Questions orales
M. le président. - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.
Déplacement du centre de recherche et de développement de Galderma
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Après trente-six ans de présence à Sophia-Antipolis, dans le département des Alpes-Maritimes, le plus grand centre de recherche du groupe Nestlé devrait disparaître en septembre en raison d'une restructuration annoncée par la direction menaçant 550 emplois.
Si une centaine d'opportunités professionnelles sont proposées en Suisse par un plan de mobilité internationale, nombre de salariés ne pourront pas l'accepter en raison de leurs implantations locales avec des conjoints qui travaillent et des enfants scolarisés.
Le plan actuellement négocié entre la direction et le comité d'entreprise n'apporte pas de réponse satisfaisante tant sur le plan des indemnités, de la formation pour d'éventuelles reconversions ou de la prise en compte des situations individuelles, comme pour les salariés en situation de handicap ou les salariés séniors qui ont malheureusement les taux d'embauche les plus faibles.
Si Nestlé a annoncé être prêt à céder la propriété intellectuelle pour faciliter la création de startups sur le site, ce changement de statut risque d'être un mirage : il n'offre pas les mêmes garanties professionnelles qu'une entreprise internationale surtout pour des scientifiques.
La recherche d'un repreneur s'avère plus que nébuleuse. Seule l'arrivée d'une entreprise équivalente proposant des missions consacrées aux mêmes secteurs et porteur d'une dimension sociale forte limiterait les pertes d'emplois.
La décision de Nestlé date de septembre. J'ai rendu visite aux salariés en novembre. J'avais interrogé le ministre des finances à la veille de l'examen du budget qui avait exprimé toute l'attention de l'État aux salariés de Galderma. Ils n'ont à ce jour aucune perspective sur la stratégie des repreneurs. Pourtant, depuis la loi Florange de 2014, les entreprises qui cessent leurs activités doivent rechercher des repreneurs et informer leurs salariés. L'État doit donc suivre ces dossiers. Quelles sont ses propositions ?
Les représentants des salariés ont été reçus à Bercy et au ministère du travail en novembre. Ils avaient dit alors leur difficulté à trouver un interlocuteur chez Nestlé. Où en sont les négociations du Gouvernement avec cette entreprise ? Quelles actions concrètes ont été engagées ?
Des salariés et des représentants du comité d'entreprise sont dans les tribunes : ils souhaitent entendre la réponse du Gouvernement et je salue leur combat courageux depuis plusieurs semaines.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - J'adresse mes voeux à l'ensemble des sénateurs et je salue les représentants de Galderma.
La société Galderma située à Biot à Sophia-Antipolis oeuvre dans le domaine de la R&D. Depuis 2016, Nestlé en est propriétaire à 100 %. Le projet de réorganisation mondiale lié à l'abandon des produits de type « Crème » s'accompagne par le désengagement du groupe de son site de Sophia-Antipolis. Ainsi l'entreprise a ouvert un dossier de PSE avec dans un premier temps un plan de départs volontaires portant sur 400 postes, l'entreprise proposant seulement 100 postes de reclassement au niveau de son siège en Suisse. La première consultation du comité d'entreprise a eu lieu le 2 octobre 2017.
Suite à cette annonce, le groupe Nestlé a été reçu à de multiples reprises par le Gouvernement et les services compétents de l'État. C'est ainsi que M. Jean-Pierre Floris, délégué interministériel aux restructurations d'entreprises, a reçu la direction de Nestlé France la semaine dernière pour dire une fois encore combien le Gouvernement était attaché à la recherche d'un repreneur pour l'ensemble du site et le respect des dispositions prévues par la loi Florange.
Ce projet devrait aboutir au repositionnement d'activités de pointe qui sauront tirer parti des compétences de haut niveau des salariés du site. M. Floris se rendra dans votre département le 7 février pour faire le point sur les projets de reprise du site avec la direction et les représentants du personnel. Si vous le souhaitez, vous pourrez évoquer avec lui l'état du dossier, Madame la Sénatrice.
Par ailleurs, je tiens à souligner que les salariés du site font preuve d'une grande responsabilité. De fait, un dialogue social constructif a pu s'engager avec la signature d'un accord de méthode. Cette démarche doit se poursuivre pour donner au site et à ses salariés toutes leurs chances et répondre à leurs revendications.
L'État reste extrêmement attentif à la mise en oeuvre de cette réorganisation, à la recherche d'activités nouvelles et aux mesures d'accompagnement qui seront proposées aux salariés. L'ensemble de ces démarches devra être à la hauteur des capacités qui sont celles d'un groupe comme Nestlé.
Mme Dominique Estrosi Sassone. - Je vous remercie. Je garde espoir et détermination quant à la restructuration des sites industriels. Je rencontrerai bien évidemment le 7 février M. Floris avec l'ensemble des représentants des salariés de Galderma.
Il faudrait encadrer le crédit impôt recherche (CIR). Galderma a perçu plus de 68 millions d'euros sans avoir à rendre de comptes à personne : aucun plan pour anticiper les effets de la fermeture du site sur les salariés. C'est une illustration parfaite du manque d'attractivité de notre pays pour les groupes industriels. Les salariés, de niveau hautement qualifié, doivent être mieux traités.
Prêts de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales
Mme Viviane Artigalas . - Les collectivités territoriales, notamment en milieu rural, sont confrontées à la baisse des dotations de l'État qui les empêche de faire aboutir leurs projets structurants. Ces collectivités ne peuvent compter que sur leur autofinancement pour faire aboutir leurs dossiers. À la demande de l'État, la Caisse des dépôts et consignations a mis en place des dispositifs avantageux pour soutenir les investissements en équipement public des collectivités. Ainsi en est-il de prêts au taux du Livret A. Ma commune d'Arrens-Marsous dans les Hautes-Pyrénées en a bénéficié pour réhabiliter sa station d'épuration.
Le conseil départemental des Hautes-Pyrénées a bénéficié de prêts à taux zéro pour acquérir et rénover un bâtiment public afin d'y installer certains de ses services.
Enfin, la Caisse des dépôts et consignations a proposé en 2015 le préfinancement du FCTVA à taux zéro afin d'assurer le lissage des trésoreries.
Ces dispositifs sont plus intéressants pour les collectivités que les prêts des banques privées.
Certains des prêts de la Caisse des dépôts et consignations semblent aujourd'hui menacés. Est-ce le cas ? D'autres mesures avantageuses sont-elles envisagées ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Le ministère de l'économie et des finances n'a aucunement l'intention de supprimer les prêts du fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations aux collectivités territoriales. Au contraire, le ministre a récemment confirmé au directeur général de la caisse la prolongation, jusqu'en 2020, de l'enveloppe de 20 milliards en faveur du secteur public local.
Une rationalisation des dispositifs publics de financement du secteur public local apparaissait toutefois nécessaire. En effet, la Cour des comptes a récemment appelé l'attention du Gouvernement sur la nécessité de rationaliser les dispositifs publics de financement du secteur public local, dans un contexte de taux extrêmement favorable pour les collectivités et de concurrence entre plusieurs dispositifs publics parmi lesquels le fonds d'épargne, mais aussi la SFIL, dont la CDC est un des actionnaires, et la Banque européenne d'investissement.
Dans ces conditions, l'enveloppe de financement sur fonds d'épargne destinée aux collectivités locales a vocation à constituer un mécanisme de précaution face à une éventuelle recrudescence de la défaillance du marché du financement du secteur public local, dans un contexte où l'offre de la SFIL, qui est une offre de marché et qui est aujourd'hui très compétitive, a vocation à constituer le dispositif public pivot.
Pour ces raisons, l'enveloppe est tarifée au taux du Livret A assorti d'une marge de 130 points de base et recentrée sur les prêts de long terme - vingt-cinq ans et plus - pour lesquels la ressource du fonds d'épargne, qui n'intervient qu'à taux variable, contrairement aux autres dispositifs publics et aux banques commerciales, apparaît compétitive dans la durée.
Dans le cadre de la mise en oeuvre du grand plan d'investissement, le ministre a par ailleurs souhaité ouvrir pour cinq ans une enveloppe de 2 milliards à taux préférentiel, destinée au soutien à la rénovation énergétique des bâtiments publics, conformément aux recommandations du rapport rédigé par M. Pisani-Ferry à la demande du Premier ministre. Cette enveloppe, qui remplace l'actuelle enveloppe de prêts « croissance verte » sera tarifée au taux du Livret A majoré de 75 points de base et pourra financer des projets d'une maturité minimale de vingt ans.
Vous le voyez, le Gouvernement n'a aucunement l'intention de supprimer toutes ces offres avantageuses de prêts aux collectivités.
Mme Viviane Artigalas. - Cette réponse est satisfaisante. Le dispositif des prêts à taux zéro était cependant le plus intéressant pour les collectivités rurales.
Situation des collectivités ayant signé un emprunt à taux fixe auprès de Dexia
M. André Reichardt . - Une commune de mon département du Bas-Rhin a contracté en 2007 auprès de Dexia un emprunt de deux millions d'euros à rembourser sur vingt ans au taux fixe de 4,72 %, taux qui était, à ce moment-là, tout à fait conforme aux prix pratiqués et ne pouvait être considéré comme toxique.
Les communes ayant souscrit, à l'époque, un tel prêt à taux fixe consacrent dès lors tous les ans plusieurs dizaines de milliers d'euros sur leur budget de fonctionnement au paiement des intérêts de ce prêt. Dans un contexte de financement contraint, leur solution a été de chercher à le renégocier afin d'obtenir un prêt plus proche des prix actuels. Contrairement aux banques ordinaires, la Société de financement local (SFIL), qui a repris la gestion des prêts aux collectivités locales suite à la déconfiture de Dexia, s'en tient strictement aux clauses du contrat signé et réclame une indemnité de sortie anticipée totalement léonine. Pour la commune dont j'ai parlé, il s'agit de plusieurs centaines de milliers d'euros, correspondant pratiquement aux intérêts à verser jusqu'à l'échéance du prêt. Cette situation est totalement inacceptable.
Ainsi, ces communes, déjà mises en difficulté par l'importance de leurs frais financiers, subissent une double peine. C'est le contribuable, au final, qui assume cette indemnité de sortie à hauteur de 75 %.
Les particuliers, pour leur part, bénéficient d'une limitation légale de l'indemnité de sortie à 3 % du capital restant dû.
Ces collectivités ont un fort sentiment d'iniquité, voire d'injustice, à leur égard car celles qui avaient souscrit un emprunt toxique ont bénéficié d'un traitement particulier.
