Éthique du sport et compétitivité des clubs (Deuxième lecture)
Mme la présidente. - L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs.
Discussion générale
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État auprès du ministre de la ville, de la jeunesse et des sports, chargé des sports . - Une méthode, une détermination. Ma méthode a été la concertation. J'ai organisé en octobre 2015 une grande Conférence sur le sport professionnel : six mois de travaux, une soixantaine d'experts, quelque 70 préconisations, une dizaine de consultations, dont celle de parlementaires. J'étais déterminé à ce que le riche rapport d'avril 2016 ne reste pas lettre morte. Mais rien n'aurait été possible sans Dominique Bailly et Didier Guillaume au Sénat, sans Jeanine Dubié à l'Assemblée nationale, sans Catherine Morin-Desailly et Patrick Bloche, les présidents de commission, qui ont su créer les bases d'un débat constructif. Le sport rassemble, au-delà des groupes politiques. Je salue à cet égard le travail mené avec l'ensemble des groupes politiques.
En commission, vous avez voté le texte conforme : j'espère que cette position se confirmera en séance publique pour terminer sur une note heureuse les travaux de la législature concernant le sport. Après la loi sur le statut des sportifs, la loi sur la santé - portant transposition du code mondial antidopage - et la loi sur le supportérisme, ce texte est une étape de plus. Il apporte de nouveaux moyens pour lutter contre les tricheurs et les manipulations de compétitions ; il encadre l'activité des agents sportifs, crée de nouvelles incompatibilités d'exercice professionnel, met en place une instance de réflexion pour encourager le sport féminin, instaure de nouvelles garanties d'emprunt accordées par les collectivités, améliore la transparence des contrats relatifs à l'exploitation de l'image des sportifs.
Nous pouvons être fiers d'avoir servi le sport, ses champions, ses pratiquants ; ces progrès nourrissent notre rêve, autour du projet olympique Paris 2024.
Je me réjouis d'avoir pu, comme secrétaire d'État, penser le sport de demain avec ambition : merci d'y avoir contribué. (Applaudissements)
M. Dominique Bailly, rapporteur de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - Le 26 octobre, le Sénat a adopté en première lecture ce texte, le dernier de la législature sur le sport. Il donne force de loi aux préconisations de rapports récents du Sénat et à celles formulées par les participants à la grande conférence.
Cette proposition de loi ne pourra aboutir que si un consensus se dessine aujourd'hui pour parvenir à un vote conforme. Je crois que nous pouvons nous prononcer en ce sens, car l'Assemblée nationale a préservé les grands équilibres et ses modifications sont des améliorations et des ajouts utiles.
À l'article 4 bis, les députés ont encadré plus strictement les conventions de présentation des agents sportifs. Les pouvoirs des directions nationales du contrôle de gestion (DNCG) ont été maintenus, conformément aux apports du Sénat. Les agents sportifs seront contrôlés sur pièces et sur place, avec un rapport rendu public.
À l'article 6, l'association reste détentrice du numéro d'affiliation : c'est un compromis satisfaisant.
Au fameux article 7, qui porte sur l'exploitation des attributs de la personnalité d'un sportif ou d'un entraîneur professionnels, l'Assemblée nationale a prévu une convention ou un accord collectif pour déterminer le plafond de la redevance, celle-ci étant également conditionnée à une rémunération minimum, négociée par les partenaires sociaux. Ce sont des garanties bienvenues.
L'Assemblée nationale a rendu facultatif, à l'article 12, l'accord professionnel pour lutter contre la diffusion sans droits de contenus sportifs sur internet, mais elle a préservé l'essentiel dans le cadre d'une démarche vertueuse de « droit souple ».
Elle a aussi ajouté douze articles additionnels, qui constituent des apports judicieux. Ainsi, par exemple, l'article 2 bis nouveau encadre les pouvoirs réglementaires de l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) et confie à celle-ci un pouvoir de police administrative. Un délit de fraude mécanique et technologique est créé à l'article 3 bis nouveau. Il sera également impossible désormais d'obtenir une licence d'agent sportif en cas de condamnation pour fraude fiscale.
L'article 15 nouveau dispose que l'article 3 interdisant aux sportifs de parier dans leur discipline entrera en vigueur au 1er janvier 2018.
