Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je souhaite excuser l'absence du président du Sénat qui assiste aujourd'hui au congrès de l'Assemblée des départements de France.
La séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook. J'appelle tous les sénateurs à respecter les valeurs du Sénat, en particulier le respect et le temps de parole.
Carburants et pouvoir d'achat
M. Fabien Gay . - La colère gronde sur le territoire face à l'augmentation des prix du gaz, fioul domestique et de l'essence.
Avec une fiscalité maquillée en vert, vous faites payer les classes populaires et moyennes, qui souffrent déjà des salaires bloqués, du SMIC non revalorisé et de la baisse des pensions de retraite via la hausse de la CSG. Ces mesures compensent les cadeaux fiscaux aux plus riches, avec la baisse de l'ISF, et les cadeaux fiscaux aux entreprises, comme le CICE - 99 milliards pour une création d'emploi presque nulle !
Vous taxez le smicard qui gagne 1 153 euros et qui n'a pas d'autre choix que de prendre sa voiture pour se rendre au travail - il y a 18 millions de Français qui vivent en zone blanche de transports publics ! Mais de l'autre côté, vous ne taxez pas davantage Total, qui a fait 8 milliards de bénéfices nets en 2017 ! La lutte contre le réchauffement climatique est impérative ! Mais pour la mener efficacement, arrêtez de fermer les petites gares, arrêtez vos bus « Macron » qui roulent au diesel, stoppez le forage offshore de Total en Guyane, développez les transports publics, taxez le kérosène et les croisiéristes, taxez Total et les sociétés d'autoroutes, mieux même : renationalisez ces autoroutes pour qu'elles participent à cet enjeu de société.
Allez-vous arrêter de taxer les Français et vous attaquer aux lobbies ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs des groupes SOCR et Les Républicains)
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Oui, le prix des carburants augmente, d'abord parce que nous faisons face à la hausse des prix du baril, de 50 à 80 dollars...
Voix à gauche. - Et les taxes ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État. - Les taxes représentent de trois à sept centimes par litre. (Protestations sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains) Le Gouvernement est conscient des difficultés créées pour les ménages modestes. Mais nous assumons cette fiscalité par rapport aux enjeux. Nous préférons taxer la pollution et non le travail. (Huées sur les bancs à droite) Pour chaque euro de taxe, l'État rend quatre euros en baisse d'impôts et de charges.
Oui, nous mesurons les difficultés des plus modestes. D'abord, nous aidons avec la prime à la conversion, le chèque énergie qui bénéficie à 250 000 personnes dont 70 % de ménages non imposables.
Bruno Le Maire et François de Rugy recevront Total et les distributeurs pour s'assurer que la baisse du coût du pétrole soit répercutée à la pompe. (Huées)
Nous multiplierons les contrôles de la DGCCRF. (Mêmes mouvements, couvrant la voix de l'oratrice) Le Gouvernement agit ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Fabien Gay. - Il n'y aura pas de révolution écologique sans révolution sociale. Sur la première, mettez vos discours en actes, et sur la seconde, les Français ne demandent pas la charité de vos chèques énergie, ils demandent du pouvoir d'achat, par une augmentation des salaires et des pensions ! (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE, SOCR, UC et Les Républicains)
Transition énergétique et pouvoir d'achat
M. Franck Montaugé . - Les Français constatent partout que leurs factures énergétiques augmentent, dans des proportions insupportables, le mécontentement monte - et vos annonces démontrent que vous ne l'entendez pas, que vous ne mesurez pas les difficultés des Français. Je pense à tous ceux qui ont du mal à boucler leurs fins de mois, aux ruraux qui sont captifs du carburant pour se déplacer, à tous ceux qui voudraient isoler leur maison pour payer moins cher leur chauffage.
Le Gouvernement s'était engagé par exemple à transformer en prime le crédit d'impôts transition énergétique. On attend toujours mais ce qui est sûr c'est que les crédits correspondants sont divisés par deux dans le budget 2019.
