Rétablir la confiance dans l'action publique (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi et du projet de loi organique rétablissant la confiance dans l'action publique.

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

M. le président.  - Amendement n°192 rectifié bis, présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle désigne un déontologue pour l'assister.

M. Joël Labbé.  - L'article 4 quater de l'ordonnance du 17 novembre 1958 énonce que : « le Bureau de chaque assemblée, après consultation de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, détermine des règles en matière de prévention et de traitement des conflits d'intérêts. Il veille à leur respect et en contrôle la mise en oeuvre. »

Je propose d'y ajouter la nomination d'un déontologue.

Lors de la consultation citoyenne encore en cours, un grand nombre de participants se sont étonnés que les parlementaires, juges et parties, soient en charge de déterminer les règles de déontologie.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le comité déontologique du Sénat est remarquablement présidé par un collègue qui a toutes les qualités d'indépendance et l'élévation morale requises. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis, au nom du principe d'autonomie des assemblées.

M. Joël Labbé.  - Je ne remets pas en question le comité de déontologie. Il s'agit de rétablir la confiance en apportant une garantie supplémentaire. N'oublions pas que nos concitoyens nous regardent.

L'amendement n°192 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°109, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

veille à

par les mots :

est tenu de

Mme Sylvie Robert.  - Amendement rédactionnel.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission ne croit pas qu'il le soit. Selon l'article 27 de la Constitution, « tout mandat impératif est nul ». On ne peut nier ainsi l'autonomie d'appréciation des parlementaires. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je partage l'avis de la commission.

M. Charles Revet.  - Très bien.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Que signifie ici, madame la garde des Sceaux, le verbe « veiller à » ? S'il y a un conflit d'intérêts avéré, il faut y mettre fin, le parlementaire est tenu de le faire - sans qu'il s'agisse d'une obligation immédiate.

L'amendement n°109 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°110, présenté par Mme S. Robert et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle peut, après avis de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, saisir la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, en cas de manquement répété.

Mme Sylvie Robert.  - Le texte est muet sur le cas où un parlementaire demeurerait en situation de conflit d'intérêts. Le comité de déontologie de chaque assemblée pourrait saisir la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique lorsqu'il constate des irrégularités en la matière.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable. Ce n'est pas le rôle de la Haute Assemblée de porter une appréciation sur les conflits d'intérêts. Elle n'est pas composée à cet effet. Il appartient au Bureau de chaque assemblée, après avis du comité de déontologie parlementaire, de mettre en oeuvre les procédures précises et efficaces de son Règlement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable, car la Haute Autorité n'est pas l'organe pertinent. Il appartient aux assemblées de prévoir les sanctions appropriées en cas de conflit d'intérêts.

L'amendement n°110 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°184 rectifié bis, présenté par M. Labbé et Mmes Archimbaud et Bouchoux.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Le bureau de chaque assemblée prévoit, après consultation de l'organe chargé de la déontologie parlementaire, les conditions dans lesquelles les cadeaux, avantages et invitations en France et à l'étranger, de valeur supérieure à 150 euros, d'un organisme extérieur au Sénat acceptés par un parlementaire sont rendus publics. »

M. Joël Labbé.  - L'instruction générale du Bureau du Sénat prévoit déjà une certaine transparence pour les invitations de valeur de plus de 150 euros reçus par les sénateurs. Toutefois, si les cadeaux doivent faire l'objet d'une déclaration, aucune mesure de publicité n'est explicitement prévue, à la différence des invitations à l'étranger. Cet amendement tend à combler cette lacune.

Nous devrons avoir une réflexion plus large à l'occasion du prochain renouvellement du Sénat, pour introduire plus de transparence et de démocratie dans notre fonctionnement.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Des règles existent déjà. Laissons notre assemblée, pionnière dans ce domaine, continuer d'assumer sa fonction sans créer de procédure redondante. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'instruction générale du bureau du Sénat prévoit déjà des mesures. Nul besoin d'en ajouter. Avis défavorable.

M. Alain Fouché.  - Les sociétés de lobbying comme Boury & Co s'agitent et passent leur temps à inviter des parlementaires dans les plus grands restaurants de Paris, aux frais de fédérations et parfois du Gouvernement. Mettons fin à ce marchandage qui coûte trop cher tant aux sociétés qu'aux ministères.

