Eau potable et assainissement
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à la mise en oeuvre effective du droit à l'eau potable et à l'assainissement.
Discussion générale
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat, chargé des transports, de la mer et de la pêche . - L'eau, source de vie, bien collectif, droit individuel, objet économique, telles sont les bases de cette proposition de loi. Je veux d'abord saluer la démarche de co-construction qui a présidé à son élaboration.
M. Jean Desessard. - Absolument !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Elle a impliqué de nombreuses associations humanitaires, caritatives, non gouvernementales, coordonnées par France Libertés et la Coalition Eau. C'est la preuve des potentialités de notre démocratie parlementaire et citoyenne.
Ce texte est en conséquence transpartisan, car il concerne l'accès des plus fragiles, des plus modestes, à l'eau. Introduire un droit d'accès à l'eau peut sembler superfétatoire tant cela relève de l'évidence, mais des milliers d'adultes et d'enfants non sédentaires, éloignés des réseaux ou privés de ressources, n'ont pas d'accès à l'eau.
Le Gouvernement accompagnera vos réflexions et recommandations, dans le respect de l'initiative parlementaire, tout au long de la discussion de ce texte. Il propose de garantir l'égal exercice des droits. Bains-douches municipaux, douches dans les centres sociaux... Chaque collectivité territoriale aura le choix d'assumer l'accès de tous à l'eau. L'inscrire dans la loi, c'est aider les élus locaux, confrontés aux difficultés alors qu'ils souhaitent doter leur commune de tels équipements face aux réticences du voisinage.
Le Gouvernement s'apprête à adopter une nouvelle tarification de l'eau, de l'électricité et du gaz pour garantir l'égalité et encourager une consommation responsable.
Le chèque d'accès à l'énergie sera bientôt en vigueur. La loi Brottes de 2013 a permis d'expérimenter une tarification sociale progressive pendant cinq ans, et des aides au paiement des factures. Je salue les cinquante collectivités territoriales engagées dans cette expérimentation. Elles ont d'ailleurs souhaité que le dispositif soit prolongé, notamment pour la mise à jour des fichiers. Le Gouvernement y répondra de manière pragmatique.
Cette proposition de loi précise les conditions d'une allocation forfaitaire préventive d'aide à l'accès à l'eau. Le Gouvernement a retiré ses deux amendements...
M. Ronan Dantec. - Très bien !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Il reste attentif aux démarches les plus efficaces pour améliorer l'accès à l'eau. (Applaudissements à gauche)
M. Ronan Dantec, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - L'accès à l'eau potable et à l'assainissement est indispensable à la dignité humaine. C'est un enjeu majeur de développement dans de nombreux pays : 700 000 enfants de moins de cinq ans meurent chaque année de la consommation d'eau contaminée. En France, 99 % des personnes sont raccordées à un réseau de distribution d'eau. Mais les sans-abri, les personnes en difficulté confrontées à des impayés ou des coupures d'eau restent trop nombreuses.
En commission, des craintes ont été exprimées sur le contenu de ce texte portant sur les collectivités territoriales. Elles sont totalement infondées ! Si, en effet, il inscrit la reconnaissance dans la loi d'un droit à l'eau potable et à l'assainissement, il n'en fait pas un droit opposable. Le droit a été d'ailleurs reconnu par la résolution de l'Assemblée générale des Nations unies du 28 juillet 2010, soutenue par la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Je suis surpris des amendements qui la remettent en cause : il devrait y avoir entre nous consensus pour ne pas revenir sur les engagements internationaux de la France.
M. Roland Courteau. - Eh oui !
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Le texte prévoit en outre que les collectivités territoriales mettent à disposition des installations d'accès à l'eau potable : WC publics dans les communes de plus de 1 500 habitants et douches publiques dans les communes de plus de 3 500 habitants. Le choix des moyens leur reste libre ; au reste, je mets au défi quiconque de me citer le nom d'une commune qui ne dispose pas d'un point d'eau public. La plupart reconstruisent même des installations pour le bien public. Ce texte n'a donc aucun coût pour les collectivités territoriales ! Celles qui veulent développer leur offre pourront le faire, sur la base de ce texte, qui n'est que d'incitation. Certains diront le contraire, mais ce texte n'a rien de normatif, je le redis ! Nous aurions pu créer un droit opposable, mais à nouveau, ce n'est pas le cas et c'est un autre débat.
Ce texte crée en outre une aide préventive au paiement des factures d'eau, afin de prévenir les impayés. Le chèque eau, sur le modèle du chèque énergie, ne servira que cette fin, et ne conduira donc à aucune usine à gaz.
Pourquoi ne pas laisser faire les centres communaux d'action sociale (CCAS), demanderont certains ? Pour les soulager, justement, en prévenant les impayés. L'État remplit ainsi sa fonction de solidarité. Nous sommes nombreux à nous alarmer de l'incapacité des départements à faire face à toutes leurs obligations sociales : cette proposition de loi devrait donc nous rassembler, puisqu'elle soulage les départements et leur retire la gestion de frais de dossiers non négligeables.
Cette mesure est également bénéfique pour les entreprises de distribution d'eau, qui économiseraient des coûts de recouvrement et de contentieux.
Le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) estime le coût de cette aide entre 50 et 60 millions d'euros contre 750 millions pour le chèque énergie. La surtaxe sur l'eau en bouteille de 0,5 centime par bouteille initialement proposée a été repoussée à l'Assemblée nationale ; la taxe elle-même financera donc le dispositif en alimentant le Fonds national d'aide au logement (FNAL).
Cette proposition de loi met donc en place un dispositif simple, peu coûteux. Elle s'appuie sur de nombreux travaux du Conseil d'État ou du Conseil national de l'eau. Des députés de quatre groupes différents l'ont votée à l'Assemblée nationale. J'espère que le même climat transpartisan sera perceptible ici, et je remercie le Gouvernement d'avoir retiré ses amendements. (Applaudissements à gauche)
M. Jean-François Longeot . - Le droit à l'eau est fondamental. Ce texte oblige les EPCI à mettre à disposition les installations existant sur leur territoire, et crée un dispositif prévenant les impayés. Il oblige les communes à prévoir un accès à l'eau et crée une allocation forfaitaire. Mais sur qui pèsera cette obligation ? C'est là que le bât blesse. Le rapporteur répond que ce n'est pas un droit opposable, il ne pèsera pas sur le budget des collectivités territoriales, qui disposent toutes déjà d'infrastructures et que l'allocation sera financée par l'État, par le biais du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Aujourd'hui la charge des impayés pèse sur le département ou les CCAS.