Compte tenu de ces éléments, quelles mesures le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour remédier à cette situation ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - La situation financière des collectivités locales a fait l'objet d'une forte attention des pouvoirs publics au cours de la période récente. S'agissant des collectivités ayant souscrit des emprunts structurés à risque, l'État a mis en place en 2014 un dispositif de fonds de soutien, qui a notamment permis d'accompagner plus de 578 collectivités souhaitant sortir de ces emprunts à risque. Pour rappel, l'État a rehaussé de 1,5 à 3 milliards le montant de ce fonds : 5,6 milliards d'encours d'emprunts à risque ont été ainsi refinancés dans ce cadre ou, au minimum, ont fait l'objet d'une transaction civile entre l'emprunteur et la banque prêteuse. Ce résultat surpasse de loin l'objectif initial assigné au fonds de soutien, qui était de 4 milliards. Les annuités sont aujourd'hui versées aux collectivités, sans difficulté, et ce jusqu'en 2028.
Au-delà de ces résultats probants, le débat public relatif à ces emprunts semble aujourd'hui plus apaisé. Je ne nie pas que des situations délicates demeurent parmi certaines collectivités qui refusèrent l'aide, ou qui héritent, du fait de la fusion des régions par exemple, de prêts toxiques.
Pour ce qui est des collectivités qui ont souscrit des prêts à taux fixes, tels que celui que vous évoquez, ils ne sont pas répertoriés comme des emprunts à risque. Il est également nécessaire de rappeler que les dispositions applicables aux prêts aux particuliers, qui plafonnent le montant des indemnités exigibles, ne sont pas applicables aux collectivités en l'état du droit. Compte tenu du niveau actuel des taux d'intérêt, les établissements de crédits sont aujourd'hui exposés à des pertes actuarielles potentiellement élevées, expliquant le niveau élevé des indemnités de remboursement anticipé demandées aux collectivités. Il ne s'agit pas ici d'une problématique propre à la Société de financement local (SIFL), cette pratique étant commune à l'ensemble des établissements de crédit. Le Gouvernement demeure bien entendu très attentif à la santé financière des collectivités territoriales et à la gestion de leur dette. Cependant, il n'a pas forcément vocation à s'immiscer dans les relations contractuelles entre un établissement de crédit et un emprunteur. La renégociation éventuelle des contrats en cours demeure, en principe, du ressort des parties prenantes que sont l'établissement de crédit et la collectivité concernée, dans le respect de leurs intérêts mutuels. Nous appelons donc au dialogue entre les collectivités et les banques.
M. André Reichardt. - Votre réponse n'est pas satisfaisante. Les collectivités qui ont souscrit des emprunts à taux fixe ne peuvent pas être les dindons de la farce. L'État pourrait au moins intervenir au titre d'une recommandation pour que le taux de ces emprunts puisse être renégocié. Contrairement à ce que vous dites, la problématique est propre à la SFIL car les collectivités de mon département qui ont contracté avec d'autres établissements ont toutes obtenu satisfaction.
Vous nous appelez au dialogue : chiche ! Mais la SFIL refuse le dialogue. Nous ne demandons pas des emprunts à taux zéro, mais une renégociation raisonnable.
Risques liés à la dématérialisation au sein de l'INPI
M. Xavier Iacovelli . - La direction générale de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI) oblige, depuis le 16 octobre 2017, les déposants de marques, de dessins et modèles et d'inscriptions aux registres de propriété industrielle à effectuer leurs formalités uniquement par voie électronique via le site inpi.fr.
De nombreux usagers risquent d'être pénalisés dans leurs démarches, car 10 % des marques nationales, soit plus de 9 000 dépôts par an, sont encore déposées sous forme papier.
Tous les dépôts effectués sous forme papier sont désormais renvoyés aux déposants, sans enregistrement, ce qui constitue une violation du traité international sur le droit des marques, signé le 27 octobre 1994 et ratifié par la France, ainsi que des dispositions du code des relations entre le public et l'administration.
L'INPI devient le seul office, au niveau européen, voire sur le plan international, à rejeter les formalités sur support papier, alors même que le droit de l'Union européenne autorise de tels dépôts.
Le Défenseur des droits, dans son rapport sur l'accès aux droits du 30 mars 2016, rappelle clairement les risques de fracture numérique à l'égard des services publics pratiquant le « tout numérisation ».
Le Gouvernement a-t-il l'intention d'agir pour que la continuité du service public de cet établissement soit assurée par la réception, l'enregistrement et le traitement des dépôts sous forme papier de marques, de dessins et modèles et d'inscriptions aux registres de la propriété industrielle ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Dans le cadre du programme « Action publique 2022 », l'accès dématérialisé à tous les services publics est une priorité du Gouvernement. L'objectif est de simplifier et de faciliter l'accès de nos concitoyens aux services publics, en leur offrant un service plus rapide et plus efficace. L'INPI s'inscrit dans cette dynamique commune à tous les services publics. Grâce aux téléservices qui ont été mis en place, le dépôt en ligne et la suppression des formalités au format papier sont effectifs pour les indications géographiques et les demandes d'extension des marques à l'international depuis 2015, pour les oppositions de marques depuis 2016, et pour les marques, les dessins et modèles et les inscriptions modificatives depuis octobre 2017.
La dématérialisation complète de ces procédures présente de nombreux avantages. L'utilisation du support électronique rend plus fluide le traitement des demandes, ce qui bénéficie en retour au déposant, qui peut ainsi obtenir une réponse plus rapide à sa demande. Les téléservices renforcent la qualité des échanges entre l'INPI et les déposants en leur permettant notamment d'avoir accès en temps réel à l'état d'avancement de leurs demandes. Enfin, le dépôt électronique élimine le risque d'erreur de saisie des données et sécurise la procédure de traitement des dossiers.
Des mesures d'accompagnement ont été prises pour faciliter l'appropriation des téléservices par les utilisateurs. L'INPI propose à tous les déposants une assistance téléphonique personnalisée par des spécialistes pour les aider dans leur prise en main. Les équipes des délégations régionales de l'INPI, implantées dans chacune des treize régions métropolitaines, sont également disponibles pour proposer leurs services et fournir tous les renseignements utiles.
L'INPI reçoit annuellement plus de 90 000 demandes de marques françaises, dont 94 % étaient déjà déposées dans un format électronique avant octobre 2017. Trois mois après la décision de dématérialisation complète de la procédure, l'INPI reçoit moins d'un dossier par jour par voie papier sur les 400 marques déposées quotidiennement.
La dématérialisation des procédures n'a en rien affecté la continuité du service public. Cette démarche de dématérialisation et de progrès doit bien évidemment être encouragée, tout en prévoyant les mesures d'accompagnement appropriées afin d'assurer dans les meilleures conditions le passage au format numérique.
Avec votre question, vous me permettez de faire un état des lieux sur la modernisation des services publics.
M. Xavier Iacovelli. - Certains n'ont pas la possibilité de déposer leur dossier sous forme dématérialisée. Il faudrait que l'INPI enregistre les dépôts papier, quitte à en demander ensuite la dématérialisation. Il faut les prendre en compte, surtout lorsqu'il s'agit des marques françaises.
Communes sans dotation globale de fonctionnement frappées de prélèvements supplémentaires
M. Jean-Marc Todeschini . - Certaines collectivités sont en grande difficulté. Gandrange est ainsi confrontée à d'importantes baisses de dotation de fonctionnement et de recettes fiscales, du fait de la déconstruction de l'usine Mittal.
En 2013, la commune percevait 458 986 euros de DGF, contre 217 382 en 2014, 133 077 en 2015 et 44 651 en 2016, puis zéro euro en 2017.
Plus encore, l'État, par un arrêté du préfet en date du 2 octobre 2017, réclame à la commune un prélèvement supplémentaire de 39 643 euros. Cette commune, qui n'avait déjà plus de DGF, a désormais une « DGF négative ».
En outre, dans le même temps, la taxe sur le foncier bâti est passée de 528 536 euros à 287 413 euros.
Si rien n'est fait, la commune de Gandrange sera rapidement dans l'impasse : elle ne pourra plus investir ni même assurer ses dépenses de fonctionnement. Les élus locaux considèrent que l'État leur fait les poches et procède à ces ponctions pour assurer son propre financement en les laissant seules face aux difficultés quotidiennes.
Allez-vous étudier cette situation ? Et entendez-vous annuler ces amputations sur les budgets des communes qui ne perçoivent aucune DGF et qui devront faire face à de nouvelles baisses de recettes, notamment lorsqu'elles sont liées à des restructurations économiques entraînant la disparition d'entreprises et, par effet, des diminutions de recettes sur le foncier bâti ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Les collectivités territoriales ont été associées à l'effort de redressement des finances publiques. Compte tenu du poids des concours financiers de l'État aux collectivités dans les recettes de collectivités - 22,5 % des recettes totales des collectivités en 2015, des mesures ont été prises, dès 2008, pour encadrer leur évolution, puis à compter de 2014, pour diminuer la DGF versée aux collectivités.
L'année 2018 marquera le retour à la stabilité des dotations. Depuis 2014, une contribution au redressement des finances publiques (CRFP) a ainsi été répartie entre les catégories de collectivités proportionnellement à la part respective de leurs recettes dans les recettes totales des collectivités. Pour les communes, qui ont contribué à hauteur de 4,2 milliards d'euros entre 2014 et 2017, la répartition de l'effort a été effectuée au prorata des recettes réelles de fonctionnement, ce qui a permis de garantir que chaque commune contribuait de manière strictement proportionnelle aux ressources dont elle disposait. Ce n'est qu'en cas d'insuffisance de la dotation forfaitaire que les communes ont contribué au redressement des finances publiques via un prélèvement sur les recettes fiscales, ce qui concernait 439 communes en 2017. Le prélèvement sur la fiscalité ne pouvait donc concerner que des communes pour lesquelles la dotation forfaitaire représente une part faible des ressources. C'est le cas de la commune de Gandrange, pour laquelle la dotation forfaitaire représentait 5 % des recettes en 2014. Sur le fond, le choix d'un vecteur complémentaire d'imputation de la CRFP a été fait par le législateur dans le souci de garantir l'égalité entre les collectivités. Il aurait en effet été inéquitable que les collectivités disposant de ressources fiscales proportionnellement plus importantes que la DGF dans leur budget soient exemptées d'une partie de leur CRFP du seul fait de l'extinction de leur dotation forfaitaire. C'est également la raison pour laquelle le législateur a choisi, à l'article 159 de la loi de finances initiale pour 2018, de reconduire à compter de 2018 les prélèvements opérés sur la fiscalité des communes au titre de la CRFP. Là encore, annuler ces prélèvements après 2017 aurait conduit à ce que les communes ayant payé une partie de la contribution sur leurs recettes fiscales bénéficient d'un avantage sous la forme d'une sorte de « remise à zéro » des compteurs, tandis que pour l'immense majorité des communes la contribution a été intégrée dans la base de calcul de la DGF.
