SÉANCE
du jeudi 7 juin 2018
93e séance de la session ordinaire 2017-2018
présidence de M. Gérard Larcher
Secrétaires : Mme Jacky Deromedi, M. Daniel Dubois.
La séance est ouverte à 15 heures.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. Cette séance est retransmise en direct sur Public Sénat, sur le site internet du Sénat et sur Facebook.
Logement et handicap
M. Dominique Watrin . - Avec la loi ELAN, la part de logements accessibles aux personnes handicapées dans le neuf chutera de 100 à 10 %. S'il y avait déjà beaucoup trop de dérogations, quelques milliers de logements neufs ne suffiront pas aux 800 000 personnes en situation de handicap. Recul gigantesque, grave régression sociale, disent les associations ; vous mettez en cause le principe de l'accessibilité universelle en cédant au lobby des promoteurs immobiliers. Vous faites primer le marché sur la solidarité, la rentabilité sur les droits fondamentaux. Retirerez-vous ce dispositif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Veuillez excuser l'absence du Premier ministre, en déplacement à Toulouse. Le Gouvernement rejoint votre exigence, celle d'accompagner au mieux et chaque fois que cela est nécessaire les personnes en situation de handicap. Anciens élus locaux, nous connaissons tous cette question.
La loi ELAN passe du 100 % adapté au 100 % adaptable. (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe CRCE) Cela n'empêchera en rien une personne à mobilité réduite de rendre visite à quelqu'un car les parties communes resteront accessibles, comme le séjour et les toilettes dans les appartements. En couple avec enfants, vous préférez une grande chambre et une salle de bains plus petite ; vingt ans après, c'est l'inverse. Cette loi permettra de faire des aménagements rapides et à moindre coût.
Mme Éliane Assassi. - Qui paiera ?
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. - Quant à la question de l'adaptabilité, un décret viendra en son temps. Il tiendra compte des besoins que les personnes handicapées auront exprimés à travers leurs représentants et leurs associations. Le travail a commencé la semaine dernière sous l'autorité de Mme Cluzel et de MM. Mézard et Denormandie. Nous définirons ensemble les conditions pour atteindre les 10 % aménagés et les 90 % aménageables. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Dominique Watrin. - Qui paiera les aménagements ? On me répond « les bailleurs » pour le logement social. Et, ailleurs, les personnes handicapées elles-mêmes ? L'AAH est de 810 euros par an. Vous créez des citoyens de seconde zone, à l'opposé des promesses électorales de Macron. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur plusieurs bancs du groupe SOCR)
Politique agricole commune
Mme Laurence Harribey . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) La Commission européenne vient de proposer une baisse des crédits de la PAC, après ceux de la politique de cohésion. Le Gouvernement s'y est opposé dans ce qui semble être un jeu de rôle. Il y a quelques jours, le commissaire Oettinger, auditionné au Sénat, a laissé entendre que la France jouait un double jeu : après s'être dite favorable à un redéploiement de crédits vers les nouvelles priorités lors du Conseil européen de février 2018, elle crie désormais au loup tout en bloquant les contributions nationales. Comment comptez-vous concilier ces attitudes contradictoires ?
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - La proposition de la Commission européenne n'est qu'un projet de budget. La partie sur les nouvelles priorités - sécurité, défense, gestion des migrations, nous la soutenons. En revanche, en matière agricole, ce projet n'est pas acceptable ; nous l'avons dit, M. Travert et moi-même, dès le 2 mai à M. Oettinger. Des baisses drastiques de crédits auraient un impact direct sur la viabilité de nombreuses exploitations agricoles. La PAC est un élément de souveraineté, de sécurité alimentaire et de compétitivité ; elle doit accompagner l'agriculture dans le défi de l'environnement et du changement climatique.