La proposition de loi prévoit le financement de cette allocation forfaitaire par l'État, puisque la taxe sur les eaux embouteillées serait désormais fléchée vers le Fonds national d'aide au logement (FNAL) puis répartie entre les Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Son produit, estimé entre 50 et 60 millions d'euros, correspond aux besoins.
Les besoins en aide curative seront asséchés, d'où un gain de gestion pour les collectivités.
Les arguments avancés par le rapporteur sont étonnants. En quoi le nouveau droit ne serait-il pas opposable ? Serait-il purement déclaratif ? Rien n'interdira des recours sur le fondement de la loi.
Ce texte ne changerait rien pour les collectivités ? Aucun élément chiffré ne vient étayer cet argument. Nous ne savons pas, faute d'étude d'impact, ce qu'il en sera. Les communes de plus de 15 000 habitants ne disposent peut-être pas toutes de douches et de laveries gratuites... En tout état de cause, rendre ces infrastructures accessibles aura bien un coût, en sécurité et en entretien. Encore des charges, non compensées...
Rien ne garantit que l'allocation forfaitaire d'eau siphonne les besoins en aide curative. En outre, la gestion du dispositif continuera d'incomber aux collectivités territoriales. (M. Ronan Dantec, rapporteur, le conteste) L'article 4 ne prévoit-il pas un rapport sur l'opportunité de rapprocher le dispositif de celui du chèque énergie ?
Enfin, le texte est muet sur l'application outre-mer et sur l'éducation à l'usage de l'eau, au risque de faire croire que l'eau est un bien sans valeur, que l'on peut gaspiller...
M. Christian Cambon. - Très bien.
M. Jean-François Longeot. - La proposition de loi, inaboutie, compte trop de zones d'ombre. Les charges qu'elle crée pour les collectivités ne sont pas assumées, financièrement ou politiquement. Le vote du groupe UDI-UC sera conditionné à l'adoption de nos amendements. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)
M. Philippe Madrelle . - Cette proposition de loi, adoptée le 14 juin 2016 à l'Assemblée nationale, cosignée par des députés de plusieurs groupes, est le fruit d'un long travail avec les associations comme la fondation France Libertés. Je suis fier que ce texte de portée universelle, adopté à l'unanimité le 14 juin par l'Assemblée nationale, soit enfin inscrit à l'ordre du jour du Sénat.
Le combat pour l'accès à l'eau a été mené inlassablement par Danielle Mitterrand. Comme l'air, l'eau est un bien commun qu'on ne peut considérer comme une marchandise. Son accès doit être un droit inaliénable, comme le rappelle la charte des porteurs d'eau, que nous avons signée en juin 2010 à Bordeaux.
Indispensable à la dignité et à la vie, l'eau est aussi devenue un enjeu géopolitique, au coeur du changement climatique. Lorsqu'elle manque, ce sont des épidémies terribles - on l'a vu au Népal ou en Haïti.
Dans le monde, 1,5 milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau, 2,6 milliards à l'assainissement ; et 34 000 personnes en meurent chaque jour, dont 5 000 enfants.
Même en France, des milliers de personnes n'ont pas de branchement à l'eau potable - loin des recommandations des Nations unies de vingt litres par personne et par jour.
L'un des objectifs du texte est de contraindre les collectivités à installer et mettre à disposition des installations gratuites ; celles-ci existent déjà, il s'agit en réalité de les rendre visibles et accessibles. Je salue l'action menée à Bordeaux pour le raccordement d'une cinquantaine de squats : cela favorise la scolarisation, évite les maladies et les dégradations.
Je salue la création de l'allocation forfaitaire d'eau pour les personnes dont la facture d'eau excède 3 % de leur revenu disponible - soit deux millions de personnes en France.
Cette mesure, facile à mettre en oeuvre, vient compléter la loi Brottes du 15 avril 2015 qui interdit les coupures d'eau en cas d'impayé.
L'obligation d'organiser des débats sur l'eau dans les assemblées délibératives des communes répond au besoin de pédagogie.
Le combat pour l'accès à l'eau est le symbole de notre engagement pour un monde plus juste et plus solidaire, après la COP21 et la loi Biodiversité. La gestion de ce bien commun doit être au service de l'intérêt général.
« L'eau, c'est la vie », disait Danielle Mitterrand. Ce droit inaliénable mérite d'être inscrit dans la Constitution. Nombre de pays, comme la Slovénie, le Burkina Faso, la Tunisie ou l'Uruguay, l'ont reconnu. La Haute assemblée s'honorerait en adoptant conforme ce texte, petite pierre fraternelle sur le chemin de l'humanité. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain et écologiste)
M. Rémy Pointereau . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce texte poursuit un objectif louable, mais est dépourvu des outils nécessaires ; sa portée normative est discutable, son coût impossible à chiffrer, faute d'étude d'impact.
L'article premier pourrait ainsi bouleverser l'équilibre résultant du code général des collectivités territoriales sur le service public de l'eau et de l'assainissement en imposant le raccordement systématique.
L'article 2 impose aux collectivités territoriales de nouvelles obligations, qui auront un coût en investissement et en fonctionnement. Pouvons-nous mettre à leur charge de nouvelles dépenses, alors qu'elles sont déjà étranglées ?
M. Roland Courteau. - La dépense n'est pas énorme.
M. Rémy Pointereau. - La solution pourrait venir des agences de l'eau, dites-vous...
M. Ronan Dantec. - C'est vrai !
M. Rémy Pointereau. - ... mais l'État a prélevé 500 millions d'euros sur leur fonds de roulement, tandis que la loi Biodiversité élargissait leurs missions : elles vont devoir faire plus avec moins. Ce n'est pas possible. (M. Charles Revet approuve)
Les articles 3 et 4 instaurent des mécanismes d'aide préventive qui vont déresponsabiliser nos concitoyens, sur le plan économique comme sur le plan écologique, en décourageant les comportements vertueux.