Les Français se sentent grugés quand 20 % seulement des augmentations de taxes sont affectés à la transition énergétique. On attend toujours le chèque sur le crédit énergétique. Les Français sont confrontés aux hausses des taxes et ne voient pas comment elles contribuent à la transition énergétique ; ils partagent l'enjeu de la transition énergétique mais à condition qu'elle se fasse au bénéfice de tous. Les ménages sont défavorisés.
Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour répondre aux difficultés des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR et sur quelques bancs du groupe CRCE)
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Vous avez raison : il y a un besoin de transparence et de pédagogie sur l'utilisation des recettes des taxes écologiques. (Exclamations à gauche)
M. Roland Courteau. - Ils ont besoin de bien plus que ça !
M. François de Rugy, ministre d'État. - Je reconnais volontiers que tout n'a pas été fait pour délivrer la meilleure information (On ironise sur de nombreux bancs.) L'an prochain, la fiscalité écologique représente 34 milliards d'euros ; c'est aussi le budget du ministère de l'écologie avec un milliard d'euros de plus que cette année. La taxe carbone rapporte 7,9 milliards d'euros, dont 7,3 milliards sont réinvestis dans les énergies renouvelables ; 1,2 milliard d'euros ira à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Nous poursuivons la prime à la casse de 2 000 euros, nous augmentons le chèque énergie... Nous continuerons à améliorer la situation des plus modestes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Franck Montaugé. - En vérité, la sortie de Nicolas Hulot du Gouvernement a sonné le glas de l'ambition nationale sur la transition énergétique - qui était celle du ministre d'État plutôt que celle du président de la République...
Monsieur le ministre d'État, utilisez tous les outils dont vous disposez - en particulier la TICP flottante mise en place en son temps par Lionel Jospin ! Les Français ont besoin de savoir comment sont utilisées les taxes. Un effort de pédagogie s'impose au nom de l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)
Budget des armées
M. Emmanuel Capus . - Le président de la République a pris l'engagement de préserver le budget de la défense, sanctuarisé par la loi de finances 2018 et soutenu par une loi de programmation militaire d'une ambition sans précédent.
Mais il semble que le projet de loi de finances rectificative déposé hier à l'Assemblée nationale prévoit une prise en charge des surcoûts des opérations extérieures (OPEX) par le seul ministère de la Défense, à hauteur de 404 millions d'euros. Ce n'est pas ce que nous voulons, à l'heure où le président de la République est en itinérance mémorielle pour saluer les anciens combattants...
M. Xavier Iacovelli. - ... Et Pétain !
M. Emmanuel Capus. - ... et alors que nos armées sont engagées à l'extérieur. Monsieur le ministre, ces crédits seront-il effectivement prélevés intégralement sur ceux de la Défense - au lieu de la moitié comme habituellement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOCR et Les Républicains)
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Vous l'avez dit, le fossé s'est creusé entre les besoins des armées et les moyens. Le président de la République s'est engagé à ce que 2 % du PIB soit consacré à la Défense en 2025. Nous sommes dans cette trajectoire - les crédits ont augmenté de 5,5 % l'an passé, soit 1,8 milliard d'euros en plus -, couplée à un impératif de réduction du déficit public. Mais le ministère des Armées est exempté de la contribution à cet effort. Les annulations de crédits n'auront aucune conséquence sur les commandes, car elles seront compensées par un recours à la réserve.
Il n'y a aucune ambiguïté : les engagements du Gouvernement vis-à-vis des armées sont respectés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Emmanuel Capus. - Attention : nous sommes d'accord pour des économies sur bien des missions budgétaires, mais on ne doit pas rogner sur l'investissement, l'innovation ou l'équipement des troupes. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Trajectoire diesel
M. Jean-François Husson . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Vous avez assumé, une nouvelle fois, l'augmentation de la taxe sur les carburants. Faites preuve de justice et non de mesures de circonstance. Vous êtes le chef d'orchestre d'une fiscalité confiscatoire, punitive, que vous vendez aux Français comme la symphonie du nouveau monde, au lieu d'engager la partition de l'écologie positive.
