Avenir des lignes LGV et aménagement du territoire
M. le président. - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir des lignes LGV et l'aménagement du territoire.
M. Gérard Cornu, pour le groupe Les Républicains . - Je me réjouis de l'initiative du groupe Les Républicains qui permet de débattre sereinement sur un sujet trop longtemps marqué par la fuite en avant et le dicton selon lequel les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent. Le Conseil d'orientation des infrastructures (COI) devait évaluer les besoins de mobilité et prioriser les projets de transport sur le territoire selon six critères : environnement, mobilité, qualité, sécurité, aménagement du territoire et création de valeur socio-économique.
Il s'agissait de trouver des pistes de financement en fonction de différents scénarios. Avec une dette publique évaluée à 2 500 milliards d'euros, soit 95 % du PIB, il est temps de revenir au réalisme, les promesses n'engendrant que frustration et déception. Le rapport Spinetta renforce ces conclusions.
Le COI est composé de dix élus et de six personnalités qualifiées ; j'y siège avec Hervé Maurey et Michel Dagbert, ainsi que notre ancien collègue Louis Nègre. Son rapport, intitulé « Mobilités du quotidien : répondre aux urgences et préparer l'avenir », a provoqué de vives réactions, que je comprends. C'est le rôle des élus que de défendre leur territoire, ils le font avec pugnacité.
Ce rapport vise à transformer en actes des intentions affichées ; en tirer des conséquences concrètes est forcément délicat.
Il n'est pas question de délaisser le ferroviaire ni de se désengager des territoires ruraux en ne maintenant que les lignes rentables. Il s'agit simplement de prioriser les investissements de l'État et de trouver, le cas échéant, des modes alternatifs de transport.
Le COI a analysé les projets au regard des crédits disponibles. Depuis octobre 2017, nous avons multiplié auditions et déplacements et étudié quarante projets. Nous avons proposé trois scénarios : le premier à 48 milliards d'euros, le deuxième à 60 milliards et le dernier à 80 milliards d'euros. Le COI a fait le choix de repousser plus ou moins dans le temps les grands travaux, en les découpant en phases.
Le premier scénario, d'orthodoxie financière, affecte 2,4 milliards d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) chaque année, ce qui conduit à repousser à 2050 l'achèvement des grands projets. C'est le scénario au fil de l'eau. Il n'a pas ma préférence.
Le deuxième prévoit 60 milliards d'euros à l'Afitf sur vingt ans, soit 3 milliards par an. C'est un effort accru dans la durée pour affecter 600 millions supplémentaires à l'Afitf - 55 % de plus par rapport à 2012-2016 - ce qui permet d'avancer les premières phases des grands projets les plus utiles et de réduire la saturation des principaux noeuds ferroviaires.
Le troisième scénario prévoit 80 milliards sur vingt ans, soit 3,5 milliards par an d'ici 2022 puis 4,4 milliards par an. Cela doublerait la dépense pendant dix ans. Pour le COI, difficile d'atteindre un tel niveau, tant pour les collectivités territoriales que pour l'État.
Quel que soit le scénario retenu par le Gouvernement, j'assume la priorité donnée à la rénovation des trains du quotidien, au détriment des lignes nouvelles. Il est fondamental de résorber les noeuds ferroviaires pour décongestionner l'accès aux gares. C'est une urgence et une priorité absolue. Les usagers ne savent pas toujours qu'un train à l'arrêt n'est pas forcément en panne mais attend simplement son tour ! La résorption des noeuds ferroviaires permettra aux TGV de rouler à leur vitesse optimale. À quoi sert d'avoir des TGV s'ils circulent à la vitesse des TER ?
Les noeuds ferroviaires qui empêchent l'accès aux gares doivent être traités en priorité, non seulement à Paris mais à Lyon, au nord de Toulouse, au sud de Bordeaux, à Marseille et à Nice ; il faut aussi s'attaquer aux noeuds de plus petite ampleur.
L'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs, inéluctable, impose de mettre à niveau un patrimoine ferroviaire qui se délite. Le COI a insisté sur le maillage du territoire en préconisant la régénération des trains du quotidien et la rénovation des lignes existantes.
Est-ce pour autant la fin de l'histoire pour les projets non retenus ? Non. Le COI a rejeté très peu de projets mais simplement jugé que certains étaient moins prioritaires et prévu une revoyure.
Il appartient au Gouvernement de traduire les propositions du COI dans un projet de loi de programmation soumis à la représentation nationale. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)
Mme Élisabeth Borne, ministre auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire, chargée des transports . - Dans son discours du 1er juillet à Rennes, le président de la République a souhaité recentrer la politique des mobilités sur les transports du quotidien, la lutte contre la congestion dans les grandes agglomérations, l'accès à l'emploi et aux services dans les territoires, l'optimisation des systèmes logistiques, et demandé à ce que la réforme s'engage dès maintenant.
Les besoins de nos concitoyens évoluent. Le secteur des transports doit participer à la transition écologique, dans un contexte financièrement contraint pour l'État et pour les collectivités qui doivent anticiper et accompagner ces évolutions en révisant en profondeur leur stratégie.