L'absence d'étude d'impact empêche d'appréhender les conséquences économiques et sociales.
Je ne saurai m'associer à la création de nouvelles normes.
L'article 6 prévoit que le produit de la contribution sur l'eau embouteillée sera fléchée vers l'allocation logement social - celle-ci n'a rien à voir avec l'allocation forfaitaire d'eau, qui est une autre composante du FNAL. Il n'y a pas de nouvelle source de financement, et rien ne dit que les collectivités territoriales seront aidées.
Enfin, l'avez-vous seulement vu ? Les dispositions de l'article 6 affecteront le régime vieillesse des non-salariés agricoles.
M. Charles Revet. - En plus !
M. Rémy Pointereau. - Nous avons bien compris qu'il s'agissait d'une loi d'affichage, à soixante jours de la présidentielle.
M. Roland Courteau. - Oh là là !
M. Rémy Pointereau. - Il y a d'autres priorités, comme le renouvellement de nos canalisations.
Le groupe Les Républicains, dans sa grande majorité, ne votera pas cette proposition de loi qui est un puits sans fond ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Roland Courteau. - C'est triste.
M. Bernard Vera . - L'effectivité du droit à l'eau est un sujet récurrent. Aucun instrument légal ne garantit le droit à l'eau, malgré nos engagements internationaux dans le cadre de l'ONU.
Pour donner corps à ce droit fondamental, le groupe CRC avait déposé une proposition de loi dès 2009 et défendu des amendements dans d'autres véhicules portant sur le volet curatif.
Cette proposition de loi, fruit d'un long travail de conviction mené avec les ONG, aborde le volet préventif. Si l'eau est un bien commun, rare et précieux, son accès doit être garanti à tous. Cela passe par de nouvelles obligations faites aux collectivités locales - elles sont justifiées.
Le programme des Nations unies indique que le coût de l'eau ne doit pas dépasser 3 % des ressources du ménage. En 2009, nous proposions une allocation eau sur le modèle de l'APL, financée par une taxe de 1 % sur le chiffre d'affaires des distributeurs d'eau. (M. Jean-Pierre Bosino renchérit).
Ici, le seuil et les modalités du financement sont laissés à l'appréciation du pouvoir réglementaire. La rédaction initiale créait une taxe additionnelle sur les eaux en bouteille ; l'Assemblée nationale, par un amendement du Gouvernement et de la droite, l'a supprimée pour se contenter de flécher le produit de l'actuelle taxe vers l'allocation.
Nous ne sommes pas opposés par principe à une taxe additionnelle, mais pourquoi faire payer les consommateurs d'eau en bouteille, qui, dans certains territoires, n'ont pas d'autre choix, plutôt que les majors de l'eau ?
Ce dispositif d'accompagnement social est un premier pas vers un vrai service public de l'eau. L'eau est un bien commun, vital, qu'il faut sortir des logiques marchandes. Nombre de collectivités territoriales ont d'ailleurs opté pour des régies publiques, aujourd'hui menacées par la marche forcée vers des intercommunalités géantes. La vision gestionnaire tient bien peu compte des réalités...
Il faut aussi aider les collectivités à réduire la facture d'eau pour les usagers en pesant sur les prix, car les profits dans le secteur de l'eau sont très confortables. Ce n'est plus acceptable, pas plus que les poursuites engagées par Veolia contre France Libertés pour diffamation. Nous soutenons le combat de ces associations.
Aujourd'hui, nous pouvons marquer un pas vers le droit à l'eau. Il serait regrettable que le Sénat balaie d'un revers de main le long travail des associations et de l'Assemblée nationale. C'est pourquoi le groupe communiste républicain et citoyen souhaite un vote conforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, socialiste et républicain et écologiste)
M. Jean-Claude Requier . - Six cents millions de personnes sont privées d'eau, 2,5 milliards n'ont pas accès à des installations sanitaires.
Le 28 juillet 2010, l'ONU a reconnu le droit à l'eau comme un droit fondamental. Pourtant, en France, certains n'y ont pas accès. Dès lors, comment ne pas souscrire à l'article premier de la proposition de loi ?
La disparition des fontaines publiques et des bains-douches complique certes la vie des sans-abri, mais les ménages en difficulté bénéficient d'aides pour faire face aux impayés : les CCAS distribuent une aide de 300 millions d'euros par an à 600 000 ménages, et la loi Brottes interdit les coupures d'eau. On peut regretter que la logique actuelle soit curative et non préventive. À quand un chèque eau, sur le modèle du chèque énergie ?
Le chiffrage de l'allocation forfaitaire à 50 millions d'euros n'est pas consensuel. Surtout, doit-on encore faire peser l'effort sur les collectivités territoriales, comme le prévoit l'article 2 ? Elles ont déjà des budgets très contraints. Ne rajoutons pas la goutte d'eau qui ferait déborder le vase ! (Sourires)
M. Christian Cambon. - Excellent !
M. Jean-Claude Requier. - Beaucoup de territoires mènent une action de solidarité, notamment en milieu rural. Certes, on peut mieux faire dans les grandes villes, où se concentrent les sans-abri. Faisons confiance aux élus locaux, qui sont animés des valeurs d'humanisme et de solidarité.
M. Roland Courteau. - Pas tous...
M. Jean-Claude Requier. - Le groupe RDSE ne votera pas cette proposition de loi, trop contraignante pour les collectivités dans le contexte actuel. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et RDSE)
M. Jean Desessard . - Pour son dernier espace réservé, le groupe écologiste a jugé utile de reprendre une proposition de loi transpartisane adoptée par l'Assemblée nationale.
L'effectivité du droit à l'eau est nécessaire pour assurer un égal accès à une ressource vitale. Il y a urgence.
Monsieur Pointereau, vous avez estimé que débattre de l'eau à deux mois de l'élection présidentielle serait une manoeuvre électoraliste...
M. Rémy Pointereau. - J'ai dit : d'affichage.
M. Jean Desessard. - Vous ne manquez pas de souffle, vous qui avez défendu une loi sur l'eau hier et en présentez une autre demain ! (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen, écologiste et socialiste et républicain)
Le droit à l'eau potable et à l'assainissement a été qualifié par deux résolutions de l'ONU de 2010 et 2013 de droit fondamental. Ce texte le reconnait dans le droit français, car la France aussi est touchée. Pourquoi certains n'ont-ils toujours pas accès à l'eau et à l'assainissement dans le pays des droits de l'homme, au XXIème siècle? (M. Roland Courteau renchérit).