Je déplore que M. Oettinger ait semé le doute jusque sur les bancs de la représentation nationale en mélangeant, notre position, qui ne peut pas être plus claire, sur la PAC et notre volonté de constituer une réserve de précaution pour toutes les autres politiques en cas de crise. Moderniser la PAC, oui ! La sacrifier, non ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Laurence Harribey. - C'est la position française, ambiguë, qui a encouragé la Commission européenne à oser un début de démantèlement de la PAC. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM) C'est aussi le résultat collectif d'un manque de vision. La réécriture du projet européen ne peut pas se résumer à des effets de com'. En Italie, avant l'improbable coalition populiste, il y avait un gouvernement Renzi et ce gouvernement avait beaucoup de points communs avec le nôtre. Ne laissons pas prise à cette évolution en France à un an des Européennes ! (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)
Panthéonisation de Roland Garros
M. Jean-Louis Lagourgue . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Il y a un siècle, la France perdait un héros, un enfant de La Réunion qui avait grandi en Indochine, devenu un grand nom de l'aviation : Roland Garros. Il fut aussi un inventeur de génie. C'est lui qui, en janvier 1915, a inventé la mitrailleuse aérienne. Patriote, Roland Garros l'est par son engagement lors des combats aériens de la Première Guerre mondiale. Il est disparu en 1918 après une évasion rocambolesque d'un camp de prisonniers. Il mérite d'entrer au Panthéon où il représentera les ultramarins, qui ne peuvent s'y reconnaître que dans Félix Éboué. Cela aurait un sens en 2018, cent ans après. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Je vous prie d'excuser Mme Nyssen, retenue à l'Assemblée nationale. Je vous répondrai à titre personnel. (Marques de désapprobation à droite) Une telle décision relève en effet du président de la République et nul ne peut parler en son nom. Votre demande rejoint celle de l'association « Roland Garros au Panthéon 2018 » dont je salue la présidente, Madeleine Gaze.
Félix Éboué est le seul à représenter les outre-mer au Panthéon, c'est vrai. Je ferai remonter votre demande au président de la République.
Le 1er juillet, entreront au Panthéon Simone Veil et son époux ; beaucoup d'entre vous s'en réjouiront. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Seine-Saint-Denis
M. Philippe Dallier . - Nos collègues députés ont rendu un rapport sur l'action de l'État en Seine-Saint-Denis. Ses conclusions sont édifiantes : c'est le département le plus pauvre, le plus jeune, le plus criminogène de France ; l'échec scolaire y est endémique. Ses moyens devraient être hors normes... Ils le sont mais dans le mauvais sens. Les magistrats n'en peuvent plus au tribunal de Bobigny, un tiers de ses commissariats seront bientôt fermés la nuit pour « plus d'efficacité » ; en matière éducative, le collège le mieux doté est moins bien doté que le dernier de la liste à Paris. Il y a pourtant eu une visite ministérielle par jour dans ce département ces dernières années ! Comment redonner du sens à l'égalité républicaine dans ce département ? (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux des groupes LaREM et Les Indépendants)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Vous évoquez le rapport Cornut-Gentille-Kokouendo. Je partage votre constat et vos préoccupations. Oui, en Seine-Saint-Denis, 39 % de la population réside en quartier prioritaire de la politique de la ville ; oui, 18 % des trafics de stupéfiants s'y déroulent.
Mme Éliane Assassi. - Il y a des réussites aussi !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Le territoire a aussi des forces dynamiques, positives, sur lesquelles on doit pouvoir s'appuyer pour le remettre sur pied.
Dans l'Education nationale, à la rentrée prochaine, 466 postes supplémentaires seront créés dans le premier degré et les classes seront dédoublées.
La garde des Sceaux s'est engagée à pourvoir l'ensemble des postes de fonctionnaires et de magistrats à Bobigny en septembre 2018 ; elle affectera également des magistrats en surnombre.
M. David Assouline. - Combien ?
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - La situation immobilière du tribunal sera assainie.
Les forces de sécurité ? Elles avaient diminué entre 2010 et 2014. Elles sont aujourd'hui au plus haut. En Île-de-France et, surtout en première couronne, il faudra des réformes de structure.
