Transport ferroviaire de voyageurs
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs, présentée par MM. Hervé Maurey et Louis Nègre.
Discussion générale
M. Hervé Maurey, auteur de la proposition de loi . - Le quatrième paquet ferroviaire adopté en décembre 2016 a fixé des échéances très claires : l'ouverture à la concurrence se fera le 3 décembre 2019 pour les lignes conventionnées - TET et TER - et le 14 décembre 2020 pour les lignes commerciales - TGV - avec une obligation de transposition de la directive d'ici décembre prochain.
L'expérience de la libéralisation du fret ferroviaire nous montre que nous devons anticiper la réforme. Louis Nègre et moi-même considérons que l'ouverture à la concurrence est une chance pour le ferroviaire, pour la SNCF et pour les usagers : c'est pourquoi nous avons travaillé à cette proposition de loi dès le début de l'année dernière.
Je salue le travail et l'engagement de notre ancien collègue Louis Nègre. « On parle de la libéralisation des transports ferroviaires depuis 1991 ; Il est grand temps d'en faire une réalité » disait-il. D'où cette proposition de loi.
Nous avons travaillé avec tous les acteurs : SNCF, syndicats, usagers, régions, Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (Arafer), groupe public ferroviaire, nouveaux entrants, ministères. Notre démarche visait à mettre notre travail à la disposition du Gouvernement pour qu'il s'en saisisse le plus rapidement possible - et en aucun cas à le gêner, nous vous l'avons dit dès votre prise de fonctions, Madame la Ministre. Déposé le 6 septembre 2017, le texte n'a pas été inscrit à l'ordre du jour sur votre souhait - vous demandiez qu'on attende les conclusions de M. Spinetta. Je l'ai accepté car vous m'aviez assuré qu'il serait le véhicule législatif qui consacrerait l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. Profitant de ce délai supplémentaire, pour conforter la qualité juridique du texte, le président du Sénat a saisi le Conseil d'État comme le lui permet la Constitution depuis 2008 - le Conseil d'État a rendu son avis le 22 février, c'est une démarche exceptionnelle puisqu'il n'avait eu à le faire, avant ce texte, qu'à quatre reprises.
Quelle ne fut pas notre surprise d'apprendre que le Gouvernement décidait finalement de procéder à la réforme par ordonnances. Quel mépris pour le Sénat, le Parlement et nos compatriotes - car un tel sujet exige un débat ! Le Gouvernement argue qu'il faut aller vite. Pourquoi ne s'y est-il pas pris plus tôt ? Le Gouvernement ne serait-il pas plus fort s'il s'appuyait sur le Parlement ?
Le transport ferroviaire a été écarté des Assises de la mobilité au motif qu'un expert du transport aérien rendrait ses conclusions bientôt... L'avenir du système ferroviaire concerne 3,2 millions de passagers par jour. Pourquoi attendre l'avis de l'oracle Spinetta - devenu en quelque sorte le « gourou » du ferroviaire - pour commencer la réforme ?
Notre proposition de loi est prête, elle a bénéficié de l'avis du Conseil d'État puis nous l'avons améliorée en commission. Il faut six mois pour examiner un projet de loi en procédure accélérée, c'est bien moins que le temps nécessaire aux ordonnances - les statistiques établissent qu'elles prennent, en moyenne, dix-huit mois... Dans le meilleur des cas, les ordonnances ne seraient pas adoptées avant juin. Pourquoi ne pas saisir l'occasion du débat que permettrait la proposition de loi ? Jamais une réforme d'une telle importance n'a été engagée par ordonnances.
Les mesures que vous introduirez dans la loi d'habilitation n'auront pas été examinées par le Conseil d'État et il y a fort à parier que le Gouvernement déposera ses amendements très tard.
L'ouverture à la concurrence ne doit pas se traduire par une dégradation du service au client, ni se faire au détriment des territoires. La position de M. Spinetta qui favorise les LGV est en contradiction avec la notion d'aménagement du territoire. Nous ne sommes pas non plus favorables à l'open access, mais souhaitons préserver les lignes secondaires.
Notre texte dispose que l'État conclura des contrats de service public pour les TGV combinant services rentables et non rentables. Nous voulons éviter cet écrémage du type de celui opéré par les opérateurs de téléphonie, et préserver la desserte des villes moyennes par des services TGV.
Grâce à cette proposition de loi, le débat que le Gouvernement souhaitait éluder aura lieu. Je remercie les groupes d'avoir accepté son inscription à l'ordre du jour.
Nous sommes très attachés à notre système ferroviaire et nous souhaitons qu'une réforme ambitieuse réussisse. Notre assemblée est très engagée sur ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean-François Longeot, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Rien ne sert de courir, il faut partir à point. (On apprécie sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Pourquoi avoir tant tardé à s'emparer du sujet de l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs ?
L'ouverture à la concurrence est une obligation européenne. Nous pouvons en faire une chance pour nos transports ferroviaires dont la fréquentation baisse depuis quelques années, tandis que celle des autres modes de transport - avion, autocar... - augmente. Nous allons à l'inverse de nos voisins européens où la part du train progresse. Ils n'ont pas tardé autant que nous à ouvrir à la concurrence leur système ferroviaire, avec des effets positifs sur la qualité du service, la fréquentation, ou la réduction des coûts, au profit des usagers. C'est la raison pour laquelle nous soutenons cette réforme sur le fond, à condition d'en définir correctement les modalités - c'est l'objet de cette proposition de loi.
Nous avons souhaité clarifier et sécuriser certaines dispositions du texte en prenant en compte les avis du Conseil d'État.
L'un des axes forts de cette proposition de loi est de préserver les dessertes TGV considérées comme peu rentables ou déficitaires, alors que l'open access entraînerait un écrémage des dessertes. Le texte prévoit que l'État conclura des contrats de service public avec les TGV combinant dessertes rentables et non rentables. C'est la seule solution pour préserver des dessertes non rentables dans le contexte de l'ouverture à la concurrence, sans rupture de charge pour les usagers. L'open access, à l'inverse, conduirait à un écrémage des dessertes, et un conventionnement des seules dessertes non rentables obligerait les usagers à changer de train en début et fin de voyage.
II reviendra à l'État, en tant qu'autorité organisatrice, de prendre ses responsabilités en déterminant les dessertes qu'il souhaite préserver et en concluant les contrats de service public correspondants.
Les autres dispositifs de ce texte lèvent les obstacles à une ouverture à la concurrence.
Les données sont un sujet primordial. L'article 7 impose à SNCF Mobilités et SNCF Réseau de transmettre aux Autorités organisatrices de transport (AOT) les données nécessaires à l'exercice de leurs missions.
Les AOT devront fournir aux candidats aux appels d'offres les informations nécessaires, comme le prévoit l'article 2.
L'Arafer sera dotée d'un pouvoir de sanction en cas de manquement à ces obligations.
Deuxième sujet majeur : les transferts de personnel. L'article 8 fixe le régime applicable au transfert des salariés. Un dispositif trop flou laisserait des marges de contentieux. Le périmètre des salariés à transférer sera défini par les AOT. Le transfert s'effectuera prioritairement sur la base du volontariat. Le socle des droits sociaux des salariés sera préservé, ce que l'on appelle parfois le « sac à dos social ». L'ensemble des salariés conserveront un niveau de rémunération identique à celui perçu lors des douze derniers mois précédant le transfert, ainsi que le bénéfice des facilités de circulation. Les salariés sous statut conserveront leur affiliation au régime de retraite SNCF et les droits à pension qui en découlent ainsi que la garantie de l'emploi. À l'issue d'un premier transfert, les salariés qui seraient amenés à rejoindre de nouveau SNCF Mobilités pourront réintégrer le statut s'ils en bénéficiaient initialement. S'ils sont transférés à un nouvel opérateur, leurs droits garantis seront maintenus.
