SÉANCE

du mardi 9 avril 2019

80e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Yves Daudigny, Mme Patricia Schillinger.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 35 questions orales.

Traitement des déchets à La Réunion

Mme Viviane Malet .  - Dans les territoires du sud et de l'ouest de l'île de La Réunion, le syndicat mixte de traitement de déchets Ileva est un projet d'outil multi-filières de traitement des déchets qui développe la valorisation matière puis énergétique des déchets.

Il intègre pleinement les objectifs de la feuille de route nationale de l'économie circulaire et la stratégie nationale bas carbone en cours de révision avec laquelle doivent être compatibles les programmations pluriannuelles de l'énergie nationales. Il est également conforme aux orientations nationales et européennes pour l'énergie et le climat, contribuant à la réduction des gaz à effet de serre et à la décarbonation de l'énergie à La Réunion.

Il est aussi compatible avec la trajectoire 5.0 de la ministre de l'outre-mer. Il prend en considération les recommandations du Plan national d'adaptation au changement climatique par sa contribution à la construction de la résilience du territoire réunionnais, en réduisant la pollution des sols, de la mer, des rivières, en luttant contre la prolifération des maladies à transmission vectorielle, en réduisant les émissions de méthane.

Il a été conçu dans le respect de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de La Réunion, qui inclut dans ses objectifs le développement de la production électrique à partir d'énergies renouvelables issues de la filière déchets avec 16 MW en 2023.

La PPE de La Réunion est actuellement en cours de révision et le porteur du projet ne dispose pas d'information sur l'avancée ou le contenu de cette révision. Cette situation est susceptible de paralyser le projet d'Ileva. En effet, la Commission de régulation de l'énergie (CRE), saisie le 23 octobre 2018, du projet de contrat d'achat relatif à l'électricité produite par la valorisation des déchets issus de l'outil multi-filière, semble refuser de se prononcer avant de savoir si le projet sera maintenu dans la nouvelle PPE de La Réunion.

Pouvez-vous me confirmer le maintien de la valorisation énergétique des déchets comme objectif de développement des énergies renouvelables dans les PPE pour la période 2023-2028 ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Comme le prévoit le code de l'énergie, la PPE de La Réunion doit être révisée. Cette révision s'inscrit dans un cadre spécifique aux territoires ultramarins. Chaque territoire dispose d'une PPE spécifique. L'autonomie énergétique en 2030 est l'objectif poursuivi. Cette révision est co-élaborée par l'État et la région. Des outils spécifiques ont été mis en place par l'État pour accélérer la transition énergétique de ces territoires : appels d'offres territorialisés pour les énergies renouvelables ou cadre de compensation pour la maîtrise de la demande énergétique. Sont pris en compte les enjeux particuliers autour de la mobilité qui représente 70 % de l'énergie finale consommée à La Réunion. Depuis septembre 2017, d'importants travaux entre l'État et la Région ont permis d'avancer avec la conversion des centrales au charbon à la biomasse et un ambitieux plan de développement du photovoltaïque.

La PPE d'avril 2017 prévoyait 16 MW d'installations nouvelles à horizon 2023. C'est un point resté en suspens dans les travaux.

La gestion des déchets à La Réunion est effectivement préoccupante : à horizon de deux ans, les installations existantes seront à saturation. Elle s'organise autour de deux bassins de vie, chacun d'entre eux souhaite implanter sur son territoire une installation de valorisation énergétique. La région, elle, prône un scénario dit « zéro déchets 2030 » en limitant le recours à la valorisation énergétique des déchets et en privilégiant la pyro-gazéification. Cette stratégie est extrêmement ambitieuse. La mission du Conseil général de l'environnement et du développement durable, qui a rendu ses conclusions en juillet 2018, considère que la valorisation énergétique des déchets reste nécessaire et souhaitable, à court et moyen terme. Une réponse doit être apportée à la question des déchets à La Réunion sans attendre 2030.

La valorisation énergétique des déchets est une priorité de l'État, que la PPE révisée devra intégrer.

Refus de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle des communes d'Indre-et-Loire

M. Serge Babary .  - Ces dernières années, de nombreuses communes d'Indre-et-Loire se sont vu refuser la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

En raison du phénomène de retrait-gonflement des argiles lié à la sécheresse, des milliers de propriétaires du département ont constaté l'affaissement et la déstructuration progressive des murs. Certaines habitations sont devenues inhabitables.

Depuis 2011, aucune commune d'Indre-et-Loire n'a été reconnue en état de catastrophe naturelle, exception faite d'un nombre infime en 2017. Face à cette situation, 32 communes ont formé l'association des communes en zone argileuse ; une association de 305 particuliers s'est également constituée, regroupant des victimes réparties sur 53 communes du département.

Pour décider la reconnaissance d'une commune en état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle se prononce sur l'intensité normale de l'agent naturel à l'origine des dégâts, et non sur l'importance des dégâts eux-mêmes. Or la méthode scientifique de mise en oeuvre et d'évaluation des critères géotechniques et climatologiques révélant l'intensité anormale de l'agent naturel à l'origine des dégâts, qui n'a aucune existence légale, reste inconnue.

En mars 2018, Mme Gourault a indiqué à notre collègue Nicole Bonnefoy que des réflexions étaient en cours pour définir réglementairement les modalités d'instruction des dossiers de reconnaissance en catastrophe naturelle. En l'absence d'avancées, le Sénat a créé, il y a quelques semaines, une mission d'information sur l'indemnisation des sinistres.

Où en sont les réflexions menées par le Gouvernement ? Je souhaite que chacune des demandes des communes d'Indre-et-Loire soit attentivement examinée et aboutisse à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle au titre de 2018.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Un épisode de sécheresse des sols a touché le territoire métropolitain au cours du second semestre 2018. Au 1er avril 2019, plus de 3 500 demandes communales de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle ont été déposées, dont 88 en préfecture d'Indre-et-Loire.

Deux critères cumulatifs sont utilisés pour caractériser l'intensité de l'agent naturel à l'origine des dégâts : une condition géotechnique et une condition de nature météorologique. Grâce à ce modèle, l'autorité administrative peut instruire l'ensemble des demandes sur le fondement de données techniques présentant les mêmes qualités et, ainsi, assurer une égalité de traitement des dossiers.

L'instruction des dossiers pour 2018 aura lieu au printemps 2019. La simplification de la procédure aboutira dans les prochaines semaines, les nouveaux critères seront utilisés dès cette année. La réforme poursuit deux objectifs : prendre en compte l'amélioration des connaissances scientifiques et rendre la mise en oeuvre des critères plus lisible.

Ligne de train à grande vitesse du Grand Est

M. Jean-Marie Mizzon .  - Le devenir du TGV Grand Est suscite la plus grande inquiétude en Moselle. En effet, le 9 décembre 2018, la SNCF a modifié le cadencement des TGV Les collectivités, comme le département ou encore la région qui ont pourtant co-financé la ligne, n'ont été consultées à aucun moment.

La SNCF avance des arguments fallacieux pour faire passer la suppression de trains pour des progrès. Le 8h56 qui part de Metz pour rejoindre Paris devrait être rétabli à partir du 1er avril 2019. Pour l'heure, les usagers de ce train, l'un des plus utilisés du tronçon, doivent se reporter sur le 7h26, souvent surbooké, ou se rendre à Nancy. Je pourrais multiplier les exemples... Parallèlement, la SNCF multiplie les Ouigo, dont les conditions tarifaires et de réservation sont moins bonnes.

Les élus mosellans dénoncent unanimement cette situation. Un opérateur public doit accompagner les usagers, et non les décourager par des procédures toujours plus complexes. Une réunion de concertation avec les élus et les associations d'usagers s'impose dans les meilleurs délais.

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Mme Borne, retenue, m'a priée de vous donner la réponse suivante. L'offre Ouigo a été ouverte en juillet 2018 sur cette liaison, avec un aller-retour quotidien, pour les voyageurs plus sensibles au signal prix. C'est un succès avec 120 000 voyageurs transportés au second semestre 2018. Un aller-retour supplémentaire Ouigo entre Paris et Metz a donc été ajouté en décembre 2018. Le déploiement du Ouigo s'accompagne de nécessaires ajustements du plan de transport des TGV classiques.

Une attention toute particulière est portée aux périodes de pointe avec le maintien systématique de TGV classiques. Depuis le 1er avril 2019, SNCF Mobilités a renforcé la liaison Paris-Metz, avec un aller-retour quotidien supplémentaire en TGV classique. Dans le sens Metz-Paris, SNCF Mobilités a bien positionné un départ TGV classique à 8h56. Dans le sens inverse, deux TGV classiques sont proposés en soirée, avec des départs de Paris à 19h40 et 20h48. Le nouveau plan de transport offre un cadencement moyen de TGV de 40 minutes en période de pointe et 2 heures en période creuse en laissant le choix entre les offres TGV et Ouigo.

La SNCF, qui consulte régulièrement les élus locaux et associations d'usagers, sera en mesure de vous recevoir pour préciser ses intentions sur la ligne Paris-Metz. Le Gouvernement est très attaché au dialogue entre SNCF Mobilités et les territoires. À preuve, la loi pour un nouveau pacte ferroviaire rend obligatoire des procédures de consultation et d'information des territoires avant toute évolution de desserte.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Je crains que la politique de la SNCF ne continue de susciter le mécontentement des usagers et des élus du Grand Est, faute de considération. Les billets Ouigo ne s'achètent que sur internet, abonnements et cartes de réduction ne sont pas pris en compte. Il est impossible d'acheter un billet à la dernière minute, d'autant qu'il faut être présent sur le quai 30 mn avant le départ du train.

Aides des agences de l'eau aux communes

M. Jacques Genest .  - Certaines communes ont fait le choix du maintien communal de l'exercice des compétences « eau » et « assainissement » entre 2020 et 2026. Dans le cadre du 11e programme des agences de l'eau, certaines agences de bassin les ont exclues du bénéfice des aides, au motif qu'elles n'avaient pas transféré ces compétences à la communauté de communes, ce qui est pourtant leur droit par la loi du 3 août 2018, ou, plus hypocrite, qu'elles n'avaient pas de projets intercommunaux. En quoi sont-ils pertinents quand la commune est isolée ?

Lors du vote de la loi, je déclarais que, faute de moyens financiers, le transfert deviendrait obligatoire. C'est ce que la technostructure est en train de réaliser car elle n'a pas digéré la dérogation imposée par les représentants du peuple. C'est d'ailleurs l'occasion de s'interroger sur la raison d'être de ces agences de bassin qui ne soutiennent plus les communes, en particulier les plus petites, et coûtent très cher.

Leur décision est inique d'autant que leurs programmes d'action sont alimentés par des redevances auprès de tous les usagers de l'eau, y compris les ruraux.

Que fera le Gouvernement pour ces communes qui n'ont pas moins besoin que les autres de réaliser des travaux pour distribuer une eau saine à leurs habitants ? (MM. Loïc Hervé, Jérôme Bascher et Laurent Duplomb applaudissent.)

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le principe du transfert de ces compétences, inscrit dans la loi NOTRe, n'est pas remis en cause mais le calendrier a été assoupli. Il est donc cohérent que les modalités d'attribution des aides publiques accompagnent ce transfert de compétences. En ce sens, des critères de priorisation et non d'exclusion des dossiers ont été définis en octobre 2018. Je rappelle que des élus siègent dans les comités de bassin. Les agences de l'eau font vivre les solidarités entre les territoires ; solidarité entre urbains et ruraux, entre EPCI, entre amont et aval. (M. Jacques Genest a un geste ironique.)