M. Jacques Genest. - Combien ?
M. Rémy Pointereau. - Surtout à Paris !
M. Jean Desessard. - C'est trop cher, nous a répondu M. Pointereau. Au-delà des enjeux sociaux et sanitaires, ces installations valorisent les territoires. C'est important pour les SDF, mais aussi pour les touristes ! Quand des personnes se soulagent sur la voie publique dans votre ville, monsieur Pointereau, cela valorise-t-il le territoire ? (On s'agace de cette prise à partie sur les bancs du groupe Les Républicains)
Cinq toilettes publiques seulement pour 257 000 habitants à Montpellier ! (On ironise à droite)
Un million de ménages sont soumis à une facture d'eau supérieure à 3 % de leur revenu. C'est inacceptable.
L'association France Libertés a proposé des mesures reprises dans cette proposition de loi qui crée une aide préventive. Cela ne pèsera pas sur les collectivités territoriales, n'en déplaise à M. Pointereau, puisque l'aide sera financée par l'affectation du produit de la contribution sur l'eau embouteillée. Enfin, les CCAS et FSL auront moins de frais de gestion des impayés.
Cette proposition de loi offre un cadre souple aux collectivités territoriales, quoi qu'en dise M. Pointereau !
M. Jean-François Husson. - Cessez donc ces interpellations !
M. Jean Desessard. - Portée par quatre groupes à l'Assemblée nationale, elle a été élaborée en partenariat avec les associations et les industriels. J'en appelle au bon sens - non pas du groupe Les Républicains, monsieur Pointereau - mais de tous, pour adopter ce texte conforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)
M. Roland Courteau . - « Dis-moi ce que tu fais de ton eau, je te dirai qui tu es », a écrit Erik Orsenna.
L'eau en effet est le reflet de nos communautés humaines. Marqueur de notre société, elle symbolise tous nos défis : santé, dignité, bonne gestion des ressources naturelles, etc.
Le droit à l'eau potable et à l'assainissement est un droit fondamental, reconnu par l'ONU, essentiel à la pleine jouissance de la vie et à l'exercice des droits de l'homme. La raréfaction de cette ressource est un défi majeur, trop peu abordé, y compris dans le compromis de la COP21.
Près d'un milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau potable, plus de deux milliards à l'assainissement. Deux millions de personnes par an meurent de maladies liées à l'absence ou à la mauvaise qualité de l'eau. En France, 150 000 personnes - les plus démunies et vulnérables - n'ont pas accès à l'eau potable ; un million de ménages y a accès mais à un coût inabordable.
Comment ne pas saluer l'initiative des sept députés auteurs de cette proposition de loi, et le travail des ONG telles que France Libertés et la Coalition Eau ? Ce fut le dernier, et le plus beau, des combats de Danielle Mitterrand.
Faisons de l'accès à l'eau un droit effectif pour tous : il y a une urgence sociale. Les mesures actuelles relèvent d'une logique curative, les procédures sont parfois inégalitaires et stigmatisantes. Il fallait un volet préventif. Cela suppose de mobiliser les collectivités locales en les obligeant à prendre les mesures nécessaires, dans un délai de cinq ans, telle que l'installation de sanitaires publics gratuits. C'est un enjeu de salubrité, d'hygiène, de respect de la dignité. Comment peut-on oser s'opposer à un tel texte ? (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen et écologiste)
M. Jacques Genest . - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Cette proposition de loi défend des principes auxquels chacun souscrit pleinement, mais elle est anachronique. La promotion de l'hygiène a été l'un des combats des hussards noirs de la République.
Les besoins des personnes en difficulté sont déjà pris en charge par les départements et les CCAS. Les élus locaux n'ont pas attendu l'initiative de quelques députés hors-sol pour organiser la solidarité sur leur territoire !
La proposition de loi a le côté vintage de la France jacobine, hyper-réglementatrice. Ainsi de la demande de raccordement systématique aux réseaux d'assainissement et d'eau potable, qui entrainerait un coût considérable pour les communes rurales.
L'Assemblée nationale a heureusement supprimé la taxe additionnelle sur les producteurs d'eau en bouteille, injuste et économiquement archaïque.
Je voterai contre ce texte. Dans un esprit constructif, j'invite néanmoins chacun à lire les travaux du groupe de travail sur la simplification du droit de l'urbanisme ou la proposition de résolution de M. Pointereau pour améliorer la gestion de l'eau, pour y puiser des idées.
Monsieur Desessard, vos propos ont été insultants pour les élus locaux et ruraux. Je vous garantis qu'il n'y a pas un Ardéchois qui n'ait pas accès à l'eau ! Confondez-vous la France avec un pays sous-développé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Raison . - Cette proposition de loi repose sur des valeurs de solidarité et de générosité. En pleine campagne électorale, ce peut être gratifiant pour ses auteurs. Triste illustration de l'incapacité de résister à l'affichage, inutile et contreproductif !
Ce texte est inutile, puisque de nombreux dispositifs d'aide aux ménages les plus en difficulté existent déjà, via les CCAS et les FSL : en 2010, une ligne budgétaire de 10 millions d'euros était consacrée à la prise en charge des impayés à l'échelle départementale.
N'oublions pas non plus la loi Brottes de 2013 qui interdit les coupures d'eau et prévoit une expérimentation sur cinq ans. Ne brûlons pas les étapes, respectons les élus locaux, laissons leur de l'oxygène. (On approuve à droite)
M. Christian Cambon. - Très bien.
M. Michel Raison. - Ce texte est inutile, mais aussi contre-productif sur le plan du financement. Faut-il rappeler que les collectivités territoriales se sont vues privées de 11 milliards d'euros en dotations pendant le quinquennat ? Que leurs investissements ont baissé de 5 milliards ?