L'amendement n°184 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous allons débattre toute la semaine de démocratie, de confiance et de transparence. L'amendement que j'avais présenté, et qui retirait de la liste des documents non communicables au public les comptes rendus des délibérations ministérielles et réunions interministérielles, méritait d'être débattu. Il faut aussi faire la transparence sur les décisions de l'exécutif !

Or cet amendement a été déclaré irrecevable, sous prétexte qu'il s'agirait d'un cavalier. Je rappelle pourtant que l'article 48 de notre Règlement déclare recevables les amendements présentant un lien même indirect avec le texte en discussion. Hélas, la plus grande opacité entoure les décisions d'irrecevabilité dans notre assemblée... Cette autocensure empêche les parlementaires de mener à bien leur mission. Je demande que l'article 48 soit, à l'avenir, appliqué à la lettre. Lorsque le Gouvernement oublie une disposition essentielle pour la cohérence de son projet, nous ne pouvons pas nous taire, sinon c'est la confiance que nos concitoyens déclareront irrecevable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°187 rectifié, présenté par M. Labbé et Mmes Benbassa et Archimbaud.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 4 quinquies de l'ordonnance n°58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Il détermine également les règles de transparence appliquée aux documents transmis par des représentants d'intérêts, ainsi que les rencontres et rendez-vous pris ou organisés avec ces représentants. »

M. Joël Labbé.  - On nous dit souvent : « Vous avez de belles idées, mais vous ne faites pas le poids face aux lobbies. » C'est inacceptable. Il nous faut prendre des mesures pour garantir la transparence. L'article 4 quinquies de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit que « le Bureau de chaque assemblée parlementaire détermine les règles applicables aux représentants d'intérêts entrant en communication » avec les parlementaires et les organes des assemblées. Cet amendement renforce la transparence sur les documents fournis par les représentants d'intérêts, comme sur les rencontres organisées par ces mêmes représentants. C'est essentiel pour dissiper suspicions et fantasmes.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Le Bureau de chaque assemblée tient de la Constitution et non de la loi le pouvoir de réglementer le travail des parlementaires. C'est ce que fait le Bureau du Sénat depuis longtemps, il lui est loisible de préciser encore les règles. La loi Sapin 2 vient d'ailleurs de créer un registre des représentants d'intérêts. Attendons un peu ! Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. La loi de décembre 2016 a mis en place un répertoire numérique qui rend publiques les relations entre lobbies et parlementaires, et le Bureau des assemblées prend les mesures nécessaires.

Mme Nathalie Goulet.  - Il suffirait que nos collaborateurs refusent systématiquement ces liasses d'amendements prérédigés, voire prédigérés ! C'est simple.

M. Joël Labbé.  - C'est un amendement d'appel à l'intention du futur Bureau du Sénat. Même si des textes existent, l'influence des lobbies persiste.

L'amendement n°187 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°186 rectifié, présenté par M. Labbé et Mmes Benbassa, Bouchoux et Archimbaud.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le chapitre IX du titre II du livre I du code électoral, il est inséré un chapitre ... ainsi rédigé :

« Chapitre ...

« Fin de mandat

« Art. L. 178-...  -  L'exercice d'une activité de conseil au cours des douze mois suivant la fin de mandat d'un député est soumis à une autorisation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

« Lorsque la Haute Autorité estime ne pas disposer de toutes les informations lui permettant de statuer sur la demande, elle invite l'intéressé, dans un délai maximum d'une semaine à compter de la réception de sa demande, à la compléter.

« En l'absence de décision expresse écrite contraire dans un délai de quinze jours, l'intéressé est réputé autorisé à exercer l'activité de conseil ».

M. Joël Labbé.  - Cet amendement soumet à autorisation, pendant un délai d'un an, les activités de conseil exercées à l'issue d'un mandat parlementaire afin d'éviter tout soupçon. Cette durée correspond à celle de l'indemnité différentielle de fin de mandat à taux plein des parlementaires. Le parlementaire concerné ne subirait donc pas de perte de revenu si le conseil était son activité principale avant sa prise de fonction.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable car l'amendement est inconstitutionnel.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. La persistance d'une règle d'incompatibilité au-delà de la fin du mandat serait difficile à justifier. D'ailleurs, tout risque de conflit d'intérêt disparaît au terme du mandat.