Je veux vous rassurer : le 11e programme d'action des agences de l'eau n'interdit nullement les aides aux communes. Au contraire, les communes rurales sont visées au premier chef, indépendamment du transfert ou non des compétences.

M. Jacques Genest.  - Quelle belle réponse technocratique ! Pour revenir sur terre, un exemple : la petite commune de Lachapelle-Graillouse doit renouveler ses canalisations qui datent de 1940, aucune aide ! Pour la station d'épuration de Saint-Étienne-de-Lugdarès, parce qu'elle est inférieure à 100 équivalents habitant, aucune aide ! Le financement ne peut pas passer par la DETR, il ne reste plus que le département dont les moyens sont très limités.

Les ruraux n'ont pas les mêmes droits que les Français des grandes villes. Ouvrez les yeux : il y a deux France, la vôtre, celle des métropoles, et la mienne, celle des ruraux et des oubliés ! (MMCyril Pellevat et Laurent Duplomb, ainsi que Mme Corinne Imbert, applaudissent.)

Dangerosité de la nationale 141

Mme Corinne Imbert .  - J'associe Daniel Laurent, sénateur de la Charente-Maritime, à ma question. Depuis 2014, on compte 8 décès sur les 9 km du tronçon Saintes-Dompierre-sur-Charente de la route nationale 141. À cela s'ajoutent de nombreux blessés et un niveau de dangerosité important pour les quelque 12 000 véhicules qui empruntent quotidiennement cette route nationale.

La commune de Chaniers a essayé de faire face seule à cette situation en installant deux radars pédagogiques et en transformant le lieu-dit Maine Allain en agglomération. Parallèlement et avec étonnement, une étude récente, conduite dans le cadre de la démarche « sécurité des usagers sur les routes existantes », conclut que l'accidentologie de cette zone ne présente pas de caractéristiques importantes d'insécurité malgré l'avis contraire des élus, les études réalisées par le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement et la sombre réalité des chiffres. Les élus locaux ont alerté l'ensemble des services de l'État, sans obtenir de réponse satisfaisante. Que comptez-vous faire ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Mme Borne, retenue, m'a demandé de vous répondre. Les aménagements de sécurité sur le réseau routier national non concédé sont mis en oeuvre au regard des résultats de la démarche de sécurité des usagers sur les routes existantes, en application de l'article 118-6 du code de la voirie en hiérarchisant les priorités à partir de l'analyse des accidents corporels.

Les études ont révélé une zone d'accumulation d'accidents à la jonction entre la RN 141 et la RD 131, sur la commune de Chaniers. Un aménagement giratoire a été intégralement financé par l'État pour un coût de 1 million d'euros entre 2015 et 2016. Depuis, il n'y a pas eu d'accident mortel.

Les aménagements en agglomération relèvent des collectivités territoriales. C'est le cas de ceux devant être réalisés au hameau du Maine Allain.

Enfin, les accidents sont surtout liés aux comportements des usagers. Le dernier en date sur ces lieux, en février dernier, était dû à un endormissement. Il convient d'examiner, en lien avec le préfet de département, d'autres solutions telles que le renforcement des contrôles de vitesse.

Mme Corinne Imbert.  - L'émotion des élus, lorsqu'ils doivent se rendre sur les lieux d'un accident dramatique, est moins administrative et technocratique que votre réponse. Je remercie l'État pour l'aménagement du giratoire mais le problème du carrefour du Maine Allain reste entier.

Il faut sauver des vies, c'est une priorité des gouvernements depuis Jacques Chirac. Nous l'approuvons, malgré la brutalité de certaines décisions - je veux parler des 80 km/h. Hier encore, le Premier ministre l'a rappelé lors de la restitution du grand débat. Eh bien, il faut aussi sauver des vies sur le carrefour du Maine Allain !

Délai de délivrance des certificats de nationalité française pour les Français nés et établis hors de France

M. Ronan Le Gleut .  - Trois ans, trente-six mois : c'est le délai moyen d'obtention d'un certificat de nationalité française (CNF) pour les Français nés et établis hors de France. Ce délai était de dix-huit mois en 2007, délai alors considéré comme anormalement long.

Ce délai excessif trouvait son origine dans la multiplication de demandes injustifiées de CNF, ces demandes étant passées entre 2004 et 2006 de 9 463 à 36 175, sans que les effectifs du tribunal d'instance du Ier arrondissement de Paris aient été renforcés.

Grâce à la désignation de dix nouveaux agents, auxquels s'est ajouté un regroupement géographique de l'ensemble des tribunaux d'instance parisiens, le délai moyen de délivrance des CNF a alors été réduit à douze mois.

Aujourd'hui, le délai moyen est de trente-six mois. L'attention de la Direction des services judiciaires a été appelée sur la nécessité de renforcer les moyens humains. On évoque l'arrivée de greffiers. Quand et combien seront-ils ? Toutes les pistes doivent être explorées, y compris le système de filtrage des demandes qui n'ont aucune chance de prospérer. Enfin, où en est la numérisation des dossiers ?

Mme Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Mme le garde des Sceaux, retenue, m'a priée de vous répondre.

Le pôle de la nationalité du tribunal d'instance de Paris est destinataire de plus de 30 000 demandes par an de CNF. Elles ont augmenté de 25 % en deux ans. Le stock de dossiers a doublé depuis 2005 en dépit d'un taux de couverture des demandes relativement constant. Ce taux est, depuis le début de l'année 2019, supérieur à 100 %.

Des moyens, tant organisationnels qu'humains, ont été déployés pour résorber ce stock et réduire le délai de traitement des demandes : pré-analyse, priorisation des dossiers, réorganisation du service. Une réduction du délai de traitement peut ainsi être raisonnablement attendue. Le Gouvernement y demeure attentif.

M. Ronan Le Gleut.  - Une augmentation de 25 % en deux ans ? Il faudrait s'interroger sur ses causes ! N'est-ce pas lié à l'élargissement des conditions d'attribution de la nationalité décidé sous le précédent quinquennat ?

Conséquences des manifestations pour les commerçants

M. Claude Raynal .  - Depuis 21 semaines, bientôt six mois, les gilets jaunes défilent dans les centres-villes. Le plus long mouvement social de ces quarante dernières années n'a toujours pas reçu de réponse politique. Si l'ordre public doit rester la règle, la réponse ne saurait être uniquement répressive.

Au-delà des destructions opérées par des groupuscules de casseurs, les commerçants doivent subir des journées « ville morte ». Le chiffre d'affaires perdu lors de ces journées, qui devraient être les meilleures du point de vue commercial, ne se rattrape jamais. Les consommateurs prennent l'habitude d'aller dans les centres commerciaux de périphérie ou de commander par internet.

Les mesures proposées par le Gouvernement sont trop limitées dans le temps et dans leurs effets. L'étalement de la dette, qu'elle soit fiscale ou sociale, n'apporte qu'une solution de court terme aux entreprises. La secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances avait ouvert la voie à une possibilité d'exonérations de taxes et cotisations sociales. Combien ont été accordées ?

Les problèmes de trésorerie demeurent et l'on sait qu'ils préfigurent souvent des redressements ou des liquidations. Les compagnies d'assurances risquent d'imposer une surprime, qui s'ajouterait au coût des réparations et des pertes de chiffre d'affaires. Le Gouvernement, qui ne parvient pas à trouver une issue politique à la crise, devra au moins répondre aux attentes des artisans et des commerçants qui en paient très largement le prix.

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - L'impact du mouvement des gilets jaunes sur les commerces des centres-villes se traduit par des dégradations, des pertes de chiffres d'affaires, des nuisances à l'image des centres-villes mais aussi des chocs psychologiques - voir le résultat de toute une année de travail partir en fumée en quelques minutes. Selon nos estimations, il y a eu environ 10 000 sinistres représentant 200 millions d'euros ; 5 200 entreprises ont eu recours au dispositif d'activité partielle, ce qui représente 74 000 salariés et un engagement de l'État à hauteur de 40 millions d'euros ; 4 400 entreprises ont bénéficié de mesures fiscales et 7 000 délais de paiement ont été accordés.

Dès novembre 2018, c'est-à-dire, dès le début du mouvement, nous avons demandé aux services de se montrer bienveillants en accordant des délais de paiement et en autorisant le recours à l'activité partielle. Et nous avons veillé à ce qu'ils le soient.

Nous travaillons également étroitement avec la Fédération bancaire française et les assureurs pour indemniser les commerçants au plus vite. Les mesures ont été prolongées en février et nous voulons améliorer l'information à leur endroit en dépêchant des équipes mobiles auprès des commerçants et des artisans. Les dossiers sont examinés au cas par cas.

Comme le président de la République s'y est engagé, un fonds de 3 millions d'euros sera mobilisé pour venir en aide aux associations de commerçants, auquel peuvent participer les collectivités territoriales - la ville de Toulouse et la région Occitanie ont annoncé qu'elles le feraient et c'est heureux.

Cet après-midi encore est organisée une réunion avec les associations de commerçants, nous en tenons régulièrement depuis plusieurs mois.

Délégations de service public et remontées mécaniques

M. Cyril Pellevat .  - La loi donne le statut de service public au transport par remontées mécaniques. La France est la seule à avoir fait ce choix qui comporte des limites dont il est de plus en plus difficile de s'accommoder sans nuire à l'économie des stations de ski.

La décision du Conseil d'État du 29 juin 2018 pour la station du Sauze a provoqué une onde de choc de nature à effrayer les investisseurs privés et les banques. Des clauses du contrat ont ainsi été jugées illégales. Depuis l'arrêt du Conseil d'État « Commune de Douai » de décembre 2012, on savait que les clauses d'indemnisation des biens de retour à des valeurs supérieures à la valeur nette comptable étaient regardées comme non conformes, ce qui pose un problème partout où de telles clauses ont été conclues. L'arrêt « Sauze » va plus loin : il fait craindre que ces clauses soient inopérantes en pratique, ce qui modifie l'équilibre économique du contrat. Cela pose aussi la question de l'expropriation des exploitants, que l'arrêt « commune de Douai » avait exclue.

L'impermanence des règles pose un problème de loyauté dès lors qu'on applique la nouvelle règle à des contrats signés antérieurement à l'arrêt « commune de Douai ».

Outre les contentieux qui ne manqueront pas de naître, ces changements incessants sont de nature à détourner les investisseurs privés des domaines skiables, ce qui nuira tant aux délégants qu'aux délégataires. Dans l'hypothèse où les évolutions du droit rendraient caduques des dispositions contractuelles conclues antérieurement, l'équilibre économique du contrat doit être maintenu.

Comment comptez-vous sécuriser le classement des biens et leur indemnisation tels que stipulés dans les contrats conclus antérieurement aux évolutions du droit ? (M. Loïc Hervé applaudit.)

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Les articles L. 342-9 et suivants du code du tourisme indique que les communes et leurs groupements et les départements sont compétents pour le service des remontées mécaniques. En cas de délégation de service public, l'autorité concédante et son cocontractant sont soumis au régime des biens de retour, tel que cela a été établi par le Conseil d'État dans sa décision du 21 décembre 2012. Dans une autre décision en date du 29 juin 2018, le Conseil a précisé que ce régime s'appliquait également aux biens qui étaient la propriété du concessionnaire avant le début de la convention.

