SÉANCE
du jeudi 27 juillet 2017
13e séance de la session extraordinaire 2016-2017
présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président
Secrétaire : M. Jackie Pierre.
La séance est ouverte à 9 h 30.
Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.
Renforcement du dialogue social (Procédure accélérée - Suite)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.
Discussion des articles (Suite)
ARTICLE 3 (Suite)
M. le président. - Amendement n°77 rectifié, présenté par M. Antiste et Mme Jourda.
Alinéa 7
Supprimer cet alinéa.
M. Maurice Antiste. - Cet alinéa réduit les obligations de l'employeur en matière de reclassement pour inaptitude et diminue les protections légales dont bénéficient les salariés, y compris en ce qui concerne la contestation de l'avis d'inaptitude.
M. le président. - Amendement identique n°121, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
M. Dominique Watrin. - Le Gouvernement cède à nouveau au fantasme selon lequel faciliter le licenciement créerait de l'emploi. Au contraire, il crée des trappes à chômage ! Pourquoi alléger les obligations en matière de reclassement ? Peut-être parce que le premier motif d'annulation de plans sociaux par la justice est l'absence de plan de reclassement ? Le nombre d'accidents et de maladies professionnelles incapacitants est déjà élevé, malgré un fort taux de non-déclaration. Cette mesure ne fera que renforcer l'omerta.
M. le président. - Amendement n°42 rectifié, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 7
Rédiger ainsi cet alinéa :
e) En prévoyant la faculté par accord de branche d'adopter une liste d'aptitudes reconnues suffisantes en cas de reclassement pour inaptitude au sein de la branche, en clarifiant les obligations de l'employeur en matière de reclassement pour inaptitude et en sécurisant les modalités de contestation de l'avis d'inaptitude ;
Mme Dominique Gillot. - La déclaration d'inaptitude professionnelle est une double peine pour le travailleur handicapé, car l'avis est souvent suivi d'un licenciement. En 2014, l'IGAS, en particulier François Chérèque dont je salue la mémoire, dressait un constat alarmant : 97 % de salariés déclarés inaptes licenciés dans une région, 94 % dans une autre... Un an après, 27 % sont inactifs, 43 % au chômage, seulement 18 % en emploi. Les salariés peu qualifiés et âgés sont surreprésentés.
Sortons de ce paradigme en valorisant plutôt les aptitudes des travailleurs handicapés, afin de faciliter leur reclassement. Le système actuel est un immense gâchis humain.
M. Martial Bourquin. - Absolument.
M. le président. - Amendement n°211 rectifié ter, présenté par Mme Gruny, MM. Perrin et Raison, Mme Mélot, M. Mouiller, Mmes Morhet-Richaud et Canayer et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet.
Alinéa 7
Après le mot :
clarifiant
insérer les mots :
et simplifiant
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Les procédures en matière d'inaptitude sont lourdes et compliquées. Simplifions !
M. le président. - Amendement n°223, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 7
Remplacer les mots :
de l'avis d'inaptitude
par les mots :
des avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères. - Veuillez excuser Mme Pénicaud, retenue par les concertations menées avec le Premier ministre et les partenaires sociaux ; la réforme est placée sous les auspices du dialogue !
Cet amendement élargit les documents pris en compte par le médecin du travail.
M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales. - Avis défavorable aux amendements identiques nos77 rectifié et 121. L'amendement n°42 rectifié pourrait être perçu comme un élargissement du champ matériel de l'habilitation, ce qui serait contraire à l'article 38 de la Constitution. Sur le fond, le niveau de l'entreprise paraît plus pertinent que celui de la branche ; enfin, la rédaction écrase la distinction que nous avons introduite entre inaptitude d'origine professionnelle et non professionnelle : retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°211 rectifié ter alourdit le texte : la simplification est comprise dans la clarification. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°223 précise utilement les dispositions inscrites aux articles L.122-6-2 du code du travail par la loi El Khomri : favorable.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Avis défavorable aux amendements nos77 rectifié et 121 : nous souhaitons que le juge prud'homal rende sa décision dans les plus brefs délais.
Je comprends la philosophie de Mme Gillot, mais une liste d'aptitudes définie par la branche empêcherait une appréciation personnalisée, sur mesure. En outre, elle risque de se muer en liste de compétences minimales. Le mieux étant parfois l'ennemi du bien, avis défavorable à l'amendement n°42 rectifié.
Défavorable à l'amendement n°211 rectifié ter : la notion de simplification est comprise dans celle de clarification.
M. Martial Bourquin. - Les ordonnances risquent de remettre en cause les protections légales actuelles. Il y a peu de reclassements en France ; on préfère gérer les problèmes par un départ de l'entreprise. Vu la difficulté à retrouver un emploi, cela crée des trappes à pauvreté.
La presse titre sur les résultats exceptionnels de PSA : l'entreprise va couvrir ses investissements par sa seule trésorerie. Tant mieux - mais tout cela a été obtenu grâce aux sacrifices des salariés ! Il faut en contrepartie des embauches, un salaire indirect... et le respect des obligations en matière de reclassement. À défaut, un accident ou une maladie professionnelle déboucheront sur le RSA et la pauvreté.
Les amendements identiques nos77 et 121 rectifié ne sont pas adoptés.
Mme Dominique Gillot. - Je comprends l'argument du ministre, mais il est important de considérer les travailleurs handicapés en fonction de leurs aptitudes et non de leur inaptitude.
On ne peut s'en tenir au seul avis du médecin du travail, compte tenu de son inexpérience : trop souvent, l'avis médical se conclut par une déclaration d'inaptitude. La personne doit pouvoir dire qu'elle est apte à occuper un autre poste, en fonction de ses aptitudes restantes ou à développer, ou par l'adaptation de son poste de travail. Il faut changer de paradigme car les travailleurs handicapés sont trop souvent interdits d'emploi.
Mme Nicole Bricq. - Je reconnais la cohérence de Mme Gillot, sa volonté d'assurer une égalité effective pour les travailleurs handicapés. Mais cette question est du ressort de l'entreprise, non des branches qui, au demeurant, vont devoir se restructurer rapidement.
On connaît les carences de la médecine du travail. Le rapport que la ministre a commandé à l'IGAS lui sera remis fin septembre : il devra se traduire par une vraie réforme de la médecine du travail, pour en accroître l'attractivité.
Mme Catherine Génisson. - Nous voterons cet amendement.
Le médecin du travail évalue aussi lors du colloque singulier l'appétence du salarié à occuper le poste proposé : c'est indispensable. C'est l'occasion de déplorer les carences de la médecine du travail, dont nous sommes tous responsables.
M. René-Paul Savary. - Il faut bien différencier les causes et les conséquences de l'inaptitude, qui n'est pas toujours d'origine professionnelle. De plus, le reclassement est plus ou moins contraint selon la taille de l'entreprise et le bassin d'emploi : l'ordonnance devra en tenir compte. La télémédecine du travail permet d'avoir une vision claire des emplois disponibles localement, et donc de mieux reclasser. J'invite le Gouvernement à explorer ces pistes.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Le Gouvernement prend en compte cette dimension. Le troisième plan santé au travail, discuté il y a peu, comporte un volet dédié à l'insertion professionnelle des personnes handicapées.
Il a recueilli l'assentiment de l'ensemble des partenaires sociaux et apporte des réponses. Soyez assurés de notre détermination à être aux côtés de ces personnes. Nous préférons en rester à la rédaction de la commission. Je remercie Mme Bricq et M. Savary pour les perspectives qu'ils ont tracées.
M. Daniel Chasseing. - Dans les très petites entreprises, il n'y a souvent, malheureusement, pas d'autre poste à proposer pour reclasser un salarié. Le licenciement est alors inévitable en cas d'inaptitude, ce qui coûte très cher. Je connais telle entreprise de l'économie sociale et solidaire qui a dû emprunter pour licencier... L'inaptitude ne devrait pas se traduire par un coût supplémentaire pour l'entreprise.
M. Marc Laménie. - Santé au travail, inaptitude, handicap, que de sujets sensibles ! Dans nos départements, il y a aussi des établissements et service d'aide par le travail (ESAT) et des ateliers protégés, mais ils manquent de places. Il faut prendre en compte tous les acteurs, avec discernement et respect, car chacun est utile, et répondre aux attentes. Sans doute cet amendement est-il d'appel, pour faire évoluer les choses positivement... (Mme Nicole Bricq renchérit.) Je suivrai la commission.
L'amendement n°42 rectifié n'est pas adopté.
M. Martial Bourquin. - Ce n'est pas bien.
L'amendement n°211 rectifié ter est retiré.
Mme Dominique Gillot. - L'amendement du Gouvernement est un progrès, mais une personne handicapée veut être considérée pour ses aptitudes, non au travers de son handicap : elle le dépasse pour puiser en elle-même des ressources, des facultés qu'elle aurait sinon laissées en jachère. Or les travailleurs handicapés sont encore considérés comme un poids. Les personnes handicapées ont une force de vie et de travail très intéressante pour l'entreprise et la collectivité en général. Changeons de regard ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et La République en marche ; Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
L'amendement n°223 est adopté.
Mme Catherine Génisson. - J'avais demandé la parole...
M. le président. - Amendement n°122, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
M. Dominique Watrin. - Si les plans de départs volontaires sont une alternative au licenciement sec lors d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ils sont le fruit d'une négociation avec l'employeur et peuvent donc être moins favorables pour les salariés. Ils existent, ils peuvent répondre aux aspirations de certains, mais rien ne justifie de les faciliter encore : c'est amoindrir la protection des salariés.
À l'Assemblée nationale, la ministre a estimé que la situation actuelle, qui résulte du code du travail, du code civil et de la jurisprudence, n'était ni lisible ni sécurisée. La clarification apportée bénéficiera surtout aux employeurs, qui pourront tailler dans la masse salariale à moindres frais - comme Orange, qui a annoncé un plan de départs volontaires après avoir installé un climat malsain, ou Veolia, qui annonce le départ de 600 salariés dans sa branche Eau d'ici 2020.
M. le président. - Amendement n°173 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier, Rapin, Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre, Perrin, Raison et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet.
Alinéa 10
Après le mot :
Favorisant
Insérer les mots :
, notamment pour les petites entreprises
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Nous facilitons le recours aux plans de départs volontaires pour les TPE-PME qui n'ont pas de représentants du personnel.
M. le président. - Amendement n°172 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mme Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre, Perrin, Raison et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet.
Alinéa 10
Après le mot :
Favorisant
Insérer le mot :
, simplifiant
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Les plans de départs volontaires doivent être envisagés dans le cadre d'une procédure simplifiée.
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°122 : une clarification du régime juridique s'impose.
Dans les petites entreprises, les plans de départs volontaires sont moins adaptés que les ruptures conventionnelles, plus souples. Avis défavorable à l'amendement n°173 rectifié ter, à défaut de retrait.
Même avis pour l'amendement n°172 rectifié ter. L'objectif de simplification est satisfait par celui de sécurisation. N'alourdissons pas le texte.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Mêmes avis que la commission. Les plans de départs volontaires sont issus d'une construction jurisprudentielle : les inscrire dans la loi devrait vous rassurer, monsieur Watrin. En même temps, madame Morhet-Richaud (On s'amuse), réunir des éléments épars apportera de la simplification. Les TPE peuvent recourir à ce dispositif si elles le souhaitent.
L'amendement n°122 n'est pas adopté.
L'amendement n°173 rectifié ter est retiré.
Mme Élisabeth Lamure. - La simplification, tout le monde en parle, mais elle est peu mise en oeuvre. Le ministre de l'économie, que nous avons auditionné hier, a dit vouloir en faire la clé de voûte de son action pour la modernisation de l'économie. Il faut prendre en compte cette volonté à tous les niveaux.
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Je retire l'amendement, en espérant que la simplification sera effective.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Elle est en marche !
Mme Catherine Deroche. - ... arrière ! (Sourires à droite)
L'amendement n°172 rectifié ter est retiré.
M. le président. - Amendement n°15 rectifié bis, présenté par Mmes Lienemann et Jourda, M. Labazée, Mme Yonnet, MM. Mazuir, Godefroy, Durain et Montaugé et Mme Monier.
Alinéas 11 à 17
Supprimer ces alinéas.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Ces alinéas sont une prime aux délocalisations. Le texte de l'Assemblée nationale n'était déjà pas brillant, la commission l'a rendu encore plus antisocial et antiéconomique. On réduit le périmètre d'appréciation de la situation économique d'une entreprise appartenant à un groupe au territoire national, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation invite à retenir la situation du groupe au niveau mondial - c'est l'arrêt Vidéocolor de 1995.
On ne peut accepter que les profits soient exportés et les coûts sociaux à la charge de la France, par le mécanisme des prix de transfert et les vagues de licenciements.
M. le président. - Amendement identique n°78 rectifié bis, présenté par M. Antiste.
M. Maurice Antiste. - L'alinéa 11 assouplit le régime du licenciement économique et rend possible une modification des critères d'ordre des licenciements ainsi qu'un aménagement des seuils à partir duquel les ruptures de contrat de travail sont considérées comme des licenciements collectifs. Enfin, il élargit les possibilités de licencier en cas de cession d'entreprise. Bref, il accroît la précarité du travail.
M. le président. - Amendement identique n°124, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
M. Christian Favier. - Le Gouvernement assouplit le droit du licenciement économique, simplifie l'obligation de reclassement, modifie les critères d'ordre des licenciements ainsi que les seuils à partir duquel les ruptures de contrat de travail sont considérées comme des licenciements collectifs, et facilite les possibilités de licenciement en cas de cession d'entreprise.
M. le président. - Amendement identique n°165, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. - Quelles études économétriques démontrent que détricoter le régime de la microentreprise ou faciliter les licenciements créera des emplois pérennes en France ? Je le dis en tant que franco-allemande et en tant que professeure d'économie - ce que je redeviendrai en octobre : nous allons créer des travailleurs précaires et pauvres dans les services, sur le modèle des emplois Hartz en Allemagne. Ce sera la double peine, car en trois clics, les deux rapports Bocquet l'ont montré, les groupes mondialisés bidouillent leurs comptes par le jeu des prix de transfert et licencient à tour de bras.
L'exemple allemand et l'absence d'études scientifiques devraient nous conduire à supprimer les alinéas.
M. le président. - Amendement n°196, présenté par M. Arnell, Mme Laborde, MM. Bertrand, Castelli et Collombat, Mme Costes, M. Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et MM. Vall et Collin.
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
M. Guillaume Arnell. - Une minorité d'entreprises pourraient utiliser ces dispositions pour faire apparaitre artificiellement des difficultés, dans le seul but de faciliter les licenciements.
M. le président. - Amendement identique n°218 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Durain et Roger, Mme Jourda, MM. Labazée, Cabanel, M. Bourquin et Montaugé, Mmes Guillemot et Monier et M. Marie.
M. David Assouline. - La jurisprudence de la Cour de cassation est protectrice et claire : il faut apprécier la situation de l'ensemble des sociétés du groupe appartenant au même secteur d'activité, au besoin au niveau mondial. En effet, certaines multinationales savent habilement mettre leurs filiales françaises dans le rouge et accumuler les profits dans les pays où la fiscalité est moindre.
Une définition trop restrictive du périmètre priverait le juge de marge de manoeuvre et laisserait toute latitude aux entreprises ; une définition trop vague remettrait en cause la jurisprudence sans apporter de sécurité juridique supplémentaire.
Cet alinéa semble en réalité un signal à l'attention des investisseurs étrangers. Preuve de plus que cette loi n'est pas faite pour les salariés...
M. le président. - Amendement n°43 rectifié bis, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 12
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Définissant le périmètre géographique et le secteur d'activité dans lesquels la cause économique est appréciée ;
M. Jean-Louis Tourenne. - La commission préjuge encore une fois des résultats de la concertation avec les partenaires sociaux.
Nous avons tous en mémoire des cas de LBO asséchant délibérément la trésorerie d'une entreprise pour investir à l'étranger, dans un mécanisme de cavalerie mondialisée, quitte à vendre ensuite la production en Europe. Les profits s'en vont, restent les licenciements.
C'est aussi notre souveraineté qui est en jeu : notre justice doit pouvoir sanctionner de tels agissements prédateurs qui nuisent à notre économie et à nos citoyens. Il est temps de s'en inquiéter ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. le président. - Amendement identique n°232 rectifié, présenté par le Gouvernement.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Les concertations se poursuivent en ce moment même. Précisément parce que nous ne souhaitons pas préjuger de leur issue, le Gouvernement propose de revenir à sa rédaction initiale.
M. le président. - Amendement n°174 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier, Rapin, Pellevat et Vaspart, Mmes Canayer et Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet.
Alinéa 12
Au début, insérer les mots :
Prévoyant la possibilité pour l'employeur de licencier dès lors qu'il anticipe des difficultés économiques prévisibles et
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Cet amendement s'inspire de l'arrêt « Pages jaunes » : il faut pouvoir procéder à un licenciement économique avant qu'il ne soit trop tard.
L'amendement n°195 n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°63 rectifié, présenté par M. Gabouty, Mmes Billon, Férat et Joissains et MM. Capo-Canellas, D. Dubois, Kern et Longeot.
Alinéa 13
Supprimer les mots :
ou comptable
M. Jean-Marc Gabouty. - Précision rédactionnelle : l'aspect comptable n'est que le constat d'une réalité, artificielle ou non.
M. le président. - Amendement n°64 rectifié bis, présenté par M. Gabouty, Mmes Billon, Férat et Joissains et MM. Capo-Canellas, D. Dubois, Kern et Longeot.
Alinéa 13
Remplacer la seconde occurrence du mot :
ou
par les mots :
notamment en termes de présentation
M. Jean-Marc Gabouty. - Je l'ai rectifié pour ne pas limiter les cas à ceux de présentation comptable artificielle.
M. le président. - Amendement n°123, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 14
Rédiger ainsi cet alinéa :
c) S'assurant que les propositions de reclassement sont loyales, sérieuses, individualisées et réalisées dans un délai précis ;
Mme Annie David. - Cet amendement renforce les obligations concernant les propositions de reclassement, qui sont bien souvent minimales. Nous avons tous en tête les offres de reclassement en Tunisie, en Pologne ou en Roumanie, qui étaient des insultes aux salariés.
M. le président. - Amendement n°175 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier et Rapin, Mme Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre, Perrin, Raison et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet.
Alinéa 14
Après le mot :
Précisant
insérer les mots :
et sécurisant
Mme Patricia Morhet-Richaud. - La loi doit mentionner l'objectif de sécurisation.
M. le président. - Amendement n°176 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli et Dallier, Mme Imbert, MM. Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet.
Alinéa 16
Après le mot :
Adaptant
insérer les mots :
et simplifiant
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Il faut simplifier la procédure de licenciement.
L'amendement n°65 rectifié est retiré.
M. Alain Milon, rapporteur. - La commission des affaires sociales préfère que le périmètre national soit retenu pour apprécier la cause économique d'un licenciement. Pour éviter les détournements par des groupes malintentionnés, nous acceptons l'habilitation demandée par le Gouvernement pour détecter les cas de création artificielle ou comptable de situation défavorable.
Nous souhaitons mettre fin à l'exception française en Europe qui confiait au juge de trop grandes compétences d'appréciation dans ce domaine. Notre position est un compromis : nous ne retenons pas le critère de l'entreprise, ni celui, européen ou mondial, du groupe. Les investisseurs étrangers ne doivent pas se sentir prisonniers de leurs investissements en France.
En conséquence, avis défavorable aux amendements identiques nos15 rectifié bis, 78 rectifié bis, 124 et 232 rectifié.
En l'absence de définition juridique du périmètre géographique, le juge étend son appréciation. Cela méconnaît la réalité économique et dissuade les investissements étrangers. Avis défavorable aux amendements identiques nos196 et 218 rectifié bis.
L'amendement n°43 rectifié bis revient au projet de loi El Khomri initial ; cette disposition avait été supprimée par l'Assemblée nationale à cause de l'opposition des syndicats, puis rétablie au Sénat par le rapporteur aujourd'hui ministre...
La loi Travail a toutefois fait un premier pas, en objectivant des critères de difficultés économiques, que nous avons critiqués, mais qui ont le mérite d'exister. Il faut franchir la deuxième étape, celle du périmètre d'appréciation, afin d'aligner notre législation sur la pratique observée chez la plupart de nos voisins européens.
Avis défavorable aux amendements identiques nos43 rectifié bis et 232 rectifié.
L'amendement n°174 rectifié ter est contraire à l'article 38 de la Constitution. Avis défavorable.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos63 rectifié et 64 rectifié ?
Je partage les objectifs des auteurs de l'amendement n°123, mais qu'en pense le Gouvernement ?