Quelles mesures proposez-vous pour engager la transition énergétique ?
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Il y a quelques années, vous avez remis un rapport sur la pollution de l'air, avec Leïla Aïchi, qui évaluait les conséquences de cette pollution à 45 000 morts par an. Désormais, Santé publique France l'a réévalué à 48 000 morts. (M. Jean-Claude Lemoyne, secrétaire d'État, approuve.)
Vous évaluiez le coût de cette pollution à 100 milliards d'euros et appeliez à l'action - vous aviez bien raison !
Ces dernières années, nous avons constaté bien des atermoiements en matière de lutte contre les pollutions et le changement climatique. En 1998, le Gouvernement avait commencé la convergence essence-diesel, stoppée en 2000. En 2008, on a encouragé les Français à acheter de petites voitures diesel au point qu'en 2012, un pic de vente des voitures diesel a été atteint : 72 % des voitures neuves !
Puis il y a eu le Dieselgate ; nous assumons les mesures que nous avons prises. Libérons les Français de la consommation d'essence et du pétrole. Le diesel ne représente que 36 % des ventes des véhicules neufs. 70 % des ménages changent de voiture grâce à la prime à la conversion, souvent non imposables ; 80 % des voitures qui partent ainsi à la casse roulent au diesel. Oui, il faut agir, et nous le faisons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Jean-François Husson. - Votre politique est incohérente : en 2019, moins de 20 % des prélèvements supplémentaires seront consacrés à la transition énergétique. Et les dépenses baissent de 400 millions d'euros. Vous prenez plus aux Français et donnez moins à la transition écologique !
Le président de la République dit vouloir taxer plus le carburant et moins le travail, mais le carburant permet aux Français d'aller au travail ! Quatre personnes sur cinq qui travaillent doivent utiliser leur véhicule parce qu'ils vivent dans un territoire mal desservi. Les Français, hors métropole, ne méritent pas d'être assignés à résidence !
Les Gaulois réfractaires n'acceptent pas cette politique : en marchant sur la tête, vous voulez les rouler dans la farine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et SOCR)
Flux migratoires dans les Pyrénées-Atlantiques
Mme Denise Saint-Pé . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Les Pyrénées sont devenues une nouvelle route des flux migratoires, du fait que l'Espagne, avec 50 000 personnes entrées sur son territoire depuis le début de l'année, est devenue le premier point d'arrivée sur le continent européen. À Bayonne, 100 migrants arrivent chaque jour, venant souvent de pays francophones comme la Guinée, le Mali ou la Côte d'Ivoire.
La ville, la communauté d'agglomération font face à un vrai défi humanitaire pour mettre à l'abri, avant l'entrée dans l'hiver, ces populations fragilisées constituées surtout d'hommes jeunes, de mineurs isolés, de femmes seules avec enfants.
Ils peuvent compter sur de nombreuses associations qui organisent l'aide aux arrivants et déploient un plan d'actions estimé à 55 000 euros par mois, mais la société civile ne peut pas tout.
Comment aider les collectivités territoriales ? Comment aider les départements à prendre en charge les mineurs isolés ? Comment même lutter contre les filières de passeurs ? Comment renforcer le contrôle aux frontières ? Où en est l'évaluation de Frontex ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe RDSE)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Vous avez raison : depuis quelques mois, l'Espagne est devenue la principale voie d'accès des migrants au continent européen, notamment pour des populations francophones dont le pays de destination est la France.