Quant au matériel roulant, les AOT seront libres de déterminer le dispositif le plus adapté. Elles pourront le louer, demander aux entreprises d'apporter leurs propres matériels, ou récupérer la propriété des matériels de SNCF Mobilités pour les mettre à la disposition de l'entreprise remportant le marché. Elles pourront également récupérer la propriété des ateliers de maintenance.
L'article 11 prévoit la transformation de Gares et Connexions en société anonyme à capitaux publics, filiale de la SNCF. Le capital social pourra être ouvert pour faciliter la modernisation des gares, l'État devant, en tout état de cause, rester actionnaire majoritaire. L'État conclura avec Gares et Connexions un contrat pluriannuel fixant des objectifs de gestion des gares notamment en matière de trajectoire financière, de qualité de service et d'aménagement du territoire.
Pour assurer l'indépendance des dirigeants de Gares et Connexions par rapport aux entreprises ferroviaires, plusieurs garanties ont été fixées, sur le modèle de ce qui existe actuellement pour SNCF Réseau.
Enfin, pour faciliter l'information aux voyageurs et la vente des billets dans le contexte de l'apparition de nouveaux opérateurs, l'État pourra imposer aux entreprises ferroviaires de participer à un système commun d'information des voyageurs et de vente des billets.
Je me réjouis que nous puissions avoir un débat sur un sujet qui a des impacts majeurs sur les moyens et sur le réseau. Ce texte constitue un dispositif équilibré. Saisissons-nous de ce dossier relatif à l'aménagement du territoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Alors que nous ouvrons ce débat, je voudrais partager une conviction forte : face aux bouleversements économiques et sociaux, nos concitoyens, nos territoires ont besoin de mobilités. Car une société mobile, c'est une société capable de s'adapter aux défis qui se présentent à elle, mais aussi capable de se rassembler autour d'objectifs communs. Le manque de mobilité alimente un sentiment d'abandon dans de trop nombreux territoires. Les Français ne sont pas égaux face à la mobilité : une personne sur quatre a déjà renoncé à un emploi ou à une formation à cause des difficultés de déplacement.
Transports du quotidien, lutte contre la congestion, accès à l'emploi et aux services dans les territoires, optimisation du système logistique : telles sont les pistes d'évolution à suivre.
Mon ambition est de redonner à la politique de mobilité un objectif simple : répondre aux besoins des Français, tels que nous les avons entendus lors des Assises de la mobilité à Ornans, à Bernay, à Chartres, dans le Nord, en Meurthe-et-Moselle, en Seine-Saint-Denis, et dans chacun des territoires que vous représentez.
M. Michel Canevet. - À Quimper !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Nos concitoyens nous disent qu'ils veulent des transports du quotidien efficaces. Le système ferroviaire joue depuis deux siècles un rôle essentiel dans l'attractivité de notre pays et l'aménagement du territoire.
Alors que ce système ferroviaire est un ADN commun à tous les Français, il est à bout de souffle. Depuis une trentaine d'années, priorité a été donnée aux LGV, avec un certain succès commercial certes. Mais il subsiste de nombreux besoins insuffisamment satisfaits sur les autres lignes.
Le transport des marchandises est en crise ; le trafic a chuté de 40 % depuis le début des années 2000.
Le déséquilibre économique et financier du système menace en outre l'avenir du système ferroviaire avec notamment la dette.
Les vitesses de circulation sont ralenties sur le cinquième du réseau, soit deux fois plus qu'il y a dix ans, et la dette s'aggrave de 3 milliards d'euros chaque année, pour atteindre 50 milliards. Que faire face à ces obstacles ?
M. Rémy Pointereau. - Comme en Allemagne ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le président de la République et le Gouvernement portent un projet ambitieux pour notre système ferroviaire : cette réforme globale doit construire les bases durables d'un meilleur service public ferroviaire. Il faut des trains plus ponctuels et plus nombreux, un modèle plus équilibré et plus fort pour la SNCF, davantage de reconnaissance pour les cheminots et la garantie, pour les contribuables, que chaque euro pour le service public ferroviaire soit dépensé efficacement.
L'État investira 36 milliards d'euros dans les dix prochaines années pour les infrastructures, c'est la moitié en plus que dans la décennie qui s'achève.
Deuxième engagement fort de l'État, celui de donner un nouveau cadre au ferroviaire, pour une ouverture à la concurrence réussie et stimulante pour la SNCF, qui restera une entreprise publique : je m'y engage solennellement.
La SNCF doit se réformer en proposant un cadre plus motivant à ses cheminots. Et c'est bien parce qu'elle doit avoir toute sa part dans notre nouvelle politique de mobilités qu'il est nécessaire de refonder la SNCF sur des bases modernes, agiles, unifiées afin de préparer l'entreprise publique à relever ces nouveaux défis.
Accompagner la SNCF dans le XXIe siècle, c'est l'accompagner dans son rôle fondateur dans l'aménagement durable du territoire.
Il n'est pas question de supprimer les lignes de maillage ou d'intérêt local, improprement appelées « petites lignes ». Dans cette réforme, l'ouverture à la concurrence est essentielle. La proposition de loi soulève avec une juste acuité ce sujet. Je salue les travaux de la commission et de Louis Nègre.
Cette proposition de loi est proche sur certains points du texte que le Gouvernement prépare. Mais la concurrence n'est qu'un des aspects du texte du Gouvernement, dont l'ambition est plus large. Le pacte ferroviaire que nous définissons s'inscrit dans la lignée des Assises de la mobilité et dans la rigueur du travail du Conseil d'orientation des infrastructures (COI). Trente-six ans après la loi d'orientation sur les transports intérieurs, il s'agit de redéfinir l'ensemble des outils de notre politique de transport - je pense à la constitution d'AOT dans les territoires qui en sont dépourvus, à la création de leviers pour encourager toutes les initiatives proposant des solutions de mobilités, à la programmation sincère de nos investissements d'infrastructures.
Quant à la méthode choisie par le Gouvernement, elle a suscité des interrogations. Le projet de loi que je porte n'entame pas le temps du dialogue social. J'ai engagé un processus de concertations et de négociations avec l'ensemble des parties prenantes. La réforme suscite les interrogations des cheminots. J'ai démarré une concertation avec eux il y a quatre semaines : 40 réunions ont eu lieu ; 70 sont encore prévues. Le projet de loi n'entame pas non plus le temps du débat parlementaire : le Parlement ne sera pas privé d'un débat à la hauteur des enjeux de cette réforme.
Alors que les discussions avec les organisations syndicales et patronales ne sont pas terminées, le Gouvernement ne pourra pas se prononcer sur l'ensemble des dispositions de cette proposition de loi.
La SNCF a 80 ans cette année. Nous sommes attachés à cette belle entreprise qui fait partie de notre patrimoine. Mon ambition est de préserver et de conforter cet héritage commun, pour répondre aux légitimes attentes de nos concitoyens et aux attentes des territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, au centre et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
Question préalable
Mme la présidente. - Motion n°1, présentée par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur la proposition de loi relative à l'ouverture à la concurrence du transport ferroviaire de voyageurs (n° 711, 2017-2018).
Mme Éliane Assassi . - Quelques jours après la première grande manifestation pour la défense du service public, nous engageons la première étape parlementaire de la réforme ferroviaire. Les sénatrices et sénateurs du groupe CRCE soutiennent tous les agents de la SNCF qui oeuvrent chaque jour et chaque nuit pour assurer notre droit à la mobilité.