On peut avoir des doutes sur la portée de l'amendement n°175 rectifié ter. N'alourdissons pas le texte. C'est à nous, parlementaires, de vérifier lors de l'examen des projets de loi de ratification des ordonnances, si les objectifs de simplification et de sécurisation sont atteints. Retrait des amendements nos175 rectifié ter et 176 rectifié ter, sinon avis défavorable.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Reconnaissez, madame Lienemann, que nous sommes les seuls à utiliser le périmètre mondial. Ce n'est pas une prime à la délocalisation, plutôt une prime à la non-localisation. De nombreux groupes préfèrent, au moment où ils choisissent d'implanter une nouvelle activité, un nouvel établissement, aller ailleurs. Il serait utile de comptabiliser le nombre d'emplois non créés à cause de ce périmètre inadapté...
M. David Assouline. - Oui, quel est-il au juste ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Il faut être lucide. Ce qui compte aujourd'hui, c'est la capacité à ajuster les facteurs de production, capital, ressources humaines, technologies, à réagir vite à une vie économique trépidante.
Lorsque avec MM. Forissier, Gabouty, nous avions travaillé sur la loi El Khomri, nous avions auditionné les dirigeants de Bosch - entreprise assise sur une fondation fleuron du capitalisme rhénan, donc loin d'un capitalisme débridé - qui nous avaient confié que la justice avait refusé un plan de sauvegarde de l'emploi, faute pour leur part d'avoir pu fournir des documents concernant leurs activités au Japon ! L'on peut comprendre ensuite que l'entreprise hésite à prendre des décisions de localisation qui nous soient favorables. Soyons pragmatiques, évoluons !
Tout en comprenant son souci de constance et de cohérence, je constate que la commission elle-même a des interrogations : elle pourrait se rallier à l'amendement du Gouvernement qui consulte les partenaires sociaux et travaille dans un esprit de concorde... (M. le rapporteur fait signe qu'il maintient sa position ; sourires.)
Avis défavorable aux amendements identiques nos15 rectifié bis, 78 rectifié bis, 124, 165, aux amendements identiques nos196 et 218 rectifié bis. Retrait de l'amendement n°43 rectifié bis au profit de l'amendement n°232 rectifié ?
Avis défavorable à défaut de retrait de l'amendement n°174 rectifié ter. Retrait de l'amendement n°63 rectifié au profit de l'amendement n°64 rectifié, oralement rectifié par son auteur, par l'insertion d'un « notamment » avant « en termes de présentation ».
Ce que propose l'amendement n°123, et je suis derechef d'accord avec le président Milon sur ce point, est garanti par la jurisprudence. Avis défavorable dès lors.
Les termes employés par le Gouvernement et la commission englobent les objectifs de sécurisation. Par conséquent, retrait des amendements nos175 rectifié bis et 176 rectifié ter ?
M. Martial Bourquin. - Le Gouvernement revient à la charge avec le périmètre national. Ce qui est dans le viseur, c'est l'arrêt de la Cour de cassation qui oblige la société mère à aider sa filiale.
Dans ma région, les investissements étrangers n'ont jamais été aussi importants. M. Macron persiste pourtant à répondre à la vieille revendication du Medef. Le périmètre mondial pourrait pourtant faire baisser de 35 % les PSE.
L'amendement n°232 rectifié est un oxymore d'une « obscure clarté ». Il noie le poisson. Selon M. le ministre, c'est en permettant de licencier qu'on convaincrait les investisseurs étrangers ?
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Arrêtons avec ce déclinisme ambiant. Nous sommes une terre attractive, une étude de Business France le dit. Qu'est-ce qui attire les étrangers ? La main-d'oeuvre qualifiée, la qualité des infrastructures. C'est là-dessus qu'il faut mettre le paquet ! Il faut leur dire « bienvenue ! » tout en combattant résolument les prédateurs, qui ne viennent que pour voler des brevets et des technologies. Mais vous leur faites un pont d'or !
N'oublions pas que la plus grande part de l'investissement industriel en France, provient de l'Allemagne, qui est si supérieure à nous.
M. Jérôme Durain. - J'adresse mes félicitations au Gouvernement qui a nationalisé en partie STX, ce qui est courageux et conforme à l'intérêt économique national. Pourquoi, dans ce contexte, cet amendement confus qui ménage la chèvre et le chou, qui favorise la prédation de nos entreprises, de nos brevets, les licenciements de nos salariés ? Si cet amendement a pour but de préparer les prochains Molex, nous n'en voulons pas !
Alors que Elon Musk et Mark Zuckerberg débattent de l'intelligence artificielle, que l'on prépare le véhicule autonome à l'autre bout de la planète, votre sujet, c'est le dumping généralisé, le low-cost, plutôt que l'investissement productif dans le capital humain : vous n'avez rien compris à l'évolution de l'économie mondiale. En quoi cette dérégulation protège-t-elle nos entreprises, nos emplois, notre économie ?
Le Gouvernement, capable d'être ferme sur STX, devrait l'être aussi sur ce sujet.
Mme Nicole Bricq. - C'est la troisième année de suite que nous discutons de ce périmètre, après la loi Croissance et activité de 2015 et la loi El Khomri, qui a réglé une partie du problème en clarifiant les critères.
Nous discutons du texte de la commission, qui a choisi de fermer la concertation - alors que celle-ci continue en ce moment même : la ministre n'est pas là, mais elle n'est pas à la plage ! (Mouvements divers) N'enfermons pas l'appréciation des causes économiques dans un périmètre strictement national, d'autant qu'après l'habilitation, nous aurons la ratification et nous pourrons à ce moment-là traduire les discussions en cours. Votons donc les amendements identiques nos43 rectifié bis et 232 rectifié qui laissent le sujet ouvert !
Mme Corinne Bouchoux. - En relisant le programme du président de la République, je vois qu'il souhaitait libéraliser et en même temps sécuriser. Là, sans sécuriser, nous déverrouillons à tous les étages des obstacles imaginaires pour lancer en quelque sorte des messages subliminaux aux investisseurs internationaux.
Quelles études, monsieur le ministre, démontrent que ce que nous faisons parle aux investisseurs ? Qu'est-ce qui prouve que cela justifie de mettre à bas cinquante ans de droit social et de négociations ? Attention aux pillards qui viendront prendre nos brevets, nos savoir-faire et ne nous laisserons que des chômeurs.
Si j'apprécie de revoir M. Lemoyne, j'aurais aimé que la ministre, apparemment si douée comme praticienne pour faire de fructueuses opérations, me réponde sur ce point. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-Marc Gabouty. - Le périmètre mondial est plus juste, mais pas très opérationnel. Ne nous voilons pas la face : les entreprises - soit de manière raisonnable, soit de façon éhontée - déplacent leurs profits en fonction de la fiscalité - y compris des entreprises françaises !
Ce n'est pas en créant des protections artificielles que nous protégerons l'emploi ; en revanche, nous souhaitons que le périmètre européen prévale demain ; mais il faut pour cela une harmonisation fiscale et sociale, qui doit encore progresser. Si Uber avait des salariés en France et voulait faire un plan social, le périmètre mondial pourrait l'y autoriser, au vu de ses résultats et de son endettement catastrophiques.
Je suivrai l'avis de la commission tout en appréciant la bonne foi du Gouvernement.
M. Olivier Cadic. - Mme Bouchoux, professeur d'économie, qui estime que nous allons créer une génération de travailleurs pauvres, considère-t-elle que depuis vingt ans, nous avons créé une génération de chômeurs riches ? Mme Aubry disait en 2000 qu'il valait mieux être chômeur en France que travailleur au Royaume-Uni !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Et le Brexit ?
M. Olivier Cadic. - Force est de reconnaître que ce modèle-là, celui que vous défendez encore et qu'incarnait Mme Aubry n'enthousiasme plus notre jeunesse. (Protestations sur plusieurs bancs à gauche)
Il peut y avoir de mauvais agissements, mais, pour les sanctionner, les clients ont beaucoup plus de force que la loi, comme l'ont montré ceux de Starbucks au Royaume-Uni, en réaction aux soupçons d'évasion fiscale !
Nous ne voterons pas les amendements de suppression.
Nous partageons l'avis de la commission sur l'amendement n°232 rectifié : le périmètre national doit être préservé.
M. Marc Laménie. - Certains ont parlé de prédateurs, je reprends volontiers le terme à mon compte, car si certains chefs d'entreprise sont honnêtes - d'autres ont moins de scrupules. M. le ministre le sait, certaines de nos entreprises sont en bonne santé, d'autres non, malheureusement. Dans nos départements, en particulier dans les Ardennes.
Bon nombre de petites entreprises galèrent de procédures en difficultés, qui attendent la simplification.
Branche d'activité, périmètre géographique... tout cela n'est pas simple, d'autant plus qu'il faut tenir compte du droit européen. Ce texte peut améliorer les choses, mais il reste beaucoup à faire.
Je garde ma confiance aux collègues de la commission des affaires sociales qui ont beaucoup travaillé sur ces amendements.
M. Yves Daudigny. - Je ne voterai pas les amendements de suppression, mais ne suis pas pour autant la position de la majorité de la commission des affaires sociales.
Dans le nord de la France, nous avons vécu le traumatisme de la délocalisation, à Lodz, en Pologne, par le numéro deux de l'électroménager européen, d'une usine qui fonctionnait très bien à Amiens. Si cela ne prouve pas que tous les chefs d'entreprise se comportent ainsi, bien au contraire, il demeure néanmoins la nécessité de clarifier les critères et d'établir des modalités précises de contrôle, puisque c'est bien de cela qu'il s'agit.
À ce jour, il faut laisser au Gouvernement les marges de négociation avec les partenaires sociaux. Je voterai les amendements du Gouvernement et du groupe socialiste. Nous jugerons du résultat dans le texte même des ordonnances et dans le projet de loi de validation l'an prochain.
M. David Assouline. - Tout le débat repose sur le présupposé qu'il y aurait des freins aux investissements étrangers en France. Combien d'emplois perdus, au juste, pour raison de non-localisation.
Un article du Monde de mars dernier l'indiquait, la France est la championne du monde des investissements étrangers, qui y sont au plus haut niveau depuis dix ans. La ministre elle-même le déclarait dans le cadre de ses fonctions d'alors : l'année 2016 est la meilleure depuis dix ans dans ce domaine. Les investissements allemands en particulier ont bondi de 35 %. Je ne sais pas s'il y a des freins à la création d'emplois, mais je sais qu'on peut en perdre.
Ces présupposés idéologiques vous empêchent de nous montrer des études chiffrées, qui pourraient nous convaincre.
Ce que nous savons, c'est que ceux qui viennent le font pour la qualité de la vie, de la recherche, des transports, des infrastructures publiques. Au lieu de valoriser cela, vous faites du bashing... Les mesures que vous proposez dégradent l'image de la France. (Protestations sur quelques bancs à droite)
Les amendements identiques nos15 rectifié bis, 78 rectifié bis, 124 et 165 ne sont pas adoptés, non plus que les amendements identiques nos196 et 218 rectifié bis.
À la demande de la commission, les amendements identiques nos43 rectifié bis et 232 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°136 :
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 318 |
Pour l'adoption | 130 |
Contre | 188 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n°174 rectifié ter est retiré, de même que l'amendement n°63 rectifié.
M. Jean-Marc Gabouty. - Je confirme ajouter « notamment » à mon amendement n°64 rectifié avant « en termes de présentation ».
M. le président. - Il devient l'amendement n°64 rectifié bis.
Amendement n°64 rectifié bis, présenté par M. Gabouty, Mmes Billon, Férat et Joissains et MM. Capo-Canellas, D. Dubois, Kern et Longeot.
Alinéa 13
Remplacer la seconde occurrence du mot :
ou
par les mots :
notamment en termes de présentation
L'amendement n°64 rectifié bis est adopté.
M. Dominique Watrin. - Le Gouvernement justifie les alignements par le bas par des jurisprudences trop complexes, qu'il cherche à codifier. Ici, c'est l'inverse ! Chacun tirera les enseignements qu'il veut. Le groupe CRC confirme ainsi son appréciation négative de ce texte.
L'amendement n°123 n'est pas adopté.
Les amendements nos175 rectifié ter et 176 rectifié ter sont retirés.
M. le président. - Amendement n°44 rectifié, présenté par Mme Génisson et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 19
Remplacer le mot :
conciliation
par le mot :
articulation
Mme Catherine Génisson. - Le mot « articulation » permet de mieux préciser la nécessité de répartir les temps consacrés respectivement à la vie personnelle, la vie familiale et la vie professionnelle.
La loi de 1983, dite Roudy, fondamentale pour l'égalité professionnelle, utilisait le mot d'articulation. Mme Roudy y tenait beaucoup.
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis favorable.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Avis favorable.
Mme Laurence Cohen. - Nous nous en réjouissons. Ce n'est pas un amendement de détail, à l'heure où l'on constate tant de glissements linguistiques et de reculs sociaux, particulièrement dans le domaine des inégalités entre les femmes et les hommes. J'espère que cet amendement sera voté à l'unanimité.
L'amendement n°44 rectifié est adopté.
M. le président. - Amendement n°45 rectifié, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par les mots :
et améliorer l'accès, le maintien et le retour à l'emploi des personnes handicapées
Mme Dominique Gillot. - Les innovations technologiques d'aujourd'hui doivent profiter au plus grand nombre. L'alinéa 19 prévoit que l'ordonnance y veille dans le domaine du travail via le télétravail.
Cet amendement le complète pour les personnes handicapées, pour lesquelles les déplacements suscitent davantage de fatigue. Elles ont trois fois moins de chance d'occuper un emploi et deux fois plus de risque de connaître le chômage. D'après les chiffres de l'IGAS, le taux de salariés licenciés après un avis d'inaptitude peut atteindre 97,5 %. C'est un gâchis pour l'entreprise qui perd une compétence et un gâchis humain pour la personne qui perd son identité professionnelle.
Le télétravail peut être la solution. Certes, il doit être utilisé avec précaution, le respect des conditions de travail et des horaires garanti. La situation catastrophique de l'emploi des personnes handicapées impose d'explorer toutes les options.
M. Alain Milon, rapporteur. - Ce thème n'a pas été identifié par les partenaires sociaux dans la lettre d'intention qu'ils ont envoyée à la ministre du travail en juin. Cet amendement permettra de leur envoyer un signal : sagesse très positive.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Des expérimentations intéressantes sont en cours, qui mériteraient une généralisation : avis favorable.
Mme Dominique Gillot. - Merci, notre assemblée fait avancer la cause des travailleurs handicapés. Ne pensons pas seulement aux personnes avec handicap moteur, les personnes avec des handicaps neurodéveloppementaux peinent parfois à travailler en collectivité à cause d'une surcharge affective ; dans un environnement familial bien adapté, elles peuvent donner le meilleur d'elles-mêmes. Avec cet amendement, nous ferons un grand pas en avant dans leur reconnaissance.
Mme Sophie Primas. - Je me réjouis de voter cet amendement. Il faudrait l'étendre à la fonction publique, au-delà des expérimentations - timides - réalisées par certaines collectivités.
Mme Nicole Bricq. - Le groupe La République en marche votera aussi cette proposition qui est dans le droit fil de l'article 57 de la loi El Khomri. Comme quoi, monsieur le président de la commission des affaires sociales, les rapports sont parfois utiles....
M. Alain Milon, rapporteur. - Je suis complètement d'accord avec Mme Bricq. (Exclamations amusées) Les rapports sont utiles pourvu qu'ils soient publiés et, quand ils sont publiés, pourvu qu'ils soient lus. Dans la loi El Khomri, il y avait une trentaine de demandes de rapport ; cinquante dans la loi Santé. Si nous les avions toutes votées, nous n'en aurions jamais vu la couleur.
M. René-Paul Savary. - Le télétravail, c'est l'avenir avec les espaces tiers, le coworking. Il ne concerne pas que les personnes handicapées.
Mme Nicole Bricq. - Bien sûr !
M. René-Paul Savary. - L'intégration des personnes handicapées, c'est de les inclure dans tous les dispositifs législatifs.
Le télétravail est un moyen de créer des emplois dans nos bassins de vie - pourvu qu'ils soient couverts par le très haut débit et la téléphonie mobile. C'est ainsi que nous sortirons nos territoires de leur isolement.
L'amendement n°45 rectifié est adopté.
M. le président. - C'est l'unanimité.
Amendement n°177 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier, Rapin, Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet.
Alinéa 19
Compléter cet alinéa par les mots :
et assouplissant la possibilité de modifier l'organisation du travail en cas de nécessité de retour du salarié dans l'entreprise
Mme Patricia Morhet-Richaud. - Dans un arrêt du 31 mai 2006, la Chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que l'employeur ne pouvait pas unilatéralement demander à un salarié travaillant à domicile d'exécuter sa prestation au siège de l'entreprise. Il convient d'assouplir cette règle, sans quoi les employeurs se refuseront à ce mode d'organisation du travail.
M. Alain Milon, rapporteur. - Qu'en pense le Gouvernement ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Les salariés travaillant à domicile relèvent d'un régime dérogatoire, qui diffère de ceux pour lesquels il est prévu de travailler à temps partiel dans un espace tiers. Retrait ou avis défavorable.
L'amendement n°177 rectifié ter est retiré.
M. le président. - Amendement n°125, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
Mme Laurence Cohen. - Le Gouvernement entend permettre de déroger par accord collectif de branche à la législation relative aux CDD et à l'intérim quand l'emploi intérimaire a progressé de 16 % depuis 2015. L'explosion de ce marché, qui fait le bonheur de certains, se traduit par plus de précarité pour les salariés. Vous connaissez la formule de Lacordaire : « Entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, le maître et le serviteur, c'est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit ».
C'est pourquoi nous demandons la suppression de cet alinéa.
M. le président. - Amendement identique n°159, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
M. Jean Desessard. - Le Gouvernement entend faciliter le recours à des contrats courts qui sont, par définition, précaires. Au quotidien, ils compliquent l'accès au logement et à l'emprunt ; ils ont un effet néfaste sur la santé des travailleurs. La précarisation du monde du travail nous inquiète au plus haut point. Les contrats courts doivent rester exceptionnels et le CDI doit rester le pilier de notre code du travail.
Dans « flexisécurité », il y a aussi « sécurité » ! Je ne vois rien dans ce texte qui ressemble à une sécurisation sociale des salariés.
M. le président. - Amendement n°153 rectifié, présenté par Mme Primas et M. Mouiller.
Alinéa 20
Compléter cet alinéa par les mots :
, et permettant l'accès à ces contrats dans certains secteurs d'activité où les contrats d'usage sont par nature successifs et temporaires
Mme Sophie Primas. - Cet amendement, que j'ai déposé plusieurs fois, concerne les « contrats d'usage » dits « extras ». Les gouvernements précédents m'avaient promis de se pencher sur ce dossier. Rien n'a avancé...
Ces contrats sont nécessaires pour faire face aux fluctuations des activités, notamment dans la branche Hôtels, Cafés, Restaurants (HCR). Une jurisprudence récente de la Cour de cassation les met en cause en exigeant que l'employeur fasse la preuve du caractère « par nature temporaire » de l'emploi. Dans les faits, cela lui est impossible à démontrer. Parfois, il a seulement quinze jours de visibilité. Des entreprises ont été condamnées à verser plusieurs centaines de milliers d'euros, elles sont au bord du dépôt de bilan.
L'IGAS a rendu un rapport en décembre 2015, proposant d'établir un contrat à durées déterminées successives mais s'est dispensé d'entendre le Synhorcat...
Voilà des années que ce problème traîne : il faut que le Gouvernement se prononce sur ce sujet.
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements identiques nos125 et 159.
Concernant l'amendement n°153 rectifié, Emmanuel Macron, alors ministre de l'économie, avait en effet annoncé au Sénat en 2015 que le problème posé par le revirement de jurisprudence de la Cour de cassation en 2008 pourrait être traité dans une future loi sur le dialogue social. L'IGAS a rendu un rapport très critique sur le sujet en décembre 2015. Le Gouvernement entend-il en tirer les conséquences ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Avis défavorable aux amendements identiques nos125 et 159 car les branches auront désormais la gestion et la qualité de l'emploi pour compétences. Cette évolution est le fruit des discussions des derniers jours avec les partenaires sociaux. Dans le cadre de cette nouvelle mission, les branches, pour lesquelles certains demandaient un rôle accru lors des débats sur la loi El Khomri, pourront adapter les types de contrats aux spécificités des secteurs et faire du sur-mesure.
À madame Primas, au-delà de la réponse de principe sur le rôle nouveau des branches, je veux dire que j'ai reçu hier le président du Synhorcat à l'occasion du comité interministériel sur le tourisme. Regardons comment ce sujet évolue, comment les branches s'en saisissent. La ministre s'est engagée fortement sur ce dossier, que je m'engage à suivre dans le détail. Sous réserve de cet engagement, retrait ?