Sur le dernier point de votre question, les indicateurs financiers utilisés dans le calcul des concours financiers et des fonds de péréquation prennent bien en compte le rétrécissement des bases fiscales liées aux restructurations d'entreprises. Ainsi, la fermeture d'une usine se traduisant par la perte de bases de CFE entraînera les années suivantes, et toutes choses égales par ailleurs, une diminution du potentiel fiscal de la commune. Cette dégradation des indicateurs financiers d'une collectivité est susceptible de la rendre éligible aux dotations et fonds de péréquation.
M. Jean-Marc Todeschini. - Je n'ignore pas les procédures que vous avez rappelées, Monsieur le Ministre, mais cela ne saurait répondre aux difficultés rencontrées par certaines communes comme Gandrange.
La France a ratifié en 2007 la charte européenne de l'autonomie locale du 15 octobre 1985. N'y a-t-il pas une incohérence manifeste entre notre droit national et l'article 9 de cette charte ?
Les élus locaux mosellans qui ont connu les désastres de diverses restructurations ont le sentiment d'avoir toujours subi des décisions prises à Paris. Ils se sentent abandonnés et floués. Heureusement que le Luxembourg n'est pas loin !
Manque de moyens de l'hôpital Albert-Chenevier de Créteil
Mme Laurence Cohen . - L'hôpital Albert-Chenevier appartient au groupement hospitalier universitaire (GHU) Henri Mondor.
Cet hôpital est composé de neuf pôles dont le pôle psychiatrique et d'addictologie, qui regroupe à la fois le service de psychiatrie sectorisée, des centres experts innovants qui travaillent sur la schizophrénie, les troubles bipolaires, le syndrome d'Asperger, un centre de remédiation cognitive et sociale et un service d'addictologie.
D'une capacité de 100 lits, le pôle psychiatrie a enregistré 41 000 journées d'hospitalisation en 2017, et se trouve aujourd'hui au bord de l'explosion : unités suroccupées, manque de lits, sous-effectifs du personnel, épuisement, turnover. Les patients se retrouvent à deux par chambre, sans armoire pour ranger leurs effets personnels. De nombreux établissements psychiatriques connaissent de pareilles situations, notamment l'hôpital psychiatrique de Rennes.
L'équipe de direction a tiré la sonnette d'alarme quant à cette dégradation des conditions de travail des soignants et de la prise en charge des patients qui demandent encore plus que d'autres attention, bienveillance, temps d'écoute et sérénité.
Cette situation dramatique et indigne s'explique en partie par la T2A, inadaptée au fonctionnement de nos hôpitaux et à la réforme de l'organisation du temps de travail mise en place par le directeur de l'AP-HP. Après avoir été longtemps novatrice, la psychiatrie française est aujourd'hui le parent pauvre de notre système de santé. Tous les professionnels de ces disciplines appellent au secours.
La ministre de la santé, dont je déplore l'absence, compte-t-elle intervenir pour dégager des moyens supplémentaires et redonner à la psychiatrie française ses lettres de noblesse ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Permettez-moi d'excuser Mme Buzyn.
Au sein des hôpitaux universitaires Henri Mondor, l'hôpital Chenevier héberge trois secteurs de psychiatrie : Maisons-Alfort, Créteil, et Bonneuil-Boissy-Saint-Léger. Ils interagissent avec trois groupements hospitaliers et territoires (GHT) : le GHT 94 Nord, le GHT 94 Est et le GHT 94 Ouest. Pour ce qui concerne les deux premiers GHT, les hôpitaux universitaires Henri Mondor sont membres associés de ces groupements.
Le pôle de psychiatrie a développé, au-delà de l'offre de soins sectorielle, une offre intersectorielle significative qui dépasse son champ traditionnel. Tout d'abord, un service d'accueil des urgences psychiatriques, qui compte 3 300 passages par an et dessert la quasi-totalité des urgences psychiatriques du Val-de-Marne. Un tiers des passages concerne les secteurs de l'hôpital Chenevier et deux-tiers concernent le Val-de-Marne. Ensuite, une psychiatrie de liaison sur l'ensemble de l'Hôpital Henri Mondor. Enfin, une offre de soins hospitalo-universitaire, bénéficiant d'un financement particulier pour les centres experts pour patients atteints de troubles bipolaires, Asperger, Schizophrénie, centre de réhabilitation cognitive et sociale.
Le pôle porte aussi un ambitieux projet d'Institut hospitalo-universitaire soutenu par l'AP-HP.
L'offre d'hospitalisation sectorielle dispose aujourd'hui de 90 lits situés sur l'hôpital Chenevier et 15 lits implantés à proximité du SAU de l'hôpital Henri Mondor dont la mission est la prise en charge des soins intriqués somatiques et psychiatriques et les primo suicidants.
Ce nombre de lits est structurellement faible. Ce taux, assez bas dès l'origine, est pénalisé avec l'accroissement de la population desservie. Le taux d'occupation est de 95 %, la durée moyenne de séjour est bonne, mais s'allonge, le taux des hospitalisations sous contrainte a été multiplié par deux en cinq ans et le taux de ré-hospitalisation est de 21,9 %.
La réponse à cette tension sur l'hospitalisation complète se trouve en partie dans le déploiement de structures extra hospitalières. Le pôle de psychiatrie dispose de trois centres médico-psychologiques (CMP) installés à Créteil et à Boissy-Saint-Leger ; d'un dispositif de soins partagés destiné à faciliter le lien avec les médecins généralistes et spécialistes de ville.
En 2018, doivent être mis en oeuvre un dispositif de rappel des primo suicidants, dit Vigilans, en lien avec le GHT 94 Nord, et une équipe mobile de soins intensifs permettant d'aller au domicile des patients récemment sortis d'hospitalisation. Les moyens humains notifiés au pôle de psychiatrie ont été substantiellement accrus en 2016 pour faire face à ces missions.
Cependant, nous notons une réelle difficulté dans les recrutements infirmiers, situation née d'un contexte général de recrutements en tension, plus aigu en santé mentale du fait de la suppression de la filière spécialisée il y a une dizaine d'années. Un plan Santé mentale sera présenté prochainement, des concertations avec les professionnels ont été menées dès la fin de l'année dernière. Nous espérons que des réponses seront apportées cette année pour répondre à vos légitimes interrogations.
Mme Laurence Cohen. - Je connais bien l'état des lieux que vous venez de faire. Les parlementaires devraient être associés à l'élaboration du plan Santé mentale. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale 2018 que nous venons d'examiner prône l'austérité, ce qui asphyxiera encore davantage les hôpitaux. La psychiatrie est laissée pour compte. Votre réponse ne répond pas au cri d'alarme lancé par les professionnels. Les CMP sont regroupés, ce qui ne répond pas aux besoins et les éloigne de leurs patients. Vos réponses ne correspondent pas aux attentes. La contrôleure générale des lieux de privation de liberté a dénoncé des situations d'isolement.
Situation sanitaire dans le Pas-de-Calais
Mme Sabine Van Heghe . - La situation sanitaire dans le Pas-de-Calais est très préoccupante. Le nombre de médecins généralistes libéraux baisse, leur moyenne d'âge augmente. Les agglomérations de Lens-Liévin et Béthune-Bruay sont moins dotées en généralistes et spécialistes que d'autres agglomérations de même importance. À terme, il y a un risque de désertification médicale.
Le territoire est sous-équipé en centres de médecine préventive et en établissements de courts et moyens séjours. La situation des hôpitaux est dramatique, comme l'illustre le week-end noir vécu par les urgences du centre hospitalier de Lens en début d'année : le service des urgences est saturé et le personnel à bout de force.
Plus largement, le personnel est inquiet des perspectives de diminution du nombre de lits au centre hospitalier de Lens à l'horizon 2020. Avec la disparition de son service pneumologie, les patients se retrouvent parfois sans prise en charge, alors que le département est particulièrement touché par les affections pulmonaires. Les menaces sur le service cardiologie de l'hôpital de Béthune augmentent le sentiment d'abandon. La situation économique et sociale a des conséquences sur les indicateurs sanitaires : l'espérance de vie est inférieure de deux à trois ans dans le Pas-de-Calais...
Le Gouvernement entend-il renoncer à sa logique purement financière ? Quelles mesures concrètes entend-il mettre en oeuvre pour répondre à l'urgence sanitaire ? Une mutualisation pourrait être envisagée autour du futur hôpital pilote de Lens, avec un regroupement multipolaire entre Lens, Béthune, Arras et Douai, pour élargir l'excellence.
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - En effet, la densité de professionnels de santé dans le Pas-de-Calais est inférieure à la moyenne nationale. Le développement de l'attractivité des territoires en tension est un enjeu majeur. Nous avons identifié quatre priorités : accompagner l'installation des professionnels de premier recours, soutenir les regroupements et la télémédecine, avec une attention particulière pour les zones rurales ; diminuer le recours aux services d'urgences ; conforter l'offre de formation médicale et paramédicale de proximité ; améliorer l'attractivité du Pas-de-Calais pour les psychiatres et pédopsychiatres.
Le centre hospitalier actuel de Lens continuera à fonctionner pendant la reconstruction du nouveau pôle hospitalier de la Gohelle, projet de 280 millions d'euros, dont 102 millions de financement national et 70 millions en capital. L'établissement verra ses capacités en matière de chirurgie ambulatoire évoluer.
Le conseil de surveillance du 17 octobre 2017 a acté la fermeture des quinze lits du service de pneumologie ; il ne restait que deux pneumologues. Une astreinte 24 heures sur 24 a été mise en place ; sur le long terme, l'ARS accompagne la mise en place d'une organisation territoriale de la pneumologie comme de la cardiologie. Un financement exceptionnel de 500 000 euros a été dégagé.
L'attractivité passe par une dynamique partenariale plus forte au sein des GHT, autour de projets médicaux partagés sur le territoire. Le Gouvernement accompagne cette volonté de travail en commun.
Mme Sabine Van Heghe. - Je suis satisfaite que le Gouvernement reconnaisse l'urgence et la gravité de la situation. J'espère que les promesses seront suivies d'effet, et j'invite la ministre dans le Pas-de-Calais pour prendre la mesure de la situation sur le terrain.
