Questions d'actualité
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous prie d'excuser l'absence du président Larcher, en déplacement dans les Hauts-de-France.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun à observer au cours de nos échanges l'une des valeurs essentielles du Sénat, le respect, qu'il s'agisse du respect des uns et des autres ou de celui du temps de parole.
Crise dans le Golfe
M. Jean-Marie Bockel . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Les attaques du 13 juin dernier dans le détroit d'Ormuz symbolisent la montée des périls dans la région du Golfe. Nous avons tous à l'esprit des images de navires en flammes. Sur fond de remise en cause du traité nucléaire, les tensions entre Washington et Téhéran et leurs alliés respectifs s'accroissent. Déjà, on parle de risque de guerre ; les hostilités peuvent se déclencher à la moindre étincelle. L'attitude de la France, parce qu'elle a la capacité de dialoguer avec tous les acteurs de la région, parce qu'elle est membre du conseil permanent de l'ONU, est scrutée. Quelles initiatives compte-t-elle prendre pour éviter le déclenchement d'un conflit ?
Notre implication dans la région du Golfe ne saurait se limiter à notre seul engagement diplomatique. Nos accords avec l'Arabie Saoudite nous relient à la « sale guerre » menée au Yémen, pour reprendre l'expression de Jean-Yves Le Drian. Si nos ventes d'armes respectent les articles 6 et 7 du traité sur le commerce des armes, elles n'en font pas moins débat. À l'heure où se tient le salon du Bourget qui fait notre fierté, y compris en matière d'armement, quelle est donc notre action en faveur du cessez-le-feu et de la sortie de ce conflit effroyable ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; M. Alain Richard applaudit également.)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Préserver l'accord nucléaire conclu avec l'Iran en 2015 est dans l'intérêt de la sécurité de la France, de l'Europe et du monde. Aussi, en dépit du retrait des États-Unis depuis un an, cette conviction guide notre action. Toute la lumière doit être faite sur les derniers incidents impliquant des pétroliers en mer d'Oman. Tout doit être fait pour éviter une escalade non maîtrisée, c'est ce que le président de la République a rappelé au président des États-Unis lors des commémorations du Débarquement. L'Iran doit respecter ses obligations, qui sont contrôlées par l'AIEA, et pouvoir bénéficier de l'accord de Vienne. Toutes les parties doivent rechercher la voie d'une désescalade par des gestes discrets et modestes.
Oui, le peuple yéménite vit une terrible crise humanitaire, ce conflit n'a que trop duré. Les pourparlers qui se sont tenus en décembre en Suède sous l'égide des Nations unies ont ouvert, pour la première fois depuis des années, une perspective de paix. Leurs résultats ont été endossés par le Conseil de sécurité qui a déployé une mission d'observation à Hodeïda. Dans cette ville, la trêve est relativement respectée. La France s'emploie à faire aboutir ces efforts de paix auprès du gouvernement yéménite comme des houthis. Dans cette crise, nous parlons à tous les acteurs sans exclusive et sans naïveté, compte tenu des responsabilités internationales qui sont les nôtres. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Jean-Marie Bockel. - Nous avons le sentiment, que ce soit à l'assemblée parlementaire de l'OTAN ou à entendre l'ambassadeur d'Arabie saoudite que nous avons reçu avec le président Larcher, que la situation est extrêmement dangereuse. Il faut agir ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; MM. Jean-Noël Guérini et Gérard Longuet applaudissent également.)
Catastrophe climatique du 5 juin (I)
M. Bernard Buis . - Monsieur le ministre de l'agriculture, le 5 juin s'est abattue sur le nord de la Drôme une tempête de grêle, de vent et de pluie d'une violence inédite. En l'espace de quelques minutes, un secteur allant jusqu'à l'Isère en passant par la Savoie a été dévasté. Abricotiers, noyers, serres, toitures, voitures, écoles, bâtiments publics et monuments historiques, rien n'a été épargné ; une personne a perdu la vie en Haute-Savoie. Le bilan aurait pu être pire : l'école de Châtillon-Saint-Jean a été détruite et l'on frémit à imaginer ce qui aurait pu se passer si la tempête avait eu lieu un jour scolaire. Je salue l'engagement des sapeurs-pompiers, policiers, gendarmes et personnel municipal qui sont intervenus pour prendre en charge les situations les plus graves. Monsieur le ministre, merci d'avoir relayé aux services de secours le message de gratitude du président de la République. (On ironise sur les bancs du groupe Les Républicains.) Didier Rambaud, de l'Isère, et mes collègues drômois y ont été très sensibles.
