Conseil européen des 12 et 13 décembre 2019
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat à la suite de la réunion du Conseil européen des 12 et 13 décembre 2019.
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Le Conseil européen des 12 et 13 décembre a constitué le premier rendez-vous du nouveau cycle institutionnel européen, avec la présence de Charles Michel, Ursula von der Leyen et Christine Lagarde.
Les discussions ont été dominées par la lutte contre le changement climatique. Les chefs d'État et de gouvernement ont endossé l'objectif de neutralité carbone en 2050. C'est un succès de la coalition de pays ambitieux, emmenés par la France : partis de trois, puis huit, nous sommes parvenus à trouver l'unanimité. Une loi Climat sera présentée en mars 2020. Un délai a été sollicité par la Pologne sur les modalités de mise en oeuvre, au regard de son mix énergétique où le charbon domine. Cette exemption temporaire ne change rien à la décision, la loi Climat devant être votée à la majorité qualifiée. La Pologne prendra des engagements et l'accompagnement financier sera déterminé en conséquence.
Nous sommes lucides sur l'ampleur de la tâche. Il faudra des instruments, des mesures incitatives, un soutien financier et des investissements adaptés pour que la transition soit juste et socialement équilibrée. La Commission européenne a fait des propositions en ce sens avec son Pacte vert : le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières est central si nous voulons protéger nos emplois industriels.
Dans le respect de l'article 194 du traité de Lisbonne, il est précisé que les États membres sont souverains dans le choix de leurs sources d'énergie et pourront utiliser le nucléaire pour décarboner leur mix. C'est une clarification utile.
Le Conseil européen a invité la Commission européenne à proposer une mise à jour de la contribution déterminée au niveau national de l'Union pour 2030. La COP26 de Glasgow sera déterminante pour la mise en oeuvre de l'accord de Paris. Nous souhaitons que la cible nationale soit renforcée, pour donner l'exemple.
Le président du Parlement européen, David Sassoli, a indiqué vouloir jouer un rôle moteur aux côtés du Conseil et de la Commission pour préparer la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Nous attendons une communication de la Commission en janvier 2020 et une résolution du Parlement européen ; le Conseil a demandé à la future présidence croate d'établir une position du Conseil sur les modalités de la Conférence, dans le respect de la démocratie représentative et des parlements nationaux.
Nous voulons recréer une relation plus approfondie avec les citoyens, pour plus de transparence, plus de protection, moins de conflits d'intérêts et d'ingérence des puissances étrangères. Il faudra traiter la question du financement des partis européens ou encore des listes transnationales.
Enfin, il faut une revue des politiques européennes, pour évaluer si nous sommes assez souverains et assez réactifs dans nos décisions.
Troisième sujet abordé, le cadre financier pluriannuel 2021-2027. La présidence finlandaise a présenté le 2 décembre son projet d'un budget européen à 1,07 % du revenu national brut (RNB) européen, position intermédiaire entre celle de la Commission et celle des États dits frugaux. Cela permettrait une augmentation de 10 milliards d'euros du budget de la PAC, le maintien de la notion de région en transition, la fin des rabais.
Nous restons toutefois vigilants et continuons à travailler pour nous assurer que la hausse de la PAC repose aussi sur le premier pilier, car il n'y a pas de développement rural sans agriculteurs. Nous serons également vigilants sur les financements alloués aux régions ultrapériphériques et aux pays et territoires d'outre-mer.
Nous réclamons une ambition plus forte sur la conditionnalité sociale et fiscale, et avons créé une coalition avec l'Espagne, l'Italie, la Belgique et la Grèce pour lutter contre le dumping social.
En termes de défense, de migration et d'action extérieure, il reste du travail. Charles Michel a repris le dossier et des discussions bilatérales se tiendront début 2020 pour une discussion collective avant le printemps.
Au cours du dîner, autour de Josep Borrell, il a été question de politique étrangère : les chefs d'État et de gouvernement ont évoqué le Sahel, la Russie, la Turquie, l'Albanie mais aussi de l'organisme de règlement des différends de l'OMC qui a cessé de fonctionner la nuit du 12 décembre.
Le vendredi se tenait un sommet de la zone euro, en présence de la présidente de la BCE et du président de l'Eurogroupe. Ont été évoqués l'approfondissement de l'union économique et monétaire et de l'union bancaire, ainsi que le budget de la zone euro qui, pour la France, doit être un instrument de convergence mais aussi de stabilité.
Nous avons terminé ce sommet en format « article 50 » ; après trois ans de débat sur le Brexit, la nette victoire électorale de Boris Johnson laisse espérer une sortie ordonnée du Royaume-Uni. Reste à faire ratifier rapidement l'accord conclu en octobre. Puis à déterminer la relation future, qui devra être équilibrée et loyale, assurer le respect de nos normes environnementales, sociales et fiscales ainsi que la protection des citoyens européens au Royaume-Uni. Michel Barnier a été chargé de rédiger le mandat de négociation. Nous avons de quoi travailler d'ici le 31 janvier 2020. (Applaudissements sur les travées des groupes LaREM, UC, RDSE, Les Indépendants et sur le banc de la commission)
M. Philippe Paul, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées . - Avec la victoire de Boris Johnson, le Royaume-Uni nous adressait enfin un message clair, après trois ans d'incertitude. Nous regrettons le Brexit, contresens historique, mais respectons le choix du peuple britannique.