Glyphosate
M. Henri Cabanel . - Le législateur, les agriculteurs et les citoyens doivent pouvoir connaître la dangerosité du glyphosate et assurer sa traçabilité. Face à des études scientifiques contradictoires, il faut appliquer le principe de précaution, comme le président de la République s'y est engagé. Mais cela impacte la compétitivité de notre agriculture. Si des produits importés contenant du glyphosate restent disponibles, les consommateurs comme les agriculteurs français seraient floués. C'est ce qui risque de se produire dans trois ans, quand la France interdira le glyphosate, si aucune substitution n'est trouvée. Quelles mesures seront mises en oeuvre pour assurer la traçabilité du glyphosate dans les produits importés ? Selon quelles dispositions conventionnelles, législatives ou réglementaires, avec quels moyens de contrôle et selon quel calendrier ?
M. Olivier Dussopt, secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics . - Les divergences entre les conclusions sur le caractère cancérigène du glyphosate ont montré les limites de l'évaluation. Son utilisation massive a des conséquences environnementales. C'est ce qui a guidé la décision française.
L'INRA a remis un rapport le 1er décembre 2017 sur les usages du glyphosate et les alternatives qui existent pour certains usages mais nécessitent encore un important travail de recherche. La feuille de route de sortie progressive des produits phytopharmaceutiques sera finalisée en mars 2018, après concertation avec toutes les parties prenantes. Elle inclura l'accompagnement des agriculteurs mais aussi le contrôle de la traçabilité des produits importés. Les changements de pratiques doivent être valorisés.
Des contrôles seront assurés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour éviter la distorsion de concurrence.
M. Henri Cabanel. - J'ai quelques doutes. Rien dans vos propos ne me permet de croire que la transparence sera totale pour le consommateur. Comment le Français qui va acheter sa baguette à la boulangerie peut-il savoir si le blé de la farine a été cultivé avec du glyphosate ? Le Canada, avec lequel nous avons signé le CETA, exporte 15 millions de tonnes de blé...
L'OMS a classé le glyphosate comme cancérogène probable. Dans trois ans, on nous demandera de l'interdire. Pour autant, le tabac, classé en risque 1, n'est pas interdit ! (M. Pierre Louault approuve.)
Il faut un arsenal de mesures, y compris pénales, pour dissuader le contournement de la réglementation française.
Réforme de l'apprentissage
Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Je lance un appel à la raison. L'orientation doit s'entendre tout au long de la vie. Or, entre le contrat d'apprentissage et le contrat de professionnalisation, il y a un trou dans la raquette. À partir de 30 ans, point de reconversion possible. Les formations existent, mais les recruteurs sont freinés par les charges.
Il faut un statut unique de l'apprentissage en France. La multiplicité des accords de branche, avec coût horaire et prise en charge variables, explique la désaffection des chefs d'entreprise pour l'alternance. Il faudrait exonérer toutes les charges patronales et fixer les salaires uniquement en fonction de l'âge, et non plus en fonction des conventions de chaque branche, ce qui augmente le coût pour les entreprises.
Développer l'apprentissage nécessite un engagement de tous, État, régions et partenaires sociaux. La taxe d'apprentissage a été fléchée vers l'apprentissage plus que vers une formation continue pour tous et à tout âge. Quelles sont les intentions du Gouvernement ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - Veuillez excuser Muriel Pénicaud.
Les contrats d'apprentissage et de professionnalisation ne répondent pas au même but : obtention d'un diplôme en formation initiale dans le premier, formation continue à des fins d'insertion dans le second cas. La durée du second est de 13,7 mois contre 20 mois pour le premier. La banque, l'assurance, le commerce, les services aux entreprises ou le secteur sanitaire et social font plus appel au contrat de professionnalisation.
Le plafond d'âge d'éligibilité à ces deux contrats a été fortement relevé. Au-delà de l'expérimentation de l'entrée en apprentissage jusqu'à 30 ans, des dérogations permettent des reconversions plus tardives pour les travailleurs handicapés, les personnes reprenant une entreprise ou les sportifs de haut niveau. Pour le contrat de professionnalisation, la limite à 26 ans ne s'applique pas aux demandeurs d'emploi.
La rémunération des apprentis doit être simplifiée. La base conventionnelle n'est retenue que pour les apprentis de plus de 21 ans.
La concertation lancée le 10 novembre 2017 doit conduire à des propositions pour la refondation de notre système d'apprentissage. Elle est pilotée par Sylvie Brunet, présidente de la section du travail et de l'emploi du Conseil économique, social et environnemental, et associe l'ensemble des acteurs. Un projet de loi sera présenté au printemps 2018 ; il abordera la rémunération, la gestion du contrat d'apprentissage et la complémentarité entre les deux contrats, pour que l'alternance bénéficie à tous, car c'est une solution contre le chômage.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - J'espère que le diagnostic fera l'objet d'une large information du public.
Illettrisme dans l'Aisne
M. Antoine Lefèvre . - Les chiffres de l'illettrisme en région Picardie sont catastrophiques. Dans l'Aisne, 8,3 % des jeunes connaissaient des difficultés de lecture en 2009 ; ils étaient 16 % en 2014, 16,73 % en 2015 et 17,7 % en 2017, quand la moyenne nationale est de 10,8 %. Ces chiffres sont inacceptables. Plus les indices de pauvreté sont bas, plus celui de l'éducation est faible. Il avait été annoncé, pour l'académie d'Amiens, des efforts importants, avec des actions de formation à destination des enseignants. Mais les décalages ne se sont pas estompés : 37 % de la population des Hauts-de-France n'a pas de diplôme, 39 % n'a que le Bac.
En septembre 2016, le Conseil national d'évaluation du système scolaire (Cnesco) publiait une étude au titre troublant : « Pour quelles raisons la France est-elle devenue le pays le plus inégalitaire de l'OCDE ? »... Nos concitoyens sont de moins en moins armés pour trouver une formation, un travail, entretenir dignement une famille. N'est-il pas temps de s'inspirer de nos voisins du nord de l'Europe, de l'Allemagne, voire de la Corée, où les taux d'illettrisme plafonnent à 3,5 % : prévention, formation des enseignants, classes de maternelle de quinze élèves maximum, prise en compte des niveaux différents, etc.
Le dédoublement des cours préparatoires dans les zones défavorisées va dans le bon sens. Il faut améliorer la détection des difficultés par les médecins scolaires, consentir un effort pour les bibliothèques - à cet égard, le projet de loi de finances prévoit une rallonge de 8 millions d'euros.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Antoine Lefèvre. - Plus de 15 % des élèves décrochent. Un tel constat exige des moyens adéquats.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - Ces chiffres sont alarmants. L'académie d'Amiens est particulièrement touchée. Nos priorités - apprendre à lire, écrire, compter et respecter autrui - valent pour la France entière.
Ma première réponse a été le dédoublement des classes de CP en REP+, pour traiter le problème à la racine. Dans l'Aisne, 50 classes ont ainsi été dédoublées dès septembre 2017. À la rentrée 2018, 44 classes de CP et 49 classes de CE1 en REP+ et 100 classes de CP en REP seront concernées.
L'école maternelle va faire l'objet d'une transformation, pour en faire l'école de l'épanouissement et de l'apprentissage du langage. Boris Cyrulnik présidera des assises de la maternelle. Il y aura une évaluation au début du CP, pour une stratégie personnalisée. Nouveaux outils pédagogiques pour l'apprentissage de la lecture, plan de formation en lecture, action interministérielle en faveur du livre... L'académie d'Amiens est particulièrement mobilisée, avec pour priorité l'acquisition des savoirs fondamentaux et la maîtrise de la langue. Des modules de formation continue pour les enseignants ont été créés.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - L'expérience du Réseau des observatoires locaux de la lecture est un succès, et les premiers résultats de l'expérimentation de la Machine à lire sont encourageants.
M. Antoine Lefèvre. - Il faudra aussi réfléchir au dédoublement des CP dans les zones rurales et à l'attractivité du territoire : seuls 10 % des enseignants de l'académie d'Amiens sont agrégés.
Suppression des emplois aidés
M. Bernard Bonne . - La suppression annoncée d'un nombre significatif de contrats aidés menace de nombreuses associations, particulièrement dans le secteur de la jeunesse et de l'éducation populaire. La décision d'accorder une rallonge de 30 à 40 000 emplois supplémentaires d'ici fin 2017, qui concernera essentiellement le secteur non marchand, n'est pas faite pour rassurer les responsables des centres sociaux, maisons de quartiers, maisons des jeunes et de la culture.
La diminution des dotations aux collectivités territoriales, la suppression de la taxe d'habitation et de la réserve parlementaire dont 70 % des fonds venaient soutenir des projets associatifs touchent directement les structures associatives.
Dans le département de la Loire, plusieurs structures ont dû réduire leur équipe d'animation, d'où une baisse, lors des dernières vacances, du nombre d'enfants accueillis en centres de loisirs et de jeunes en accueil journalier.
Avec 1,3 million d'associations, 13 millions de bénévoles, 1,8 million de salariés et 85 milliards d'euros de budget, les associations sont une richesse pour la nation. Le tissu associatif est indispensable pour maintenir le lien social, favoriser le vivre ensemble et le dialogue civil.
Pour la première fois depuis 1957, un ministère de plein exercice ne fait plus référence à la jeunesse et à la vie associative. Que compte faire le Gouvernement en ce domaine ?
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - La décision de supprimer des contrats aidés était difficile, mais ne pouvait être autre pour un Gouvernement qui veut en finir avec les budgets insincères. Quelque 280 000 contrats aidés avaient été programmés en loi de finances initiale pour 2017, mais les deux tiers de l'enveloppe ont été consommés dès le premier semestre. Le Gouvernement a accordé une rallonge de 40 000 emplois, en dépit du contexte budgétaire.
Nous avons ciblé quatre secteurs prioritaires : éducation nationale, outre-mer, urgence sanitaire et urgence sociale - ces deux derniers, essentiels en période hivernale, ont concentré les contrats aidés dans le secteur associatif. Près de 96 000 contrats aidés ont été conclus en 2017 par les associations.
Les politiques de formation et d'accompagnement doivent être ciblées. Mme Pénicaud a confié une mission à Jean-Marc Borello, président du Groupe SOS, pour mobiliser les acteurs de l'insertion autour de solutions innovantes. Le Premier ministre m'a demandé de préparer une stratégie en faveur de la vie associative en harmonie avec le plan pour l'économie sociale et solidaire : les premières réunions se tiennent aujourd'hui même.
Nous voulons donner un nouveau souffle au mouvement associatif, mais avec des outils nouveaux. La suppression de la réserve parlementaire a été compensée par une dotation nouvelle de 25 millions d'euros. Notre objectif, c'est l'efficacité au service des plus fragiles.