Cette solution est justifiée par le fait que les biens ainsi acquis ont fait l'objet d'une rétribution au concessionnaire. En effet, d'une part, le concessionnaire peut amortir le coût de ces équipements pendant la durée de la concession, à l'aide du prix payé par les usagers du service. À défaut, l'autorité concédante lui doit une indemnité.

Dans le cas des remontées mécaniques, était prévue une période transitoire de 14 ans pour effectuer le choix soit de la cession onéreuse de leur équipement à la collectivité compétente, soit du régime conventionnel. Pour ceux qui ont choisi la seconde option, l'apport des équipements par le concessionnaire a été pris en compte au stade de la négociation du contrat. Dans le cas contraire, et si la situation aboutit à un déséquilibre contractuel, le concessionnaire est fondé à faire valoir ses droits à indemnité.

Application de l'article 121 de la loi de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer

M. Georges Patient .  - En Guyane, la gestion du foncier par l'État est vécue comme un fait colonial. Je persiste, je signe et je m'explique. Non seulement ce foncier continue à appartenir à 95 % à l'État, fait unique dans toute la France, mais aussi et surtout il le gère de façon jalouse et stérile, comme le dénonçait le Sénat dans un rapport de 2015.

Un cas probant : la non-application de l'article 121 de la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer. Cette disposition, adoptée à mon initiative, prévoit une évaluation cadastrale des parcelles exploitées, concédées ou gérées par l'Office national des forêts (ONF) en Guyane, en vue d'une perception par les collectivités, dès 2018, de la taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB).

Vingt-quatre mois après la promulgation de la loi, rien n'a été fait et plusieurs centaines de milliers d'euros échappent toujours aux collectivités de Guyane, dont bon nombre sont exsangues.

Un agent a été sanctionné pour avoir tenté de recouvrer cette taxe. Qu'attend le Gouvernement pour prendre ses responsabilités ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Soyez assuré que ce sujet retient toute l'attention du Gouvernement mais il est complexe compte tenu des spécificités de la forêt amazonienne et de son étendue - 5 millions d'hectares contre 11,7 pour tout l'Hexagone.

Mes services, en association avec ceux de l'Agriculture, travaillent sur une taxation prenant en compte ces spécificités et la rentabilité réelle de la forêt. L'article 121 sera bien mis en oeuvre d'ici la fin de l'année 2019 pour une taxation au titre de 2018.

M. Georges Patient.  - Votre réponse est conforme à celle de vos services. J'attendrai donc. Le fruit de la forêt guyanaise doit revenir aux Guyanais dans le cadre d'un transfert de compétences.

Financement du canal Seine-Nord Europe

M. Jérôme Bascher .  - La construction du canal Seine-Nord Europe est un projet de 4,8 milliards d'euros, financé à 50 % par l'Union européenne, mais l'administration française s'acharne depuis de nombreuses années à ne pas le faire aboutir. Les ministères parisiens oublient trop souvent la réalité des trafics maritimes, routiers et ferroviaires du nord de l'Europe : tous sont congestionnés. Cette façade maritime est essentielle pour le commerce extérieur de notre pays.

Pas moins de 70 parlementaires, de droite, de gauche, ni de droite ni de gauche, soutiennent le projet, ainsi que trois présidents de la République successifs - eux-mêmes de droite, de gauche, et ni de droite ni de gauche. Les collectivités territoriales se sont engagées mais quand l'État mettra-t-il le 1,8 milliard d'euros qu'il doit et ouvrira-t-il l'accès aux données ?

M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics .  - Le Gouvernement est conscient de l'importance stratégique du projet et recherche des financements innovants.

Le coût total de ce projet serait partagé entre deux milliards d'euros de subventions européennes, un milliard d'euros de ressources propres des collectivités, la mise en place par l'État de taxes nationales à assise locale pour gager un emprunt d'un milliard d'euros ainsi que 700 à 900 millions d'euros par un emprunt garanti par la Société du canal Seine-Nord Europe devenue régionale.

La part du financement de l'État doit intervenir au 1er janvier 2021. Contrairement à vos craintes, l'État ne se désengage pas : il cherche les bonnes solutions. Il a notamment proposé l'instauration d'une taxe spécifique à la région des Hauts-de-France, même si cette solution semble juridiquement fragile d'après l'avis du Conseil d'État rendu récemment. D'autres pistes sont à l'étude, qui imposent des échanges avec la Commission européenne.

Vous évoquez aussi une inscription de crédits budgétaires dédiés. Cette solution ne pourrait être engagée qu'en dernier recours dans la mesure où celle-ci ne permet pas d'associer les futurs bénéficiaires du canal à son financement.

Enfin, une société de projet, véhicule juridique créé par la loi Macron du 6 août 2015, a permis de régionaliser le projet en le transférant aux collectivités concernées de la région des Hauts-de-France, en accord avec les élus locaux. C'est l'objet de l'article 36 du projet de loi d'orientations des mobilités qui prévoit de ratifier l'ordonnance du 21 avril 2016 relative à la Société du canal Seine-Nord Europe (SCSNE) et qui autorise le Gouvernement à prendre par la voie d'une nouvelle ordonnance des dispositions visant à la transformation de cet établissement public national en établissement public local.

Le Gouvernement est déterminé à faire aboutir ce projet et il assumera sa part du financement, quel que soit le vecteur retenu.

M. Jérôme Bascher.  - Il nous faut 1 milliard de crédits budgétaires. Trouvons une solution ensemble !

Police aux frontières à Wallis et Futuna

M. Robert Laufoaulu .  - Ma question porte sur l'organisation de la police aux frontières (PAF) à Wallis et Futuna. Les missions de la PAF y sont actuellement assurées par la gendarmerie sans aucune base juridique. Avant, il y avait quatre gardes territoriaux, sous la responsabilité d'un gendarme référent. Depuis, ce sont les gendarmes mobiles et ils continuent à faire appel aux gardes territoriaux lorsqu'ils ont des problèmes d'effectifs, sans aucune base normative.

Je sais que plusieurs pistes sont à l'étude mais, pour des raisons budgétaires, les services se renvoient la balle, si je puis dire. Quid d'une collaboration avec la police aux frontières de Nouvelle-Calédonie ? Que compte faire le Gouvernement pour mettre en place une solution plus viable et officielle afin d'assurer cette prérogative régalienne ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Vous avez raison de vous mobiliser. L'article 2 du décret 2012-328 ne fait pas mention de l'aéroport de Wallis : aucun effectif de la PAF ne lui est affecté. L'administrateur supérieur conduit actuellement une réflexion avec la direction de la police aux frontières, avec la direction de la gendarmerie nationale et avec la direction de la douane pour mettre en place un système plus efficace et conforme à la réglementation. Nous travaillons à un système plus efficace. La gendarmerie, avec un poste de sous-officier et quelques militaires, réalise un contrôle visuel des passeports et la douane vérifie les bagages de soute, mais la situation n'est pas pleinement satisfaisante. Nous sommes à l'heure des réflexions. Votre proposition que je transmets à mes collègues sera expertisée. Nous nous assurerons que le rôle régalien de l'État puisse pleinement être appliqué. Je note, Monsieur Laufoaulu, que vous êtes un ardent défenseur des intérêts des territoires.

M. Robert Laufoaulu.  - À Wallis et Futuna, beaucoup de situations semblent improvisées par l'État. Les gardes territoriaux assument des missions qui incombent à l'État sans en être fonctionnaires.

Tourisme numérique dans les colonies israéliennes des territoires palestiniens occupés

M. Gilbert Roger .  - Je veux attirer votre attention sur le tourisme numérique dans les colonies israéliennes des territoires palestiniens occupés.

Les entreprises de réservation de location en ligne - Airbnb, Booking.com, Expedia Group et TripAdvisor - contribuent à des violations des droits humains des Palestiniens en proposant plusieurs centaines d'hébergements et activités dans les colonies illégales de peuplement israéliennes en territoire palestinien occupé, y compris à Jérusalem-Est. Amnesty international l'a dénoncé dans un rapport de janvier 2019 intitulé « Destination : occupation. Le tourisme numérique et les colonies de peuplement israéliennes illégales dans les territoires palestiniens occupés ».

Ces entreprises du numérique induisent aussi en erreur leurs clients en s'abstenant d'indiquer systématiquement que les offres concernées sont situées dans des colonies israéliennes. Or, en favorisant l'industrie du tourisme dans les colonies et, en conséquence, l'essor économique de ces implantations contraires au droit international, ces plateformes contribuent au maintien, au développement et à l'extension des colonies de peuplement illégales, et en tirent profit.

Êtes-vous prêt à l'indiquer sur le site du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères dans les « conseils aux voyageurs » ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - La France est très claire sur ce dossier international : elle juge la colonisation illégale et dangereuse pour la viabilité d'une solution à deux États. Le 23 décembre 2016, le Conseil de sécurité l'a d'ailleurs rappelé. Nous condamnons les nouvelles colonies, les évacuations forcées et nous appelons publiquement Israël à y mettre un terme.

Nous avons tiré les conséquences en indiquant un certain nombre d'éléments dans les « conseils aux voyageurs » du site du ministère des Affaires étrangères, et nous y écrivons que les colonies sont illégales en vertu du droit international. Nous informons aussi les entreprises françaises qu'elles encourent des litiges si elles commercent dans ces colonies. Je leur en redirai un mot lors de ma prochaine rencontre avec leurs représentants.

Mais les acteurs que vous citez sont entièrement privés et ne sont souvent pas français. Il est donc compliqué de mener une action coercitive à leur encontre. Néanmoins, j'évoquerai le sujet lorsque je les rencontrerai.

M. Gilbert Roger.  - Depuis que ma question a été publiée, Expedia est venue me rencontrer et m'a dit chercher à clarifier sa situation à Jérusalem-Est. Airbnb semble vouloir en faire de même.

Un candidat aux élections législatives israéliennes en cours a dit vouloir annexer la Cisjordanie ; nous allons au-devant de nouveaux problèmes au Proche-Orient.

Devenir de la section consulaire du Luxembourg

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Lors de mes déplacements, j'ai l'occasion d'observer l'inquiétude de la communauté française quant au devenir de nombreux postes diplomatiques. Pour répondre à la demande inédite de réduction de 10 % de la masse salariale de la représentation française à l'étranger, la réduction du personnel ne peut être que drastique. Nos 3 millions de concitoyens résidant à l'étranger vont en être affectés, ainsi que les transfrontaliers et les touristes français. Les propositions de nos ambassadeurs ne sont, pour l'heure, pas connues.

Ainsi, 53 000 Français vivent au Luxembourg dont 36 000 inscrits au consulat. Ils représentent la douzième communauté française dans le monde à laquelle s'ajoutent 100 000 travailleurs frontaliers qui chaque jour viennent y travailler. Beaucoup s'adressent au consulat pour la délivrance de leurs papiers d'identité. Depuis plusieurs mois, le personnel est soumis à une continuelle pression de la part des usagers mécontents de la réduction des services. Avec 36 rendez-vous par jour ouvré, les agents ne chôment pourtant pas. Nos concitoyens craignent une fermeture du consulat. D'ici 2020, le service d'état civil sera transféré à Nantes. Pour les documents d'identité et les passeports, il est envisagé de déplacer les services à Bruxelles, qui est trop éloigné pour la communauté française.