M. Joël Labbé.  - Soit.

L'amendement n°186 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°195 rectifié, présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les trois derniers alinéas de l'article 18-2 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique sont supprimés.

M. Joël Labbé.  - L'article 25 de la loi Sapin 2 définit les représentants d'intérêts mais prévoit un certain nombre d'exceptions : organisations syndicales de fonctionnaires et de salariés, organisations professionnelles d'employeurs, associations cultuelles et associations d'élus. Cet amendement supprime ces exceptions, sauf le cas des élus dans l'exercice de leur mandat et des partis et groupements politiques dans le cadre de leur mission.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Je ne partage pas cet idéalisme parlementaire selon lequel tout contact avec la société civile nous contaminerait. Cela frise la fausse dévotion, la tartufferie. Nous menons de nombreuses auditions, nous avons besoin d'entendre les représentants des intérêts économiques et sociaux.

M. Charles Revet.  - Bien sûr !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Les organisations en question ont été exclues à dessein au terme d'un travail parlementaire approfondi qui ne date que de six mois. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Le législateur a trouvé un équilibre dans la loi de décembre 2016.

M. Joël Labbé.  - J'ai beau m'appeler Labbé, je ne crois pas qu'on puisse me taxer de puritanisme. Bien sûr, nous devons avoir des rapports avec la société civile. Mais il s'agit ici du lobbying organisé. Nous devons rendre confiance à nos concitoyens.

Cela dit, je retire mon amendement.

L'amendement n°195 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°150, présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union centriste.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 5° de l'article 18-3 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Les projets d'amendement, de proposition de loi, de proposition de résolution transmis à des membres du Parlement. »

Mme Françoise Férat.  - Cet amendement impose aux représentants d'intérêts, dans le cadre prévu par la loi Sapin 2 de déclarer à la HATVP les projets d'amendements, de proposition de loi ou de résolution transmis à des parlementaires.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable à regret. Je ne veux pas que nous fassions de la HATVP un Léviathan alors que sa seule vocation est d'enregistrer nos déclarations d'intérêts et de patrimoine comme celle des présidents d'exécutifs locaux, et de vérifier que nous ne nous sommes pas enrichis pendant notre mandat. (Marques d'approbation sur de nombreux bancs) Il lui a été difficile de réunir les moyens nécessaires, même si elle a désormais atteint un régime de croisière.

Je reconnais toutefois qu'il serait intéressant de rendre publics les amendements des groupes d'intérêts. Je forme le voeu que nous trouvions une rédaction appropriée lorsque ce texte reviendra au Sénat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable, ce n'est pas la mission de la HATVP.

M. Alain Marc.  - On n'arrivera jamais à déterminer la provenance d'un amendement. Mais on veut se faire plaisir...

L'amendement n°150 est retiré, de même que l'amendement n°227.

M. le président.  - Amendement n°193 rectifié, présenté par MM. Labbé et Cabanel et Mmes Benbassa, Archimbaud et Bouchoux.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 18-4 de la loi n°2013-907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Il ne peut être attribué aux représentants d'intérêts une habilitation permanente pour l'accès aux enceintes des assemblées parlementaires. »

M. Joël Labbé.  - La police des assemblées relève de la compétence de leur président depuis le coup d'État du 18 brumaire an VIII. C'est lui qui fixe les règles d'accréditation et d'entrée au sein de l'assemblée.

Cet amendement a pour but d'inciter le Sénat et l'Assemblée nationale à prohiber, dans leur Règlement, l'attribution d'un accès permanent à des représentants d'intérêts. Il n'est pas justifiable qu'ils se promènent dans nos couloirs lorsqu'ils n'ont pas rendez-vous avec un parlementaire, pour glaner des informations ou exercer des pressions. Seuls les groupes influents ont d'ailleurs les moyens de le faire, quand d'autres, qui auraient aussi des choses à dire, ne le peuvent pas.

Nous devons pouvoir prendre nos décisions en notre âme et conscience, après être allés chercher les informations que nous souhaitons.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Mon âme et ma conscience ne sont pas exposés au moindre risque lorsque je rencontre le représentant d'un groupe d'intérêts.

