. Il y a également urgence à rétablir l'universalité des prestations familiales. Nous prônons enfin l'établissement d'un congé paternité obligatoire de quatre semaines, favorisant une organisation moins sexuée de la vie familiale et professionnelle. Quel est votre avis, madame la ministre ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Les droits familiaux en matière de retraite sont actuellement inégalitaires : ils bénéficient aux hommes à 60 %. Avec la réforme, les parents pourront choisir à qui sera attribuée la majoration - 5 % par enfant à partir du premier enfant, puis 2 % supplémentaires à compter du troisième enfant - jusqu'aux 4 ans et demi de l'enfant, ou la partager. À défaut, la mère en sera bénéficiaire. Ainsi, les mères de famille nombreuse ne seront plus lésées.
Le congé paternité, enjeu d'égalité primordial, a fait l'objet de plusieurs mesures, en particulier avec la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 qui a allongé le congé lorsque l'enfant est hospitalisé immédiatement après sa naissance. Les études montrent que la présence des deux parents auprès des enfants prématurés a un effet bénéfique. Sur ce point, la commission sur les mille premiers jours, présidée par Boris Cyrulnik, fera des propositions.
Mme Michelle Gréaume. - Il y a une semaine, cinq associations familiales ont tenu une conférence de presse commune sur l'impact de la réforme des retraites. Entendez-les !
Mme Colette Mélot . - Les pays européens ont tous une politique familiale. Elle varie d'un pays à l'autre. En France, elle avait pour objectif d'inciter les couples à fonder une famille sans que le coût financier lié à l'arrivée d'un enfant représente un obstacle.
La structure familiale a évolué avec une diminution de la natalité et un accroissement des familles monoparentales, souvent touchées par la pauvreté. La famille est un espace privé privilégié où chacun doit pouvoir s'épanouir. Cette définition prend un sens particulier lorsqu'un membre de la famille est handicapé. Aussi, je souhaite évoquer la scolarisation des enfants en situation de handicap. Dans ce domaine, des progrès ont été réalisés, mais beaucoup reste à faire.
En septembre 2019, 300 unités localisées pour l'inclusion scolaire (ULIS) ont été créées et 4 500 accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) recrutés. Pourtant, 8 000 enfants restent sans solution d'accueil à cause des lourdeurs administratives et du manque d'accompagnement. Lors de la Conférence nationale sur le handicap, le Président de la République a annoncé qu'une solution serait trouvée pour chacun à la prochaine rentrée, notamment grâce à la création de 1 000 places supplémentaires en établissements spécialisés. Nous connaissons les difficultés de mettre en place un accompagnement adapté. Qu'en sera-t-il à la rentrée 2020 ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Nos concitoyens en situation de handicap doivent avoir une vie comme les autres et avec les autres. Sophie Cluzel et Jean-Michel Blanquer y travaillent ; ils ont mobilisé les acteurs concernés dès 2018. Un dispositif adapté, expérimenté en 2019, sera généralisé en 2020.
Une cellule de réponse aux familles, joignable vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sera créée dans chaque département.
L'offre de formation continue des enseignants sur le handicap a été renforcée et une plateforme de ressources est à leur disposition.
Quelque 900 millions d'euros supplémentaires ont été engagés en faveur de l'école inclusive, pour réduire par deux le nombre d'enfants en attente. Déjà, par rapport à la rentrée de 2018, 20 000 enfants handicapés ont été accueillis en plus. Pour la rentrée 2020, l'objectif est qu'il n'y ait plus d'enfant handicapé sans solution. D'ici à 2022, 11 500 postes d'AESH seront créés.
Par ailleurs, un numéro d'appel unique, le 360, a été créé pour faciliter l'accueil des familles.
Enfin, le bonus inclusion handicap facilite l'accueil des enfants handicapés dans les crèches.