Si l'inauguration de quatre LGV ces deux dernières années est un motif de fierté, comment accepter la dégradation continue de certaines infrastructures et les ralentissements sur quelque 5 300 kilomètres de lignes ?
Il y a urgence à revisiter nos choix d'investissement. Les promesses non financées, les faux espoirs ont nourri la défiance et le sentiment d'abandon. Nous proposons un nouveau cadre d'action équilibré et tourné vers les territoires.
La Haute assemblée appelle ce changement de ses voeux. Nos concitoyens ont exprimé leurs attentes et leur impatience lors des Assises de la mobilité. Je les comprends ; le Gouvernement ouvre une page nouvelle faite d'écoute, de cohérence et de sincérité. D'où la création, en septembre, du COI présidé par Philippe Duron qui représente toute la diversité territoriale ; je salue l'engagement de vos collègues MM. Maurey, Cornu et Dagbert.
La mission était ardue. Le rapport, adopté à l'unanimité de ses membres, a été remis au Gouvernement le 1er février dernier ; il débouchera sur un projet de loi de programmation.
Votre commission des finances plaidait en 2016 pour l'adoption, au début de chaque législature, d'une loi de programmation des infrastructures de transports dotée d'un financement pluriannuel. C'est le sens de notre démarche, c'est l'exercice auquel s'est livré le COI pendant quatre mois.
Son rapport réinterroge notre politique d'investissement en confrontant les besoins à la réalité. Il propose trois scénarios. Le premier montre ce que l'on peut faire à ressources constantes. Le deuxième, qui répond aux priorités fixées par le président de la République, affecte des moyens supplémentaires significatifs, à hauteur de 600 millions d'euros par an. Le troisième prévoit l'accélération des projets, en mobilisant 80 milliards d'euros et en doublant le financement de l'Afitf... Ces scénarios ont le mérite de la cohérence.
Je retrouve, parmi les recommandations du rapport, beaucoup de mes convictions. D'abord, l'entretien et la régénération du réseau, besoin élémentaire et vital. Ensuite, le désenclavement : on ne peut plus repousser de décennie en décennie des travaux indispensables pour la modernisation de nos axes routiers, contournements de bourgs ou aménagement de créneau. Je suis convaincue que le désenclavement routier peut être achevé en l'espace d'une décennie.
Le ferroviaire doit s'adapter à l'émergence des métropoles. Il faut traiter les noeuds ferroviaires pour que les gares soient efficaces et fiables. Les « petites » lignes sont essentielles pour le désenclavement !
Les mobilités douces, à commencer par le vélo, sont pertinentes sur de nombreux trajets du quotidien.
Sur les grands projets d'infrastructure, le COI apporte une vision novatrice. La question n'est pas de faire ou ne pas faire ; tout dépend du rythme et du phasage. Le rapport donne des outils pour sortir de l'impasse financière et politique. Il ne s'agit pas de dépenser moins mais d'investir mieux, de faire des choix pertinents pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Améliorer la qualité de vie de chacun tout en préservant la crédibilité de la parole publique, tel est l'objectif.
Le Gouvernement fera bientôt connaître ses choix, il vous appartiendra d'en débattre. Le défi à relever est celui d'une stratégie ambitieuse, réaliste et cohérente. Je souhaite construire avec vous la stratégie d'ensemble, réfléchie et intégrée, que vos collègues Maurey et de Nicolaÿ appelaient de leurs voeux. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SOCR, LaREM, UC et Les Républicains)
Mme Denise Saint-Pé . - Le rapport Duron condamne les 105 kilomètres de la LGV Bordeaux-Dax en repoussant à un horizon incertain le grand projet du sud-ouest, pourtant validé par le territoire et fort d'un important soutien populaire : 80% des sondés sont favorables au tronçon Bordeaux-Toulouse et 78 % à Bordeaux-Dax.
C'est le maillon essentiel de l'axe ferroviaire du sud-ouest de l'Europe, stratégique pour relier la péninsule ibérique au reste de l'Europe, tant pour le fret que pour le trafic voyageurs ; on dégagerait de réels gains de performance. À l'échelle de la France, le grand projet du sud-ouest place Pau à moins de quatre heures de Paris, ce qui est la condition du report modal de l'avion vers le train.
La ligne Dax-Espagne est une réponse écologique et durable pour le trafic de marchandises par les poids-lourds, or il faut une ligne complémentaire à l'offre TER pour développer le fret ferroviaire de Bordeaux à Hendaye.
Madame la ministre, quelles perspectives envisagez-vous pour la LGV Bordeaux-Dax ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur certains bancs du groupe Les Républicains)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Je mène un dialogue permanent avec les collectivités de Nouvelle-Aquitaine et le président Alain Rousset. Le grand projet du sud-ouest représente un coût très important. Lucide, le COI souligne la nécessité, quel que soit le phasage, de commencer par la désaturation des noeuds ferroviaire de Bordeaux et Toulouse.
Quant au tronçon Bordeaux-Dax, le COI propose de différer son financement mais de sécuriser le tracé prévu qui a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique. Il faut étudier avec SNCF Réseau les améliorations à apporter aux lignes existantes : le report modal du trafic poids-lourds ne doit pas attendre la LGV.