C'est pourquoi nous mobilisons des moyens renforcés : une compagnie supplémentaire de CRS a été détachée. J'y ai ajouté dix policiers supplémentaires à Hendaye. (Marques d'ironie à droite) Nous avons aussi renforcé la surveillance des cols grâce à un peloton de gendarmerie qui y est spécifiquement dédié. J'ai nommé un coordonnateur pour les Pyrénées afin de travailler en lien avec l'Espagne. L'Union européenne a débloqué 140 millions d'euros à destination du Maroc pour contenir le flux - je me suis entretenu ce matin même avec mon homologue marocain pour que ces fonds aillent à des opérations d'anticipation. Enfin, la dotation pour aider les départements à prendre en charge les mineurs isolés augmente de 25 % dans le projet de loi de finances pour 2019. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Denise Saint-Pé. - Il y a urgence à agir pour éviter que la question migratoire ne soit instrumentalisée par des mouvements populistes : le populisme n'a pas sa place au pays basque ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur quelques bancs des groupes SOCR, CRCE et Les Républicains)
Comité interministériel du handicap
Mme Françoise Cartron . - J'ai souvent constaté les difficultés extrêmes des personnes en situation de handicap face aux démarches à effectuer. Devoir redémontrer le handicap de son enfant : quelle souffrance inutile !
Le 19 juin, Dominique Gillot, présidente du Conseil national consultatif des personnes handicapées, présentait des solutions concrètes pour l'emploi des personnes en situation de handicap. Le Comité interministériel du handicap du 25 octobre s'est inscrit dans cette continuité, avec plusieurs annonces importantes. Certains droits, comme celui d'avoir un accompagnant éducatif, seront attribués pour un cycle scolaire et non plus par année. Je pense aussi à la création d'un bonus inclusion handicap dans les crèches et à la majoration du complément mode de garde pour les assistantes maternelles qui représentent des avancées. De même l'allocation d'éducation sera attribuée jusqu'au 20 ans de l'enfant.
Vous avez également évoqué l'attribution à vie de droits pour les personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. C'est un progrès considérable !
Quel est le calendrier de mise en place de ces mesures très attendues ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Éric Gold applaudit également.)
Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Effectivement, le Comité interministériel du handicap, le 25 octobre dernier, a consacré des avancées importantes en matière de citoyenneté - en particulier le droit de vote, de mariage, de pacs, de divorce... sans autorisation judiciaire.
L'allocation aux adultes handicapés (AAH), la reconnaissance de qualité de travailleur handicapé (RQTH) seront attribuées à vie aux personnes dont le handicap n'est pas susceptible d'évoluer favorablement. Les textes réglementaires seront publiés avant la fin de l'année.
Le budget pour l'an prochain augmente de 5 %, c'est un effort sans précédent. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit la fusion de la couverture maladie universelle (CMU) et de l'aide au paiement d'une complémentaire santé (ACS), ce qui facilitera l'accès aux soins, une majoration de 30 % du complément du mode de garde à domicile.
Le Gouvernement a écouté, le Gouvernement agit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Fiscalité des carburants
M. Jean-Marc Gabouty . - Notre pays est dans une situation paradoxale. La croissance s'accélère et devrait se maintenir à 1,60 % du PIB pour 2018. L'Insee prévoit une hausse du pouvoir d'achat de 1,70 %. Cela devrait donner de l'optimisme aux Français mais le ressenti est tout autre. Ils imputent aux taxes, donc au Gouvernement, la hausse du prix du carburant, de 15 à 25 %, alors que la hausse du prix du pétrole brut y est pour 73 à 82 %.
Le prix à la pompe est au même niveau que chez nos voisins - à l'exception de l'Espagne. Le président de la République dit préférer taxer les carburants plutôt que le travail, mais la hausse à la pompe pénalise les Français qui se rendent au travail en voiture, faute de transports en commun. Les services et soins à domicile doivent, en particulier, bénéficier d'aides et d'accompagnement.
Quels financements et calendrier de mise en oeuvre avez-vous prévus ? Un groupe de travail parlementaire de suivi et d'évolution de ces mesures peut-il être envisagé ?