Le temps est venu de panser les plaies et vous avez commencé à le faire.
M. Gérard Longuet. - La question !
M. Marc-Philippe Daubresse. - Il fait la question et la réponse à la fois !
M. Bernard Buis. - (Un brouhaha couvre la voix de l'orateur.) Est-ce que l'état de catastrophe naturelle sera reconnu pour ces communes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - J'envoie un message de soutien et d'empathie aux victimes, agriculteurs mais aussi villageois privés de leur école. Heureusement, la solidarité rurale a vite joué. Ardèche, Drôme, Isère, Savoie et Haute-Savoie, puis Haute-Garonne ont été touchées par ces aléas climatiques. Chacun s'est mobilisé : président de la région, présidente du département, maire de Romans, qui a vu sa commune dévastée.
Nous aiderons les agriculteurs à se relever et les villages à se reconstruire avec un état des lieux le plus clair et le plus simple possible. Ce travail se fait évidemment en lien avec les compagnies d'assurances. Il faut faire des déclarations. Dans certains villages, 80 % des toits sont éventrés.
Je salue les sapeurs-pompiers et les services de sécurité qui ont travaillé tout le week-end. Nous pouvons être fiers d'eux.
Nous prendrons les mesures habituelles en cas de catastrophe naturelle pour que les agriculteurs se relèvent. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et RDSE ; M. Pierre Louault applaudit également.)
Indemnisation des calamités agricoles
M. Yvon Collin . - Cela vient d'être dit, le week-end dernier, l'Auvergne-Rhône-Alpes a été frappé par de violentes intempéries. Cela a été le cas aussi hier à Toulouse avec des pluies d'une force rare qui ont causé des dégâts évalués à des dizaines de millions d'euros.
Une fois de plus, les agriculteurs sont les premiers à en souffrir. Les récoltes de noix, cerises, abricots et pêches sont compromises, voire anéanties. La viticulture est durement touchée.
La survenue de ces épisodes violents va s'accroître selon le dernier rapport du GIEC. L'avenir s'annonce bien sombre pour les agriculteurs dont les investissements de toute une année sont ruinés en un instant.
Monsieur le ministre, vous avez fait des annonces sur la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle et de calamités agricoles qui déclenchera l'indemnisation au titre de l'assurance mais nous savons que de nombreux agriculteurs n'ont pas l'assise financière pour se protéger contre la grêle. N'est-il pas temps de bâtir un nouveau type de système assurantiel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Jean-Paul Émorine. - Oui !
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Les aléas climatiques seront de plus en plus fréquents. Si ce n'est pas la grêle, c'est la sécheresse ; si ce n'est pas la sécheresse, ce sont les inondations et j'ai une pensée pour l'Aude.
Le ministre de l'Intérieur annoncera demain les communes classées en état de catastrophe naturelle. De mémoire, il y en a entre 20 et 25. Nous ne pouvons pas continuer avec les mêmes solutions que depuis dix ans. (MM. Yvon Collin, André Gattolin et Jean-Paul Émorine approuvent.) Ce n'est pas à la hauteur de la situation. (M. Yvon Collin applaudit.)
J'ai proposé aux différents acteurs de travailler sur une assurance récolte. Certaines calamités comme la grêle sur verger ne sont actuellement pas assurables. Il faut une assurance récolte obligatoire ou, en tout cas, généralisée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE et sur quelques bancs des groupes SOCR, UC et Les Républicains)
M. Jean-Paul Émorine. - Très bien !
Référendum d'initiative partagée sur ADP (I)
M. Pierre Laurent . - Depuis tout juste une semaine, la procédure de recueil de signatures en faveur d'un référendum sur la privatisation d'ADP a été lancée.
C'est une première ; une expérience démocratique inédite. La question est : la plus grande plateforme aéroportuaire de France restera-t-elle publique ou sera-t-elle livrée à des actionnaires, comme les autoroutes ?
Or côté Gouvernement, c'est le silence radio : ouverture du site le 13 juin en catimini, aucune allusion dans les discours de politique générale du Premier ministre, aucun compte rendu de la rencontre au ministère de l'Intérieur avec les parlementaires qui ont lancé la démarche.