Je regrette, certes, la suppression de l'article 7 bis A : c'est le point de désaccord le plus important entre les deux assemblées, mais il n'est pas politique, il n'oppose pas majorité et opposition. Certains considèrent que les collectivités territoriales, au nom du principe de libre administration, doivent pouvoir financer les infrastructures des clubs en en restant propriétaires ; les autres estiment que cette pratique crée un conflit d'intérêts qui n'est pas favorable à l'émancipation du sport professionnel.
En proposant de plafonner le montant des subventions dans les stades et les salles de sport utilisés par les clubs professionnels, nos collègues Michel Savin et Claude Kern avaient trouvé un dispositif équilibré pour amorcer la transition vers un nouveau modèle économique du sport professionnel.
Toutefois, pour aboutir, il aurait fallu également autoriser les collectivités territoriales à aider des clubs professionnels à devenir propriétaires de leurs infrastructures, ce qui n'a pas été possible, Bercy s'y étant opposé.
La suppression de l'article 7 bis A ne constitue donc pas une surprise. Au moins peut-on se féliciter que la prise de conscience ait progressé sur la nécessité de faire évoluer le modèle économique du sport professionnel.
Hormis cet article 7 bis A, aucune disposition essentielle n'a été supprimée par l'Assemblée nationale. Aucun des ajouts n'est de nature à nous poser de difficultés. C'est donc très naturellement que je vous propose d'adopter cette proposition de loi sans modification.
Si le Sénat se prononce ainsi, il démontrera une nouvelle fois son expertise dans le domaine du sport. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, UDI-UC ; M. Michel Savin applaudit aussi)
Mme Christine Prunaud . - Le sport rassemble, dites-vous : c'est vrai. Mais la recherche du consensus ne doit pas nous empêcher d'exprimer nos préoccupations, comme la marchandisation des pratiques sportives à travers les droits de diffusion audiovisuelle, ou la raréfaction de la diffusion gratuite des compétitions sportives, qui rend bien difficile l'émergence de nouvelles pratiques sportives. Le rapport de M. Assouline sur la diffusion en clair du sport contient des propositions intéressantes.
Sur les agents sportifs, vous allez « à petites marches » - je le dis ainsi pour être positive... Le chantier ne fait que s'ouvrir, en particulier sur la fiscalisation des transferts et la contractualisation des très jeunes joueurs : n'est-il pas problématique de transformer ces jeunes gens en valeurs marchandes ? Nous avons des propositions.
Je ne peux que souscrire à l'interdiction pour une même personne de peser dans deux clubs de la même compétition. Mais est-il possible d'étendre la mesure au plan international ? J'en doute. Voyez par exemple les pratiques de la marque Red Bull, propriétaire de plusieurs clubs...
Je crains une mutualisation des risques et une privatisation des profits avec les dispositions sur les transferts de propriété des enceintes sportives. Les échecs, au Mans ou à Grenoble, devraient nous faire réfléchir.
Concernant l'image des sportifs, la redevance, non assujettie à cotisations sociales, ne m'a pas convaincue. Cela permettra-t-il aux clubs de garder leurs meilleurs éléments et de contrôler leur image ? Rien n'est moins sûr.
Malgré ces réserves, je salue les avancées. L'activité des agents sportifs sera réglementée. Vingt ans après l'arrêt Bosman, on va dans la bonne direction. Le statut des arbitres sera sécurisé. Autre satisfaction, la création d'une Conférence permanente du sport féminin.
Le groupe CRC votera l'essentiel des dispositions de ce texte mais proposera trois amendements pour améliorer quelques points. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste ; M. Alain Néri applaudit également)
Mme Mireille Jouve . - « Le sport est une langue universelle qui a un pouvoir fédérateur, unissant les gens quels que soient leur origine, leur milieu social, leurs convictions religieuses ou leur situation économique ». Ces mots de Kofi Annan en 2004 restent d'actualité.
Je salue le travail de notre rapporteur qui a associé un membre de chaque groupe politique. C'est une méthode intéressante et efficace. J'ai toutefois quelques réserves... sur la rédaction de l'Assemblée nationale.
Durcir les conditions d'accès au métier d'agent sportif en excluant les personnes condamnées pour fraude fiscale était salutaire. Cependant, si empêcher les personnes condamnées pour prostitution de mineurs ou harcèlement sexuel de devenir éducateurs sportifs est pertinent, les députés ont eu la main lourde en visant les personnes condamnées pour usage de stupéfiants. Les repentis peuvent être un bon exemple dans les quartiers.
Le financement du sport amateur reste aussi en suspens. Notre assemblée pourrait réfléchir à un rééquilibrage entre le sport amateur et le sport professionnel.