Le Gouvernement, qui fait peu de cas des institutions démocratiques, a choisi de faire passer la réforme par voie d'ordonnances, en force donc, et dans la précipitation. C'est de la provocation.
Le ferroviaire est un sujet trop structurant pour le laisser à la discrétion du seul exécutif. Le Parlement doit pouvoir s'exprimer. Nous partageons la volonté du Sénat de signifier au Gouvernement notre refus des ordonnances sur un tel sujet.
Cependant, une réponse rapide du Sénat bâillonnerait aussi les voix des parlementaires. Cette proposition de loi a été inscrite à l'ordre du jour il y a deux semaines. Ces délais sont trop contraints. Nous n'avons eu connaissance de l'avis du Conseil d'État que lundi. Nous attendons toujours l'étude d'impact.
Nous nous trouvons face à une variation sur un même thème. Les membres du groupe CRCE sont opposés à l'ouverture à la concurrence du système ferroviaire. Ils opposent à cette approche de court terme la recherche de la rentabilité, l'intérêt général, le droit à la mobilité, les nécessités environnementales. Par conséquent, cette proposition de loi ne doit pas être le support de la réforme ferroviaire.
Forte de son expérience d'ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, la France devrait demander la renégociation de l'ensemble des paquets ferroviaires.
L'ouverture à la concurrence fait exploser les tarifs comme au Royaume-Uni, et les exigences de sécurité, appliquées à davantage d'opérateurs, sont moins observées. Bref, les usagers y perdraient.
Cette proposition de loi, plus inquiétante que le quatrième paquet, anticipe les dates d'ouverture à la concurrence du secteur conventionné. Elle va au-delà de ce que demande le droit européen.
Ensuite, le droit européen est muet sur le régime de propriété des entreprises qui assument le service public : le droit européen n'exige nullement que Gares et Connexions change de statut ! Nous sommes opposés à tout changement de statut, la forme publique est la plus adaptée à l'exercice du service public - et les gares sont des outils d'aménagement du territoire qui ne peuvent appartenir qu'à la puissance publique.
Pire encore, les exceptions d'ouverture à la concurrence pour maintenir le monopole de la SNCF sont interdites. Même le projet du Gouvernement est plus souple sur ce point, en retardant l'ouverture en Île-de-France du fait de la densité des réseaux.
La proposition de loi évite l'open access prévu par le Gouvernement mais ne garantit pas que certaines lignes ne soient pas abandonnées.
L'ouverture à la concurrence ouvre la voie à la balkanisation du service public ferroviaire et de la SNCF.
Quant aux cheminots, l'attaque est moins frontale que celle du rapport Spinetta, mais elle est pernicieuse : le transfert des salariés n'est pas encadré, rien n'est prévu en matière de reclassement. La possibilité de licencier un cheminot qui renforcerait son transfert est incompatible avec le statut de cheminot.
Nous considérons que pour faire une réforme efficace, il faut d'abord se placer sous l'angle des usagers qui ont besoin, non de la liberté de choix, mais de trains qui fonctionnent sur l'ensemble du territoire. Il faut pour cela remédier au sous-financement des infrastructures, s'attaquer à la charge de la dette, trouver de nouvelles sources de financement, par exemple par le retour d'une écotaxe sur les poids lourds, abandonner la gestion des dessertes selon la seule logique comptable. Il faut renforcer les péréquations et la régionalisation, réfléchir à limiter l'étalement urbain et encourager la complémentarité des modes de transport. La dimension nationale de la politique ferroviaire ne peut se limiter aux LGV et aux rescapés des lignes régionales. La politique environnementale est également absente de cette proposition de loi. Voilà ce qui justifie cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE).
M. Guillaume Chevrollier . - Il me semble incompréhensible de protester contre la volonté du Gouvernement de légiférer par ordonnances et de refuser, par une question préalable, le débat qu'autorise l'examen de cette proposition de loi.
Mme Éliane Assassi. - Nous ne contestons pas le débat, mais le contenu de ce texte !
M. Guillaume Chevrollier. - Cette proposition de loi a été préparée par Hervé Maurey et Louis Nègre au cours de 2017. Elle définit un cadre juridique adapté à la réforme ferroviaire sans anticiper les échéances, pour laisser aux entreprises le temps de se préparer.
Des dizaines d'heures d'audition ont permis d'entendre tous les acteurs. Une consultation par voie écrite a complété ces auditions.
Le travail en commission avec les amendements inspirés des avis du Conseil d'État nous a permis d'aboutir à un texte équilibré.
Notre système ferroviaire a été une réussite : vaste réseau, transport régional, grande vitesse. C'est un facteur d'attractivité et un gage de mobilité pour tous.
Mais la qualité du service s'est dégradée depuis quelques années. Le réseau vieillit. Après 20 ans de réformes successives, notre système ferroviaire ne semble toujours pas prêt à l'ouverture à la concurrence.
Or il y a urgence. Le droit européen enjoint les États membres à assurer la transposition du quatrième paquet avant la fin de cette année. Nous ne pouvons plus faire la politique de l'autruche en nous fixant sur les dérogations. La France s'isolerait à procéder ainsi.
La concurrence de sociétés privées sur le marché ferroviaire aura des conséquences sur la SNCF, mais l'entreprise pourra aussi en profiter. Le réseau à grande vitesse est déjà ouvert sur les liaisons de Paris avec Bruxelles et Londres, sans qu'aucun concurrent ne se soit manifesté.
Tous les pays qui ont mené des ouvertures à la concurrence réussies ont, en parallèle, mis en place les conditions d'un équilibre économique global du système ferroviaire et ont renforcé sa gouvernance. La France, elle, n'a pas effectué la remise à plat de son système ferroviaire : la dette reste trop élevée, les infrastructures sont vieillissantes. L'ouverture à la concurrence, que nous appelons de nos voeux, sera bénéfique tant pour l'opérateur historique que pour les usagers.
Le groupe Les Républicains votera contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Un débat parlementaire est indispensable sur cette réforme majeure. On ne peut pas à la fois dénoncer le recours aux ordonnances et refuser le débat de cette proposition de loi.
Ce texte est l'occasion de prendre des dispositions fortes pour l'aménagement du territoire. Nous devons conserver le maillage du territoire en préservant les dessertes menacées.
Les sujets qui font débat sont nombreux. Avis défavorable à cette motion.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le Gouvernement propose une réforme ambitieuse. Le projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 14 mars. Il vise à améliorer le service public grâce à des investissements massifs, à préparer une ouverture progressive à la concurrence des TER et TGV, à mettre en place un cadre social protecteur et équitable, et à donner à la SNCF un maximum d'atouts, en le dotant d'une organisation efficace et d'un modèle économique plus équilibré.
Le Gouvernement ne pourra pas se prononcer sur l'ensemble des dispositions de cette proposition de loi. Sagesse sur cette motion.
M. Claude Bérit-Débat. - Les socialistes s'abstiendront, sans pour autant être d'accord avec toutes les dispositions de la proposition de loi.
Nous souhaitons pouvoir nous exprimer dans le débat. Olivier Jacquin explicitera les points que nous souhaitons défendre.
À la demande du groupe CRCE, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.
Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°78 :
Nombre de votants | 344 |
Nombre de suffrages exprimés | 266 |
Pour l'adoption | 15 |
Contre | 251 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Discussion générale (Suite)
M. Olivier Jacquin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) Je veux remercier les auteurs de ce texte : ils nous donnent l'occasion de débattre de ce sujet si important pour notre pays. La SNCF a tant fait pour notre République, pour notre unité avec son réseau en étoile.
