Nomination et présence des parlementaires dans certains organismes extraparlementaires(Procédure accélérée)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle les explications de vote, puis le vote sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs au Parlement et à simplifier les modalités de leur nomination.
La Conférence des présidents a décidé que ce texte serait examiné selon la procédure d'examen en commission prévue par l'article 47 ter du Règlement du Sénat.
Explications de vote
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Cette proposition de loi est singulière. Elle a été déposée le 30 mars dernier au Sénat par le président Larcher et les présidents des huit commissions, ainsi qu'à l'Assemblée nationale, par son président et les présidents de quatre groupes politiques.
La loi organique du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique prévoit, au nom du principe de séparation des pouvoirs, que la participation de parlementaires est limitée aux cas prévus par la loi, ceci à compter du 1er juillet 2018.
Cette proposition de loi répond à cette nouvelle exigence.
Aujourd'hui, 193 organismes accueillent des parlementaires, leur présence étant prévue par la loi pour 112 d'entre eux et par le règlement pour les 81 autres. Leur nombre n'a cessé d'augmenter avec 58 nouvelles instances depuis 2014, dont 29 pour la seule année parlementaire 2016-2017. Les règles varient selon les organismes, de même que l'objectif de parité. Plus de 660 nominations doivent être actées à chaque mandature !
Cette proposition de loi rationalise les choses, en unifiant les règles de nomination, de parité et de pluralisme politique. Elle permettra aux parlementaires de jouer pleinement leur rôle. Elle repose sur un inventaire exhaustif des organismes concernés et je salue le travail du rapporteur - les organismes se sont prêtés de bonne grâce à cette revue générale laquelle est toujours utile.
Votre rapporteur s'est montré plus entreprenant que celui de l'Assemblée nationale en réduisant la participation de parlementaires dans davantage d'organismes, et en prévoyant une entrée en vigueur le lendemain de l'adoption du texte, et non en 2022.
Le Gouvernement regrette la suppression du comité consultatif du Fonds pour le développement de la vie associative, dont le rapporteur a choisi de confier les compétences au Haut conseil à la vie associative.
Je ne doute pas que le dialogue bicaméral restera fécond jusqu'à la CMP, pour permettre une meilleure représentation des parlementaires aux organismes extraparlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Loïc Hervé, rapporteur de la commission des lois . - Comment garantir la présence des parlementaires dans certains organismes extérieurs et simplifier les règles des nominations ? Voilà la question à laquelle ce texte entend répondre.
La participation des parlementaires aux organismes extérieurs au Parlement remonte au XIXe siècle, avec la création de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et de consignations en 1816.
La présence des parlementaires dans les organismes extraparlementaires (OEP) renforce le contrôle parlementaire de l'action du Gouvernement, l'évaluation des politiques publiques et améliore la prise en compte des aspirations de nos concitoyens par ces organismes. Le nombre d'OEP n'a cessé de croître, croissance non maitrisée et qui a abouti à des règles de fonctionnement et de nomination disparates. Ils étaient 17 en 1958, 73 en 1981, 147 en 2004 et sont 203 aujourd'hui !
La proposition Karoutchi-Richard est ici reprise ; en septembre 2016 puis 2017 déjà, le président du Sénat avait refusé la nomination de sénateurs dans des OEP.
Les parlementaires seront désormais nommés par le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat, sur le fondement de la loi, qui garantira aussi la parité et le pluralisme politique. Et, sauf rares exceptions, la désignation de suppléants au sein des OEP sera implicitement supprimée.
La loi garantira la présence des parlementaires dans les structures où elle apparaît justifiée et supprimera la présence des parlementaires dans des organismes dans lesquels cette présence n'apparaît pas ou plus justifiée.
J'ai tenu à poursuivre les efforts de concertation engagés avant moi auprès des présidents de groupe et des OEP eux-mêmes. Ceux-ci approuvent notre expertise politique et territoriale, mes chers collègues ; (Mme Sylvie Goy-Chavent renchérit.) mais sont favorables à une rationalisation.
En commission, j'ai proposé des renvois au pouvoir réglementaire et des suppressions de dispositions obsolètes.
En limitant la dispersion des parlementaires dans des organismes qui ne se réunissent plus, leur travail est revalorisé. Il ne s'agit pas de supprimer les organismes eux-mêmes, simplement d'en retirer les élus de la Nation pour treize d'entre eux.
Avec l'adoption de 56 amendements, le Sénat a fait son travail de législateur. Quelques exemples : à l'ANRU ou au Conseil national de l'air, les parlementaires resteront associés. J'ai déposé un amendement de consensus qui a été adopté pour associer les parlementaires de chaque département à la commission départementale de coopération intercommunale. Reste à nous astreindre collectivement à ne pas encourager la multiplication des postes et la dispersion des parlementaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)
M. Jean-Yves Leconte . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Le texte a été discuté selon la procédure de législation en commission et adopté - comme quoi la révision de la Constitution ne s'impose pas pour légiférer plus vite, nous en faisons la démonstration...
Les OEP, ce sont les entités dans lesquelles la loi ou le décret a prévu la présence de parlementaires. Le phénomène devait être rationalisé, certes, mais il n'est pas absurde que les parlementaires y exercent une mission de contrôle ou y vérifient la conformité de l'action à la volonté du législateur.
Mais la loi devenant le seul fondement de la présence des parlementaires dans ces organismes, il importait de rationaliser les règles de nomination, les conditions de présence des suppléants, etc...