Mme Élisabeth Doineau . - (M. Jean-Marie Mizzon applaudit.) Merci à Pascale Gruny d'avoir lancé ce débat, qui mériterait de se tenir au niveau national. La famille est le socle de notre République. Hélas, la natalité française diminue pour la quatrième année consécutive. Cette évolution trouve sa source dans notre système social et de retraite, mais elle est surtout le signe d'un malaise sociétal.
En 2019, le taux de natalité est de 1,87 enfant par femme alors que, d'après une étude de l'OCDE menée en 2016, les femmes aspirent à avoir 2,3 enfants en moyenne et 2,2 pour les hommes.
Nombre de couples peinent à conjuguer vie professionnelle et vie familiale. C'est particulièrement difficile pour les femmes mères et actives qui doivent assumer une double journée. À cela s'ajoutent les cas de stérilité et les pathologies lors de la gestation et de l'accouchement. La première solution est de développer les modes de garde. Or, les objectifs fixés pour 2022 ne seront pas atteints.
Deuxième piste, il convient d'agir sur l'environnement qui, dégradé, favorise les cas de stérilité et de pathologies lors de l'accouchement.
Que comptez-vous faire pour que les prochaines générations aient autant d'enfants qu'elles le souhaitent ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - La baisse de la natalité est due à la baisse du nombre de femmes en âge de procréer et à la réduction du nombre des naissances : l'indicateur de fécondité s'établit à 1,88. L'âge du mariage n'a cessé de croître depuis vingt ans. L'âge moyen de la maternité recule à 30,6 ans en 2018, contre 29,8 dix ans plus tôt.
Le soutien apporté aux familles les plus modestes a atténué les effets de la crise de 2008 sur la fécondité. Comment permettre aux femmes de concilier vie familiale et vie professionnelle ?
Nous formons les professionnels pour que les parents soient sereins lorsqu'ils leur confient leurs enfants et nous laissons la liberté du choix du mode de garde aux parents, entre autres.
M. Alain Milon . - En raison des réformes successives qui ont affecté les prestations familiales depuis huit ans, la branche famille de la sécurité sociale porte une politique de moins en moins universelle. En effet, la modulation des allocations familiales en fonction des revenus, qui a permis de générer 3,4 milliards d'euros d'économies depuis 2015, est venue écorner l'universalité de la politique familiale, dont le premier objectif est de compenser les charges de famille, selon une logique de redistribution horizontale.
En parallèle, les mesures de solidarité se sont développées au sein de la branche famille, à l'image de la majoration du complément familial en-deçà du seuil de pauvreté intervenue en 2014.
À ces mesures s'ajoute la sous-revalorisation de l'ensemble des prestations familiales décidée par votre Gouvernement depuis deux ans, auquel le Sénat s'est opposé lors des deux derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale. Ces décisions déconnectent progressivement les cotisations prélevées des prestations servies aux allocataires. Elles affectent en outre leur pouvoir d'achat, ce qui est particulièrement pénalisant pour les familles nombreuses.
On ne peut que s'interroger sur la place de la branche famille au sein de la sécurité sociale. Est-il encore cohérent que les prestations familiales soient financées à hauteur de 60 % par des cotisations sociales, alors que la branche famille sert de plus en plus une politique de solidarité décidée par l'État ? Puisque que la nature de la politique familiale change progressivement, l'État ne devrait-il pas davantage s'engager pour la financer, à la place de prélèvements assis sur les revenus du travail ? (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Vous proposez que la branche famille soit désormais financée par l'État et qu'elle ne soit donc plus considérée comme faisant partie de notre sécurité sociale. Je ne puis partager votre position.
Le financement de la branche famille par les cotisations sociales justifie son universalité. Les allocations familiales et les aides aux modes de garde bénéficient à toutes les familles, même si elles ont été modulées par l'ancien Gouvernement. Le fait que certaines aides soient ciblées sur les plus précaires relève de l'équité.
