Normes réglementaires relatives aux équipements sportifs
M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution tendant à mieux maîtriser le poids de la réglementation applicable aux collectivités territoriales et à simplifier certaines normes réglementaires relatives à la pratique et aux équipements sportifs présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par MM. Dominique de Legge, Christian Manable, Michel Savin et plusieurs de leurs collègues.
M. Dominique de Legge, auteur de la proposition de résolution . - Cette résolution s'inscrit dans la réflexion globale de simplification des normes applicables aux collectivités territoriales voulue par le président du Sénat.
M. Charles Revet. - Il y a du travail !
M. Dominique de Legge. - Elle fait également suite à la mission d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales présidée par notre collègue Michel Savin en 2014. Aujourd'hui, selon l'association nationale des élus en charge du sport, les collectivités sont les premiers financeurs du sport, à hauteur de 12 milliards d'euros par an, soit 70 % des financements publics.
Quelque 250 000 équipements, espaces et sites sont concernés, pour un coût avoisinant le milliard d'euros.
L'empilement sans discernement des règles devient insupportable et trop coûteuse.
Une triple série de normes s'appliquent : celles des lieux recevant du public ; celles des fédérations sportives - cela va jusqu'à la retransmission télévisée ; enfin, celles du législateur et Afnor, s'agissant des homologations nécessaires, qui concernent les équipements et sont au nombre de 370 recensées à ce jour.
Il y a plusieurs producteurs de normes mais un récepteur : l'élu local.
Nous proposons trois pistes d'évolution : nous devons d'abord passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultats.
L'application de la norme doit ensuite tenir compte des usages réels ; les responsabilités doivent enfin être partagées avec les usagers sans quoi aucune collectivité territoriale ne voudra plus investir.
Nous comptons sur la détermination du Gouvernement pour engager ce travail dans les prochains mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et SOCR)
M. Michel Savin, auteur de la proposition de résolution . - Comme l'a rappelé Dominique de Legge, cette proposition de résolution est le fruit d'un travail commun. Nous avons tous à coeur de desserrer les contraintes et d'alléger les coûts qui pèsent sur les collectivités territoriales. Les élus locaux le réclament régulièrement et nous devons les entendre.
Les collectivités territoriales investissent, chaque année, près de 12 milliards d'euros au bénéfice de 36 millions de pratiquants. Ces coûts induits sont surtout le résultat du dynamisme sportif des clubs et nous pouvons aussi nous en féliciter.
Les élus locaux sont régulièrement sollicités pour investir dans des équipements qui coûtent cher. Or il faut distinguer les équipements qui ne sont plus aux normes en raison de nouvelles règles édictées par les fédérations sportives, de l'hypothèse où le passage d'un club ou d'une équipe d'une division à une autre modifie le niveau d'homologation et impose des investissements importants pour appliquer les normes correspondantes.
Il faut aussi rappeler aux élus locaux : que les normes des fédérations ne s'appliquent qu'aux infrastructures destinées à accueillir des compétitions sportives ; que si la loi autorise les fédérations à fixer des normes applicables à ces équipements sportifs, cette habilitation s'entend pour de stricts motifs de police, à savoir essentiellement liés aux conditions d'hygiène et de sécurité dans la pratique sportive.
Les élus locaux ne veulent pas forcément moins de normes, mais souhaitent moins de normes inutiles. Ils veulent la bonne norme au bon endroit.
Depuis mars 2009, nous disposons d'une instance de concertation reconnue, légitime, efficace et surtout plébiscitée par tous les acteurs : la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs : la Cerfres, qui réunit l'État, les collectivités territoriales et le mouvement sportif.
On ne peut plus dire que les normes sont « hors-sol » ou édictées au mépris de toute consultation des élus locaux.
Il est indispensable de changer d'approche entretenue vis-à-vis des normes pour qu'elles s'adaptent mieux aux situations concrètes.
Selon nous, les normes doivent répondre à une exigence de proportionnalité selon les équipements ou la taille des collectivités. Nous devons prévoir des normes qui soient fonction de l'usage réel d'un équipement.