M. Alain Néri. - Très bien !
Mme Mireille Jouve. - Les collectivités territoriales peuvent accorder des garanties d'emprunt aux clubs... oui, à condition que ceux-ci ne fassent pas défaut.
Le sport est aussi un spectacle. Les chartes éthiques et déontologiques viendront protéger les valeurs du sport. Les déclarations des dirigeants de fédérations sont bienvenues. Les errements trop fréquents montrent la pertinence d'une telle mesure.
Les pouvoirs de l'Arjel sont renforcés : elle pourra interdire les paris sur un évènement en cas d'indices graves et concordants de manipulation. Le contrôle des DNCG sur la comptabilité des agents sportifs nous satisfait.
En tant que membre de la délégation aux droits des femmes, je me réjouis de la création d'une conférence permanente, pour accompagner le développement du sport féminin et sa médiatisation réelle. Je pourrais dire la même chose du handisport.
Le groupe RDSE votera ce texte à l'unanimité. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain ; M. Michel Savin applaudit également)
M. Claude Kern . - Nos échanges avec le ministre et entre groupes ont été fructueux : ce texte n'est pas un grand soir, mais consacre des avancées souhaitées par les fédérations et les sportifs. Il répond à deux urgences : protéger le sport professionnel de ces fléaux que sont les violences dans les stades, les versements frauduleux, les matchs truqués ou le dopage, contraires à l'esprit même du sport, et soutenir la compétitivité des clubs.
Parmi les améliorations apportées par l'Assemblée nationale, je veux citer le renforcement du contrôle financier des agents sportifs et l'incompatibilité frappant les personnes reconnues coupables de fraude fiscale.
Je regrette en revanche la suppression du plafonnement à 50 % du financement de la construction d'une nouvelle enceinte sportive par une collectivité territoriale, car si le désengagement des collectivités n'est pas envisageable dans la situation actuelle, cet article aurait adressé aux clubs un signal fort.
Autre regret, la réécriture par l'Assemblée nationale de l'article 12, qui obligeait les partenaires à négocier un accord contre le piratage. Je ne conteste pas l'intelligence de la démarche de soft law. Mais je redoute l'échec des discussions qui nous obligerait à légiférer dans quelques années, alors que la situation presse.
Le groupe UDI-UC s'engage toutefois en faveur d'un vote conforme, en attendant des mesures tout aussi urgentes mais moins consensuelles... (Applaudissements)
Mme Corinne Bouchoux . - Cette proposition de loi est une étape importante en matière de transparence et d'éthique, un bel exemple d'élan transpartidaire et des bénéfices tirés d'une large consultation en amont.
Saluons l'interdiction faite aux personnes condamnées pour fraude fiscale d'obtenir une licence d'agent sportif, et l'ouverture d'une réflexion sur un nouveau délit de fraude mécanique et technologique, pour faire face à l'inventivité de certains...
Je me réjouis aussi que l'article 9 ter lève un frein au développement du sport féminin, en autorisant une même personne à diriger dans une même discipline un club masculin et un club féminin. Les « quatre saisons du sport féminin » parrainées par le CSA, dont la marraine et le parrain sont Gwladys Épangue, médaillée olympique de taekwondo, et Souleymane Cissokho, médaillé olympique de boxe en 2016, contribuent à le faire connaître et à inciter les femmes à faire du sport. La Conférence permanente du sport féminin est aussi une avancée, espérons que le décret sera pris avant la fin du quinquennat.
Un bémol cependant : l'inclusion de l'usage de stupéfiants dans la liste des délits interdisant la profession d'agent sportif. C'est inapplicable, disproportionné, et cela envoie un bien mauvais signal à notre jeunesse. J'y reviendrai.
Malgré cette réserve, le groupe écologiste souhaite un vote conforme et votera donc ce texte. (Applaudissements à gauche et au centre)
M. Michel Savin . - Je salue le travail de Dominique Bailly et de tous nos collègues, qui ont travaillé dans un esprit de consensus, dans l'intérêt général. Monsieur le ministre, lors de vos voeux, vous avez appelé à une révolution culturelle dans le sport professionnel, précisant cependant n'être ni Nostradamus, ni David Copperfield. Pas plus que vous, nous ne sommes des magiciens (sourires), mais nous avons les mêmes objectifs. Le modèle des années soixante est à bout de souffle.