Que comptez-vous faire pour ce poste, et l'ensemble du réseau, monsieur le ministre ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Soyons très clairs : la fermeture de la section consulaire du Luxembourg n'est pas à l'ordre du jour. Certes, il y a des économies de masse salariale, dans le cadre d'Action publique 2022, mais cela ne signifie pas obligatoirement de toucher aux ETP. Nous devons à nos compatriotes établis hors de France le maintien d'un service de qualité.

La députée Anne Genetet a préconisé dans son rapport la création d'une plateforme téléphonique 24h/24h et 7j/7j, ce que je trouve intéressant. La dématérialisation des procédures, là où les états civils sont fiables comme en Europe, serait de bon sens.

Le transfert de l'état civil à Nantes n'obère pas la capacité d'accès des Français établis hors de France à ces services.

Les relations France-Luxembourg sont fortes, denses, comme en témoigne la visite d'État du Grand-Duc et de la Grande-Duchesse l'an dernier et notre proximité sur de nombreux sujets européens.

Mme Hélène Conway-Mouret.  - Je comprends que vous soyez tenu à la solidarité ministérielle mais des économies de 10 % des effectifs de votre ministère, qui fut le mien, c'est considérable !

« Quand le service public ferme, c'est l'État qui abandonne ses citoyens », a dit le Premier ministre hier. N'abandonnons pas le contact humain.

Fonds européen d'aide aux plus démunis

M. Philippe Mouiller .  - Le Secours populaire, les Resto du Coeur, Emmaüs, et les autres organisations caritatives sont inquiètes, car elles font appel à la générosité publique et elles bénéficient du fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) qui fournit 30 % des produits d'aide alimentaire distribués dans leurs permanences, soit 100 à 120 tonnes de produits de base.

Or, depuis plusieurs années, les retards de livraison du FEAD se multiplient. Surtout, la prochaine programmation budgétaire pourrait intégrer la ligne de crédits dédiée à celle du fonds social européen plus (FSE+), ce qui laisserait aux États membres la possibilité de consacrer une enveloppe plus importante aux plus démunis. Une diminution de moitié des fonds pourrait advenir.

Il est nécessaire de préserver le montant du FEAD pour les associations caritatives.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je sais l'importance des associations comme les Restos du coeur qui jouxtent ma permanence à Saint-Valérien. L'action de ces structures associatives est essentielle et les financements européens sont déterminants. La lutte contre les inégalités est le fil rouge qui nous rassemble tous.

En 2014, la France avait soutenu le FEAD. Nous sommes aujourd'hui dans le cadre d'une nouvelle négociation pour un nouveau cadre pluriannuel. La Commission européenne a présenté ses propositions et la France a fait part de ses réticences, voire de ses refus, notamment pour la PAC.

L'intégration du FEAD dans le FSE+ a en effet été proposée par la Commission européenne. Nous souhaitons un fléchage plancher et non pas plafond des fonds alloués aux plus démunis. Nous avons pris l'engagement que les enveloppes seraient d'un montant constant. Agnès Buzyn, Christelle Dubos et moi-même sommes à l'unisson pour préserver le volume des crédits destinés aux plus démunis.

M. Philippe Mouiller.  - Nous partageons la même volonté. Il faut faire preuve d'une vigilance extrême. J'entends l'engagement du Gouvernement en faveur du maintien de l'enveloppe allouée à l'aide alimentaire. Je comprends que dans le cas où le budget européen serait modifié, vous interviendriez en complément.

Délivrance de la carte nationale d'identité

M. Hervé Maurey .  - La réforme de délivrance de la carte nationale d'identité mise en oeuvre en 2017 a conduit à diviser par quinze le nombre de communes dans lesquelles il est possible de se faire délivrer ces documents officiels.

Nos concitoyens ne peuvent plus s'adresser qu'à 2 300 mairies pour obtenir ce document. Cette réforme a suivi celle de la délivrance du passeport qui a eu les mêmes conséquences.

Désormais, nos concitoyens doivent faire de nombreux kilomètres pour obtenir cette carte et ils attendent beaucoup plus longtemps. Les communes qui ont conservé ce service doivent gérer des demandes bien plus importantes, d'où des surcoûts. Enfin, les communes rurales ont perdu le contact avec leurs administrés : c'est un nouveau mauvais coup porté à la ruralité.

Les élus voudraient que chaque intercommunalité puisse délivrer la carte nationale d'identité. Le président de la République s'est engagé, lors du débat au Grand Bourgtheroulde le 15 janvier 2019, à « rouvrir le sujet pour les cartes d'identité, les passeports et les permis de conduire ».

Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Comment compte-t-il redonner espoir et confiance aux maires ? Ces derniers aspirent à un allègement des mesures, à une amélioration de leur statut, à plus de lisibilité, monsieur le ministre !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Je vis la même réalité que vous dans l'Yonne. À l'origine, il s'agissait de lutter contre la fraude documentaire. Désormais, les maires qui le souhaitent peuvent recueillir les pré-demandes de titres et des unités mobiles ont aussi vocation à répondre aux besoins.

Le grand débat national a démontré le souhait de proximité. Mais les occurrences sur ce sujet précis sont assez peu élevées dans les contributions au grand débat, mais le président de la République, vous l'avez dit, a pris des engagements, et soyez sûr que je me ferai le relais de vos préoccupations.

M. Hervé Maurey.  - Le sujet n'est pas anecdotique. Les appareils mobiles sont en nombre insuffisant. Il faudrait un point de délivrance dans chaque intercommunalité, car ce manque concourt au sentiment d'abandon des territoires ruraux.

Précisions sur le devenir d'Atout France

Mme Élisabeth Lamure .  - D'après une note interne de vos services, il semblerait que le Gouvernement ait décidé d'engager, dans le cadre d'Action publique 2022, un plan social de restructuration d'Atout France dans l'optique de réaliser quatre millions d'euros d'économie alors que le Gouvernement a dit son souhait d'accueillir 100 millions de touristes d'ici 2020. La filière touristique en France représente plusieurs centaines de milliers d'emplois, une richesse qui contribue à notre croissance et à notre rayonnement international.

Alors que la concurrence touristique est toujours plus vive, avec des pays qui déploient des moyens colossaux pour faire venir les touristes, comment justifier de réduire les moyens d'action d'Atout France, d'autant que notre pays souffre d'une image dégradée par la crise sociale que nous traversons depuis des mois.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre ? (M. François Grosdidier et Mme Martine Berthet applaudissent.)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - Le Gouvernement a fixé, vous le savez, des objectifs ambitieux en matière de tourisme : 100 millions de touristes et 60 milliards d'euros de recettes en 2020. En 2018, nous avons accueilli 90 millions de visiteurs et nous avons généré 57 milliards d'euros de recettes, soit 7 % de notre PIB. En outre, cette économie irrigue tout notre territoire riche en patrimoine.

L'ambition est donc intacte. Le Gouvernement a affecté 5 millions d'euros de recettes de visas à Atout France. Je rends hommage à son directeur général et à son équipe, qui lèvent 2 euros auprès du privé et des collectivités pour 1 euro de budget.

Atout France a réussi à se transformer tout en augmentant les flux touristiques : 80 ETP ont ainsi été économisés. Nous écrivons à présent une nouvelle page de son histoire : nouveau directeur général, nouveau président, nouveau contrat d'objectifs et de performance, déménagement... Je fais une totale confiance à Atout France pour gagner encore en efficacité et en efficience.

Mme Élisabeth Lamure.  - Vous confirmez la réponse faite à Mme Dumas lors des questions d'actualité au Gouvernement. Mais le ministre avait ajouté qu'une réflexion stratégique de promotion touristique serait engagée... Nous en attendons les conclusions avec impatience !

Prescription de compléments alimentaires

M. Jean-Luc Fichet .  - Les compléments alimentaires constituent une source concentrée de nutriments ou d'autres substances ayant un effet nutritionnel ou physiologique. Ils sont conditionnés sous forme de comprimés, gélules, pastilles ou ampoules.

La fabrication et la commercialisation des compléments alimentaires sont soumises à une réglementation européenne et, n'étant pas des médicaments, ils sont vendus sans ordonnance et largement distribués dans les pharmacies, les grandes surfaces, les magasins spécialisés ou sur internet.

Mal utilisés, ils peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé des consommateurs et entraîner des effets toxiques, en raison notamment de surdosage ou de surconsommation par la prise concomitante de plusieurs types de produits.

En outre, les compléments alimentaires sont souvent prescrits à destination des personnes âgées souffrant de dénutrition. Certains facteurs tels que la perte de mobilité, combinés à l'augmentation des besoins métaboliques liés à l'âge peuvent en effet nécessiter une supplémentation, tout en veillant à maintenir dans le même temps une alimentation équilibrée.

Entre 15 et 40 % des résidents des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) sont concernés et le dépistage ainsi que la prise en charge de la dénutrition ont été reconnus comme priorité de santé publique.

Ces compléments étant le plus souvent non remboursés, il est utile de s'interroger sur la manière dont ils sont choisis, leur prix variant sensiblement entre deux produits similaires.

Quelles sont les modalités de prescription de ces compléments alimentaires ainsi que leurs conditions de prise en charge par la sécurité sociale ? Existe-t-il des recommandations ou un guide de bonnes pratiques en la matière ?

Des réflexions sont-elles en cours quant à un éventuel encadrement de ces prescriptions et une plus grande transparence des frais qu'elles engendrent ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La dénutrition demeure largement méconnue et elle constitue un obstacle à la prise en charge précoce. En France en 2018, la prévalence de la dénutrition demeure élevée : on estime à 2 millions le nombre d'individus souffrant de dénutrition. La prévalence de la dénutrition augmente avec l'avancée en âge, et touche par conséquent davantage les personnes âgées. En raison de l'évolution démographique de la population et de l'augmentation des pathologies chroniques, une importante augmentation du nombre de personnes touchées par la dénutrition est à redouter dans les prochaines années.

Les conséquences de la dénutrition sont multiples : il s'agit d'un facteur majeur de la perte d'autonomie, à l'origine de chutes, d'un état dépressif, d'une altération de la qualité de vie et surtout de la pérennisation d'un déséquilibre alimentaire aggravant la dénutrition déjà présente.

J'en viens à la prescription des compléments alimentaires : ils sont classés au regard de la règlementation européenne comme des denrées alimentaires et ne font pas l'objet d'une prescription médicale. Toutefois, le ministère chargé de la santé recommande de consulter un médecin avant tout achat compte tenu des interférences possibles avec les médicaments.

Les compléments nutritionnels oraux sont des mélanges nutritifs complets auxquels il est possible de recourir dans le cadre de la stratégie nutritionnelle de la personne âgée. Ils sont prescrits par un médecin à des fins médicales, conformément aux recommandations de la Haute Autorité de santé pour augmenter l'apport énergétique et protidique des patients dénutris. Ces produits prescrits, dès lors qu'ils sont inscrits sur la liste des produits et des prestations remboursables, sont pris en charge par l'assurance maladie.

Enfin, la réduction du pourcentage de personnes âgées dénutries vivant à domicile ou en institution est un des objectifs définis par le Haut Conseil de la Santé Publique, repris dans le Programme national nutrition santé (PNNS4).

M. Jean-Luc Fichet.  - Il faut aller plus loin dans l'encadrement des compléments alimentaires. En Ehpad, il n'y a aucune maîtrise par le patient ni par les familles, malgré un coût parfois élevé.