La branche famille est gérée par un conseil d'administration, qui comprend les partenaires sociaux et les associations familiales, fournit un travail constructif au bénéfice de toutes les familles. Ne remettons pas cela en cause.
M. Alain Milon. - Je ne propose pas, je ne fais que constater que l'État décide des orientations de la politique familiale. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Corinne Féret . - Les politiques familiales devraient avant tout être guidées par des objectifs de solidarité et de justice sociale, car elles ont notamment des conséquences sur la démographie de notre pays. Pourtant, le Gouvernement s'emploie à rogner le pouvoir d'achat des familles, affectant particulièrement les plus modestes d'entre elles.
En 2018, le taux de pauvreté a augmenté de 0,6 point pour atteindre 14,7 % de la population, dans notre pays, pourtant sixième puissance économique du monde. Les familles monoparentales sont particulièrement touchées dont 40 % des enfants vivent dans la pauvreté.
Or, le lien entre les conditions de vie dans la petite enfance et le développement intellectuel, émotionnel et social est réel.
Le Gouvernement a-t-il bien mesuré l'impact du coup de rabot de 5 euros sur les APL et celui de la non-revalorisation de certaines aides sociales ? Comment imaginer qu'il n'y aura pas de conséquences sur les plus fragiles de nos concitoyens et de leurs enfants ?
Au début du quinquennat, le Gouvernement a lancé sa « stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté », avec un objectif chiffré de réduction de la pauvreté pour les enfants. Quel bilan tirez-vous des politiques en faveur de la réduction de la pauvreté des familles ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Les chiffres de l'Insee que vous citez datent de 2018 et ne sont que provisoires, l'Insee elle-même le reconnaît. Quant aux données de l'OFCE sous-jacentes à votre intervention, il faut veiller à prendre tous les critères en compte, dont le taux de recours à la prime d'activité, dont 1,5 million de ménages en plus bénéficient, qui fait baisser le taux de pauvreté de 0,5 point, mais aussi le 100 % reste à charge et la prise en charge par les complémentaires santé.
Le Gouvernement a mis en place la stratégie contre la pauvreté annoncée en septembre 2018 par le Président de la République. 8,5 milliards d'euros ont été investis auprès des acteurs et avec les départements. Le service public de la réinsertion a été développé.
Mme Corinne Féret. - Plutôt que les chiffres, je vois ce qui se passe dans nos quartiers et nos communes rurales et je constate le nombre croissant de familles qui ont recours aux associations caritatives pour se nourrir.
Mme Maryse Carrère . - Aujourd'hui, il existe trois dispositifs complémentaires pour les parents : la majoration de durée d'assurance (MDA), l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF), les majorations de pension pour les pères et mères de famille nombreuse. Ces droits jouent un rôle majeur dans la réduction des inégalités femmes-hommes en matière de retraites puisqu'ils bénéficient à plus de 70 % aux femmes et qu'ils représentent en moyenne plus de 10 % des montants de pensions des femmes. Elles sont aussi un support pour le pouvoir d'achat des parents retraités.
Or, 90 % des femmes bénéficient d'au moins un droit familial au moment de leur retraite. Dans son projet de loi, le Gouvernement prévoit la suppression de la MDA pour la remplacer par une bonification de 5 % des pensions de retraites des parents pour les deux premiers enfants, et un fort recentrage de l'assurance vieillesse sur les premières années de l'enfant. En supprimant la MDA, le projet pénalise les familles de trois enfants et plus dont la réduction de la bonification va réduire la pension des parents de ces familles, puisqu'on passera d'une bonification de 20 % pour 3 enfants à 17 % avec la réforme.
Madame la ministre, la réforme pénalisera-t-elle ou non les femmes ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Concernant les enfants en situation de handicap, le système de retraite actuel repose sur l'AVPF, qui fonctionne grâce à la solidarité nationale. Le futur système de retraite transforme ce dispositif en garantie proche aidant. Nous avons aussi comblé certains vides : les mères s'occupant d'enfants handicapés à moins de 80 % bénéficieront aussi d'une majoration. De même, les proches aidants d'une personne en fin de vie seront mieux pris en compte, notamment.