Cette proposition de loi est une première étape. En première lecture, nous avions souhaité élargir la taxe Buffet aux compétitions étrangères diffusées en France dans lesquelles la France est représentée. C'eût été un moyen de réduire les énormes écarts de financement entre sport professionnel et amateur - et je ne parle pas de ceux que l'on constate entre sport masculin et féminin. Nous voulions aussi ouvrir un débat sur la limitation de la participation des collectivités territoriales au financement des infrastructures destinées à être majoritairement utilisées par un club professionnel. Il faudra y revenir : les clubs doivent être encouragés à devenir propriétaires de leurs structures.
De nombreux points décisifs sont néanmoins présents dans ce texte, je le dis en toute objectivité. La garantie d'emprunt est un signal fort. Aujourd'hui interdite au nom de la protection des collectivités territoriales, cette garantie permettra aux clubs d'investir directement et de relâcher leur pression sur les collectivités territoriales, qui n'ont plus les moyens d'investir seules dans des stades.
De même, il est plus que nécessaire de réguler la profession des agents sportifs et de moderniser leur statut pour apporter de la transparence dans ce secteur.
Sur l'usage du numéro d'affiliation, nous avons trouvé le moyen d'offrir aux investisseurs des garanties à long terme tout en protégeant les associations sportives, qui en restent propriétaires.
La distinction du salaire et de la redevance dans la rémunération des sportifs est aussi un facteur de compétitivité du sport français.
L'article 12 est destiné à protéger les diffuseurs contre le piratage de leurs diffusions par le biais d'un accord entre professionnels. Nous regrettons que l'Assemblée nationale en ait limité la portée normative. Le Sénat veillera à ce que cette disposition s'applique effectivement, tant il est nécessaire de sécuriser les investissements des diffuseurs.
Bien d'autres mesures pourraient être mentionnées : encouragement au sport féminin, lutte contre le dopage et la fraude mécanique, introduction du concept de corruption dans le sport, soutien au handisport, charte éthique, régulation des jeux d'argent, promotion du sport français...
Tous ces sujets montrent l'ampleur de la tâche qui nous attend. Une réflexion plus large eût été bienvenue. Cependant, vu les délais, nous ferons le choix de la raison en votant ce texte conforme. Alors que Paris et la France connaîtront dans moins de sept mois le sort de leur candidature aux jeux Olympiques, j'espère que celle-ci donnera au sport français une nouvelle énergie et un élan de modernisation. (Applaudissements)
M. Jean-Jacques Lozach . - Cette proposition de loi présente des progrès importants pour le monde du sport. Écoute et conciliation ont été les maîtres mots de son élaboration, comme l'illustre le vote unanime des deux assemblées en première lecture.
L'éthique sportive m'est chère. Conscients de l'importance de la transparence dans la vie publique, nous avons étendu à des personnalités du monde du sport les obligations déclaratives des parlementaires et des membres du Gouvernement. La France a ainsi un des standards les plus élevés au monde. Ce n'est pas la transparence, mais l'opacité qui instille le doute et nourrit les fantasmes.
L'autorisation accordée aux ligues professionnelles de se porter partie civile pour les infractions concernant l'intérêt collectif des clubs ou l'intégrité des compétitions est bienvenue. L'image de compétiteurs loyaux est indispensable aux clubs - comme celui de handball de Montpellier, qui n'avait pas pu se porter partie civile dans l'affaire des paris suspects. Survenue il y a cinq ans, l'affaire a beaucoup affaibli le club, provoquant la fuite d'une partie de l'équipe. De même, les ligues professionnelles pourront désormais se porter partie civile en cas de violences lors d'une manifestation sportive : elles en sont les victimes à part entière.
À l'article premier quater, les députés ont comblé une évidente lacune : plusieurs infractions majeures entraient manifestement en conflit avec les qualités requises à l'exercice du métier d'éducateur sportif.
Nous nous sommes également donné les moyens de mieux lutter contre la manipulation des compétitions. Le rapport sur la fraude mécanique et technologique sera utile, même si aucun cas n'a encore été constaté en France. Si le phénomène se développe, il faudra envisager la création d'un nouveau délit et l'extension des compétences de l'Agence française de lutte contre le dopage.
Sur le contrôle des paris sportifs, l'objectif que je poursuivais en première lecture a finalement été trouvé, puisque l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel) pourra définir les compétitions pour lesquelles les paris sont autorisés au regard des risques de manipulation sportive et se verra confier un pouvoir de police administrative.