De nouvelles négociations vont s'ouvrir sur la relation future. Le compromis sur la frontière irlandaise - le fameux backstop - sera tout sauf simple à mettre en oeuvre. L'intégrité du marché unique doit être préservée. L'intégrité territoriale du Royaume-Uni risque aussi d'être remise en cause : avec la victoire des indépendantistes écossais, le SNP envoyant 48 députés à Westminster sur 59, un second référendum sur l'indépendance de l'Écosse se profile. La question irlandaise pourrait aussi rebondir, avec la défaite des unionistes.
Il faudra être vigilant face au risque de dumping que pourrait pratiquer un « Singapour sur Tamise ». Boris Johnson peut vouloir frapper vite et fort. La relation future devra préserver les intérêts européens et maintenir un degré de coopération élevé avec le Royaume-Uni, sur la sécurité et la défense notamment. J'invite le Gouvernement à profiter de l'anniversaire du traité de Lancaster House en novembre prochain pour avancer. Le budget du Fonds européen de défense est une ligne rouge pour la France, nous avez-vous dit, madame la ministre. Dont acte. Nous ne devons pas manquer ce tournant.
Le Conseil européen a rappelé son opposition aux activités de forage illégales de la Turquie dans la zone économique exclusive de Chypre et estimé que le protocole d'accord entre la Turquie et la Libye viole le droit. Je veux redire ici notre solidarité avec la Grèce et Chypre.
L'Union a une nouvelle page de son histoire à écrire. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour qu'elle soit ambitieuse. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et Les Indépendants)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes. - Très bien !
M. Claude Raynal, vice-président de la commission des finances . - La présentation par la Commission de son Pacte vert a occupé une large part des échanges, mais le sommet a aussi porté sur le cadre financier pluriannuel (CFP). Force est de constater que la proposition de la présidence finlandaise d'un budget européen à 1,07 % du RNB n'a pas recueilli le consensus. Le calendrier des négociations devient de plus en plus contraint. En confiant les négociations au président du Conseil européen, les États membres ont voulu changer de méthode ; un sommet dédié pourrait se tenir début 2020.
Madame la ministre, nous vous avons interrogée sur les lignes rouges du Gouvernement. La France ne s'est pas encore engagée formellement sur un budget exprimé en pourcentage de RNB. Pouvez-vous nous clarifier la position du Gouvernement ?
D'autant que les données de l'équation ne cessent d'évoluer. La Commission européenne a ainsi présenté sa feuille de route pour un Pacte vert, incluant notamment un mécanisme pour une transition juste, pouvant générer jusqu'à 100 milliards d'euros d'investissement. Cette dépense n'a-t-elle pas plutôt vocation à compenser les coupes budgétaires dans la politique de cohésion ?
Le président Éblé a dénoncé le manque d'ambition du budget de la zone euro à plusieurs reprises. Les conclusions soumises au Conseil européen ne permettent pas d'en savoir beaucoup plus.
Enfin, le Conseil a été l'occasion de faire le point sur l'avancée du Brexit. Les États membres ont accueilli le résultat des élections britanniques avec soulagement, car il confirme la tenue du Brexit d'ici fin janvier, mais un nouveau front de négociation s'ouvre pour déterminer nos relations futures. Le gouvernement britannique entend imposer un accord commercial d'ici fin 2020. Comment cela serait-il possible dans des délais aussi courts ? Cela n'augure-t-il pas d'un accord a minima, au risque de favoriser un dumping fiscal et social outre-manche ? Quel mandat de négociation sera proposé par la Commission ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, Les Indépendants, LaREM, RDSE et UC ainsi que sur le banc de la commission.)
M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes . - Lors du débat préalable au Conseil européen, nous nous étions concentrés sur le cadre financier pluriannuel. Il en a finalement été peu question : étant donné la cacophonie entre États membres, le sujet est renvoyé à un sommet extraordinaire en février.
L'attention s'est focalisée sur l'ambition pour le climat. La présidente de la Commission avait habilement présenté la veille les grandes lignes de son Pacte vert. Le Conseil européen a pris note de cette communication et a adopté l'objectif de la neutralité carbone d'ici à 2050. La Pologne, très dépendante du charbon, est restée récalcitrante. L'Union européenne a évité d'être prise en otage en faisant une entorse à sa tradition consensuelle : Charles Michel a innové, espérons que ce précédent augure d'une nouvelle approche qui délaisse la recherche à tout prix de l'unanimité, synonyme de paralysie.
En affirmant son ambition climatique, l'Union européenne montre l'exemple, après la déception de la COP25 de Madrid. Le principe de neutralité technologique est confirmé, chaque État restant libre de choisir son mix énergétique. Nos voisins tchèques, hongrois et slovaques ont obtenu que le nucléaire soit nommément cité - en tant qu'élu de la Manche, je m'en réjouis. (M. André Gattolin s'amuse.)
Je salue le compromis trouvé par le Coreper sur le règlement qui jette les bases de la future taxonomie, en espérant qu'il sera consacré dans le texte final.
Enfin, je me réjouis que le Conseil européen ait réaffirmé que la transition écologique ne devait pas entamer la compétitivité. Le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières est vertueux tout en étant compatible avec les règles de l'OMC. C'est une nouvelle politique commerciale très offensive qui se profile. Il y a lieu de s'en réjouir (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants et sur le banc de la commission)
Mme Véronique Guillotin . - Si le Brexit n'était pas à l'agenda du Conseil, la large victoire des conservateurs ouvre la voie à une sortie négociée le 31 janvier. Ce départ privera le budget européen de 12 milliards d'euros par an.