Je regrette le caractère un peu rapide de certaines conclusions du rapport, notamment s'agissant des Français de l'étranger : je crois, Monsieur le rapporteur, que vous n'avez pas saisi toute l'importance de certaines de ces commissions - comme vous avez saisi, par exemple, l'importance de la commission départementale de la coopération intercommunale.
Le président de l'Assemblée nationale n'a pas adopté la même logique que le président du Sénat, en conséquence de quoi, dans certaines OEP continueront à siéger des députés mais non des sénateurs. J'espère que la CMP saura y remédier.
Le groupe socialiste votera, sous toutes réserves, cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Alain Marc . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) La présence des députés et sénateurs au sein des OEP est une tradition remontant au XIXe siècle avec le Conseil de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations en 1816.
Le nombre d'OEP a connu une croissance exponentielle passant de 17 en 1958 à 202 aujourd'hui. Il est devenu impossible d'en dresser une typologie cohérente.
Le Sénat mène une réflexion sur la question depuis quelques années. Pour 40 % des OEP, c'est un texte réglementaire et non la loi qui prévoit la présence de parlementaires. La loi organique du 15 septembre 2017 a clarifié le principe de séparation des pouvoirs en prévoyant que seule la loi avait cette faculté.
La commission a prolongé la logique de rationalisation affichée par cette proposition de loi. Elle a supprimé la présence des parlementaires dans treize OEP de plus que l'Assemblée nationale. Ils resteront présents dans 164 OEP. Je me réjouis pour ma part qu'ils demeurent à la Commission départementale de la coopération intercommunale (CDCI) avec voix consultative.
Des dispositions obsolètes ont en outre été supprimées.
Le groupe Les Indépendants votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe UC)
Mme Françoise Laborde . - Une analyse rapide pourrait voir dans cette proposition de loi une simple conséquence de l'article 13 de la loi organique pour la confiance dans la vie politique. Pourtant elle résulte d'un long travail du Sénat, loin des polémiques et de la démagogie.
Ce travail sur les missions parlementaires est particulièrement bienvenu à la veille d'une révision constitutionnelle. Le Sénat, en collaboration avec l'Assemblée nationale, a fait l'inventaire de ces OEP, si divers par leurs missions et leur utilité.
On connaît la CNIL, le Conseil des finances locales ou la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations. Mais j'en ai découvert d'autres, qui interviennent tant dans les domaines de l'application des lois que dans celui du contrôle du Gouvernement. Les consultations menées par M. le rapporteur indiquent que la présence de parlementaires est appréciée, car elle assoit la légitimité des décisions des OEP. Mais que penser lorsque le parlementaire ne partage pas l'orientation de l'organisme où il siège ? Je l'ai vécu au sein de l'Observatoire de la laïcité, où les parlementaires étaient réduits au rang de spectateurs impuissants...
Certains organismes à faible activité voient la présence de parlementaires supprimée.
Nous regrettons l'absence d'accord sur la représentation des groupes politiques dans les OEP à l'article premier bis, même si la rédaction de la commission est meilleure que celle de l'Assemblée nationale.
La parité progressera aussi avec l'article premier. Le RDSE se retrouve dans la participation de tous les parlementaires d'un département à la CDCI.
Tous les sénateurs du RDSE voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur le banc de la commission)
Mme Catherine Di Folco . - Ce texte apporte des progrès pour l'efficacité de l'information parlementaire, qui profite de la participation des parlementaires aux OEP, mais aussi à l'équilibre des pouvoirs, en faisant le tri entre OEP relevant de la loi et du règlement.
L'article 13 de la loi organique pour la confiance dans la vie politique en avait décidé ainsi.
La proposition de loi généralise l'application du principe de parité et assure la représentation du pluralisme politique.
La rationalisation passe par la création d'une base légale pour la participation dans une trentaine d'OEP, tels que le Conseil national de l'habitat, l'Institut des hautes études de défense nationale (IHEDN) ou l'Observatoire de la laïcité. Elle passe également par la nomination de parlementaires dans des OEP institués par la loi mais où la présence de parlementaires n'avait pas été prévue - par exemple dans le Conseil consultatif des Terres australes et antarctiques françaises ou l'Agence nationale de gestion des déchets radioactifs.
Mais le texte effectue aussi un élagage bienvenu en supprimant la présence de parlementaires dans treize organismes.
La présence des parlementaires dans les CDCI a été conservée après un débat en commission.
Cette proposition de loi, issue de la coopération de l'Assemblée nationale et du Sénat, montre la capacité de notre Parlement à bien contrôler le Gouvernement et à bien faire la loi ; elle illustre la vitalité du bicamérisme français.
Le groupe Les Républicains votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mmes Élisabeth Doineau et Françoise Laborde applaudissent également.)
M. Alain Richard . - Lors de la réflexion sur les méthodes de travail du Sénat, nous l'avions vu, ces organismes extraparlementaires se conçoivent que dans une optique de collaboration des pouvoirs, et non de séparation stricte des pouvoirs.
Nos collègues qui siègent dans des conseils d'administration d'établissements publics, comme ceux qui participent à des autorités administratives indépendantes, participent à des décisions - c'est en ce sens qu'ils collaborent au pouvoir exécutif, au lieu de le conseiller seulement.
La proposition de loi a été judicieusement polie par les deux commissions des lois, le rapporteur ayant fait un excellent travail, et la procédure de législation en commission étant désormais rodée.
Le travail d'élagage a été fait de façon talentueuse. Nous voterons donc cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Didier Guillaume applaudit aussi.)