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Je salue le ton de votre question (Marques d'ironie sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains) et votre état d'esprit honnête, constructif et lucide ; lucide sur la réalité et le ressenti des Français. (Exclamations sur les bancs des groupes Les Républicains et SOCR) Car le ressenti, en politique, est souvent plus important que la réalité. (Les exclamations redoublent.) Hier, le groupe Total a annoncé une baisse de prix de l'essence de trois centimes.
M. Rachid Temal. - Oh là là !
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire. - Nous réunirons cet après-midi, avec Bruno Le Maire, les groupes pétroliers. Une baisse de trois centimes peut sembler peu mais c'est l'augmentation de la fiscalité sur les carburants. Cela dit, nous sommes conscients de la façon dont cela est ressenti.
M. Bruno Sido. - Pourquoi le faites-vous alors ?
M. François de Rugy, ministre d'État. - Cette année, un million de Français bénéficieront du crédit d'impôt pour la transition énergétique pour faire des travaux et réaliser des économies durables sur leur chauffage. Avec la prime à la reconversion, qui est plus forte pour les ménages non imposables, 250 000 automobilistes pourront changer de voiture. Le chèque énergie passera de 150 à 200 euros. Cela, c'est une réalité concrète pour les Français dès 2019.
Nouvelle-Calédonie
M. Jean-Pierre Sueur . - Lors du vote de dimanche dernier, 81 % de nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie se sont exprimés. Au lendemain de ce référendum, nous avons une pensée pour Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur...
Voix sur les bancs du groupe Les Républicains. - Pour les gendarmes aussi !
M. Jean-Pierre Sueur. - Nous devons cet accord à leur courage extraordinaire, à Michel Rocard et d'autres (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Richard Yung applaudit également.) qui ont choisi la résolution non violente de ce conflit.
Monsieur le Premier ministre, vous avez annoncé aujourd'hui que vous vouliez prendre des initiatives pour que ce dialogue politique se poursuive. Cela suppose la clarté sur le respect strict de notre loi fondamentale, les accords de Nouméa et la loi organique de 1999. Tous les transferts de compétence prévus n'ont pas été réalisés, des progrès doivent être faits. Est aussi prévue la tenue éventuelle de deux autres référendums à la demande d'un tiers des membres du Congrès de Nouvelle-Calédonie. Si la condition est remplie, ils devront être organisés, sinon les indépendantistes y verront une trahison.
Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous confirmer que la poursuite du dialogue se fera dans le respect absolu des accords de Nouméa et de la Constitution ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. André Gattolin applaudit également.)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Dimanche, la Nouvelle-Calédonie a voté ; elle a voté massivement ; elle a voté dans le calme et la sérénité. Chacun l'a reconnu, que ce soit les 250 délégués qui veillaient au bon exercice du droit de vote et au respect de l'ordre public, aux observateurs dépêchés par le Forum des îles du Pacifique ou l'ONU. Le résultat n'est contesté par personne, grâce à l'action des services de l'État, des maires et de tous ceux qui se sont engagés et ont concouru à l'organisation de ce référendum. L'action du comité des sages, que j'ai institué et dont j'ai confié la présidence à Jean Lèques, le maire honoraire de Nouméa, a été déterminante aussi.
Ce vote intervient après trente années exceptionnelles. Ce processus engagé en 1988 par Michel Rocard, Jean-Marie Tjibaou et Jacques Lafleur, poursuivi par Lionel Jospin que je veux également saluer, a été poursuivi par tous les gouvernements successifs. Nous pouvons être collectivement fiers de cette continuité de l'action publique.
Si le vote de dimanche a été un succès de la démocratie, c'est parce que l'ensemble des forces politiques ont voulu faire des accords de Nouméa la boussole de l'action publique. Ces accords prévoient un deuxième, voire un troisième référendum. Le cadre n'a pas vocation à évoluer sauf si un consensus pour le modifier émergeait, comme en 1998.