Le prochain CFP pour 2021-2027 a été fixé par la présidence finlandaise à 1,07 % du RNB de l'Union européenne à 27. Peut-on se satisfaire d'une baisse des moyens de 47 milliards d'euros sur sept ans, au regard des nouvelles priorités en matière de sécurité, de défense et de migration ?
Il faut dépasser le débat entre mieux disant et moins disant et s'attacher aux ressources propres, que nous voudrions moderniser et amplifier. Le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières, de ce point de vue, est bienvenu mais qu'en pensera l'OMC ? La position française sur la taxation des activités numériques n'est malheureusement pas universellement partagée et l'OCDE n'avance pas sur le sujet. Où en est-on de ce projet qui assurerait une fiscalité plus équitable ? N'oublions pas la théorie de Mundell-Fleming sur les zones monétaires optimales !
Je note avec satisfaction l'effort de 10 milliards d'euros en faveur de la PAC même si le fléchage vers le second pilier au détriment des aides directes est contestable.
La diminution de 6 milliards d'euros du budget du Fonds européen de défense est très regrettable, alors que l'on demande aux États membres de prendre leurs responsabilités pour assurer la sécurité collective : madame la ministre, nous comptons sur vous pour la contester.
Sont prévus 14 milliards d'euros pour le nouvel instrument budgétaire de convergence et de compétitivité. Le Président de la République aurait souhaité davantage, afin de constituer un véritable pare-feu face à un éventuel choc asymétrique. Il faut encourager les réponses macro-économiques au niveau de la zone euro. De même, il faut absolument débloquer le dossier du troisième pilier de l'union bancaire.
Le Conseil a acté l'objectif de neutralité climatique d'ici 2050. Hubert Védrine le rappelait : il y a une nécessité vitale à garder la terre habitable. Le Pacte vert d'Ursula von der Leyen va dans le bon sens. Certes, nos partenaires, à commencer par la Pologne, doivent être rassurés sur le rythme de la transition. La possibilité pour chaque pays de choisir son mixte énergétique apporte une flexibilité bienvenue. Mais le fonds de transition de 100 milliards d'euros suffira-t-il ? Nous attendons des clarifications sur la répartition de ces financements. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et Les Républicains.)
M. André Gattolin . - Pour Charles Michel, nouveau président du Conseil européen, cette réunion sur le CFP ne sera sans doute pas la dernière, tant les points de désaccords entre États membres sont nombreux.
On peut se féliciter qu'ait été adopté l'objectif de neutralité carbone en 2050 ; le Pacte vert en sera le principal levier, avec un investissement de 1 000 milliards d'euros. Après la piètre COP25, il était bon que l'Union européenne affirme ses ambitions climatiques, mais des objectifs à la réalisation, la route sera longue et semée d'embûches. La Commission souhaite qu'à terme, 25 % du budget de l'Union européenne soit consacré à la transition écologique. Chaque budget sectoriel devra y contribuer. C'est bien mais les réticences ne manqueront pas.
D'autant que le cadrage financier proposé par la présidence finlandaise a été loin de faire l'unanimité. C'est le sort attendu de tout texte martyr - il eût été étonnant que ses arbitrages assez abrupts obtinssent l'assentiment de tous les États membres. Charles Michel devra encore longtemps accorder ses violons avant d'entendre résonner l'Ode à la joie au dernier étage du Berlaymont.
Il y avait néanmoins plusieurs messages dans ces propositions. Avec 1 087 milliards d'euros pour 2021-2027, l'Union à 27 reste au même niveau que l'Union à 28 du CFP précédent, bien en-deçà des propositions de la Commission européenne et plus encore du Parlement européen.
Assurons-nous de l'équité de la répartition avant de partir à l'aventure. Le Brexit nous appelle à la solidarité budgétaire mais aussi politique sur l'État de droit, les conditions financières et sociales. Ainsi la conditionnalité de l'attribution des aides au respect de l'État de droit vise implicitement certains bénéficiaires nets. Il n'y a pas de droit de tirage automatique ; l'Union européenne est aussi une communauté de valeurs démocratiques.
Ce principe et la vérification de sa mise en oeuvre entrent dans les moeurs de l'Union européenne : c'est à saluer.
L'incongruité des rabais sur le rabais doit cesser. Le Brexit mettra fin au complexe système de compensation.
La Conférence sur l'avenir de l'Europe, au printemps, sera cruciale pour déterminer le futur budget de l'Union. Le Président de la République et Paolo Gentiloni, le nouveau commissaire aux affaires économiques, ont suggéré d'assouplir les règles de Maastricht pour les investissements stratégiques en matière de transition énergétique.
Avec cette stratégie, allons-nous nous donner les moyens de relever les défis futurs ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE ; M. Jean Bizet, président de la commission, et Mme Michèle Vullien applaudissent également.)
M. Pierre Laurent . - Six mois après les élections européennes, on aurait pu s'attendre à des annonces politiques fortes lors de ce Conseil européen concomitant avec une COP25 décevante, le sommet de l'OTAN, le mouvement social en France, sans oublier les élections au Royaume-Uni. À cet égard, je m'étonne de la satisfaction de mes collègues : c'est un petit Trump qui vient d'être réélu à Londres. Manifestement, il n'y a pas qu'à l'OTAN que l'encéphalogramme est désespérément plat... (M. André Gattolin sourit.)