M. Philippe Dallier. - Monsieur le Ministre, assez de rapports et de visites ministérielles : des actes ! Les élus locaux, le 22 avril, ont été blessés par les propos du président de la République. Comment voulez-vous que la politique de la ville soit efficace si la politique de droit commun n'est pas au niveau ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Très juste !
M. Philippe Dallier. - Nous ne sommes pas des citoyens de seconde zone, nous voulons de l'action. Nous y avons droit, comme partout en France. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)
Protection des entreprises contre les sanctions américaines
Mme Nathalie Goulet . - Les États-Unis d'Amérique sont impitoyables avec nos entreprises : entre 2014 et 2016, elles ont versé 20 milliards d'euros d'amende. BNP Paribas a explosé tous les scores : 8 milliards d'euros en 2014. Pour faire simple, utiliser le dollar voire une simple adresse e-mail dont le serveur se situe aux États-Unis suffit à être poursuivi. Aujourd'hui, le chantage s'exerce sur nos entreprises implantées en Iran ; ce sera ailleurs demain, selon les lubies d'un président imprévisible. Il est grand temps de protéger nos entreprises de ce fléau. Bruno Le Maire a annoncé il y a quelques mois vouloir des règles de réciprocité. Que comptez-vous faire ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Notre objectif est de préserver l'accord sur le nucléaire iranien et les gains historiques que nous avons obtenus lors de l'accord de Vienne sur la non-prolifération nucléaire. Cela étant, conscients des risques importants que courent nos entreprises, nous demandons des exemptions à l'administration américaine. Nous lui avons déjà écrit en ce sens.
M. Simon Sutour. - Ils tremblent !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - La négociation sera difficile. Nous allons donc travailler à renforcer l'indépendance économique de l'Europe, c'est l'objet de la révision du règlement européen de 1996 dit « de blocage ».
Ensuite, nous mettons en place des instruments de financement ad hoc pour contourner le dollar dont l'usage expose aux sanctions.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - La BCE !
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Il faut créer l'équivalent européen de l'OFAC. Enfin, donner à l'Union européenne les moyens de dialoguer d'égal à égal avec les États-Unis.
M. Simon Sutour. - Il y a du travail !
Mme Nathalie Goulet. - Votre réponse n'est vraiment pas rassurante. On vous demande de défendre notre souveraineté et vous me répondez que vous allez demander aux États-Unis la permission de faire du commerce avec untel et untel ! Notre commission des affaires européennes s'est saisie de cette question, elle a confié un rapport à notre collègue Bonnecarrère. En tout cas, votre réponse n'en est pas une.
M. André Reichardt. - Très bien ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Lycées professionnels
M. Martin Lévrier . - Un tiers de lycéens sont scolarisés en lycée professionnel. Cet enseignement est un tremplin pour une destinée choisie que le Gouvernement veut encourager en le rapprochant de l'alternance. D'abord, par la création de trois campus d'excellence par région, avec une filière professionnelle du CAP à la licence, un internat, des infrastructures sportives et culturelles, un incubateur d'entreprises, des CFA. Ensuite, la formation, dans chaque lycée professionnel, d'une unité de formation en apprentissage. Les jeunes pourront ainsi confronter leurs expériences, passer d'une filière à l'autre sans remettre en cause leur cursus, appréhender d'une manière plus sereine le monde de l'entreprise.
Ne faudrait-il pas lisser les cours sur les trente-six semaines d'enseignement ? Cela permettrait aux professeurs de co-construire leur approche pédagogique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Merci de cette question que j'apprécie (Marques d'ironie à gauche et à droite) comme toutes celles des sénateurs ! (Sourires)
Je le réaffirme devant vous : la voie professionnelle est la seconde priorité - dans le temps - du Gouvernement après la maternelle. Avec ses 650 000 élèves et 70 000 professeurs, nous voulons en faire une filière d'excellence : accompagnement à la réussite, aide à l'orientation, plus d'opportunités post-bac - 2 000 places supplémentaires sont créées dès la rentrée 2018 en classe passerelle BTS mais aussi promotion de l'innovation pédagogique - c'était le sens de la question. La réforme doit s'articuler bien sûr avec la formation professionnelle tout au long de la vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
EHPAD
M. Éric Gold . - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Ma question s'adresse à Mme la ministre de la santé... (On souligne l'absence de celle-ci sur plusieurs bancs.)