M. Jean-Marc Gabouty. - Les contrats courts, ce serait l'horreur absolue, la précarité ? Les abus commis dans le secteur privé, mais aussi dans le public - je pense à certaines pratiques du ministère de la justice ou de La Poste - ne doivent pas les disqualifier. L'intérim et le CDD sont un moyen privilégié d'insertion dans la vie professionnelle, ce que révèle l'écart entre le flux et le stock : si 75 % des embauches se font en CDD, 85 % ou 90 % des contrats sont des CDI. Il est bon que les branches encadrent les contrats courts, qu'il faut arrêter de diaboliser.
M. Daniel Chasseing. - En effet, 75 % des embauches se font en CDD pour une durée moyenne de 18 mois, ce qui est très précaire. Mais c'est une voie vers le CDI : cet alinéa me semble donc bienvenu.
M. Jean Desessard. - Du sur-mesure dans les branches ? Cela s'appelle de l'élagage. (Sourires) Trêve de plaisanterie, nous avons besoin d'un revenu universel de base, en complément des contrats précaires. Avant de rejoindre le Gouvernement, le ministre y était d'ailleurs favorable...
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Vous m'enlevez les mots de la bouche !
M. Jean Desessard. - Mais ce n'est pas la position du Gouvernement. Aujourd'hui, il y a de plus en plus de contrats courts et des contrats de plus en plus courts ; l'employeur fait littéralement son marché ! Comment les gens peuvent-ils s'organiser dans ces conditions-là ? Je le redis, dans cette flexisécurité-là, il manque la sécurité.
M. Daniel Gremillet. - Je voterai l'amendement n°153 rectifié. Les contrats d'usage ne concernent pas seulement le tourisme. Le célèbre fromage des Vosges, le Mont d'Or, ne peut réglementairement être fabriqué que de septembre à mars. Sa fabrication, artisanale, nécessite beaucoup de main-d'oeuvre. Ces emplois, que les gens retrouvent souvent d'une année sur l'autre, sont souvent une réponse sociétale aux problèmes d'emploi des jeunes et des moins jeunes.
Mme Nicole Bricq. - Les branches sont capables de prendre en compte la diversité de notre tissu économique. Les secteurs de la mécanique, de la construction navale et du bâtiment ont besoin, pour satisfaire leurs commandes, de l'intérim mais aussi de recruter de la main-d'oeuvre qualifiée pour deux, trois, voire cinq ans. Si cette souplesse n'existe pas, je ne suis pas certaine que STX puisse honorer ses commandes. D'autres secteurs, comme la chimie, préfère embaucher au long cours. Confier cela aux branches, c'est une sécurité, un progrès, comme vous l'avez dit lors des débats sur la loi El Khomri.
La sécurité, monsieur Desessard ? C'est la formation professionnelle et l'élévation des compétences, un sujet qui, je l'espère, sera tout en haut de l'agenda gouvernemental.
M. Martial Bourquin. - Le Mont d'Or est un excellent fromage qui n'a d'égal que le Comté... (Sourires)
M. Antoine Lefèvre. - Et le Maroilles !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Et le Chaource !
M. Martial Bourquin. - Le véritable progrès, pour tous ceux qui participent à ces activités, a été l'annualisation du temps de travail.
L'appel à l'intérim est massif, il faut le dire. On ne peut pas toujours demander aux mêmes personnes de faire des efforts, de subir la précarité. Avoir besoin d'une caution parentale pour louer un logement quand on a 40 ans, c'est un drame humain. La précarité pose problème à tel point que certaines entreprises, comme PSA, commencent à réfléchir à augmenter le nombre de CDI.
Avec 35 milliards de dividendes versés au premier semestre, la France est championne d'Europe ! Quand on gagne 1,3 million en une journée après avoir supprimé 900 emplois, il est difficile de demander aux salariés d'en faire toujours plus. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)
M. Jean Desessard. - De qui parlez-vous ?
M. René-Paul Savary. - Pour élargir le périmètre de l'habilitation, nous avons besoin, pour ainsi dire, de votre bénédiction, monsieur Lemoyne. (Rires)
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - On me la fait depuis le CP !
M. René-Paul Savary. - Nous parlons d'emplois non délocalisables, qu'occupent souvent des personnes en difficulté. Les contrats d'usage, je vous le dis en tant que président de département, représente une action innovante pour l'insertion professionnelle. Je demande instamment à ma collègue Primas de ne pas retirer son amendement qui va dans le sens du Gouvernement. Vous le voyez, nous sommes constructifs !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Je ne veux pas laisser croire que certains voudraient précariser l'emploi...
M. Martial Bourquin. - Certains y gagnent !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Le projet présidentiel est un projet de mobilité sociale. Personne ne doit être assigné à la précarité. Le Gouvernement prévoit un plan de 50 milliards pour la formation professionnelle. C'est un effort sans précédent, nous avons besoin de cette richesse humaine car « il n'est de richesse que d'hommes », disait Jean Bodin. La barèmisation des indemnités et la sécurisation des procédures de licenciements favoriseront le recours aux CDI.
Mme Annie Guillemot. - Et les parachutes dorés !
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Nous n'avons aucunement l'intention d'industrialiser la précarité, l'objectif est d'aller vers des contrats le plus sécurisé possible. Donnez-nous crédit de notre ambition, de l'honnêteté de notre démarche.
M. Savary insiste sur l'amendement n°153 rectifié. Je me suis engagé à me pencher sur ce dossier, je ne l'ai pas renvoyé à une grand-messe à la Saint-Glinglin. Attendons de voir comment les branches se saisiront de ce sujet ; nous avons, de toute façon, une clause de rendez-vous qui n'est pas très lointaine : le projet de loi qui traitera de l'apprentissage. Si nous n'avons pas avancé, vous serez alors fondés à faire adopter cet amendement. Voilà la méthode que je vous propose, en toute bonne foi... (Sourires)
Mme Sophie Primas. - Je vous fais confiance, monsieur le ministre, comme je fais pleinement confiance à M. Macron. C'est pourquoi, je maintiens cet amendement très léger. Il ne vous emprisonnera pas, il ne fait qu'ouvrir le champ de négociation.
Monsieur Desessard, ces contrats temporaires comportent des contreparties puisque les modalités de bénéfice de l'assurance chômage se rapprochent de celles des intermittents du spectacle.
Monsieur le président Milon, le rapport de l'IGAS pointe surtout le problème posé par le déséquilibre des comptes sociaux. Je traite, avec cet amendement, d'une autre problématique.
M. Dominique Watrin. - Nous avons, à maintes reprises, défendu le rôle régulateur des branches, réclamé par les petits entrepreneurs pour éviter le dumping social, et nous le défendons encore. C'est d'ailleurs la position de l'UDES, l'union des entreprises sociales et solidaires.
Le sujet est différent ici : il s'agit de transférer l'encadrement des CDD aux branches. Près de 85 % des embauches se font ainsi (M. Jean-Marc Gabouty le nie), c'est intolérable. On va accroître la précarité sans rien régler des problèmes économiques. (M. Christian Favier applaudit.)
Réfléchissons plutôt au moyen de sécuriser ces emplois.
M. Olivier Cadic. - Mme Primas m'a recruté pour faire un extra : je voterai son amendement. (Sourires)
Les amendements identiques nos125 et 159 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°153 rectifié n'est pas adopté.
M. Jean Desessard. - C'est extra !
M. le président. - Amendement n°51 rectifié bis, présenté par MM. Tourenne et Botrel, Mmes Génisson et Jourda, MM. Labazée, Cabanel, Anziani et Godefroy, Mme Guillemot, M. Lalande, Mmes Lienemann et D. Gillot, M. J.C. Leroy, Mmes Perol-Dumont et Yonnet, M. Durain, Mmes S. Robert, Meunier et Monier, MM. Leconte, M. Bourquin, Mazuir, Assouline et Montaugé, Mme Tocqueville, M. Marie, Mme Blondin et M. Vandierendonck.
Alinéa 21
Supprimer cet alinéa.
M. Jean-Louis Tourenne. - Nous allons avoir l'occasion d'apprécier la sémantique dans ce qu'elle a de plus délicieux en parlant des contrats à durée indéterminée... à durée déterminée. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean Desessard applaudit également.) C'est un abus de langage. S'adresse-t-on vraiment à notre intelligence ? Mme Pénicaud a affirmé, dans un entretien, que le CDI resterait la norme. Le CDI à contrat déterminé ? Il sera impossible au juge de les requalifier. Quelles seront les durées plancher et plafond de ces contrats ? Seront-ils réservés à certains secteurs ?
Faut-il comprendre qu'ils annoncent la disparition du CDI ? En 2009, le ministre du travail voulait déjà étendre les contrats de chantier à d'autres secteurs que le BTP. En 2013, le Medef avait proposé un CDI de projet de neuf mois ; la mesure avait été retirée au dernier moment à la demande des syndicats. Cela ne nous étonne pas de voir ressurgir cette idée que nous refusons en espérant que ce ne soit pas l'annonce d'un nouveau et terrible monde. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Roland Courteau. - Bien dit !
M. le président. - Amendement identique n°126, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
M. Dominique Watrin. - Le Gouvernement s'inscrit dans une dynamique de flexibilisation du CDI. Selon lui, l'insécurité des salariés crée l'activité économique. Ce postulat est erroné, cette politique échoue depuis 30 ans. Le CDI est la condition sine qua non pour s'installer dans une vie digne de ce nom.
L'appellation « CDI de mission » ne trompera personne, on y verra la marque de la précarité. La situation actuelle est déjà inacceptable, et vous l'aggravez !
M. le président. - Amendement identique n°164, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
M. Jean Desessard. - L'idée de durée indéterminée n'apparaît que dans le nom du contrat, qui est un CDD déguisé. La simple lecture du contrat révélera l'artifice, qui ne permettra pas d'obtenir un bail ou un prêt - mais privera les salariés de la prime de précarité.
M. le président. - Amendement n°215 rectifié bis, présenté par MM. Assouline, Durain et Roger, Mmes Lepage, Guillemot et Monier et MM. Cabanel et Marie.
Alinéa 21
Remplacer les mots :
par accord de branche
par les mots :
pour les entreprises mentionnées à l'article 44 sexies-0 A du code général des impôts
M. David Assouline. - C'est un amendement de repli. D'où vient cette idée de CDI à durée déterminée ? Soyons clairs : du Medef, pas du monde du travail. Un contrat qui cumule les désavantages du CDD et de l'intérim ? C'est la marque du cynisme qui existe en politique comme chez les hauts fonctionnaires. Vous savez, à force, ce genre de choses va finir par irriter...
Il accroîtra la précarité dans les secteurs où elle est déjà forte.
Les Pays-Bas ont constaté que cette mesure n'avait pas augmenté les embauches mais fragilisé les salariés les plus précarisés à l'intérieur de l'entreprise - à tel point qu'ils envisagent de mettre fin à ce système.
M. le président. - Amendement n°19 rectifié bis, présenté par M. Mouiller, Mmes de Rose et Mélot, MM. Morisset, Commeinhes, César, Lefèvre, Bonhomme, D. Laurent, Savary et Gabouty, Mme Estrosi Sassone, MM. Pointereau, Longuet et de Legge, Mmes Morhet-Richaud, Billon et Imbert, MM. Rapin, Kern et Pellevat et Mmes Debré, Deromedi, Di Folco et Keller.
Alinéa 21
Après les mots :
d'un chantier
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, d'une opération ou d'un projet de croissance ;
M. René-Paul Savary. - Je vous propose un contrat de croissance. (Exclamations amusées à gauche)
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Voilà qui va encore simplifier !
M. René-Paul Savary. - Ce serait un contrat à durée indéterminée basé sur des objectifs collectifs liés à des indicateurs économiques prédéterminés. La non-atteinte, pendant une période, elle aussi prédéterminée, constituerait une cause réelle et sérieuse de licenciement. Contrairement au contrat de chantier, il a vocation à ne pas avoir de terme. Cela vise à favoriser les emplois pérennes.
M. le président. - Amendement n°205 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel.
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par les mots :
ou en permettant, à défaut d'accord de branche, le recours à ces contrats par élargissement d'une convention ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel étendus, en application de l'article L. 2261-17 du code du travail
Mme Élisabeth Lamure. - Le projet de loi restreint la possibilité de conclure des contrats de mission à l'adoption d'un accord de branche. Nous proposons donc qu'un accord de branche conclu au niveau professionnel ou interprofessionnel dans un autre secteur puisse être élargi au secteur professionnel ou à la branche d'activité concernée.
M. le président. - Amendement n°206 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel.
Alinéa 21
Compléter cet alinéa par les mots :
ou en permettant la conclusion de tels contrats, à défaut de convention ou d'accord de branche conclu dans les douze mois de la publication de la loi n°.... du.... d'habilitation à prendre par ordonnance les mesures pour le renforcement du dialogue social
Mme Élisabeth Lamure. - À défaut d'accord de branche conclu dans les douze mois à compter de la publication de la loi, les contrats de mission pourraient être mis en place dans le secteur considéré.
M. Alain Milon, rapporteur. - Les partenaires sociaux semblent souhaiter donner le monopole aux accords de branche en matière de gestion et de qualité de l'emploi : ils fixeraient un socle de règles communes pour éviter la concurrence sociale déloyale entre entreprises. La commission a précisé que la loi distinguera ce qui relève de l'ordre public absolu, des accords de branche et des dispositions supplétives. Défavorable aux amendements identiques nos51 rectifié bis, 126 et 164.
L'amendement n°215 rectifié bis écrase l'encadrement par les accords de branche. En outre, la notion d'expérimentation ne figure pas dans le texte de l'amendement. Retrait, sinon rejet.
Retrait ou avis défavorable à l'amendement n°19 rectifié bis. La notion de projet de croissance est séduisante mais n'a pas d'existence juridique. Celle d'opération est bien plus large. Faisons confiance à la négociation de branche pour définir le recours au CDI de chantier.
L'amendement n°205 rectifié est satisfait par le droit en vigueur. En outre, l'élargissement d'un accord n'a de sens que si les branches ont des caractéristiques économiques et sociales proches. Sagesse plutôt négative. Retrait de l'amendement n°206 rectifié, sinon avis défavorable.
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Remettons les choses en perspective. Les contrats de chantier concernent 20 000 salariés sur 23 millions, soit un salarié pour mille. Ils répondent à des besoins ponctuels et précis dans certains secteurs. Ils offrent de la visibilité à l'employeur et au salarié, qui n'enchaînera plus les CDD de six mois. Chez STX, les partenaires sociaux avaient conclu un pacte territorial autour des CDI de chantier accompagnés de dispositifs de formation professionnelle ; malheureusement, cet accord novateur n'a pu voir le jour faute de disposition législative qui le sécurise.
Nous ne pouvons pas mettre tout le monde sous la toise unique du CDI de quarante ans dans la même entreprise. Il est vain de vouloir construire des lignes Maginot dans ce domaine.
Pas de faux procès : il ne s'agit pas de précariser les salariés, mais de permettre un retour à l'emploi.
M. David Assouline. - Disposez-vous d'évaluations ?
M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État. - Il faut un regard dépassionné. (Mme Éliane Assassi s'amuse.) Avis défavorable aux amendements identiques nos51 rectifié bis, 126 et 164.
Défavorable également à l'amendement n°215 rectifié bis, nous souhaitons conserver l'épure.
Malgré ses efforts, M. Savary ne nous a pas convaincus. La rédaction actuelle englobe les opérations de croissance. Retrait de l'amendement n°19 rectifié bis, ou avis défavorable.
L'amendement n°205 est satisfait par le droit existant. Si la négociation n'aboutit pas, le ministre du travail peut déjà procéder à une extension. N'alourdissons pas le code. Retrait ou rejet. Idem pour l'amendement n°206 rectifié.
Mme Nicole Bricq. - Nous voterons contre les amendements de suppression. Peu importe le nom, la chose existe déjà : c'est le CDD à objet défini, mis en place par la loi du 25 juin 2008. L'expérimentation a duré plus de cinq ans. La loi Mandon de simplification de la vie des entreprises en a défini les règles en 2014.
Ce contrat qui donne souplesse et sécurité s'est révélé très utile pour l'industrie du futur, pour embaucher des ingénieurs et des cadres de haut niveau.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Dans la pharmacie !
Mme Nicole Bricq. - Non, dans les industries de pointe surtout. En tout état de cause, cela doit relever de la branche.
M. Jean-Louis Tourenne. - Avec ce système, je ne doute pas que le Gouvernement parvienne rapidement à afficher 90 % de CDI ! Je ne doute pas de son succès chez les employeurs... mais sa généralisation se fera au détriment des véritables CDI.
M. Martial Bourquin. - Bien sûr !
M. Jean-Louis Tourenne. - Après avoir réduit de 12 000 à 4 000 le nombre de salariés à Rennes, PSA retrouve de l'oxygène et crée des emplois. Le cycle de fabrication d'une voiture étant de quatre à cinq ans, il fallait jusqu'ici embaucher en CDI. Je parie que demain, elle utilisera votre contrat de chantier, sans prime de précarité, sans licenciement économique, sans accompagnement... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Martial Bourquin. - Très bien !
Mme Nicole Bricq. - PSA va recruter et investir à Rennes, vous devriez vous en réjouir !
M. Jean-Marc Gabouty. - Si on prive les constructeurs de cette possibilité, ils risquent surtout de délocaliser leur production. (Protestations à gauche) C'est ainsi !
Il ne s'agit pas de généraliser ce contrat. Vendre de la quincaillerie et construire des paquebots, ce n'est pas la même chose.
Observez les délais de plan de charge des entreprises de fabrication et de service : ils ont été divisés par trois ou quatre en vingt ans ! Certaines entreprises de centaines de salariés ont une vision du plan de charge qui ne dépasse pas la semaine ! Une entreprise qui n'est pas réactive risque de disparaître. Il faut de la flexibilité pour répondre aux conditions du marché, qui sont ce qu'elles sont.
M. David Assouline. - Je me demande si l'on ne qualifie pas ce contrat d'« indéterminé » pour mieux affaiblir le CDD. Ce serait le comble ! Sur 3,2 millions d'embauches en 2014, le CDD d'usage représente 126 000 équivalents temps plein.
L'absence d'étude d'impact réelle incite à proposer une expérimentation - pour pouvoir en tirer le bilan, comme aux Pays-Bas où l'échec est flagrant. Dans le numérique, ces contrats de projets peuvent avoir un sens.
Mme Laurence Cohen. - Un contrat « indéterminé », pour la durée d'un chantier ou d'une opération ? Dire ainsi une chose et son contraire, c'est se moquer des gens ! Cette mesure ne fera qu'amplifier la précarité. Les entreprises piocheront, à leur gré, y compris chez les cadres de haut niveau. Vous construisez un modèle de société où les salariés sont traités comme des kleenex. Dans un pays marqué par le chômage, est-ce ainsi qu'on va créer de l'emploi ? J'attends toujours qu'on me le démontre, d'autant plus que les protections tombent les unes après les autres. Le Gouvernement cherche à nous duper !
Les amendements identiques nos51 rectifié bis, 126 et 164 ne sont pas adoptés.
L'amendement n°215 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°19 rectifié bis est retiré.
Mme Élisabeth Lamure. - L'amendement n°205 rectifié étant satisfait, je le retire, dans un esprit de simplification. Quant à l'amendement n°206 rectifié, il mérite d'être précisé. Nous y reviendrons.
Les amendements nos205 rectifié et 206 rectifié sont retirés.
M. le président. - Nous avons examiné 37 amendements ce matin ; il en reste 49.
La séance est suspendue à 13 heures.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
La séance reprend à 14 h 35.
Rappel au Règlement
Mme Éliane Assassi . - Hier soir, madame la ministre, L'Humanité a révélé la plus-value que vous avez réalisée - 1,129 million d'euros - sur vos stock-options à la suite du licenciement de 900 personnes par le groupe Danone dont vous étiez directrice des ressources humaines. C'est très grave éthiquement, et peut-être légalement, puisque cela pourrait s'apparenter à un délit d'initié. C'est extrêmement grave politiquement, puisque vous défendez un projet de loi d'atomisation du code du travail, qui aggravera la précarité et appauvrira les salariés. Alors que le Gouvernement se livre à des comptes d'apothicaires en réduisant les APL, en gelant le point d'indice de la fonction publique, en cassant les services publics, que vous ayez engrangé des bénéfices indécents sur le dos de 900 familles appelle, à tout le moins, des explications. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Nous sommes ici pour fabriquer la loi, non pour répandre des approximations démagogiques à propos de personnes singulières. Chacun peut avoir son appréciation sur le niveau de la rémunération des dirigeants de grandes entreprises internationales. En tout état de cause, je veux le dire fermement, il s'agit en l'espèce d'une rémunération décidée plusieurs années avant le plan de départs volontaires que vous citez, qui a concerné deux cents personnes chez Danone. Il y a eu 233 solutions.