Au-delà des effets d'annonce sur la neutralité carbone en 2050, quelles seront les modalités d'action du fonds de 100 milliards d'euros pour la transition juste et la mobilisation par la BEI de 1 000 milliards ? Si c'est pour reconduire le même système économique en le verdissant, ce n'est pas la peine : les résultats seront les mêmes.
Le fonds financera-t-il, par exemple, des infrastructures ferroviaires publiques pour juguler la progression du trafic routier, résultat des paquets ferroviaires libéraux, en réalité des paquets anti-ferroviaires ?
Va-t-on continuer à financer la multinationale de la logistique comme Amazon ? Quel mécanisme de transparence pour les projets financés en France avec ces crédits du fonds de transition ?
Ce Conseil, pas plus que le sommet de l'OTAN, n'a pu clarifier nos orientations stratégiques ! La Russie, identifiée comme une menace par l'OTAN, doit-elle être un partenaire ? Sur la relance du processus de Minsk, il y a des avancées mais les sanctions inefficaces restent en place. Quid de la Turquie dont l'accord avec la Libye menace la Grèce et Chypre, deux États membres de l'Union européenne ?
Allons-nous créer un marché européen des équipements de défense ouvert et compétitif, comme la lettre de mission de Thierry Breton l'indique, ou apporter un réel soutien à nos industries stratégiques ?
Le Conseil européen s'est penché sur l'idée d'une Conférence sur l'avenir de l'Europe. Ne vous penchez pas trop, au risque de chuter, et consultez plutôt les citoyens. Cela fait quinze ans, depuis le référendum, qu'ils attendent un tel débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE ; M. Jean Bizet, président de la commission, applaudit également.)
Mme Colette Mélot . - Le Conseil européen a été marqué, une nouvelle fois, par le Royaume-Uni. La question du Brexit, ombre orageuse sur le ciel bruxellois depuis plusieurs mois, semble s'éclaircir et 2020 pourrait bien être l'année du dénouement avec les récentes élections au Royaume-Uni et le mandat donné à Boris Johnson. Le 1er février, nous pourrions n'être que 27, mais les Britanniques nous ont habitués à nous méfier des affirmations les concernant.
Mais de nombreuses questions restent en suspens. Le risque d'un Brexit dur n'est pas à écarter. Le Président de la République a identifié les questions de sécurité et de commerce comme des priorités. Le Conseil a demandé à la Commission européenne un nouveau projet de mandat global pour les négociations avec le Royaume-Uni. Nos lignes rouges seront-elles respectées par ce nouveau mandat ? Saurons-nous nous protéger face à ce pays qui souhaite se désolidariser d'une construction inédite ?
Le changement climatique a été mis à l'honneur, nous nous félicitons de l'objectif de neutralité carbone pour 2050. Nous serons attentifs à la loi climatique prévue pour mars. Il faut prendre en compte à la fois la sécurité énergétique et la compétitivité. Quelle est la position de la France sur le mécanisme européen d'inclusion carbone ?
Je regrette que la Pologne soit épargnée par l'objectif de neutralité carbone 2050. Ne vaut-il pas mieux l'accompagner dans sa transition ? On connaît les résultats des mécanismes d'opt-out au sein de l'Union européenne.
Un quart du cadre financier pluriannuel devrait être consacré à la transition ; c'est bien, mais les modalités sont remises à plus tard. Les propositions finlandaises sont loin de faire consensus.
La Commission européenne doit avoir les moyens de réussir ; mais les dotations de la PAC, notamment sur les aides directes et les dépenses de marché, sont insuffisantes. Pouvez-vous nous dire au retour du Conseil européen ce qu'il en est des négociations sur le budget de la PAC et si vos objectifs concernant le premier pilier seront tenus ?
La Conférence sur l'avenir de l'Europe est bienvenue. Il faudrait organiser une grande consultation citoyenne. Une partie de l'avenir de l'Union européenne se jouera en 2020 sur les questions de budget, de transition et sur le futur à inventer ; soyons au rendez-vous. (Applaudissements sur les travées des groupes UC et RDSE ; M. Jean Bizet, président de la commission, applaudit.)
M. Jean-François Longeot . - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le Conseil européen qui vient de se conclure parachève une année marquée par les incertitudes du Brexit. La France fait honneur à la citation de Victor Hugo : « L'Europe ne peut être tranquille tant que la France n'est pas contente. » Notre pays s'est singularisé cette année, notamment sur les règles de concurrence et sur l'élargissement qui ne peut être l'unique perspective de l'Union européenne. Ce Conseil n'a pas fait exception et je m'en félicite.
La précédente Commission avait vu son action marquée par de nombreuses crises à gérer ; nous revenons à un agenda plus positif avec l'objectif de neutralité carbone en 2050.
La solidarité accrue démontrera que l'Union se fera forcément dans la diversité. Il faut considérer l'effort de transition non comme un ensemble de mesures punitives à l'égard des pays de l'Est, mais comme un moyen de donner de vraies perspectives démocratiques justes, socialement acceptables et territorialement différenciées.
Le Green New Deal devrait permettre aux membres de l'Union de sortir des critères de convergence pour faciliter l'investissement, comme le suggère Paolo Gentiloni, commissaire européen à l'économie, et comme je l'avais proposé dans une proposition de résolution déposée le 10 septembre.