La France compte 1,5 million de personnes de plus de 85 ans. En 2050, elles seront plus de 5 millions. L'espérance de vie augmentant, les aînés peuvent rester de plus en plus longtemps chez eux, mais le recours aux Ehpad demeure indispensable. Le profil des pensionnaires évolue : ils souffrent de pathologies multiples, de maladies chroniques et dégénératives. Les conditions de travail des professionnels se dégradent.
Le Gouvernement a présenté une feuille de route rassurante mais le recrutement reste difficile : cadences infernales, rémunérations insuffisantes, tâches pénibles, d'où un turnover, un absentéisme croissant et un taux élevé d'accidents du travail. Le secteur est mal payé, mal considéré. Les directeurs d'Ehpad sont souvent responsables de plusieurs établissements à la fois. Dans le Puy-de-Dôme, dix établissements sur vingt-six ont une direction temporaire.
Notre société doit pourtant relever le défi de la prise en charge des personnes âgées en perte d'autonomie. Comment recruter des directeurs de manière pérenne et rendre le métier plus attractif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Sous-effectifs, mal-être, la situation est bien celle que vous décrivez, hélas. C'est invivable, pour les résidents mais aussi pour le personnel, sans oublier les familles, qui sont culpabilisées. Il ne peut être contesté que les aînés ont été laissés pour compte ces dernières décennies.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - C'est vrai que la hausse de la CSG, c'est mieux !
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État. - On reconnaît pourtant la dignité d'une société à la manière dont elle traite ses aînés.
Le Gouvernement prend ses responsabilités. Les Ehpad recevront 360 millions d'euros supplémentaires pour recruter du personnel soignant. Premier engagement : la présence d'une infirmière de nuit dans tous les Ehpad en 2020. La tarification des établissements sera revue pour garantir que les dotations ne baissent pas, comme cela avait été le cas lors de la dernière réforme. Les conditions de travail du personnel, le matériel, les techniques de management seront améliorés. Nous devons définir un plan d'action globale pour améliorer la prise en charge, dans la dignité, des personnes en perte d'autonomie. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe RDSE)
Situation de l'audiovisuel public
Mme Claudine Lepage . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Ma question s'adresse à Mme la Ministre de la culture. (On signale son absence sur plusieurs bancs.)
Vous avez présenté le 4 juin les grandes orientations de la réforme de l'audiovisuel public. Malheureusement, les annonces ne sont pas à la hauteur des enjeux et des attentes, malgré la sanctuarisation du financement de la création, l'investissement dans le numérique ou le recentrage de France 3 sur la proximité. La volonté de réaliser des coupes budgétaires alors que l'audiovisuel public est déjà sous-doté est de mauvais augure. France 4, France Ô disparaitront de la TNT et seront inaccessibles aux 24 % des Français qui n'ont pas le numérique.
Baisses budgétaires et transformation de l'organisation des sociétés risquent de se traduire par des licenciements. Les questions de financement et de gouvernance sont hélas absentes des annonces. Comment le Gouvernement compte-t-il atteindre ses objectifs ? Quelles ambitions pour l'audiovisuel extérieur, qui nécessiterait une réflexion ad hoc ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; Mme Patricia Schillinger applaudit également.)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Cette feuille de route a été présentée par la ministre de la culture avec les responsables de l'audiovisuel public, précisons-le. Financement et gouvernance sont des outils d'une politique publique de l'audiovisuel. Les Français payent 139 euros de redevance ; ils ne veulent pas seulement savoir qui nomme qui ou comment est alloué le budget, mais le sens que l'on donne à l'audiovisuel public !