M. Ronan Dantec. - Justement, ce texte prévoit 60 millions de plus !
M. François Bonhomme. - Un chèque sans provision !
M. Michel Raison. - Vu les difficultés financières de l'État...
Les prélèvements sur les ménages auront augmenté de 83 milliards d'euros, ceux sur les entreprises, de plus de 20 milliards. (M. Jean Desessard s'exclame)
M. Jean-Pierre Bosino. - Et la fraude fiscale ? Et le CICE ?
M. Michel Raison. - Les dépenses de l'État ont augmenté de 94 milliards ! N'en rajoutons pas.
Je ne me laisse pas séduire par les propositions populistes comme le revenu universel ; je voterai contre cette proposition de loi inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Gilbert Barbier applaudit également)
La discussion générale est close.
Discussion des articles
ARTICLE PREMIER
M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Reichardt, Grand, Kennel, Vaspart et Cornu, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Bizet, Commeinhes, Cardoux, Cambon et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Magras, Mme Morhet-Richaud, MM. de Raincourt, Morisset, Carle, Masclet, Chaize, Calvet, Danesi, de Nicolaÿ, B. Fournier, Laménie, Mouiller, Vogel et Savary, Mme Lopez, M. D. Laurent, Mmes Giudicelli et Deromedi, MM. Mandelli et Vasselle, Mme Deseyne, MM. Pierre, Genest et Darnaud, Mme Gruny, MM. Gremillet et Raison, Mme Garriaud-Maylam et M. Rapin.
Supprimer cet article.
M. Rémy Pointereau. - La portée normative de cet article est pour le moins discutable ; son effectivité pourra être remise en question. Il pourrait bouleverser l'équilibre du code général des collectivités territoriales sur le service public de l'eau et de l'assainissement puisque le raccordement deviendrait une obligation pour les communes, engendrant des coûts insupportables.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Cet article ne fait que reprendre les engagements pris par la France sous la présidence de Nicolas Sarkozy. La majorité voudrait-elle détricoter son action internationale ? En outre, le droit à l'eau a été consacré par la loi sur l'eau et les milieux aquatiques. L'article premier se contente de préciser et sécuriser les choses. Avis favorable puisque la commission a suivi M. Pointereau, mais à titre personnel, je ne comprends vraiment pas cet amendement.
M. Roland Courteau. - Ne cherchez pas à comprendre...
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - La crainte exprimée est infondée. Les compétences des collectivités territoriales en matière d'assainissement ne sont pas ici remises en cause ; le CGCT s'applique. Avis défavorable à la suppression de cet article qui met en cohérence les différents codes.
M. Jean Desessard. - Cet amendement montre la direction dans laquelle le groupe Les Républicains veut aller. Vous réaffirmez votre attachement à ce droit fondamental à condition qu'il ne soit pas appliqué. C'est trop facile ! Pourtant ce texte aura des effets positifs pour les collectivités territoriales. Je le répète, il est révoltant de voir des personnes qui n'ont pas accès à l'eau se soulager dans la rue, dans les grandes villes - plus que dans les communes rurales, en vérité.
M. Philippe Madrelle. - Je ne comprends pas l'attitude du groupe Les Républicains, alors que ce texte a été adopté par consensus à l'Assemblée nationale. Vous détruisez le fondement même de ce texte : le respect de la dignité des personnes aujourd'hui privées d'eau. Mon groupe ne votera pas cet amendement d'obstruction.
M. Roland Courteau. - Un amendement politicien !
M. Christian Cambon. - Je ne peux laisser tenir de tels propos. J'ai été à l'origine de la loi de février 2011 destinée à aider les familles incapables de payer leurs factures d'eau : 300 000 familles ont ainsi été aidées par les FSL, pour un montant de 10 millions d'euros. Croyez-vous que les maires et les CCAS laissent des personnes en détresse ?
Le plus efficace est de cibler l'aide. Ce n'est pas à la loi de prévoir des toilettes publiques car c'est le rôle des maires d'y pourvoir. Ne légiférons-pas au seul motif que Mme Hidalgo fait mal son travail à Paris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - L'amendement aboutit au contraire de ce que recherchent ses auteurs. L'article premier ne fait que réaffirmer le droit à l'eau. Je n'ai entendu personne s'opposer à ce principe fondamental.
L'amendement n°1 rectifié est adopté, et l'article premier est supprimé.
L'amendement n°2 rectifié n'a plus d'objet.
ARTICLE 2
M. le président. - Amendement n°3 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Reichardt, Grand, Kennel, Vaspart et Cornu, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Bizet, Commeinhes, Cardoux, Cambon et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Magras, Mme Morhet-Richaud, MM. de Raincourt, Morisset, Carle, Masclet, Chaize, Calvet, Danesi, de Nicolaÿ, B. Fournier, Laménie, Mouiller, Vogel et Savary, Mme Lopez, M. D. Laurent, Mmes Giudicelli et Deromedi, MM. Mandelli et Vasselle, Mme Deseyne, MM. Pierre, Genest et Darnaud, Mme Gruny, MM. Gremillet et Raison, Mme Garriaud-Maylam et M. Rapin.
Supprimer cet article.
M. Rémy Pointereau. - Si nombre de nos concitoyens n'ont pas accès à l'eau potable et à l'assainissement, c'est d'abord en raison du manque structurel de places d'hébergement d'urgence et de la crise du logement et au manque de logements sociaux.
Ainsi, en décembre 2013, 43 % des sans-domicile-fixe qui ont composé le 115 n'ont pas obtenu de place à Paris, 61 % en province.
Vous vous trompez aussi de priorité en ce qui concerne la gestion de l'eau dans notre pays, qui nécessite d'abord des investissements massifs sur les infrastructures d'alimentation en eau, avant de penser à réaliser des installations dont on ignore si elles seront utilisées.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Cet amendement est plus étonnant encore, mais mieux compréhensible que le précédent. Vous dites que l'important est de construire des logements. En attendant, beaucoup auront soif ! Le sens de cette proposition de loi est de répondre à l'urgence. Le combat de la droite apparaît dans toute sa clarté : vous protégez en fait ceux des maires qui n'assument pas leurs obligations, et qui préfèrent renvoyer les sans-abri dans la commune d'à côté. (Protestions sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Jean Desessard. - Bravo !