Offre publique de soins dans l'arrondissement de Montbrison

M. Jean-Claude Tissot .  - Ma question porte sur l'offre publique de soins dans l'arrondissement de Montbrison, dans la Loire. Le centre hospitalier du Forez (CHF) a été créé au 1er janvier 2013 par la fusion des centres hospitaliers de Feurs et Montbrison. Il est désormais le seul hôpital public de l'arrondissement de Montbrison, territoire qui compte plus de 180 000 habitants. Après cette fusion, plusieurs activités ont été fermées et les effectifs ont été réduits.

Alors qu'il connaissait des excédents budgétaires avant la fusion, le CHF est passé à une situation de déficit chronique. Cela n'a rien d'étonnant puisqu'avec le système de tarification à l'activité, la suppression de services entraîne de fait la réduction des recettes.

Fin janvier, les membres du conseil de surveillance du CHF ont ouvert la voie à un nouveau recul de l'offre publique de soins : ils ont ainsi acté le principe du transfert à un nouveau gestionnaire de l'autorisation d'exploiter l'Ehpad du CHF situé à Montbrison. Cette décision semble motivée par la nécessité de faire face à la mise aux normes de cet établissement de 209 lits, devenue indispensable.

L'hypothèse d'une rénovation sur le site actuel semble à ce jour écartée. Elle aurait pourtant un double intérêt : elle serait moins coûteuse et permettrait de conserver l'Ehpad en centre-ville, situation plus propice à la mixité intergénérationnelle.

L'hypothèse envisagée actuellement, de reconstruction sur un autre site, est plus coûteuse, soit 25 millions d'euros. Elle est aussi porteuse de vraies inquiétudes pour la population du Montbrisonnais, les résidents, les personnels et pour le CHF lui-même.

En outre, l'opérateur privé ne manquera pas de reporter le coût de ces 25 millions de travaux sur la facture des résidents. Le passage à une gestion privée pourrait ainsi se traduire par une augmentation du coût de séjour de plusieurs centaines d'euros par mois.

Je crains aussi la précarisation des 50 emplois qui basculeraient du statut de fonctionnaire à des contrats de droit privé. À terme, cela serait en outre une mauvaise opération supplémentaire pour le CHF qui verrait une autre source de recettes tarie et, par là même, une aggravation de son déficit.

Aussi, quelle est l'intention du Gouvernement sur ce dossier ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - J'entends vous rassurer.

En ce qui concerne les évolutions du centre hospitalier du Forez, les deux centres de Montbrison et de Feurs enregistraient, avant la fusion du 1er janvier 2013, une diminution de leur activité. Si la fusion a permis d'atténuer cette évolution en recherchant une complémentarité entre les deux sites, elle n'a pu l'enrayer dans la durée, la difficulté de recrutement médical a contraint l'établissement à adapter son organisation voire à renoncer à certaines activités.

Concernant la situation de l'Ehpad du centre hospitalier du Forez, site de Montbrison, celle-ci est bien connue du directeur général de l'ARS Auvergne-Rhône-Alpes qui partage, avec l'ensemble des intervenants et des institutions la volonté d'améliorer les conditions d'accueil des personnes âgées. Cependant, la situation financière de cet établissement ne l'autorisant pas à contracter de nouveaux emprunts nécessaires à un investissement de 25 millions, le conseil de surveillance, en date du 23 janvier, a décidé de transférer à un nouveau gestionnaire l'autorisation de l'Ehpad. Il revient au conseil de surveillance de l'établissement de se positionner sur les modalités de mise en oeuvre de ce transfert. L'établissement explore différentes hypothèses, pour à la fois garantir l'accessibilité financière du nouvel établissement par un reste à charge comparable à ceux des Ehpad publics du département de la Loire, pour que ce nouvel Ehpad puisse continuer à accompagner le centre hospitalier du Forez en matière de gériatrie et pour que les personnels continuent à bénéficier du statut de la fonction publique hospitalière.

À ce jour, l'ARS reste dans l'attente du montage juridique et financier définitif du nouvel organisme gestionnaire qui sera retenu par le centre hospitalier du Forez.

S'agissant d'une structure médico-sociale sous compétence conjointe, le dossier d'investissement sera examiné avec le conseil départemental de la Loire, chef de file de l'action sociale. Un soutien financier de l'ARS pourra alors être envisagé.

M. Jean-Claude Tissot.  - Le Premier ministre a appelé à la fraternité. Hier, il a dit : « Quand le service public ferme, c'est l'État qui abandonne ses citoyens ». Ces 209 lits doivent rester dans le secteur public. Comment le Gouvernement va-t-il le garantir ?

Zonage des médecins généralistes

Mme Valérie Létard .  - Le zonage des médecins généralistes publié en décembre 2018 distingue les zones d'interventions prioritaires (ZIP) et les zones d'actions complémentaires (ZAC). Les ZIP ouvrent droit aux aides à l'installation de l'assurance-maladie, de l'État et à des exonérations fiscales ; les ZAC, aux seules aides de l'État.

La détermination des zonages est maintenant nationale ; or l'État a fixé, pour les Hauts-de-France, les seuils d'intervention à 8,3 % de la population pour les ZIP et à 38,4 % pour les ZAC - des taux très inférieurs aux taux nationaux ! Cela fait des Hauts-de France la troisième région la moins bien dotée, alors que la mortalité y est supérieure de 20 % à la moyenne nationale et la surmortalité des moins de 65 ans, de 33 % supérieure pour les hommes et de 26 % pour les femmes par rapport aux moyennes nationales.

Clairement, les seuils fixés pour le zonage ne correspondent pas à la réalité des besoins sanitaires de la région. Face à ce constat, l'ARS a utilisé son droit dérogatoire pour affiner les zones par rapport aux recommandations nationales afin de se rapprocher des besoins, mais dans la limite très serrée des seuils fixés par le ministère.

Au regard des indicateurs dégradés de santé et de la précarité, le zonage des généralistes doit être revu. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, et dans quel délai, afin de favoriser une installation cohérente avec les besoins du territoire ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La refonte de la méthodologie en 2017 a permis aux ARS de mieux identifier les zones sous-denses en offre de soins et de réviser le zonage fin 2018 afin d'inciter à une meilleure répartition des professionnels sur le territoire.

L'accessibilité potentielle localisée à un médecin, indicateur jugé robuste, objective l'accès aux médecins dans chaque région. Les ARS peuvent aussi user d'indicateurs complémentaires - état de santé de la population ou quartiers de la politique de la ville - et disposent d'une marge d'adaptation. Elles ont déterminé les zones éligibles aux aides, dont le périmètre s'est élargi depuis la réforme. Dans les Hauts-de-France, 2,4 millions d'habitants sont concernés. Les ZIP et les ZAC représentent respectivement 14,2 % et 42,5 % des communes.

L'ARS a déterminé les zones en tension. Les zones non retenues peuvent bénéficier d'accompagnement au plan local. La révision du zonage aura lieu tous les trois ans, et plus rapidement au besoin.

La ministre a souhaité que soit expérimenté un pouvoir de dérogation globale aux règles nationales de zonage dans quatre régions, dont les Hauts-de-France. Son évaluation est prévue très prochainement.

Mme Valérie Létard.  - Ce n'est vraiment pas satisfaisant. Les indicateurs montrent que les Hauts-de-France sont en grande difficulté, or les seuils retenus sont inférieurs à la moyenne nationale. Il faut revoir le zonage ; il en va de la vie de milliers de personnes !

Maintien de la maternité du centre hospitalier de Dinan

M. Michel Vaspart .  - L'hôpital de Dinan fait partie depuis 2011 de la communauté hospitalière de territoire Rance Émeraude. Avec une capacité de 633 lits, c'est un établissement de proximité centré sur les activités de médecine, de gynécologie obstétrique et de prise en charge des personnes âgées.

À la demande de l'ARS Bretagne, un projet de fusion des centres hospitaliers de Dinan, Cancale et Saint-Malo devrait voir le jour au 1er janvier 2020. En janvier 2019, la chef du service de gynécologie obstétrique de l'hôpital de Saint-Malo a mis le feu aux poudres en déclarant que cette fusion ne pourrait avoir lieu que si la maternité de Dinan était fermée ou du moins ne pratiquait plus d'accouchements. Cette déclaration a créé un fort émoi.

Le territoire de santé enregistrait 2 457 naissances en 2017, dont 680 sur la maternité de Dinan, contre 778 en 2014. Certes, seules 59 % des parturientes du bassin de vie de Dinan accouchent à la maternité de la ville, mais des marges de manoeuvre existent pour faire augmenter ce chiffre, notamment en développant l'accouchement naturel.

La situation financière de l'hôpital de Dinan est difficile - hausse des dépenses de gestion et des charges de personnel, endettement croissant, déficit du service gynécologie obstétrique.

Néanmoins, des efforts de redressement ont été conduits en partenariat avec l'ARS. Cette dernière soutient le maintien de la maternité de Dinan et souhaite des investissements pour renforcer son attractivité.

Il est indispensable de rassurer les personnels de l'hôpital de Dinan, la population et les élus locaux. Quel avenir pour la maternité de Dinan ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le seuil populationnel de votre territoire permet d'envisager le maintien à Dinan d'un centre hospitalier de référence attractif.

L'objectif est de conforter le groupement hospitalier de territoire et de fusionner les établissements afin de renforcer la démographie médicale et de mieux répartir les soins en fonction des besoins du territoire.

L'ARS, en lien étroit avec les trois présidents des conseils de surveillance, maires des trois communes, et de la direction du GHT a acté la fusion autour d'un projet médical partagé. Il s'agira d'assurer l'accès aux soins, la sécurité de la prise en charge et formaliser une réelle collaboration entre les deux sites.

Le projet de territoire ne remet aucunement en cause la maternité de Dinan, je vous l'assure. Le deuxième projet régional de santé publié par l'ARS en juin 2018 retient deux maternités pour le territoire Saint-Malo-Dinan. La sécurité des soins n'a pas été mise en cause. La baisse du nombre d'accouchements correspond à celle de l'ensemble du territoire.

La maternité de Dinan possède un potentiel de développement. Le projet de territoire vise à conforter son image auprès des habitants.

Création de places dans les Ehpad

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - Alors que la loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement a apporté des améliorations sensibles à la prise en charge de nos aînés dépendants à leur domicile, le sujet de leur prise en charge en établissement reste pendant.

Lorsque le maintien chez soi a atteint ses limites, les familles sont souvent confrontées, hélas, à la difficulté de trouver une place en Ehpad.

Quels moyens le Gouvernement entend-il dégager pour autoriser la création de places supplémentaires d'Ehpad afin d'accueillir convenablement les personnes âgées en situation de grande dépendance ? En Haute-Vienne, les besoins sont criants...

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - En 2050, près de cinq millions de Français auront plus de 85 ans. Le nombre de personnes dépendantes doublera. Comment accompagner nos aînés, tel est le défi que nous devons relever.

Le rapport de Dominique Libault, remis le 28 mars, envisage les moyens d'améliorer leur prise en charge ; chacun doit pourvoir choisir librement où il vieillira, sans que la question financière ne prime, sans avoir le sentiment d'être un fardeau pour ses proches.

Outre la question du nombre de places en Ehpad demeure celle du coût de l'entrée en établissement - qui renvoie à celle du financement public.

Le rapport de Dominique Libault formule des propositions ambitieuses. Des mesures fortes ont été engagées dès 2018 pour répondre à l'urgence : moratoire dans la convergence du tarif dépendance, accélération sur le tarif soins pour permettre de recruter davantage de personnels soignants.