Plus de numérique pour reconquérir la jeunesse ; plus de proximité, avec six heures de décrochage régional contre deux auparavant ; des synergies entre France 3 et France 2 pour créer un média global ; plus de création, avec un budget sanctuarisé ; priorité donnée aux programmes jeunesse, et tout particulièrement à la filière stratégique de l'animation, pour France Télévisions mais aussi Arte. Cela suppose de réaliser des gains d'efficience, grâce à la coopération. La mission auprès de la ministre installera les scénarios de mise en oeuvre de ces nouvelles missions. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. David Assouline. - Des gains d'efficience ? Ça, c'est du langage.
Biocarburants
Mme Élisabeth Lamure . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture... (On souligne son absence sur plusieurs bancs.)
Le Gouvernement a autorisé l'importation de 300 000 tonnes d'huile de palme pour produire des biocarburants dans les Bouches-du-Rhône. Cela a choqué ceux qui se soucient de l'environnement. La réponse agacée de M. Hulot la semaine dernière est révélatrice de ces incohérences. Au-delà du renoncement écologique, cela dénote une absence de cap pour l'agriculture française. Nos filières colza et tournesol peuvent parfaitement produire la matière première des biocarburants ! Pourquoi allez la chercher si loin ? Nos agriculteurs ont besoin d'une véritable stratégie agricole française. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. André Gattolin applaudit également.)
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances . - Veuillez excuser M. Travert, qui est à l'assemblée générale des jeunes agriculteurs. (Mouvements divers)
M. Jean-Marc Todeschini. - Et le Sénat ?
Mme Delphine Gény-Stephann, secrétaire d'État. - Le projet de bioraffinerie Total de la Mède a été décidé en 2015, à la demande du Gouvernement précédent (On ironise sur les bancs du groupe Les Républicains), pour reconvertir un site pétrolier et sauver 350 emplois. Je comprends la préoccupation des syndicats agricoles qui invitent à la mobilisation, mais j'en appelle à l'esprit de responsabilité. Bloquer des raffineries pénaliserait tout le monde, citoyens, entreprises et agriculteurs.
L'approvisionnement de l'usine de la Mède pourra évoluer au fil du temps pour intégrer davantage de matières agricoles françaises : c'est possible et souhaitable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Élisabeth Lamure. - Le Gouvernement a manqué une occasion triplement vertueuse : renforcer notre indépendance énergétique, protéger l'environnement et aider nos agriculteurs en soutenant la filière des biocarburants. Vous allez décevoir ceux qui avaient cru aux beaux discours des états généraux de l'alimentation... Des paroles, oui, mais où sont les actes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Situation des hôpitaux
M. Jean-Paul Prince . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Samedi dernier, une marche blanche s'est déroulée à Bourges, à l'initiative du corps médical et en présence de nombreux élus, pour dénoncer la fermeture de la maternité de Châteaudun et la situation critique du service des urgences de Bourges, au sein duquel 17 postes sur 25 sont vacants.
À l'hôpital de Blois, les services se dégradent : une douche pour tout un service ! Et cela fait des mois que la crise dure. Le projet régional de santé de l'ARS a été rejeté à l'unanimité par le conseil régional. L'hôpital de Vierzon a déposé un préavis de grève illimité et une autre marche blanche est prévue samedi.
La désertification médicale perturbe le fonctionnement des services de santé quand elle n'entraîne pas leur fermeture pure et simple, comme pour la maternité de Châteaudun. La maternité la plus proche est désormais à 45 kilomètres !
À la veille de l'annonce d'une réorganisation du système de soins, un rapport du Haut Conseil de l'assurance maladie préconise la création d'établissements de santé communautaires de proximité.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - On nous disait que c'était archaïque...
M. Jean-Paul Prince. - L'idée sera-t-elle retenue ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - Le Gouvernement est conscient du problème, qui n'est pas nouveau. Des efforts importants sont demandés à l'hôpital public pour maintenir une offre accessible et de qualité. La bonne gestion des établissements est essentielle pour pouvoir ensuite investir dans l'amélioration de l'outil de travail et moderniser les équipements.