Vous avez du mal à digérer l'affaire mais il faudra vous y faire ! Pas de compteur officiel mais une association en a créé un, qui affiche 235 832 signatures ce matin déjà. Il faudra y ajouter les nouveaux inscrits.
Comment élargir la communication auprès du grand public ? (On ironise sur les bancs du groupe Les Républicains.) Quand mettrez-vous en place le comité de suivi ? Quels outils de communication mettrez-vous à disposition des maires pour impliquer les citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE, ainsi que sur quelques bancs du groupe SOCR)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Évidemment, il faut que l'outil de recueil des plus de 4 millions de signatures soit le plus opérationnel possible. Si nous avons connu quelques bugs, en particulier dans la nuit et encore, il suffisait de rafraîchir la page, c'est désormais fini.
Il n'y a aucune volonté de compliquer les choses. La démarche est encadrée d'un point de vue légal. Nous devons vérifier l'identité des signataires, éviter une dénaturation de l'exercice par l'intervention de robots.
Comme je l'ai dit lors de la rencontre au ministère, nous avons mis en place des tutoriels et des liens entre les sites de l'Intérieur et du Conseil constitutionnel. Dès qu'il y aura des signalements de dysfonctionnements, nous y remédierons.
La loi n'autorise pas de campagne officielle ni de financement des partis qui participent à cette campagne. Mais chaque maire qui sollicite un « agrément » pourra l'obtenir et sera accompagné.
L'Intérieur, qui travaille sous le contrôle du Conseil constitutionnel, n'a qu'un but : que l'outil permette à chacun de s'exprimer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Référendum d'initiative partagée pour ADP (II)
M. Patrick Kanner . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Pas moins de 235 000 citoyens ont signé pour demander un référendum contre la privatisation d'ADP. En trois jours sur neuf mois, nous en sommes à 5 % du total requis que beaucoup, y compris le président de la République, estiment difficile à atteindre. Ces chiffres confirment l'envie des Français de participer à la vie politique.
Un grand nombre d'entre eux nous interpellent. Ils ne réussissent pas à signer sur la plateforme pour des raisons techniques. Lors de la rencontre au ministère de l'intérieur, nous avons posé 21 questions et attendons encore des réponses écrites. Envisagez-vous la refonte globale de la plateforme si peu ergonomique en regard du site du grand débat ? Quand le comité de suivi sera-t-il mis en place ? Quand et à quel rythme y aura-t-il une communication sur le nombre de signatures ?
Le référendum d'initiative partagée est de valeur constitutionnelle, il incombe au Gouvernement de le mettre en oeuvre dans les meilleures conditions possible. Ce n'est pas le cas pour l'instant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Vous m'interrogez sur la procédure prévue à l'article 11 de la Constitution, le référendum d'initiative partagée, qui consiste à recueillir le soutien de ceux de nos concitoyens qui souhaiteraient faire en sorte que la proposition de loi qui a été préparée par les parlementaires, issus des bancs des deux assemblées, puisse être discutée au Parlement ; à défaut de quoi, et seulement à défaut de quoi, être soumise à référendum.
M. Castaner a donné des éléments de réponse aux représentants des groupes parlementaires et a répondu à leurs questions. Vous souhaitez que des réponses écrites vous soient transmises. Elles le seront prochainement.
Le président du Conseil constitutionnel communiquera sur ce sujet au début du mois de juillet. C'est cette autorité à laquelle il appartient de trancher un certain nombre de questions. Le Gouvernement, quant à lui, entend respecter scrupuleusement la procédure et procéder loyalement et légalement au recueil des signatures sous son contrôle. Le Gouvernement, personne d'ailleurs, ne peut barguigner avec un droit constitutionnel.
Le recueil des soutiens est numérique mais aussi, et cela ne vous a sans doute pas échappé, physique dans les mairies. Chaque maire pourra, s'il le souhaite, l'organiser ; et pas seulement ceux des communes les plus peuplées comme cela est initialement prévu.
Quant au nombre de gens qui se seront exprimés, c'est au Conseil constitutionnel de dire s'il veut un affichage continu ou progressif. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Patrick Kanner. - Le temps du Minitel est révolu. On a consacré 12 millions d'euros au grand débat et à l'excellent site informatique qui en donnait les résultats au fil de l'eau.
« La souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum. » C'est l'article 3 de la Constitution ! Le peuple est souverain. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Sébastien Meurant applaudit également.)