Les collectivités territoriales ont proposé d'envisager des sources de financement complémentaires à l'échelle régionale. En les prenant en compte, nous pourrons proposer au Parlement un phasage complet de grand projet du sud-ouest.
M. Michel Dagbert . - Il était plus qu'utile de lister les infrastructures, dont certaines sont légitimement attendues. Le COI propose trois hypothèses faisant chacune apparaître le financement au regard du projet. Mais il faut aussi tenir compte de la température ressentie. Le constat est amer : on voit se superposer la carte des déserts médicaux, celle des fermetures de classes et de services publics et celle des lignes dites non rentables qui pourraient être appelées à disparaître...
La desserte des villes moyennes par le rail est indispensable. Attention à ne pas fragiliser les efforts des AOT en faveur du maillage territorial. Je pense au renoncement à l'électrification de la ligne Rang-du-Fliers Amiens ou à la menace d'une moindre desserte TGV de Lens et Béthune... Comment faire pour que les villes moyennes soient connectées au réseau à grande vitesse qui fait la fierté de la France ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Votre préoccupation est précisément la mienne et celle que porte le Conseil d'orientation des infrastructures. Clairement, ces dernières années, ont été privilégiées les LGV et les nouvelles LGV, ce qui a accentué la métropolisation du pays ; ont été laissés de côté de vastes pans de notre territoire, dont les citoyens et les entreprises se sont sentis abandonnés.
L'entretien et la modernisation du réseau classique ferroviaire sont tout aussi indispensables que la poursuite des LGV dont le calendrier sera revu selon les ressources dont nous disposons. Il n'est pas question de modifier le modèle TGV que nous avons suivi depuis le lancement de cette aventure : desserte des métropoles mais aussi des villes moyennes et des territoires. Il faudra l'avoir à l'esprit quand nous parlerons de l'ouverture du ferroviaire à la concurrence.
M. Daniel Chasseing . - Question de technologie, de gestion de l'entreprise ou de pressions gouvernementales : pourquoi la SNCF a-t-elle dépensé autant de temps et d'argent sur le projet de LGV Limoges-Poitiers, qui ne se concrétisera jamais, au détriment de la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse (POLT) qui dessert 32 départements, au bénéfice de 5 millions de Français ? Il y a 40 ans, il fallait 2h50 pour rejoindre Paris depuis Limoges ; aujourd'hui, 3h30. Cette ligne, qui était la plus rapide de France, est devenue l'une des plus lentes. Faut-il ouvrir de nouvelles lignes TGV ou privilégier la rénovation des TER et Intercités ? Élu de l'ancienne région Limousin, je préconise, par pragmatisme, la seconde solution. Trouvons un équilibre entre service public et rentabilité en répondant aux besoins de l'aménagement du territoire à définir dans la concertation avec les collectivités territoriales. J'espère que la réforme de la SNCF réussira, elle est essentielle pour le maintien des TER et des Intercités. Revitaliser notre patrimoine ferroviaire est dans l'intérêt de la Nation !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Cette question est pleine de sagesse. Au fond, il s'agit de savoir quelle France nous voulons dessiner pour les générations futures, comment les transports ferroviaires peuvent rester une chance pour tous les territoires. Avec la réforme ferroviaire et la loi d'orientation sur les mobilités, je veux inverser la tendance : qu'on ne laisse plus des pans entiers de lignes classiques se dégrader pendant des années parce que l'on espère l'arrivée du TGV. La ligne POLT qui vous est chère fera l'objet de très lourds investissements dans les années à venir, sur les infrastructures comme sur les matériels roulants. Il faut rendre leur noblesse à ces lignes. Autrefois, le Capitole était le train le plus rapide de France. Ma priorité est de répondre aux besoins de transports du quotidien.
M. Philippe Adnot . - Je veux vous dire l'incompréhension, la surprise, voire la colère de des habitants de l'Aube quand ils ont découvert les conclusions du rapport Duron. En septembre 2016, l'État, la SNCF, la région Île-de-France, la région Grand Est et le département de l'Aube ont signé un protocole et commencé à financer des travaux. Madame la Ministre, si vous deviez suivre le rapport, ce à quoi vous n'êtes pas tenue, que vaudrait la parole de l'État ? Si les travaux s'arrêtent à Nogent, l'Aube et la région Grand Est auront payé pour l'Île-de-France. Est-ce normal ? Troyes est la seule agglomération à ne pas être raccordée à Paris par une ligne électrifiée ! Comment une commission peut-elle revenir sur ce qui a été signé, acté, financé et commencé ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - C'est pour sortir de cette situation que la démarche du Conseil d'orientation des infrastructures est apparue indispensable. Les engagements pris dépassent de 10 milliards d'euros les ressources disponibles durant ce quinquennat. Il fallait, pour apaiser les incompréhensions et la colère, mener un travail de sincérité.
Notre grand constructeur national propose désormais des locomotives à hydrogène et des automoteurs bimodes qui roulent sur les lignes électrifiées et les lignes non électrifiées sans rupture de charge. Pour autant, les engagements signés en septembre 2016 seront tenus. Les propositions du Conseil d'orientation des infrastructures portent sur les futurs contrats de plan ; seront pris en considération les engagements pris.