Le rôle des ligues professionnelles concernant l'interdiction de paris sportifs est également renforcé. Une interdiction plus générale serait utile, car le seul soupçon fait des dégâts considérables et érode les valeurs du sport.
Concernant les agents sportifs communautaires, l'exigence de qualification ou d'expérience professionnelle minimale n'est certes plus de mise pour le conventionnement, mais le droit européen lui-même va ramener de deux à un an l'expérience des agents sportifs communautaires souhaitant exercer de manière occasionnelle en France. La limitation à une convention sportive par saison est essentielle, pour bien entériner le fait qu'il s'agit d'une dérogation pratique, qui concrètement ne touchera que quelques joueurs par an. Des garde-fous ont été prévus : la transmission des conventions aux fédérations délégataires, ainsi que la nécessité pour l'agent sportif communautaire cocontractant de disposer de l'autorisation d'exercice dans un pays européen.
L'exclusion de la fonction d'agent sportif des personnes ou structures condamnées pour fraude fiscale illustre l'équilibre que nous devons trouver entre la souplesse offerte aux clubs pour assurer leur compétitivité et la prise en compte, sans naïveté ni exagération, de certaines pratiques douteuses bien que très minoritaires.
Le renforcement du contrôle financier de l'activité des agents sportifs doit également être salué. Le rôle et les pouvoirs accrus des directions nationales du contrôle de gestion, y compris en matière de supervision des achats et cessions de clubs, fait avancer la sécurité économique des clubs et des joueurs ; on s'achemine vers une solution peu contraignante mais efficace pour faire la lumière sur divers flux financiers. Il faudra que les DNCG puissent assumer ces missions nouvelles ; un bilan devra être fait dans quelque temps.
Les DNCG seront aussi destinataires des contrats commerciaux permettant de rémunérer l'image d'un sportif professionnel. Sur ce point, les députés ont limité les risques de détournement du dispositif à des fins d'optimisation fiscale. La définition d'un seuil de rémunération minimale au titre du contrat de travail ainsi que d'un plafond pour le montant des redevances est une bonne solution, de même que le renvoi à un accord collectif national ou à une convention collective par discipline. Les Urssaf exerceront un contrôle.
Nous avions dit notre désaccord sur le plafonnement des subventions des collectivités locales pour les dépenses de construction de nouvelles enceintes sportives. Je suis donc tout à fait rassuré que l'Assemblée nationale ait remis cette mesure à plus tard. Ne nous précipitons pas, d'autant que cette disposition pourrait être contraire au principe de libre administration des collectivités.
À l'inverse, la garantie d'emprunt pour l'acquisition, la réalisation ou la rénovation d'équipements sportifs va lever l'hypothèque qui pesait sur certains projets de premier ordre, comme le projet d'Arena porté par le club de Basket de Strasbourg. Il s'agit d'une véritable avancée, qui permettra d'accompagner la transformation progressive du modèle économique des plus grands clubs sportifs de notre pays.
Face à la montée en puissance du streaming et à la difficulté de combattre le piratage, un accord professionnel pourrait constituer une amorce de solution. Où en est, monsieur le ministre, la révision du décret de 2004 fixant la liste des manifestations obligatoirement diffusées en clair ?
Ce texte ouvre des perspectives, pour plus de normalisation, de morale dans le sport, tout en donnant du sens à la grande Conférence pour le sport professionnel. II faudra aller plus loin dans les années qui viennent sur les liens entre sport professionnel et amateur, la reconnaissance des centres de formation des clubs professionnels, le dialogue social, la transparence des flux financiers générés par les transferts de joueurs, la gouvernance du sport professionnel, l'investissement des entreprises - est-il normal que pas un groupe du CAC 40 n'ait investi dans le sport ?- ou encore la retransmission du sport à la télévision et son accès gratuit, voire l'assouplissement de certains aspects de la loi Évin pour améliorer la compétitivité des clubs.
Sur les soixante-sept propositions des groupes de travail de la grande Conférence, il n'était pas possible de tout garder. Certaines propositions, sur le rôle de Tracfin, l'élargissement de l'assiette de la taxe Buffet ou le développement du sport professionnel féminin, mériteraient de trouver bientôt un support législatif.
Ce n'est certes pas la fin du chemin, mais c'est une grande étape que nous allons franchir pour le sport professionnel et pour le sport en général. Le sport professionnel doit être irréprochable s'il veut être moteur du développement des pratiques sportives et facteur de cohésion sociale. (Applaudissements)
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État . - J'aurais dû citer Mme Bouchoux parmi les parlementaires très investis. Qu'elle m'en excuse.