Je tiens à saluer la prise en compte d'un critère climatique dans les accords commerciaux et la décision de l'Europe de ne plus contracter d'accords commerciaux avec des puissances qui ne sont pas dans l'accord de Paris
Dans un second temps, Bruxelles, comme on l'appelle, ne saurait faire plus avec moins. Les arbitrages portent sur les anciennes politiques mais aussi les nouvelles. Attention, dans ce futur budget, à ne pas creuser les inégalités régionales entre capitales et zones périphériques si l'agriculture et la pêche sont oubliées.
L'Europe, en ne souhaitant plus se contenter de réagir aux crises mais voulant dorénavant tracer sa propre trajectoire, démontre que son histoire est celui d'un destin voulu. Si, suite aux élections européennes de mai dernier, certains voient un Parlement divisé et fragmenté, j'y vois un Parlement qui a démontré qu'il entendait assumer un rôle actif et ne pas jouer le rôle de chambre d'enregistrement. Le Parlement européen restant la seule institution européenne directement élue par nos concitoyens, j'accueille une telle position avec bienveillance.
Le Conseil souhaite repenser le processus des nominations au niveau européen. Il propose à ce titre d'organiser, dès février 2020, une réflexion sur le fonctionnement des institutions : c'est la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Madame la ministre, pouvez-vous nous éclairer sur le contenu de cette conférence ?
Certes les listes transversales sont intéressantes, mais est-ce par des débats institutionnels que l'on intéressera les citoyens ?
La réforme de la zone euro progresse, mais le Président de la République a raison : le compte n'y est pas. Les moyens fiscaux intégrés manquent. Certes le budget de convergence, impensable il y a encore quelques mois, est indispensable. Mais il faut un vrai budget de stabilisation.
Alors que l'Union a donné son feu vert à l'« Airbus des batteries » en autorisant sept États à subventionner à hauteur de 3,2 milliards d'euros le consortium de 17 entreprises qui s'est monté pour l'occasion, quelles sont les ambitions du Gouvernement en matière de politique européenne de concurrence suite au rejet malheureux, en février dernier, de la fusion entre le français Alstom et l'allemand Siemens ? (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, Les Indépendants et RDSE)
Mme Patricia Morhet-Richaud . - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) La réunion du Conseil européen était un rendez-vous important portant sur la transition énergétique et les négociations sur le budget.
La présidence finlandaise, dans ses propositions préalables à ce Conseil, voulait faire « souffler un vent de fraîcheur » ; mais la nouveauté résidait plutôt à Londres, avec la large victoire des conservateurs qui ouvre la voie au Brexit. Cela implique de retisser les liens rompus avec le Royaume-Uni. Cela prendra plus de temps que la période de transition prévue. Les Européens devront veiller à rester unis.
Sur le cadre financier pluriannuel, les conclusions sont laconiques, illustrant à quel point les positions des uns et des autres sont figées.
La proposition finlandaise, avec 50 milliards de moins, n'a pas permis de rapprocher les points de vue. On peut craindre que l'Union ne dispose pas d'un budget en 2021 à la hauteur de ses objectifs. Les baisses drastiques du fonds européen de défense et de la PAC sont inquiétantes.
Madame la ministre, peut-on espérer une évolution favorable d'ici à fin février ?
Sur la transition énergétique, la situation n'est pas si différente que celle du dernier Conseil de juin, même s'il ne reste plus qu'un État récalcitrant au lieu de quatre, très dépendant du charbon : la Pologne. Espérons que les discussions sur le Green Deal convaincront Varsovie de se joindre au reste de l'Union européenne.
Notre continent veut passer à la vitesse supérieure en matière climatique : il faut s'en féliciter. Dans les Alpes, nous voyons tout particulièrement l'impact du dérèglement climatique. Mais si la transition exige des efforts colossaux, elle doit être un levier de développement. Si elle est perçue comme punitive, elle ne pourra pas réussir. Elle réussira si nous pouvons en faire un levier de création d'emplois et de valeur ajoutée.
Dans le cadre de la grande transformation des politiques publiques, nous avons besoin d'une concurrence loyale et d'une cohérence entre préoccupations économiques et écologiques. Le mécanisme d'inclusion carbone aux frontières de l'Europe interdirait les délocalisations : il est indispensable de mettre rapidement en place cet outil.
Si un certain consensus semble s'imposer sur la direction à prendre, le travail sur les modalités pour l'atteindre ne fait que commencer.
Les États devront faire preuve de créativité et de pragmatisme. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, Les Indépendants, RDSE et LaREM)
M. Jean Bizet, président de la commission. - Très bien !
M. Jean-Yves Leconte . - Ce vote du 12 décembre est une immense tristesse : Boris Johnson n'a pas gagné la majorité des suffrages, mais il l'a obtenue au Parlement selon la tradition électorale britannique.
M. Jean Bizet, président de la commission. - C'est vrai !
M. Jean-Yves Leconte. - Et c'est irréversible. La méthode Schuman, qui consistait, rappelons-le, à constituer des solidarités de fait pour des réalisations concrètes, ne suffit plus puisque le Royaume-Uni a déchiré les liens qui l'unissaient à l'Union européenne. Il faut tourner la page du Brexit et rattraper le temps perdu à défaire au lieu de faire.