Nous devons cependant remettre les efforts en perspective avec les enjeux du système de santé. (M. François Bonhomme fait signe à M. le ministre de se tourner non vers les bancs du groupe SOCR mais vers M. Jean-Paul Prince ; Mme Dominique Estrosi Sassone et M. Philippe Dallier s'en amusent.)
Le ministère de la santé réfléchit à la modification de la tarification à l'activité, à l'amélioration de la qualité de vie au travail, à la valorisation de la prévention, à la qualité et la pertinence des soins.
Le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale a instauré un cadre nouveau pour des organisations innovantes. En 2018, l'Ondam a augmenté de 2,3 %, les crédits de l'hôpital public ont augmenté de 1,7 milliard d'euros. Mais cela ne suffit pas. Il faut des moyens, des exigences, une approche globale. Je le dis pour ceux qui l'ont constaté mais ont fait si peu... La prise en charge des pathologies chroniques et des personnes âgées doit aussi rentrer dans ce cadre. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Jean-Pierre Sueur. - Dites-le à Châteaudun et à Vierzon ! Cela ne répond pas à la question.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Arrêtez les fermetures !
Situation humanitaire au Yémen
M. Michel Amiel . - Président du groupe d'amitié France-Yémen, j'ai fait partie, fin mai, de la délégation parlementaire qui s'est rendue sur place, à Mareb, avec l'ambassadeur de France. Ce voyage a fait polémique et j'ai conscience que le contexte appelle à la prudence, tant le rôle de l'Arabie Saoudite au Yémen est prédominant.
Nous avons visité des hôpitaux, des camps de réfugiés et des centres humanitaires dont le King Salman Humanitarian Aid and Relief Centre, organisation saoudienne qui tente d'arracher les enfants soldats à leur sort. Cela dit, nous n'avons vu aucune ONG, sauf une organisation turque qui forme à la fabrication de prothèses. Sur la grave question du choléra, les réponses ont été extrêmement floues.
Qu'attendez-vous de la conférence humanitaire proposée par le président de la République fin juin ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; Mme Laurence Rossignol et M. Bernard Lalande applaudissent également.)
Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes . - La guerre au Yémen dure depuis trois ans, le conflit est dans l'impasse. Ce pays est confronté à une crise sanitaire, humanitaire et alimentaire ; 22 millions de Yéménites dépendent de l'aide humanitaire.
Le droit international oblige à protéger les civils et à laisser passer l'aide humanitaire ; il s'impose aux parties, les rebelles houthis, à l'origine du conflit, et la coalition arabe, venue à l'appel du gouvernement yéménite, qui combat aussi Daech et Al-Qaeda.
C'est pourquoi le président de la République a décidé d'organiser une conférence internationale humanitaire avec l'Arabie Saoudite à Paris le 27 juin pour rappeler aux parties leurs obligations. Ce n'est pas une conférence de donateurs - les pays de la coalition arabe ont déjà annoncé 1,5 milliard de dollars pour 2018 - ni une conférence politique, du ressort des Nations unies. L'objectif est que l'aide humanitaire parvienne à ceux qui en ont besoin, ce qui suppose des engagements concrets, notamment concernant les ports et les aéroports. Chacun doit avoir un comportement responsable : la coalition arabe mais aussi l'Iran, qui soutient la rébellion et déstabilise la région. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Respect de l'équilibre institutionnel
M. Didier Mandelli . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ma question s'adressait au Premier ministre...
Comme vous, j'aime la France et je lui souhaite le meilleur : croissance, prospérité, épanouissement pour tous. Pour y parvenir, vous devez préserver les équilibres subtils et fragiles de nos institutions. Ce n'est pas le cas, si j'en crois le sort réservé aux initiatives d'origine sénatoriale : proposition de loi Bas-Retailleau sur l'eau et l'assainissement, proposition de loi Chaize sur le numérique, proposition de loi Vaspart sur les territoires littoraux...
Je pourrais aussi citer le vote bloqué, l'amendement sur les éoliennes dans le projet de loi Confiance, les relations avec les régions sur l'apprentissage, avec les départements sur les mineurs non accompagnés, avec les communes sur les écoles, ou encore les 80 kilomètres heure...