Nous avons aussi marqué la solidarité nationale en faveur des parents d'enfants handicapés en leur octroyant une majoration spécifique de 5 %, pour chaque enfant et ce dès le premier.
M. Martin Lévrier . - Chacun des parents doit contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants, en fonction de ses ressources et des besoins des enfants, même en cas de séparation ou de divorce. Pourtant, près de 30 % du million de pensions alimentaires, soit 170 euros par enfant en moyenne, sont versés en retard ou non versés : 300 000 familles sont ainsi concernées.
Sécuriser le versement de la pension alimentaire pour ces centaines de milliers de familles, tel est l'objectif du « service public de versement des pensions alimentaires » que souhaite mettre en place l'exécutif dès juin 2020.
L'Agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa) qui vient d'être créée a pour ambition de protéger les familles. Si les familles en sont d'accord, l'Aripa recouvrira la pension devant être versée jusqu'aux 18 ans de l'enfant. En cas d'impayés, l'Aripa se substituera au créancier et devra effectuer toutes les démarches nécessaires afin de résoudre le problème.
Pouvez-vous nous dire comment l'Aripa entend procéder pour les avances, les délais de procédure et les saisies ? Comment informer les parents de cette avancée notable ? (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Nous souhaitons passer d'une logique de recouvrement à une logique de prévention des impayés. Dès le 1er juin, l'Aripa jouera un rôle d'intermédiation pour garantir le paiement des pensions alimentaires jusqu'aux 18 ans de l'enfant. Nous consacrons 42 millions d'euros à la formation des agents des CAF, mais aussi à 450 recrutements supplémentaires. Nous formerons aussi des juges, des greffes et des avocats, afin de diffuser l'information aux parents. Des décrets d'application seront bientôt publiés.
Quand un parent est insolvable, la famille peut percevoir l'allocation de soutien familial et nous souhaitons que le taux de recours s'accroisse. La pension alimentaire est un droit pour élever ses enfants. Il doit être garanti.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Notre système est difficilement compréhensible. Comment expliquer que les enfants de certaines familles ne perçoivent aucune aide de l'État alors qu'une famille monoparentale avec quatre enfants perçoit jusqu'à 380 euros par mois et par enfant ? La segmentation des familles se fait au détriment des classes moyennes : pourquoi, alors que les familles à revenus modestes ont de nombreuses aides et que les familles à revenus élevés bénéficient du quotient familial ?
Dans La face cachée des prestations familiales, M. Régent prône la création d'une allocation familiale unique (AFU) qui se substituerait aux aides familiales existantes, serait versée dès le premier enfant et supprimerait les effets de seuil des prestations familiales.
Lors d'un précédent débat sur la politique familiale en 2018, Mme Buzyn m'avait répondu qu'elle avait identifié 100 000 ménages avec un enfant percevant au moins 45 euros d'aides et elle ajoutait qu'il faudrait peut-être cibler ces familles en faisant évoluer le complément familial majoré. Y souscrivez-vous ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - L'idée d'une allocation familiale unique est intéressante. Cependant, nous devons répondre aux besoins de chacun selon sa situation particulière. Universalité n'est pas uniformité, et certains moments de vie nécessitent un accompagnement particulier. Nous prévoyons de rehausser les aides destinées aux familles monoparentales, les prestations familiales représentant 11 % des revenus des ménages pauvres, contre 2 % pour la population générale.
Notre politique familiale apporte un soutien particulier aux moments spéciaux que sont la naissance, la garde d'enfant ou la rentrée scolaire. Une allocation unique ne nous le permettrait plus.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Mme Buzyn m'avait fait la même réponse... Quid du complément familial majoré ? Je reste persuadé qu'un socle commun avec des modulations serait la bonne solution.