Cette exigence de proportionnalité des prescriptions s'appliquerait aussi selon qu'il s'agisse de manifestations sportives locales, régionales ou nationales, de sport amateur et/ou professionnel, et permettrait par exemple de prendre en compte la taille de la collectivité afin de ne pas imposer les mêmes règles à une métropole et une commune rurale.
Les normes doivent ensuite répondre à une exigence d'adaptabilité aux situations. On ne peut pas vouloir limiter les coûts sans envisager une utilisation pluridisciplinaire des équipements sportifs.
Il faut réfléchir selon des logiques de subsidiarité et de progressivité dans l'application des normes. Les textes des fédérations sportives devraient se borner à fixer des objectifs à atteindre, à charge pour les collectivités territoriales d'en définir les modalités d'application pour y parvenir selon les réalités et les besoins locaux.
Je conclurai cette présentation en soulignant que nous-mêmes, en tant que législateurs, devons être pleinement conscients des efforts de simplification que nous exigeons des autres producteurs de normes.
M. Christian Manable, auteur de la proposition de résolution . - La Bruyère disait : « j'arrive trop tard, tout a déjà été dit ». Je fais mienne cette maxime...
Cette proposition de résolution est le résultat de plusieurs mois de travail. Nous avons auditionné tous les acteurs concernés.
Nous avons souhaité répondre à une demande forte des élus des territoires : la simplification des normes sportives applicables aux collectivités territoriales.
C'est précisément l'objet de cette proposition de résolution, la matière étant essentiellement réglementaire.
Depuis le 27 mars 2009, une commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs tente d'exercer, avec d'autres élus, un contrôle sur la production normative des fédérations sportives. La Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres) est consultée sur tous les projets de norme nouvelle d'une fédération.
Si sa création a circonscrit le champ de compétence des fédérations sportives et les a responsabilisées, des améliorations peuvent être envisagées. Nous avons fait neuf propositions en ce sens.
La première consiste à allonger les délais d'examen des projets de règlements fédéraux de deux à trois mois pour donner plus de temps aux différents acteurs.
Il nous paraît, en deuxième lieu, important de sensibiliser les fédérations sportives à la nécessité de bien veiller à laisser aux collectivités territoriales un délai raisonnable pour la mise en conformité de leurs équipements ou infrastructures aux normes nouvelles. Les fédérations pourraient élaborer des échéanciers tenant compte de la taille de la collectivité, soit plus de progressivité et plus d'adaptabilité.
Troisième proposition, nous envisageons un élargissement de la composition de la Cerfres...Hélas, mon temps de parole est épuisé...
M. le président. - Oui
M. Christian Manable. - Quelle frustration ! (Sourires) Je ne les détaillerai donc pas toutes...
M. Charles Revet. - Dommage !
M. Christian Manable. - ...mais j'y reviendrai. (Sourires et applaudissements depuis les bancs du groupe SOCR jusqu'à la droite)
M. Pascal Savoldelli . - L'importance des collectivités territoriales dans le financement des équipements sportifs n'est plus à prouver : les chiffres des normes sont éloquents. Leur poids repose d'abord sur les communes alors que les ressources baissent et les demandes augmentent.
Augmenter le nombre de pratiquants de trois millions d'ici 2024, comme le souhaite le Gouvernement ne sera pas possible si les économies sur les collectivités territoriales sont maintenues. Et c'est le sport amateur qui en souffre le plus !
La loi Bailly de l'an dernier a encadré les pratiques de mutualisation des dépenses et de privatisation des profits, qui se sont multipliées dans le cadre des partenariats public-privé - je songe à l'Allianz Arena de Nice, à la MM Arena du Mans, ou encore au Groupama Stadium de Lyon, qui a bénéficié d'un investissement public de 200 millions d'euros, dont les retombées pour la collectivité sont introuvables. Je rappelle également que quelque 10 millions d'euros de réserve parlementaire allaient aux associations sportives...
Il y a 400 000 normes sportives, dont 8 % seulement viennent de l'Afnor. Voyez l'alignement de la FSB sur l'USAB, qui a imposé le remplacement de tous les parquets de basket, pour un coût unitaire de 20 000 euros !