Ce cadre présente des avantages considérables : le respect de la paix civile, de l'expression démocratique et de la volonté des électeurs de Nouvelle-Calédonie. Ayons cependant à l'esprit qu'il a conduit, depuis trente ans, ce qui est bien compréhensible, à concentrer le dialogue sur les questions institutionnelles au détriment, peut-être, des questions économiques et sociales, tout aussi essentielles. La perspective de deux autres référendums crée aussi une certaine instabilité, susceptible de décourager des investissements.
Ne doutez pas une seule seconde de la volonté du Gouvernement de respecter le cadre des accords de Nouméa, c'est la condition de la paix civile, et de poursuivre le dialogue. Au lendemain du référendum, sur place, j'ai indiqué à l'ensemble des forces politiques que je les invitais à participer à un comité des signataires en décembre à Paris pour tirer collectivement le bilan de cette consultation électorale.
La question des transferts de compétence a été instruite par l'État avec les forces politiques, elle ne fait pas fait l'objet d'un consensus tel que le Congrès s'en serait saisi. Je n'exclus rien mais vous comprenez bien que, en cette matière comme dans toutes les autres, la qualité de la discussion et l'émergence du consensus sont des conditions déterminantes du succès.
Monsieur le sénateur, je me tiens à votre disposition comme à celle de l'ensemble des groupes parlementaires pour faire le point régulièrement sur la question de la Nouvelle-Calédonie. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, SOCR et sur quelques bancs du groupe RDSE)
État des forces de sécurité
M. Henri Leroy . - Pas un jour ne se passe sans qu'un policier ou un gendarme soit caillassé, molesté, insulté. Les agressions se comptent par centaine. Nos forces de sécurité se sentent peu considérées, mal équipées. La vague de suicides s'amplifie jusque dans des lieux hautement symboliques, comme un appel au secours. Le budget pour 2019 ne répond pas aux attentes. En attendant, la violence ne cesse d'augmenter dans nos villes et nos campagnes, les interventions de nos forces de sécurité se multiplient et la réponse pénale n'est pas adaptée.
Notre commission d'enquête a travaillé durant six mois, elle a effectué de nombreuses auditions et de nombreux déplacements, elle a formulé 35 propositions concrètes qui répondent aux attentes de ces femmes et de ces hommes qui nous protègent au quotidien. Dans votre plan d'action, monsieur le ministre, quels moyens pour stopper ce climat de violence qui s'installe un peu plus chaque jour ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Christophe Castaner, ministre de l'intérieur . - Vous avez raison sur le constat de non-respect de nos institutions. (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe Les Républicains) Pourquoi cette réaction ? Chaque fois qu'un policier ou un gendarme est mis en cause, c'est la République qui est mise en cause.
Le budget que je vous présenterai augmente de 575 millions, soit 3,5 %, pour réarmer nos policiers et gendarmes ; un plan d'action immobilier majeur et un plan massif de recrutement seront lancés avec 1 500 postes ouverts en plus des 2 000 postes ouverts cette année. Cet effort sera poursuivi l'année suivante parce que nous voulons recruter 10 000 policiers et gendarmes supplémentaires durant le quinquennat.
Nous devrions nous retrouver sur l'idée qu'aucune violence contre nos policiers, nos gendarmes et nos pompiers n'est acceptable dans ce pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. Henri Leroy. - Monsieur le ministre, votre prédécesseur disait que les Français sont aujourd'hui côte à côte ; demain, face à face. Ne semez pas la faiblesse, vous récolterez la violence. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Sanctions américaines contre l'Iran
M. Philippe Bonnecarrère . - Comment faire respecter la souveraineté française et européenne à la suite du retrait des États-Unis de l'accord de Vienne avec l'Iran ? Les États-Unis veulent remplacer le multilatéralisme par le rapport de force bilatéral. Ils considèrent que leur politique étrangère doit être la nôtre par l'effet de l'extraterritorialité de leurs loirs et de la deuxième vague de sanctions applicable depuis quatre jours à l'Iran.