L'échéance du 25 décembre 2018 mérite un débat qui a été confisqué par l'annonce du Premier ministre de recourir aux ordonnances le 26 février dernier, chose qui ne faisait pas partie des engagements du candidat Macron. La réforme de 2014, appréciée, salutaire, n'a pas eu besoin d'ordonnances, elle.
Vous promettiez pourtant de belles choses, Madame la Ministre, comme l'interconnexion et la conjugaison des modes de transport pour relier efficacement un point A à un point B. Les Assises de la mobilité nous avaient mis l'eau à la bouche.
Le ferroviaire a besoin d'un vrai débat démocratique, non d'une concertation autour d'ordonnances. Vous vous attaquez à une institution totémique. Pire, le Premier ministre a voué la SNCF et les cheminots aux gémonies ; il a jeté leur mythique statut en pâture. Or la dette n'est pas celle des cheminots ; elle est le résultat des injonctions contradictoires que les gouvernements, depuis des décennies, ont envoyé à la SNCF lui enjoignant à la fois de réaliser des économies et d'investir dans les LGV au détriment de l'entretien du réseau. Ce réseau constitue un héritage, un patrimoine considérable. Il faut, pour l'évaluer, prendre en compte l'ensemble des services rendus, services environnementaux compris. Nous ne pouvons pas nous résoudre à laisser sacrifier les gares, après les bureaux de poste.
J'en viens à cette proposition de loi, qui ouvre certes le débat mais ne nous satisfait pas. D'abord, quinze jours entre son inscription à l'ordre du jour et son examen, c'est peu. Ensuite, la question n'est plus de savoir si l'ouverture à la concurrence aura lieu ou non : le quatrième paquet ferroviaire l'a tranchée...
Mme Éliane Assassi. - Normal, vous l'avez voté !
M. Olivier Jacquin. - Nous sommes en faveur d'une ouverture raisonnée et maîtrisée qui préserve l'opérateur historique, il s'agit de dynamiser plutôt que de dynamiter. L'ouverture à la concurrence peut certes être néfaste si elle est mal préparée, telle celle du fret ferroviaire en France en 2006. Tout n'est pourtant pas noir : le succès de Ouigo, la hausse de la fréquentation des TER de 44 % depuis 2004.
Une fois la loi votée, il faudra laisser le temps aux autorités organisatrices et aux opérateurs de préparer l'ouverture à la concurrence. Aussi garder 2023 comme date limite d'ouverture à la concurrence est-il primordial. Un enjeu déterminant de l'ouverture à la concurrence est son mode opératoire. Le principe des franchises, philosophiquement intéressant, est difficile à mettre en oeuvre tant par rapport à la répartition des lots qu'à la continuité de service. Le libre accès nécessite, lui, une régulation pour éviter l'écrémage. On trouvera certainement des candidats pour le Paris-Nancy, moins pour son prolongement jusqu'à Mirecourt tant voulu par le président Poncelet.
Cette proposition de loi a été écrite avant l'annonce de la fin du statut de cheminot pour les nouveaux entrants. S'agissant des mouvements entre opérateurs, l'on propose de garantir les conditions d'origine au-delà du premier transfert, là où le rapport Spinetta ne parle que du premier transfert. Cela dit, nous nous inquiétons du durcissement de la législation inscrite à l'article 8. Nous ne pouvons pas accepter une disposition mettant fin au contrat de travail dès le premier refus de mobilité.
Nous proposerons un amendement pour nous prémunir contre le risque de fuites des données de l'opérateur actuel vers les concurrents. Idem concernant le matériel roulant et les ateliers de maintenance : il faut garantir l'équité. Enfin, nous sommes attachés au maintien de la maîtrise publique des gares, elles appartiennent à notre patrimoine national.
Ce texte, en somme, représente un galop d'essai. Il faudra plus pour entrer dans l'ère de la mobilité. Nous nous positionnerons sur trois sujets : l'aménagement du territoire et la poursuite de la décentralisation, le respect des cheminots et des travailleurs des transports - pourquoi ne pas imaginer une convention collective des transports terrestres ? - et la maîtrise publique des services publics.
Dynamisons, plutôt que de dynamiter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
M. Emmanuel Capus . - Il y a plus de quatre-vingts ans, la SNCF voyait le jour. L'aventure ferroviaire tricolore entrait dans une nouvelle ère de son histoire. « Cette convention assurera une heureuse conciliation entre l'autorité de l'État et le maintien nécessaire des souples méthodes de gestion d'un grand service industriel et commercial », expliquait Camille Chautemps, chef du Gouvernement, à L'Écho de Paris. Aujourd'hui, le groupe est endetté, la qualité de service discutée, et le grand public s'exaspère des retards et grèves à répétition.
Certes, les résultats sont bons avec une progression du chiffre d'affaires de 4,2 % en 2017. Mais la dette est abyssale : 46,6 milliards d'euros pour SNCF Réseau, 7,9 milliards pour SNCF Mobilités. Selon de nombreux analystes, elle représente un risque pour le contribuable.
Le Gouvernement a fait des annonces : fin du statut de cheminot, transformation de la SNCF en une société anonyme, renforcement de l'Afitf. Surtout, la SNCF affrontera demain l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. Inutile de rappeler ce qu'un manque de préparation signifierait. Avec le fret ferroviaire, nous sommes prévenus...
Pour s'adapter et ne pas disparaître, la SNCF devra changer. Alors, pour paraphraser un ancien directeur de la SNCF, Louis Armand, où en est le chemin de fer français ? Nous devons maintenir la vitalité des petites lignes au nom de l'aménagement du territoire. Notre rapporteur a proposé de lier contrats de lignes TGV et de petites lignes. Oui à la concurrence, oui aussi à la continuité de nos politiques d'aménagement du territoire. Notre groupe a d'ailleurs déposé des amendements dans cet esprit, pour protéger nos territoires, assurer une transition transparente et respectueuse de tous et saisir l'opportunité de réformer le régime ferroviaire. Loin des caricatures, voilà les trois piliers sur lesquels fonder la réforme du secteur ferroviaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)
M. Éric Gold . - Nous débattons de l'ouverture à la concurrence du deuxième plus grand réseau ferré d'Europe après le réseau allemand. Le Gouvernement entend procéder par ordonnances ; cette proposition de loi vient à point nommé : elle illustre les vertus du bicamérisme que le RDSE ne cessera de défendre. Une telle réforme mérite un débat de fond. Nous saluons donc l'initiative d'Hervé Maurey et de Louis Nègre.
L'anticipation vaut mieux que la réaction aux événements. Des directives ont été données, mais la feuille de route n'est pas toujours lisible. Il faut tenir compte de la situation financière dégradée de la SNCF, des sous-investissements, des défauts d'entretien du matériel. La priorité donnée aux LGV conduit à menacer certaines dessertes. Avec 13 milliards d'euros de dépense publique alloués chaque année au ferroviaire, nos concitoyens sont en droit d'exiger un service de qualité, les retards sont trop nombreux. Certes, la SNCF n'a pas vocation à faire des profits mais sa situation peut être assainie. Le débat aurait d'ailleurs pu avoir lieu avant 2018.
L'open access s'oppose a priori à un système de franchise. Les deux options comportent leurs avantages et inconvénients. Le rapport Abraham de 2011 évoquait de multiples possibilités entre ces deux extrêmes. Le Gouvernement semble préférer l'open access.