M. Charles Revet.  - Heureusement !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Si les groupes d'intérêt sont licites - et vous ne proposez pas de les interdire - il faut bien qu'ils servent à quelque chose !

L'organisation du travail parlementaire relève non de la loi mais du Bureau des assemblées. Nous admettons en certains lieux du palais la présence de représentants d'intérêts, afin de pouvoir les rencontrer. Chacun en France doit pouvoir approcher les parlementaires ! Ce que la loi interdit, c'est la corruption, la prévarication, le conflit d'intérêts. Je suis donc très hostile à l'amendement sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Pierre-Yves Collombat applaudit aussi.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Le Gouvernement estime que les règles de prévention des conflits d'intérêts sont suffisantes. En outre, cela relève de la compétence des assemblées.

Mme Catherine Tasca.  - La loi n'a pas à intervenir sur ce terrain. Les amendements, malgré leurs excellentes intentions, empiètent sur un champ qui relève de la responsabilité propre de chaque assemblée. On a déjà trop tendance à le rogner ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain, au centre et à droite)

M. Marc Laménie.  - On peut comprendre les inquiétudes de M. Labbé, mais laissons à chacun une marge d'initiative et de liberté. Les séances de l'Assemblée nationale et du Sénat sont publiques. Ne ficelons pas tout, conservons de la souplesse. (« Très bien ! » à droite)

M. Joël Labbé.  - Je dois m'expliquer davantage. Que les questions agricoles ou alimentaires suscitent le débat entre nous, c'est normal. Mais est-il normal qu'un syndicat agricole, que je ne veux pas stigmatiser, dispose d'un collaborateur spécialement chargé du lobbying ?

M. Rémy Pointereau.  - Vous stigmatisez bel et bien !

M. Alain Fouché.  - Il y a aussi des lobbies écologistes !

M. Joël Labbé.  - Un autre syndicat, qui a aussi des arguments à faire valoir, n'est que trop peu entendu des parlementaires. C'est, une fois encore, un amendement d'appel au futur Bureau.

L'amendement n°193 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°235 rectifié, présenté par MM. Bertrand, Arnell et Castelli, Mme Costes, M. Guérini, Mmes Jouve et Malherbe et M. Requier.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La liste des déplacements en France et à l'étranger des parlementaires dans le cadre de l'exercice de leurs fonctions est publiée par chaque assemblée.

M. Alain Bertrand.  - Je souhaite qu'on publie chaque année la liste des voyages des parlementaires dans le cadre des groupes d'étude ou d'amitié, missions, etc...

Mme Nathalie Goulet.  - C'est déjà fait !

M. Alain Bertrand.  - Il arrive qu'on dise que les élus se promènent aux frais de la princesse, ou du prince. Pour ma part, je ne suis pas très favorable à ces voyages dans tous les sens.

M. Alain Fouché.  - C'est l'inquisition !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Une telle disposition, inutilement complexe, serait disproportionnée et ne relève pas de la loi.

Mme Nathalie Goulet.  - Cette obligation existe depuis longtemps, la liste des voyages que nous effectuons est consultable en ligne.

L'amendement n°235 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Je salue la présence dans les tribunes de notre ancien collègue Daniel Hoeffel, qui fut longtemps vice-président du Sénat. (Applaudissements chaleureux)

M. le président.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par Mme Lienemann et M. Leconte.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Les emplois et fonctions pour lesquels le pouvoir de nomination du Président de la République s'exerce dans les conditions fixées au dernier alinéa de l'article 13 de la Constitution sont incompatibles avec le fait d'exercer ou d'avoir exercé, au cours des trois dernières années, les fonctions de dirigeant, de salarié ou de conseiller d'une société contrôlée, supervisée, subordonnée ou concernée par l'institution, l'organisme, l'établissement ou l'entreprise auquel cet emploi ou fonction se rattache.

II.  -  Aucune personne exerçant les emplois et fonctions mentionnés au I ne peut participer à une délibération concernant une entreprise ou une société contrôlée, supervisée, subordonnée ou concernée par l'institution, l'organisme, l'établissement ou l'entreprise dans laquelle elle a, au cours des trois années précédant la délibération, exercé des fonctions ou détenu un mandat.

Les personnes exerçant les emplois et fonctions mentionnés au I ne peuvent, directement ou indirectement, détenir d'intérêts dans une société ou entreprise mentionnée au I.