Quelle action notre pays mènera-t-il pour faire respecter notre souveraineté ? Où en est la création du SPV, l'organisation d'un canal humanitaire, le maintien de la connexion de quelques banques iraniennes avec le système Swift et le travail pour que, demain, l'euro joue un rôle plus important comme monnaie de change ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; MM. Henri Leroy, Martin Lévrier et Simon Sutour applaudissent également.)
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - Les États-Unis ont rétabli le 5 novembre l'intégralité des sanctions contre l'Iran visant les secteurs pétroliers et financiers. La France regrette vivement ces sanctions et l'a dit publiquement, avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et la Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères. Nous soutenons l'accord et les entreprises qui commercent légitimement avec l'Iran. À ce jour, ce pays, d'après le dernier rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique met en oeuvre ses engagements. L'Union européenne mais aussi la Chine et la Russie se sont engagées à le préserver. Le fonds commun des créances, le SPV, facilitera les transactions des entreprises qui souhaitent continuer de commercer avec l'Iran ; à terme, il doit devenir un outil de souveraineté économique pour nos pays.
Je salue votre rapport d'information et votre mobilisation sur ce sujet. Nous nous battons ensemble pour une Europe souveraine. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et Les Indépendants ; M. Jean-Marc Gabouty applaudit également.)
M. Philippe Bonnecarrère. - Trois convictions : une souveraineté partagée, le fait que rien n'est gagné s'il y a un vaincu et que notre intérêt est la stabilité du Moyen-Orient, si proche de l'Europe - le pic de migration de 2015 nous l'a prouvé. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)
Néonicotinoïdes
M. Joël Labbé . - Ma question concerne les néonicotinoïdes, ces néonicotinoïdes qui m'avaient poussé, par dépit, à arracher ma cravate dans l'hémicycle en 2014 !
Nous pensions en être définitivement libérés. Or, hier, l'abominable Union des industries de la protection des plantes a déposé un recours devant le Conseil d'État contre le décret d'interdiction du 30 juillet 2018.
Notre pays s'est montré audacieux en interdisant ces pesticides neurotoxiques redoutables pour les abeilles dès 2016 dans la loi Biodiversité. La loi EGalim a renforcé cette interdiction en l'étendant aux molécules présentant le même mode d'action.
Le Gouvernement mobilisera-t-il tous les moyens pour défendre ce décret ? S'il était annulé, des arrêtés de retrait des autorisations de mise sur le marché seront-ils pris, en particulier pour le thiaclopride et l'acétamipride, qui ne rentrent pas dans le champ de l'interdiction européenne ? C'est faisable ! Parmi les précédents, on peut citer le Cruiser ou, tout récemment, le métham sodium ou encore les arrêtés successifs pris contre les OGM, jusqu'à ce que l'Europe bouge. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes RDSE, LaREM et SOCR)
M. François de Rugy, ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Je connais, monsieur le sénateur, votre engagement contre les néonicotinoïdes, ces tueurs d'abeilles ; comme vous connaissez le mien.
La loi Biodiversité de 2016 a interdit cinq substances néonicotinoïdes. Cette loi a été mise en oeuvre par le décret du 5 juillet 2018, attaqué en référé-suspension devant le Conseil d'État par l'UIPP.
Le Gouvernement a été clair : l'interdiction des néonicotinoïdes est et sera une réalité. D'ailleurs, nous avons élargi la liste des produits interdits dans la loi EGalim. Le référé-suspension a été rejeté sur la forme, il y aura bientôt un jugement sur le fond et nous faisons activement valoir nos arguments devant le Conseil d'État. Ils portent d'ailleurs car trois des cinq substances interdites en France viennent d'être interdites dans l'Union européenne. Je vous confirme la détermination de la France qui, comme sur le glyphosate, (Murmures désapprobateurs sur les bancs du groupe Les Républicains) est à la pointe au sein de l'Union européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Joël Labbé. - Comme le recommande le rapport de WWF,...
M. Laurent Duplomb. - Ce ne sont pas des scientifiques !
M. Joël Labbé. - ... ne pensez-vous pas que la PAC devrait être copilotée par le ministère de l'Agriculture et celui de la Transition écologique et solidaire ?