M. Éric Gold . - La commission de l'aménagement du territoire a pu entendre M. Duron sur les scénarios du rapport du Conseil d'orientation des infrastructures.
Un exemple pour dire l'attente de certains départements en matière d'équité territoriale et de désenclavement : la desserte de Clermont-Ferrand. Pour se rendre à Paris, il faut compter entre 3h30 et 4 heures quand tout va bien et tout ne va pas toujours bien... Sur une carte isochrone, Clermont se trouve au sud de Marseille ; elle est la métropole la plus éloignée de la capitale. Les derniers travaux importants ont été réalisés en 1990, pour électrifier la ligne. Depuis, on annonce le renouvellement du matériel, des travaux d'entretien... Les décisions sont toujours repoussées. Le projet de LGV Paris-Clermont-Lyon (POCL) a longtemps retenu toute l'attention. Quelles améliorations rapides pour la ligne d'équilibre du territoire ? Quel avenir pour le projet POCL ? Le Massif central ne doit pas être l'éternel oublié de la politique de transport.
Mme Cécile Cukierman. - Très bien !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - J'accorde une grande importance aux lignes Paris-Orléans-Toulouse et Paris-Clermont. La perspective du projet POCL a effectivement conduit à différer des travaux d'amélioration sur la ligne classique.
D'après les dernières études, la saturation de la ligne Paris-Lyon, qui justifiait en partie le projet POCL, interviendra plus tard que prévu grâce au système de signalisation européenne ERTMS et aux rames à deux niveaux. Pour autant, la réflexion sur le projet POCL n'est pas abandonnée : la contre-expertise tierce sur le tracé ouest et le tracé médian sera réalisée.
On a trop attendu ce TGV. Résultat, la ligne classique s'est dégradée. RFF dégage une enveloppe de 750 millions d'euros d'ici 2025 sur la régénération, nous avons des propositions sur la table depuis le 15 mars pour le renouvellement du matériel roulant, la couverture numérique de la ligne sera faite en 2018. Nous donnons aux élus et aux citoyens de la visibilité sur le calendrier et le programme des travaux.
M. Philippe Paul . - Cela fait quinze ans que l'on estime impérieux de placer Brest et Quimper à 3 heures de Paris pour développer le Finistère en le rapprochant des centres de décision nationaux et européens ! La Bretagne ne se résume pas à un axe Rennes-Nantes. Après avoir rapproché Rennes de Paris, il faut rapprocher Brest et Quimper de Rennes.
Le rapport Duron a suscité de la colère. Une mission a été confiée à M. Rol-Tanguy sur la mobilité dans le Grand Ouest. Espérons que ce ne soit pas une nouvelle mesure dilatoire.
Mme Maryvonne Blondin. - Très bien !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La ligne Le Mans-Rennes a fait gagner 45 minutes sur le trajet entre Paris et Quimper d'une part et entre Paris et Brest d'autre part. Elle date de l'été dernier.
Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures a été rendu avant la décision sur l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, dont il faudra tenir compte. J'ai rencontré à cette fin les élus à Brest le 4 janvier dernier et à Rennes le 27 janvier dernier.
La mission Rol-Tanguy esquissera une stratégie de desserte dans le Grand Ouest et au sein du Grand Ouest. Ses travaux seront conclus avant la fin de l'été, le Premier ministre s'y est engagé.
M. Philippe Paul. - Je ne suis pas complètement tranquillisé. L'abandon de Notre-Dame-des-Landes, c'est une punition pour la Bretagne et pour les Bretons. Paris-Quimper et Paris-Brest sont les lignes les plus chères. Encore une punition pour la Bretagne et pour les Bretons ! Enfin, un trajet de 3h40, c'est beaucoup trop long !
M. Didier Rambaud . - Je ne suis pas loin de partager la déception provoquée par le rapport Duron dans l'Isère. L'aire métropolitaine grenobloise est le deuxième pôle scientifique national, elle compte 750 000 habitants, y existent 320 000 emplois. Et la ligne Grenoble-Lyon est « malade » depuis 2011 aux dires mêmes de Guillaume Pepy. Nous attendons l'amélioration de cette ligne ainsi que celle reliant Grenoble à Paris, nous espérons que l'étoile ferroviaire grenobloise sera considérée prioritaire pour le développement d'un « RER » métropolitain.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Si l'étoile ferroviaire grenobloise n'est pas mentionnée dans le rapport, elle est visée par toutes les priorités transversales qui y sont affichées : amélioration et modernisation du réseau existant, meilleure robustesse et traitement des noeuds ferroviaires. Une première enveloppe de 20 millions d'euros est prévue dans le contrat de plan 2015-2020 pour améliorer les lignes Lyon-Grenoble et Lyon-Chambéry.
Je confirme mon engagement à développer le ferroviaire et à doter nos métropoles de véritables trains cadencés de type RER.
Mme Cécile Cukierman . - Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures a élaboré trois scenarii et dresse plusieurs constats, dont celui du sous-investissement de l'État. La concurrence n'est aucunement une réponse. De même que faire payer davantage les usagers n'est pas la seule solution pour trouver des financements ; on pourrait très bien reventiler les taxes, je pense notamment à la TICPE.