L'article 432-13 du code pénal est applicable aux personnes visées au I, après la cessation de leur emploi ou de leur fonction.

Le non-respect de cet article est passible des sanctions prévues à l'article 432-13 du code pénal.

Un décret en Conseil d'État fixe le modèle de déclaration d'intérêts que chaque personne doit déposer au moment de sa désignation.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - J'ai plaisir à saluer à mon tour le président Hoeffel, qui avait accompagné le président Mitterrand en visite à Athis-Mons, dont j'étais maire.

Les conflits d'intérêts concernent aussi les hauts fonctionnaires, notamment ceux qui sont nommés en Conseil des ministres. Certains, après avoir travaillé dans une grande banque, rejoignent l'organisme chargé de la contrôler. C'est très fréquent, et très préjudiciable. La Hadopi, la Commission de régulation de l'énergie se sont dotées de règles, mais ce n'est pas le cas partout, et notamment pas dans la haute finance.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Cet amendement soulève une série de questions délicates. Il interdit de nommer à une fonction relevant de la procédure de l'article 13 de la Constitution une personne qui aurait travaillé dans une société, un organisme ou un établissement public se rattachant à cet emploi puis il prévoit qu'une personne ne pourrait pas participer aux délibérations si elle a, au cours des trois années précédentes, exercé des fonctions ou détenu un mandat dans la société, l'organisme ou l'établissement public concerné par la décision. Cela est parfaitement contradictoire. Surtout, si l'on quitte la théorie pour se pencher sur des cas pratiques, cela empêcherait la nomination à la tête de la Caisse des dépôts et des consignations d'une personne ayant auparavant dirigé une de ses filiales. Nous serions contraints de prendre un fonctionnaire de Bercy ou quelqu'un qui n'y connaît rien. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable également.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Je maintiens mon amendement. Je veux bien en admettre l'imperfection technique mais il est un copié-collé de la loi Hadopi... On n'interdit pas, on empêche pour trois ans. Ces dispositions valent pour beaucoup de secteurs, dont l'énergie. Bien évidemment, ça ne vaudrait pas pour la banque et la finance ; comme par hasard !

M. Alain Vasselle.  - Je rappelle que nous avons légiféré dernièrement sur la déontologie des fonctionnaires. Je proposerai de fondre la Commission de déontologie et la HATVP pour traiter du pantouflage. Les préoccupations de Mme Lienemann sont légitimes.

Où s'arrêtera-t-on de légiférer ? Le président de la République l'a lui-même dit à Versailles : nous légiférons trop. Mieux aurait valu prendre le temps de la réflexion. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Pierre-Yves Collombat.  - « Une série de questions délicates » ? Et pour cause, cet amendement met en cause le système qui croît et embellit depuis trente ans : il est bâti sur la consanguinité, la porosité et les passages entre le public et le privé. La cogestion du pays par les intérêts financiers, les intérêts politiques les plus importants et ceux de la haute administration, c'est ça la France !

L'influence des milieux financiers passe par ce canal, bien plus que par la transmission de prospectus ou de propositions d'amendements aux parlementaires...

Certes, on ne réglera pas ce problème par un amendement. Pour autant, combien de temps encore allons-nous laisser perdurer cette confusion générale qui creuse le fossé entre les électeurs et nous !

M. Éric Doligé.  - Au risque d'en étonner certains - de toute façon il n'y a plus de frontières politiques dans cet hémicycle ! -, cet amendement me plaît. Nous allons délibérer durant quatre jours pour clouer les élus au pilori en restant silencieux sur les très hauts fonctionnaires. Je voterai l'amendement de Mme Lienemann, même si sa rédaction est imparfaite.

D'ailleurs, une question : ne va-t-on pas bientôt nous demander de nous déporter sur tous les textes de loi concernant l'avenir des élus ? (Sourires) Madame Lienemann, je me ferai un plaisir de voter votre proposition. (M. Yves Pozzo di Borgo et Mme Evelyne Yonnet applaudissent.)

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°4 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté et devient un article additionnel.

(Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et Union centriste)

ARTICLE 2 BIS

M. le président.  - Amendement n°206, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement supprime le registre « de déport » pour les membres du Gouvernement. Ce serait méconnaître le principe de séparation des pouvoirs, dont le Conseil constitutionnel a jugé qu'il s'applique à l'égard du président de la République et du Gouvernement.