M. Bernard Bonne. - Les associations réclament des négociations sur l'emploi associatif, pour pouvoir rémunérer correctement leurs salariés. Les structures associatives doivent connaître suffisamment à l'avance les décisions affectant leurs finances.
Fonds de soutien au développement des activités périscolaires
M. Bernard Fournier . - En matière d'organisation du temps scolaire, la semaine à quatre jours et demi, qui reste la règle, est source de difficultés, notamment financières, pour les maires, avec des répercussions sur la pertinence et la qualité des activités périscolaires. Le régime dérogatoire à quatre jours est souvent sollicité auprès des directions académiques. Les élus doivent pouvoir faire des choix en adéquation avec leur budget communal.
Le fonds de soutien au développement des activités périscolaires est absolument indispensable pour les communes qui continuent de mettre en oeuvre la réforme et qui ont organisé les activités périscolaires dans le cadre d'un projet éducatif territorial.
Dans la Loire, les communes ont jusqu'au 10 février 2018 pour se prononcer sur l'organisation du temps scolaire. Les élus ont besoin de connaître les modalités pratiques et les montants des aides prévus dans le cadre de ce fonds de soutien spécifique.
Ces questions sont très importantes pour nos communes.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - L'objectif est simple : donner de la souplesse aux communes dans l'organisation de la semaine scolaire. Celles qui sont satisfaites de l'organisation actuelle continuent, avec le soutien du fonds. Là où un consensus local a émergé en faveur d'une autre organisation, une dérogation a été possible. Vous savez à quel point les réalités locales sont diverses.
Le Gouvernement est clair, les modalités pratiques et financières de la prochaine rentrée scolaire sont connues des communes.
La pérennité du fonds de soutien a été confirmée par la loi de finances ; il ira aux communes qui conserveront une organisation comprenant cinq matinées. Le Gouvernement tient ses engagements : les acomptes ont été versés aux communes éligibles, les montants sont maintenus.
Une mesure de simplification des procédures de gestion a aussi été mise en place.
Je mène actuellement un travail avec la caisse d'allocations familiales pour apporter un appui aux communes à la rentrée prochaine.
M. le président. - Veuillez conclure.
M. Jean-Michel Blanquer, ministre. - Enfin, le plan Mercredi prévoit un accord entre les communes et l'État pour mieux préparer les activités du mercredi.
M. Bernard Fournier. - Merci. Je prends note de la souplesse dont fait preuve le Gouvernement et de la pérennisation du fonds.
Situation des réfugiés irakiens diplômés
M. Jean-Marie Bockel . - Le drame vécu par les réfugiés ne peut nous laisser indifférents. Tous les réfugiés irakiens n'ont pas un faible bagage académique. Parmi eux, il y a des chirurgiens, des médecins, des biologistes qui ont été formés dans l'un des systèmes éducatifs les plus performants du Moyen-Orient.
Malheureusement, ces réfugiés rencontrent de grandes difficultés à faire valoir en France leurs diplômes et leurs expériences acquises dans leur pays d'origine. Il n'y a pas d'équivalence. Les procédures de reconnaissance par comparabilité sont longues et difficiles, et varient selon qu'il s'agit ou non d'une profession réglementée.
Les réfugiés ont besoin de travailler, de se montrer utiles dans le pays qui les accueille, et d'être acceptés dans leur nouvel environnement. Qu'envisage le Gouvernement afin de reconnaître leurs titres et diplômes universitaires ? Ne pourrait-on pas passer une convention bilatérale avec le nouvel État irakien ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Face à l'urgence, plusieurs dispositifs peuvent être mobilisés. Le Programme national d'aide à l'accueil des scientifiques en exil (Pause), créé le 16 janvier 2017, sert à l'intégration des scientifiques en exil et à la poursuite de leurs travaux sur notre territoire, les grandes institutions de recherche y participent - CNRS, INSERM, INRA, INRIA -, une centaine de scientifiques en ont bénéficié.
En matière de reconnaissance de diplômes, les professionnels peuvent obtenir une attestation de comparabilité ; la comparaison se fait sur la base de dix critères définis conformément à la convention de Lisbonne, une étude au cas par cas est effectuée quand la comparaison n'est pas possible. Pour les professions réglementées, en matière de santé par exemple, des procédures spécifiques ont été mises en place, en lien avec les ordres concernés, fondées sur des tests et une phase d'observation de trois ans. Il nous appartient de mieux faire connaître tous ces dispositifs afin que les réfugiés puissent poursuivre leur carrière en France sous les meilleurs auspices.
M. Jean-Marie Bockel. - J'ai été sollicité sur ce sujet à Mulhouse par des chrétiens d'Irak. Même si Daech a reculé, la situation en Irak et en Syrie est précaire. Les réfugiés savent qu'ils devront sans doute rester longtemps en France, même s'ils veulent rentrer. Nous devons les aider. Les personnes sont qualifiées et peuvent être utiles à la France.
État d'Israël
M. Gilbert Roger . - Ma question porte sur un projet de loi fondamentale examiné actuellement par le Parlement israélien, la Knesset, fortement soutenu par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui définit l'État d'Israël comme le « foyer national du peuple juif » avec Jérusalem pour capitale et l'hébreu comme seule langue officielle. Le texte réserve le droit à l'autodétermination au seul peuple juif. La langue arabe, parlée par 20 % d'Israéliens issus de la minorité arabe, perdrait son statut officiel et ne serait plus une langue officielle de l'État. Une disposition du projet de loi légalise enfin une ségrégation raciale en autorisant un groupe d'une même religion à vivre en communauté séparée des autres, permettant l'établissement des communautés exclusivement juives.
Ce projet de loi, qui risque d'aggraver grandement le statut de la minorité arabe des citoyens d'Israël, va à l'encontre des principes démocratiques et institutionnalise les discriminations raciales.
Quelle est la position du Gouvernement français ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - La Knesset examine effectivement ce texte de valeur constitutionnelle. Il n'appartient pas à la France de se prononcer sur les débats parlementaires israéliens. Les débats sont riches : il y a eu de nombreux amendements, notamment sur le statut de la langue arabe.
Cependant, ce projet suscite bien des préoccupations. D'abord par le risque qu'il comporte de discrimination à l'encontre des citoyens arabes.
La France est attachée au principe de non-discrimination, conformément à nos engagements internationaux - et aux engagements d'Israël.
Deuxième préoccupation : la compatibilité d'un tel texte avec la solution à deux États. Toute mesure susceptible de créer des discriminations entre citoyens juifs et arabes en Israël constituerait un obstacle supplémentaire sur cette voie. Vous connaissez en outre la position constante de la France sur Jérusalem, le président de la République l'a réaffirmée au mois de décembre. La solution au conflit israélo-palestinien passe par la création de deux États.
La France est l'amie des deux parties, ce qui lui permet de dire les choses franchement, comme le président de la République a pu le faire récemment avec M. Netanyahu. Ainsi la France porte-t-elle ses valeurs en étendard.
M. Gilbert Roger. - Au Sénat, nous sommes très attentifs à la situation, en particulier via nos groupes d'amitié France-Israël et France-Palestine. Nous avons reçu les parlementaires de la Knesset membres de la partie arabe au cours de leur tournée européenne. Nous avons entendu leurs inquiétudes, notamment sur le statut de la langue arabe. Nous devons être vigilants sur le respect du droit international.
Sort d'un jeune avocat franco-palestinien
M. Fabien Gay . - J'aurais aimé ne pas avoir à vous poser cette question. Salah Hamouri a été arrêté le 23 août 2017 chez lui et placé en détention administrative pour six mois, sur ordre du ministère de la défense israélien. Après avoir connu l'enfermement pendant sept longues années, notre compatriote fait face, une nouvelle fois, à une décision arbitraire et contraire au droit international. La détention administrative a été utilisée de manière systématique par plusieurs régimes répressifs pour contourner la voie judiciaire et priver les opposants politiques, résistants pacifiques ou de nombreux citoyens de la protection légale à laquelle ils ont droit. La détention administrative ne permet ni au jeune homme, ni à ses avocats d'avoir accès au dossier, pas plus que de connaître les raisons qui le conduisent à l'emprisonnement. Emprisonné, sans pouvoir se défendre ni savoir ce qu'on lui reproche, voici donc la situation de notre compatriote depuis ces longues semaines.
Le Quai d'Orsay a dénoncé « l'utilisation abusive et systématique de la détention administrative », « espéré » sa libération et « demandé » le respect de ses droits. Cependant, depuis cette prise de position fin octobre 2017, sa situation n'a pas évolué.
Le 10 décembre, lors de son entretien avec M. Netanyahu, le président Macron a mentionné cette condamnation abusive.
Le 31 décembre, à la suite d'un entretien avec les médias, Salah Hamouri a été transféré dans une nouvelle prison, plus dure. Chaque jour passé en prison est un jour de moins que Salah Hamouri passe avec sa famille, chaque jour supplémentaire en prison est une offense à la France et aux droits de l'homme.
Quel geste peut faire notre diplomatie pour obtenir la libération immédiate de notre compatriote ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères . - Tout comme vous, le Gouvernement aurait aimé que la situation ait déjà été résolue. Nous suivons ce dossier avec attention.
Salah Hamouri bénéficie de la protection consulaire et notre consul lui a encore rendu visite le 8 janvier.
Le régime de la détention administrative porte atteinte aux droits de la défense. Je l'ai dit à l'ambassadrice israélienne. Nos échanges avec les autorités de ce pays sont réguliers. Nous attentons toujours des réponses à nos questions. Je le redis donc officiellement, en réponse à cette question, il n'est jamais trop tard pour agir !
M. Fabien Gay. - Beaucoup de nos concitoyens se sont mobilisés dans des comités pour la libération de Salah Hamouri. Un millier d'élus aussi. N'attendons pas la fin de la détention administrative prévue pour le 23 février. Beaucoup sont détenus au-delà du délai légal : des prisonniers politiques palestiniens sont enfermés depuis des années sous cette procédure administrative. Salah Hamouri n'est pas seul dans les geôles israéliennes. Le cas de la jeune Ahed Tamimi soulève également une mobilisation citoyenne partout dans le monde.
Nous oeuvrons dans cet hémicycle pour une paix juste et durable entre le peuple palestinien et le peuple israélien, et ceci passe par la reconnaissance d'un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale, aux côtés d'un état israélien. Sous la précédente mandature, nous avions pris une résolution dans ce sens, Monsieur le ministre, tout comme l'Assemblée nationale : il est temps de reconnaître l'État palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale !
Accès à la formation professionnelle continue des pâtres
M. Alain Duran . - Les pâtres exercent un métier qui, lorsqu'ils sont salariés, repose sur des contrats de travail saisonniers, dont la durée est celle des estives, qui varient de trois à six mois. Durant ces périodes, pendant lesquelles ils sont sous contrat de travail, ils ne peuvent s'absenter.
Souhaitant accéder à la formation professionnelle continue, ils en sont exclus, alors même que leurs employeurs cotisent pourtant à un organisme paritaire collecteur agréé, le fonds d'assurance formation des salariés d'entreprises agricoles (FAFSEA). Dans les périodes d'intersaisons, lors desquelles ils sont généralement disponibles pour suivre une formation, ils ne peuvent bénéficier d'aucun programme de formation.
Les droits associés aux contrats de travail pour ces travailleurs saisonniers, parmi lesquels celui de l'accès à la formation, sont reconduits lorsque ceux-ci sont renouvelés à chaque nouveau début de saison. Cependant, ils ne peuvent activer ces droits associés entre leurs contrats de travail successifs, car ils ne sont précisément plus sous contrat lors de ces périodes.
Quelles solutions envisagez-vous ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - L'article L. 6321-13 du code du travail prévoit un dispositif de formation particulier destiné aux travailleurs saisonniers. Sous certaines conditions, l'employeur peut conclure un CDD pendant l'intersaison afin que le salarié participe à une action de formation de même durée que le contrat. Cette solution ne permet pas de répondre toutefois aux spécificités des pâtres. Merci d'avoir attiré l'attention du Gouvernement sur ce sujet.
Pendant l'intersaison, le pâtre, qui a le statut alors de demandeur d'emploi, a accès à tous les dispositifs. Toutes les pistes seront explorées par le Gouvernement.
M. Alain Duran. - Merci pour cette ouverture et toutes ces pistes de réflexion.
Sécurisation du financement du monde associatif
M. Jean-Luc Fichet . - La loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire a structuré l'économie sociale et solidaire et à sécuriser le financement du monde associatif. Cependant, les baisses récentes de crédits et la suppression d'emplois aidés affaiblissent les réseaux associatifs locaux. Or l'économie sociale et solidaire représente 16 % de l'emploi salarié dans le Finistère et 14,3 % en Bretagne.
Les associations fonctionnent avec des volontaires bénévoles, leur équilibre est fragile. La réduction des emplois aidés met en péril, par exemple, une association de développement des circuits courts avec la distribution de paniers bio, à Brest. Nous sommes bien sûr convaincus que l'économie sociale et solidaire doit se développer sur le plan économique, mais les annonces récentes n'encouragent guère les entreprises concernées.
Madame la Ministre, que compte faire le Gouvernement pour sécuriser financièrement l'activité des associations ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - La diminution des emplois aidés et la suppression de la réserve parlementaire auront en effet des conséquences sur les associations. Toutefois, le crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires (CITS) sera maintenu en 2018, pour un montant de 500 millions d'euros. Il sera relevé de deux points en 2019 et converti en réduction pérenne de cotisations patronales. Ajouté au dispositif zéro charges patronales au niveau du SMIC, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2019, c'est 1,4 milliard d'euros dégagés chaque année pour la vie associative.
Ensuite, nous avons renforcé le fonds pour le développement de la vie associative en le dotant de 25 millions d'euros supplémentaires. Une réflexion est en cours pour le réorienter vers les associations ESS et employant des contrats aidés.
De manière plus globale, le plan de développement de l'économie sociale et solidaire aidera directement les associations, qui représentent plus de 80 % des entreprises du secteur.
Enfin, le Gouvernement a lancé le 13 décembre une consultation pour répondre aux spécificités de la vie associative.
M. Jean-Luc Fichet. - La réduction des contrats aidés a été brutale. Les mesures que vous annoncez prendront du temps. Les associations ne sont pas rassurées. Elles ont besoin de visibilité pour maintenir leur activité dans les mois à venir. Elles sont en effet victimes à la fois de la baisse des crédits locaux et nationaux.
Contradictions de la réglementation environnementale
M. Cédric Perrin . - Ma question concerne les contradictions entre la réglementation en matière environnementale et l'interprétation qui en est faite par les Directions départementales des territoires (DDT) et l'Agence française de la biodiversité (AFB).
La loi reconnaît comme cours d'eau tout écoulement d'eau courante, dans un lit naturel, alimenté par une source. Or la DDT et l'AFB surinterprètent ces dispositions et classent largement en cours d'eau. Ainsi, il en découle un important contentieux qui conduit parfois à des situations ubuesques.
Un maire du Territoire de Belfort a ainsi été condamné pour avoir nettoyé le lavoir communal sans détenir le récépissé de déclaration de la DDT, alors que cette opération de curage était nécessaire pour prévenir les inondations. Elle a par ailleurs été réalisée de manière à ce que les incidences sur le milieu aquatique soient minimes et réversibles. Cette commune de 450 habitants n'était également pas en mesure de s'acquitter du coût exorbitant de 27 000 euros pour constituer le dossier environnemental nécessaire à l'instruction de la demande par la DDT. Aussi, si le code de l'environnement condamne ces faits, le code général des collectivités territoriales impose aux maires de tout mettre en oeuvre pour prévenir les inondations. Comment aider les maires à faire face à ces injonctions parfois contradictoires ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Les cours d'eau sont des écosystèmes fragiles qu'il faut entretenir avec soin pour garantir l'écoulement naturel des eaux.
L'instruction du Gouvernement du 3 juin 2015 a permis la diffusion de guides des bonnes pratiques à destination des propriétaires de cours d'eau : l'enlèvement des débris et l'entretien des rives ne requièrent pas de procédure préalable, non plus que les fossés qui sont des ouvrages artificiels. Les interventions qui vont au-delà peuvent avoir des conséquences et sont donc soumises à autorisation préalable.
À Belfort, les services de l'AFB ont alerté à plusieurs reprises l'élu sur la nécessité de déposer un dossier en préfecture et la procédure coûte moins cher que ce que vous dites...
La loi relative à la gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (Gemapi) facilite l'exercice de cette compétence. Il n'y a donc pas de contradictions entre le code de l'environnement et celui des collectivités territoriales. Au contraire, le Gouvernement oeuvre pour que les collectivités locales disposent d'outils adaptés.
M. Cédric Perrin. - Oui, les cours d'eau doivent être protégés, nous le savons tous et en sommes tous convaincus. Il n'en demeure pas moins qu'il y a une surinterprétation. Classer en cours d'eau n'importe quelle rigole a des conséquences financières lourdes à long terme. La situation est ubuesque : si l'élu de Belfort n'avait pas entretenu le cours d'eau, il aurait été condamné pour ne pas être intervenu. Enfin, la somme que j'ai indiquée est bien réelle : j'ai un devis qui le démontre.
Report modal et ligne Lyon-Turin
M. Jean-Pierre Vial . - Les élus de la vallée de l'Arve se félicitent de l'intérêt porté par trois ministres, dont celui de la transition écologique et solidaire, à la situation de la vallée de l'Arve en septembre 2017, et des annonces faites à cette occasion en prévision de la feuille de route de mars 2018.
Ces annonces ont eu lieu le lendemain même du jour où le président de la République confirmait les engagements de l'État dans le Lyon-Turin, lors du sommet franco-italien.
Si le Lyon-Turin est une formidable infrastructure de transport, cette infrastructure se trouve aussi au coeur des enjeux énergétiques et environnementaux grâce à l'ambition du report du transport de marchandises de la route vers le rail.
Le report modal permettrait de faire diminuer les oxydes d'azote de 8 % sur la vallée de l'Arve et de 14 % sur le territoire de la Maurienne.
Entre la France et l'Italie, le volume de marchandises transportées par le rail n'arrive pas à progresser, faute d'infrastructure adéquate ; dans le même temps, le volume de marchandises transportées par le rail entre la Suisse et l'Italie a progressé de 5 % par an.
Ainsi, en 2016, le trafic de marchandises entre la France et l'Italie a été de 40 millions de tonnes, identique à celui entre la Suisse et l'Italie. En revanche, malgré la hausse du trafic, la Suisse est passée pour la première année en dessous de 1 million de poids lourds, alors qu'avec presque trois millions de poids lourds, le trafic routier continue de progresser en France.
Or l'autoroute ferroviaire alpine (AFA), qui devait traduire l'ambition du report modal de la France, ne bénéficie d'aucune véritable impulsion politique. Ainsi, l'appel d'offres en cours pour la plateforme dite de « l'ouest lyonnais » a été lancé en 2009 et n'est toujours pas attribué !
À l'heure où le Gouvernement souhaite afficher des ambitions fortes et s'engager dans une dynamique volontariste, il faut prendre des mesures concrètes et urgentes, comme le font certains de nos voisins européens.
Quels engagements le Gouvernement entend-il prendre pour être à la hauteur de ce défi qui est autant un défi économique qu'écologique ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - Nicolas Hulot, Agnès Buzyn et Élisabeth Borne se sont rendus dans la vallée de l'Arve. Ils ont pu constater les problèmes. L'ouverture du tunnel limitera la congestion et les nuisances sonores et atmosphériques, elle améliorera le cadre de vie dans la vallée de la Maurienne et elle évitera l'émission de trois millions de tonnes de CO2. Ce projet est crucial pour le report modal et pour faciliter la circulation des poids lourds entre la France et l'Italie. Le trafic de l'AFA a enregistré une progression de 25 % en 2017, ce qui pousse à espérer le dépassement du seuil de 35 000 poids lourds remplacés.
L'Italie vient de ratifier, le 22 novembre 2017, l'accord de Luxembourg de 2009 sur ce projet. Un avis de concession a été publié au Journal officiel européen. La mise en concession sera donc effective en 2019. Tous les services du Gouvernement sont mobilisés sur ce dossier.
M. Jean-Pierre Vial. - Les mots seront pesés en fonction de la réalité du terrain. En 2017, le trafic a augmenté de 25 %. L'ambition actuelle est de diminuer le trafic d'au moins un million de poids lourds. Nous n'en sommes, selon vos chiffres, qu'à un peu plus de 3 %, contre 33 % espérés. Je ne conteste pas la volonté de M. Hulot, je souhaite que l'enthousiasme dont il fait preuve se traduise dans les faits, pour illustrer notre capacité à faire monter en puissance cette infrastructure.