Le projet de LGV Paris-Clermont-Lyon, essentiel pour tous les territoires du Centre et Saint-Etienne, est sans cesse repoussé. Les femmes, les hommes et les entreprises n'ont pas besoin d'une chimère mais d'une véritable ligne de train. Le Gouvernement veut en finir avec le tout-TGV ; il n'empêche certains projets restent indispensables si l'on veut désenclaver les territoires. Madame la Ministre, comment, pour reprendre le titre du rapport Duron, comptez-vous préparer l'avenir ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Je ne partage pas votre lecture du rapport Duron, il est très ambitieux. Les ressources de l'Afitf ont augmenté dès cette année. Quand on parle de 40, 60 voire 80 milliards, on ne peut pas y voir une approche étriquée.
Mme Cécile Cukierman. - Ça dépend des territoires !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le rapport affirme la priorité des transports du quotidien, nous pourrions tous nous accorder là-dessus.
Les ressources seront inscrites dans la loi d'orientation sur les mobilités, ce n'est donc pas une politique d'affichage. Je ne connais, au demeurant, que deux sources de financement : l'usager ou le contribuable.
Mme Cécile Cukierman. - Il y en a une troisième, vous le savez aussi bien que moi !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La dette, peut-être ?
Mme Cécile Cukierman. - Mais non !
Mme Valérie Létard . - Je souligne mon attachement à l'offre de liaisons cadencées à grande vitesse dans les Hauts de France. La desserte TGV est la colonne vertébrale de la dynamique territoriale Lille mais aussi dans les autres grandes agglomérations de la région. La liaison Roissy-Picardie est également essentielle pour l'attractivité et le développement économique du territoire. Le rapport Duron a identifié cette ligne de 6 km comme prioritaire. Madame la Ministre, quel scénario privilégiez-vous, selon quel calendrier ?
La desserte d'Arras, de Béthune, de Douai, de Dunkerque, de Valenciennes par le TGV est dégradée. C'était une heure et demie pour Paris-Valenciennes il y a quelques années contre deux heures aujourd'hui. Pouvez-vous garantir le maintien de la desserte TGV des villes moyennes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La liaison Roissy-Picardie a effectivement été identifiée comme ligne prioritaire. Le montant nécessaire pour réaliser la première phase du projet est de 160 millions d'euros. Nous débattrons du calendrier. Des incertitudes sur les paramètres économiques sont à lever.
Je vous redis mon attachement à l'irrigation de notre territoire par des lignes à grande vitesse. La baisse des temps de parcours m'étonne ; il serait regrettable de devoir investir pour retrouver des performances passées. Je me rapprocherai de SNCF Réseau pour en savoir plus.
M. Olivier Jacquin . - La gare de Lorraine-TGV se trouve au milieu des champs, à Louvigny. On la surnomme la gare colza ou la gare betterave. Si elle se trouve à équidistance de Metz et de Nancy, elle est surtout déconnectée de tout et du réseau TER en particulier. La semaine dernière, un intervenant venu de Poitiers me disait qu'il était ravi de ses 3h30 de trajet pour rejoindre la Lorraine depuis Poitiers, mais moins de l'heure et demie passée dans l'autocar pour parcourir 36 km...
En 2014, Christian Eckert avait fléché une part de la TICPE, estimée à 20 millions d'euros par an, pour financer ce projet. La majorité régionale, très discrète sur le sujet, semble privilégier d'autres projets ferroviaires sans rapport avec une LGV. Que contiendra la loi d'orientation pour le Grand Est, Madame la Ministre ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - L'ensemble du foncier nécessaire pour la réalisation de la gare a été acquis, les mesures conservatoires ont été prises. Le coût de l'équipement est évalué à 140-150 millions d'euros. Le conseil régional doit assurer la maîtrise d'ouvrage en lien avec SNCF Réseau ; l'État participe à hauteur de 30 millions d'euros, mais aucun crédit n'a été budgété puisqu'un référendum local a conduit au rejet du projet en février 2015 ! La balle est dans le camp des collectivités territoriales.
M. Jean-Marc Boyer . - Le rapport Duron n'ouvre pas les portes de l'avenir au Massif central. Ses 17 millions d'habitants ne cessent d'attendre que leurs besoins en mobilité soient pris en compte. Le projet Paris-Orléans-Clermont-Ferrand est capital. Clermont-Ferrand est la capitale régionale la plus éloignée de Paris et, contrairement à ce qui est écrit dans le rapport, sa démographie croît aussi vite que l'entreprise Michelin. Madame la Ministre, pouvez-vous confirmer les propos rassurants que vous nous avez tenus lors de notre rencontre ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Monsieur le sénateur, vous faisiez partie de la délégation conduite par le sénateur Pointereau que j'ai rencontrée le 14 mars dernier. Je suis favorable à l'observatoire de la saturation sur la ligne Paris-Lyon, à la contre-expertise tierce sur les tracés médian et ouest. J'ai insisté sur le fait que ces réflexions ne doivent pas nous détourner de l'amélioration de la ligne Paris-Clermont - j'ai détaillé les travaux qui seraient engagés. Un schéma directeur est en cours d'élaboration, il sera publié cet été au plus tard. SNCF Réseau consacrera 750 millions d'euros d'ici 2025 pour moderniser cet axe.