Les comparaisons internationales restent hasardeuses. L'ouverture à la concurrence peut améliorer la qualité de service mais elle peut avoir des conséquences néfastes sur les prix et la desserte des zones enclavées. Je salue la proposition de créer un système commun d'information des passagers.
De nombreux points restent toutefois à aborder : avenir du statut des cheminots et du groupe ferroviaire intégré, avenir des infrastructures et des financements ou encore de la dette de SNCF Réseau. Cette proposition de loi fait office de prélude à un grand débat ; le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement reste trop imprécis. Le groupe RDSE s'abstiendra.
M. Gérard Cornu . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains se réjouit de l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi, fruit d'un travail de fond mené durant plusieurs mois par le président Maurey et notre ancien collègue Louis Nègre. Je les félicite pour la grande qualité de leurs travaux qui s'inscrivent dans la tradition sénatoriale des François Gerbaud et des Hubert Haenel.
Cette proposition de loi a pour objectif de donner aux parties prenantes le temps de se préparer à l'ouverture à la concurrence, contrairement à ce qu'il s'est passé pour le fret. Elle est aussi l'occasion d'un vrai débat que les ordonnances ne permettront pas.
La SNCF fait face à des difficultés structurelles importantes, qui ont été rappelées. Au-delà de sa modernisation, il nous faut une vision pour notre entreprise publique. La SNCF doit se réinventer, poursuivre l'accomplissement de sa mission de service public et servir la mobilité de tous les Français - j'insiste sur le « tous ».
Les efforts devront être partagés. À l'État d'assurer la viabilité économique du système. Trop souvent, il a fait supporter à la SNCF le poids de l'insuffisance des financements publics, d'où son endettement colossal. La reprise de la dette de la SNCF sera un élément crucial de l'ouverture à la concurrence. Celle-ci peut être l'occasion d'optimiser le système, en s'inspirant de ce qui a été fait chez nos voisins.
Cette proposition de loi permet d'aller vite et d'avoir un vrai débat : le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Frédéric Marchand . - Victor Hugo a déclaré : « Je suis réconcilié avec le chemin de fer, c'est décidément très beau ». S'il est bien une ambition que nous partageons, c'est celle de cette réconciliation. Le transport ferroviaire fait partie intégrante de l'histoire de notre pays. Il a apporté une contribution éclatante à l'aménagement de notre territoire, du Nord au Sud et de l'Est à l'Ouest. Il est associé dans notre imaginaire collectif à Émile Zola, Jean Renoir et Gabin dans La bête humaine sans oublier les gares Saint-Lazare de Monet. Le train est le ciment de notre grand roman national.
Avec près de 29 000 kilomètres de lignes exploitées et 2 800 kilomètres de LGV, nous disposons du deuxième réseau d'Europe mais notre système est malade. Madame la Ministre, vous avez fait de la lutte contre l'assignation à résidence une priorité, nous saluons ce choix.
N'ayons pas la mémoire courte : la sécurité sociale en 1945, le temps de travail, la retraite à 60 ans, la cinquième semaine de congés payés, eux aussi, ont été instaurés par ordonnances. Le débat aura lieu, chers collègues. L'opportunité de cette proposition de loi est, en conséquence, douteuse. Mais revenons plutôt au fond.
Nous ne rejoignons pas forcément les auteurs du texte sur son contenu. Des droits exclusifs sur les lignes à grande vitesse en contrepartie d'obligations d'aménagement du territoire, cela représente un cadre trop contraignant pour garantir l'équité. Sa faisabilité exigerait, en outre, des moyens humains et financiers que nous n'avons pas.
L'open access peut paraître déstabilisant, il est surtout dynamisant. Encore faut-il le mettre en oeuvre dans le cadre d'une prévisibilité tarifaire mieux encadrée par l'Arafer. Nous ne plaidons pas pour une libéralisation sauvage ! Le cadre tarifaire, une constante... « Les tarifs des chemins de fer sont imbéciles : il faudrait des suppléments pour les retours puisque les voyageurs sont obligés de revenir ! » disait Alphonse Allais.
Cette proposition de loi fait penser à un voyageur qui regarderait le train partir depuis le quai... Le groupe LaREM ne la votera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)
M. Guillaume Gontard . - L'histoire du rail français fait partie de l'histoire de France. Par son maillage dense, il est facteur d'égalité entre les citoyens et d'unité territoriale. Notre système ferroviaire a longtemps fait partie des meilleurs au monde, il est primordial de le préserver.
Cette proposition de loi, de la même veine que le projet du Gouvernement, opère un retour en arrière malvenu. En 1937, le Front Populaire a décidé d'unifier la myriade inopérante de petites compagnies privées en une seule compagnie nationale. Ce modèle assurait la péréquation entre lignes économiquement rentables et lignes socialement rentables. Il est aujourd'hui menacé par le néolibéralisme qui, selon la formule, privatise les profits mais socialise les pertes. Perspective alarmante, si l'on observe que le vote extrême est corrélé à l'éloignement des gares... Les modèles japonais et allemand sont souvent invoqués en exemple : au Japon, l'État joue encore un rôle de stratège, il contrôle les tarifs, subventionne les lignes déficitaires et reprend la dette du groupe. Idem en Allemagne, avant la mise en concurrence. Ni cette proposition de loi ni le projet de loi ne l'envisagent ; alors que la stratégie du tout TGV a longtemps obéré toute possibilité de développement du système. La dette et la vétusté du réseau, tels sont les problèmes structurels de la SNCF auxquels il faudrait s'attaquer. La renationalisation des autoroutes ou la mise en place d'une écotaxe assurerait une ressource pérenne à la SNCF.
En cette journée de célébration de l'héroïsme français, rappelons le lien entre la Résistance et le statut de cheminot.
Le transport ferroviaire est un atout écologique. Deux ans après l'accord de Paris, comment peut-on remplacer des trains par des cars ? Sans surprise, le groupe CRCE ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)
Mme Nadia Sollogoub . - Je remercie à mon tour MM. Maurey et Nègre. Face à l'ouverture à la concurrence, nous pouvons laisser passer le train ou bien anticiper. Le jeu de mots est facile et le sujet ne se prête guère à la plaisanterie. Le Gouvernement propose de légiférer par ordonnances quand nous avons perdu des mois précieux puisque cette proposition de loi, qui a reçu un avis favorable du Conseil d'État, a été déposée en septembre. Elle n'est pas concurrente du projet du Gouvernement sur les mobilités. Réformer par ordonnances a quelque chose de choquant sur un tel sujet. Ce soir, grâce à la proposition de loi Maurey-Nègre, le débat peut avoir lieu.
Transposer sèchement le quatrième paquet ferroviaire serait une erreur : c'est ce que fait le Gouvernement. L'open access peut conduire à l'abandon des lignes non rentables. Nous sommes à l'heure où la logique comptable étouffe les territoires ruraux. À l'aide d'une énorme calculette, on nous explique qu'il n'y a pas d'autre choix que de fermer classes, écoles, hôpitaux, maternités, bureaux de postes et, même, de diminuer le nombre de parlementaires. Nous n'en pouvons plus, et les électeurs perdent confiance.
Cette réforme pose d'autres problèmes que ceux sur lesquels nous allons nous pencher : l'exigence environnementale, le transfert des gares et du matériel, le statut des cheminots.
Le groupe UC votera ce vrai texte d'aménagement du territoire car, comme l'écrivait notre auteur nivernais, Jules Renard : « Le train, automobile du pauvre : il ne lui manque que de pouvoir aller partout ». (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Fabienne Keller . - Je remercie Hervé Maurey et Louis Nègre pour leur travail, qui rend le débat possible. Améliorer la qualité du service tout en réduisant son coût est notre objectif autant que le vôtre, Madame la Ministre.