Une consultation sera ouverte en mars sur la révision du décret de 2004, monsieur Lozach. Ce ne sera pas le grand soir : Bruxelles y regarde de très près... Ne vendons pas du rêve !
La discussion générale est close.
Discussion des articles
L'article premier est adopté, ainsi que les articles premier bis et premier ter.
ARTICLE PREMIER QUATER
Mme la présidente. - Amendement n°4, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
Mme Christine Prunaud. - Bien sûr, l'accès à la profession d'éducateur sportif ne saurait être ouvert à n'importe qui. Il n'empêche qu'il y a une disproportion entre une condamnation pour usage de drogues, même douces, et le terrorisme ou la traite d'êtres humains !
Aujourd'hui, certains parlent de dépénalisation de la consommation de cannabis, d'autres de contraventionnalisation... La société change, nous moins... Si leur problème est réglé, pourquoi donc fermer cette profession aux personnes ayant un jour été condamnées pour avoir consommé du cannabis ? Il ne faut pas confondre cela avec le trafic, ou avec l'usage de stupéfiants pendant l'exercice des fonctions d'éducateur.
M. Dominique Bailly, rapporteur. - Cet amendement a déjà été rejeté en commission. J'entends qu'il puisse y avoir un problème d'applicabilité. Mais il faut voter conforme. Avis défavorable.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - Même avis pour les mêmes raisons : si cet amendement est voté, c'est un an et demi de travail qui tombe à l'eau. M. Savin l'a dit : il faut faire un choix de raison.
Mme Corinne Bouchoux. - Je l'ai dit, le groupe écologiste souhaite que le texte soit voté conforme. Reste qu'il comporte des lacunes, et des boulettes : en voilà une !
Je n'ai personnellement aucune complaisance pour l'usage de drogues même douces. Je ne suis pas sûre d'être pour la dépénalisation, encore moins pour la légalisation. Mais cet alinéa ressemble à l'interdiction d'une profession pour les jeunes des quartiers.
Cela n'existe pas pour être parlementaire. C'est inapplicable et ce ne sera pas compris. Pourquoi laisser cette disposition inopérante, injuste et dont je ne suis pas sûre qu'elle soit même constitutionnelle ?
M. Jean-Jacques Lozach. - L'alinéa 9 aurait certes mérité un peu plus de travail ; mais il nous arrive directement de l'Assemblée nationale. Rappelons néanmoins que le décret du 15 octobre 2015 prévoit la transaction pénale pour les usagers de cannabis jamais condamnés auparavant : la condamnation dans ce domaine est rare.
Cet amendement, si pertinent qu'il soit, ne doit pas remettre en question le compromis trouvé sur ce texte.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - L'Assemblée nationale n'a rien créé. Elle a repris des articles du code de la santé publique, qui ne vous ont jamais émus ! (Mmes Éliane Assassi et Brigitte Gonthier-Maurin protestent) Je vous demande de retirer cet amendement.
Mme Christine Prunaud. - Si le cas est rare, à quoi sert cette disposition ? Nous sommes bien loin de la politique de prévention si souvent défendue.
M. Michel Savin. - Ce texte doit être voté conforme. Tous, nous aurions pu présenter à nouveau des amendements. Je peux comprendre que certains se sentent frustrés, nous le sommes aussi. Mais il faut faire aboutir ce texte qui comprend des dispositions sur lesquelles nous sommes tous d'accord. Madame Prunaud, retirez votre amendement !
Mme Éliane Assassi. - Et le droit d'amendement des parlementaires ?
L'amendement n°4 n'est pas adopté.
L'article premier quater est adopté.
L'article premier quinquies est adopté, de même que les articles 2, 2 bis, 3, 3 bis A, 3 bis, 4 bis, 5, 5 bis, 6, 6 bis et 6 ter.
ARTICLE 7
Mme la présidente. - Amendement n°1, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Christine Prunaud. - Le mécanisme proposé ici, même s'il est légèrement différent, reprend la finalité du droit à l'image collectif supprimé en 2010 : transformation d'une partie de la rémunération en redevance. S'il est vrai que l'on assiste en Europe à une marchandisation du sport et une inflation des rémunérations - 88 millions de dollars entre juin 2015 et juin 2016 pour le footballeur Cristiano Ronaldo...