Je suis dubitatif sur la participation financière des fédérations. Quid des lignes professionnelles ? Il ne s'agirait pas que les fédérations paient pour les équipements nécessaires aux professionnels seulement. Le sport professionnel ne doit pas capter l'essentiel du financement des installations. J'en appelle à la vigilance.
Les collectivités territoriales ont déjà lancé des mutualisations depuis des années, par exemple pour les piscines et les patinoires. Un équilibre doit être trouvé, surtout pour les petites communes. J'en appelle, si vous me permettez, à votre vigilance : la mutualisation ne doit pas mener à une raréfaction des équipements. Malgré des réserves et des réflexions, le groupe CRCE votera cette résolution. (Applaudissements sur le banc de la commission et sur plusieurs autres bancs)
M. Claude Kern . - Le constat est simple : trop de normes étouffent les élus locaux et deviennent la hantise des collectivités territoriales. Il est utile de saluer la réflexion de nos collègues en la matière.
Au-delà du dépoussiérage d'une accumulation de textes législatifs et réglementaires pléthoriques, il faut tenir compte de l'évolution sociétale. Il y a d'un côté la normalisation proprement dite, l'Afnor, CEN ou ISO et de l'autre la réglementation visant à mettre les équipements en conformité avec les préconisations des fédérations.
Les normes volontaires, non contraignantes peuvent être un outil de simplification et représenter des règles de l'art. Le contrôle des normes s'est amélioré mais reste insuffisant.
L'avantage de réduire les normes clarifie l'enchevêtrement de normes complexes produites par des organismes trop nombreux et peu coordonnés.
L'élu local subit une pression du législateur et de l'exécutif, qui édictent des normes générales, des fédérations, qui produisent des normes réglementaires et des organismes d'homologation, sources de normes spécifiques. Les normes ne devraient plus s'additionner mais se compléter, sous peine de peser trop lourd sur le budget des collectivités territoriales - qui sont les principaux financiers du sport et les plus grandes pourvoyeuses d'équipements sportifs.
Selon l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes), entre 300 millions et 1 milliard d'euros pourraient être économisés en agissant sur quatre règlements fédéraux et une norme sanitaire !
Il faut du pragmatisme et de la rationalisation.
Nous nous réjouissons de la présence des élus locaux à la Cerfres.
Il faudrait cependant aller plus loin : renforcer la légitimité et l'importance de la Cerfres, notamment en rendant ses avis obligatoires et non plus facultatifs. Elle devrait être saisie des projets des fédérations ayant une incidence financière.
Un constat s'impose : la Cerfres a très peu saisi le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN). Cette possibilité doit pourtant devenir un réflexe.
Merci aux auteurs de la proposition de résolution pour leur excellent travail. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, LaREM, SOCR)
M. Christian Manable . - Les neuf propositions n'ayant pu être présentées toutes, permettez-moi de poursuivre leur énumération.
Il nous paraît indispensable de créer des groupes de travail associant en amont la Cerfres et les fabricants d'équipements sportifs. La Cerfres devrait pouvoir se saisir des « normes grises », à mi-chemin entre normes obligatoires et non obligatoires. Elle devrait par ailleurs se voir reconnaître un pouvoir d'avis dès lors qu'une décision relative à la compétition a une conséquence directe sur l'exploitation d'un équipement.
Ses compétences d'évaluation mériteraient aussi d'être consolidées en prévoyant, par exemple, une révision régulière des normes tenant compte de l'expérience des collectivités territoriales. Huitièmement, nous appelons la Cerfres à réactiver la procédure existante de saisine du CNEN pour qu'il puisse examiner tout projet de texte d'une norme fédérale, avant que celle-ci rende son avis définitif. Cette faculté est aujourd'hui largement inutilisée alors que le CNEN plaide pour une meilleure articulation et un échange plus régulier entre ces instances. Enfin, nous voudrions inciter la Cerfres à s'autosaisir, à la demande d'une collectivité territoriale, d'un problème rencontré concernant une norme fédérale.
J'évoquerai à présent les sept péchés capitaux en matière de normes sportives, à partir des travaux de la mission Boulard-Lambert de 2014. Nous sommes en plein royaume d'Ubu !