La proposition de loi prévoit sur ce point des engagements forts sur l'aménagement du territoire. La desserte fine de nos territoires par le TGV ne doit pas être remise en cause. Les 230 dessertes actuelles sont généralement le fruit d'accord avec les collectivités territoriales qui les ont cofinancées, ainsi la LGV Est, qui m'est chère. Madame la Ministre, lors du débat du 16 janvier, vous nous avez assurés que ces dessertes ne seraient pas remises en cause. Je soutiendrai l'article 4. Y êtes-vous favorable ? À défaut, que proposez-vous ?
Les petites lignes relient nos territoires les uns aux autres, telle celle de Strasbourg-Saint-Dié, qui désenclave et irrigue la vallée de la Bruche. Madame la Ministre, même si vous n'aimez pas le terme de « petite ligne », qu'êtes-vous prête à faire pour les protéger ?
Ce débat prend un tour particulier en plein mouvement social à la SNCF. La desserte fine par le TGV et les petites lignes méritent toute votre attention, Madame la Ministre. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
M. Cyril Pellevat . - Notre réseau est le deuxième d'Europe. Les défaillances, hélas, y sont nombreuses, alors que le quatrième paquet ferroviaire impose à brève échéance l'ouverture à la concurrence.
Cette proposition de loi, fruit de nombreuses auditions et consultations, vise à y préparer notre système. Les Français regardent outre-manche et craignent pour leur train, regardons plutôt ce qui a fonctionné chez nos voisins allemands, italiens et suédois...
Sans entrer dans le détail du texte, je veux souligner l'importance de l'aménagement du territoire par son maillage ferroviaire. L'amélioration des lignes existantes constitue un objectif, mais il n'est jamais question des projets de réouverture de ligne. À l'État de les encourager.
Avec 820 000 habitants, la population haut-savoyarde a augmenté de 20 % en moins de dix ans. La création d'un RER Sud-Léman doit s'accompagner de la réouverture de la ligne entre Évian-les-Bains et Saint-Gingolph. Cela permettra de désenclaver l'est du Chablais. SNCF Réseau a donné son feu vert, la région a confirmé son engagement. Je suis fier de ce projet dont je préside le comité de pilotage. Où en est-il, Madame la Ministre ? Il est fondamental de penser notre mobilité future, le train est le mode de transport le plus écologique.
Je voterai ce texte, en remerciant M. Longeot pour la qualité de son travail. Supprimer le monopole de la SNCF ne signifie pas s'opposer à la SNCF, la réforme l'encouragera à proposer des services plus performants. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Mme Élisabeth Borne, ministre . - Personne ne met en cause les cheminots...
M. Martial Bourquin. - Gardez leur statut alors !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - J'y reviendrai. Je rappelle qu'aucun gouvernement n'a considéré que la dette ferroviaire était un problème ; le précédent a même remis un rapport au Parlement pour dire le contraire... L'ouverture à la concurrence n'a pas non plus été anticipée. La modernisation du secteur passe par la mise en place d'un nouveau cadre pour la SNCF, lui garantissant une trajectoire financière équilibrée dans la durée.
Il me paraît souhaitable d'éviter les faux procès, les faux débats qui justifient l'immobilisme. Personne ne parle de privatisation des transports du quotidien (M. Fabien Gay lève les bras au ciel.) qui sont placés sous la responsabilité des régions. Oui, ce sont elles qui définissent les dessertes et les horaires...
M. Fabien Gay. - Avec quel argent ?
M. Martial Bourquin. - Eh oui ! (On renchérit sur les bancs du groupe SOCR.)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Quant au concept de ligne TER rentable ou pas, dois-je vous rappeler que le voyageur ne paie que 25 % du prix du billet grâce aux subventions régionales ? Ce sont donc bien des services publics. (Mouvements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)
M. Jérôme Bignon. - On transfère la dette aux régions.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Jamais nous n'avons parlé de régionaliser les lignes UIC 7 à 9. Elles représentent 30 % à 40 % du trafic du fret ferroviaire et recouvrent des lignes d'intérêt national, d'aménagement du territoire, comme Nantes-Bordeaux. Le Gouvernement est engagé à hauteur de 1,5 milliard d'euros dans le cadre du contrat de plan ferroviaire et il respectera cet engagement.
Le ferroviaire n'a pas été exclu du Conseil d'orientation des infrastructures, ni des Assises de la mobilité. Certes, on n'a pas traité de la soutenabilité de la dette de la SNCF dans le cadre des Assises de la mobilité, car cela n'est pas au centre des préoccupations de nos concitoyens. En revanche, la responsabilité globale des régions pour coordonner les mobilités sur leur territoire a été évoquée, ainsi que les systèmes d'information multimodale de billettique intégrée (M. Jean-Paul Émorine approuve.) et la désaturation des noeuds ferroviaires.
Enfin, quant aux ordonnances, je précise que la concertation nous permettra d'écrire le projet de loi qui sera débattu au fond, à l'Assemblée nationale et dans cette assemblée.
Je l'ai dit aux organisations syndicales : je souhaite tirer parti de cette concertation pour porter le texte de loi sur l'ouverture à la concurrence dans les deux assemblées, et non pas dans le cadre de la future ordonnance.
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLES ADDITIONNELS avant l'article premier
Mme la présidente. - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La France, par l'intermédiaire de la ministre chargée des transports, demande aux instances européennes la réalisation d'un bilan contradictoire sur l'impact en termes d'emplois, d'aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire.
La ministre demande également la réalisation d'un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire.
M. Fabien Gay. - Avec cet amendement, et les huit suivants, nous portons des propositions autour d'une idée simple : la France ne peut pas être simplement l'exécutant zélé de la Commission européenne.
Il est plus que temps de faire un bilan de la libéralisation des transports de marchandises et de passagers. L'Europe du rail est un voeu pieux. L'explosion des prix, la vétusté des installations, telles sont quelques-unes des conséquences de la libéralisation. Toute la population paie triplement l'addition : pollution, qui cause 48 000 morts par an dues aux particules fines, inégalité territoriale et mobilité fragilisée.
Nous souhaitons que la France propose à ses partenaires européens un bilan qui prendra en compte les conséquences environnementales désastreuses. Les transports sont un enjeu de taille dans la diminution des gaz à effet de serre, conformément aux engagements de la COP21.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Avis défavorable. Cet amendement comporte une injonction au Gouvernement, ce qui est contraire au principe constitutionnel de séparation des pouvoirs.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Une étude d'impact a bien été faite au niveau européen avant l'adoption du quatrième paquet ferroviaire. L'enjeu est bien de permettre à la SNCF, aux régions, aux cheminots, de se préparer à l'ouverture à la concurrence. Avis défavorable.
M. Fabien Gay. - Cet amendement est d'appel. Après vingt ans de privatisation et de libéralisation - et pas que dans les transports, mais aussi dans l'énergie ou les télécoms - les consommateurs y ont-ils vu un progrès ? J'ai posé la question à la présidente de l'Autorité de la concurrence lors de son audition par la commission des affaires économiques il y a dix jours. Sa réponse n'avait rien de ferme. L'effet est peut-être positif dans les télécoms ; pour le reste, le bilan est mitigé. Le prix de l'électricité a explosé de 42 % depuis l'ouverture à la concurrence d'EDF. Ce sera le même désastre pour le ferroviaire.
On nous donne l'Italie en exemple. Les trains italiens sont pires que le RER B à 9 heures du matin ! Je ne veux pas que notre système ferroviaire se rapproche de l'italien !