M. Dominique Bailly, rapporteur. - Qui joue au Real Madrid !
Mme Christine Prunaud. - ... nous ne pouvons accepter cette mesure visant à réduire les cotisations sociales sur une partie de la rémunération des sportifs. En 2009, le dispositif qui avait concerné 1 581 sportifs avait grevé les recettes publiques de plusieurs dizaines de millions d'euros, la compensation par l'impôt sur le revenu restant hypothétique. La France a d'autres atouts pour attirer des joueurs, les clubs d'autres moyens pour sanctionner des comportements nuisant à leur image.
M. Dominique Bailly, rapporteur. - Avis défavorable. Cet article 7 nous apportera au contraire des recettes fiscales supplémentaires. La redevance sera fiscalisée, soit en BNC soit en BIC.
Nous continuerons à travailler pour que Cristiano Ronaldo vienne jouer en France, malgré la victoire 4-0 du PSG hier contre Barcelone...
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - Le droit à l'image collectif était une niche fiscale bénéficiant à tous les joueurs, votée en 2009 dans des conditions plus que discutables, puis supprimée en 2010.
Nous parlons ici d'un droit à l'image individuel et non collectif qui concerne les sportifs dont le club utilise l'image : ceux qui génèrent des recettes par la vente de maillots ou de mugs, comme les mannequins. Il n'y a pas de compensation ! Il y a la rémunération et, au surplus, un contrat lié à l'image qui sera naturellement fiscalisé.
J'ajoute que les clubs pourront agir sur la redevance si le comportement d'un joueur nuit à son image, alors que les sanctions pécuniaires sur le salaire sont interdites par le code du travail. Retrait ?
M. Jean-Jacques Lozach. - On peut en effet être choqué par la rémunération de certains footballeurs, surtout si on compte les contrats publicitaires. Mais c'est ailleurs qu'il faut en rechercher la cause, dans la mondialisation du marché, le rôle des agents et l'arrêt Bosman de 1995.
Le rapport Glavany de 2014 proposait de rapprocher les régimes des sportifs et des artistes de spectacles : c'est bien de cela qu'il est question, ici. La redevance sera plafonnée par les partenaires sociaux.
Il s'agit aussi de maintenir dans notre pays des sportifs de haut niveau.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - Deux compléments pour convaincre Mme Prunaud. Il ne fallait pas qu'un club verse tout en redevance et rien en salaire. Ce sont donc les partenaires sociaux qui détermineront quelle est la part maximale de la redevance dans la rémunération globale du joueur.
Vous connaissez le Football Leaks. On ne peut tolérer les excès que l'on constate à l'étranger. Les contrats d'image seront donc transmis aux DNCG pour éviter qu'ils ne finissent dans les paradis fiscaux.
M. Michel Savin. - On ne parle pas seulement de foot : le basket aussi, notamment, attend une telle mesure. Dans beaucoup de disciplines, ce texte crée un complément de revenu utile.
Mme Christine Prunaud. - Je ne connais pas le sport aussi bien que vous... (Sourires) J'ai évoqué Ronaldo car c'est un cas révélateur. Monsieur le ministre, vous apportez des garanties qui ne me convainquent pas entièrement. Néanmoins, je retire l'amendement.
L'amendement n°1 est retiré.
L'article 7 est adopté.
L'article 7 bis A demeure supprimé.
ARTICLE 7 BIS B
Mme la présidente. - Amendement n°3, présenté par Mme Prunaud et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Supprimer cet article.
Mme Christine Prunaud. - La majorité des équipements sportifs sont propriété publique mais leur usage est privatisé. La garantie d'emprunt pose la question de la stabilité financière des clubs. Pour rappel, la chute du Mans Football Club avait entraîné une dette annuelle pour la mairie du Mans d'environ 450 000 euros auprès du concessionnaire Le Mans Stadium. Encore un exemple de collectivisation des risques et de privatisation des profits...
M. Dominique Bailly, rapporteur. - Avis défavorable. Le club du Mans s'était engagé dans un partenariat public-privé, mécanisme dont je conteste la pertinence. Cet article prévoit une garantie d'emprunt, ce qui est très différent, pour permettre aux collectivités territoriales d'accompagner un projet sportif ; il s'agit bien d'investissement et non de fonctionnement.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - Les exemples de Grenoble et du Mans n'ont rien à voir à ce débat. Le stade de Grenoble avait été financé intégralement par la Ville ; la chute du club a été causée par le retrait brutal d'un investisseur japonais douteux. Ce texte autorise justement la DNCG à apprécier la qualité des investisseurs étrangers et l'origine des fonds.