Premier péché capital : les coûts élevés. Par exemple, la modification des tracés des terrains de basket a coûté 30 000 euros à la ville de Caen, qui n'a pu les modifier tous, puisqu'il reste 25 gymnases à traiter ! Au Havre, il a fallu mettre 25 000 euros pour changer les panneaux d'affichage des scores. La Fédération française de hockey sur glace a imposé l'ajout de deux portes de pistes à Lille métropole, pour un coût de 3 000 euros hors taxes la porte ... et j'en passe.
Deuxième péché capital : l'instabilité normative. La ligne des trois points en basket est ainsi passée de 6,25 mètres à 6,75 mètres, se rapprochant des 7,23 mètres de la ligne américaine, mais sans l'atteindre... Combien de temps restera-t-elle à ce niveau ?
Troisième péché : l'aristocratie normative, qui se manifeste, dans le monde des fédérations, non par l'affichage de quartiers de noblesse, mais par la qualité des locaux d'accueil selon les niveaux de jeu. À Caen, le terrain a été déclassé de la catégorie 4 à la catégorie 5 en raison de la dimension des vestiaires des arbitres ! Coût de la perte de subvention du Fonds d'aide au football amateur (FAFA) qui en découle : 20 000 euros. En handball, il faut un local antidopage spécial, en plus de quatre vestiaires et de deux vestiaires pour les arbitres, faute de quoi le club est passible d'une amende de 1 500 euros par match. Et je ne dis rien des exigences faites en matière de luminosité pour les retransmissions télé - 200 à 500 lux selon les terrains de foot, 1 500 lux pour la télévision - avec des points de mesure différents selon le classement de l'équipement et de la compétition, sans considération de la protection de l'environnement...
Autre péché capital : les incompatibilités normatives, qui rendent très difficiles les usages polyvalents des équipements. Pour le badminton, le tennis et le volley, par exemple, les chaises d'arbitre doivent être à trois hauteurs différentes ! Et puisque l'on ne peut pas réduire la taille des arbitres... (Sourires, on s'en amuse sur les bancs du groupe Les Républicains.)
L'accessibilité aux personnes handicapées est encore un autre sujet d'une grande complexité. Ainsi, le code du sport impose une pente des sols de 3 % à 5 % pour éviter les stagnations d'eau et le Conseil consultatif du Handicap impose un dévers de 2 % maximum pour les personnes à mobilité réduite. Bref, le législateur doit intervenir. (Applaudissements depuis les bancs du groupe SOCR jusqu'à la droite)
M. Claude Malhuret . - Avec plus de 250 000 équipements, les collectivités territoriales sont les premiers propriétaires d'infrastructures sportives. Les normes qui s'y appliquent sont variées : cela a été rappelé - et s'imposent à tous types de collectivités, pour un coût considérable.
Cette proposition de résolution procède d'un travail de concertation important, au sein du groupe de travail sur les normes, qu'il faut saluer.
Elle vise à améliorer l'accessibilité et la lisibilité des normes applicables. Le stock de droit applicable a doublé en vingt ans. Et, comme disait Montesquieu, « les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires » : cela vaut aussi, je crois, pour les normes réglementaires.
Cette proposition de résolution repose sur un principe de subsidiarité.
Nous la voterons avec enthousiasme. (Applaudissements)
Mme Mireille Jouve . - Ce texte résulte du travail conjoint de la délégation aux collectivités territoriales et de la commission de la culture, illustrant l'utilité du Sénat, au service des territoires, au-delà des clivages partisans.
Anciens maires, nous avons pour beaucoup été confrontés aux paradoxes et contradictions des règles en matière sportive. Les exemples kafkaïens - tracés des terrains de basket ou vidanges des piscines - prêteraient à sourire s'ils ne coûtaient pas... 6 milliards d'euros, selon l'Andes.
Le problème réside dans la dissociation entre le pouvoir normatif et le financement. Les collectivités territoriales ont peu de prise sur la réglementation applicable aux 330 000 équipements, espaces et sites dont elles sont propriétaires. Sans parler des normes grises et des exigences des diffuseurs et des normes émises par l'Afnor, considérées comme impératives par le juge, qui déclare les collectivités territoriales responsables en cas d'accident.
Le texte appelle donc à une évolution du cadre existant. En renforçant la Cerfres d'abord, qui lutte minutieusement contre l'inflation normative. Autorisons-la à s'autosaisir, revoyons sa composition, rapprochons-la du CNEN.