Lancement de Libra par Facebook
Mme Colette Mélot . - Le monde a besoin d'une devise numérique mondiale stable, à faible inflation, acceptée partout dans le monde est fongible : c'est ainsi que Facebook présente sa nouvelle monnaie pour payer des services en ligne mais aussi son loyer ou un café. Ce projet de crypto-monnaie, prévu pour 2020, a de quoi nous interroger fortement dix ans après le bitcoin.
La supervision du système est confiée à une association localisée en Suisse, Calibra. Comment croire que les données financières seront bien séparées des données sociales alors que les fuites et les mauvais usages de données sont déjà récurrents ?
Les Gafam s'intéressent à tous les secteurs : la banque mais aussi les transports, la santé, l'assurance, l'urbanisme... Google gérera bientôt une ville dans la métropole de Toronto et se propose de régler la crise du logement de San Francisco.
Face à un risque de remise en cause de l'État, comment protéger les Français ? Ce combat sera-t-il mené au niveau européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances . - Facebook a annoncé la création d'une monnaie digitale. Facebook est libre de créer un instrument de transaction, mais seuls les États ont la légitimité de créer des monnaies souveraines. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE ; Mmes Sophie Joissains, Évelyne Perrot et Fabienne Keller applaudissent également.)
J'ai donc demandé aux gouverneurs des banques centrales du G7 de remettre un rapport à l'occasion du G7 Finances mi-juillet sur les garanties qui devront entourer la mise en place de cet instrument, afin qu'il ne puisse financer le terrorisme ni le blanchiment d'argent et que les consommateurs soient protégés. C'est sur la base de leurs propositions que nous prendrons les décisions nécessaires.
Cet instrument permettra à Facebook d'accumuler des millions de données qui pourront être monétisées. Cela ne fait qu'accroître notre détermination à réguler les géants du numérique et à leur imposer une juste taxation, comme celle qui pèse sur l'ensemble des entreprises européennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE)
Catastrophe climatique du 5 juin (II)
M. Gilbert Bouchet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) « Du jamais vu » : voilà ce qu'ont dit les agriculteurs devant les dégâts provoqués par la grêle dans la Drôme. J'associe l'Ardèche, l'Isère, la Savoie et la Haute-Savoie, qui n'ont pas eu l'honneur d'une visite ministérielle mais ont aussi été touchées. Toute une économie est mise à mal. Sans solidarité nationale, agriculteurs et viticulteurs mettront la clé sous la porte.
L'État va déclarer ces départements en situation de catastrophe naturelle, c'est indispensable mais insuffisant pour ceux qui ont tout perdu. L'état de catastrophe naturelle n'a de sens que pour les agriculteurs assurés, or tous ne le sont pas, vu le coût prohibitif des primes, et l'état de calamité agricole exclut d'indemnisation de nombreuses situations.
Si l'État n'accompagne pas les agriculteurs au cas par cas, les faillites seront inévitables. Qu'allez-vous faire de concret ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - En deux jours, j'ai visité deux départements sur cinq. On peut toujours polémiquer, mais j'étais sur le terrain dès le week-end avec les organisations agricoles.
Avec la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, l'assurance couvre les bâtiments éventrés ; la question se pose pour les récoltes. Je vais réunir les acteurs pour lancer, à partir d'une feuille blanche, une réflexion sur la mise en place d'une assurance récolte accessible. Les agriculteurs veulent vivre de leur travail mais il faut anticiper de nouveaux aléas climatiques, sans quoi c'en sera fini de notre agriculture et de notre souveraineté alimentaire. Leur aire de travail, c'est le ciel et la terre : c'est plus dur à assurer qu'un bâtiment !
J'ai vu des agriculteurs motivés, prêts à repartir alors qu'ils avaient tout perdu. Mais il leur manque des outils. J'appelle donc tout le monde agricole, tous les parlementaires à travailler à ce projet. Et je remercie les collectivités territoriales pour leur solidarité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et RDSE, ainsi que sur quelques bancs du groupe UC ; M. Jean-Paul Émorine applaudit également.)