M. Didier Rambaud . - Mme Schillinger souhaitait vous interroger sur la desserte ferroviaire de l'EuroAirport Bâle-Mulhouse. Elle contribuera à désengorger l'A35. Alors qu'a été signée une déclaration d'intention commune entre la région Grand Est et les cantons de Bâle-Ville, Campagne et Soleure qui laisse présager un début de travaux à l'horizon 2020, le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures remet en question ce projet dans au moins deux de ses trois scénarios. C'est pourtant l'occasion de développer les alternatives à la route. Quel avenir, quel calendrier, quel financement par l'État envisagez-vous ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le conseil d'orientation des infrastructures n'a pas jugé prioritaire la desserte de l'aéroport Bâle-Mulhouse, estimée à 220 millions d'euros. Une réunion avec les élus concernés a été suggérée ; j'y suis favorable. Une étude socio-économique sur les gains qu'apporterait ce projet en France, en Suisse, et en Allemagne est attendue ; nous pourrons en tirer des conséquences sur le financement du projet. Continuons, en attendant, à discuter avec les élus suisses et allemands sur ce projet très attendu localement, j'en suis consciente.
M. Guillaume Gontard . - La démonstration n'a pas été faite de l'urgence de la LGV Lyon-Turin. Le Conseil d'orientation des infrastructures a raison. Les prévisions de fret routier ont été surestimées : une division par six en trente ans, malgré un milliard d'euros d'investissement. Après la pause décrétée au début de l'été, la déclaration d'utilité publique a été prolongée de cinq ans. Chaque kilomètre de tunnel coûte 150 millions d'euros mais le Gouvernement continue de souffler le chaud et le froid. Madame la Ministre, précisez-nous sur quelle logique s'appuierait le maintien d'un tel projet ? Est-il utile d'enfouir 10 milliards d'euros dans 57 kilomètres de galeries sous les Alpes ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Distinguons le tunnel de l'aménagement des accès. Le tunnel a fait l'objet d'un traité franco-italien, ratifié par les deux parlements. Les travaux de reconnaissance sont faits à 75 %, avec 23 kilomètres percés. Les travaux définitifs devraient être lancés courant 2018. Son plan de financement est ainsi réparti : 40 % par l'Union européenne, 35 % par l'Italie, 25 % par la France - c'est tout de même considérable pour un projet de 2,5 milliards d'euros au total. Ce projet ne devra pas peser excessivement sur les ressources de l'Afitf. Une société de projet franco-italienne a été envisagée, tirant une part de ses ressources des péages autoroutiers. Avant d'engager les coûteux travaux d'accès, l'étude du trafic sera prolongée.
M. Vincent Delahaye . - Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures, publié le 1er février dernier, ne mentionne pas certains projets d'envergure, tel le Grand Paris Express. Le 15 février, le rapport Spinetta contredisait ses conclusions en préconisant la fermeture des petites lignes et l'arrêt du développement des LGV. La Cour des comptes a, depuis 2014, souligné que notre modèle ferroviaire n'était pas soutenable. Madame la Ministre, au regard de ces deux rapports, opterez-vous pour le développement continu des LGV ou confirmerez-vous la pause annoncée par le président de la République ? Qu'en est-il de l'interconnexion des LGV entre Massy et Valenton, indispensables à l'interconnexion des TGV autour de Paris et au bon fonctionnement du RER C ? Cette interconnexion, ajoutée à la ligne 18 du Grand Paris Express renforcera la gare TGV de Massy et facilitera la liaison avec l'aéroport d'Orly.
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Les deux rapports relatifs aux transports que vous mentionnez sont complémentaires : global dans un cas, centré sur le ferroviaire dans l'autre. Le Gouvernement a assez dit qu'il ne suivrait pas les recommandations du rapport Spinetta sur les petites lignes. L'interconnexion des TGV est attendue dans le Grand Ouest comme à Massy. Le dossier, assez vieux, pose des problèmes d'insertion environnementale mais figurera en bonne place dans la future loi d'orientation.
Mme Angèle Préville . - Nous sommes loin, hélas, de la mise en service de la ligne Toulouse-Bordeaux bien qu'elle ait été jugée prioritaire. L'aire urbaine de Toulouse, quatrième du territoire avec une croissance de 1,5 % par an, siège mondial d'Airbus, a créé 28 000 emplois ces cinq dernières années, quatre fois plus que la moyenne nationale. En dépit de son attractivité, Toulouse est la seule grande capitale régionale qui n'est pas liée à Paris par une LGV. Les perspectives du scénario 3, que nous appelons de nos voeux, exigent des financements. Qu'envisagez-vous, Madame la Ministre ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - De nombreuses infrastructures sont attendues en Occitanie : Montpellier-Béziers-Perpignan, l'autoroute Toulouse-Castres et la ligne Toulouse-Bordeaux. Selon les scénarios, les délais de réalisation de la ligne Bordeaux-Toulouse diffèrent en effet. Il faut désaturer les noeuds existants : évitons de répéter les erreurs rencontrées à la gare Montparnasse l'an dernier... Les régions réfléchissent à de nouvelles sources de financement pour trouver le meilleur calendrier.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Ma question porte sur la ligne nouvelle Provence Côte d'Azur. La ligne existante, créée en 1860, souffre de graves dysfonctionnements : trafic congestionné, retards fréquents et j'en passe. La ligne nouvelle, très attendue, désenclaverait l'est du territoire et participerait de la constitution de l'arc ferroviaire méditerranéen de Barcelone à Gênes. Les contributions de l'État et des collectivités territoriales seraient à parité... Les ressources des collectivités baissent en raison de la suppression de la taxe d'habitation. Vous avez envisagé, lors des Assises de la mobilité, une taxe sur les poids lourds étrangers en transit en France. Est-ce toujours d'actualité ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le rapport du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) a bien mis en évidence la priorité de cette ligne nouvelle. Un phasage commençant par le décongestionnement de la gare de Nice et de celle de Marseille Saint-Charles a été déterminé.