La proposition de résolution suggère en outre de moduler les exigences selon la compétition sportive.
Ce texte propose enfin d'associer les fédérations sur le financement des modifications qu'elles exigent, selon le principe « qui décide paie ».
Le précédent quinquennat a lancé un choc de simplification qui a produit des avancées réelles, quoiqu'insuffisantes. L'actuel Gouvernement l'a prolongé avec « Action Publique 2022 » et la règle de deux pour un.
Mais attention. De l'aveu même d'Alain Lambert, lors de son audition par la délégation aux collectivités territoriales, une volonté politique sincère risque de se heurter au sentiment, dans l'administration centrale, que le système ne fonctionne pas si mal que cela.
Le groupe RDSE souscrit aux buts de cette proposition de résolution et la votera, pour faire évoluer la réglementation en vigueur. (Applaudissements)
M. Cyril Pellevat . - Ce texte est de simplification normative. Le Sénat y travaille depuis des mois, sous l'impulsion du président Larcher. Après l'urbanisme, l'eau potable, nous voici réunis pour évoquer les normes en matière sportive.
Cette proposition de résolution est issue d'une large concertation.
Les collectivités territoriales sont les premiers financeurs du sport et les premiers propriétaires d'infrastructures sportives. Les normes pleuvent, il faut en tarir le flux.
Le programme « Action Publique 2022 » comporte un chantier de simplification. Il s'ajoute aux recommandations de la mission Boulard-Lambert, au rapport d'avril 2014 de la mission commune d'information du Sénat sur le sport professionnel et les collectivités territoriales présidée par Michel Savin, et enfin en 2015, au rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) et de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).
La Cerfres, seule instance à associer collectivités territoriales et fédérations, est à consolider. Les fédérations doivent notamment veiller à laisser plus de temps d'adaptation aux collectivités territoriales. Les principes de proportionnalité et d'adaptabilité sont également cardinaux, en cas de changement de division par exemple. Le futsal, lui, a su s'adapter aux tracés des terrains de handball...
Le dialogue progresse, il faut l'encourager.
J'en terminerai en évoquant l'état financier des collectivités territoriales, dégradé par la réduction de 13 milliards d'euros de leurs ressources sur cinq ans, la fin des emplois aidés, la suppression annoncée de la taxe d'habitation... Cela ne peut plus durer. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur plusieurs autres bancs)
M. Abdallah Hassani . - Le texte prolonge les travaux du Sénat visant à lutter contre l'inflation normative en matière d'urbanisme, de construction, d'agriculture, de gestion de l'eau, de vie économique. Il s'agit ici d'harmoniser, d'évaluer, de ne garder que le nécessaire pour mieux maîtriser les coûts. Songez : plus de 400 000 normes pour 250 000 équipements !
Le CNEN en a dénoncé les causes dans son rapport de 2013, dont les exigences excessives des fédérations. La volonté d'y remédier ne manque pas, mais le tri des bonnes et des mauvaises normes n'est pas facile. Le Gouvernement s'y est attelé sans tarder.
Dès juillet 2017, le Premier ministre a annoncé que deux normes seraient supprimées à chaque introduction de norme nouvelle, et confié une mission d'évaluation du stock des normes à MM. Boulard et Lambert. Un comité de pilotage sur la gouvernance du sport a été installé par la ministre des sports pour imaginer un nouveau cadre institutionnel du sport en France. Depuis le 1er janvier, les préfets de certains départements peuvent déroger aux règles en matière sportive notamment.
C'est heureusement le cas à Mayotte, où la moitié de la population a moins de 20 ans, les équipements sportifs sont quasi inexistants. Ils doivent être multipliés et adaptés au climat tropical.
Les recommandations sont pragmatiques. Elles renforcent la Cerfres, instance de concertation, en améliorant son fonctionnement : élargissement du collège pour mieux prendre en compte le monde rural et les intercommunalités, allongement du délai d'examen et réactivation de la saisine du CNEN. La Cerfres pourra aussi réviser les normes régulièrement et s'autosaisir sur des normes grises. La production normative des fédérations serait encadrée en vertu des principes de proportionnalité, d'adaptabilité et de mutualisation.