Si j'ai des choses à ajouter, je le ferai savoir en un autre temps, en un autre lieu. Restons-en aux faits, et à la loi qui nous occupe.
M. le président. - Amendement n°127, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 22
Supprimer cet alinéa.
Mme Laurence Cohen. - Dans la série des reculs sociaux que le Gouvernement veut faire passer pour des avancées, cet alinéa facilite le recours au travail de nuit, comme si les lois Macron et El Khomri n'avaient pas suffi. Il s'agirait seulement d'une quinzaine de minutes pour s'habiller ou compter la caisse ? Pourquoi ne pas renforcer plutôt l'encadrement légal du travail de nuit, qui concerne environ 3,5 millions de personnes, soit 15,4 % des salariés, exposés de ce fait à des troubles du sommeil, au cancer du sein, etc ? Si les règles peuvent être négociées entreprise par entreprise, les protections des travailleurs seront laminées.
M. le président. - Amendement identique n°157, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
M. Jean Desessard. - Troubles du sommeil, effets sur la santé psychique et les performances cognitives, maladies coronariennes, cancer, les risques du travail de nuit pour la santé sont avérés et reconnus par l'Organisation mondiale de la santé comme par l'Agence nationale de sécurité sanitaire et le Centre international de recherche sur le cancer. S'y ajoutent des conséquences lourdes sur la vie personnelle et sociale des salariés contraints au travail décalé. Demandez aux infirmières !
Nous refusons de voir facilité le recours au travail de nuit, surtout pour complaire à des enseignes commerciales qui ouvrent tard.
Encore un mot pour réagir aux propos de Mme la ministre. Certes, nous sommes ici pour faire la loi. Mais quel crédit accorder à quelqu'un qui a touché une prime de départ plus de mille fois supérieure à ce que perçoivent les salariés ordinaires ? Évidemment, vos oreilles se ferment, madame la ministre, quand nous critiquons les stock-options et les parachutes dorés ! Ce n'est pas votre probité qui est en cause, c'est votre capacité à entendre des remarques de gauche sincères sur la détresse des travailleurs. (M. Thierry Foucaud applaudit.)
M. le président. - Amendement n°46 rectifié, présenté par Mme Génisson et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 22
Supprimer les mots :
ainsi qu'en renforçant le champ de la négociation collective dans le définition du caractère exceptionnel du travail de nuit
M. Jean-Louis Tourenne. - Le travail de nuit est nuisible à la santé, chacun le sait. Deux études récentes du Centre international de recherche sur le cancer et de l'Anses l'ont encore démontré. Il a hélas perdu de son caractère exceptionnel, malgré les dispositions d'ordre public de l'article L. 3122-1 du code du travail. Le Gouvernement veut même revenir sur l'arrêt Sephora de la Cour de cassation, selon lequel le travail de nuit ne peut être un mode d'organisation normal du travail dans l'entreprise, et accorder une présomption de légalité aux accords collectifs qui l'autorisent. Il est aisé d'imaginer dans quels termes ces accords seront proposés aux salariés...
M. le président. - Amendement n°66 rectifié, présenté par M. Gabouty, Mmes Billon, Férat et Joissains et MM. Capo-Canellas, D. Dubois, Kern et Longeot.
Alinéa 22
Après le mot :
exceptionnel
insérer les mots :
ou non
M. Jean-Marc Gabouty. - Le travail de nuit doit être encadré, car il n'est pas naturel, vu nos rythmes biologiques. Mais il n'est pas nécessairement exceptionnel, puisqu'il est inhérent à certaines fonctions où il s'agit d'assurer la continuité du service public ou la sécurité. Pour un veilleur de nuit, c'est le travail de jour qui est exceptionnel !
M. Alain Milon, rapporteur. - Le travail de nuit présente des risques avérés et ne doit pas être banalisé. Cela n'empêche pas d'assouplir les plages horaires. Avis défavorable aux amendements nos127 et 157.
L'article L. 3122-1 du code du travail pose le principe d'ordre public selon lequel le travail de nuit doit être exceptionnel et justifié par la continuité de l'activité économique ou des services d'utilité sociale. En même temps, l'article L. 3122-15 renvoie à un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, à une convention ou un accord collectif de branche, le soin de justifier le recours au travail de nuit. Ce cadre juridique insatisfaisant explique l'incohérence de la jurisprudence. Il faut donc sécuriser juridiquement les choses, sans perdre de vue la santé des travailleurs. Avis défavorable à l'amendement n°46 rectifié.
Il faut distinguer l'activité nocturne d'une entreprise, qui peut être habituelle, du travail de nuit, exceptionnel selon un principe d'ordre public. Retrait ou rejet de l'amendement n°66 rectifié.
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail. - Le texte ne met nullement en cause le caractère exceptionnel du travail de nuit, dont les effets sur la santé sont reconnus de tous et qui fait partie des facteurs de pénibilité confirmés par le Gouvernement. Il s'agit plutôt ici de sécuriser les entreprises qui y recourent tout en protégeant les salariés dans un cas précis : celui où la fin de la journée des salariés est calée sur l'horaire de fermeture à la clientèle, à 21 heures. Concrètement, les salariés restent encore quelques instants pour ranger et fermer les locaux.
La Cour d'appel de Nîmes, le 22 septembre 2016, a accepté de laisser davantage de place à la négociation collective pour dire ce qui justifie le recours au travail de nuit : le Gouvernement souhaite prolonger cette logique. Les partenaires sociaux sont mieux placés que quiconque.
D'après la Dares, en 2014, 15,4 % des salariés du public et du privé travaillent la nuit. Il ne s'agit pas d'augmenter ce taux, mais de sécuriser à la marge cette pratique. Avis défavorable aux amendements identiques nos124 et 157 et à l'amendement n°46.
Retrait ou rejet de l'amendement n°66 rectifié, car nous souhaitons conserver au travail de nuit son caractère exceptionnel.
M. Jean Desessard. - Prévoir des dérogations de 21 heures à 21h 30 pour ranger le matériel ? La boutique n'a qu'à fermer à 20 h 45 ! Si encore vous nous disiez que des millions de touristes chinois venaient consommer de 21 heures à 23 heures et qu'une dérégulation entraînerait un surcroît d'activité considérable... Mais non, vous annulez en dix minutes des décennies de droit social pour ranger les balais et les placards ! Ce n'est pas sérieux. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Les amendements identiques nos127 et 157 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°46 rectifié.
M. Jean-Marc Gabouty. - Je m'incline, mais il y a quelque hypocrisie à dire que le travail de nuit est exceptionnel quand, en fait, il n'a rien d'une solution temporaire ou de substitution. On se donne bonne conscience...
L'amendement n°66 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°128, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 23
Supprimer cet alinéa.
M. Christian Favier. - Cet amendement a toutes les apparences du bon sens : permettre aux compétences des salariés d'être employées dans d'autres entreprises, en « favorisant et sécurisant » le prêt de main-d'oeuvre. Ne s'agirait-il pas en fait de favoriser le nomadisme organisé par les directions des groupes et entreprises, en revenant sur une jurisprudence qui a souvent établi son caractère illicite ? Encore un effort et les voies de recours deviendront inutiles, puisque l'ancienne fraude sera devenue légale...
M. le président. - Amendement n°222, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 23
Compléter cet alinéa par les mots :
ou une petite ou moyenne entreprise
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - On a souvent observé que les grandes entreprises françaises n'aidaient pas assez les plus petites à se développer. L'Oréal, Carrefour et d'autres se sont pourtant engagés dans cette voie, et proposent les services de cadres ou de techniciens volontaires. Ce prêt de main-d'oeuvre est très demandé, tant par les salariés concerné pour qui il constitue une expérience enrichissante, que par les petites entreprises qui n'ont pas les moyens de se payer un directeur juridique ou un expert en marketing, par exemple, et qui n'en ont d'ailleurs pas nécessairement besoin de manière permanente.
Or il n'existe pas de définition du prêt de main-d'oeuvre à but lucratif, de sorte qu'aujourd'hui l'entreprise d'accueil doit compenser intégralement le salaire versé par l'autre, ce qui lui est impossible.
Nous voulons donc sécuriser les choses et, par cet amendement, étendre le dispositif aux PME même anciennes, car le besoin ne se fait pas seulement sentir dans les jeunes entreprises. C'est une demande du secteur et des partenaires sociaux.
M. Alain Milon, rapporteur. - Le texte ne vise pas le prêt de main-d'oeuvre intragroupe ; avis défavorable à l'amendement n°128.
Avis favorable à l'amendement n°222 qui complète le texte adopté en commission.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°128. Merci à la commission pour sa bienveillance.
L'amendement n°128 n'est pas adopté.
L'amendement n°222 est adopté.
M. le président. - Amendement n°200 rectifié, présenté par MM. Nougein, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, M. Dufaut, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Joyandet, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Panunzi, Perrin, Pierre, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel.
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Permettant à une convention ou un accord d'entreprise ou, à défaut à un accord de branche, de fixer la durée minimale de travail à temps partiel ;
Mme Sophie Primas. - Cet amendement confie à la négociation collective d'entreprise ou, à défaut, de branche, le soin de fixer, de manière facultative, une durée minimale de travail à temps partiel. Le seuil de 24 heures retenu en 2013 ne correspond pas aux besoins de nombreux secteurs, ni à ceux des étudiants, par exemple.
M. Alain Milon, rapporteur. - On peut comprendre votre volonté d'assouplissement, mais ajouter ce nouveau sujet à la liste des habilitations données au Gouvernement serait contraire à l'article 38 de la Constitution...
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis défavorable, car nous souhaitons préserver l'équilibre de l'accord national interprofessionnel de 2013. Le principe d'une durée minimale a été entériné pour lutter contre le temps partiel subi. Depuis, beaucoup de souplesses ont été introduites : le seuil peut être modifié par accord de branche ou si un salarié le demande pour cumuler plusieurs activités ou pour convenances personnelles ; les étudiants bénéficient d'une dérogation de plein droit, les contrats de moins de sept jours ou de remplacement sont exclus du champ. Près de 80 accords de branche ont été conclus à ce propos depuis 2013, ce qui couvre déjà 80 % des salariés à temps partiel. Il me semble donc prudent d'en rester à une approche par branche, d'autant que ce sujet appartient à un domaine confié aux branches, la gestion et la qualité de l'emploi.
Mme Catherine Procaccia. - Des dérogations existent, c'est vrai, mais certaines entreprises, de même que le Sénat, imposent dix-sept heures trente aux étudiants. Pouvez-vous m'éclairer, madame la ministre ?
M. Jean Desessard. - Je ne suis pas loin d'être d'accord avec Mme Primas. (On s'en amuse à droite.) La limite de 24 heures n'est pas adaptée. Je comprends que la gauche traditionnelle y soit attachée, pour éviter les mi-temps. Mais ces derniers sont une réalité. Beaucoup d'entre nous disposons de deux collaborateurs et demi... Nos assistants donnent leur accord pour travailler à mi-temps, me dira-t-on, mais on ne leur laisse pas le choix !
Je ne voterai cependant pas votre amendement, madame Primas, car il prévoit une négociation au niveau de l'entreprise. Mieux vaudrait la branche.
M. René-Paul Savary. - Cet amendement introduit une souplesse utile. Certaines personnes veulent faire deux mi-temps... La durée minimale entretient la précarité et freine l'emploi. Ôtons ce taquet plus limitatif qu'ambitieux.
Mme Sophie Primas. - Une vraie simplification par le biais d'accords collectifs vaudrait mieux que des dérogations. Je me range toutefois aux arguments de la commission.
L'amendement n°200 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°202 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel.
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Permettant, à défaut d'accord collectif dans les entreprises de moins de cinquante salariés, la conclusion de conventions individuelles de forfaits en jours et en heures sur l'année, sous réserve que l'employeur fixe les règles et respecte les garanties prévues aux articles L. 3121-62 et L. 3121-63 du code du travail ;
Mme Sophie Primas. - Cet amendement facilite le recours aux conventions de forfait dans les entreprises de moins de 50 salariés, en les exonérant de l'obligation de conclure un accord collectif pour mettre en place cette forme d'organisation du travail. Toutefois, elles devront se soumettre aux conditions nouvelles introduites par la loi Travail pour assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés en forfait. Une telle mesure est particulièrement intéressante pour les entreprises innovantes en phase de croissance, dont les jeunes cadres ont depuis longtemps abandonné les horaires fixes et le travail de bureau.
M. Alain Milon, rapporteur. - Cet amendement est lui aussi contraire à l'article 38 de la Constitution, j'en suis désolé. L'élargissement des accords de branche, prévu à l'article 4 du texte, pourrait vous satisfaire. Retrait ou rejet.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable. Il sera en effet possible d'y pourvoir au niveau de la branche ou de l'entreprise. Par cohérence, n'introduisons pas de dérogation à l'accord d'entreprise.
L'amendement n°202 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°208 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Dassault, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. Fontaine, B. Fournier, J.P. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski et Poyart, Mme Primas, MM. Raison, Rapin, Reichardt, Revet et Savin, Mmes de Rose et Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel.
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Permettant à l'employeur, à défaut d'accord collectif dans les entreprises de moins de cinquante salariés, de mettre en place une répartition des horaires sur une période ne pouvant être supérieure à douze semaines ;
Mme Élisabeth Lamure. - Cet amendement porte de neuf à douze semaines la durée de la période de référence sur laquelle un dispositif d'aménagement du temps de travail peut être mis en place unilatéralement par l'employeur dans les entreprises de moins de 50 salariés. Les entreprises pourront ainsi mieux s'organiser pour s'adapter aux évolutions et aux contraintes de leur activité même lorsqu'elles ne sont pas en mesure, comme les TPE et PME, de négocier et de conclure un accord collectif sur le sujet.
M. Alain Milon, rapporteur. - Sur le fond, vous avez gain de cause si le Gouvernement encourage la conclusion d'accords types. Sur la forme, l'amendement est aussi irrecevable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Encourageons la négociation. Cela fait du grain à moudre dans les entreprises. Je suis d'accord sur le fond. Avis défavorable.
L'amendement n°208 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°203 rectifié, présenté par Mme Primas, MM. Allizard, G. Bailly, Bas, Bonhomme, Buffet, Calvet, Cambon, Cantegrit et César, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon, Chatillon, Cuypers, Dallier, Danesi, Darnaud, Delattre et del Picchia, Mmes Deroche, Deromedi et Di Folco, M. Doligé, Mme Duchêne, MM. Dufaut et Duvernois, Mme Estrosi Sassone, MM. B. Fournier et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, MM. Genest, Grand, Gremillet, Grosdidier, Guené, Huré, Husson, Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mme Lamure, MM. Laufoaulu, D. Laurent, Lefèvre, de Legge, Leleux, P. Leroy, Longuet, Magras, Malhuret, Mandelli, A. Marc et Mayet, Mme Mélot, MM. Nègre, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Perrin, Pierre, Pillet, Pointereau, Poniatowski, Poyart, Raison, Rapin, Reichardt, Retailleau, Revet et Savin, Mme Troendlé et MM. Vaspart, Vasselle et Vogel.
Après l'alinéa 23
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
...) Permettant à un salarié de renoncer à tout ou partie de ses jours de repos ou de ses jours de congés payés, en contrepartie d'une majoration de salaire ;
Mme Sophie Primas. - Demande de salariés de plus en plus nombreux, cet amendement permet la conversion en rémunération de temps de repos, indépendamment du contenu des accords collectifs et indépendamment du statut de ce temps : congé, RTT, repos... C'est un dispositif particulièrement attendu par les salariés les plus jeunes, leur offrant une augmentation ponctuelle de leur pouvoir d'achat.
M. Alain Milon, rapporteur. - Il est aussi irrecevable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Le IIe alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et la directive européenne sur le temps de travail y font obstacle en deçà de quatre semaines. Les comptes épargne-temps (CET) et le rachat de jours de RTT restent possibles pour les salariés au forfait jour.
Mme Sophie Primas. - Merci pour ces explications.
L'amendement n°203 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°219 rectifié bis, présenté par MM. Assouline et Durain, Mmes Lienemann et Jourda, M. Labazée, Mme Meunier, M. Roger, Mme Yonnet, MM. Mazuir, Godefroy, Montaugé, Cabanel et M. Bourquin et Mmes Blondin, Guillemot, Monier et Lepage.
Alinéa 24
Supprimer cet alinéa.
M. David Assouline. - Les derniers chiffres connus font état d'une chute libre du nombre d'affaires prud'homales. Pourquoi ? Parce que le nouveau formulaire à remplir, depuis la loi Macron, a sept pages au lieu d'une.
M. Jean Desessard. - Évidemment !
M. David Assouline. - L'actuel président de la République n'a donc pas toujours simplifié ! Le regroupement des juridictions de proximité a aussi contribué à emboliser le système. Dans les années 1980, la réponse à l'allongement des délais des juridictions administratives a été le développement des tribunaux administratifs. Pour une justice rapide, il faut des moyens ! Pierre Joxe a montré que la Belgique, la Suisse, ou l'Allemagne avaient des juridictions sociales bien plus efficaces.
L'amendement n°179 rectifié bis n'est pas défendu.
M. le président. - Amendement n°178 rectifié ter, présenté par Mmes Gruny et Morhet-Richaud, MM. Mandelli, Dallier, Rapin, Pellevat et Vaspart, Mme Canayer, M. Mouiller, Mme Di Folco, MM. Lefèvre et Pierre, Mme Mélot et MM. Cornu, Chasseing, Commeinhes et Gremillet.
Alinéa 24
Après le mot :
modifier
Insérer les mots :
et simplifier
M. Antoine Lefèvre. - Il ne suffit pas de modifier le régime fiscal et social des sommes versées dans le cadre des indemnités abusives. Il convient également de simplifier le régime applicable, devenu beaucoup trop compliqué.
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement n°219 rectifié bis.
Les règles fiscales sont en effet trop complexes, mais avis défavorable à l'amendement n°178 rectifié ter.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Le texte n'a pas vocation à fonder une nouvelle réforme de la procédure prud'homale ; la dernière est encore en cours de mise en oeuvre !
Les dispositions fiscales et sociales sont plus avantageuses en cas de contentieux que de conciliation, ce qui est curieux. Avis défavorable à l'amendement n°219 rectifié bis.
Avis favorable à l'amendement n°178 rectifié ter : simplifier est toujours une bonne idée.
M. Jean Desessard. - Nous avons examiné la réforme des prud'hommes il n'y a pas si longtemps. La gauche l'a combattue : écologistes, communistes... et socialistes ? M. Assouline a tout dit : un formulaire de sept pages est fait pour les cadres ! C'est un système censitaire ! Les plus démunis hésitent déjà beaucoup à saisir la justice, pour des raisons tant financières que culturelles...
Vous auriez donc pu manifester votre empathie envers la classe ouvrière et les plus précaires, madame la ministre, et annoncer que tous les moyens seraient mis en oeuvre pour leur garantir un accès libre au tribunal !
Mme Sophie Primas. - Pourquoi ?
M. Jean Desessard. - Parce que ceux qui profitent le plus des prud'hommes sont les cadres, pas les plus précaires, voilà pourquoi !
Mme Nicole Bricq. - Un petit rappel : le groupe socialiste a voté la réforme des prud'hommes...
M. Jean Desessard. - Il me semblait bien...
Mme Nicole Bricq. - ... pour mettre un terme à l'engorgement des tribunaux. À Meaux, cela a même valu à l'État d'être condamné par le Conseil d'État pour délais déraisonnables.
Il n'y a pas de lien avéré entre cette réforme et la baisse du taux de recours. Privilégier la conciliation sur les plans fiscal et social est cohérent, mais il n'est pas question d'engager une nouvelle réforme.
M. David Assouline. - Je ne veux pas faire de procès d'intention ; je signale des risques. C'est fort de café de dire qu'il n'y a pas de lien entre réforme des prud'hommes et la réduction de 30 % des recours !
M. Jean Desessard. - C'est le réchauffement climatique !
Mme Nicole Bricq. - Je sais de quoi je parle, à la différence de vous !
Mme Éliane Assassi. - Sur tous les débats, vous êtes toujours la seule à savoir de quoi vous parlez !
Mme Nicole Bricq. - Je travaille, c'est tout ! (On s'amuse à droite.)
M. David Assouline. - Cela fait un certain nombre d'années que je siège ici. Madame la ministre, vous commencez très mal : vous n'avez pas fait un seul petit pas en direction de la gauche, que ce soit sur les petites précisions ou sur de grands amendements. À une seule exception près, peut-être ! Je vous le dis, cela ne va pas durer cinq ans ! On va finir par se révolter...