Nous devons répondre au double enjeu d'accessibilité et d'hétérogénéité de l'offre, à domicile comme en établissement. Une grande loi sera présentée en conseil des ministres à l'automne ; les débats parlementaires seront l'occasion d'aborder rapidement ces sujets majeurs pour l'avenir de notre société.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - J'entends cette réponse mais la réalité est que la demande de création de places par les conseils départementaux se heurte au refus des ARS, faute de moyens financiers. Le délai d'obtention d'une place est un sujet tout aussi explosif que le reste à charge et les listes d'attente ne cessent de s'allonger, plongeant les familles dans le désarroi. Le Gouvernement doit dire rapidement les moyens financiers qu'il entend consacrer à la solidarité générationnelle et la loi apporter des solutions pérennes, sans quoi c'est la double peine pour les familles ! Tout ne peut reposer sur les départements.

Reconnaissance des auxiliaires de vie

Mme Martine Berthet .  - Si le rapport Libault appelle à un plan national pour les métiers du grand âge, j'appelle votre attention sur la situation de certaines structures d'aide à domicile en zone de montagne.

La dégradation des conditions de travail conduit à une inquiétante baisse des effectifs. Ainsi, l'ADMR de Bozel en Savoie a été confrontée au départ de vingt-six auxiliaires de vie sur trente, sans qu'il ait été possible de les remplacer, ce qui a conduit l'ensemble du conseil d'administration à démissionner le 9 février dernier.

Ces départs s'expliquent notamment par le planning à la minute, source de stress. De même, la rémunération n'est guère attractive alors que la vie en station coûte cher et que la Tarentaise connaît une situation de quasi plein emploi.

En outre, le montant des frais kilométriques n'est pas adapté aux zones montagneuses où les déplacements se comptent en temps et non en kilomètres. Alors que les Ehpad sont surchargés, il est urgent de reconsidérer le recrutement, la rémunération et les conditions de travail des auxiliaires de vie.

Quand la personne en charge des métiers du grand âge sera-t-elle nommée ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Nous partageons votre préoccupation sur l'attractivité de ce secteur. Agnès Buzyn a annoncé le 30 mai 2018 une refonte du système de financement des services à domicile. À l'issue de la concertation « grand âge et autonomie », Dominique Libault a remis, le 28 mars dernier, un rapport qui fait des propositions ambitieuses pour améliorer la qualité du service et l'attractivité du secteur.

Nous travaillons sur cette base pour mieux rémunérer les personnels. Un grand plan Métiers sera lancé pour revaloriser tous les métiers du grand âge, qui jouera sur quatre leviers : la hausse des effectifs, afin d'augmenter le temps de présence auprès des personnes âgées ; la prévention de la pénibilité ; la formation et la montée en compétence, qui doit s'accompagner d'une revalorisation salariale ; la diversification des perspectives de carrière. Une personnalité qualifiée sera bientôt nommée pour discuter de ces mesures avec les parties prenantes.

Mme Martine Berthet.  - Les structures, publiques ou privées, attendent la réalisation concrète de vos annonces.

Application du plan Pauvreté en outre-mer

M. Dominique Théophile .  - Le 13 septembre 2018, le président de la République présentait la stratégie nationale de lutte contre les « inégalités de destin » et annonçait 8 milliards d'euros pour sa mise en oeuvre. Je salue les mesures touchant à la protection de la petite enfance et au soutien aux crèches, mais déplore qu'aucune mention n'ait été faite des outre-mer.

Pourtant, la pauvreté touche une personne sur cinq en Martinique et huit sur dix à Mayotte. Le plan sera décliné dans les territoires ultramarins comme dans les autres, mais sans prise en compte de leur situation particulière.

Les conseils départementaux d'outre-mer supportent déjà le coût lié au RSA, qui est versé à 22 % de la population en Guadeloupe. Si de nouvelles charges leur sont attribuées dans le cadre du plan national, il faudra en tenir compte.

Quelles seront les modalités de déclinaison du plan Pauvreté en outre-mer ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La stratégie de prévention et de lutte prévoit un fort investissement de l'État dans les outre-mer, dont les spécificités ont été pleinement prises en compte. Nous finalisons l'élaboration d'une convention avec La Réunion, retenue comme territoire expérimentateur. La Guadeloupe pourra, sur la base du volontariat, faire l'objet d'une convention ad hoc. Celle-ci traduira l'investissement de l'État, aux côtés du conseil départemental, pour 3 millions d'euros. Elle comportera des engagements sur les objectifs socles - prévention des sorties sèches de l'aide sociale à l'enfance, référents de parcours, premier accueil social inconditionnel, orientation et insertion des allocataires du RSA - mais également des initiatives portées par la collectivité.

La conférence régionale des acteurs, qui se tiendra le 15 avril, vise à ce que les acteurs - collectivités territoriales, associations, personnes en situation de précarité - s'approprient la stratégie et son animation.

Sur la base d'un diagnostic local co-construit, des priorités seront définies. Nous déploierons les mesures de la stratégie : nouvelles places en crèche, points conseil budget pour éviter le surendettement, création de centres sociaux, développement de la garantie jeunes, petits-déjeuners dans les écoles volontaires, éducateurs spécialisés, tarification sociale dans les cantines, etc. Les départements n'auront pas à supporter de charges supplémentaires.

M. Dominique Théophile.  - Merci. Je suivrai attentivement la mise en oeuvre du plan, car la situation est très dégradée.

Inscription de la verrerie de Givors sur la liste des sites amiantés

Mme Cécile Cukierman .  - Deux chiffres : 92 cas de cancers ont été détectés parmi les 208 anciens verriers de Givors, et 82 maladies diverses en rapport avec l'exposition aux matières toxiques.

Seize ans après sa fermeture, le site n'a toujours pas été classé en zone amiantée : impossible, dès lors, pour les anciens salariés d'obtenir un certificat d'exposition, de bénéficier d'un suivi post-professionnel et, le cas échéant, de la reconnaissance de leurs pathologies en maladies professionnelles, avec indemnisation pour préjudice d'anxiété.

Sur les 645 anciens verriers membres de l'association des victimes, 211 sont décédés et 73 sont malades. L'âge moyen des décès est de 70 ans et demi. Douze maladies professionnelles ont été reconnues. Or les démarches auprès de la CPAM s'apparentent à un parcours du combattant pour des victimes dont on met en cause l'hygiène de vie... Étrangement, les radios des poumons ont disparu de leur dossier médical.

Quelles dispositions comptez-vous prendre pour reclasser cette zone mortifère en site amianté? C'est une question de justice sociale.

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Ce sont des parcours difficiles, dramatiques, que ceux des verriers de Gisors. Une étude a été menée dès 2012 pour évaluer l'exposition du personnel et définir des mesures de prévention. Tout ancien salarié peut bénéficier, à sa demande, d'un suivi médical post-professionnel, accordé par la CPAM sur production d'une attestation d'exposition remplie par l'employeur et le médecin du travail. Quand l'assuré ne peut fournir cette attestation, notamment parce que l'entreprise a disparu, l'assurance maladie se chargera de vérifier l'effectivité de l'exposition.

Les anciens salariés des verreries de Givors peuvent ainsi prendre contact avec leur caisse afin de mettre en place ce suivi et demander la reconnaissance du caractère professionnel de leur maladie, dans un délai de deux ans.

La convention d'objectifs et de gestion 2018-2022 de l'assurance maladie-risques professionnelsprévoit d'améliorer l'accompagnement des personnes dans leurs démarches. Une expérimentation sera conduite d'ici l'été. L'accueil physique sera amélioré et un guide des droits et démarches publié pour éviter les parcours du combattant que vous dénoncez.

Mme Cécile Cukierman.  - La simplification et la réactivité doivent également bénéficier à ces ouvriers, qui ont travaillé toute leur vie et en payent le prix de leur santé.

Financement de la formation des artisans (I)

M. Cédric Perrin .  - Depuis 2018, les Urssaf assument le recouvrement des contributions à la formation professionnelle des artisans. Or de graves dysfonctionnements sont constatés : 170 000 adresses d'entreprises ont disparu, la collecte a chuté de 72 millions d'euros en 2017 à 33,8 millions en 2018, et baisser encore d'un tiers en 2019. Je sais que des réunions ont été conduites au ministère du travail et qu'un rapport a été commandé à l'IGAS, mais il y a urgence !

Les engagements financiers du fonds d'assurance formation sont suspendus et les mesures de soutien annoncées excluent les salariés et dirigeants salariés. Bref, la situation manque de clarté.

Quelles mesures prendrez-vous pour assurer le financement du fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise artisanale (Fafcea) ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La collecte de la contribution à la formation professionnelle des artisans est effectivement désormais assurée par l'Urssaf, et non plus par la direction générale des finances publiques, ce qui a entraîné des difficultés de trésorerie pour le fonds d'assurance formation des chefs d'entreprise artisanale et pour les conseils en formation. En effet, de nombreux artisans salariés, assujettis à la fois en tant que travailleur indépendant et en tant que salarié, ont contesté la légalité de ce double assujettissement.

Des mesures ont été prises rapidement : l'Agence France Trésor a avancé 15 millions d'euros et l'Acoss 18 millions d'euros, le dernier versement a été effectué le 18 mars dernier.

Des discussions se sont engagées avec les acteurs, notamment les chambres des métiers pour poursuivre les actions de formation. Le remboursement des avances accordées en 2018 a été gelé et un complément exceptionnel de financement sera apporté en 2019.

L'IGAS rendra fin juin ses conclusions sur le système de collecte et proposera des solutions pérennes pour le 1er janvier 2020.

M. Cédric Perrin.  - Votre réponse me satisfait. Mais il y a urgence car la formation est une impérieuse nécessité.

Financement de la formation des artisans (II)

M. Jean-Claude Luche .  - Depuis le 15 mars, les artisans ne peuvent plus bénéficier de leur droit à la formation. Pourtant, ils restent prélevés de leurs cotisations. Or ces formations sont parfois obligatoires pour pouvoir exercer !

La raison en est un problème administratif. En effet, lors du transfert de la charge de la collecte à l'Urssaf, 170 000 entreprises artisanales ont disparu du fichier. Résultat, le Fafcea affiche un déficit de 32 millions d'euros en 2018 et a dû suspendre les actions de formation.

Il semblerait que l'Agefice (Association de gestion et du financement de la formation des chefs d'entreprise) vienne temporairement en renfort, mais cet organisme exclut les dirigeants salariés et les salariés.

L'artisanat représente de nombreux emplois dans nos territoires. Un geste du Gouvernement serait bienvenu. Pouvez-vous nous apporter des précisions ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'artisanat, c'est le tissu économique de proximité qui irrigue nos territoires, c'est le savoir-faire à la française. Le Gouvernement agit pour développer l'apprentissage et renforcer notre tissu d'artisans.

Le Fafcea a fait part des difficultés entrainées par la baisse importante du niveau de collecte depuis le transfert à l'Urssaf. La mesure de simplification semblait nécessaire mais elle a effectivement entraîné des difficultés, dues à la diminution du nombre de cotisants.

Pour faire face à l'urgence, nous avons organisé plusieurs réunions avec les acteurs et pris des mesures financières. Les versements de l'Acoss au Fafcea et aux conseils de la formation sont intervenus le 18 mars, ce qui permet de traiter la situation à court terme. Un gel des remboursements des avances accordées en 2018 a été décidé et un complément exceptionnel de financement sera apporté en 2019.