M. Gilbert Bouchet. - Cela urge ! Il faudra indemniser largement. D'autant que certains bâtiments sont amiantés, ce qui alourdit la facture. Vu la multiplication des phénomènes climatiques extrêmes, nous devons réfléchir ensemble à la refonte totale du système assurantiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Situation de M. Carlos Ghosn
M. Olivier Cadic . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Monsieur le ministre des Affaires étrangères, vous accompagnerez le président de la République au G20 présidé par le Japon. L'avenir de l'alliance Renault-Nissan y sera sûrement abordé.
Dans ce contexte, comment ne pas aborder le sort de notre compatriote Carlos Ghosn, ex-PDG du groupe, qui a redressé Renault, sauvé Nissan et Mitsubishi ? Si nous ne pouvons apprécier la gravité des accusations portées à son encontre, nous constatons que le Japon agit en violation de ses propres engagements internationaux.
Que comptez-vous faire pour que les droits de la défense de Carlos Ghosn soient respectés, notamment celui d'avoir accès à son dossier, et ses conditions de vie améliorées ?
Les récentes procédures judiciaires conduites au États-Unis contre des cadres de sociétés françaises montrent que la dimension juridique peut devenir une arme de guerre économique.
Que comptez-vous faire pour défendre nos entrepreneurs pris dans les griffes d'une justice de l'otage, pour reprendre les mots des défenseurs des droits de l'homme et de l'ONU ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Il ne nous appartient pas de commenter la procédure judiciaire japonaise. Le ministère de l'Europe et des affaires étrangères apporte son soutien à Carlos Ghosn au titre de la protection consulaire. Nous nous assurons des conditions de détention et du respect des lois locales. Notre ambassade est en lien constant avec sa famille et ses avocats.
Nous devons respecter tout autant l'indépendance de la justice japonaise que la présomption d'innocence. Le président de la République a rappelé ces principes à Shinzo Abe lors de sa visite à Paris le 23 avril dernier. Nous mettons tout en oeuvre pour apporter assistance à Carlos Ghosn, dans le respect de la justice japonaise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM ; mouvements sur les bancs du groupe Les Républicains)
École inclusive
M. Martin Lévrier . - (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM) La semaine dernière, Mme Cluzel s'est rendue à Garges-lès-Gonesse pour présenter les mesures déployées, dès la rentrée prochaine, pour une école pleinement inclusive. Par la proximité, la simplification des démarches et la personnalisation de l'accompagnement, l'école inclusive sort de l'exclusion les enfants en situation de handicap.
Vous avez aussi inauguré une unité d'enseignement élémentaire pour élèves autistes à Albi. La stratégie nationale pour l'autisme 2018-2022 prévoit une quarantaine d'unités de ce type d'ici 2022. Le plan Autisme, doté de 344 millions d'euros, prévoit 180 unités supplémentaires en maternelle, dont trente à la rentrée, en plus des 112 existantes, et dix à l'école l'élémentaire, qui s'ajoutent aux six actuelles.
Le Premier ministre a mis en avant les progrès réalisés mais aussi le chemin à parcourir. Comment rassurer les parents démunis, fatigués et souvent seuls ? Comment le volet médico-social du service public de l'école inclusive améliorera-t-il la scolarisation des élèves en situation de handicap ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées . - La scolarisation de tous les enfants de la République est un sujet essentiel.
Nous sommes engagés avec Jean-Michel Blanquer pour renouer la confiance avec les familles et s'appuyer sur leur expertise. Confiance, simplification et proximité sont nos maîtres mots. Dans chaque académie, une cellule réponse est en place pour rompre l'isolement des familles. Elles n'auront plus à réitérer les démarches tous les ans, l'allocation pour enfant handicapé pourra être perçue jusqu'aux 20 ans de l'enfant. Nous simplifions les projets personnalisés qui seront l'outil de pilotage de cette scolarisation et articulons la prise en charge médico-sociale à l'école.
À Albi, des parents nous ont dit qu'enfin, leur enfant étant scolarisé toute la semaine dans la même école, ils pourraient reprendre le travail.
Nous allons accélérer le déploiement des unités d'enseignement car la juste réponse repose sur la complémentarité entre l'expertise de l'Éducation nationale, des parents et du médico-social. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Françoise Gatel applaudit également.)
Réforme de l'assurance chômage
Mme Sophie Taillé-Polian . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La ministre du travail a annoncé mardi les mesures terribles contre les chômeurs. Le Gouvernement n'a qu'une obsession : baisser la dépense publique. Pour ce faire, quoi de plus simple que de sabrer dans les dépenses sociales, l'assurance chômage aujourd'hui, demain les retraites ?