M. Antoine Lefèvre. - Des menaces !
M. Jean Desessard. - Vous voilà prévenue.
M. Jean-Louis Tourenne. - Des affirmations péremptoires non prouvées ne sont pas des arguments. Je ne m'attendais pas à cela en arrivant au Sénat. La conciliation a une connotation très favorable : je croyais que c'était la véritable intention de l'article. Quand je regarde l'écart entre les nobles intentions affichées par les articles du projet de loi initial et le débat qui se déroule, je discerne votre intention cachée : donner moins d'affaires aux prud'hommes. C'est écrit ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean Desessard applaudit également.)
M. Alain Milon, rapporteur. - Il n'est pas dans l'intention du Gouvernement de réformer les prud'hommes, qui marchent mal. La commission des affaires sociales a accepté ma proposition de constituer un groupe de travail commun avec la commission des lois sur le sujet.
À la rentrée, cette commission commune permettra de travailler ensemble, selon la méthode qui m'est chère, et que nous avons pratiquée à la commission des affaires sociales, consistant à associer plusieurs rapporteurs de groupes politiques différents.
L'amendement n°219 rectifié bis n'est pas adopté.
L'amendement n°178 rectifié ter est adopté.
M. le président. - Amendement n°62, présenté par Mme D. Gillot et les membres du groupe socialiste et républicain.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° De faciliter l'accès, le maintien et le retour dans l'emploi des personnes handicapées et de leurs proches aidants.
Mme Dominique Gillot. - C'est un amendement forcément d'appel demandant au Gouvernement, si la Constitution me le permet, d'étendre le champ des ordonnances. Les amendements que j'ai défendus ont permis de changer le regard sur l'accès au travail et le retour à l'emploi des personnes handicapées. Mais il est utile voire urgent de revoir la politique de l'insertion dans l'emploi, pour éviter les trappes à exclusion, les risques de la désinsertion professionnelle. Une politique publique est ici indispensable pour décloisonner les efforts de chacun et lutter contre les injustices qui sont réelles. La primauté du droit commun doit être recherchée.
Une stratégie pluriannuelle devrait être déterminée pour l'emploi de qualité des personnes handicapées.
Tout cela doit se faire à chaque loi dans le cadre d'une politique inclusive pour faciliter l'accès, le maintien et le retour à l'emploi des personnes handicapées. Les ordonnances n'intègrent pas cet objectif.
M. Alain Milon, rapporteur. - De l'aveu même de Mme Gillot, cet amendement est contraire à l'article 38 de la Constitution, puisqu'il étend le champ des ordonnances. Mais nous avons adopté ce matin l'amendement n°44 qui poursuit le même objectif ! Retrait ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - J'ai la même réponse que le rapporteur sur le plan juridique. Le plan santé au travail a été approuvé par les partenaires sociaux, qui prévoit des actions spécifiques à l'insertion des personnes handicapées. C'est une priorité, qui implique la mobilisation des acteurs. J'y prends ma part au ministère du travail.
Mme Dominique Gillot. - Je le retirerai. J'apprécie beaucoup votre écoute depuis le début de la discussion. Mais rappeler le plan santé au travail, c'est encore une fois relier la politique du handicap, qui va bien au-delà, à la seule politique de santé, contrairement au souhait du président de la République. Tous les partenaires du dialogue social sont concernés. Vous auriez pu reprendre un tel amendement à votre compte, ce qui n'aurait pas été contraire à la Constitution.
L'amendement n°62 est retiré.
M. le président. - Amendement n°220, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° De préciser les modalités du suivi médical exercé par l'Office français de l'immigration et de l'intégration et les conditions de recrutement de ses personnels médicaux.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Il s'agit d'une mesure de court terme, très opérationnelle. C'est comme pour la médecine du travail, nous manquons de candidatures.
La visite médicale réalisée par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a surtout pour objet d'offrir aux primo-arrivants une première prise en charge à visée médicale, la prévention de l'introduction sur le territoire national de pathologies infectieuses relevant davantage du contrôle sanitaire aux frontières. Il est donc proposé de remplacer le terme « contrôle médical » par le terme neutre de « visite médicale », mieux à même d'accompagner l'évolution de cette mission dans le sens de la prévention et de la promotion de l'accès aux soins.
Parce que les médecins de l'OFII ont une compétence reconnue dans le domaine de la santé des migrants, il serait souhaitable de prolonger l'activité de ceux qui sont actuellement en poste et qui atteignent l'âge de la retraite.
M. Alain Milon, rapporteur. - Après deux campagnes électorales marquées par le dégagisme, on a de nouveau besoin des « vieux » pour faire le travail ! (Sourires) Il ne faudrait pas que ce texte consacré au dialogue social serve de réceptacle à toutes sortes de dispositions...
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Je suis d'accord... Sagesse.
L'amendement n°220 est adopté.
M. le président. - Amendement n°237, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° De sécuriser et de compléter l'article L. 1224-3-2 du code du travail, notamment en ce qui concerne son application dans le temps.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Merci au président Milon pour sa bienveillance sur le dernier amendement : j'ai éliminé beaucoup de telles dispositions...
Grâce au transfert conventionnel, les salariés voient leurs contrats repris par les nouveaux prestataires se succédant sur un même site. La loi Travail a reconnu la légitimité de cette pratique, fréquente dans certains secteurs, tout en l'encadrant. Ainsi, cette disposition précise les modalités d'un tel transfert pour les milliers d'entreprises du nettoyage et de la propreté, employant 60 000 salariés...
M. Alain Milon, rapporteur. - La Cour de cassation a considéré le 15 janvier 2014 que les transferts conventionnels ne justifiaient pas de différences de rémunérations. L'ajout de cette habilitation précise l'application dans le temps d'une mesure introduite par l'article 95 de la loi du 8 août 2016 créant l'article L. 1224-3-2 sur l'application d'un accord de branche étendu qui prévoit la poursuite des contrats de travail entre deux entreprises prestataires se succédant sur un même site.
Il s'agit d'une question très technique. Cette extension est justifiée. Avis favorable.
Mme Évelyne Yonnet. - Il y avait dans le temps les fusions-absorptions... Ne correspondent-elles pas à ce schéma ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - C'est un sujet différent. Ici, aucune entreprise n'est absorbée. Il s'agit d'entreprises qui perdent un contrat annuel ou bisannuel et sont remplacées par une autre. Au lieu de licencier leur personnel, qui peut être réembauché par la nouvelle entreprise attributaire du marché, elles peuvent le transférer.
M. Jean-Louis Tourenne. - Pourquoi restreindre cette faculté aux entreprises de nettoyage ? Cela peut concerner les transports, la restauration collective... Je n'ai pas vu les conditions sous lesquelles le salarié conserve son statut.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - La propreté était un exemple. Il faut cependant qu'il y ait un accord de branche. Les secteurs concernés sont la propreté, la manutention, le ferroviaire et la sécurité. C'est néanmoins une bonne pratique, favorable aux droits des salariés et à l'emploi, à étendre et encourager.
M. Olivier Cadic. - Nous soutenons cet amendement très attendu par les fédérations professionnelles.
L'amendement n°237 est adopté.
M. le président. - Amendement n°247, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° De diminuer ou supprimer la durée d'ancienneté minimale, prévue à l'article L. 1234-9 du code du travail.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Je vous prie d'excuser le dépôt tardif de cet amendement. L'article 1234-9 du code du travail donne droit au salarié en CDI à une indemnité de licenciement dès lors qu'il compte, depuis la loi de modernisation du marché du travail, une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur.
Cette disposition exclut donc du bénéfice de l'indemnité de licenciement une partie non négligeable de salariés, alors même qu'un licenciement constitue une rupture dans la vie professionnelle du salarié, qu'il intervienne au bout de quelques mois ou de plusieurs années. Elle induit en outre des effets de seuils importants lorsque le salarié licencié a un peu moins d'un an d'ancienneté.
Cet amendement permet au Gouvernement d'abaisser, voire de supprimer la condition d'un an d'ancienneté nécessaire à l'ouverture du droit à l'indemnité de licenciement, sachant que l'ancienneté est toujours prise en compte dans le calcul de l'indemnité.
M. Jean-Louis Tourenne. - Vous voyez que vous pouvez être humaine !
M. Alain Milon, rapporteur. - Je regrette le dépôt bien tardif, en effet, de cet amendement, quelques minutes seulement, avant son dépôt en séance, alors que vous l'aviez annoncé à l'Assemblée nationale. (Mme Muriel Pénicaud, ministre, le reconnaît.) La commission n'a pas pu se réunir. À titre personnel, je propose un avis de sagesse positive.
Attention à ne pas augmenter le montant de l'indemnité légale par voie réglementaire.
L'amendement n°247 est adopté.
M. le président. - Amendement n°129 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le paragraphe 2 de la sous-section 1 de la section 4 du chapitre III du titre III du livre II de la première partie du code du travail est ainsi modifié :
1° À l'intitulé, les mots : « dix refus ou plus » sont remplacés par les mots : « plusieurs refus » ;
2° À l'article L. 1233-25, les mots : « Lorsqu'au moins dix » sont remplacés par les mots : « Lorsque plusieurs ».
Mme Laurence Cohen. - Les entreprises n'ont pas à présenter de PSE si le nombre d'emplois concernés est inférieur à dix sur trois mois, ce qui donne lieu à des abus d'entreprises qui jouent sur le temps de travail pour se soustraire à l'obligation. Cet amendement y remédie. Il est de la responsabilité du législateur de s'assurer que sa volonté n'est pas détournée, en remplaçant le seuil de dix par la simple mention « plusieurs ». J'espère un avis favorable sur cet amendement, puisque vous venez de présenter - enfin ! - un amendement favorable aux salariés. (M. Jean-Louis Tourenne sourit.)
M. Alain Milon, rapporteur. - « Plusieurs », cela commence à deux... Cet amendement est contraire à la directive du 20 juillet 1998, qui fixe un seuil de dix. Retrait ou avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Le mot « plusieurs » a été abandonné au profit du seuil de dix salariés justement pour éviter les PSE dès qu'il y avait deux licenciements. Avis défavorable.
L'amendement n°129 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°133 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'article L. 1235-10 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1235-10. - Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciements dont le motif doit être conforme à l'article L. 1233-3 concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, la procédure de licenciement est nulle tant que le plan de reclassement des salariés prévu à l'article L. 1233-61 et s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés.
« La réalité et le sérieux du motif économique sont appréciés au niveau de l'entreprise ou de l'unité économique et sociale ou du groupe.
« La validité du plan de sauvegarde de l'emploi est appréciée au regard des moyens dont dispose l'entreprise ou l'unité économique et sociale ou le groupe.
« Le respect des obligations en matière de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ainsi que la nécessité d'informer le plus en amont possible les représentants du personnel doivent être également pris en compte.
« La nullité du licenciement peut être prononcée par le juge dès lors que l'information et la consultation ne revêtent pas un caractère loyal et sincère ou lorsqu'elles ne comprennent pas un effet utile lié à la consultation.
« Le premier alinéa n'est pas applicable aux entreprises en redressement ou liquidation judiciaires. »
M. Dominique Watrin. - La loi El Khomri facilite les licenciements économiques et le salarié devient une variable d'ajustement.
La latitude laissée au juge avant cette restriction avait donné lieu à une jurisprudence très protectrice. Cet amendement restaure donc cette latitude dans sa plénitude.
Il s'agit encore d'éviter l'abus des licenciements économiques. Cet amendement fait suite à celui que j'ai présenté hier qui interdit les faux licenciements. Tandis que certains se gavent de stock-options, seuls 15 % des licenciés économiques sont dans l'emploi après trois mois et 37 % doivent accepter des baisses de salaire dans leur nouvel emploi.
M. Alain Milon, rapporteur. - Cet amendement ne tient pas compte de la réforme des PSE intervenue en 2013, dont les résultats sont très positifs. Deux tiers des PSE font désormais l'objet d'un accord majoritaire. Avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Cet amendement avait plus d'inconvénients que d'avantages. M. le rapporteur a rappelé la réforme de 2013, qui a permis de diminuer certains contentieux par clarification. Il mélange plusieurs notions de régimes de licenciements économiques. L'article existant est plus large. La matière est très technique, je vous prie de m'en excuser. Le périmètre du PSE est apprécié au regard des moyens du groupe si l'entreprise appartient à un groupe. Votre amendement, plus vague, risque de créer de la confusion dans un champ qui a été clarifié. Avis défavorable.
L'amendement n°133 rectifié n'est pas adopté.
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'article 3 est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°137 :
Nombre de votants | 339 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Pour l'adoption | 186 |
Contre | 108 |
Le Sénat a adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°132, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 3
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
1° L'article L. 2323-3 le code du travail est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Il peut également élaborer des propositions complémentaires ou alternatives aux projets de l'employeur. » ;
b) Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'employeur est tenu de prendre en considération avis, voeux et propositions après les avoir mis à l'étude et en débat. Il rend compte, en la motivant, de la suite donnée aux avis, voeux et propositions. » ;
2° L'article L. 2323-17 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les modalités de recours aux contrats de travail à durée déterminée et aux salariés des entreprises de travail temporaire font l'objet d'une consultation annuelle du comité d'entreprise et d'un avis conforme. Les contrats ne peuvent être conclus que s'ils respectent les modalités de recours ayant reçu l'avis conforme du comité d'entreprise, qui peut saisir l'inspecteur du travail. »
M. Christian Favier. - Cet amendement renforce les droits des comités d'entreprise qui, d'après l'article L. 2323-3 du code du travail peuvent émettre des voeux mais seulement en lien avec les projets de l'employeur. Il leur permet d'élaborer des propositions complémentaires ou alternatives aux projets de l'employeur, qui devront être mises à l'étude et en débat par ce dernier. Il s'agirait là d'une évolution favorable à toutes les parties prenantes.
Nous proposons également de renforcer les pouvoirs du comité d'entreprise en matière de recours aux formes précaires de contrat de travail par l'entreprise. Dans ce domaine, l'avis conforme du comité d'entreprise doit être requis pour prévenir de manière effective le développement de contrats atypiques au sein du collectif de travail.
M. Alain Milon, rapporteur. - Aujourd'hui, le comité d'entreprise doit être consulté et informé sur les projets de l'employeur. Vous proposez qu'il puisse faire des propositions complémentaires ou alternatives à celles de l'employeur. C'est une évolution majeure de notre droit dont nous ne mesurons pas la portée. Avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable également. Nous proposons la mise en place du comité social et économique au sein de l'entreprise. Vous proposez d'aller bien au-delà de son rôle d'information et de consultation, qui est important. Nous manquons de visibilité sur les conséquences d'une telle réforme, en effet majeure.
Les dispositions que nous proposons sont largement suffisantes pour le développement d'un dialogue social que nous souhaitons tous.
L'amendement n°132 n'est pas adopté.
ARTICLE 4
Mme Laurence Cohen . - L'article 4 n'est pas un article technique. La France a le taux le plus important de salariés protégés par un accord de branche. C'est précieux pour les salariés de TPE-PME. La plus grande possibilité de s'opposer à un accord de branche mettrait cette protection en danger.
Grâce à ces accords de branche, les salaires ont continué à augmenter, accroissant leur productivité d'autant. Certes, il n'est pas du goût du Medef... ce qui explique sans doute votre opposition au développement de nouveaux droits pour les salariés.
Mme Sophie Primas . - En France, d'après une étude de l'institut allemand de recherche économique IFO (Institut für Wirtschaftsforschung) commandée par la délégation aux entreprises, 98 % des salariés sont protégés par des accords collectifs, un taux bien plus large que celui des entreprises membres d'organisations patronales, alors que ces deux taux sont de 57 % en Allemagne. Il faut être critique sur l'extension à la française, et ses effets sur le chômage et sur son danger pour le principe de libre concurrence, selon le Conseil d'État lui-même.
M. Jean-Louis Tourenne . - L'article 4 est en effet loin d'être seulement technique. Pour citer Corneille, et sa fameuse formule oxymorique, il est bien d'une « obscure clarté ».
L'alinéa 2 entend sécuriser les accords collectifs en précisant comment les employeurs peuvent s'y opposer. La loi du 5 mars 2014, en en fixant les règles, a établi le mécanisme d'opposition à l'accord de branche.
Madame la ministre, qu'entendez-vous par « améliorer et sécuriser juridiquement » l'extension, et quels sont vos pouvoirs en la matière ?
M. le président. - Amendement n°57, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
M. Dominique Watrin. - Cet article supprime l'extension, cet acquis du Front populaire, qui a permis d'uniformiser la protection d'une même branche, de lutter contre le dumping social et a fait des salariés français les mieux protégés en Europe au niveau de la branche. N'y touchons pas ! Cet article est dangereux.
M. le président. - Amendement identique n°84 rectifié, présenté par Mmes Yonnet, Lienemann et Jourda, M. Labazée, Mme Monier et M. Manable.
Mme Évelyne Yonnet. - Une telle mesure nivellera le dialogue social par le bas. Pourquoi modifier les règles pour exonérer certaines entreprises et leurs salariés de la protection des accords de branche ? Alors que la majorité des effets de la loi du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours ne sont pas encore évalués, ce n'est nullement opportun.
Nos économies ont déjà trop souffert de la concurrence déloyale au sein du territoire pour que nous y ajoutions encore cela.
La Commission européenne a elle-même estimé, en mai, qu'il ne convenait pas d'aller plus loin dans la réforme du code du travail et le détricotage des relations sociales. Je vous demande, madame la ministre, de supprimer cet article.
M. Alain Milon, rapporteur. - Les auteurs des amendements identiques nos57 et 84 rectifié auront, semble-t-il, mal lu cet article qui ne permet en aucun cas à une entreprise de s'émanciper d'un accord étendu, pas plus qu'il ne favorise en quoi que ce soit le dumping social. Avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis. Je conçois que la rédaction de cet article soit complexe. Il traite en effet de quatre sujets différents.
L'alinéa 1 codifie la jurisprudence du Conseil d'État qui impose au ministère de prendre en compte une atteinte excessive aux règles de la concurrence. Nous renforçons la prise en compte des besoins des petites entreprises et de l'impact sur l'emploi des accords de branche étendus. Nous regarderons comment le ministre pourra prendre l'avis d'experts pour prendre les décisions pertinentes et éclairées, sachant que les situations peuvent être très différentes d'un secteur d'activité à l'autre.
L'alinéa 2 permet un élargissement partiel, par exemple pour le forfait-jour.
Le troisième alinéa clarifie et définit les secteurs relevant du niveau national, notamment les professions libérales.
Le quatrième adapte les modalités de fonctionnement du fonds paritaire national, comme le demande le conseil d'administration de l'AGFPN.
Avis défavorable aux amendements de suppression.
Mme Nicole Bricq. - J'ai du mal à saisir la différence entre extension et élargissement... Merci de nous avoir éclairés.
En France, nous avons 4 % d'entreprises de moins de 50 salariés pourvues d'un délégué syndical, mais 100 % de couverture conventionnelle. Je comprends que par extension administrative, toutes les entreprises d'une branche peuvent se voir appliquer l'accord conventionnel. Or trop souvent, les représentants des petites entreprises ne participent pas à la négociation de l'accord, et leur situation économique peut être très différente.
M. Jean Desessard. - Vous auriez pu le dire il y a un an et demi...
Mme Nicole Bricq. - M. Savary a évoqué les entreprises en croissance pour lesquelles ces accords de branche sont une entrave car ils ne correspondent pas à leurs besoins de développement. Avant l'extension administrative, il faudrait mesurer de manière indépendante les coûts et avantages, ainsi que la représentativité.
Mme Évelyne Yonnet. - Vos réponses sont très techniques, donc difficiles à analyser politiquement. D'après ce que je comprends, il y a une tutelle de l'État sur les petites entreprises (Mme la ministre fait signe que non.) Vous ne m'avez pas éclairée...
M. Olivier Cadic. - Je ne voterai pas l'amendement de suppression. Les entreprises doivent pouvoir s'opposer à l'extension d'un accord. Le périmètre de la branche n'est utile que si les entreprises adhèrent pleinement à ce qui a été négocié. C'est à l'échelon de l'entreprise que tout se joue !
M. Marc Laménie. - On peut comprendre les interrogations des signataires des amendements de suppression ; il faut le reconnaître, c'est un article complexe, très technique. Mes collègues de la délégation des entreprises ont rappelé les difficultés des patrons des petites entreprises, que nous connaissons bien, dans nos départements. Il faut faire confiance aux pouvoirs publics, tout en restant vigilant. Je suivrai la commission des affaires sociales.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Je voterai ces amendements de suppression. Une fois qu'une convention collective est signée, il convient qu'elle bénéficie à tous les salariés de la branche ! À force de réduire la part laissée à l'ordre public social, puis celle laissée aux conventions collectives, on va vers une individualisation du droit, entreprise par entreprise, au mépris de l'égalité.
M. Jean Desessard. - Absolument !
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - Vous avez la confiance à géométrie variable. Faisons confiance aux branches ! Non au droit social à la carte, antichambre du dumping social. Ce n'est pas le projet de la République, pas l'histoire de notre modèle social - qui n'a, soit dit en passant, nullement handicapé le développement de notre pays.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Comment fonctionne l'extension ? Depuis 1936, le ministre du travail, après consultation de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC), a le pouvoir d'étendre un accord à l'ensemble des entreprises de la branche. Mais le Conseil d'État s'oppose à toute extension sans prise en compte des possibles atteintes excessives à la concurrence ou des conséquences de l'accord sur l'intérêt des parties. Écartons le risque de voir des arrêtés ministériels annulés.
Nous ne revenons pas sur la consultation des partenaires sociaux au sein de la CNNC ; il sera précieux de s'entourer de l'avis d'experts sur les conséquences éventuelles d'un arrêté d'extension.
C'est un devoir de transparence, d'enrichissement de la décision.
Mme Marie-Noëlle Lienemann. - En quoi faut-il une loi pour cela ?
M. Jean Desessard. - Vous êtes très forte, madame la ministre. Personne ne voyait venir M. Macron, ses 300 députés... et vous arrivez avec un programme hyper costaud dans les détails. D'où le tirez-vous ? Pas de votre expérience syndicale. Peut-être de votre passé de DRH ? Était-ce dans les cartons du ministère du travail ? Mais je croyais que la loi El Khomri avait tout réglé... Que la droite veuille grignoter davantage, en application du programme Fillon, cela ne nous étonne pas ; mais d'où vient le programme qu'applique le Gouvernement ?
Vous l'avez dit vous-même, madame la ministre, vous avez la main sur les extensions. S'il vous faut une ordonnance, c'est qu'il y a un loup... que Mme Lienemann a débusqué. (Sourires)
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, les amendements identiques nos57 et 84 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°138 :
Nombre de votants | 336 |
Nombre de suffrages exprimés | 256 |
Pour l'adoption | 28 |
Contre | 228 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°225, présenté par MM. Vanlerenberghe et Cadic.
Alinéa 1
Remplacer les mots :
de droit privé
par les mots :
mentionnés à l'article L. 2211-1 du code du travail
M. Olivier Cadic. - C'est un amendement rédactionnel, de précision.
M. Alain Milon, rapporteur. - C'est plus que cela... puisqu'il prévoit l'extension du champ de l'article aux EPIC et aux EPA, ce qui se justifie moins qu'à l'article 2. Retrait ou avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis favorable. On me confirme qu'il s'agit bien d'une simple précision.
M. Olivier Cadic. - C'est même un amendement de cohérence, puisque nous avons adopté cette précision aux articles précédents !
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°225, mis aux voix par assis et levé, est adopté.
L'article 4, modifié, est adopté.
La séance, suspendue à 16 h 55, reprend à 17 h 05.
ARTICLE 5
M. Roland Courteau . - L'article 5 change profondément la philosophie du compte personnel de prévention de la pénibilité. Pour quatre des dix critères, l'expertise médicale tranchera, a posteriori. C'est un retour en arrière, quand on sait combien il est difficile d'obtenir la reconnaissance d'une incapacité de 10 %.
Plus de prévention, pas davantage de réparation : c'est la double peine. On sait pourtant le rôle du monde professionnel dans les inégalités de santé.
Vous modifiez même l'intitulé en en retirant le mot « pénibilité » : cachez ces conditions de travail que nous ne saurions voir... (M. Martial Bourquin approuve.) Pourtant, le travail est bien une souffrance pour des centaines de milliers de Français ; le nombre de maladies professionnelles augmente de 4 % par an, et les ouvriers ont une espérance de vie inférieure de six ans à celle des cadres. Ce qui n'est pas nommé n'existe pas, disait Jacques Lacan. Nommons les choses et n'en ayons pas honte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Évelyne Yonnet . - Sous prétexte de simplification, vous poursuivez le recul des droits. La loi de 1936 n'était pas facile à appliquer, le législateur n'est pas pour autant revenu dessus au bout d'un an !
Cet article est une vraie régression sociale. Vous préférez accorder des soins palliatifs plutôt que de prévenir... Le compte pénibilité rattrapait un déséquilibre face à la vie, souvent lié au milieu d'origine. Pourquoi un ouvrier ne partirait-il pas plus tôt qu'un cadre à la retraite ? Son espérance de vie est moindre, ses conditions de retraite aussi...
Vous modifiez aussi radicalement le financement : plus de cotisations patronales, tout sur la branche AT-MP... Ce sont pourtant bien les conditions de travail qui sont à l'origine des maladies !
Recul pour les salariés, cet article est un gain pour les grands patrons. Je ne fais pas l'apologie de la lutte des classes, mais vous auriez pu rebaptiser ce texte : projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances des mesures de destruction du dialogue social. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)
M. Dominique Watrin . - Faut-il rappeler que le compte pénibilité a été inscrit dans la réforme des retraites de 2013 comme contrepartie au report de l'âge de départ à la retraite ? Ce n'est pas une avancée sociale mais un moindre mal, très loin de la revendication de départ à la retraite à 55 ans pour les métiers pénibles... Le mécanisme était sans doute complexe à mettre en oeuvre mais favorisait la prévention. Il a suffi que le Medef crie au loup pour que le Gouvernement cède... Triste régression, quand 48 % des ouvriers sont exposés à un facteur de pénibilité, et un salarié sur huit à un cancérigène.
Et le dispositif sera financé par la seule branche AT-MP, au détriment des excédents financiers qui auraient pu servir à l'indemnisation de l'amiante, par exemple. Un seul mot convient : lamentable. (Applaudissements sur plusieurs bancs à gauche)
M. Jean Desessard . - On peut entendre les difficultés des patrons de PME face aux lourdeurs administratives. Mais la réponse est mauvaise. Emmanuel Macron a déclaré au Medef qu'il n'aimait pas le terme « pénibilité » qui « induit que le travail est une douleur ». « Le travail c'est l'émancipation, c'est ce qui vous donne une place », poursuivait-il. Rien d'étonnant donc à ce que le Premier ministre, le 8 juillet 2017, ait annoncé la fin du compte pénibilité. Les salariés relevant des quatre derniers critères ne bénéficieront d'un départ anticipé à la retraite qu'une fois la maladie professionnelle reconnue. Bref, vous donnez toute satisfaction au Medef, sans considération pour les 800 000 salariés concernés.
Je rappelle que « travail » vient du latin tripalium, un instrument de torture romain contre les esclaves récalcitrants. (Sourires) On verra si dans cinq ans, les salariés sont émancipés et heureux dans leur travail...
M. Yves Daudigny . - Je me fais le porte-voix de Mme Nicole Bonnefoy, qui ne peut être parmi nous. La prise en compte de l'exposition aux risques chimiques a été un progrès important du dernier quinquennat, d'autant que ces maladies professionnelles sont rarement reconnues comme telles.
Avec cette réforme, nous passons d'une logique de prévention à une logique de réparation. Il ne s'agit plus de réduire l'exposition des travailleurs, qui devront être en mauvaise santé pour espérer bénéficier du dispositif. Celui-ci est d'autant plus injuste que les cancers professionnels surviennent souvent longtemps après l'exposition. Il risque en outre d'entretenir la faible connaissance des risques chimiques. Le suivi des expositions est lacunaire, ce qui rend impossible de déterminer les causalités et donc les responsabilités : en témoigne la récente demande de non-lieu faite par le parquet dans le procès de l'amiante. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Martial Bourquin. - Très bien.
M. Jean-Louis Tourenne . - Je ne saurais dire mieux que mes collègues socialistes. Mme Génisson exposera la position de notre groupe sur cette triste affaire.
Mme Laurence Cohen . - Le compte pénibilité était certes difficile à mettre en oeuvre, mais il avait le mérite de reconnaître la pénibilité de certains métiers et secteurs et ouvrait la voie à la responsabilité sociale de l'entreprise. Quid des salariés dont les symptômes, c'est courant dans la chimie, apparaissent après qu'ils ont quitté l'entreprise ?
L'espérance de vie en bonne santé des ouvriers est bien plus faible que celle des cadres. Et ils ne pourraient partir plus tôt que s'ils sont déjà malades ? C'est inacceptable.
Après avoir supprimé les CHSCT, ce projet de loi déresponsabilise encore les employeurs en transférant le financement à la branche AT-MP. Nous sommes loin du plan santé au travail qui mettait l'accent sur la prévention. Quelle compensation auront les salariés ? C'est un immense retour en arrière. (M. Martial Bourquin approuve.)
Mme Stéphanie Riocreux . - Je reprends l'intervention de Mme Émery-Dumas, qui a dû nous quitter.
Les déclarations de prestation de services par des entreprises étrangères et des travailleurs détachés se multiplient, preuve que la lutte contre la fraude au détachement fonctionne, mais l'encadrement du travail détaché nécessite une avancée de la règlementation européenne - à laquelle le président de la République a donné une forte impulsion.
Pouvez-vous dès lors nous préciser, madame la ministre, la nature des assouplissements envisagés dans l'alinéa 3 ? Quels prestataires frontaliers seraient particulièrement concernés ?
Mme Catherine Génisson . - La notion de pénibilité est d'abord apparue dans la loi Fillon, puis dans la loi de 2013 sur les retraites, qui reconnaît l'écart d'espérance de vie en bonne santé entre ouvriers et cadres et l'importance fondamentale de la prévention. Le dispositif mis en place reconnaît la pénibilité par trois moyens : possibilité d'accéder à une formation pour exercer un autre métier, d'exercer à temps partiel et de partir plus tôt à la retraite.
N'en déplaise au président de la République, pénibilité ne signifie pas forcément souffrance. Il y a des métiers pénibles, et des manières pénibles d'exercer un métier. Aide-soignant, par exemple, c'est travailler de nuit, par poste, mais la plupart exercent ce métier avec plaisir. Moi-même, j'ai beaucoup travaillé de nuit ; cela ne fait pas de moi une Mater dolorosa ! L'important, c'est la prévention.
Sur les quatre derniers critères, le projet de loi revient à la logique de réparation de la loi Fillon.
M. le président. - Veuillez conclure.
Mme Catherine Génisson. - Enfin, le financement par la branche AT-MP entretient encore le doute ; j'espère vivement que cette disposition ne sera que temporaire.
M. Daniel Chasseing . - Cet article est très attendu par les entreprises. Certains critères actuels du compte pénibilité sont totalement inapplicables : postures pénibles, manutentions, vibrations mécaniques, risques chimiques... Simplifions, précisons, quantifions. L'alinéa 2 prévoit que les accords collectifs prendront en compte la prévention de la pénibilité et les modalités de compensation. Cet article permettra aux entreprises d'appliquer la loi au profit des travailleurs.
M. Didier Guillaume . - Le compte pénibilité est une grande avancée rendue possible par la précédente majorité, et je suis fier d'avoir soutenu la loi El Khomri.
Les six critères conservés nous vont. Les quatre restants étaient inapplicables, chacun le sait. Mais gare aux postures dogmatiques. On peut les écarter pour une période transitoire, mais il faudra aller plus loin, sans se contenter de la réparation mais en se souciant de la prévention.
M. Martial Bourquin . - Les CHSCT sont les meilleurs endroits pour faire de la prévention. Dans Le Monde d'il y a quelques jours, le président de l'Association nationale des victimes de l'amiante s'élevait contre la suppression de ces quatre critères ; 2,5 millions de salariés sont concernés par l'exposition à des substances cancérigènes. Des gens sont morts de la pénibilité de leur métier ! M. Macron a tort : la pénibilité existe. Les carreleurs ont des genoux cassés, les brosseuses électriques abîment les épaules des ouvriers - au point que j'ai dû, dans ma mairie, les supprimer.
La mise en place du C3P est l'honneur du Parlement. Sans doute faut-il le simplifier ; mais il faut le conserver. (M. Jean-Louis Tourenne applaudit.)
M. David Assouline . - Qui a demandé le retrait de ces quatre critères ? Les salariés ? Non : c'est encore le patronat.
La logique fondamentale du compte pénibilité, c'est que les gens puissent vivre en bonne santé plus longtemps. Pour cela, la prévention est essentielle : il faut permettre aux salariés de partir à la retraite plus tôt, de changer de métier... Au lieu de revenir sur cette logique, tâchons de rendre les critères applicables !
M. le président. - Amendement n°58, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
M. Thierry Foucaud. - Les interventions de MM. Courteau, Watrin, Desessard, de Mme Génisson et M. Bourquin valent défense de notre amendement. Je ne rejoins pas M. Guillaume, en revanche : défendre la loi El Khomri, c'est insulter les millions de salariés qui se sont levés contre elle. Le président de la République a dit vouloir supprimer le terme de pénibilité car « le travail n'est pas une souffrance ». Mais supprimer le mot ne supprimera pas la chose ! Faut-il rappeler que l'espérance de vie d'un ouvrier reste de sept ans inférieure à celle d'un cadre ? Comment nier que le maçon qui manie plusieurs tonnes d'agglo a un travail pénible ? Entendrez-vous, madame la ministre, les arguments venus de différents bancs de notre assemblée ?
M. le président. - Amendement identique n°216 rectifié ter, présenté par MM. Assouline et Durain, Mme Jourda, MM. Labazée et Cabanel, Mmes Monier et Blondin, MM. M. Bourquin et Montaugé et Mme Lepage.
M. David Assouline. - Le Premier ministre, dans son discours de politique générale, a fait de la prévention sa priorité et s'attaque à son principal levier ! Un récent rapport soulignait que les inégalités de santé provenaient principalement du milieu professionnel, et révélait que plus de 8 millions de salariés, soit 40 % d'entre eux, étaient exposés en 2010 à au moins un facteur de pénibilité, 12 % à un agent cancérogène.
Vous passez de la prévention à la réparation, oubliant que les effets de certains facteurs de pénibilité ne se manifestent qu'après la retraite. Songez à l'amiante ! Bien sûr, il est dans l'intérêt économique des entreprises d'avoir des salariés en bonne santé, mais certains patrons sont court-termistes... Il ne faudrait pas, sous couleur de réduire la bureaucratie, désavantager les salariés. Nous attendons des réponses, madame la ministre.
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable.
M. David Assouline. - Quel argument !
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - En arrivant aux affaires il y a deux mois, nous avons constaté que le compte pénibilité obéissait à un principe juste mais inapplicable. Juste, car la pénibilité a des effets incontestables sur la santé et sur l'espérance de vie. Il est donc légitime de permettre aux salariés concernés de partir deux ans plus tôt à la retraite à taux plein. Mais s'agissant de quatre des facteurs - la manutention de charges lourdes, les postures pénibles, les vibrations mécaniques et l'exposition à des agents chimiques dangereux - les petites entreprises sont incapables de s'acquitter de leurs obligations : sept branches seulement ont défini un référentiel, 700 000 déclarations seulement ont été faites sur les 3 millions attendues. On risquait donc d'être confronté à un immense problème d'accès au droit.
Pour les agriculteurs et artisans, mesurer l'exposition aux trois facteurs ergonomiques était mission impossible... C'était Ubu transformé en héros de Kafka ! Or un droit inapplicable n'est pas un vrai droit. (M. Daniel Chasseing approuve.)
Il fallait réagir vite, car l'échéance était en octobre. Nous avons donc choisi de conserver les dix critères, mais de proposer, pour les quatre derniers, que les salariés qui y sont exposés puissent partir en retraite plus tôt, après examen médical, si leur taux d'incapacité atteint 10 %. Ce n'est pas parfait, mais c'est, je crois, le plus juste des systèmes applicables, et cela permettra à 10 000 personnes de partir à la retraite anticipée dès l'an prochain.
Certes, c'est plus réparateur que préventif, mais c'est applicable et des salariés peuvent immédiatement en bénéficier, alors que le système par points n'aurait emporté des conséquences qu'en 2027, ou même en 2037 en cas d'exposition à un seul facteur.
Nous n'abandonnons pas pour autant la prévention : nous en faisons une compétence des branches, car les problèmes diffèrent selon les secteurs d'activité. À la suite d'une rencontre avec le conseil national d'orientation des conditions de travail la semaine dernière, nous avons aussi décidé de faire de la prévention primaire une priorité du plan Santé 3. De plus, en faisant financer ce départ en retraite anticipée par la branche AT-MP, donc par des cotisations des employeurs, nous responsabilisons ces derniers.
Quant aux agents chimiques, il est vrai que leurs effets se font sentir à long terme. Les accords de branche sont déjà très protecteurs ; j'ai demandé qu'on regarde le sujet de plus près, pour continuer à progresser en matière de prévention.
Bref, nous partageons votre vue sur les principes, tâchons de rendre les droits applicables, et en l'espèce il bénéficiera dès l'an prochain à des milliers de salariés.
M. David Assouline. - Merci pour ces explications. Le dispositif que vous proposez bénéficiera à 10 000 personnes, dont acte, mais cela ne justifie pas que l'on abandonne la logique de prévention. Si le législateur déclare des droits, il faut chercher à les rendre applicables plutôt que de les supprimer s'ils ne paraissent pas l'être - ce que personne ne nie...
M. Philippe Dallier. - Vous avez mis du temps à le comprendre...
M. David Assouline. - Il y a tout de même des cas de pénibilité incontestable : l'usage du marteau-piqueur par exemple.
Je crains qu'en revenant à une logique de réparation pour ces quatre critères, vous n'ouvriez une brèche dangereuse.
Mme Nicole Bricq. - Je remercie la ministre d'avoir pris le temps de répondre, car le point est sensible.
La pénibilité a été introduite dans la loi sur les retraites de 2010. Cela fait sept ans, pendant lesquels ce droit n'a pas été rendu applicable ! Soit on considère que l'effectivité d'un droit est essentielle, soit on se contente de se faire plaisir...
Les branches s'occupent de la prévention. Le Premier ministre a été clair sur les risques chimiques : ils font l'objet d'une réflexion spécifique. Mais encore une fois, après sept ans...
M. David Assouline. - Cela ne fait pas sept ans !
Mme Nicole Bricq. - Le décret a été pris il y a quelques mois et a été contesté immédiatement ! Ceux qui partiront en retraite anticipée dès l'an prochain ne se poseront pas la question de savoir s'il s'agit de prévention ou de réparation. Ils verront que leur situation a été prise en compte, c'est tout ce qui importe.
M. Marc Laménie. - Cela fait de nombreuses années que l'on évoque ces sujets, lors de la réforme des retraites de 2010 déjà. Il y a l'aspect financier, mais aussi l'aspect humain et le respect dû aux salariés. Beaucoup, autour de nous, exercent encore des métiers très difficiles : ouvriers du BTP, caissières, sans oublier ceux qui travaillent devant un écran toute la journée.
On a parlé de prévention mais Mme Génisson a raison de parler aussi de reconnaissance. Je suivrai la commission.
M. Jean-Louis Tourenne. - J'admire toujours ceux qui parviennent à défendre ce qu'ils ont naguère combattu...
M. Jean Desessard. - Qui visez-vous ?
M. Jean-Louis Tourenne. - Ils se reconnaîtront ! S'agissant des quatre critères en question, la quantification de la pénibilité est difficile, certes. Mais vous qui montrez une telle rapidité, une telle capacité d'imagination, madame la ministre, pourquoi ne fixez-vous pas dans l'habilitation l'objectif de rendre ces quatre applicables ? Vous auriez quelque temps pour y réfléchir...
On ne peut se contenter de contester les dégâts des métiers pénibles sans rien faire pour les empêcher.
M. Martial Bourquin. - Très bien !
M. Thierry Foucaud. - Mme la ministre a dit des choses intéressantes. Le groupe CRC avait prévenu, lors de l'instauration du compte pénibilité, que lorsqu'il produirait ses effets les salariés concernés ne seraient plus en vie...
Supprimer les cotisations des employeurs, madame la ministre, c'est les déresponsabiliser. Avez-vous consulté les représentants des salariés sur l'application des critères ? Il y a des solutions !
Notre groupe s'oppose depuis l'origine au C3P parce qu'il nie l'universalité de la sécurité sociale en individualisant les protections.
M. Olivier Cadic. - Le Premier ministre a esquissé des pistes de réforme dans un courrier aux partenaires sociaux ; je m'en réjouis. La succession des prises de parole sur l'article 5 illustre bien ce que peut être la pénibilité. (Marques d'indignation à gauche)
M. Didier Guillaume. - Cela s'appelle le débat démocratique !
M. Olivier Cadic. - Plutôt que de prévoir un départ à la retraite anticipé lorsque c'est trop tard, les pays du Nord parviennent à reclasser efficacement les salariés, grâce à la formation. En France, on préfère indemniser. Pourquoi pas, mais cela suppose de revoir les régimes spéciaux, car il est inacceptable que certains partent à la retraite plus tôt sans que leur métier soit plus pénible qu'un autre. Nous attendons beaucoup de la réforme des retraites promise par le Gouvernement et ne voterons pas les amendements de suppression.
Mme Éliane Assassi. - Vote de classe !
M. Didier Guillaume. - Voter ces amendements, c'est empêcher des milliers de personnes de partir en retraite anticipée. Et il est vrai que les petits arboriculteurs, les petits maçons ne savent pas comment s'y prendre avec les quatre critères contestés. Cela dit, la proposition du Gouvernement ne peut être que temporaire, il faudra revenir sur le sujet.
Mme Nicole Bricq. - Très bien.
M. Jean Desessard. - Les écologistes étaient initialement sur la même position que les communistes. Les socialistes ont fait accepter la hausse de la durée de cotisation en échange de la création du compte pénibilité. Et maintenant, une partie d'entre eux nous expliquent que ça ne marche pas !
Mme Sophie Primas. - Nous, nous l'avons toujours dit !
M. Jean Desessard. - Vous, vous voulez nous faire travailler jusqu'à 70 ans !
Mme Sophie Primas. - Vous pourriez avec la forme que vous tenez !
M. Jean Desessard. - Arrêtons de raconter des histoires : si nous supprimons ces dispositions, cela ne supprime pas toute protection, ce sont les dispositions actuelles qui s'appliquent.
Et si les chefs d'entreprises veulent créer un onzième facteur de pénibilité consistant à remplir leurs obligations déclaratives sur la pénibilité, j'y suis prêt ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Sophie Primas. - Vous devriez faire un « Vis ma vie » avec un chef d'entreprise.
M. Jean Desessard. - J'ai été chef d'entreprise !
M. Martial Bourquin. - Arrêtons de dire qu'on ne peut pas rendre ce droit effectif ! Certains meurent de la pénibilité, nous le leur devons ! Simplifions s'il le faut, mais il faut conserver ces quatre critères. Pourquoi le Gouvernement veut-il les écarter ? Parce que c'est une demande du Medef ! Et lorsque le président de la République a dit que le mot « pénibilité » ne lui plaît pas, il commence à dresser la table... Chers collègues, le principe des ordonnances, c'est qu'ensuite, le Gouvernement fait ce qu'il veut ! Je vous le dis : je ne suis pas très confiant sur la suite des événements.
À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, les amendements identiques nos58 et 216 rectifié ter sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°139 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 250 |
Pour l'adoption | 33 |
Contre | 217 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. - Amendement n°136 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Au début de cet article
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 1242-2 du code du travail est ainsi rédigé :
« Art. L. 1242-2. - Le contrat de travail ne peut être conclu pour une durée déterminée que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas suivants :
« 1° Remplacement d'un salarié en cas d'absence ou de suspension de son contrat de travail et pour pourvoir directement le poste de travail du salarié absent ;
« 2° Accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise. Au titre de ce motif, le nombre de salariés occupés en contrat de travail à durée déterminée ne peut excéder 5 % de l'effectif moyen occupé au cours de l'année civile précédente. Le nombre obtenu est arrondi à l'unité supérieure. En cas de dépassement de ce taux, les contrats de travail excédentaires et par ordre d'ancienneté dans l'entreprise sont réputés être conclus pour une durée indéterminée ;
« 3° Emplois à caractère saisonnier de courte durée définis par décret ou pour lesquels dans certains secteurs d'activité définis par décret, il est d'usage constant et établi de recourir à des emplois temporaires en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois ;
« 4° Remplacement d'un chef d'entreprise temporairement absent ;
« 5° Contrats d'apprentissage. » ;
2° Les articles L. 1242-3 et L. 1242-4 sont abrogés.
M. Christian Favier. - Voyez que nous ne sommes pas hostiles à toute évolution du code du travail : nous proposons de mieux encadrer le recours au CDD. Il ne s'en est jamais signé autant : ils représentaient 87 % des nouveaux contrats en 2015. Le nombre de contrats de moins d'un mois est passé de 1,8 million à 3,7 millions en dix ans, touchant surtout les jeunes et les moins qualifiés.
Selon nous, le CDD doit être réservé à des situations précises, et ne pas se substituer à des emplois permanents.
M. Alain Milon, rapporteur. - Cet amendement, placé initialement après l'article 3, est contraire à l'habilitation que nous avons votée à cet article : avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis.
L'amendement n°136 rectifié n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°48 rectifié, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
Mme Catherine Génisson. - Merci, madame la ministre, pour vos explications sur la pénibilité, mais nous ne saurions en rester là. La solution que vous avez trouvée doit rester temporaire.
La prévention, primaire notamment, est fondamentale. Quels moyens le Gouvernement compte-t-il mettre en oeuvre pour la rendre plus efficace ? La médecine du travail n'est pas seule concernée : toute l'organisation du travail doit être repensée.
M. le président. - Amendement identique n°142, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Mme Laurence Cohen. - Des critères collectifs de reconnaissance de la pénibilité devraient être fixés dans chaque branche, pour remplacer les fiches individuelles, trop complexes.
M. le président. - Amendement n°18 rectifié quinquies, présenté par Mme Génisson et les membres du groupe socialiste et républicain.
Alinéa 2
Avant le mot :
compensation
Insérer les mots :
reconnaissance et de
Mme Catherine Génisson. - En ce qui concerne la pénibilité, il est impératif de parler de reconnaissance. Qui dit reconnaissance, dit compensation.
M. Alain Milon, rapporteur. - La réforme appelée de ses voeux par le Premier ministre dans sa lettre aux partenaires sociaux est indispensable : il ne s'agit pas de remettre en cause la prévention ni la compensation, mais de garantir l'égalité entre les salariés, alors que les TPE ne sont pas en mesure d'évaluer l'exposition à tous les facteurs de pénibilité. Avis défavorable aux amendements nos48 rectifié et 142.
L'amendement n°18 rectifié quinquies a été modifié dans le sens que j'avais indiqué en commission : avis favorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable aux amendements nos48 rectifié et 142. Avis favorable à l'amendement n°18 rectifié quinquies.
À la demande de la commission, les amendements identiques nos48 rectifié et 142 sont mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°140 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 337 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 217 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. Jean Desessard. - Je ne voterai pas l'amendement de Mme Génisson. La reconnaissance de la pénibilité, quelle importance ? C'est la compensation qui compte.
Mme Catherine Génisson. - L'amendement a été rectifié !
L'amendement n°18 rectifié quinquies est adopté.
M. le président. - Amendement n°143, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 3
Supprimer cet alinéa.
M. Dominique Watrin. - L'Europe travaille à la refonte de la directive sur les travailleurs détachés mais nous n'avons aucune garantie que la France verra ses demandes satisfaites sur le contrôle à la source, la réduction de la durée de détachement, le cabotage et les sociétés boîtes à lettres. Surtout, c'est le principe même du détachement qui est à revoir. Il est anormal que des employeurs envoyant des travailleurs en France ne paient pas les cotisations sociales.
M. le président. - Amendement n°233, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Rédiger ainsi cet alinéa :
2° Modifier la législation applicable en matière de détachement, en l'adaptant aux spécificités et contraintes de certains prestataires accomplissant habituellement leurs prestations en zone frontalière ou intervenant de façon récurrente pour des prestations de courte durée dans des secteurs définis ou dans le cadre d'évènements ponctuels.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Il n'a échappé à personne que la France, avec l'Allemagne, a pris une position forte sur le travail détaché. Lors du Conseil européen des affaires sociales du 15 juin dernier, nous avons obtenu que l'on ne se prononce pas sur le projet, que nous jugions insuffisant. Aux sujets que M. Watrin a cités, je veux ajouter le principe essentiel « à travail égal, salaire égal », le contrôle transnational ou encore le transport.
L'idée est de se concentrer sur l'essentiel, la protection des salariés et des PME, pour convaincre les autres pays européens. D'où cet amendement qui allège des formalités administratives que la France est la seule à exiger pour des mouvements transfrontaliers ou des prestations de courte durée. Faut-il demander à remplir une déclaration de détachement à chaque fois qu'un joueur se déplace pour un match de foot ?
M. Alain Milon, rapporteur. - Les craintes exprimées par l'amendement n°143 ont certainement été apaisées par les déclarations de Mme la ministre. Retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement n°233 élargit le champ de l'habilitation aux entreprises qui réalisent régulièrement de courtes prestations sur le territoire national. Sportifs, artistes et scientifiques ne sont pas concernés par les risques de fraude.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable à l'amendement n°143.
L'amendement n°143 n'est pas adopté.
L'amendement n°233 est adopté.
M. le président. - Amendement n°230, présenté par le Gouvernement.
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° Améliorer et simplifier la gestion et le recouvrement de la contribution prévue à l'article L. 1262-4-6 du code du travail, ou à défaut supprimant cette contribution.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - La France est la seule à avoir créé une contribution de 40 euros pour chaque détachement. Soit nous la supprimons, soit nous la rendons effective. Bref, allons à l'essentiel sur le travail détaché.
M. Alain Milon, rapporteur. - Le décret fixant son montant date du 3 mai 2017 et l'on doit déjà simplifier... Avis favorable.
M. Jean-Louis Tourenne. - Quel constat d'impuissance ! Quand nous légalisons des illégalités au motif que la loi n'est pas appliquée, nous délégitimons le politique.
L'amendement n°230 est adopté.
M. le président. - Amendement n°139 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le code du travail est ainsi modifié :
1° L'article L. 8221-6 est ainsi rédigé :
« Art. L. 8221-6. - Est réputé salarié tout travailleur qui exerce son activité dans des conditions de droit ou de fait caractérisant un lien de subordination juridique ou un lien de dépendance économique vis à vis d'une autre personne physique ou morale.
« Est présumé être l'employeur de ce salarié la personne physique ou morale qui utilise directement ou indirectement ses services.
« Outre les clauses du contrat conclu entre les parties, le lien de subordination juridique et/ou le lien de dépendance économique sont établis notamment :
« 1° Lorsque le travailleur ne possède pas la maîtrise des moyens matériels ou immatériels utilisés pour la production des biens ou services ;
« 2° Ou lorsque le travailleur ne peut entrer en relation avec l'utilisateur final des services que par l'intermédiaire obligé d'un tiers ;
« 3° Ou lorsqu'un tiers, gérant une plate-forme numérique de mise en relation entre le travailleur et les clients peut librement radier le travailleur de la liste des prestataires figurant sur la plate-forme ;
« 4° Ou lorsque le travailleur, prétendument indépendant, ne fixe pas lui-même, ou par entente avec le client, le prix de ses prestations ;
« 5° Ou lorsque le travailleur, pour l'exécution de ses prestations, applique des instructions ou sujétions telles que celles portant sur des horaires ou des méthodes de travail, émises par une personne physique ou morale autre que l'acheteur final des services ;
« 6° Ou lorsque le travailleur se voit imposer la vente de telles marchandises à l'exclusion de toutes autres ou se voit imposer le prix de vente de ces marchandises. » ;
2° Après l'article L. 8221-6-1, sont insérés des articles L. 8221-6-2 à L. 8221-6-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 8221-6-2. - Lorsque le travailleur, utilisé dans les conditions prévues par l'article L. 8221-6 du présent code, emploie lui-même d'autres salariés, ceux-ci sont réputés être liés par contrat de travail au même employeur.
« Art. L. 8221-6-3. - La sous-traitance de toute activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l'accomplissement d'actes de commerce est prohibée au-delà du second rang. Les travailleurs occupés en méconnaissance de cette interdiction, y compris ceux visés à l'article L. 8221-6-1, sont réputés être salariés du sous-traitant de second rang.
« Art. L. 8221-6-4. - Toute décision de faire appel à la sous-traitance d'une partie de l'activité ou des fonctions de l'entreprise est soumise à l'avis conforme du comité d'entreprise. »
M. Thierry Foucaud. - Cet amendement protège les salariés de l'ubérisation en instaurant une présomption de salariat reposant à la fois, ou alternativement, sur la subordination juridique et la dépendance économique.
Il prévoit également d'encadrer le recours à la sous-traitance par sa limitation à deux degrés assortie d'un contrôle par le comité d'entreprise.
M. Alain Milon, rapporteur. - Vous proposez des critères pertinents pour qualifier la relation salariale. Pour autant, nous avons besoin de temps pour aboutir sur cette question importante. Retrait, sinon avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis tout en soulignant l'importance du sujet. L'an dernier, ce dossier a connu une évolution avec la reconnaissance de droits sociaux. Il doit faire l'objet d'une réflexion de long terme et d'une concertation avec les partenaires sociaux.
L'amendement n°139 rectifié est retiré.
L'article 5, modifié, est adopté.
ARTICLE ADDITIONNEL
M. le président. - Amendement n°146, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 5
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La deuxième phrase du II de l'article L. 4624-2 du code du travail est complétée par les mots : « dans un délai fixé par décret en Conseil d'État, le salarié devant bénéficier d'une visite de contrôle a minima tous les deux ans ».
Mme Laurence Cohen. - La loi El Khomri a profondément affaibli la médecine du travail, faute de praticiens. Mieux aurait valu s'attaquer aux causes de la pénurie que de réduire les visites médicales. Tout emploi peut potentiellement comporter des risques, même s'il y a des degrés. Où commence la pénibilité ? Une caissière dans un supermarché ne souffre-t-elle pas de troubles physiques et psychiques ? Le médecin du travail et le CHSCT sont les plus à même de constater ces souffrances. Les drames qui sont survenus à France Telecom et à La Poste se produisent aujourd'hui dans les hôpitaux.
M. Alain Milon, rapporteur. - Nous manquons effectivement de médecins du travail, nous en avons beaucoup discuté lors de l'examen de la loi Santé puis de la loi Travail. Il faut trouver des solutions pour rendre ce métier attractif, même si, en tant que médecin, je sais bien qu'il y a des spécialités plus intéressantes... Avis défavorable à cet amendement qui a le mérite d'inciter la ministre à se rapprocher de Mme Buzyn.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Cet amendement comporte une erreur de rédaction : en faisant référence à l'article 4624-2 du code du travail, vous visez les personnes qui font déjà l'objet d'un suivi renforcé. Mme la ministre de la santé et moi-même attendons un rapport de l'IGAS sur ce sujet qui doit nous être remis dans deux mois, nous travaillerons ce sujet de manière interministérielle.
Mme Catherine Génisson. - Le métier de médecin du travail est tout à fait honorable et intéressant. C'est de la médecine sociale. Un sujet peu abordé est son indépendance : les médecins du travail se sentent plus protégés dans des services inter-entreprises.
Mme Laurence Cohen. - Bien sûr l'attractivité ne se crée pas d'un coup de baguette magique mais nous maintiendrons néanmoins cet amendement pour qu'il fasse office de rappel.
Mme Évelyne Yonnet. - Je voterai cet amendement. Nous devons laisser dans la loi des traces de l'engagement de Mme la ministre.
M. Alain Milon, rapporteur. - Le tout est de rendre le métier attractif.
L'amendement n°146 est adopté, et devient un article additionnel.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°59, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
M. Thierry Foucaud. - L'article 6 habilite le Gouvernement à modifier le code du travail en vue d'harmoniser l'état du droit pendant douze mois après la promulgation du présent projet de loi.
Sous couvert de coordination et de mise en cohérence rédactionnelles, il laisse de grandes marges de manoeuvre au Gouvernement pour modifier le code du travail sur le fond. Les réécritures du code se font rarement à droit constant.
M. le président. - Amendement identique n°80 rectifié bis, présenté par M. Antiste et Mme Jourda.
M. Maurice Antiste. - Une habilitation aussi vague dessaisit à l'excès le Parlement.
M. le président. - Amendement identique n°85 rectifié ter, présenté par Mmes Yonnet et Lienemann, MM. Labazée et Manable et Mme Monier.
Mme Évelyne Yonnet. - En l'état, cet article autorise le Gouvernement à aligner le code du travail sur la philosophie des ordonnances, que nous présumons fortement libérale.
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable à ces trois amendements.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis. C'est une disposition assez classique : il faut bien corriger les renvois, éliminer les coquilles. Si l'on codifie, autant que tout soit nickel.
Mme Nicole Bricq. - Je ne comprends pas cette demande de suppression. Depuis 2015, c'est la quatrième fois qu'on touche au code du travail, il est normal d'entreprendre ce travail qui est purement juridique.
M. David Assouline. - Nous votons une loi d'habilitation : la formulation de cet article autorise presque tout !
Les amendements identiques nos59, 80 rectifié bis et 85 rectifié ter ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°147, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 1
Après le mot :
harmoniser
insérer les mots :
à droit constant
M. Thierry Foucaud. - Là, Mme Bricq sera d'accord avec nous, puisque nous introduisons les termes « à droit constant »...
M. Alain Milon, rapporteur. - L'habilitation prévue à l'article 6 ne permet pas au Gouvernement de modifier le fond du droit. Mécaniquement, les travaux légistiques prévus ne peuvent pas se faire à droit constant, puisque nous ne connaissons pas encore le texte des ordonnances. Retrait ou avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Retrait ou avis défavorable pour les mêmes raisons.
L'amendement n°147 n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°226, présenté par le Gouvernement.
Alinéa 3
Après les mots :
code du travail
insérer les mots :
ou d'autres codes
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Le code du travail renvoie à d'autres codes, il faut le prévoir dans l'habilitation.
L'amendement n°226, accepté par la commission, est adopté.
L'article 6, modifié, est adopté.
ARTICLE 7
Mme Laurence Cohen . - L'article 7 revient sur le zonage du travail dominical. Nous maintenons notre opposition à cette mesure libérale. Je vous invite à lire l'enquête des sociologues Laurent Lesnard et Jean-Yves Boulin. La part de la population active travaillant le dimanche est passée de 6,5 % à 14 % entre 1970 et 2010. Nous assistons à un revirement historique ; jusque-là, le droit au repos dominical, si important pour la vie familiale et sociale, était la règle.
Le travail dominical est un facteur d'inégalité sociale. Pas moins de 86 % des travailleurs interrogés dans l'étude déclaraient que le travail le dimanche leur était imposé - contre 4 % qui l'avaient choisi librement.
M. le président. - Amendement n°60, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
M. Christian Favier. - Cet amendement supprime la prorogation de la période transitoire qui s'applique en matière de travail dominical dans « les communes d'intérêt touristique ou thermales », les « zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente » et les « périmètres d'usage de consommation exceptionnelle ».
Alors même que la commission des affaires sociales du Sénat a étendu le délai à 36 mois, cet article constitue un recul sévère pour les droits des salariés tout autant qu'un danger pour le petit commerce local.
M. le président. - Amendement identique n°163, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
M. Jean Desessard. - Doit-on travailler le dimanche ? Banaliser le dimanche ? Faut-il que des gens aillent manger des sandwichs dans les centres commerciaux plutôt que de passer du temps avec leurs enfants ? Je ne prolongerai pas nos débats jusqu'à dimanche. (Sourires) Je me rallie donc aux arguments de mes camarades communistes.
Les amendements identiques nos60 et 163, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.
M. le président. - Amendement n°86 rectifié, présenté par Mmes Yonnet, Lienemann et Jourda, M. Labazée et Mme Monier.
Alinéa 1
Remplacer le mot :
trente-sixième
par le mot :
trentième
Mme Évelyne Yonnet. - Au regard d'ordonnances mettant en cause les modalités de négociations des accords et conventions dans le domaine salarial, cet amendement limite la période transitoire à trente mois.
M. Alain Milon, rapporteur. - Avis défavorable : la durée de 36 mois correspond à la position que défendait le Sénat en 2015.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Même avis.
L'amendement n°86 rectifié n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté.
ARTICLES ADDITIONNELS
L'amendement n°130 rectifié est retiré.
M. le président. - Amendement n°148, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 3132-26 du code du travail est ainsi modifié :
1° À la deuxième phrase du premier alinéa, le mot : « douze » est remplacé par le mot : « cinq » ;
2° Les deuxième et troisième alinéas sont supprimés.
Mme Laurence Cohen. - Défendu.
L'amendement n°148, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°20 rectifié bis, présenté par M. Mouiller, Mmes de Rose et Mélot, MM. Morisset, Commeinhes, César, Lefèvre, Bonhomme, D. Laurent et Savary, Mmes Lopez et Estrosi Sassone, MM. Pointereau, Longuet et de Legge, Mmes Morhet-Richaud et Billon, MM. Rapin, Kern et Pellevat, Mmes Debré, Deromedi et Di Folco et M. Gremillet.
Après l'article 7
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le début de la première phrase du premier alinéa de l'article L. 3132-29 du code du travail est ainsi rédigé : « Lorsqu'au sein d'une zone géographique déterminée, un accord sur les conditions dans lesquelles le repos hebdomadaire est donné aux salariés est intervenu entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d'employeurs représentatives d'une profession, le préfet... (le reste sans changement) ».
M. René-Paul Savary. - Le parallélisme des formes doit être établi. Dès lors que des organisations syndicales représentatives peuvent demander au préfet l'abrogation de son arrêté, il est logique que les organisations syndicales demandant au préfet l'adoption de cet arrêté soient représentatives.
M. Alain Milon, rapporteur. - Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - La « profession » peut recouvrir de nombreuses branches et, surtout, les zones sont parfois infra-départementales. Votre amendement pose une multitude de questions : avis tout à fait défavorable.
M. René-Paul Savary. - Très bien, mais ce sera un sujet à éclaircir.
L'amendement n°20 rectifié bis est retiré.
ARTICLE 8
M. le président. - Amendement n°158, présenté par M. Desessard et Mmes Benbassa et Bouchoux.
Supprimer cet article.
M. Jean Desessard. - Alors que l'examen des amendements s'accélère, je veux plaider pour la décélération... Les sujets abordés auraient mérité plus de débats ; que nous connaissions les positions des organisations syndicales, etc. Je regrette d'ailleurs le retrait de l'amendement n°130 rectifié sur l'ubérisation ; sur ce sujet-là, il y a urgence.
Mme Éliane Assassi. - Pourquoi ne l'avez-vous pas repris ?
M. Jean Desessard. - Maintenant, ce n'est plus « en marche » ; c'est « au galop ! ».
M. Alain Milon, rapporteur. - L'article 8 fixe la date limite des projets de loi de ratification. Le supprimer entraînerait la caducité des ordonnances...
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Saluant l'habileté de la tentative, je donne un avis défavorable.
L'amendement n°158 n'est pas adopté.
L'article 8 est adopté.
ARTICLE 8 BIS
M. Alain Milon, rapporteur . - Alors que nous allons clore nos travaux sur des demandes de rapport, je veux expliquer mon opposition bien ancrée, mais qui n'est pas absolue, à cette pratique en citant quelques exemples récents. Dans la loi du 14 juin 2013, le Gouvernement n'a remis que deux rapports sur les quinze prévus. Il n'a remis aucun des cinq rapports prévus par la loi du 5 mars 2014. Idem pour les trois rapports de la loi du 17 août 2015. Cinq rapports prévus par la loi El Khomri sont déjà en retard. J'en profite pour vous signaler, madame la ministre, que vous devez nous remettre ce week-end les trois rapports prévus à ses articles 13, 20 et 104 !
Nous espérons celui sur l'articulation entre droit du travail et statut des personnels des chambres consulaires depuis le 31 décembre 2013 et j'en passe.
Sur le télétravail en revanche - amendement n°177 adopté ce matin -, il s'agissait du résultat de la concertation entre partenaires sociaux prévue par l'article 47 - et non d'un rapport du Gouvernement, lequel n'a toujours pas été remis.
M. David Assouline . - J'ai été président d'une commission dissoute contrôlant l'application des lois. Le taux de remise de rapports est tellement ridicule que continuer à les demander en faisant semblant est humiliant, même si nos collègues plus anciens conseillaient de demander un rapport pour éviter l'irrecevabilité.
M. le président. - Amendement n°144 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement présente, au plus tard le 31 décembre 2017, un rapport d'évaluation sur les dispositifs de sécurisation de l'emploi existants et les axes d'amélioration en vue de mettre en place une sécurité sociale professionnelle pour tous les salariés.
Ce rapport s'attache plus particulièrement à présenter les pistes de réflexion permettant d'assurer à chacun un travail décent ou un revenu de remplacement, ainsi que des droits sociaux continus en matière de salaire, de formation, de qualification, d'ancienneté, et de représentation syndicale.
M. Thierry Foucaud. - Cet amendement demande un rapport (Rires) sur la mise en oeuvre d'une véritable sécurité sociale professionnelle pour tous. Faut-il que je rappelle les mots d'Ambroise Croizat et du CNR ? Non, ils seront dans le rapport...
L'amendement n°144 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°47 rectifié bis, présenté par M. Tourenne et les membres du groupe socialiste et républicain.
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Avant le 30 juin 2018, le Gouvernement présente au Parlement un rapport examinant la possibilité de conserver au salarié concerné par un licenciement économique les éléments du statut de salarié lui permettant de maintenir un lien avec l'entreprise pendant la durée d'une formation qualifiante.
M. Jean-Louis Tourenne. - Cet amendement ne demande pas un rapport, mais une réflexion (Sourires) à laquelle le Gouvernement n'échappera pas.
Le chômage est vécu comme une malédiction, autant pour des raisons financières que sociales et psychologiques. Sentiment d'humiliation, perte d'estime de soi, peur du regard des autres, perte du savoir-faire... On évoque 500 000 cancers dans le monde causés par le chômage.
Les traumatismes subis sont souvent irréversibles ; ils ont des conséquences sur la vie familiale et peuvent conduire à des conduites addictives et à l'exclusion sociale.
Le maintien d'un lien avec l'entreprise, lorsque celle-ci n'a pas disparu, permettrait d'éviter ce type de trauma, sans entraîner de coût supplémentaire.
L'indemnisation, c'est 40 milliards d'euros ; la formation, 30 milliards d'euros... Ces 70 milliards seraient mieux employés si les personnes conservaient un statut salarial durant leur période de formation.
M. Alain Milon, rapporteur. - Sur la forme, je suis opposé aux rapports. Sur le fond, je sais, comme M. Tourenne, les difficultés de santé que provoque le chômage.
Le Gouvernement et les partenaires sociaux cherchent à améliorer le contrat de sécurisation professionnelle. Peut-être devraient-ils explorer la piste suggérée par M. Tourenne. Avis défavorable.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - Avis défavorable aux rapports ; favorable à la réflexion.
L'amendement n°47 rectifié bis n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°149 rectifié, présenté par M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans un délai de six mois à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport d'évaluation sur la mise en oeuvre de la loi n° 2016-10-88 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
M. Christian Favier. - La faiblesse des études d'impact et le couperet de l'article 40 ne nous laissent guère d'autre solution que ces demandes de rapports. Nous aimerions avoir un état des lieux de l'application de la loi El Khomri dans six mois. Nous sommes curieux de savoir si le chômage a baissé.
L'amendement n°149 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.
M. le président. - Amendement n°166 rectifié, présenté par MM. Yung et Leconte et Mmes Lepage et Conway-Mouret.
Après l'article 8 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la situation, au regard de l'assurance chômage, des agents contractuels recrutés sur place dans les services de l'État à l'étranger.
Ce rapport explore les pistes susceptibles de permettre aux agents non titulaires de droit local de bénéficier d'une indemnisation au titre de l'assurance chômage lors de leur retour sur le territoire français. Il aborde notamment la possibilité de mettre en place un dispositif d'indemnisation dans le cadre de l'auto-assurance ou d'une convention de gestion ou, à défaut, d'autoriser les agents de droit local à adhérer à titre individuel au régime français d'assurance chômage. Il évalue également l'impact financier des différentes options envisageables.
M. Jean-Yves Leconte. - Vous me voyez désolé de vous présenter encore une demande de rapport. Pour autant, j'aimerais que le Gouvernement se prononce sur le sort des agents non titulaires de droit local, de plus en plus nombreux en raison de la baisse des postes expatriés. Ils ne peuvent pas bénéficier des prestations de l'assurance chômage française lors de leur réinstallation en France bien que le code du travail oblige l'État et ses établissements publics administratifs à assurer leurs agents non fonctionnaires contre le risque de privation d'emploi.
Le Défenseur des droits, le 27 février 2013, a considéré que la différence de traitement subie par les recrutés locaux n'était pas justifiée.
Aucune suite positive n'a encore été donnée à cette recommandation, qui va dans le même sens qu'un télégramme diplomatique en date du 9 septembre 2009, selon lequel l'ouverture des droits à l'assurance chômage « s'applique [...] aux ADL qui décideraient de venir résider en France dans les douze mois qui suivent la fin de leur contrat. »
M. Alain Milon, rapporteur. - C'est une question technique : ces agents relèvent à l'évidence du droit étranger. Je vous conseille de poser cette question sous la forme d'une question orale sans débat au ministre des affaires étrangères, puisqu'il s'agit de son domaine de compétence.
Mme Muriel Pénicaud, ministre. - En effet.
M. Jean Desessard. - Il ne fallait pas demander un rapport, mais proposer d'habiliter le Gouvernement à prendre par ordonnances toutes mesures pour « sécuriser » la situation de ces personnes !
M. Jean-Yves Leconte. - Seul le Gouvernement peut demander à être habilité, hélas !
J'attire votre attention, sur le fait que selon les pays, ces agents peuvent être considérés comme agents diplomatiques et ne bénéficient pas, en conséquence, de la protection sociale, plus ou moins bonne, du droit local. Cette difficulté s'ajoute à leur absence de couverture par l'assurance chômage à leur retour en France. Je vais retirer l'amendement. Le Défenseur des droits a essayé de le faire bouger, mais le ministère des affaires étrangères reste hélas inerte sur le sujet, c'est pourquoi je souhaitais interpeller le Gouvernement.
L'amendement n°166 rectifié est retiré.
M. le président. - L'article 9 et l'amendement n°22 rectifié portant article additionnel ont été examinés précédemment.
Explications de vote
M. Yves Daudigny . - Je m'exprime en mon nom propre ainsi qu'au nom de plusieurs de mes collègues.
En cohérence avec mon vote et soutien aux lois Rebsamen et El Khomri, j'ai exprimé un avis favorable à ce texte et apporté un soutien vigilant notamment sur le travail de nuit et les prud'hommes à ce projet de loi, conformément aux valeurs qui sont les miennes. La procédure par ordonnances est conforme à la tradition républicaine. Tous les gouvernements de la Ve République y ont d'ailleurs eu recours. La négociation au niveau de la branche est facilitée depuis une ordonnance Auroux de janvier 1982.
J'insiste sur l'encouragement indispensable à la présence syndicale dans les entreprises, qui nécessite des moyens. C'est indispensable au renforcement du dialogue social. Je me suis félicité de la création d'une commission spécifique sur la santé dans l'instance unique.
D'une manière générale, nos décisions doivent correspondre à des mises en oeuvre possibles et fonctionner dans la réalité. Entre le monde idéal dont nous rêvons et cette réalité, je suis convaincu qu'il y un champ pour une réforme ambitieuse, porteuse de protections nouvelles - je pense en particulier à la formation professionnelle et au chômage - pour les salariés, tout en améliorant l'efficacité économique du système.
Je voterai contre ce texte néanmoins en raison des modifications très fortes introduites par la majorité sénatoriale. Nous porterons un jugement définitif lors de la ratification des ordonnances. (Mme Catherine Tasca applaudit.)
M. Dominique Watrin . - Durant ces quatre jours de débats, nous avons critiqué ce texte, fondé sur le postulat faux, l'indigente pensée que la productivité des entreprises peut progresser à raison de la réduction des droits des salariés. Nous avons dénoncé les reculs sociaux qu'il contient : le plafonnement des indemnités de licenciement, la réduction des délais de recours devant les prud'hommes, la fusion des instances représentatives du personnel, la suppression du compte de prévention de la pénibilité et j'en passe.
Non, il n'est pas difficile de licencier en France ; non, les contraintes qui pèsent sur les entreprises de notre pays ne sont pas trop rigides, nous sommes dans la moyenne européenne pour les licenciements individuels d'après l'OCDE elle-même. On licencie même plus facilement en France qu'en Irlande, en Hongrie, en Suisse, en Allemagne, en Belgique, en Italie, entre autres pays.
Reprenant le cahier de revendications du Medef, logiquement, vous avez refusé tous nos amendements, toutes nos propositions alternatives, destinées à renforcer les droits des salariés. Votre projet de renforcement du dialogue social sera, en outre, contre-productif pour notre société et notre économie. Nous voterons contre l'ensemble du projet de loi.
M. René-Paul Savary . - Merci au président rapporteur de la commission des affaires sociales dont les ajouts, peu nombreux et précis, introduisent dans la loi la flexibilité nécessaire pour unifier les parcours vers l'emploi, tout en améliorant les garanties et protections des salariés.
Voyons ce qui sera repris en commission mixte paritaire... Nous restons attentifs et vigilants. Nous nous retrouverons la semaine prochaine et suivrons l'application qui sera faite de ce texte.
Mme Laurence Cohen . - Le débat et vos réponses n'ont pas dissipé nos craintes, bien au contraire. La majorité sénatoriale a même été plus loin que ce que proposait le Gouvernement. C'est une mauvaise nouvelle pour les salariés mais aussi pour l'économie.
Vous facilitez les licenciements, limitez les recours par les salariés, inversez la hiérarchie des normes, créez des CDI de projet - oxymore que nous avons dénoncé - et j'en passe. Bref, vous allez créer une société de mini-jobs, du travail le dimanche et la nuit, où l'égalité entre les femmes et les hommes sera bafouée.
Nous avons eu, néanmoins, plus de soutien de certains collègues socialistes qu'au moment de l'examen de la loi El Khomri. C'est une piste pour l'avenir. Le combat se poursuivra le 12 septembre dans la rue, avec les salariés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Éliane Assassi. - Très bien !
M. Alain Milon, rapporteur . - Pardon de devoir prendre la parole en cet instant, pour des raisons d'agenda. Je tiens à remercier tous ceux qui ont contribué à la préparation et à la bonne tenue de ces débats. Les travaux de la commission des affaires sociales se sont déroulés dans une ambiance sereine.
Plutôt spécialiste de la santé du projet de loi de financement de la sécurité sociale, j'avoue que j'ignorais des pans entiers du droit du travail... (On se récrie sur plusieurs bancs.)
Mme Nicole Bricq. - Ne soyez pas si modeste !
M. Alain Milon, rapporteur. - ... j'ai beaucoup appris grâce à vous tous et je tiens à en remercier particulièrement tous les membres et l'équipe de la commission.
Je dois vous faire part de mon inquiétude sur la manière dont risque de se dérouler la CMP : à mon étonnement, cinq des députés sur les sept membres de l'Assemblée nationale titulaires sont issus de la majorité, contre quatre traditionnellement et le rapporteur a refusé mes invitations à échanger...
Mme Nicole Bricq. - Pour l'instant !
M. Alain Milon, rapporteur. - Inexpérience ou intention ? Soyons vigilants. Le Sénat apporte de l'apaisement dans le travail parlementaire.
Rendez-vous lundi à l'Assemblée nationale et jeudi ici même. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
M. Olivier Cadic . - Le Sénat a été le théâtre de débats vifs et passionnés. Toutes les sensibilités ont pu s'exprimer. Certains veulent un droit centralisé et exhaustif, d'autres, dont je fais partie, font confiance à l'intelligence collective. Je vous confirme, à l'issue de cette discussion, le soutien que j'avais annoncé d'emblée.
Madame la ministre, maintenant, c'est à vous de jouer. Ne reculez pas face au dogmatisme, voire aux violences. Fluidifiez le dialogue social, simplifiez les mesures applicables, flexibilisez le marché du travail.
Vite, vite, vite, vous le devez aux chômeurs et à tous les Français ! Nous saurons bientôt si vous avez su répondre aux attentes. Bon courage. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste ; Mme Marie-Annick Duchêne applaudit aussi.)
M. David Assouline . - Je voterai contre ce projet de loi qui intervient avant l'évaluation de la mise en oeuvre de la loi El Khomri. Je regrette la méthode employée, celle des ordonnances, qui a limité les débats. Beaucoup est déjà écrit.
Je ne rejette pas a priori la notion de flexibilité ; mais elle s'accompagne dans votre projet d'un affaiblissement de la sécurité, et de la représentation syndicale qui l'assure. CDI de chantier, barème des indemnités prud'homales, abandon de la spécificité du CHSCT, baisse de la représentation syndicale... Oui, je voterai contre tout cela, d'autant que votre Gouvernement a rejeté nos amendements mais en a accepté beaucoup de la droite. Beaucoup de mes amis socialistes voterons de même.
M. Jean Desessard . - Les ordonnances, c'est légal, c'est possible, mais ce n'est pas forcément bien. Il aurait fallu des études précises, des cas concrets pour nourrir la réflexion ; voire des états généraux de l'économie et de l'emploi qui auraient mobilisé nos territoires, ainsi que les acteurs économiques et syndicaux. Voilà pour la méthode.
Sur le fond, vous n'avez pas apporté de contreparties à la flexibilisation ; vous avez refusé, en pratique, tout en prétendant l'appeler de vos voeux, le dialogue social, avec tous les éléments de cogestion que nous proposions. Enfin, où est votre projet de société ?
Vous êtes un gouvernement neuf ; la population vous attend, c'était à vous de proposer un nouveau contrat social. Où est-il, madame la ministre ? Vous y répondez par des aménagements soufflés par le Medef. Je constate non sans tristesse que mes prédictions exprimées au moment de la loi El Khomri se sont réalisées : cette loi n'était qu'un toboggan vers la libéralisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean-Louis Tourenne . - Les débats ont été de qualité, courtois et cordiaux, ce qui est l'honneur du Sénat. J'en retiens trois mots : trompe-l'oeil, naïveté et toxicité.
Trompe-l'oeil d'abord : vous connaissez ces peintures qui vous ouvrent des perspectives réjouissantes vers lesquelles vous vous précipitez... pour vous cogner dans un mur ! Ainsi, des mots aimables, comme celui de sécurisation, ont été brandis mais de concrétisations, point.
Naïveté : vous semblez croire que la négociation peut être équilibrée sans les syndicats. C'est en vérité un dialogue entre le renard et la poule : tout ce que celle-ci peut demander, c'est à quelle sauce elle sera mangée... (M. Jean Desessard renchérit.)
Sur la toxicité, je ne reviendrai pas : elle émane des dispositions que nous avons combattues, qui vont aggraver encore les conditions de travail dans notre pays.
Une révolution, c'est un retour au point de départ, madame la ministre. Je crains que vous vous soyez bornée à prolonger, madame la ministre, la direction que nous avons prise depuis quelques années, en l'aggravant. Nous voterons contre ce projet.
Mme Nicole Bricq . - Je tiens à remercier à mon tour tous ceux qui ont participé au travail que nous avons accompli. Cette réforme et sa méthode ont été annoncées. Il y a urgence. Vous conduisez en même temps que ce débat parlementaire des négociations avec les partenaires sociaux sur le contenu des ordonnances. En ce sens, ce projet de loi d'habilitation représente un tour de force inédit ; nous nous sommes adaptés, y compris en discutant et en votant les amendements tardifs.
Cette réforme est aussi assumée. Elle redonne un rôle aux partenaires syndicaux, à tous les étages du dialogue social, et surmonte les obstacles rencontrés pendant le précédent quinquennat.
Néanmoins, le groupe La République en marche s'abstiendra, en raison des dispositions votées, aux articles premier et 2, contre l'accord majoritaire. Cela ne va pas et jette une ombre sur la sincérité de la majorité sénatoriale.
M. Guillaume Arnell . - Fidèles à la tradition et aux valeurs du groupe RDSE, nous portons un regard différencié sur ce texte. Nous ne sommes pas favorables aux ordonnances, - même si elles font partie des outils à votre disposition - d'autant que des négociations sont en cours.
Les mesures votées - sur la fusion des IRP ou sur le compte pénibilité notamment - ne sont pas de nature à améliorer le dialogue social. Il n'y a pas d'équilibre entre les efforts salariaux et les bénéfices patronaux. Or une entreprise, c'est un chef d'entreprise, un outil de production, des salariés.
J'ai beaucoup appris pendant les débats ; mais il me sera difficile de présenter leur issue comme une avancée aux travailleurs ultramarins, car l'environnement et le tissu économique sont outre-mer très différents de ceux de la métropole.
La majorité du groupe RDSE s'abstiendra, plutôt que de voter contre, car nous avons obligation d'avancer.
À la demande de la commission des affaires sociales, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°141 :
Nombre de votants | 338 |
Nombre de suffrages exprimés | 292 |
Pour l'adoption | 186 |
Contre | 106 |
Le Sénat a adopté.
Mme Muriel Pénicaud, ministre . - Merci pour ce temps passé ensemble. Nous aurons l'occasion de nous revoir, en particulier pour le projet de loi sur la sécurisation des parcours professionnels que je présenterai l'an prochain. J'ai apprécié que nos échanges portent sur le fond. Nous avons voulu faire oeuvre durable, afin d'adapter notre monde d'aujourd'hui à celui de demain. Je remercie les présidents de séance, l'excellent président-rapporteur de la commission des affaires sociales, ainsi que le rapporteur pour avis de la commission des finances, et vous tous, qui avez participé à ces débats, et vous dis à bientôt. (Applaudissements sur la plupart des bancs)
Prochaine séance, mardi 1er août 2017, à 16 h 45.
La séance est levée à 20 h 15.
Jean-Luc Blouet
Direction des comptes rendus