Le rapport de l'IGAS, qui sera remis à la fin juin, devra permettre de trouver une solution durable.

M. Jean-Claude Luche.  - Merci pour votre réponse. J'ai entendu les efforts que le Gouvernement a réalisés.

Avenir des conseillers techniques sportifs

Mme Mireille Jouve .  - Selon la presse, le détachement progressif de conseillers techniques sportifs (CTS) du ministère des sports vers les fédérations reste à l'étude. Une lettre plafond du Premier Ministre demande en effet une réduction du schéma d'emplois du ministère de 1 600 ETP pour 2018-2022, via une transformation du mode de gestion des CST et la réduction de leur nombre.

L'inquiétude est forte dans le milieu sportif. Le président du Comité olympique français redoute un bouleversement du système et l'Inspection générale de la jeunesse et des sports craint qu'un scénario de rupture se traduise par une désorganisation du système de performance sportive français à la veille des Jeux olympiques de 2024.

Nous devons être prudents, d'autant que 50 % de CTS partiront à la retraite dans les prochaines années. Où en est la réflexion du Gouvernement ?

M. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Maracineanu. Le président de la République, en novembre 2018, a rappelé que ce changement de mode de gestion visait à intégrer davantage ces CTS à la vie des fédérations et des clubs - leur caractère public n'apparaît pas toujours nécessaire - et à mieux répondre aux attentes des clubs.

Dès son arrivée, la ministre des sports a engagé une concertation sur le sujet.

Entraîneurs, formateurs et développeurs expérimentés, les CTS exercent des missions clés pour le système fédéral et la réussite de nos sportifs. Néanmoins, leur statut protégé fait débat depuis plusieurs décennies et leur multiple tutelle mérite d'être clarifiée. Elle correspond à une forme d'ingérence de l'État, qui devient caduque, dès lors que la rénovation du modèle vise à rendre l'organisation plus autonome et plus responsable.

Il ne s'agit pas de supprimer les métiers des CTS mais de trouver un dispositif équilibré entre État et fédération, dans un climat de confiance, sans fragiliser les petites fédérations. Dans ce cadre, un détachement de ces fonctionnaires vers les fédérations est en cours d'examen. Il se ferait sur la base du volontariat, dans le dialogue et au cas par cas.

Procès pénal de l'amiante

Mme Michelle Gréaume .  - Ma question porte sur les conséquences du rejet par la chambre criminelle de la Cour de cassation des pourvois des associations de défense des victimes de l'amiante du campus de Jussieu et du chantier naval Normed de Dunkerque, contre l'annulation, par la cour d'appel de Paris, des mises en examen des personnes impliquées dans le scandale sanitaire de l'amiante, membres pour la plupart de l'ex Comité permanent amiante (CPA), composé d'industriels, de scientifiques, de hauts fonctionnaires.

Vingt-deux ans après le dépôt des plaintes, et alors que l'amiante a tué dix mille personnes, la plus haute autorité judiciaire estime qu'aucune responsabilité ne peut « être imputée à quiconque », en « l'absence de faute caractérisée » et compte tenu « du contexte scientifique de l'époque et de la méconnaissance des risques encourus ».

Pourtant, des travaux scientifiques ont dit la vérité dès les années 1970, et le Sénat a enfoncé le clou en 2005.

L'amiante tue toujours : dix personnes par jour ! Ce triste bilan se poursuivra pendant des années.

Justice doit être rendue, les responsables doivent répondre de leurs actes. Cela passe par un procès pénal. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - La garde des Sceaux prend toute la mesure des souffrances des victimes de l'amiante et partage la préoccupation de voir les procédures judiciaires engagées avec toute l'efficacité et la célérité requises.

Dans le cadre de l'affaire du campus de Jussieu, plusieurs personnes physiques de l'université Paris VI, université Paris VII et de l'Institut de physique du globe de Paris avaient été mises en examen. Trois personnes physiques ont été mises en examen dans l'affaire de Dunkerque.

La chambre criminelle de la Cour de cassation a toutefois annulé ces procédures, confirmant l'analyse de la chambre de l'instruction selon laquelle « l'absence de faute caractérisée susceptible de [leur] être reprochée du fait de [leurs] fonctions au ministère du travail et de [leur] participation aux activités du CPA, d'autre part, faute pour [eux] d'avoir pu, dans le contexte des données scientifiques de l'époque, mesurer le risque d'une particulière gravité auquel il aurait exposé les victimes ».

Les procédures ne sont toutefois pas toutes closes et l'on ne peut préjuger de leur issue judiciaire. Le Gouvernement reste mobilisé et déterminé à aboutir à une solution humainement acceptable.

Mme Michelle Gréaume.  - Une épée de Damoclès pèse toujours sur la tête de certaines personnes. Il n'est pas acceptable que les responsables n'aient pas de comptes à rendre. Au-delà de l'amiante, c'est donner un permis de continuer à empoisonner. Rendre justice, c'est protéger les générations futures. Cela vaut aussi pour le glyphosate ou d'autres pesticides.

Augmentation des droits d'inscription à l'université pour les étudiants étrangers

Mme Évelyne Renaud-Garabedian .  - Ma question porte sur l'augmentation drastique des droits d'inscription à l'université pour les étudiants étrangers extra-européens. Ces droits passeront ainsi de 170 euros à 2 770 euros pour les licences et de 243 euros à 3 770 euros pour les masters et doctorats. Cette hausse, à n'en pas douter, aura des conséquences sur l'attractivité de notre enseignement supérieur.

Quel sera l'impact de cette mesure sur les jeunes étrangers qui ont suivi leur scolarité dans l'un de nos 500 établissements français à l'étranger ? Les lycées français de l'étranger accueillent aujourd'hui 60 % d'élèves de nationalité étrangère, parmi lesquels 67 %, à l'issue du baccalauréat, choisissent de partir étudier en France.

À l'heure où le Président de la République souhaite un doublement des effectifs dans nos établissements français à l'étranger d'ici 2025, l'aspect financier est primordial. Les étrangers non européens ayant réalisé leur cursus à l'étranger pourront-ils se voir accorder une baisse de leurs frais d'inscription ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - À l'étranger, de nombreuses familles font en effet le choix d'une éducation française, signe d'excellence, au prix de sacrifices financiers conséquents. L'inscription dans un lycée français de l'étranger coûte 5 300 euros par an et par élève. L'objectif de la stratégie « Bienvenue en France » est d'attirer plus d'étudiants internationaux dans notre pays, qu'ils soient francophones ou non. C'est pourquoi nous améliorons les conditions d'accueil et triplons le nombre de bourses.

La possibilité de déroger aux droits d'inscription ou de les moduler fait partie des discussions que nous avons avec les présidents d'universités. Les universités restent libres de passer des conventions avec les lycées français partenaires pour prévoir des frais d'inscription réduits. Plusieurs universités ont ainsi passé de telles conventions avec des établissements scolaires français à l'étranger. C'est à elles de construire leur stratégie d'attractivité.

Mme Évelyne Renaud-Garabedian.  - J'espère que nous pourrons trouver un compromis, à la fois nécessaire et juste.

Double cursus médecine-sciences

Mme Véronique Guillotin .  - Membre du groupe de travail « attractivité des emplois et des carrières scientifiques», je veux interroger Mme la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation sur les difficultés rencontrées par les étudiants en double cursus médecine-sciences.

Ce cursus favorise l'acquisition d'une formation à la recherche et d'un doctorat de sciences au cours des études médicales. L'objectif est de former des cliniciens à la recherche fondamentale, clinique et translationnelle. Grâce à leur double compétence, ces médecins participent à des activités de recherche et jouent ainsi un rôle déterminant dans le développement des innovations cliniques au service des patients. Or, selon une étude de l'association « médecine pharmacie sciences », l'articulation entre les formations médicale et scientifique demeure insuffisante. Parmi les problèmes évoqués par les étudiants figure l'organisation actuelle des deuxième et troisième cycles des études médicales qui, en l'absence d'aménagements, les oblige à interrompre pendant plusieurs années leurs activités de recherche et entraîne un taux important de renoncement à la poursuite du parcours de recherche et de départ vers les pays valorisant les doubles parcours.

Il apparaît également difficile de mener un travail de recherche prolongé pendant l'internat, qui doit être interrompu à cette fin. Les difficultés se prolongent ensuite dans l'aboutissement d'un projet professionnel médecine-recherche que les seules carrières hospitalo-universitaires ne suffisent pas à combler. D'où les effectifs relativement faibles des étudiants persévérant dans un double cursus en France, évalués à une centaine par an soit environ 1,25 % des effectifs, contre 3 % à 5 % en Suisse, au Royaume-Uni ou aux États-Unis. Le volume de publications et de citations scientifiques de la France n'a pas non plus suivi la même croissance que celle des autres pays ces dernières années.

La réforme des études médicales prendra-t-elle en compte ces éléments ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation .  - L'articulation entre études de médecine et cursus scientifique et le lien avec la recherche est au coeur de mes préoccupations. Le projet de loi Recherche comprendra un volet spécifique sur la recherche médicale. L'article premier du projet de loi relatif à l'organisation et à la transformation de notre système de santé supprime le numerus clausus et ouvre la voie à une diversification du cursus, vers les sciences dites « dures ».

Nous avons aussi à coeur d'initier les étudiants en médecine à la recherche scientifique en troisième cycle. L'accès à ce dernier fera l'objet d'une transformation substantielle.

La concertation étant toujours en cours, la mesure est reportée d'un an. L'attractivité des carrières scientifiques constitue un enjeu majeur pour notre pays. J'ai souhaité que vous participiez au groupe de travail chargé de faire des propositions au ministre de la santé pour co-construire une solution répondant aux besoins.

Sorties pédagogiques des élèves en milieu rural

M. Yves Daudigny .  - Ma question s'adressait au ministre de l'Éducation nationale et de la jeunesse, mais je serai heureux de vous entendre, monsieur le ministre de l'Agriculture. Les élèves scolarisés en milieu rural, ont besoin, comme tous les élèves citadins, d'accéder à la culture ou à la pratique de sports de toutes sortes pour ouvrir leur esprit.

En Thiérache notamment, le rôle pédagogique des établissements scolaires, qui initient leurs élèves à la découverte de l'art, favorisent leur créativité, les ouvrent sur le monde et leur donnent confiance en soi, est crucial. Ce rôle passe bien évidemment par l'organisation de multiples activités et de sorties pédagogiques. Or, en milieu rural, on se heurte au problème des transports et à la place de la route.

À Hirson, à la cité scolaire, le conseil d'administration a décidé en décembre 2016 d'acquérir un minibus d'une capacité de neuf places, dont deux sont attribuées au conducteur et à un accompagnateur, afin de pallier ces difficultés de transport. Ce minibus servait à déplacer les élèves pour les emmener à des expositions, des compétitions sportives départementales, voire nationales. Les professeurs, à l'initiative de ces projets, sur la base du volontariat, conduisaient le véhicule. Ces sorties se faisaient avec l'accord du chef d'établissement et étaient couvertes par une assurance tout risque. Or, récemment, la rectrice d'Amiens a envoyé rappelant l'interdiction faite aux enseignants de convoyer leurs élèves pour quelque sortie que ce soit. Ces dispositions, ainsi rappelées, mettent en suspens les projets et pénalisent les élèves de ce lycée, en leur réduisant l'accès à de nombreuses manifestations essentielles à leur ouverture sur le monde.