Mme Florence Lassarade . - Selon le Haut conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge, en 2014, 14 % de la population métropolitaine, soit 8,6 millions de personnes vivaient en-dessous du seuil de pauvreté, dont 2,8 millions d'enfants. Les familles monoparentales et les familles nombreuses sont les plus touchées. Cela est d'autant plus grave que les taux de pauvreté sont mesurés après avoir pris en compte l'ensemble des aides, ce qui signifie que notre système de prestations sociales reste insuffisant pour certaines familles et qu'il doit être renforcé.
L'enfant d'une famille pauvre aura plus de difficultés à s'insérer à l'âge adulte et il a plus de risques de se retrouver dans une position disqualifiée socialement. La lutte contre les conséquences de la pauvreté pour les enfants est donc particulièrement importante.
Notre système de protection sociale reste insuffisant, dans ses quatre dimensions.
D'abord, les prestations familiales augmentent le revenu disponible des familles. Les aides au logement n'empêchent pas une augmentation des hébergements en hôtel ; 10 000 enfants vivent dans des bidonvilles.
Le RSA et la prime d'activité restent malheureusement insuffisants pour les familles en situation de pauvreté. La situation des familles pauvres est complexe mais particulièrement révoltante dans un pays aussi riche que le nôtre.
Quelles sont les solutions alternatives en matière de prestations sociales que le Gouvernement envisage de proposer pour cibler précisément les familles pauvres et leurs enfants selon leurs besoins ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Les enfants sont particulièrement touchés par la pauvreté : 3 millions en France. La lutte contre la pauvreté fait l'objet d'un plan stratégique lancé dès 2018. Nous avons mis en place des actions de bon sens, comme des maraudes qui vont à la rencontre des familles en difficulté de logement.
Nous avons créé 400 points de conseil budget pour éviter les logiques de surendettement.
Pas moins de 10 000 communes rurales touchent la dotation de solidarité rurale qui permet notamment de prendre en charge les repas des enfants issus des familles les plus vulnérables : avec une tarification sociale d'un euro par repas demandé aux familles, l'État verse 2 euros à la collectivité. Le mode de garde est un autre champ important dans lequel nous agissons.
Mme Florence Lassarade. - Il faut cibler spécifiquement l'enfant plutôt que de faire du saupoudrage ou de la démagogie. Malgré tous les dispositifs d'aide, nous restons mauvais quant à la lutte contre la pauvreté de l'enfant en France.
Mme Michelle Meunier . - Nous avons évoqué les différentes formes de familles à l'occasion de l'examen du texte sur la bioéthique. La famille est une construction sociale où se reflètent les grandes étapes de la vie, le lieu des bonheurs et des tristesses. Il ne nous appartient pas de fixer des normes mais de lutter contre les inégalités sociales.
Selon l'Union nationale des associations familiales (UNAF), le niveau de vie d'une famille monoparentale est inférieur de 30 % à celui d'un couple avec enfant. Les enfants sont à 79 % dans la pauvreté quand leur parent est au chômage - chômage parfois induit par la charge familiale.
Le 24 janvier, le Parlement européen et le Conseil ont approuvé la directive pour l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée. Quelles sont les ambitions de la France pour la transposition de ce texte ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - La directive est entrée en vigueur au 1er août ; nous la transposerons avant l'expiration du délai de trois ans. La législation actuelle nous permet déjà de remplir les conditions fixées par la directive sur le congé paternité et le congé parental, voire d'aller au-delà. Le Gouvernement, volontariste, a ainsi prévu un congé de proche aidant de trois mois rémunéré, dont le montant est équivalent à celui de l'allocation journalière de présence parentale. Au total, tout salarié aura droit à un an de congé aidant.