La proposition de résolution s'inscrit dans l'esprit de la démarche de simplification du Gouvernement. Mais le sujet des normes grises mérite d'être discuté avec le mouvement sportif. La règle du prescripteur-payeur s'applique déjà dans le cadre des conventions de mise à disposition des équipements. Il faudrait en circonscrire le champ d'application et réfléchir aux modalités de sa mise en oeuvre. Le groupe LaREM s'abstiendra.
MM. Michel Savin et Dominique de Legge. - Dommage !
Mme Colette Mélot . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Merci aux auteurs de cette proposition de résolution, qui renforce les prérogatives de la Cerfres et l'encadrement des normes grises édictées par les fédérations sportives. Dans un contexte d'inflation normative et de restrictions budgétaires, il faut distinguer les normes vraiment utiles et les soumettre aux exigences d'adaptabilité. Les élus locaux ont besoin d'espaces sportifs polyvalents. La règle du prescripteur-payeur inviterait les fédérations à la modération normative. Il ne s'agit pas de sous-réglementer, mais de réglementer mieux, en évaluant l'impact de chaque nouvelle norme.
Il est bienvenu de renforcer les attributions de la Cerfres et d'élargir son collège aux intercommunalités et aux associations d'élus ruraux pour mieux refléter les réalités locales. Il faut aussi étendre son pouvoir d'auto-saisine sur les normes grises, notamment. Le groupe Les Indépendants apporte donc tout son soutien à cette proposition de résolution, qui participe pleinement du projet de nouvelle société de confiance. (Applaudissements sur plusieurs bancs)
M. Jean-Raymond Hugonet . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Aux termes de l'article 24 de notre Constitution, notre Sénat représente les collectivités territoriales ; il est donc bien dans son rôle en relayant une demande récurrente et légitime des élus locaux : la simplification des normes réglementaires.
En 2014, un questionnaire réalisé pendant le congrès des maires a mis en évidence l'absurdité de certaines normes sportives, qui ont un impact lourd sur les finances locales en période de disette budgétaire. Il corrobore en cela le rapport Lambert-Boulard.
La culture du parapluie qui incite l'administration à toujours choisir la norme la plus élevée coûte cher. Les aberrations ne manquent pas. Aucun élu ne remet en cause les exigences de sécurité et d'accessibilité, mais les limites sont dépassées. Empiler les textes sans cohérence d'ensemble aboutit à des situations kafkaïennes. Un peu de bon sens y remédiera. Nous n'en manquons pas au Sénat ; il irrigue ainsi cette proposition de résolution.
Il faut cesser de travailler en silo ; les fédérations doivent dialoguer, sous l'égide du ministère des sports. Le rôle de la Cerfres doit être renforcé, son auto-saisine doit être élargie - sous réserve que l'ensemble des fédérations lui soumettent leurs règlements...
Pour mettre fin à la gabegie, il faut responsabiliser les acteurs, y compris financièrement. Le principe du prescripteur-payeur inciterait à la modération ; il fonctionne déjà dans le football avec le fonds d'aide au football amateur.
Adaptabilité, mutualisation et proportionnalité sont des critères incontournables. Je ne doute, Madame la Ministre, que vous aurez à coeur de vous attaquer avec pragmatisme à une situation qui pénalise les collectivités territoriales et nuit au développement de la pratique sportive. Il faut détecter les incohérences, supprimer les doublons et responsabiliser financièrement les acteurs afin d'agir tout à la fois sur le stock et sur le flux. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, RDSE, Les Indépendants ; M. Bernard Lalande applaudit également.)
Mme Pascale Bories . - Je ne suis pas cosignataire de cette proposition de résolution, mais j'aurais pu l'être et je la voterai. Comme beaucoup d'entre vous, je suis une élue locale et j'assiste à de nombreuses manifestations sportives. Le sport, notamment dans les territoires ruraux et les zones urbaines sensibles, est un élément fédérateur.