Moi, je vous parlerai des gens. Seuls 50 % des chômeurs inscrits à Pôle Emploi sont indemnisés, la moitié touche moins de 1 000 euros par mois, 40 % vivent sous le seuil de pauvreté. Et je ne parle pas des chômeurs qui ne sont pas inscrits à Pôle Emploi...
Pour habiller votre discours comptable, vous culpabilisez et précarisez. Comme si les chômeurs étaient responsables !
Le maigre bonus-malus sur les contrats courts ne fait pas le poids : 300 à 400 millions d'euros seront payés par les entreprises qui abusent, 3 à 4 milliards par les précaires qui subissent. Belle justice sociale !
Comment comptez-vous aider les départements à absorber la dépense sociale qui va mécaniquement se reporter sur eux ? Comment croire que 1 000 agents de plus à Pôle Emploi d'ici à 2022 pourront suffire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE ; M. Joël Labbé applaudit également.)
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Veuillez excuser Mme Pénicaud, en déplacement à Villeurbanne.
Cette réforme n'est pas une réforme comptable. Elle vise à lutter contre la précarité au travail. Impossible de louer un appartement ou de s'engager auprès d'une banque avec un contrat de travail de un, deux ou trois mois. Or la majorité des contrats signés actuellement ont une durée de moins d'un mois ; cela concerne sept personnes sur dix.
Nous défendons la stabilité de l'emploi en faisant porter des contraintes sur les employeurs les moins vertueux : ceux qui emploient le plus de précaires doivent payer le prix de leur irresponsabilité via l'assurance chômage. Nous voulons que le travail paie toujours plus que l'inactivité. Il est aberrant de gagner plus au chômage qu'en travaillant. (Exclamations à gauche)
Les embauches à Pôle Emploi visent à prendre en charge très rapidement les chômeurs et à les accompagner vers le retour à l'emploi. L'objectif est bien que les Français retrouvent du travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Sophie Taillé-Polian. - La précarité, vous l'organisez en simplifiant les licenciements ! Qui embaucherez-vous à Pôle Emploi ? Des CDD de trois ans ! La précarité, voilà votre credo pour flexibiliser le marché du travail. (Applaudissements à gauche)
Fermeture de raffineries de sucre
M. Pierre Cuypers . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, l'annonce de la fermeture de deux sucreries à Cagny et Eppeville par le groupe allemand Südzucker met la filière betterave-sucre-éthanol en danger. Les usines de Bourdon, Toury et Erstein sont aussi menacées. Plus de mille emplois directs et indirects sont affectés. Cette annonce menace la culture de la betterave à sucre pour 2 500 planteurs et réduit notre capacité industrielle de 10 %.
Contournant la loi Florange, le groupe Südzucker ferme la porte à un rachat malgré un plan solide de reprise bâti par les planteurs.
Il est inadmissible que vous ne receviez pas les élus et acteurs de la filière en renvoyant le dossier au ministre de l'Agriculture. L'enjeu est industriel, économique et social : c'est au Premier ministre de le traiter ! La France ne peut accepter qu'une entreprise allemande menace ainsi la filière sucrière française. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation . - Le Gouvernement n'est pas inactif. Avec Bruno Le Maire, nous avons reçu tous les élus des régions concernées. La filière sucre est confrontée à des cours mondiaux très bas et à la surproduction. L'entreprise Südzucker et la coopérative Cristal Union se sont lancées dans des plans sociaux inacceptables. Je l'ai dit et redit aux dirigeants de Südzucker, leur position est inacceptable.
Le président de la Confédération générale des planteurs de betteraves, Franck Sander, a fait un plan de rachat à 30 millions d'euros - qui a été refusé. En même temps (Rires), parallèlement (Sourires), l'entreprise a proposé un plan social qui a été accepté par les salariés.
Mme Sophie Primas. - C'est un faux nez !
M. Didier Guillaume, ministre. - Bien sûr, mais c'est la réalité.
Nous maintenons la pression sur Südzucker, qui devra payer. L'entreprise a touché des aides de l'État, elle ne peut détourner ainsi la loi Florange en toute impunité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Pierre Louault et Mme Michèle Vullien applaudissent également.)