Deuxième enseignement, le compromis actuel est particulièrement fragile. Attention à l'Irlande, attention à ne pas être dépendant de la contribution britannique pour le cadre financier pluriannuel. Que ce soit pour les droits sociaux, les droits au séjour ou à l'activité, il faut entendre les inquiétudes des Européens établis au Royaume-Uni.
Ce Conseil est une grande nouvelle pour la transition énergétique, une mauvaise pour le cadre financier pluriannuel.
Saluons la neutralité carbone à l'échéance 2050, mais veillons à ce qu'elle intègre nos importations, qui comptent pour 50 % de nos émissions. Attention à des accords commerciaux de type CETA, car cette exigence doit être intégrée. Comment, madame la ministre ?
Le green deal mobilisera la finance privée aux côtés de la finance publique. Il n'y a pas d'économie durable sans finance durable. Les critères de Bâle III devront évoluer vers un « Bâle vert ». Les actifs des banques devront être pondérés en fonction de leurs actifs durables.
Nous parlons de milliers de milliards d'euros. Que financer alors ? Nous avons bataillé pour intégrer le nucléaire. En même temps, le Gouvernement fait de mauvais choix en renonçant à Astrid ! Nous devons revoir notre politique de concurrence et les décisions du Gouvernement à cet égard sont inquiétantes.
Le cadre financier pluriannuel n'est pas un bon point. Sur le plan budgétaire, le conseil est une déception : pas de nouvelles du fonds européen de défense, ni du budget de la zone euro. L'Italie et le Portugal ont critiqué la proposition finlandaise. Problème plus essentiel encore, la faiblesse des ressources propres. La zone euro devrait travailler à dégager des contributions propres pour le cadre financier et budgétaire qui commencera en 2027.
Si nous n'arrivons pas à transformer notre communauté de destin en communauté de dessein, comme le disait Edgar Morin, le Brexit n'est que le commencement de l'histoire. L'euro exige des politiques budgétaires et fiscales plus intégrées qu'aujourd'hui. Il faudra plus de contrôle démocratique. La coexistence de plusieurs espaces - la zone euro, Schengen, l'Union européenne - est illisible.
Les politiques de l'Union européenne doivent être comprises et contrôlées par les citoyens. Pour cela, une idée : les parlements nationaux doivent être davantage associés puisqu'ils ont la compétence budgétaire pour avancer. Ils devront être inclus dans la Conférence sur l'avenir de l'Union européenne.
Il est possible de faire des listes transnationales au moins pour les citoyens européens établis hors de l'Union européenne.
Je salue le travail accompli par la présidence finlandaise. Le contrôle par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) des dispositions européennes est indispensable, notamment pour les règlements sur l'asile. Revoir le règlement de Dublin nécessite d'avancer sur des règles communes d'asile.
Le sommet en format Normandie avec la Russie a été décevant. La relation entre l'Union européenne et la Russie est une nécessité mais elle ne doit pas nous faire renoncer à la fermeté.
Enfin, madame la ministre, je vous enjoins de travailler sur la mobilité européenne qui a permis à de nombreux Européens de trouver un emploi après la crise de 2008.
Le Gouvernement parle d'un régime universel de protection sociale mais les Français ne l'auront jamais, avec la mobilité croissante à l'étranger. En revanche, il faut plus d'interopérabilité entre les systèmes de protection sociale européens. J'avais écrit au haut-commissaire sur ce sujet, en vain.
M. le président. - Il faut conclure.
M. Jean-Yves Leconte. - Bonne chance à la Croatie pour sa première présidence de l'Union européenne. (M. Jean Bizet, président de la commission, et Mme Michèle Vullien applaudissent.)
Mme Pascale Gruny . - (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et RDSE) L'élection de Boris Johnson met fin aux incertitudes sur le Brexit. Le rapport de forces est ainsi rééquilibré. Raison de plus de rester unis pour les Européens.
La nouvelle relation avec Londres devra être la plus étroite possible, mais surtout éviter toute concurrence déloyale. Je fais confiance à Michel Barnier pour s'en assurer et aboutir à un résultat juste et équitable.
Les dirigeants de l'Union européenne ont invité Charles Michel à faire avancer les négociations. Mais il ne sera pas évident de conclure les négociations en 2020, puisque l'unanimité est requise.
Notre assemblée a réitéré à plusieurs reprises l'exigence de préserver l'enveloppe budgétaire de la PAC, stratégique pour le revenu des agriculteurs, la souveraineté alimentaire et la transition énergétique. Il faut supprimer les rabais. Si nous ne saisissons pas l'occasion du Brexit pour le faire, nous ne le ferons jamais ! Faisons des fonds européens des leviers utiles grâce à la conditionnalité.
Le Portugal a souhaité marquer son désaccord avec les futures coupes dans le budget de la politique de cohésion après 2020. Le budget de la zone euro voulu par le Président de la République a décidément du plomb dans l'aile. Le faible montant de ce budget - soit 17 milliards d'euros sur sept ans - ne révolutionnera pas l'économie européenne. Mais le manque de durabilité des finances publiques françaises, alors que partout ailleurs en Europe les comptes publics se rétablissent, empêche la France d'être leader sur ce sujet.
Début décembre, les ministres n'ont toujours pas réussi à se mettre d'accord sur la mise en place du système européen de garantie des dépôts bancaires. C'est pourtant indispensable pour que l'euro puisse prendre toute sa dimension dans les échanges internationaux face au dollar.