Les élus locaux sont moteurs : créer un stade de foot ou un terrain de pétanque est un moment fort, mais cela prend du temps et surtout beaucoup d'argent : il faut respecter les normes nationales mais aussi celles des fédérations, sans parler de l'entretien. Or les élus sont coincés entre l'augmentation des coûts et la baisse des aides, notamment venant de l'État, qui vont aux projets structurants plus qu'au fonctionnement. Demain, avec la baisse des dotations et la multiplication des normes, seuls quelques équipements régionaux pourront prétendre accueillir des événements. Je m'oppose à cette centralisation sportive.
Certes, il faut faire respecter les normes sécuritaires, face au risque de terrorisme ou de débordements. Mais un terrain de tennis, une salle de judo n'est pas un hôpital. Il faut faire preuve de bon sens et éviter les coûts inutiles, les normes de confort. Pourquoi les normes lumineuses sont-elles les mêmes à Brest, à Tourcoing ou dans le sud de la France ? Mettons ces normes en adéquation avec les normes environnementales.
Le changement de division d'un club suppose d'augmenter les subventions de fonctionnement, d'aménager le terrain pour accueillir le public. La proposition de résolution invite à distinguer les prescriptions obligatoires des normes de confort. Imposer une participation financière aux fédérations limitera sans doute les normes inutiles. Le renforcement du rôle de la Cerfres est également positif.
Il est sage d'adapter les dispositions aux territoires.
L'Association des élus en charge du sport a récemment protesté contre les projets disproportionnés des ligues de basket et de volley au sujet de la publicité dans les salles. Favorisons le dialogue plutôt que le rapport de force avec les fédérations.
Cette proposition de résolution permettra une prise de conscience. Les collectivités territoriales doivent être des acteurs et non de simples payeurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)
Mme Laura Flessel, ministre des sports . - Cette proposition de résolution est bienvenue au regard des 400 000 normes qui régissent nos 250 000 équipements sportifs. Dès 2013, Jean-Claude Boulard et Alain Lambert avaient été chargés d'une mission sur la lutte contre l'inflation normative. La mission commune d'information du Sénat présidée par M. Savin et un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales de 2015 arrivaient à un constat voisin.
Les collectivités territoriales sont, et de loin, les premiers financeurs du sport ; le corpus normatif est vécu comme une contrainte. Une consolidation apparaît nécessaire.
Conscient de l'impact de certaines règles édictées par les fédérations, le ministère des sports a déjà renforcé la Cerfres en y accroissant la représentation des collectivités territoriales, désormais à égalité avec les représentants de l'État et du mouvement sportif.
Les préconisations de la proposition de résolution sont pertinentes. Elles s'inscrivent pleinement dans la démarche du Gouvernement. Le Premier ministre a confié à MM. Boulard et Lambert une nouvelle mission sur la simplification des normes. Les règles relatives aux équipements sportifs doivent être évaluées.
Je souscris à la philosophie de votre proposition de résolution : intégrer des élus intercommunaux et ruraux au collège de la Cerfres est une bonne piste, tout comme l'allongement du délai d'examen permettra de mieux prendre en compte les avis des élus.
Un membre de la CNEN participe à la Cerfres et cette dernière présente un rapport annuel devant la CNEN.
Pour évaluer l'impact d'une norme, il est nécessaire de tenir compte de l'expérience des élus sur le terrain. La Cerfres est le lieu de concertation privilégié. Elle a déjà été à l'origine de deux modifications réglementaires qui ont eu un impact financier non négligeable, comme la diminution du nombre de vidanges dans les piscines. Lui permettre de se saisir des normes grises va dans le sens d'une simplification fondée sur une évaluation partagée. Il faudra toutefois une concertation préalable avec le mouvement sportif.
Le principe du prescripteur-payeur s'applique déjà en partie dans les conventions de mise à disposition des équipements. Il faudrait en circonscrire le champ d'application, en englobant les normes grises. Cette proposition de résolution s'inscrit dans la démarche du Gouvernement et rejoint les évolutions souhaitées par la Cerfres.
Elle va dans le sens du dialogue et de la co-construction ; le Gouvernement est sensible à cette méthode. MM. Lambert et Boulard sauront tenir compte de vos préconisations dans leurs travaux. (Applaudissements)
La discussion générale est close.
La proposition de résolution est adoptée.
M. le président. - Belle unanimité ! (Applaudissements)