Nous avons discuté du financement avec les collectivités territoriales, au premier rang desquelles la région. Le Gouvernement inscrira leurs cofinancements, dans le cadre des partenariats qu'elle signera avec elles.
Quant aux ressources supplémentaires, des difficultés peuvent surgir des différences entre réseaux concédés et non concédés selon les régions. Une réflexion sur la participation des poids lourds à ces investissements est en cours, mais la part de réseaux autoroutiers concédés est très élevée en PACA. Ce n'est pas le scénario 1 qui a notre préférence, vous l'avez compris. Nous y travaillons.
Mme Marie-Françoise Perol-Dumont . - Nous regrettons que trop de gouvernements de diverses obédiences aient laissé s'installer, au-delà de mesures conjoncturelles, une situation délétère.
Attention, cependant, à la triple peine qui risque de découler de votre réforme. La première provient de la décision annoncée par le président de la République de bloquer sine die toute nouvelle ligne TGV durant le quinquennat. Or le contexte est celui d'une compétition exacerbée entre des territoires dont certains sont desservis, deuxième peine, par des trains archaïques Intercités sur des réseaux vétustes à une vitesse inférieure à celle de 1968, dans des conditions inacceptables imposées aux usagers - je peux en témoigner, car je les emprunte régulièrement, on est loin de feu le Capitole !
Enfin, troisième peine, ces mêmes territoires pourraient subir aussi la suppression des lignes secondaires, tout en participant au désendettement de la SNCF, dont les comptes sont plombés par des investissements antérieurs au profit des agglomérations très peuplées et bien dotées en infrastructures de transports.
Madame la Ministre, j'espère vivement que vous aurez à coeur de ne pas associer votre nom à la funeste perspective tracée dans le rapport qui fait l'objet de ce débat et que vous saurez la considérer avec toute la distance nécessaire. Votre réponse est très attendue dans le grand espace central. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Le président de la République n'a pas dit qu'il n'y aurait plus de LGV durant ce quinquennat ; il a fait l'annonce courageuse (M. Michel Savin le confirme.) qu'il n'y aurait plus de promesses d'infrastructures non financées, qui ôtent toute confiance dans la parole de l'État...
M. Michel Savin. - Ça change de Hollande !
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Mais nous devons sortir de l'alternative entre une ligne classique qui se dégrade et une LGV qui ne peut être réalisée rapidement. Je porterai la priorité à la modernisation et à l'entretien des infrastructures. Un milliard d'euros de travaux entre 2015 et 2025 sont financés par SNCF Réseau sur la ligne POLT, et le renouvellement du matériel roulant, ce n'est pas rien.
Le Gouvernement ne suivra pas les propositions du rapport Spinetta sur les « petites lignes », improprement désignées parce qu'elles sont très importantes pour certains territoires. L'État tiendra ses engagements sur la modernisation de ces lignes secondaires et notamment le financement de 1,5 milliard d'euros prévu dans ce contrat de plan État-régions.
présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président
M. le président. - J'invite les orateurs et la ministre à respecter le temps imparti : deux minutes par question.
M. Jean-Marc Gabouty . - Les LGV ont désenclavé bien des territoires. L'abandon de grands projets au bénéfice des transports du quotidien est compréhensible. La remise à niveau de ces derniers n'est pas contestable.
Mais il faut compléter le réseau. Or dans le rapport Duron, les projets de Rhin-Rhône et de Bordeaux-Dax-Espagne sont reportés. Les autres projets sont annulés excluant un grand secteur central de la France de la grande vitesse.
Acceptez-vous une telle réalité ? (Mme Françoise Laborde applaudit.)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - La loi de programmation que je présenterai dans quelques semaines ne laissera pas de grandes portions de territoires à l'écart des infrastructures de qualité. Le maillage du territoire, le maintien des lignes secondaires, je le répète, sont à l'honneur : il s'agit de ne pas différer les travaux sur les lignes existantes.
Nous voulons dire ce qui est possible.
Il est possible de faire émerger une offre des trains de qualité sur Paris-Clermont-Ferrand et Paris-Toulouse.
C'est tout l'enjeu des offres qui viennent de nous être remises.