Le Gouvernement envisage-t-il de faire évoluer le cadre juridique des sorties scolaires ? Il y va de l'ouverture à la culture et de l'égalité des chances entre élèves urbains et ruraux.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Veuillez excuser M. Blanquer, empêché.

Le principe d'un recours à un conducteur professionnel est posé par la circulaire n°2011-117 du 3 août 2011. Seule l'absence momentanée d'un transporteur professionnel peut, à titre supplétif, justifier qu'un enseignant conduise le cas échéant son véhicule personnel, après accord du chef d'établissement. Ce n'est qu'un recours exceptionnel. Par exception, sous réserve de l'acquisition d'une police d'assurance adéquate, une autorisation permanente peut être accordée à un enseignant ou à un animateur titulaire d'une carte de diverses structures, comme les foyers socio-éducatifs, et étendue aux départements limitrophes.

Le Gouvernement a toutefois bien conscience des contraintes du monde rural et sait combien la mise en place de projets pédagogiques se heurte aux contraintes du territoire. Le ministère de l'Éducation nationale encourage les sorties à but culturel ou sportif. Le ministère est donc disposé à ouvrir une réflexion sur la circulaire du 3 août 2011.

Extension de l'obligation scolaire

M. Olivier Henno .  - Ma question s'adresse également au ministre de l'Éducation nationale. Le projet de loi pour une école de la confiance a été adopté en première lecture le 19 février 2019 par l'Assemblée nationale et sera examiné dans les prochaines semaines au Sénat.

Les articles 2 à 4 de ce projet traitent de l'extension de l'obligation scolaire, actuellement fixée de 6 à 16 ans dès l'âge de 3 ans. Cette extension du principe fondamental d'instruction obligatoire est une bonne nouvelle pour les plus jeunes de nos concitoyens, notamment pour les familles les plus fragiles ou les plus éloignées de l'éducation.

Pour autant, si cette avancée est louable, il est nécessaire de rappeler qu'actuellement 97 % des enfants âgés de 3 à 6 ans sont déjà scolarisés. Ce projet de loi est donc l'occasion de conforter à la fois le rôle de l'école maternelle dans les apprentissages premiers des enfants, le rôle des enseignants du premier degré et enfin une façon aussi de renforcer les communes dans leur compétence en termes d'accès à l'éducation comme le définit le code de l'éducation.

L'école maternelle obligatoire, c'est aussi la reconnaissance par l'État d'une équité de traitement avec l'école élémentaire notamment en termes de remplacements des enseignants, de carte scolaire, d'ouvertures et de fermetures de classes.

L'article 4 dispose que l'État attribuera des ressources aux communes au titre de l'année scolaire 2019-2020, en raison de l'augmentation de leurs dépenses obligatoires par rapport à celles de l'année scolaire 2018-2019, du fait de cette extension de compétences.

L'État prendra-t-il en charge les frais liés aux nouveaux élèves qui s'inscriront au regard de l'extension de l'obligation scolaire et continuera-t-il à contribuer pour les élèves de 3 à 6 ans ?

Quid des constructions de maternelles ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Cela correspond en effet à une extension de compétence des collectivités territoriales, qui doivent faire l'objet d'un accompagnement par l'État, en vertu de l'article 72-2 de la Constitution. Un décret en Conseil d'État y pourvoira.

Les dépenses seront appréciées, en vertu de l'article 4 du projet de loi, à l'issue de l'année scolaire 2019-2020, selon les situations locales et versées de manière pérenne à la commune ou à l'intercommunalité assurant la compétence de la scolarisation.

La Dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) pourra être utilisée par le représentant de l'État dans le département, pour les dépenses d'investissement causées par la baisse de l'âge de la scolarisation obligatoire, de même que la dotation de soutien à l'investissement local, ou la dotation de la politique de la ville. Compte tenu des perspectives démographiques, 64 000 élèves en moins en 2019, une diminution significative des dépenses du bloc communal est à attendre.

Enseignement du clitoris dans les programmes scolaires

Mme Laurence Rossignol .  - M. le ministre de l'agriculture n'est peut-être pas le mieux placé pour répondre à ma question sur le clitoris...(Sourires)

Le clitoris est l'organe essentiel du plaisir sexuel des femmes. Pourtant, il demeure un organe oublié de l'Éducation nationale. Selon le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE), en 2016, un quart des filles de 15 ans ne savent pas qu'elles possèdent un clitoris et 83 % d'entre elles ignorent sa fonction érogène. En revanche, elles sont 53 % à savoir représenter le sexe masculin.

Cette méconnaissance n'est pas surprenante ! En France, le corps de la femme n'est jamais, ou très rarement, représenté intégralement et correctement par les outils éducatifs à disposition des enseignants. En 2019, seul un manuel de sciences de la vie et de la terre (SVT) sur huit décrit correctement le clitoris, les sept autres éditeurs ont conservé leurs dessins erronés dans les manuels pour la rentrée 2017-2018.

Il faut lutter contre cet analphabétisme sexuel : c'est un enjeu d'égalité. Le sexe de la femme n'est ni tabou, ni honteux. Il faut que les nouvelles générations apprennent enfin comment est fait un sexe féminin - les familles n'étant pas toujours à même de transmettre cette information - et en particulier sachent situer et comprendre l'organe qui est la source primaire du plaisir sexuel chez la femme.

Cette démarche a également des répercussions symboliques. Penser que le vagin est le symétrique du pénis, et non le clitoris, c'est se tromper au point de croire que les femmes sont dépourvues d'un organe de plaisir.

La reconnaissance du clitoris permet donc de sortir de ce schéma sexuel dans lequel les femmes sont en situation de passivité ou de reproduction. Mettre sur un pied d'égalité les sexualités masculines et féminines, c'est lancer les bases d'une sexualité plus respectueuse du désir et du consentement.

Reconnaître le clitoris comme un organe de plaisir à part entière, c'est aussi mesurer la portée des mutilations sexuelles dans la volonté de détruire le désir féminin. L'excision est encore très largement pratiquée dans le monde et concerne également la France : l'Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à 180 000 le nombre de personnes risquant l'excision chaque année au sein de l'Union européenne.

Je sais que le ministère fait valoir la liberté pédagogique des enseignants et qu'il n'écrit pas les manuels mais il lui revient de donner des indications.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Voici la réponse préparée par Jean-Michel Blanquer. L'enseignement du corps humain inclut l'éducation à la sexualité, adaptée à chaque âge, comme le rappelle une circulaire de septembre 2018. L'enseignement sur le clitoris s'inscrit dans ce cadre.

Le ministère n'influence pas le choix des manuels par les établissements, conformément aux principes de liberté de l'éducation et de l'enseignement.

Les violences et mutilations sexuelles ont des conséquences durables, vous avez raison. La France a ratifié la Convention d'Istanbul du 4 juillet 2004 et créé un cadre légal, et nous avons rappelé aux recteurs et inspecteurs dans une circulaire de mars 2019 leur devoir de vigilance. Des documents pédagogiques de formation du personnel ont été diffusés dans les rectorats et établissements scolaires.

Paiement des aides de la PAC

M. Philippe Bonnecarrère .  - Ma question, sans doute plus facile pour vous que la précédente (Sourires), porte sur la simplification des dossiers de la PAC et sur la célérité du paiement des aides.

Nous pensions que le sujet était derrière nous. Nous avons tous en mémoire les difficultés de 2015, pour établir les dossiers, savoir si les bois devaient être pâturés ou pas, etc. Tout cela a entraîné des retards de paiement importants. Le budget 2018 ne prévoyait pas d'avances, puisque vous pensiez que les règlements pouvaient intervenir dans des délais raisonnables. Or le problème s'est posé à nouveau.

Je n'ai rien contre les contrôles, mais je constate que le versement des primes aux agriculteurs est bloqué en cas de contrôles, ce qui est intellectuellement curieux.

Les difficultés de nos agriculteurs sont-elles dues à l'Europe ou aux errements franco-français ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Un peu des deux, mais surtout à l'Europe. Il est impossible de verser des aides européennes lorsqu'il y a un contrôle. C'est une règle européenne.

Néanmoins, la France a obtenu une dérogation pour pouvoir verser les aides après les seuls contrôles administratifs. C'est une règle de bonne gestion qui permet d'éviter d'avoir à recouvrer auprès des agriculteurs les sommes indûment versées, ce qui serait pire.

Pour assurer l'efficacité des contrôles, il n'est pas possible de prévenir les agriculteurs plusieurs semaines en amont. Je vous indique que la France est l'un des rares pays à verser des avances aux agriculteurs. En Allemagne, ce n'est pas le cas et les aides sont versées en janvier lorsque tous les contrôles ont été réalisés. Attention : le mieux est l'ennemi du bien ! Sachez que je veille comme le lait sur le feu à ce que tout se passe dans les règles de l'art.

M. Philippe Bonnecarrère.  - Certes, mais poursuivez votre travail de décorsetage, ou de facilitation, dans ce domaine. En outre, je rappelle que notre pays est codécideur des règles européennes.

Programme Leader 2014-2020

M. Jean-Marie Morisset .  - Un grand journal titrait récemment « Aides, un fiasco français ». Vous l'avez compris, je veux évoquer le programme européen de liaison entre actions de développement de l'économie rurale (Leader) 2014-2020.

En septembre 2016, deux ans après le début de la période de programmation des fonds européens 2014-2020, l'association Leader France lançait une première alerte : deux tiers des conventions avec les groupes d'action locale n'avaient pas été signés.

Alors que près de 700 millions d'euros de fonds européens ont été versés à la France pour promouvoir le développement rural il y a cinq ans, seuls 28 millions ont été payés, ce qui place notre pays en avant-dernière position, derrière la Slovaquie, pour la consommation des fonds.

Le Pays de Gâtines n'échappe pas à la règle : depuis le 29 février 2016, 80 porteurs de projets ont été accompagnés, 67 ont déposé des dossiers ; 12 comités de programmation ont été tenus, 36 dossiers ont été validés, mais seulement 14 demandes de paiements ont été envoyées. L'idée européenne pâtit de notre désorganisation.

La France pourra-t-elle demander une enveloppe significative si elle a aussi peu utilisé les fonds ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Que voulez-vous que je vous dise ? Vous avez raison ! Oui, la situation est incroyable, inacceptable. Le retour de 700 millions d'euros vers l'Union européenne, à quelques semaines des élections européennes, n'enverrait pas un bon signal, c'est évident. Il faudra donc mettre en place une future PAC bien plus simple.

La particularité de cette enveloppe est d'être mise en oeuvre par les groupes d'action locaux (GAL). Pas moins de trois échelons d'acteurs sont mobilisés.

L'État a mis en place un plan de sauvetage des fonds Leader, car il s'agit bien d'un sauvetage. Il a déployé des outils d'accompagnement des régions pour résorber le retard accumulé.

Les services du ministère mettent tout en oeuvre pour éviter que les régions perdent cet argent. Ce serait inacceptable ! Le cas échéant, et j'ai commencé à négocier en ce sens, nous demanderons un report de l'enveloppe.

M. Jean-Marie Morisset.  - Pas moins de 1,2 milliard d'euros ont été restitués en 2013. Nous devons éviter qu'une telle situation se reproduise. Les efforts seront-ils suffisants ?

Les règles se sont tellement compliquées depuis le dépôt des dossiers qu'il est hélas à craindre que les porteurs de projet ne reçoivent pas les fonds demandés.

La séance est suspendue à 12 h 45.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.