L'amendement n°2 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant la première phrase du sixième alinéa du II de l'article 11 de la loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Afin de répondre à la demande de trafic ferroviaire par wagons isolés, ce système de production est déclaré d'intérêt général. »
Mme Michelle Gréaume. - Nous proposons par ces amendements le cadre d'une autre réforme ferroviaire, qui réponde à l'intérêt général. Il convient d'agir pour le rééquilibrage modal. Les transports représentent 3 % des émissions de gaz à effet de serre ; deux ans après la signature de l'accord de Paris, les résultats sont décevants : la France aurait émis 463 millions de tonnes de gaz à effet de serre depuis 2015. Il est temps que les pouvoirs publics interviennent et créent le cadre juridique pour limiter ces émissions. Le fret ferroviaire doit y occuper une place importante. Or il ne cesse de perdre des parts de marché face au développement du fret routier. D'où la proposition de résolution que nous avons présentée au Sénat en décembre dernier.
La commission européenne a créé un précédent bienvenu avec sa décision italienne, permettant d'investir dans le rail sans distorsion de concurrence. La France se doit d'être exemplaire : le fret ferroviaire doit être déclaré d'intérêt général.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Le transport par wagon de marchandise est un service commercial, pas un service public. Avis défavorable.
Mme Éliane Assassi. - Voilà qui a le mérite de la clarté...
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Je partage votre ambition mais ces déclarations de principe ne suffiront pas. Il faut des actes : restaurer une concurrence plus loyale par rapport au transport routier, au moyen du paquet mobilité et de la directive sur les travailleurs détachés, objets du conseil transport de juin, faire financer des infrastructures par les poids lourds en transit, développer une politique de péage pour le fret ferroviaire, investir davantage, aider au maintien de transports combinés, telles sont les actions à mettre en oeuvre. Avis défavorable.
M. Marc Laménie. - Je comprends cet amendement et je l'aurais bien voté. Cependant, l'objet du texte est le transport ferroviaire de voyageurs. L'ouverture à la concurrence pour le fret ferroviaire remonte à 2003 et a donné lieu à une chute du trafic. Les wagons isolés ont disparu, ce qui est dommageable. J'ai en mémoire une proposition de loi de décembre 2015 sur le trafic ferroviaire régional qui posait des problèmes essentiels. Je m'abstiendrai.
M. Fabien Gay. - Il faut effectivement des actes. Plusieurs rapports estiment que le volume des marchandises se multipliera par trois dans les prochaines années. L'objectif est de faire passer la part du fret à 25 %. Comment faire ? On nous cite les pays du Nord en modèle. Ils relient leurs ports au fret ferroviaire. Je suis allé récemment à Saint-Nazaire. J'y ai discuté avec les syndicalistes. La voie du chemin de fer est à cent mètres du port. Or le train et le port ne sont pas reliés ! La question est économique, sociale et écologique.
M. Martial Bourquin. - C'est une question essentielle. Nos routes sont engorgées et on ne peut pas continuer de la sorte. La Suisse et l'Autriche ont pris le problème à bras-le-corps. Pourquoi ne le faisons-nous pas ? Pour améliorer la qualité de l'air, il faut mettre en place une politique de ferroutage. Nous avons l'infrastructure, les rénovations demanderont un investissement lourd, mais cela en vaut la peine. On refait bien les routes de France pour que des millions de camions y passent, sans rien payer, et l'État, et les régions, les départements paient sans protester. (L'on évoque, sur quelques bancs du groupe Les Républicains notamment, l'écotaxe.)
Un jour ou l'autre, la dette de la SNCF devra être épongée par l'État. Ce n'est pas une dette en réalité mais le résultat d'une inégalité de traitement entre le réseau routier et le réseau ferroviaire. (Mme Fabienne Keller proteste.) La dette de la SNCF, c'est dix ans d'ISF.
M. Louis-Jean de Nicolaÿ. - Ah !
M. Daniel Gremillet. - Les petits ruisseaux font les grandes rivières. Ils sont à sec ! Je veux parler de ces petites lignes qui irriguent nos territoires. Elles ont été abandonnées. En Lorraine, désormais Grand Est, nous avons acheté du matériel roulant performant. Il n'est pas exploité à sa hauteur. Les TER vont parfois moins vite que les locomotives à vapeur, voire que certains vélos électriques !
Dans le département des Vosges, on assiste à un recul, année après année, du réseau de la SNCF qui n'est plus en capacité d'absorber le trafic des voyageurs et des marchandises. D'autant que le temps s'est raccourci.
L'État doit assurer sa responsabilité de remettre en état ces petites lignes, ces petits ruisseaux, qui font les grandes rivières. (Applaudissements)
M. Yves Daudigny. - Je ne suis pas certain que l'amendement n°3 soit la bonne solution. Il soulève un problème essentiel. Dans l'Aisne, un groupe chimique allemand recevait sa matière première, dangereuse, par wagon isolé. Il y avait parfois des ratés, mais les wagons finissaient par arriver. Ce service, que nous avions un temps réussi à préserver, a finalement disparu et les matières dangereuses sont désormais transportées par camion. C'est une aberration ! Autre exemple, dans le même département, dans une communauté de communes, devenue communauté d'agglomération : une zone de développement économique s'est vue reliée à une voie ferrée.
L'entreprise qui viendrait s'y installer n'aurait qu'à faire rouler les wagons et acheminer la marchandise jusqu'aux bâtiments. Or en dix ans, aucune entreprise ne s'est manifestée, car le service n'est pas de qualité... C'est tout aussi aberrant. Je ne sais pas si je voterai l'amendement car la déclaration d'intérêt général n'est peut-être pas la solution, mais le problème de fond posé par nos collègues du groupe CRCE est d'avenir : c'est celui de la modernisation de notre économie.
L'amendement n°3 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Il est minuit. Je vous propose de prolonger notre séance jusqu'à minuit et demi. (Assentiment)
Amendement n°4, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le deuxième alinéa de l'article L. 3221-1 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - des charges d'entretien des infrastructures et des coûts externes ; ».
Mme Éliane Assassi. - La ministre n'a pas répondu sur le fret. C'est dommage. Le sujet est structurant pour nos entreprises. On ne peut pas se contenter de formules comme « il faut passer à l'action ». Le transport routier bénéficie d'un environnement plus favorable que le rail en matière réglementaire et fiscale. Cet amendement prévoit que toute opération de transport routier de marchandises doit aussi prendre en compte les coûts d'entretien des infrastructures et les coûts externes.
Il y a vingt ans on avait calculé que les coûts externes représentaient 300 milliards d'euros par an. Il s'agit ainsi d'instaurer un véritable outil de rééquilibrage entre les différents modes de transports, en faveur du fret ferroviaire, en intégrant les coûts externes du transport routier dans sa tarification. Cela permettrait également de lutter contre le dumping social qui se traduit souvent par une sous-tarification du service. En effet, aujourd'hui, le secteur routier dispose d'un corpus juridique favorable, lui permettant d'exercer une concurrence déloyale par rapport au secteur ferroviaire.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Avis défavorable car l'objet de votre amendement est trop éloigné du texte.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Nous parlerons du fret ferroviaire la semaine prochaine. Il est souhaitable que le secteur routier paie davantage ses coûts externes. Cependant, l'amendement propose de faire payer les chargeurs : avis défavorable.
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°9, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'État, majoritairement représenté au conseil de surveillance de la SNCF, propose au directoire, et notamment au vice-président représentant SNCF Réseau, l'instauration d'un moratoire sur la fermeture des gares de triages, les points de desserte fret et la suppression des effectifs à Fret SNCF.