M. Dominique de Legge . - Je me réjouis de l'ouverture de la LGV Bretagne, même si Brest et Quimper ne sont toujours pas à trois heures de Paris. De nombreuses nuisances sonores sous-estimées ont été découvertes par les riverains et les élus le long de la ligne. Il a été décidé de réaliser des études, en conséquence, en vue de trouver des solutions techniques ou d'indemniser les plus lésés.
Quelle n'a donc pas été la surprise des collectivités territoriales de recevoir un courrier de la DGFiP, leur demandant d'opérer des abattements sur la taxe d'habitation et la taxe sur le foncier bâti au profit des habitants, touchés par les nuisances !
Est-ce aux communes impactées par le trajet du TGV d'assurer de telles compensations financières ? Une réduction de 5 % de la taxe d'habitation (soit 25 euros pour un montant moyen de 500 euros) est-elle à la hauteur du préjudice subi ? Est-ce sérieux, est-ce la bonne solution, alors que cet impôt va bientôt être supprimé pour la totalité ou la quasi-totalité des Français, si l'on en croit le Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Je ne suis pas au courant de cette initiative ; mon ministère n'en est pas à l'origine et je doute que ce soit celle de M. Darmanin. Des mesures acoustiques sont en cours, pour 600 foyers sur la ligne Sud Europe Atlantique et 500 foyers sur la ligne Bretagne Pays de la Loire. Elles sont nécessaires pour vérifier que le concessionnaire a bien respecté les réglementations en vigueur. Il se pourrait qu'il l'ait fait, mais que les riverains se plaignent malgré tout : les normes tiennent compte en effet du bruit moyen, mais pas des pics sonores que vivent ces riverains.
M. Dominique de Legge. - Je me réjouis que nous soyons sur la même longueur d'ondes.
M. Michel Savin . - Il est essentiel de préserver une part d'investissement pour les nouveaux projets. C'est une question de curseur. Les conclusions du rapport Duron concernant le Lyon-Turin sont une aberration : reporter l'aménagement des accès à 2038 est absurde, alors que ce projet est un ensemble global et que la rénovation de ces accès servirait aux dessertes du quotidien des métropoles alpines depuis Lyon. Ainsi, Grenoble, onzième métropole française, reste encore une fois à l'écart des projets d'aménagements structurants du territoire français. La Iigne Lyon-Saint-André-le-Gaz-Grenoble est pourtant un point noir connu et reconnu de notre réseau ferroviaire, emprunté chaque jour par des dizaines de milliers d'usagers. Le report au-delà de 2038 est une entrave forte et durable à la mobilité, qui enclavera Grenoble.
Madame la Ministre, le Lyon-Turin est une occasion historique pour développer et moderniser le réseau ferroviaire du sillon alpin, et notamment la desserte de la Métropole grenobloise. Est-elle envisagée par votre Gouvernement ?
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Il faut bien distinguer la réalisation du tunnel de base Lyon-Turin et de ses accès d'une part et d'autre part la performance des liaisons TER, de la vie quotidienne, Lyon-Grenoble et Lyon-Chambéry.
Au vu du trafic actuel du fret sur le tunnel existant, il semble certes nécessaire de creuser un tunnel, ne serait-ce que pour jouer dans la même cour que les deux tunnels Italie-Suisse et du tunnel Italie-Autriche, mais il n'est pas nécessaire - sauf croissance spectaculaire - de rénover les accès.
Il faut répondre aux nécessités des transports du quotidien, notamment entre Lyon et Grenoble, indépendamment de ce projet.
M. Max Brisson . - Le rapport Duron reporte à 2038 - aux calendes grecques - la ligne Bordeaux-Dax-Espagne, alors que l'AVE espagnol entre Madrid, Bilbao et Saint-Sébastien devrait aboutir en 2023.
Les collectivités territoriales du sud de l'Aquitaine ont pourtant payé la ligne nouvelle Pau-Bordeaux. Une ligne nouvelle ne pourra être acceptée que si la ligne actuelle arrive à saturation.
La solution alternative que vous proposez reste à préciser. Il faudrait régénérer la ligne Bordeaux-Facture-Dax. Des travaux sont déjà programmés sur le tronçon Bayonne-Hendaye qui améliorera le temps de parcours. Pouvez-vous nous garantir, Madame la Ministre, que nous ne subirons pas la double peine que signifierait l'absence d'améliorations sur les lignes Bordeaux-Dax-frontière et Bordeaux-Dax-Pau d'ici là ? (Quelques Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)
Mme Élisabeth Borne, ministre. - Compte tenu du coût élevé, au regard des ressources actuellement disponibles, il n'est pas possible de réaliser le Bordeaux-Dax-Pau et Espagne à court terme.
J'ai rencontré Alain Rousset, président de la région et ma collègue Geneviève Darrieussecq. La LGV a fait l'objet d'une déclaration d'utilité publique, qui préserve l'avenir ; les collectivités territoriales réfléchissent à des financements complémentaires - comme pour le Grand Paris Express en Île-de-France.
La perspective de cette LGV ne devrait pas conduire à négliger la modernisation de la ligne existante. C'est cela, qui affecte beaucoup de nos territoires, que nous voulons éviter à l'avenir.