M. Christian Cambon. - C'est scandaleux ! Vous n'avez jamais été élu local !
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Bien sûr que si. Avis favorable toutefois au nom de la commission.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - L'article 2 n'est pas superfétatoire, il apporte au contraire une vraie valeur ajoutée. J'attends que vous me citiez les dispositions du droit positif qui rempliraient le même objectif... Avis défavorable.
M. René Danesi. - Je voterai cet amendement car l'article 2 fixe des obligations nouvelles pour toutes les communes, tout en restant dans le vague sur les aides qu'elles pourraient espérer obtenir. Le problème se pose surtout dans les métropoles - justement là où les emplois et les richesses se concentrent depuis dix ans, selon France Stratégie. Elles pourraient faire face à ces nouvelles charges mais il n'en va pas de même des petites communes.
M. Jean Desessard. - Je n'ai pas l'impression que ce soit dans les communes de gauche que l'on construit le moins de logements sociaux...
M. Roland Courteau. - C'est vrai !
M. Christian Cambon. - Et Paris ?
M. Jean Desessard. - Surtout, vous n'ignorez pas combien de temps il faut pour faire sortir un logement de terre... Les sans-abri, eux, font face à une situation d'urgence. Vous parlez d'affichage, alors que ce texte est une demande de France Libertés et des associations ! La loi Cambon est intéressante, mais elle ne suffit pas.
M. Jean-Claude Requier. - À Martel, commune de 500 habitants dont j'ai longtemps été maire, j'ai installé deux toilettes publiques gratuite ; cela m'a coûté 60 000 euros. Comme quoi, rien n'est gratuit. Laissons les maires, qui sont proches du terrain, décider si ces équipements sont nécessaires.
M. Christian Cambon. - C'est la sagesse.
M. Jean-Claude Requier. - Récemment, j'étais dans un grand magasin de la rue de Rennes qui vend des livres et de l'électronique. Il n'y avait pas de toilettes, alors je suis allé au bistro d'en face. J'ai préféré payer un café plutôt que d'aller dans les toilettes publiques... (Sourires)
M. Roland Courteau. - L'accès à l'eau est une question urgente de salubrité publique. Un milliard de personnes n'ont pas accès à l'eau dans le monde, beaucoup en France ont des difficultés à payer leurs factures. Il y va aussi de la dignité humaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)
M. François Bonhomme. - Vous voulez stigmatiser les mauvais maires, dites-vous.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Oui !
M. François Bonhomme. - J'ai été maire moi-même, et il y avait dans ma commune des toilettes publiques ! Ce texte est parfaitement inutile - ce qui ne l'empêche pas d'introduire de nouvelles contraintes, contrairement à ce que vous dites.
Vous affichez des principes généraux et généreux pour nous intimider. Vous faites une loi d'incantation et de prêchi-prêcha, qui ne règlera rien. Les lois inutiles affaiblissent les lois nécessaires, disait Montesquieu ! Et que vient faire ici l'argument selon lequel un milliard d'êtres humains sont privés d'eau ?
Tout cela n'est que gesticulation, sans aucune évaluation sérieuse de l'impact de ce texte. (Applaudissements à droite)
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je comprends : tous les arguments sont bons pour ne pas voter cette loi. Mais supprimer l'article premier n'a pas de sens. Soit il n'y a pas de problème, et les cent mille sans-abri en France sont une pure invention ; soit le problème existe, et il est de notre responsabilité de législateurs de nous y atteler.
Oui, cette loi nomme le problème, mais elle laisse les maires libres des solutions. Elle met aussi les élus en position de force pour s'opposer au siphonage du fonds de roulement des agences de l'eau. J'espère que personne ici ne votera plus de telles mesures !
La loi, encore une fois, ne crée pas un droit opposable. Nous devrions plutôt discuter ensemble des modalités de financement !
M. Jean-Pierre Bosino. - Moi aussi j'ai du mal à comprendre l'argumentation de la droite. Si les maires traitent déjà la question, pourquoi s'opposer à ce texte ?
M. Christian Cambon. - Parce qu'il ne sert à rien !
M. Jean-Pierre Bosino. - Des associations de terrain sont confrontées au quotidien à la détresse de ceux qui n'ont pas accès à l'eau. Ce n'est pas du prêchi-prêcha, monsieur Bonhomme ! La loi est nécessaire.
Quant aux moyens, il en existe. Les distributeurs d'eau gagnent beaucoup d'argent, à preuve, certains ont racheté des entreprises audiovisuelles ou des radios. Quant aux ponctions sur les agences de l'eau, c'est comme pour la loi NOTRe : les mêmes qui la vilipendaient devant l'AMF l'ont votée ici...
M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je souligne que la position personnelle du rapporteur n'engage ni la commission dans sa majorité, ni son président. M. Dantec dit que le texte ne crée pas de droit opposable, mais il impose bien des nouvelles contraintes aux collectivités, il suffit de lire l'article 2 pour s'en convaincre.
M. Roland Courteau. - Contraintes bien légères...
M. Hervé Maurey, président de la commission. - Nous sommes tous pour le droit à l'eau. Mais nous sommes sans doute plus attentifs que les députés à la situation des collectivités, dont les dotations baissent. Ne surchargeons pas la mule !
De plus, quand des équipements sont gratuits, ils sont souvent saccagés, ce qui alourdit encore les frais d'entretien des communes. (M. Roland Courteau s'exclame) Je voterai cet amendement de suppression. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - On ne peut dire à la fois que ce texte est une gesticulation politique et qu'il est normatif. S'il réussit l'exploit d'être les deux, félicitez-en les auteurs ! (M. Jean Desessard s'amuse et applaudit) Le rapporteur n'est pas issu de la majorité sénatoriale. Mais ce texte a été initié par des associations de terrain, et à l'Assemblée nationale, tous les groupes l'ont voté. J'observe de plus que personne n'a nié les difficultés auxquelles ce texte vise à répondre.
Dommage que cette histoire ne puisse continuer à s'écrire au Sénat. On reproche trop souvent aux élus d'être en décalage avec les attentes pratiques des Français.
L'amendement n°3 rectifié est adopté et l'article 2 est supprimé.
Les amendements nos4 rectifié, 5 rectifié, 17, 18, 14 rectifié, 6 rectifié et 13 rectifié n'ont plus d'objet.