M. Guillaume Gontard. - Cet amendement propose un moratoire sur la fermeture des gares de triage. Le développement du fret est indispensable pour diminuer la circulation des poids lourds.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Cet amendement constitue une injonction au Gouvernement et porte sur le fret. Avis défavorable.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Il n'y a pas de projet de fermeture d'installation ferroviaire. Mais il faut prévoir des investissements sur des voies de service. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°9 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°6, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le réseau ferroviaire est propriété de la Nation.
M. Fabien Gay. - Le réseau ferré national construit par l'impôt de nos concitoyens doit être détenu par la puissance publique. Nous ne partageons pas la recommandation du rapport Spinetta selon laquelle il faudrait se défaire des petites lignes. Le nouveau pacte ferroviaire sous couvert de la mise en concurrence risque de peser sur les régions, car on souhaite leur confier la propriété des ateliers de maintenance.
La multiplication des opérateurs renforcera la fracture régionale. Nous nous inscrivons en faux contre la balkanisation du système ferroviaire. Il y a d'autres façons de privatiser, en augmentant le capital, par exemple.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Le code des transports prévoit que SNCF Réseau est le propriétaire unique des transports ferroviaires nationaux. Avis défavorable.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - SNCF Réseau est une structure publique et a vocation à le rester. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°6 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Amendement n°7, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
Avant l'article 1er
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement avant le 31 juin 2018 un rapport sur l'opportunité et les modalités de création d'une structure d'amortissement de la dette ferroviaire.
Mme Michelle Gréaume. - La dette ferroviaire plombe le service public depuis de trop nombreuses années. Colossale, elle s'élève à 54,5 milliards d'euros et ne peut que croître. Cette situation est liée aux injonctions de la directive de 1991 : l'État français aurait pu choisir de reprendre à son compte l'ensemble de la dette ; malheureusement, il a préféré cacher la misère sous le tapis en créant Réseau ferré de France. Cet amendement propose la création d'une structure d'amortissement de la dette ferroviaire, financée par les concessions autoroutières, dont nous proposons la nationalisation.
Le seul obstacle à cette reprise de la dette par l'État est le respect des règles de Maastricht sur le déficit public, dont il faut s'affranchir pour le bien de la Nation et des usagers du service public ferroviaire. Les intérêts de la dette qui représente chaque année 1,7 milliard d'euros seraient bien plus utiles pour financer des infrastructures que pour financer les banques.
Le Gouvernement a fait des annonces sur une reprise totale ou partielle, mais le flou règne...
M. Jean Bizet. - Il n'a pas d'argent !
Mme Éliane Assassi. - Il sait en trouver quand il faut ! Pour financer la suppression de l'ISF, par exemple... (Protestations à droite)
M. Fabien Gay. - Nous n'avons d'autre choix que de demander un rapport sur le sujet, mais aussi des engagements clairs du Gouvernement.
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Cela n'a rien à voir avec l'ISF. La dette ferroviaire croît chaque année de 2 milliards à 3 milliards d'euros. Le Parlement avait demandé un rapport sur la dette au Gouvernement. Il a été rendu en 2016 mais a renvoyé la question au Gouvernement suivant. Il nous faut, plus qu'un rapport, des solutions concrètes.
M. Jean Bizet. - Absolument !
M. Jean-François Longeot, rapporteur. - Que compte faire le Gouvernement ? Avis défavorable.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le Gouvernement a souhaité engager une réforme globale pour remettre à l'équilibre la trajectoire financière de la SNCF. La dette est une menace pour ce secteur et le Gouvernement prendra ses responsabilités au cours de ce quinquennat. Le travail est en cours. Avis défavorable, le temps n'est plus aux rapports, mais à l'action.
M. Hervé Maurey. - Le Gouvernement est un peu court en termes d'information sur la dette ferroviaire. Vous ne dites pas grand-chose, pas plus que le Premier ministre. Que fera-t-il exactement ?
Je le demande, non par curiosité malsaine, mais parce SNCF Réseau ne pourra pas devenir une société anonyme avec une dette d'un tel montant, et SNCF Gares et Connexions ne pourra pas intégrer SNCF Réseau s'il demeure aussi endetté.
Le précédent gouvernement, qui a tergiversé avant d'annoncer qu'il n'y avait aucun problème d'endettement, porte une part de responsabilité colossale. On a commencé par couper court à une réforme sociale pour éviter des mouvements sociaux au moment de l'Euro 2016, puis le problème de la dette a été tout simplement éludé. Quand et comment résoudrons-nous ce problème ?
M. Marc Laménie. - Cet amendement pose un problème essentiel. Nous avions voté une importante réforme ferroviaire en 2014, avec pour rapporteur Michel Teston. Lorsque nous votons la loi de finances, les financements des infrastructures ferroviaires et le poids de la dette posent toujours problème. Le président Maurey a raison de demander des explications au Gouvernement. Je voterai cet amendement.
M. Olivier Jacquin. - Je trouve Hervé Maurey sévère sur le mandat précédent. En 2014, l'organisation de SNCF a été réformée avec des résultats positifs. Le principe de la règle d'or a été défini qui est encore insuffisamment appliqué.
La dette est surtout le résultat des injonctions contradictoires que subit l'opérateur : faites plus d'économie, mais faites-nous des LGV ! Il faudrait renforcer l'autonomie de l'opérateur pour éviter ces déséquilibres.
M. Gérard Cornu. - Un rapport de plus ne servirait à rien.
Mme Éliane Assassi. - C'est l'article 40 qui nous force à en demander un !
M. Gérard Cornu. - Le sujet de la dette est un vrai sujet. L'État a une responsabilité de longue date. Madame la Ministre, vous êtes favorable à une réforme de la SNCF. On ne peut pas ouvrir le secteur à la concurrence et faire supporter à SNCF Réseau une dette aussi forte. Se donner cinq ans pour agir mettrait en péril l'avenir de la SNCF.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Je relisais les débats sur la création de SNCF sous statut d'EPIC : le ministre de l'époque s'inquiétait déjà de l'endettement du groupe. La dette de la SNCF croît de 3 milliards par an, et les frais financiers s'élèvent à 1,5 milliard d'euros par an. Nous avons mis fin à cela et nous travaillons à le faire de manière durable.
M. Jean-Marc Gabouty. - Je partage la position du Gouvernement. Cependant, il faut analyser les raisons qui ont conduit à l'endettement de la SNCF et à la dégradation du réseau. Le statut n'est pas responsable de tout. La SNCF souffre d'un problème de gouvernance et d'organisation. On y travaille à flux tendu car le matériel est insuffisant.
Sur la ligne Paris-Toulouse, il n'y a pas de matériel de rechange dans un rayon de 250 km en cas de panne de locomotrice. Un taux d'intérêt de l'ordre d'un milliard et demi sur 50 milliards de dettes me paraît un peu excessif : dites aux dirigeants de la SNCF de renégocier leur dette ! Dépanner une locomotive, immobilisée à 10 km d'Orléans, pour un problème métallique, tel un chasse-pierres tordu, et c'est un exemple vécu parmi d'autres qui pourraient remplir un volume, suppose l'intervention des pompiers. Il convient de réfléchir en profondeur à l'organisation et au fonctionnement de cette grande entreprise, la SNCF, qui a connu de grands succès mais aussi de grandes lacunes.
L'amendement n°7 n'est pas adopté.
Mme la présidente. - Nous avons examiné six amendements ; il en reste 61.
Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 29 mars 2018, à 10 h 30.
La séance est levée à minuit et demi.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus