Questions d'actualité
M. le président. - Après l'étape du Tour de France, qui nous a obligés à décaler légèrement la reprise de la séance, l'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Je vous rappelle que la séance est retransmise sur France 3, sur Public Sénat et sur le site Internet du Sénat.
Au nom du Bureau du Sénat, j'appelle chacun de vous à observer au cours de nos échanges le respect des uns et des autres, l'une des valeurs essentielles du Sénat, ainsi que votre temps de parole.
Avenir des collectivités territoriales (I)
M. Vincent Capo-Canellas . - Ma question s'adressait au Premier ministre, c'est le ministre de l'action et des comptes publics qui me répondra.
Lors de la Conférence nationale des territoires, organisée au Sénat, le président de la République a confirmé la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers. Afin de lever toute ambiguïté, nous confirmez-vous que cette suppression sera compensée sous la forme d'un dégrèvement et que sera ainsi garantie la neutralité financière de l'opération pour les collectivités ? Nous garantissez-vous que ce dégrèvement sera maintenu par la suite ?
Le président de la République a également annoncé une baisse des dotations aux collectivités territoriales de 13 milliards d'euros. Elle n'interviendra pas en 2018 et serait organisée selon un « mécanisme intelligent ». Dès lors, comment fixerez-vous un objectif de baisse des dépenses par collectivité, selon quel indicateur et quelles modalités ?
L'effort attendu suppose des choix forts sur l'architecture d'ensemble de nos collectivités. Derrière la formule « deux niveaux de collectivités en dessous de la région », quelle est votre vision stratégique pour éviter le big bang institutionnel ? Une disparition du département en zone urbaine ou, au contraire, un couple commune-intercommunalité comme pivot quasi fusionnel de la réforme ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union centriste)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - S'agissant de la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des foyers qui la paie, un dégrèvement est prévu de 3 millions d'euros l'an prochain, pour une mesure dont le coût est estimé à 8,4 milliards d'euros - je rappelle que 12 millions de foyers sont déjà exonérés de taxe d'habitation.
Le président de la République et le Premier ministre ont tracé devant vous l'avenir des collectivités territoriales : leur conserver l'autonomie fiscale et rendre la taxe d'habitation plus juste. Prenons, au hasard, la commune du Bourget. (Sourires) Deux couples avec un enfant disposant de ressources équivalentes et habitant des logements de même surface avec des valeurs locatives identiques paieront le même montant alors que l'un d'eux habite un quartier de la politique de la ville. C'est un impôt socialement injuste. (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains) Vous n'y êtes pour rien ! Nous proposerons un certain nombre de pistes aux élus et, en particulier, aux sénateurs. Je rappelle que les 150 plus grandes collectivités territoriales sont responsables de 60 % de la dépense publique. Peut-être nous faut-il davantage de jardins à l'anglaise qu'à la française... (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
Budget de la Défense
M. Dominique de Legge . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Sans doute parce que j'appartiens à l'ancien monde, je ne comprends pas comment on peut en même temps réduire le budget des forces armées de 650 millions d'euros et garantir que les OPEX seront intégralement financées et que la loi de finances sera respectée. Concrètement, comment vous y prendrez-vous pour résoudre cette équation ? Quels programmes d'équipement annulerez-vous ? Allez-vous débloquer les 2,7 milliards d'euros gelés et quand ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union centriste)
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État auprès de la ministre des armées . - La situation difficile dans laquelle nous avons trouvé les finances (protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que sur les bancs du groupe Les Républicains) ne nous empêchera pas d'assurer ce financement.
M. Roland Courteau. - Qui était ministre de l'économie ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. - La ministre de la défense prendra les décisions qui s'imposent et veillera à ce que l'exécution budgétaire soit respectée.
M. Francis Delattre. - Vous ne répondez pas à la question !
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. - L'avenir proche, c'est l'annonce, que le président de la République a réitérée aujourd'hui, d'une augmentation de 1,8 milliard d'euros du budget des armées pour 2018. (M. Gérard Longuet marque son incrédulité.) J'espère que les sénateurs nous y aideront.
Enfin, l'engagement budgétaire pour 2025...
M. Philippe Dallier. - Des promesses ?
Mme Geneviève Darrieussecq, secrétaire d'État. - ...de porter à plus de 50 milliards d'euros le budget des armées sera tenu. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe La République en marche)
M. Dominique de Legge. - Heureusement, nos militaires sont plus précis dans leurs tirs, que vous dans les chiffres ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.)
Le président de la République avait pourtant bien commencé : une visite à Percy, une autre sur les OPEX, une descente des Champs-Élysées... Et voici qu'un arbitrage brutal, inspiré par un inspecteur des finances plutôt que par Jupiter, est rendu le 13 juillet, à la veille du défilé. Le président de la République portera la responsabilité de cette atteinte à notre souveraineté ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe Union centriste)
Hyper-ruralité
M. Alain Bertrand . - Lundi dernier, au Sénat, le président Emmanuel Macron a fait plusieurs annonces lors de la Conférence nationale des territoires. J'ai trouvé dans ces propos, modestement, plusieurs des remarques que je faisais modestement dans mon rapport sur l'hyper-ruralité (Sourires) : imposer un moratoire sur les fermetures d'écoles ; donner plus à ceux qui ont moins ; lorsque les élus en décident, mutualiser et privilégier la recherche de synergies pour favoriser le service aux territoires et aux citoyens tout en maintenant les investissements. Le président de la République a également annoncé la création d'une Agence pour la cohésion des territoires. Le cap est fixé, la stratégie est claire.
Cependant, je souhaite des progrès sur trois points. D'abord, comptez-vous mettre en avant le rôle d'hinterland des territoires ruraux et reconnaître enfin que la ruralité est créatrice d'une partie importante de la richesse et de l'emploi comptabilisé dans les métropoles et les grandes agglomérations ? Ensuite, qu'en est-il de la démétropolisation de certaines grandes institutions, entreprises ou administrations ? Pourquoi ne pas placer la nouvelle agence en Lozère (Sourires), dans les Vosges ou dans la Creuse ? Enfin, pouvez-vous me confirmer que, sur le plan d'investissement de 50 milliards d'euros, une partie sera affectée aux territoires les plus fragiles et à l'hyper-ruralité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Vous êtes le chantre de l'hyper-ruralité... d'où votre hyper-question ! Je me réjouis d'abord que la Conférence nationale des territoires se soit tenue au Sénat ; cette maison qui, aux termes de l'article 24 de la Constitution, représente les territoires.
Depuis de nombreuses années, une partie de la ruralité a beaucoup souffert. Je dis bien une partie de la ruralité car je ne suis pas de ceux qui opposent le rural et l'urbain - il y a des territoires fragiles en zone urbaine. (M. Alain Bertrand et Mme Colette Mélot applaudissent.)
Il y a une vraie volonté du Gouvernement d'aller vite et fort sur le numérique, sur l'accessibilité des territoires, sur le développement des maisons de services au public et des maisons de santé, sur le soutien à l'agriculture - nous l'avons vu lors des états généraux de l'alimentation.
Toute une politique doit se tourner vers ces territoires. Et, point fondamental, elle doit faire travailler ensemble les collectivités et l'État. Souvenez-vous : Édith Cresson avait lancé une politique courageuse de délocalisations qui a été abandonnée devant la réaction de tous ceux qui refusaient de quitter Paris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain ; MM. René Danesi et Claude Kern applaudissent également.)
Conférence nationale des territoires
M. Michel Berson . - Lundi dernier, lors de la Conférence des territoires, le président de la République a porté sur les fonts baptismaux le pacte girondin audacieux qu'il veut construire entre l'État et les collectivités territoriales.
Pour les esprits chagrins qui voulaient faire des territoires un impensé présidentiel, cela a été une déception. Pour les élus, profondément attachés aux territoires, cela a été une grande satisfaction. (Marques d'ironie sur les bancs du groupe Les Républicains) Le président de la République a présenté sa doctrine, elle témoigne de sa conscience aiguë des problèmes auxquels notre pays fait face. Le levier territorial est essentiel pour réussir la transition écologique et la transition numérique ; répondre au besoin de simplification, sinon de simplicité ; lutter contre les inégalités - c'est-à-dire les égoïsmes - ; et, enfin, rénover la fiscalité locale.
Le président de la République a su éviter le piège du grand soir territorial. Transports du quotidien, déserts médicaux, haut débit, logement, le président de la République a su être concret.
Voix sur les bancs du groupe Les Républicains. - À d'autres !
M. Michel Berson. - Je veux saluer cette approche pragmatique qui consiste à construire une France des territoires qui reste proche mais sait voir loin.
Comment comptez-vous mettre en oeuvre ce nouveau pacte de confiance entre l'État et les collectivités territoriales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires . - Je salue votre enthousiasme. (On s'esclaffe sur les bancs du groupe Les Républicains et sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Daniel Raoul. - Au suivant !
M. Jacques Mézard, ministre. - Nous y sommes tous très sensibles. Nous voulons établir un pacte de confiance : c'est un changement. En nous adressant à tous les élus, nous voulons travailler autrement : sans rien imposer, en discutant.
M. Roland Courteau. - Treize milliards d'euros de dotation en moins !
M. Jacques Mézard, ministre. - La Conférence nationale des territoires s'inscrit dans cette stratégie. (Applaudissements de M. Michel Berson)
M. Roland Courteau. - Treize milliards en moins !
M. Jacques Mézard, ministre. - Nous avons tous des responsabilités dans les décisions qui ont été prises ces dernières années. (MM Yvon Collin et Alain Bertrand applaudissent.)
M. Roland Courteau. - Treize milliards en moins !
M. Jacques Mézard, ministre. - Je vous entends. Mais là, c'est différent, nous n'imposons pas la baisse... (On proteste à droite)
M. David Assouline. - ...que nous sommes obligés d'accepter !
M. Jacques Mézard, ministre. - Nous allons procéder autrement ; par la concertation, par l'écoute.
M. Claude Bérit-Débat. - Le résultat sera le même !
M. Jacques Mézard, ministre. - Certaines collectivités connaissent des difficultés considérables, je le sais ; d'autres ont encore des marges de manoeuvre sur les charges de fonctionnement.
M. Alain Néri. - Vous allez inventer la machine à pondre les oeufs ?
M. Jacques Mézard, ministre. - Nous privilégierons la concertation, donc, sans chercher le big bang territorial.
M. David Assouline. - Treize milliards !
M. Jacques Mézard, ministre. - Monsieur Assouline, vous qui avez accepté bien d'autres choses, ne nous donnez pas de leçons ! (Applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche et RDSE)
Enseignement supérieur
Mme Brigitte Gonthier-Maurin . - Madame la ministre, 87 000 bacheliers restent sans affectation, 331 millions d'euros de crédits sont annulés. Voilà le résultat de la politique menée depuis la LRU, que vous maintenez : un manque récurrent et criant de moyens.
Au prétexte de mettre fin au système honteux du tirage au sort, vous instaurez des prérequis à l'entrée à l'université. L'accès à l'université est pourtant un droit ouvert à tous, inscrit dans le code de l'éducation. Votre politique est également contraire aux principes définis dans la StraNES en 2015 pour aller vers une société apprenante.
Avec les sénateurs du groupe CRC, je vous demande de mettre en place un plan d'urgence. Il faut voir l'enseignement supérieur, non comme un coût, mais comme un investissement pour l'avenir de nos jeunes et le développement de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Vous avez raison : autant d'étudiants sans affectation dans l'enseignement supérieur, c'est un gâchis qui est le fait du tirage au sort mais aussi de l'absence de prise en compte de la hausse démographique...
M. David Assouline. - C'est surtout ça !
Mme Frédérique Vidal, ministre. - ...des étudiants. À l'université, le gâchis est humain puisque 60 % des étudiants inscrits en licence quittent l'université sans diplôme après quatre ans. Il est aussi social puisque l'on fait échouer ces étudiants tout en leur consacrant des moyens. Enfin, il est financier : 8 à 10 000 euros investis par étudiant dans l'enseignement supérieur, pour les faire échouer et leur donner un sentiment d'inutilité... La Nation ne remplit pas son devoir. (Mme Bariza Khiari applaudit.)
Mme Nicole Bricq. - Très bien !
Mme Frédérique Vidal, ministre. - C'est pourquoi nous créons un contrat de réussite avec les étudiants, avec un accompagnement adapté. Nous devons dire la vérité aux étudiants sur leurs chances de réussite dans telle ou telle filière et proposer des cours de médiation pour limiter ce gâchis humain, social et financier. (Applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche et RDSE ; M. Daniel Chasseing et Mme Marie-Annick Duchêne applaudissent également.)
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Nous n'avons de cesse de proposer d'extraire les dépenses pour l'enseignement du calcul du déficit public et de les porter à 2 %. Oui, nous avons besoin de moyens, y compris pour changer le système d'orientation. Nous ne voulons pas du tri, nous voulons aider les étudiants à réussir en instaurant des passerelles et des suppléments d'éducation. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
Réforme de la taxe d'habitation
M. Dominique Bailly . - Monsieur le Premier ministre, la suppression de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages est annoncée pour 2018. Chiche ! L'impôt est injuste socialement et territorialement - le président de la République l'a rappelé lundi. Doublement chiche, même : pourquoi pas la supprimer pour 100 % des ménages ? (On renchérit sur les bancs du groupe Les Républicains.) En 2000, Lionel Jospin l'avait proposé - il a dû se contenter de la suppression de la part régionale de la taxe.
La vraie question politique, c'est l'autonomie financière des collectivités territoriales, dont la taxe d'habitation est le pilier.
M. Martial Bourquin. - Très bien !
M. Dominique Bailly. - Cela menace le principe de libre administration des collectivités territoriales. (On renchérit sur plusieurs bancs, à gauche comme à droite.)
M. Philippe Dallier. - Principe constitutionnel !
M. Dominique Bailly. - Les élus locaux sont très inquiets. Il y aura des dégrèvements, soit, mais il faut aller plus loin, avec une véritable réforme de la fiscalité locale, une véritable révolution fiscale !
M. Martial Bourquin. - Très bien.
M. Dominique Bailly. - Avez-vous la volonté politique d'aboutir ? Sans cela, il sera impossible de pérenniser les finances locales. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)
M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics . - Vous auriez pu, pour la bonne intelligibilité de nos débats, proposer les économies correspondantes à la suppression totale de la taxe d'habitation... Nous le ferons, pour notre part, bientôt.
M. Francis Delattre. - C'est vous qui gouvernez !
M. Gérald Darmanin, ministre. - Nous réfléchissons au renouveau d'une fiscalité locale, qui soit plus équitable pour les collectivités et plus juste pour les citoyens.
Dans votre commune d'Orchies, les écarts entre taxe d'habitation sont considérables : un couple sans enfants gagnant 45 000 euros par an paye 1 309 euros de taxe d'habitation pour une maison construite après 1920, mais 968 euros pour la même surface construite avant !
Si l'autonomie financière est bien prévue par la Constitution - et le choix du dégrèvement la conforte - il n'en va pas de même pour l'autonomie fiscale. Ainsi, les régions n'ont pas le pouvoir de taxer. Il faut travailler sur ces questions : un État fédéral comme l'Allemagne se passe d'une autonomie fiscale des collectivités territoriales... (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche)
Mme Nicole Bricq. - Exactement !
Admission post bac (I)
M. Gérard Roche . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste) Ma question, à laquelle M. Jean-Léonce Dupont s'associe, reprend la mélodie entonnée par Mme Gonthier-Maurin, dans une autre tonalité.
Le dysfonctionnement du portail APB est en effet un gâchis humain, qui pénalise d'abord ceux qui n'en ont pas les codes, et pour qui la poursuite d'études est un investissement lourd. À ce jour, 87 000 néo-bacheliers, parfois reçus avec mention, restent sans affectation pour septembre, victimes d'un tirage au sort absurde. Or les universités vont fermer leurs portes jusqu'au 20 août.
Comment comptez-vous éviter que ces déboutés du droit aux études supérieures ne perdent une année, ou ne se tournent vers des formations onéreuses ? Les solutions trouvées ne seront-elles pas trop éloignées de leur projet initial ? Comment les aider à se loger rapidement dans la ville universitaire qui les accueillera ? Quelles instructions donnerez-vous aux Crous ? Questions terre à terre, mais qui appellent des réponses concrètes ! (Applaudissements au centre ; Mmes Corinne Bouchoux et Aline Archimbaud applaudissent également.)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Vous avez raison : 87 000 candidats sont encore inscrits sur la plateforme APB. Ils ne sont pas tous néo-bacheliers ; beaucoup sont en réorientation et pourront toujours rejoindre leur affectation initiale, beaucoup sont en attente d'un meilleur choix. Notre priorité est les 10 000 néo-bacheliers ; ils étaient 17 000 il y a quinze jours et 36 000 il y a un mois, nous travaillons à réduire ce nombre. Environ 200 000 places libérées dans l'enseignement supérieur seront offertes dans la nouvelle phase d'APB.
Reste que le système est d'une injustice absolue. Les candidats n'ont pas tous la même capacité à utiliser l'outil et à obtenir l'information. Nous supprimons le tirage au sort dès la rentrée 2018. C'est par une orientation renforcée au lycée et un accompagnement particulier, précisant les prérequis, que nous sortirons de cette situation.
APB, qui vient de rouvrir, restera ouverte jusqu'au 25 septembre. À compter du 20 août, les universités et rectorats traiteront les situations au cas par cas. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche et sur certains bancs du groupe socialiste et républicain)
Démission du chef d'état-major des armées
M. Cédric Perrin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement envisage de réduire de 850 millions le budget de la Défense en 2017. Chacun est au fait des évènements qui ont abouti hier à la démission du chef de l'état-major des armées, le général Pierre de Villiers. Je rends hommage à ce grand soldat, grand serviteur de l'État. (Applaudissements nourris à droite et au centre)
Nul ne conteste que le chef d'état-major est le mieux placé pour porter un diagnostic sur l'état de nos forces, dont les moyens ont été consciencieusement réduits ces dernières années. (M. Alain Richard s'exclame.) La vétusté de nos matériels compromet les missions et jusqu'à la sécurité de nos soldats.
Le travail parlementaire a été considéré avec une extrême légèreté : les propos tenus à huis clos par le chef d'état-major devant une commission de l'Assemblée nationale n'étaient nullement déplacés. Existerait-il désormais une jurisprudence Soubelet ?
Le Gouvernement est-il sincère lorsqu'il affirme que les forces armées auront les moyens de leur mission ? Garantissez-vous que les personnalités auditionnées par le Parlement ne seront pas sanctionnées si leur diagnostic déplaît à l'exécutif ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Édouard Philippe, Premier ministre . - Il y a un chef d'état-major des armées et un chef des armées. Ce sont deux fonctions, deux légitimités, deux expériences différentes. En cas de désaccord, c'est le pouvoir politique qui prévaut. (Applaudissements sur les bancs de La République en marche et sur plusieurs bancs RDSE ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, applaudit également.) Le Cema a exprimé son désaccord avec la décision prise par le président de la République et en a tiré les conséquences. Je m'associe à votre salut républicain, au moment où il quitte ses fonctions. Je salue de la même façon son successeur, le général Lecointre.
Dans notre régime, le chef des armées a le dernier mot en matière de choix militaire, il ne peut en aller autrement. L'effort de défense sera porté à 2 % du PIB d'ici 2025, c'est un engagement ferme du président. C'est nécessaire, car pendant de longues années, notre effort de défense n'a pas été à la hauteur du danger et de l'instabilité du monde.
Mme Nicole Bricq. - Bravo !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - La situation ne date pas d'il y a deux mois ; le constat est ancien. Ce n'est pas la première fois que nous opérons des régulations budgétaires. Le budget 2016 voté en loi de finances initiale était de 31,8 milliards ; le budget 2017, de 32,4 milliards, sera exécuté à ce niveau.
M. Cédric Perrin. - Sans les Opex !
M. Édouard Philippe, Premier ministre. - Vous avez raison de le rappeler. Pendant des années, on s'est contenté de reports de crédits, jusqu'à 750 millions d'euros - nous allons réduire cette somme à 700 millions. Le coût des Opex n'est pas pleinement intégré dans le budget de la Défense.
Le président l'a redit ce matin : le budget de la Défense sera de 34,2 milliards pour 2018, soit 1,8 milliard de plus qu'en loi de finances initiale 2017. C'est une hausse de 5,25 % - plus que la hausse du PIB, plus que l'inflation. Ce sera le seul budget à augmenter en volume.
Cet effort se poursuivra, année après année, dans une courbe d'augmentation pour atteindre 2 % en 2025. La modernisation de nos équipements, de notre capacité de dissuasion, nos engagements à l'étranger l'exigent.
Je peux comprendre les polémiques. Ici, tout le monde aime son pays, tout le monde aime la politique. Mais regardez ce que nous avons fait en matière de Défense sur les trois derniers mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche et RDSE ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général, applaudit également.)
Procréation médicalement assistée (PMA)
Mme Michelle Meunier . - Lors de la campagne présidentielle, le candidat Macron disait ne pas voir d'obstacle juridique à l'ouverture de la PMA pour toutes les femmes, et souhaitait attendre l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) pour s'assurer d'un débat pacifié. Cet avis a été rendu, il est positif. Il n'y a donc plus d'obstacle à mettre fin à l'hypocrisie qui pousse les femmes à réaliser une insémination avec donneur en Espagne ou en Belgique. Dans quels délais permettrez-vous l'ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples homosexuels, avec une prise en charge par la sécurité sociale ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes . - L'ouverture de la PMA à toutes les femmes était en effet un engagement de campagne du président de la République, conditionné à l'avis du CCNE. Celui-ci est favorable pour la PMA, et négatif s'agissant de la légalisation de la gestation pour autrui (GPA).
Mme Catherine Procaccia. - Qui va payer ?
Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État. - Nous ouvrirons donc la PMA, mais nous voulons un débat apaisé, avec pour boussole l'intérêt de l'enfant et la nécessité de préserver les familles des insultes et actes homophobes. C'est pourquoi, avec les ministres de la santé et de la justice, nous allons tenir les états généraux de la bioéthique. La PMA sera ouverte à partir de la révision de la loi Bioéthique en 2018. Conformément aux décisions de la Cour européenne des droits de l'homme, nous favoriserons en outre l'inscription à l'état civil des enfants nés de GPA à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et La République en marche)
Mme Nicole Bricq. - Très bien.
Mme Michelle Meunier. - La France est prête. N'attendons pas trop : plus nous irons vite, plus nous limiterons les réactions homophobes. Le plus tôt sera le mieux. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen ; Mme Corinne Bouchoux applaudit également.)
Avenir des collectivités territoriales (II)
M. François Bonhomme . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Lundi dernier, au Sénat, le président de la République s'est fait porteur de mauvaises nouvelles pour les collectivités : suppression de la taxe d'habitation, baisse des dépenses de 13 milliards d'euros, baisse du nombre d'élus locaux.
Cette nouvelle ponction de l'État sur les budgets locaux s'ajoute à la baisse de 11 milliards d'euros subie entre 2014 et 2017, sans contrepartie, sans réforme de fond. Avec la suppression de la taxe d'habitation, on prive les collectivités locales de leur autonomie fiscale, c'est le vieux rêve de Bercy...
M. Gérald Darmanin, ministre. - Cette autonomie n'existe pas.
M. François Bonhomme. - Enfin, surprise du chef : la baisse du nombre d'élus locaux, aussi illusoire que funeste quand on sait que 90 % d'entre eux sont bénévoles. Ce sont souvent les seuls interlocuteurs dans les territoires ruraux. Ce maillage civique est une chance : nous avons besoin de plus de civisme, pas moins ! Comment articulez-vous ces annonces avec le développement des services de proximité et le renforcement les liens de proximité avec les citoyens ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Gérard Collomb, ministre d'État, ministre de l'intérieur . - Mon collègue Darmanin a apporté son petit cahier ; moi, j'ai apporté mon petit compteur, qui indique le niveau de la dette publique. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Elle ne cesse d'augmenter - plus 2 655 euros -, il faut réduire les dépenses publiques. (Vives protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Francis Delattre. - C'est honteux !
M. Éric Doligé. - La dette publique n'est pas le fait des élus locaux !
M. Gérard Collomb, ministre d'État. - Chacun est d'accord pour réduire les dépenses, mais chez les autres... Nous avons proposé une méthode, la Conférence nationale des territoires, pour déterminer ensemble comment faire baisser la dépense publique, au niveau local et dans les collectivités publiques. La Cour des comptes a été claire : si les collectivités locales ont réduit leurs dépenses, l'État, lui, ne l'a pas fait. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains) Jacques Pélissard a proposé les communes nouvelles pour accentuer l'action publique et réduire le nombre d'élus locaux. À Lyon, j'ai supprimé 26 conseillers généraux sur 55. Les choses fonctionnent-elles moins bien ? Non, bien mieux ! (Applaudissements sur certains bancs du groupe RDSE, quelques huées à droite)
M. François Bonhomme. - Réponse dilatoire ! Ce ne sont pas les élus communaux qui coûtent cher ; au contraire, heureusement qu'ils sont là ! Si le président de la République avait exercé un mandat local, il n'aurait sans doute pas fait une telle proposition. Mais il veut créer un droit à l'erreur : ceci peut expliquer cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Enseignement français à l'étranger
M. Jean-Yves Leconte . - Cinquante-cinq mille élèves de plus qu'il y a six ans fréquentent nos établissements à l'étranger ; il a fallu ouvrir 1 800 nouvelles classes mais les détachements d'enseignants titulaires ne suivent pas.
Alors que 20 % des demandes de détachement sont refusées, que les menaces de non-renouvellements se multiplient, les établissements, désespérant de recruter, stoppent leurs projets d'extension et tentent de contenir les effectifs. Le problème n'est pas budgétaire, puisque les établissements s'autofinancent, mais les besoins des établissements français à l'étranger ne sont pas pris en compte par les académies dans la planification et le calibrage des concours. Pire, les enseignants à l'étranger qui voudraient passer le concours pour être titulaires doivent rompre avec leur pays d'origine.
Quelles assurances nous donnerez-vous pour les demandes de renouvellement de détachement, pour le règlement des cas individuels qui subsistent à la veille de la rentrée ? Nos établissements français sont un vecteur primordial de l'esprit de conquête que prône le président de la République. Il faut une mobilisation du ministère de l'éducation nationale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale . - Merci de votre question. L'excellence de nos lycées français, présents dans 140 pays à travers l'AEFE et la Mission laïque française, nous fait honneur.
Après un certain immobilisme au cours des cinq dernières années, il faut retrouver du dynamisme, nous inspirer des succès pour développer l'enseignement français à l'étranger, voire pour des évolutions futures en France.
Sur le plan conjoncturel, j'ai donné des instructions pour limiter les refus de détachement. Toutes les demandes de renouvellement ont été acceptées, et deux tiers des demandes de détachement ; les 250 refus se concentrent dans les académies déficitaires en personnel, Créteil, Versailles et Guyane.
Nous apporterons une réponse structurelle en développant une politique de recrutement d'enseignants préparés à exercer à l'étranger. Nous mènerons ainsi une politique volontariste pour répondre à ce problème.
Admission post bac (II)
M. Jacques Grosperrin . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) L'obtention du précieux sésame suscite joie et fierté pour les 641 700 bacheliers et leurs familles. Une joie vite retombée pour certains : la plateforme Admission post bac (APB) a laissé 87 000 d'entre eux, soit 15 %, sur le carreau. L'algorithme laisse sur la touche des élèves brillants, comme une jeune Bisontine reçue avec mention Bien, qui n'a obtenu aucun de ses choix... Leur faudra-il partir à l'étranger, ou opter pour la Catho ?
Cette procédure, unique en Europe, est un échec total et un scandale, d'autant que nombre d'étudiants arrêtent à la fin du premier semestre, ce qui embolise encore le système.
Autre scandale : le tirage au sort, instauré par une circulaire prise entre les deux tours de la présidentielle par votre prédécesseur, qui ne sera guère regrettée... Dans les autres pays européens, la sélection n'est pas taboue. Pouvez-vous nous en dire plus sur les prérequis ? Les présidents d'université sont pour, mais les syndicats étudiants sont vent debout. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Frédérique Vidal, ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation . - Je l'ai dit, les 641 700 néo-bacheliers ne sont pas les seuls concernés par APB qui gère au total 851 000 candidats. Nous travaillons pour que le maximum d'entre eux trouvent une place - il y a des centaines de cas aussi injustes que celui que vous évoquez.
Je souhaite que l'ensemble des bacheliers désirant poursuivre des études dans l'enseignement supérieur puissent le faire. C'est un droit. Mais il est indispensable de prévoir un accompagnement, afin que tous aient une chance de réussir. C'est le sens du contrat de réussite, des prérequis, des attendus, pour indiquer la probabilité de réussite dans une filière donnée. Il ne s'agit pas de dire aux lycéens « non », mais plutôt : « oui, tu as toutes les chances de réussir en l'état » ou « oui, mais nous allons t'accompagner pour réussir dans cette filière ». (Applaudissements au centre)
Amiante
Mme Aline Archimbaud . - Nous avons été alertés par l'association des victimes de l'amiante : une vingtaine de procédures pénales emblématiques se dirigent vers un non-lieu, à la demande du parquet, vu la difficulté de déterminer la date d'intoxication et donc, d'identifier les responsables dans les entreprises.
L'amiante est interdit en France depuis 1997 ; on savait ce matériau cancérigène depuis 1977. Des milliers de travailleurs ont développé des cancers très spécifiques, dont on peut dire avec certitude qu'ils sont liés à l'amiante. La dose ne fait pas le poison : une seule fibre d'amiante inhalée peut provoquer un cancer. L'enjeu est celui de la sécurité au travail, de la responsabilité des entreprises vis-à-vis de leurs salariés.
Que fait-on quand des milliers de personnes sont malades, qu'on connait les causes du mal, mais que personne n'est responsable ?
Les pouvoirs publics n'ont-ils pas le devoir éthique de donner un signal positif aux victimes, accablées par cette non-réponse ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, du groupe socialiste et républicain et du RDSE ; M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.)
Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail . - Je vous prie d'excuser l'absence d'Agnès Buzyn avec laquelle je partage ce dossier. L'amiante est un sujet majeur tant sur le plan humain que financier : 20 000 dossiers d'indemnisation ont été déposés l'an dernier, un chiffre en légère baisse après des années de hausse ; à 2 milliards d'euros par an, l'indemnisation représente 17 % des dépenses de la branche AT-MP.
Nous ne pouvons commenter une action de justice, mais nous pouvons lancer des actions concrètes.
Dans le cadre du projet de loi d'habilitation que je vous présenterai lundi, la prévention de la pénibilité et des maladies professionnelles figurera dans les compétences de branches.
Le plan de suivi de l'amiante, lancé en janvier 2016, sera bien sûr poursuivi. Nous sommes mobilisés sur l'amélioration de la connaissance scientifique - 3 700 maladies professionnelles sont répertoriées. Il faut faciliter le repérage de l'amiante, protéger les travailleurs, mettre l'accent sur la formation et informer sur le cadre réglementaire en vigueur. Vous pouvez compter sur notre engagement total sur ce dossier. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche et RDSE)
Mme Aline Archimbaud. - Merci de cette réponse précise, j'espère qu'elle sera suivie d'effet. Le Sénat travaille sur le sujet depuis 2005. Face à des situations dramatiques, nous attendons des solutions concrètes. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)
La séance, suspendue à 16 h 15, reprend à 16 h 30.