Enfin, le projet de Conférence sur l'avenir de l'Europe réunira citoyens et institutions entre 2020 et 2022 pour repenser les traités. Très bien, mais n'oublions pas les territoires et associons les élus de terrain à la réflexion, à l'heure où nos concitoyens ne se sont jamais sentis aussi éloignés du projet européen.
La Conférence abordera la question des listes transnationales, véritable non-sens démocratique ou hors-sol.
L'élu doit rendre des comptes à ses électeurs, encore faut-il qu'ils le connaissent !
Un dernier mot, en ce temps de sainte Barbe, sur la directive européenne sur le temps de travail qui menace le statut des sapeurs-pompiers volontaires. Seule solution, une directive européenne sur l'engagement bénévole. Les propositions du Gouvernement sont insuffisantes. Il convient de rassurer nos sapeurs-pompiers, dont l'engagement quotidien est exemplaire. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État . - Le Gouvernement travaille de manière positive avec la Commission européenne pour s'assurer que le lien de subordination que certains voudraient voir entre les pompiers volontaires et les services départementaux d'incendie et de secours ne soit pas reconnu. La Commission semble comprendre la spécificité du modèle français. Nous devons encore obtenir une formalisation mais les signaux sont bons.
Monsieur Raynal, la France n'a pas d'objectif totémique en matière de budget européen. Faut-il commencer par fixer un pourcentage, à un ou deux chiffres après la virgule, de l'unité magique ? Un budget est d'abord la concrétisation en chiffres d'ambitions politiques. Il faut donc commencer, dit le Président de la République, par clarifier nos vraies ambitions communes, à l'aune desquelles nous jugerons le volume et la qualité du budget à y consacrer. Si les 10 milliards d'euros en plus pour la PAC sont réorientés vers le premier pilier, nous nous en féliciterons. (M. Jean Bizet, président de la commission, l'admet.)
Quels sont les liens entre le CFP et le mécanisme de transition juste ? Celui-ci oriente les financements vers les régions les plus désavantagées. Monsieur Laurent, les deux sont complémentaires mais pas superposables.
Le lien entre le budget de la zone euro et le CFP reste formel. Il faut que l'architecture du budget de la zone euro reste ouverte. Les ressources propres qui pourront être identifiées doivent pouvoir y être branchées en cours de route.
Il faut bien sûr aller vite pour conclure l'accord futur avec le Royaume-Uni mais nous ne sacrifierons pas les intérêts de l'Union européenne.
L'idée d'un consensus sur l'objectif de neutralité carbone est essentielle.
Madame Mélot, la Pologne n'a pas bénéficié d'un opt-out. Il fallait une ambition haute et non un plus petit dénominateur commun. La Pologne ne remet pas en cause l'objectif au niveau européen, mais se réserve de demander des aménagements dans la mise en oeuvre au niveau national. Ce n'est pas la même chose qu'un opt-out, même si elle pourrait en demander un.
L'amendement de Christophe Grudler adopté par le Parlement européen est intéressant : il pourrait réunir le Parlement et le Conseil sur une position équilibrée sur le nucléaire.
Le mécanisme d'inclusion carbone n'est pas une mesure protectionniste. Il n'y aura pas de tarif prédéfini pour une barre d'acier venue de Chine, par exemple. Il s'agit d'un ajustement pour inclure dans le prix du bien le carbone qui a été nécessaire pour le produire, en retranchant le tarif payé sur le marché local du carbone - la moitié des provinces chinoises en ont un.
C'est une norme compréhensible, transparente, cohérente, ajustée et non arbitraire. Ajustée car en cas de baisse du prix de carbone européen par exemple, le prix du bien importé le reflétera.
Notre objectif reste une taxe numérique appliquée en Europe. S'il n'y a pas d'accord à l'OCDE, nous reviendrons à l'échelle européenne, comme Bruno Le Maire l'a dit ici même. Je rappelle que 24 pays de l'Union européenne sont favorables à cette taxe, pas forcément au même taux, mais le mouvement est lancé.
Une partie de l'accord trouvé à Biarritz entre Donald Trump et le Président de la République est remise en cause par certains ; nous veillerons à ce qu'il soit maintenu.
Monsieur Gattolin, c'est Charles Michel - qui travaille dans le bâtiment Europa, et non au Berlaymont - ...
M. André Gattolin. - Je connais...
Mme Amélie de Montchalin, secrétaire d'État. - ...qui chantera l'Ode à la joie si un accord est trouvé sur le CFP...
Nous avons des taux négatifs, un défi climatique, une épargne surabondante que nous exportons vers les bons du trésor américain ou les obligations chinoises, au lieu de l'investir dans notre économie et nos projets. Il est certain, monsieur Laurent, que si notre horizon de pensée et de politique économiques pour le futur se borne à la règle des 3 %, alors notre avenir ne s'annonce pas très reluisant.
Monsieur Laurent, la COP25 n'a pas été productive ; d'où la nécessité d'un objectif de neutralité carbone, afin que nous progressions, unis et forts, à la prochaine COP qui sera autrement plus stratégique, puisqu'elle procèdera à la révision de nos contributions nationales. Je rappelle que notre objectif est de baisser le niveau de nos émissions, au niveau européen, de 50 % à 55 %, entre 1990 et 2030.