Le congé parental est déjà un droit, comme la reprise à temps partiel après la naissance. La commission sur les mille premiers jours de l'enfant étudie comment aller plus loin, notamment sur le congé parental.
M. Bernard Bonne . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Concevoir la politique familiale comme une aide aux familles est une erreur d'analyse. Son but doit être de répartir les dépenses d'investissement dans la jeunesse sur toute la société. En effet, les personnes qui mettent au monde et élèvent des enfants rendent service à la Nation ; sans procréation ni éducation, le pays serait rapidement dépourvu des travailleurs qui font tourner l'économie et vivre les retraités.
En présentant le projet de loi sur la réforme des retraites, le Premier ministre a dit vouloir aider les familles nombreuses ; or les mères de famille qui prennent des congés parentaux seront pénalisées par la retraite à points calculée sur l'ensemble de la carrière.
L'éducation des enfants est d'une importance telle qu'elle nécessiterait un congé suffisamment long, indemnisé, sans préjudice des droits à retraite. Point de système de retraite solide sans une natalité dynamique. « Nous ne préparons pas nos pensions de retraite par nos cotisations vieillesse, mais par nos enfants », disait Alfred Sauvy !
Les femmes qui ont des enfants ne doivent pas être les perdantes de la réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Dès le premier enfant, les points de retraite seront revalorisés de 5 %. Et cela est vrai pour chaque enfant : 10 % pour le deuxième, 17 % pour le troisième - avec les 2 % de bonus - et 22 % pour quatre enfants. La moitié est attribuée d'office à la mère, au titre du congé maternité, l'autre moitié peut être partagée entre les parents avant les 4 ans de l'enfant, sans quoi elle est attribuée automatiquement à la mère.
Nous garantissons aussi un montant plancher, défini par décret, sur lequel ce pourcentage sera calculé.
M. Bernard Bonne. - Je crains que le calcul des prestations de retraite, s'il pénalise le congé parental, ne soit un frein à la natalité. Or ce temps dédié à l'enfant est capital pour son développement. (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
Mme Victoire Jasmin . - C'est le mode de prise en charge qui fait que l'enfant deviendra un bon citoyen. Or de nombreuses crèches, facteurs de socialisation et de mixité sociale, ont fermé leurs portes en Guadeloupe. Les tarifs des micro-crèches ne tiennent pas compte du nombre d'enfants. J'ai saisi le Gouvernement pour demander un traitement différencié de nos territoires dans le domaine de la parentalité. Il est urgent de prendre en charge le périscolaire, la pédopsychiatrie, d'améliorer l'accompagnement des jeunes décrocheurs, de valoriser les contrats enfance-jeunesse, de renforcer la protection judiciaire de la jeunesse. Il faut favoriser la convergence de toutes les actions relatives aux mille premiers jours de l'enfant, pour offrir un avenir meilleur. Qu'allez-vous faire en ce sens ?
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - La stratégie de lutte contre la pauvreté a pour objectif de lutter contre les inégalités dès le plus jeune âge. Les collectivités territoriales sont accompagnées avec des bonus inclusion handicap et mixité sociale pour ouvrir des places en crèche au plus près des besoins, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, dans la ruralité ou l'outre-mer.
Un enfant qui a été en crèche ou a eu une assistance maternelle aura mille mots de plus que celui qui n'a pas eu cette chance, à l'arrivée en CP. C'est un trésor pour les uns, un mur pour les autres. Nous accompagnons donc les collectivités territoriales en ce sens et oeuvrons à la modification tarifaire ; nous évitons aux parents d'avancer les frais avec Pajemploi +.
Au 1er septembre 2020 entrera en vigueur l'obligation d'accompagnement et de formation des jeunes de 16 à 18 ans en décrochage scolaire. Ils ne doivent plus être invisibles.
Mme Vivette Lopez . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Cette discussion remet opportunément notre politique familiale au coeur du débat. Cette politique autrefois enviée par toute l'Europe est bien malmenée : baisse des naissances, paupérisation des familles...