Départements
Mme Martine Berthet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'Assemblée des départements de France tient son congrès en ce moment même. Les départements sont les collectivités de la solidarité ; or l'État compense partiellement les coûts du RSA et de l'APA et n'aide pas les départements à accueillir les mineurs non accompagnés - 25 000 en 2017, 40 000 en 2018, avec une participation de l'État à hauteur de 16 % des besoins. Trente départements n'arrivent plus à faire face à leurs obligations. Vous annoncez une rallonge de 550 millions d'euros sur une dépense globale de solidarité de 9 milliards ! Le compte n'y est pas. Madame la ministre, les départements ont-ils le droit d'exister à vos yeux ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales . - Je vous rassure : le Gouvernement respectera les institutions et n'a pas l'intention de remettre en cause l'existence des départements.
La situation migratoire est au coeur de nos préoccupations. Les charges d'accueil des mineurs non accompagnés étrangers sont lourdes. Dès 2019, nous allons créer un fichier national pour éviter les évaluations de minorité répétées dans des départements différents, les préfets pourront procéder à la répartition des mineurs entre les départements et 141 millions d'euros sont consacrés à l'accueil des mineurs dans le projet de loi de finances 2019. J'ai dialogué avec Dominique Bussereau ; après l'avoir écouté, nous avons décidé d'améliorer la prise en charge des mineurs non accompagnés après leur placement dans les structures de l'Aide sociale à l'enfance. J'expliciterai cela demain à Rennes, devant les présidents des conseils départementaux ; j'espère, moi aussi, être entendue !
Mme Martine Berthet. - Le rappel de plusieurs millions d'euros d'indus perçus au titre de la taxe d'aménagement, dont la faute incombe à l'État, le montre bien : il cherche à étrangler les départements pour mieux les tuer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Péages urbains
M. Philippe Pemezec . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Vous préparez, madame la ministre, un projet de loi sur les mobilités ; il semblerait que soient prévus des péages urbains. Élu de la première couronne, j'y vois une solution lucrative pour certains et punitive pour tous les autres. 80 km/h, taxe sur le carburant, quand cessera ce matraquage fiscal ?
La métropole du Grand Paris serait la solution, la panacée, nous dit-on... Mais pourquoi créer une fracture entre des arrondissements parisiens privilégiés et des banlieues mises au banc ? Les gens ne prennent pas leur voiture par plaisir.
Plutôt que des mesures punitives, travaillez sur la mobilité en concertation avec la métropole dont c'est la compétence (MM. Roger Karoutchi et Christian Cambon approuvent ; applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Arrêtons de faire croire que le Gouvernement est antivoiture ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous augmentons de 70 % les crédits de remise en état des routes nationales quand 1 milliard d'euros est consacré au désenclavement routier.
Le Gouvernement n'imposera pas de péages urbains. Ils sont déjà prévus par la loi : car je vous rappelle que le Sénat, en 2009, par un amendement de Louis Nègre à la loi Grenelle, l'a mis en place.
M. Roger Karoutchi. - Hé oui !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Mais les conditions d'application étaient floues. Nous encadrons mieux ce dispositif en prévoyant la consultation obligatoire des communes limitrophes et un plafonnement des tarifs. L'État n'imposera rien, ne récupérera pas les recettes ; elles reviendront aux collectivités. Ce serait un outil parmi d'autres pour les collectivités territoriales qui nous l'ont demandé lors des Assises de la mobilité. C'est ce qu'explique Fabienne Keller (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) dans son rapport remis en octobre sur les péages urbains. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mmes Josiane Costes et Michèle Vullien applaudissent également.)
M. Philippe Pemezec. - L'État doit travailler avec la région et la métropole pour mettre fin à la thrombose. Arrêtons de créer des impôts nouveaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
La séance est suspendue à 16 h 10.
La séance reprend à 16 h 20.