La Banque européenne d'investissement (BEI) offre des prêts à des projets, le fonds de transition juste s'intéresse aux territoires : l'approche est différente.
Concernant le rail, le Pacte vert définit comme une priorité de déporter vers le rail et les voies navigables une partie substantielle des 75 % du fret intérieur qui passent par la route. Sur ce point, il y a une incohérence avec la politique de concurrence et la politique industrielle.
Le port de Hambourg, qui veut devenir neutre en carbone, développe un projet innovant de passage des conteneurs sur rail. C'est à explorer.
Je n'ai aucune opposition à la transparence que vous appelez de vos voeux, monsieur Laurent, sur les aides du fonds de transition juste.
Quant à l'OTAN, nous essayons de reconstruire une cohérence géostratégique. Le Président de la République l'a dit, notre premier ennemi est le terrorisme. La Russie peut être une menace, comme dans le Donbass, mais c'est aussi un partenaire et un voisin.
Les suites du sommet de l'OTAN ont été discutées. Nous voulons créer une industrie de défense partagée au niveau européen ; tout en créant un pilier européen au sein de l'OTAN : pas d'incohérence, mais une exigence.
Nous avons demandé des clarifications à la Turquie sur son accord avec la Libye.
La France et l'Allemagne ont fait des propositions fortes sur la démocratie européenne et la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Nous n'allons pas contraindre la réflexion dès le départ.
Madame Mélot, nous comptons bien réorienter la PAC vers le premier pilier. La PAC n'est pas en diminution, comme le pense M. Longeot. Il y avait un risque mais il s'est éloigné. C'est bien parce qu'il y a des inégalités territoriales, des tensions, que nous avons consacré la catégorie des régions en transition, ni grandes métropoles ni régions ultrapériphériques.
Sur les batteries, sept pays ont mis en commun 3,2 milliards d'euros d'argent public, avec 17 entreprises. Il faut un cadre pour ce genre d'initiatives.
Madame Morhet-Richaud, créativité et pragmatisme, telle est bien notre méthode, qui consiste à être souples sur les moyens, fermes dans nos objectifs.
Monsieur Leconte, nous construisons un budget à 27 ; les Britanniques ne pourront y contribuer que marginalement.
Sur le climat, nous cherchons à réduire la déforestation importée.
La présidence française du Conseil de l'Europe a travaillé en rapprochement des jurisprudences de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) et de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE).
L'interopérabilité des systèmes de protection sociale est pour notre Gouvernement une priorité.
Je crois avoir répondu à vos questions ; bien sûr, nous poursuivrons ce dialogue, peut-être sous la forme de questions-réponses un peu plus dynamiques, comme je l'ai proposé au président Bizet. Il est important de rendre compte à nos concitoyens de ce qui se passe dans les couloirs de Bruxelles, qui est souvent plus simple qu'il n'y paraît.
Nous nous retrouverons donc bientôt pour travailler ensemble à la solidarité et à la souveraineté européennes et partager la même ambition pour l'Europe. (Applaudissements des travées du groupe LaREM à celles du groupe Les Républicains)
M. Jean Bizet, président de la commission . - Merci, madame la ministre, pour la qualité de nos échanges et pour votre honnêteté intellectuelle.
Concernant la politique commerciale de l'Union européenne face à la paralysie causée par les États-Unis sur l'instance d'appel de l'organe de règlement des différends de l'OMC, l'approche proportionnée aux dommages causés est une bonne chose. Nous n'avons pas été assez sensibles à la critique américaine estimant que les juges de l'organe sont parfois allés au-delà de leurs attributions.
Nous n'avons pas abordé l'approfondissement des relations avec l'Afrique. M. Juncker avait évoqué un plan Marshall pour ce continent, livré aux investissements chinois, voire russes. Or ni la Chine ni la Russie n'ont la culture de l'Afrique, que nous, Européens, avons en partage. Il faudra y être attentifs, sous peine de connaître des vagues migratoires sans commune mesure avec celles qui ont précédé.
Une nouvelle relation s'annonce avec le Royaume-Uni. Il n'est pas raisonnable de croire pouvoir négocier un accord de libre-échange avec le Royaume-Uni en onze mois. Un accord mixte aurait ma préférence, car il serait plus démocratique, mais un accord simple paraît plus réaliste. La Commission devra dans ce cas associer les parlements nationaux et les peuples.
Sur la pêche, sur le ciel européen, sur la défense, des questions sensibles appellent notre vigilance. Nous avons le privilège de la puissance, mais ne faisons pas preuve de l'arrogance souvent reprochée à Bruxelles.
Le Sénat commence à réfléchir à sa contribution à la Conférence sur l'avenir de l'Europe. Le groupe de suivi sur le Brexit et l'avenir de l'Europe y travaille. Il faudra revisiter le paquet Tusk et remettre sur le tapis le socle européen des droits sociaux, ce qui correspond au sens de l'histoire. Nous attendons depuis longtemps la lettre de confort que le ministre de l'Intérieur nous promet.
Pour conclure sur les sapeurs-pompiers volontaires, je l'ai dit souvent au sein des Conférences des organes spécialisés dans les affaires communautaires (Cosac), il faudrait commencer à écrire une directive sur l'engagement citoyen.
Merci à tous. (Applaudissements sur la plupart des travées)
Prochaine séance, mardi 7 janvier 2020, à 14 h 30.
La séance est levée à 23 h 35.
Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,
Jean-Luc Blouet
Chef de publication