Les mères de famille monoparentale sont les grandes oubliées ; leur assurer une retraite décente ne serait pourtant qu'une juste reconnaissance de la Nation. Vous garantissez un minimum de 1 000 euros pour une carrière complète - mais entre les maternités, le temps partiel et le chômage plus fréquent, 40 % des femmes n'ont pas une carrière complète !
Comment les trimestres de congé parental seront-ils compensés ? La majoration de 10 % au troisième enfant sera également supprimée. Nous devons reconnaître le temps et l'argent investi dans les enfants pour ne pas scier la branche sur laquelle nous sommes assis.
Comment garantirez-vous aux mères de famille une retraite décente ? Investir dans la famille, c'est investir dans l'avenir. Puisse cette maxime guider vos pas. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Ce Gouvernement est le premier à prendre en compte les familles monoparentales. (On se récrie sur les travées du groupe SOCR.) Je reconnais que l'Aripa a été créée en 2017. Mais c'est ce Gouvernement qui augmente le complément de libre choix du mode de garde, qui garantit le versement de la pension. Les familles monoparentales sont celles qui ont le plus bénéficié de la prime d'activité ; leur taux de pauvreté a baissé de 0,9 point.
Il y a 23 % de familles monoparentales en France ; il faut reconnaître leur spécificité.
En matière de retraite, les familles monoparentales subissent déjà un préjudice de carrière du fait de leur isolement. Les bénéficiaires de l'allocation de soutien familial (ASF) auront droit à une majoration des droits familiaux et à des points supplémentaires. Le partage des points entre ex-conjoints ne sera plus possible en cas de condamnation pour violences conjugales. La victime recevra automatiquement les points.
Mme Françoise Laborde. - Très bien.
M. Guillaume Chevrollier . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La famille est la cellule de base de la société, le lieu de transmission des valeurs et de l'éducation. Les familles aspirent à une fiscalité plus juste et transparente, à une vie décente sans peur du lendemain.
Or depuis 2012, la politique familiale est mise à mal : baisse du quotient familial, modulation des allocations familiales selon le revenu, baisse de la PAJE.
À revenu identique, une famille avec enfants ne doit pas voir son niveau de vie baisser par rapport à une famille sans enfant. C'est pourtant ce que prévoit le nouveau système de retraite : une mère d'un enfant gagnant 15 000 euros par an perdra 750 euros par an ; 1 633 euros si elle a deux enfants. Les mères seront pénalisées financièrement pendant leur carrière et une fois à la retraite. Les familles ont besoin d'être rassurées. Où est passée l'égalité femme-homme, promue grande cause du quinquennat ? (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Husson. - Excellent !
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - La solidarité nationale repose aussi sur la branche famille. Les CAF ont la possibilité, sur leur territoire, d'octroyer des aides spécifiques via le fonds d'action sociale.
Je le redis, les femmes et les familles sont les grandes gagnantes de notre réforme des retraites. (On en doute à droite.) J'en veux pour preuve les bonifications, la prise en compte des carrières hachées qui permettra une retraite plus précoce, enfin une redistribution accrue entre hommes et femmes : les pensions de ces dernières augmenteront plus que celles des hommes, jusqu'à 10 % de plus pour la génération 1990, grâce au minimum contributif, à la valorisation des carrières incomplètes et à un âge d'équilibre plus favorable.
M. Guillaume Chevrollier. - Faire de la politique familiale une variable d'ajustement financier est une erreur. Il faut soutenir toutes les familles, faciliter la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, favoriser l'accès à l'emploi des femmes. C'est ce que nous défendrons lors de l'examen de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Nicole Duranton . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) En France, 18 % des enfants sont élevés par un seul parent. Il y avait 9 % de familles monoparentales en 1975, contre 25 % aujourd'hui ; 55 % de ces situations étaient dues au veuvage en 1962, contre 6 % à peine aujourd'hui. Dans l'Eure, on recense 18,4 % de familles monoparentales, contre 27 % à Paris.