ARTICLE 3
M. le président. - Amendement n°7 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Mayet, Reichardt, Grand, Kennel, Vaspart et Cornu, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Bizet, Commeinhes, Cardoux, Cambon et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Magras, Mme Morhet-Richaud, MM. de Raincourt, Morisset, Carle, Masclet, Chaize, Calvet, Danesi, de Nicolaÿ, B. Fournier, Laménie, Mouiller, Vogel et Savary, Mme Lopez, M. D. Laurent, Mmes Giudicelli et Deromedi, MM. Mandelli et Vasselle, Mme Deseyne, MM. Pierre, Genest et Darnaud, Mme Gruny, MM. Gremillet et Raison, Mme Garriaud-Maylam et M. Rapin.
Supprimer cet article.
M. Rémy Pointereau. - Si je suis favorable à un traitement curatif des difficultés que peuvent éprouver nos concitoyens pour avoir accès à l'eau et à l'assainissement, la création de l'aide préventive pour l'eau et d'une allocation forfaitaire d'eau pour les ménages les plus pauvres participe, une fois de plus, de la déresponsabilisation de nos concitoyens. Déresponsabilisation économique, puisqu'il s'agira d'anticiper des impayés consécutifs, soit à un prix de l'eau trop élevé, soit à des dépenses d'eau trop importantes au regard des ressources des ménages. Déresponsabilisation écologique, puisque de telles mesures n'inciteront guère à la consommation raisonnée d'eau potable. Quand il y a des toilettes gratuites, les gens laissent le robinet ouvert et les mettent à sac...
Enfin, il n'y a toujours pas d'étude d'impact.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Alors que M. Maurey se plaignait que le texte chargeait la mule, cet article la décharge ! Je pensais qu'il soulèverait l'enthousiasme des défenseurs des collectivités ! Il soulagera les départements, dont les ressources sont tellement accaparées par leurs dépenses sociales qu'ils ne peuvent plus soutenir d'autres investissements.
Il ne s'agit pas d'inventer une usine à gaz, mais de faire pour l'eau ce que l'on a fait pour l'énergie. Le chèque eau n'est pas un chèque en blanc ! Celui qui gaspille l'eau la paye ! Il ne couvre que les besoins essentiels, et il est corrélé aux ressources des usagers. La loi est très précise à cet égard. L'État apporte sa garantie.
Surtout ce texte est préventif, source d'économies considérables pour les collectivités territoriales, qui n'auront plus à payer les frais de dossier liés aux demandes d'aide a posteriori. (M. Jean Desessard applaudit)
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Avis défavorable.
M. René-Paul Savary. - Pense-t-on au problème du numérique ? Les dossiers d'aide sont aujourd'hui dématérialisés, et quand quelqu'un se voit priver d'accès à internet, il est aussi privé d'accès à sa collectivité territoriale...
Je voterai l'amendement. On traite les problèmes séparément : l'eau, l'énergie, etc. Or ce dont les ménages en difficulté ont besoin, c'est d'un accompagnement, d'une prise en charge globale, éventuellement au moyen d'un fonds national aux attributions larges. Ce serait une vraie simplification.
M. Roland Courteau. - Vous vous opposez au droit à l'eau potable. C'est choquant, tout simplement choquant, quel que soit la manière dont vous habillez votre position !
M. Jean-Pierre Bosino. - Ce matin en commission des affaires économiques, M. Poniatowski a défendu bec et ongles le chèque énergie, et nous étions tous d'accord avec lui. Traiter globalement les problèmes sociaux des gens n'empêche pas de résoudre tour à tour leurs problèmes d'accès à l'énergie, à l'eau...
Enfin, vous parlez de déresponsabilisation. Franchement, au moment où nous parlons, je ne crois pas que la classe politique ait à donner des leçons à nos concitoyens. (Murmures à droite)
M. Christian Cambon. - Nous avons bien compris vos allusions. Elles ne sont pas à la hauteur du débat. Le chèque énergie n'a rien à voir avec ce nouveau « chèque eau ». Les compteurs d'eau ne sont pas obligatoires dans les immeubles collectifs, dès lors, c'est le bailleur ou le syndic qui reçoit la facture et la répercute selon les millièmes. Comment identifier les familles qui ont besoin d'aide ? Le maire est le mieux placé pour le faire. En connaissez-vous un seul qui ait jamais laissé une famille mourir de soif ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Roland Courteau. - J'en connais qui coupaient l'eau...
M. Daniel Chasseing. - Depuis des décennies que je suis maire en Corrèze, je n'ai jamais vu quiconque privé d'eau. Peut-être cela arrive-t-il dans les grands ensembles...
M. Roland Courteau. - Oui.
M. Daniel Chasseing. - Toujours est-il que les maires font tous leurs efforts pour que l'eau reste bon marché.
Si des problèmes se posent, il faut privilégier une prise en charge sociale. C'est le rôle du département et des CCAS.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Nous vivons dans une société de précarité, c'est un fait. Notre objectif est d'éviter que ne se multiplient les impayés quand il s'agit de satisfaire des besoins essentiels. Les CCAS pourront ainsi se concentrer sur les autres cas.
Les entreprises privées sont pour cette loi qui limitera les impayés et simplifiera la vie de tous. Je suis désolé du tour que prend ce débat : l'enjeu n'est pas politicien, il est de satisfaire les besoins essentiels de chacun.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Le débat entre le curatif et le préventif n'est pas nouveau. En décembre 2011, le Sénat a adopté à l'unanimité l'article 16 bis du projet de loi de finances rectificative pour 2011, qui prévoyait une aide pour l'eau financée par une contribution de 1 % sur les recettes des services d'eau et d'assainissement. Le 1er décembre 2010, Mme Kosciusko-Morizet déclarait à l'Assemblée nationale : « Nous sommes déterminés à ajouter un volet préventif au volet curatif. Le Gouvernement pense en effet qu'un dispositif construit sur un schéma du type allocation APL plutôt que sur celui du tarif social de téléphonie serait plus adapté. » Il est curieux que lorsque nous passons aux travaux pratiques, le Sénat s'oppose !
L'amendement n°7 rectifié est adopté, et l'article 3 est supprimé.