L'article 2 de la loi de 2013 a renvoyé au pouvoir réglementaire les règles de prévention des conflits d'intérêts concernant les membres du Gouvernement.

En précisant que le registre doit mentionner les cas dans lesquels un membre du Gouvernement s'abstient de participer à la délibération du Conseil des ministres, cet article, introduit par votre commission, prétend imposer au Gouvernement de rendre publics certains éléments de la délibération du Conseil des ministres, ce qui constitue une atteinte au secret des délibérations.

Enfin, le Gouvernement dispose déjà des instruments de protection suffisants. L'article premier de la loi du 11 octobre 2013 dispose que les membres du Gouvernement « exercent leurs fonctions avec dignité, probité et intégrité ».

M. Charles Revet.  - Ne faudrait-il pas rappeler qu'il en est de même pour les parlementaires ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je ne dis pas autre chose depuis hier.

Lorsqu'un ministre estime se trouver en situation de conflit d'intérêts, il en informe le Premier ministre qui juge les responsabilités qu'il doit reprendre.

Ce système, qui respecte la séparation des pouvoirs, est suffisant et effectif. À titre d'exemple, Agnès Buzyn, ministre de la santé, n'intervient pas sur l'Inserm dirigé par son époux.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - La commission s'en tient à son texte. Il est singulier que le Gouvernement, si prompt à intervenir sur le travail parlementaire, se montre si frileux vis-à-vis du travail gouvernemental... (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes Les Républicains et Union centriste)

La séparation des pouvoirs ? Le Sénat est loin de l'opposer systématiquement au Gouvernement sur les sujets qui le concernent.

Quant au secret des délibérations en Conseil des ministres, nous demandons seulement un signalement des déports dans le compte rendu. Cela se pratique dans les conseils municipaux où la décision est pareillement collégiale car, de la base au sommet, la République fonctionne de la même façon.

Je souhaite la symétrie dans les exigences de transparence. Pourquoi le travail gouvernemental serait-il au-dessus de tout soupçon quand le travail parlementaire ne le serait pas ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union centriste ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Gouvernement ne cherche pas à s'éviter des règles déontologiques qu'il imposerait aux assemblées. Cet article, s'il demeurait dans la loi, constituerait une injonction au Gouvernement.

Mme Annie Guillemot.  - Et nous, alors ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Vous, parlementaires, examinez une loi qui vous concerne et qui sera soumise à votre vote ; cela est différent. (Marques de désapprobation)

Mme Éliane Assassi.  - C'est tout de même un projet de loi, un texte proposé par le Gouvernement !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Conseil des ministres ne peut être comparé au conseil municipal : ce n'est pas une assemblée, c'est un organisme constitutionnel.

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Ayant siégé dans les deux, je peux me prévaloir d'une certaine expérience. Le fait qu'ils ne sont pas de même nature n'empêche pas que les règles puissent être communes pour prévenir les conflits d'intérêts. Du reste, le Conseil constitutionnel n'a rien trouvé à redire à la loi de 2013 ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union centriste)

M. Bruno Sido.  - Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur.  - En effet, la loi de 2013, dont j'étais l'un des rapporteurs, prévoyait des dispositions sur l'exécutif. Tous les pouvoirs sont soumis à la loi. Si nous acceptions le contraire, nous nous empêcherions de légiférer sur toute matière relevant de l'exécutif ! La commission des lois a bien fait de suivre son rapporteur. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes socialiste et républicain, Union centriste et Les Républicains)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Pardonnez-moi de faire référence encore une fois au Conseil constitutionnel... En 2011, il a précisé que le législateur ne peut intervenir dans l'organisation du Gouvernement et, donc, sur le Conseil des ministres. (Protestations sur tous les bancs)

M. Jean-Pierre Sueur.  - La mesure concerne l'exercice du pouvoir exécutif, et non l'organisation du Gouvernement !

M. Philippe Bas, rapporteur.  - Vous avez parfaitement raison, madame la ministre, mais nous ne touchons pas là à l'organisation du Gouvernement. Croyez bien que je veille au respect scrupuleux de la Constitution. (Applaudissements)

L'amendement n°206 n'est pas adopté.

L'article 2 bis est adopté.