La politique familiale française est historiquement nataliste. Le décret de 1938 créait une prime pour la mère au foyer, la maternité étant perçue comme incompatible avec un emploi. L'entrée massive des femmes sur le marché du travail dans les années 1960 ne s'est pas accompagnée d'une vraie politique de conciliation entre vie familiale et professionnelle.
Les familles monoparentales sont deux fois moins propriétaires et deux fois plus touchées par le chômage que les couples. Les mères seules occupent souvent des emplois précaires, à temps partiel.
Il faut augmenter l'accès à l'emploi et surtout le nombre de structures de garde pour les enfants des familles monoparentales, comme les crèches à vocation d'insertion professionnelle (AVIP). Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État. - Le meilleur moyen de sortir de la pauvreté est d'accéder à l'emploi. Or 150 000 offres d'emploi sont refusées faute de solution de garde.
D'où la hausse du CMG pour les familles monoparentales ; les 300 crèches AVIP qui réservent 20 % de places aux parents en recherche d'emploi ou en formation, dont 150 sont déjà labellisées ; le service unique d'information aux parents.
Un groupe de travail a réfléchi, dans le cadre de la mobilisation nationale pour l'emploi, à la levée des freins à l'emploi, par exemple des modes de garde à horaires atypiques. Tous les acteurs, État, départements, EPCI, doivent travailler ensemble.
Mme Corinne Imbert . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) L'avenir de notre politique familiale est plus que jamais d'actualité. La question du financement des retraites y est intrinsèquement liée. Notre système est fondé sur la solidarité intergénérationnelle : faute d'actifs en nombre suffisant pour financer les retraites, nous glisserions vers un système par capitalisation.
Or le projet de loi du Gouvernement remet en cause certains droits familiaux : la majoration de durée d'assurance, l'assurance vieillesse des parents au foyer, la majoration de 10 % de la pension de retraite. Les femmes subiraient une double peine, pendant leur carrière et une fois à la retraite.
Pendant ce temps, nous nous éloignons du seuil de renouvellement de la population qui est de 2,1 enfants par femme.
Le Gouvernement poursuit sur la voie du précédent quinquennat : les PLFSS 2019 et 2020 sous-valorisent les prestations familiales à un niveau inférieur à l'inflation. (M. Ladislas Poniatowski le confirme.) On nous oppose l'argument de l'équilibre des comptes de la branche famille mais quid de l'équilibre des familles ?
Le quinquennat Hollande a profondément affaibli les familles de la classe moyenne sous couvert de solidarité. Il conviendrait pourtant de soutenir ces parents qui prennent soin de leurs enfants au détriment de leur carrière.
La prime à la naissance n'est reçue qu'aux 2 mois de l'enfant alors que les frais ont déjà été engagés. Il faut la verser au septième mois de grossesse. De même, un assouplissement des règles en matière de construction permettrait d'ouvrir plus de places de crèche.
La convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 augmente le reste à charge pour les familles et pour les collectivités. Remontons la participation de la branche famille au niveau de la COG 2012-2017.
La mise en place de la prestation partagée d'éducation de l'enfant n'a pas eu les effets escomptés : un congé parental plus court et mieux rémunéré serait préférable.
Les incitations financières ne sont pas suffisantes pour lutter contre une chute de la natalité parfois dramatique dans certains départements. L'évolution d'une société des individus à une société de l'individu est aussi un facteur. Nous devons réaffirmer que la famille est la première pierre de la solidarité.
« Parce qu'un homme sans mémoire est un homme sans vie, un peuple sans mémoire est un peuple sans avenir » a dit le maréchal Foch. Je ne voudrais pas qu'une Nation sans peuple ne soit plus qu'un lointain souvenir. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue quelques instants.