Délais de réservation du train de nuit Paris-Briançon
Mme Patricia Morhet-Richaud . - Lorsqu'en 2015 le Gouvernement a classé la ligne de nuit Paris-Briançon au titre des trains d'équilibre du territoire, c'était faute d'une offre de mobilité alternative suffisante entre l'Île-de-France et les Hautes-Alpes.
Alors qu'il répond à un réel besoin, les réservations sur ce mode de transports sont extrêmement difficiles : ainsi, pour les vacances de Noël, elles n'ont été ouvertes que deux semaines avant le premier départ et il est actuellement impossible de réserver pour les vacances de printemps, qui commencent le 14 avril, alors que les familles pourraient l'utiliser pour accéder à Serre Chevalier et aux stations voisines.
Si SNCF mobilités voulait dissuader les voyageurs d'utiliser le Paris-Briançon, elle ne s'y prendrait pas autrement, alors qu'en période de vacances, ce produit est majoritairement utilisé par des familles qui peuvent ainsi accéder aux stations de Serre Chevalier ou Vars-Risoul, par exemple, sans rupture de charge.
Quelles dispositions ont été prises pour que la SNCF honore son contrat avec l'État ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - L'ouverture tardive des ventes a résulté de difficultés techniques à tracer des sillons exploitables pour les trains de nuit et compatibles avec les différentes plages de travaux opérés par SNCF Réseau.
Pour régulariser la situation, Mme Borne a demandé à SNCF Réseau et SNCF Intercités de garantir la circulation d'un maximum de trains dans ces périodes primordiales pour les Hautes-Alpes. Tous les trains ont été ouverts jusqu'au 16 mars. Ils ont affiché complet pour les vacances de Noël. Idem pour les week-ends de départ des prochaines vacances d'hiver des académies franciliennes. Cela prouve l'importance de ce service pour l'économie touristique des Hautes-Alpes.
Pour pallier l'arrêt de la pointe neige, la ministre a souhaité que la composition des trains soit renforcée pour les week-ends des vacances de février pour offrir des places supplémentaires nécessaires à la bonne desserte du territoire.
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Votre réponse ne me satisfait qu'en partie. Les réservations sont ouvertes pour les vacances de février ; pas pour celles d'avril. Les Hautes-Alpes sont pénalisées par une unique voie ferrée et par une autoroute qui n'a jamais été terminée. Je regrette que notre département, contrairement à d'autres destinations de montagne, ne bénéficie pas d'une desserte ferroviaire performante.
Dysfonctionnement des lignes aériennes d'aménagement du territoire
Mme Josiane Costes . - Plusieurs villes de province, dont Aurillac, Brive, Castres, Agen, sont desservies par des lignes dites « d'aménagement du territoire » dans le cadre d'obligations de service public (OSP) bénéficiant du concours financier de l'État qui s'ajoute aux subventions apportées par les collectivités locales. Ces concours financiers publics représentent jusqu'aux deux tiers du coût de fonctionnement de ces lignes.
Malgré ces efforts financiers considérables, le fonctionnement au quotidien des lignes concédées à la compagnie Hop, filiale d'Air France, est de plus en plus problématique - euphémisme ! Le service se dégrade avec des retards extrêmement fréquents et des annulations de vols dites techniques. La situation a empiré depuis début septembre 2017 avec plusieurs annulations de vols chaque semaine ce qui est d'autant plus problématique que sur ces lignes il n'y a déjà, par contrat, aucun vol les samedis, dimanches matin et jours fériés...
Une telle dégradation du service est inacceptable car elle aggrave la fracture avec des territoires déjà très excentrés, dont elle met en danger la vie économique.
Quelles mesures entendez-vous prendre afin de remédier à cette situation et contraindre la compagnie Hop à assurer un service digne de ce nom ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - La desserte aérienne des territoires enclavés est un enjeu majeur de notre politique des transports. La ministre en charge suit avec beaucoup d'attention les lignes opérées par Hop.
Cette compagnie a récemment été confrontée à un déficit du nombre de pilotes, lié à leur évolution de carrière au sein du groupe, et à une succession de pannes techniques sur ses appareils de type ATR 42. De septembre à décembre 2017, certaines lignes ont subi un nombre d'annulations exceptionnel, allant jusqu'à diminuer de 10 % le nombre de vols réalisés par rapport à la même période en 2016.
Sur l'ensemble de l'année, entre 5 % et 6 % des vols reliant Paris à Aurillac, Brive, Castres et Agen ont été annulés pour des causes directement imputables à la compagnie, alors que la tolérance en termes d'obligations de service public ne s'élève qu'à 3 %.
La qualité de service de la compagnie a également été affectée par les travaux mis en oeuvre sur la plateforme d'Orly pour sa mise en conformité avec les règles de sécurité européenne.
Cependant, ces retards et annulations sont inacceptables ; il n'est pas admissible que cette détérioration remette en cause la politique mise en oeuvre pour améliorer l'équilibre des territoires et les désenclaver. La direction générale de l'aviation civile (DGAC) est mobilisée. La compagnie a assuré la ministre des transports avoir mis en place un plan d'action préventive pour limiter les pannes et augmenter le recrutement et la formation des pilotes, nombreux à être partis.
Une pénalisation financière est prévue dans le cadre des conventions liant la compagnie aux territoires concernés pour répondre au préjudice qu'ils ont subi. Le ministère en charge des transports restera vigilant et demandera un compte rendu régulier à Hop tant que la desserte aérienne n'aura pas une qualité de service conforme aux attentes des territoires.
Mme Josiane Costes. - La situation qui touche des territoires déjà enclavés et fragilisés est inacceptable : huit heures pour aller en avion d'Aurillac à Paris, en passant parfois par Toulouse !
Avenir des petites communes
M. Guillaume Chevrollier . - Le plan « Action coeur de ville », doté de cinq milliards d'euros sur cinq ans, que le Gouvernement a récemment présenté à Rodez, vise à encourager la revitalisation des centres-bourgs. Il exclut les communes les plus rurales de notre territoire et les villes de moins de 8 000 habitants n'y ont pas accès. C'est fort regrettable dans la Mayenne où 44 % des 255 communes comptent moins de 500 habitants et une seule ville dépasse les 8 000 habitants. Aucun dossier de mon département n'avait été retenu dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt « centre-bourg » de 2014.
La situation est préoccupante pour les communes rurales : désengagement de l'État, baisse des dotations, dessaisissement progressif des compétences communales, fermeture des commerces de proximité. Les maires ruraux s'inquiètent. Les habitants sont attachés à l'entité communale qui crée du lien social et favorise la proximité.
En Mayenne, beaucoup d'initiatives ont cours pour relancer le commerce rural et relancer l'attractivité de ces communes, comme le Carré de la chambre de commerce et d'industrie, concept modulable de commerce rural très original.
Que fait l'État pour soutenir les élus ruraux et favoriser I'attractivité des communes rurales ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - La valorisation des territoires ruraux - 35 % de la population sur 70 % du territoire - est primordiale pour le Gouvernement qui confirme et conforte le soutien aux projets d'investissement dans les communes et intercommunalités rurales. II promeut également toute forme de coopération locale entre différents territoires visant à une plus grande cohésion au sein des bassins de vie.
Le contrat de ruralité, nouvel outil de développement local, a rencontré un franc succès : plus de 450 contrats ont été signés en 2016 et 2017 dans tous les départements et près de 500 le seront à terme.
En 2017, 425 millions d'euros ont ainsi été dégagés par l'État, dont 145 millions de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dédiée, pour soutenir près de 5 000 actions au sein des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et des pôles d'équilibre territorial et rural (PETR). En 2018, pour soutenir les capacités d'investissement, la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) est maintenue à plus d'un milliard d'euros, soit le montant financier le plus élevé de l'histoire de cette dotation, en augmentation de 50 millions d'euros par rapport à 2017. La DSIL s'élève à 615 millions d'euros.
Avec l'engagement du plan « Action coeur de ville », des communes exerçant les fonctions de villes moyennes seront accompagnées financièrement pour la requalification de leur centre-ville. La contractualisation du Gouvernement avec les 340 plus grandes collectivités territoriales, afin que leurs dépenses de fonctionnement ne dépassent pas 1 % de leurs dépenses, ne concernera aucune commune rurale.
Poursuivre les efforts majeurs engagés en faveur des communes rurales, telle est l'ambition du président de la République qui souhaite accélérer le développement du plan THD pour tous les Français, d'ici à 2020. Le Gouvernement agira en faveur des territoires ruraux en co-construction avec les élus, dès ce mois de janvier.
M. Guillaume Chevrollier. - La ruralité est essentielle. Le Gouvernement souhaite honorer les contrats de ruralité. Le Sénat y sera vigilant. Cependant, les dotations du Fisac en faveur du commerce de proximité ont baissé. Dans ce contexte, les élus ne se sentent pas soutenus par le Gouvernement. Les contraintes normatives et réglementaires favorisent les grands ensembles, pas les communes de moins de 500 habitants. Les élus et les habitants attendent des actes forts pour ne pas tomber dans la morosité.
Contrôle des conditions de la protection universelle maladie (PUMA)
M. Richard Yung . - Le décret du 24 février 2017 précise que « les personnes qui demandent à bénéficier de la prise en charge des frais de santé doivent produire un justificatif démontrant (...) qu'elles relèvent de l'une ou l'autre des catégories suivantes (...) », parmi lesquelles les membres de la famille qui rejoignent ou accompagnent pour s'installer en France un assuré y séjournant dans les conditions prévues par le décret. Néanmoins, la plupart des caisses d'assurance maladie méconnaissent les effets de ce décret et indiquent aux conjoints des assurés sociaux, à leurs concubins ou aux personnes auxquelles ils sont liés par un pacte civil de solidarité (PACS) qu'à défaut d'être eux-mêmes assurés, ils sont soumis au critère de résidence et donc au délai de carence de trois mois pour pouvoir être affiliés.
Pouvez-vous confirmer que ces personnes peuvent bien bénéficier de la prise en charge des frais de santé sans délai de carence et serait-il possible d'envisager de rappeler aux caisses d'assurance maladie le contenu de ce décret par une circulaire ?
Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire . - La protection universelle maladie, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, garantit à toute personne qui réside en France de manière stable et régulière la prise en charge de ses frais de santé. Il suffit de présenter un certificat de résidence ininterrompue de plus de trois mois.
Ce délai ne s'applique pas aux conjoints, concubins et partenaires de PACS de ces personnes qui bénéficient immédiatement de la prise en charge de leur frais de santé, à la condition qu'ils soient en situation régulière par rapport au droit français. Le Gouvernement a demandé à la CNAM de veiller à la bonne application de ce décret et d'effectuer un rappel à la règle aux caisses de son réseau dans les plus brefs délais.