Le cas du Mans relève d'un partenariat public-privé : le constructeur exploite l'enceinte et contracte avec la municipalité, contrainte de payer pendant trente ans... Au passage, le chiffre est plutôt de 100 millions d'euros...
Il n'est pas question de cela ici. Au contraire, nous créons un partenariat public-privé. À Dijon, par exemple, la société commerciale qui exploite l'équipe pourra investir pour rénover l'enceinte ; la collectivité n'en n'a pas les moyens, elle apportera donc une garantie d'emprunt, qui permettra au club d'emprunter à moindre coût. Mais c'est le club, non plus la municipalité, qui prend le risque. Les maires ne sont pas aveugles, ils sauront apprécier la fiabilité du projet. Retrait ?
M. Jean-Jacques Lozach. - Cet amendement pose la question du modèle économique des clubs professionnels. Pour certains, le meilleur modèle est la propriété de l'équipement. Pourquoi ne pas la faciliter, sur la base du volontariat ? Seulement 14 % des équipements sportifs sont privés. Élargissons cette possibilité, dans un contexte de raréfaction de l'argent public, pour responsabiliser les clubs.
Au demeurant, cette possibilité sera sans doute utilisée par peu de clubs et de collectivités.
M. Claude Kern. - Il n'y a aucune obligation. Pour l'Arena de Strasbourg, le club a établi son plan de financement : il prend à sa charge 25 % du coût d'agrandissement ; la ville s'engage à garantir 50 % de ces 25 %. Encourageons les clubs qui s'engagent sans risque pour la collectivité territoriale.
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - Le texte ne crée pas une obligation mais une incitation aux sociétés commerciales d'exploiter les enceintes. Trouvez-vous normal qu'une collectivité soit sollicitée pour refaire une pelouse à 150 000 euros ? C'est au club de le faire, si possible dans de bonnes conditions d'emprunt grâce à la garantie.
L'amendement n°3 est retiré.
L'article 7 bis B est adopté.
L'article 8 est adopté, ainsi que les articles 9, 9 ter, 11 bis, 12, 13 et 13 bis.
ARTICLE 14
Mme Claudine Lepage . - Cet article précise que les établissements du réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger favorisent la pratique sportive de haut niveau. Malheureusement, des élèves membres d'un club sportif à l'étranger ont des difficultés à s'inscrire à l'option Sport de haut niveau au baccalauréat car leur club ne figure pas, par définition, sur les listes ministérielles. Thierry Mandon m'avait indiqué que la seule solution était de signer une convention entre les fédérations françaises et les clubs locaux. Est-ce envisageable ?
M. Thierry Braillard, secrétaire d'État. - Je suis pris de court... Je vous promets une réponse avant la fin de la semaine.
L'article 14 est adopté, ainsi que l'article 15.
Interventions sur l'ensemble
Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication . - Monsieur le ministre, je salue l'excellent travail que nous avons conduit avec vous au cours des deux dernières années. Ce texte, d'initiative sénatoriale, témoigne du travail approfondi de notre commission sur le sport. Il s'appuie sur la Conférence nationale du sport et sur le groupe d'étude sur l'éthique du sport. Nous poursuivons nos travaux sur la gouvernance du football ou encore sur les normes imposées aux collectivités territoriales en matière sportive. Une mission d'information commune avec la commission des finances s'intéresse au financement des grands équipements sportifs.
L'important, c'est de participer, disait Pierre de Coubertin. C'est par la participation de tous que nous sommes arrivés à ce beau consensus. Merci à tous les groupes. (Applaudissements)
M. Jean-Jacques Lozach . - Votre méthode et votre détermination, monsieur le ministre, ont porté leurs fruits. La grande Conférence sur le sport professionnel a débouché, c'est rare, sur un véritable texte de loi. Le sport rassemble, une nouvelle fois. Souhaitons qu'il prenne toute sa place sans le débat électoral.
Je salue tous mes collègues qui ont oeuvré, par-delà les clivages, à l'adoption conforme. Le Sénat aura pris pleinement sa place. (Applaudissements)
Mme la présidente. - Souhaitons que l'adoption conforme prévale sur d'autres textes tout aussi essentiels.
La proposition de loi est définitivement adoptée.
Mme la présidente. - À l'unanimité ! (Applaudissements)