ARTICLE 4
M. le président. - Amendement n°8 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Mayet, Reichardt, Grand, Kennel, Vaspart et Cornu, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Bizet, Commeinhes, Cardoux, Cambon et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Magras, Mme Morhet-Richaud, MM. de Raincourt, Morisset, Carle, Masclet, Chaize, Calvet, Danesi, de Nicolaÿ, B. Fournier, Laménie, Mouiller, Vogel et Savary, Mme Lopez, M. D. Laurent, Mmes Giudicelli et Deromedi, MM. Mandelli et Vasselle, Mme Deseyne, MM. Pierre, Genest et Darnaud, Mme Gruny, MM. Gremillet et Raison, Mme Garriaud-Maylam et M. Rapin.
Supprimer cet article.
M. Rémy Pointereau. - Cet amendement supprime l'article 4 pour les mêmes raisons que l'article précédent.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Avis favorable de la commission, mais vous faites fausse route !
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Avis défavorable. Il vaut mieux affirmer un droit dans la loi que de renvoyer à l'action locale. Le CGDD a montré que certains FSL ne traitent pas la question. En outre, ce n'est pas sans incidence sur la dignité des personnes : si l'accès à l'eau est un droit, alors ceux qui les réclament ne font qu'exercer leur citoyenneté.
M. Christian Cambon. - Merci de citer Mme Kosciusko-Morizet, mais depuis, le Conseil constitutionnel a interdit les coupures d'eau. Le droit à l'eau existe déjà !
M. Roland Courteau. - Les mécanismes curatifs ne sont pas toujours efficaces. Ils sont humiliants et stigmatisants pour les personnes qui en bénéficient. Nous ne voterons pas cet amendement.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - C'est bien à cause de cette décision du Conseil constitutionnel que les acteurs économiques sont favorables à notre texte, qui comble un vide juridique et garantit le financement de l'accès à l'eau. Soyez logiques : l'interdiction des coupures d'eau appelle un chèque eau !
M. René-Paul Savary. - Oui, il existe des différences en fonction des départements. C'est la décentralisation ! Mais chaque département respecte le cadre fixé par la loi.
En outre, le rapport Sirugue l'a montré, le RSA est à bout de souffle. Il n'incite pas à la reprise d'emploi car celle-ci entraîne la perte des droits connexes. La réforme des minima sociaux est au coeur de la campagne présidentielle. Et l'on continue... Réfléchissons plutôt au modèle social du XXIe siècle ! (Applaudissements à droite)
L'amendement n°8 rectifié est adopté, et l'article 4 est supprimé.
L'article 5 demeure supprimé.
ARTICLE 6
M. le président. - Amendement n°9 rectifié, présenté par MM. Pointereau, Mayet, Reichardt, Grand, Kennel, Vaspart et Cornu, Mmes Mélot et Estrosi Sassone, MM. Bizet, Commeinhes, Cardoux, Cambon et Lefèvre, Mme Cayeux, M. Magras, Mme Morhet-Richaud, MM. de Raincourt, Morisset, Carle, Masclet, Chaize, Calvet, Danesi, de Nicolaÿ, B. Fournier, Laménie, Mouiller, Vogel et Savary, Mme Lopez, M. D. Laurent, Mmes Giudicelli et Deromedi, MM. Mandelli et Vasselle, Mme Deseyne, MM. Pierre, Genest et Darnaud, Mme Gruny, MM. Gremillet et Raison, Mme Garriaud-Maylam et M. Rapin.
Supprimer cet article.
M. Rémy Pointereau. - Cet amendement supprime l'article 6 pour les mêmes raisons que précédemment.
Les fonds de solidarité pour les logements départementaux peuvent déjà aider les personnes physiques qui se trouvent « dans l'impossibilité d'assumer leurs obligations relatives au paiement des fournitures d'eau, d'énergie et de services téléphoniques ». La taxe sur l'eau en bouteilles est de 0,54 euro par hectolitre, ce qui représente 54 millions de produit affecté. N'allons pas priver de cette somme le régime de base de retraite des non-salariés agricoles, dont la dette atteint déjà 3 milliards ! Ce ne serait vraiment pas opportun à deux mois de la présidentielle.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Je comprends la logique de détricotage du texte, mais pas les arguments avancés à l'appui de cet amendement, d'autant que les départements sont favorables à cet article ! Tous n'ont pas un FSL doté d'un volet eau.
On ne peut pas dire que les fonds de retraite seraient sacrifiés par cette affectation, allons ! Certes, nous avons besoin d'une vision d'ensemble de l'action sociale, mais l'État tiendra ses engagements. Respectons le compromis trouvé à l'Assemblée nationale... Avis défavorable.
M. Roland Courteau. - Les maires paieront.
M. Ronan Dantec, rapporteur. - Mais non, l'État !
M. Charles Revet. - Il n'a plus de sous.
M. Alain Vidalies, secrétaire d'État. - Avec un tel amendement, vous témoignez une bien faible confiance en l'avenir...
Dans un quart des départements, les FSL n'ont pas de volet eau. Lorsqu'ils existent et qu'ils sont abondés, les montants sont insuffisants. De plus, le coût des mécanismes curatifs, frais de dossiers notamment, est considérable, en sorte que tout le monde réclame du préventif ! Même le guide des bonnes pratiques de l'AMF reprend les dispositions de cette proposition de loi. Je regrette que le Sénat mène une entreprise de destruction de cette proposition de loi qui avait été co-construite.
M. le président. - Le temps réservé à l'examen de ce texte s'achève dans trois minutes...
Mme Marie-Christine Blandin. - Nos collègues de droite se réjouissent que ce texte soit démantibulé... M. Danesi regrettait ce matin en commission de la culture le bon temps du français élégant : souvenez-vous également du temps où nos communes avaient toutes des fontaines ! Quand je gare ma voiture dans le parking lillois, je vois des femmes sans domicile qui relèvent leurs jupes pour faire leurs besoins et que poursuivent les vigiles. Pensez à la honte de ces femmes !
La cour d'honneur du Sénat est rendue inaccessible comme si nos travaux étaient finis. C'est décidément la semaine de trop ! Je regrette que tant de drapeaux partisans s'agitent sur un texte adopté consensuellement à l'Assemblée nationale. (Applaudissements à gauche)
M. le président. - Le temps dédié à l'examen de ce texte est écoulé.
La séance, suspendue à 18 h 40, reprend à 18 h 50.