Nous devons travailler ensemble pour restaurer la confiance. Monsieur le Premier ministre, allez-vous laisser toute leur place à ceux qui oeuvrent pour l'intérêt général, à commencer par le Sénat ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Christophe Castaner, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - À vous entendre, on pourrait penser que le Gouvernement méprise les élus, les Français, les institutions, la démocratie... (On le confirme sur les bancs du groupe Les Républicains.)
On peut s'opposer, avoir la mémoire courte, mais le Gouvernement dialogue - avec le Sénat, l'Assemblée nationale, les élus locaux. Cela ne veut pas dire que nous serons toujours d'accord ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.) Avant-hier, je suis venu débattre avec vous de l'application des lois. Ce matin, j'ai passé deux heures trente à travailler avec vous en commission sur la proposition de loi portée par les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat.
En même temps, le mandat politique sur lequel le président de la République et la majorité parlementaire ont été élus impose d'agir - tout en écoutant et en dialoguant. Les ordonnances Travail ont été précédées de 300 heures de débat. Nous avançons sur des sujets délicats : réforme de la SNCF, évacuation de Notre-Dame-des-Landes, fin de l'inique tirage au sort à l'université. La transformation en profondeur implique le débat, la discussion, le respect mais aussi la décision, qui a trop souvent manqué. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
Mme Sophie Primas. - Vous êtes des coucous !
Gens du voyage
M. Cyril Pellevat . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je me fais le porte-parole des élus démunis devant les installations illicites de gens du voyage sur leur commune. Une minorité s'affranchit de toute règle... Les élus locaux s'exaspèrent de subir les intimidations, les menaces, parfois avec armes, et les dégradations sans pouvoir se retourner contre les auteurs. Propriétaires privés, agriculteurs, forces de l'ordre, tous sont excédés. Chaque été, c'est une véritable poudrière !
Avec Loïc Hervé et Jean-Claude Carle, nous avons maintes fois alerté sur le problème et déposé une proposition de loi, adoptée au Sénat en octobre 2017 mais modifiée à l'Assemblée nationale et dont l'examen n'est pas terminé. Le doublement des peines encourues et la possibilité de saisie des véhicules, très attendus, ont été supprimés ; seule la création d'une amende forfaitaire délictuelle a été retenue. Il faudrait à tout le moins réintroduire la possibilité de mettre en demeure de quitter non seulement le terrain occupé illicitement mais le territoire de la commune.
Il faut doter les forces de l'ordre de moyens adéquats pour faire appliquer la loi. Comment accepter qu'une mise en demeure de quitter les lieux ne soit toujours pas exécutée après une semaine ? L'État doit faire preuve de fermeté et d'efficacité. La situation est critique, notamment en Haute-Savoie où la population passe, l'été, de 800 000 à 1 200 000 personnes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur . - J'étais en Haute-Savoie il y a quelques mois et M. le Ministre d'État la semaine dernière pour rencontrer les élus locaux et les forces de l'ordre.
Ce quinquennat verra la création de 10 000 postes de gendarmes et policiers. Chaque année, une circulaire précise le rôle des acteurs publics en cas de grand rassemblement.
Le taux de réalisation des places d'accueil obligatoires n'est que de 62 % dans votre département, Monsieur le sénateur... (Exclamations à gauche) Cela dit, le Gouvernement accompagne votre initiative parlementaire ; je regrette les postures politiciennes à l'Assemblée nationale qui ne peuvent que susciter l'incompréhension des élus locaux en attente de solutions de bon sens.
L'information des parties avec la mise en place d'une procédure de déclaration, la forfaitisation de l'amende, l'augmentation du quantum des peines et la procédure d'évacuation administrative pour une commune en règle même si l'EPCI n'est pas à jour de ses obligations, ont toutefois été actées. À chacun de poursuivre ce travail collectif, le 21 juin prochain à l'Assemblée nationale.
La séance est suspendue à 16 h5.
présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente
La séance reprend à 16 h 15.