M. Pierre Cuypers. - La semaine prochaine, il sera trop tard, si vous n'arrivez pas à mettre en accord les industriels allemands avec les producteurs français. Il s'agit de conserver en France notre outil de production de sucre, demain d'alcool et d'éthanol.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
M. Pierre Cuypers. - Le sujet est important ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)
Bandes organisées de mineurs
Mme Florence Lassarade . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Des mineurs isolés d'origine étrangère errent en bande dans Paris et Bordeaux. Ce phénomène, né à la Goutte d'Or il y a trois ans, s'est étendu sans que l'on parvienne à l'endiguer. Ces mineurs sont pour la plupart polytoxicomanes, très violents et spécialisés dans les vols et agressions. (Mme Martine Filleul s'indigne.) Près de 6 000 mineurs, essentiellement des garçons, ont été arrêtés à Paris et en petite couronne.
Ces mineurs sont d'abord des enfants, des victimes avant d'être des délinquants. Des réseaux criminels les drogueraient afin qu'ils volent pour alimenter les circuits de revente. Les associations et la justice font leur possible.
Nous ne devons pas céder au fatalisme et à la résignation. Notre responsabilité est d'apporter des réponses pour aider ces jeunes en errance et abattre ces réseaux. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Marc Fesneau, ministre auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Ce phénomène connu a d'abord émergé dans la capitale avec l'arrivée de nombreux mineurs, essentiellement d'origine marocaine. D'emblée, nous avons pris l'attache des pays de départ. Une coopération renforcée est à l'oeuvre avec le ministère de la Justice. Nous avons eu des résultats probants en matière de reconduite dans le pays d'origine. Le ministère de l'Intérieur s'est concentré sur la lutte contre les trafics d'êtres humains ; plus de 25 réseaux ont été démantelés en 2018.
Les nouvelles voies d'immigration vers l'Europe passent désormais par l'Espagne, ce qui explique que la Gironde soit plus touchée qu'auparavant. Nous prenons le problème très au sérieux ; la préfète de Gironde rencontrera dès demain les consuls marocain et algérien afin de mettre en place un réseau de coopération. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)
Mme Florence Lassarade. - Vous ne m'avez pas répondu sur la santé de ces jeunes en errance. Les acteurs de terrain, les Français confrontés quotidiennement à cette misère attendent une solution. J'espère que les élus pourront être associés.
Mme la présidente. - Veuillez conclure.
Mme Florence Lassarade. - Nous attendons des actes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Insécurité dans les prisons
M. Vincent Segouin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le 5 mars, un détenu radicalisé de la prison de Condé-sur-Sarthe, l'une des plus sécurisées, poignardait deux gardiens avec un couteau introduit par sa conjointe. Deux jours plus tard, la garde des Sceaux annonçait de nouvelles mesures pour renforcer la sécurité dans les prisons. Le 11 juin, un « DPS », détenu particulièrement signalé, prenait en otage deux surveillants à l'aide d'une arme artisanale fabriquée sur place. Celles-ci, comme les téléphones portables et les armes introduites lors de visites, se multiplient dans les prisons.
Je vous entends déjà nous dire que les fouilles systématiques des détenus et des visiteurs sont interdites, que l'on ne peut sanctionner les détenus injurieux ou violents sans heurter les diktats des droits de l'homme. Ne croyez-vous pas que notre devoir est avant tout de protéger nos gardiens autrement qu'en les équipant de gilets pare-lames, de protège-cou et de caméras embarquées ? Attaquons-nous enfin aux causes et non aux effets ! Quelles mesures préconisez-vous pour garantir le retour de l'autorité de l'État dans nos prisons et assurer la sécurité de ceux qui servent notre pays ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Mme Sibeth Ndiaye, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement . - Veuillez excuser Mme la garde des Sceaux qui réunit en ce moment même les acteurs du monde pénitentiaire.
Les prisons françaises, dont Condé-sur-Sarthe, ont connu des évènements dramatiques. La garde des Sceaux a diligenté des enquêtes et a pris des engagements, notamment des effectifs supplémentaires à Condé-sur-Sarthe dont le taux d'occupation est de 60 %.
Les équipements promis ont été livrés, y compris les bombes aérosols incapacitantes. Dix unités pour détenus violents seront créées, dont deux ont déjà ouvert leurs portes.
Soyez assuré de l'engagement total du Gouvernement pour la sécurité dans les établissements pénitentiaires. (On ironise sur les bancs à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
La séance, suspendue à 16 h 5, reprend à 16 h 15.