M. Richard Yung. - Je vous remercie de cette interprétation positive et de ce rappel utile.
Conséquences pour la Nièvre du transfert du centre d'appel du SAMU à Dijon
M. Patrice Joly . - L'agence régionale de santé de Bourgogne Franche-Comté évoque, à l'occasion de l'élaboration de son projet régional de santé, la fermeture du centre 15 du SAMU de la Nièvre (58) pour le transférer au centre hospitalier universitaire de Dijon.
La population craint que cela ait un impact direct sur la prise en charge des patients nivernais, alors même que la Nièvre est un département rural, touché par le vieillissement de sa population et victime d'une désertification médicale galopante. Le 15 gère des missions d'urgence vitale, mais aussi des missions de conseil essentielles aux personnes isolées.
Cette décision de transférer le SAMU de Nevers, si elle intervenait, nuirait considérablement à la prise en charge des patients en rendant plus longs les temps d'intervention. Elle romprait les liens de proximité tissés au fil des années avec certains personnels médicaux, notamment dans le Morvan et le centre nivernais. Enfin, elle poserait la question du devenir des assistants de régulation.
Plus généralement, la question de la présence médicale dans nos départements ruraux est devenue de plus en plus cruciale. De très nombreuses communes, dans la France entière, sont confrontées à un déficit dramatique de médecins et de spécialistes, tant libéraux qu'hospitaliers.
Dans les cinq ans à venir, le département de la Nièvre sera le département le plus touché par le départ en retraite de généralistes. S'ajoute aux carences constatées le manque criant de spécialistes dont le département souffre également, en néonatologie, en pédopsychiatrie, psychomotricité....
Le droit d'être soigné constitue le premier des services que la collectivité doit rendre à ses concitoyens. L'égalité des soins est l'une des déclinaisons du principe d'égalité, qui est l'un des piliers de notre devise républicaine. Dans ce contexte, il est inimaginable d'envisager la disparition d'un service médical dans ce département. Une telle décision apparaîtrait comme un désengagement supplémentaire de l'État.
Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre pour répondre à la situation de l'urgence médicale dans le département de la Nièvre ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées . - L'accès aux soins est une priorité de Mme Buzyn et du Gouvernement, d'où l'annonce le 13 octobre dernier d'un plan pour renforcer l'accès territorial aux soins.
Le transfert du centre 15 de la Nièvre à Dijon ne concernera que la régulation des appels téléphoniques et rien d'autre. Le personnel et les matériels resteront sur place. Le centre 15 de Dijon assure déjà la régulation des appels pour les quatre départements de la Franche-Comté. Cette mesure favorise le redéploiement des urgentistes auprès des malades. Le SMUR restera en place 24 heures sur 24 dans la Nièvre. Seul un créneau de fermeture éventuelle de services d'urgence en nuit profonde (de 22 heures à 9 heures du matin) reste à déterminer.
L'ARS travaille à améliorer la desserte héliportée disponible dans la région afin de libérer les équipes médicales au sol. Ainsi, la gestion mutualisée permet d'envoyer l'appareil le mieux placé, indépendamment de son site de rattachement.
J'espère que ces mesures lèveront certaines de vos inquiétudes. Mme Buzyn se rendra début février dans votre département pour les États généraux de la santé.
M. Patrice Joly. - Pourquoi ne pas centraliser les appels de Dijon à Nevers ? On renforcerait ainsi l'attractivité du centre hospitalier de Nevers, tout en répondant à la difficulté de recruter les médecins.
Au mois de décembre, la maternité de Cosne-sur-Loire a fermé précipitamment, après celles de Decize et de Clamecy, de sorte que nous n'avons plus qu'une seule maternité dans un département de plus de 7 000 km2. Le projet de suppression des urgences de nuit au centre hospitalier de Clamecy dans la période horaire dite de nuit profonde est une menace supplémentaire à la permanence des soins. Les pompiers constituent souvent le dernier recours de notre territoire.
Il faut tenir compte de la spécificité des territoires ruraux et définir des critères particuliers pour l'offre de soins, qui doit être organisée autour des hôpitaux de proximité.
Mise en oeuvre du service national universel
Mme Jocelyne Guidez . - « Jeunesse, l'âge du possible », selon Ambrose Bierce. Aujourd'hui, la situation économique des jeunes demeure préoccupante : chômage élevé, précarisation liée à un pouvoir d'achat de plus en plus faible, etc. Il devient donc urgent de mettre en oeuvre une politique publique résolument ambitieuse pour cette génération. Aussi, parallèlement aux réformes économiques et sociales envisageables, le service national universel permettrait de recréer ce lien de confiance entre la République et la Nation, et en particulier chez les jeunes citoyens.
En outre, la commission sur le service national universel devrait formuler plusieurs propositions en juin 2018. Toutefois, à ce jour, l'aspect militaire ne serait pas retenu dans ce projet. Or un tel choix serait regrettable. En effet, une période d'un mois ne permettra pas de sensibiliser correctement les intéressés aux règles civiques et républicaines, de les accompagner avec efficacité dans leurs projets d'avenir et de les préparer convenablement au monde de la défense nationale. Par conséquent, il est préférable d'envisager une durée minimale de six mois, tout en tenant compte des problématiques liées au calendrier universitaire, à la signature de contrats de travail ou d'alternance, etc.
Bien sûr les finances sont contraintes. Cependant, on pourrait s'inspirer de l'expérience des centres du service militaire volontaire, comme celui de Brétigny-sur-Orge qui associe militaires et civils, et permet des échanges avec des élèves issus des grandes écoles.
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées . - Le Gouvernement partage évidemment votre préoccupation quant à l'avenir de nos jeunes et au lien entre la jeunesse et la Nation.
Le président de la République s'est engagé à renforcer le lien entre l'armée et la jeunesse et à développer le sentiment d'appartenance à la Nation par la création d'un service national universel.
Un état des lieux des dispositifs existants a été effectué et le rapport a été remis début novembre.
Le dispositif contribuera à la résilience de la Nation et permettra le brassage social de la jeunesse. Il aura un caractère interministériel. Il développera l'esprit de défense et valorisera les métiers des armées tout comme l'engagement des jeunes dans la société. Un projet de société de cette envergure nécessite du temps et une concertation avec tous les acteurs directement intéressés. Nous n'en sommes qu'au début du processus d'élaboration.
Chaque tranche d'âge compte 800 000 jeunes. Il faut leur consacrer temps et moyens à la concertation sur ce projet.
À l'heure actuelle, nous ne pouvons pas envisager une durée de six mois pour le service militaire universel. Le Gouvernement est mobilisé pour l'insertion professionnelle des jeunes. Enfin, le service militaire volontaire sera préservé dans son format actuel.
Mme Jocelyne Guidez. - Nous resterons attentifs à l'évolution de ce projet, tout en vous faisant confiance pour le mener à bien.
Conséquences de la crise migratoire dans le Calvados
M. Pascal Allizard . - Le démantèlement des campements près de Calais et le renfort des effectifs de police et de gendarmerie pour sécuriser les accès au tunnel sous la Manche n'ont pas fait disparaître les migrants mais les ont déplacés.
Dans le Calvados, des communes littorales comme Ouistreham, petite ville portuaire, voient arriver de plus en plus de clandestins, uniquement candidats au départ pour l'Angleterre, surtout depuis le démantèlement de la jungle calaisienne et le rétablissement des contrôles aux frontières.
Il s'agit de jeunes hommes, parfois mineurs, originaires du Soudan ou d'Érythrée, désireux de s'embarquer par tout moyen sur les navires de la compagnie Brittany Ferries reliant Ouistreham et Portsmouth.
Des groupes d'individus, démunis, sont régulièrement signalés errant en ville ou cachés sur des chantiers, dans des jardins ou sous des haies, ce qui provoque tensions et inquiétudes. Ils survivent dans des conditions précaires en particulier dans la période hivernale.
La situation n'est satisfaisante ni sur le plan humanitaire ni sur le plan sécuritaire.
Quant à l'économie locale, elle se détériore. Les habitants craignent une crise migratoire qui s'installe dans la durée.
Quels sont les résultats concrets obtenus à l'encontre des réseaux de traite des êtres humains opérant dans ou vers le Calvados ? Quelles mesures supplémentaires le Gouvernement entend-il prendre pour lutter plus efficacement contre ces organisations criminelles, dont les méthodes évoluent rapidement, et aider les collectivités territoriales débordées ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées . - Les routes et modes opératoires utilisés par les migrants varient. Les autorités françaises adaptent leur réponse pour garantir l'ordre public.
Pour contrecarrer les passeurs, l'institution judiciaire épaule les policiers et gendarmes : quinze filières ont été démantelées entre janvier et septembre 2017 sur la zone de défense ouest, soit une hausse de 36 % par rapport à la même période en 2016.
La pression migratoire s'est accrue à Ouistreham ces dernières semaines. Pas moins de 38 militaires interviennent dans l'emprise du port avec le soutien de 32 hommes, notamment réservistes et d'un demi-escadron de gendarmes mobiles et celui des militaires de Sentinelle.
Le Gouvernement a obtenu du gouvernement britannique une contribution financière pour renforcer les infrastructures de plusieurs ports de la Manche. Pas moins de 2,440 millions d'euros ont été alloués à la sécurisation du port d'Ouistreham, notamment pour l'installation de clôtures, de portails et de systèmes de vidéosurveillance.
M. Pascal Allizard. - Les collectivités territoriales se retrouvent à gérer le ramassage des détritus ou l'accroissement des forces de police. À Ouistreham, le coût supplémentaire de ces charges s'élevait à 100 000 euros en 2017.
Des trafics s'organisent sur nos aires d'autoroute, la nuit, ce qui met en danger la sécurité des migrants mais aussi celle des usagers.
Certains migrants ont déjà été condamnés en correctionnelle à Caen pour des faits de violence sur les policiers ou gendarmes.
Une plus grande fermeté de l'Europe serait nécessaire, ainsi qu'une plus grande coopération avec les pays d'origine.
À Caen et dans sa proche périphérie se créent des regroupements de migrants dans lesquels les trafics et la misère prospèrent. L'État doit en prendre toute la mesure. La seule augmentation des effectifs de police et gendarmerie, pour bienvenue et nécessaire qu'elle soit, ne pourra pas tout résoudre.
Je souhaite que le sommet franco-britannique prévu ce jeudi encourage les Britanniques à s'engager davantage dans la prise en charge des migrants. Je crois qu'on n'évitera pas une renégociation des Accords du Touquet.
La séance est suspendue à 12 h 30.
présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente
La séance reprend à 14 h 30.