Statut de Paris et aménagement métropolitain (Nouvelle lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la nouvelle lecture du projet de loi relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.
Discussion générale
M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales . - Le 7 novembre 2016, j'ai souligné l'importance de ce texte dont le Sénat commençait alors l'examen : rationalisation de la gestion municipale avec la fusion du département et de la collectivité de Paris, amplification de la décentralisation en rapprochant Paris du droit commun en matière de police municipale, amélioration de la déconcentration en élargissant les compétences des maires d'arrondissement, renforcement de la démocratie électorale en fusionnant les quatre premiers arrondissements, élaboration de nouveaux instruments d'aménagement spécifiques à l'Île-de-France, renforcement du maillage territorial par la création de sept métropoles.
Ce projet de loi poursuit, comme tous ceux qui ont concerné les collectivités territoriales durant ce quinquennat, l'objectif d'une action publique plus performante à l'heure de la raréfaction des ressources publiques.
Malgré de nombreuses heures de discussion, y compris nocturnes, le Sénat a décidé de choisir l'opposition systématique. Certains orateurs sont allés jusqu'à reprendre dans les mêmes termes les positions exprimées lors de la concertation, c'est dire qu'ils étaient peu réceptifs à toute argumentation.
M. Philippe Dallier. - Vous n'avez pas d'arguments !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Le Sénat a supprimé toutes les avancées du texte à l'exception de la fusion entre départements et communes et du renforcement des maires d'arrondissement.
Le 14 décembre, l'Assemblée nationale les a rétablies tout en reprenant certaines améliorations apportées par le Sénat.
Le 21 décembre, la CMP, sans surprise, n'a pas abouti à un accord. Les députés ont mis à profit la nouvelle lecture pour améliorer la rédaction du texte.
Aujourd'hui, nous discutons une dernière fois de ce texte. Je ne désespère pas car je ne désespère jamais de trouver une entente, au moins sur les grands objectifs.
Or, même si vous y souscrivez, monsieur Bas, il semble que votre rapporteur s'apprête à défendre une motion déposée par votre commission, tendant à opposer la question préalable.
M. Jean-Pierre Sueur. - Ce serait funeste !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Cela mettrait un terme définitif à nos débats. Ce projet de loi ne serait pas discuté, pas plus que ne l'a été ici le projet de loi de finances pour 2017...
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Pour des raisons de même nature, uniquement politiques. Il serait regrettable que le Sénat se départisse de son rôle de législateur sur un texte relatif aux collectivités. J'y reviendrai. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean-Claude Requier applaudit également)
M. Mathieu Darnaud, rapporteur de la commission des lois . - Après l'échec de la CMP, nous repartons du texte voté par l'Assemblée nationale. Trois remarques au préalable.
D'abord, nous avons regretté que ce texte essentiel passe en procédure accélérée. De plus, il est déséquilibré puisque la quasi-totalité de ses dispositions porte sur le statut de Paris, alors que le seul article 41 créant de nouvelles métropoles traite de la question centrale de l'aménagement du territoire. Enfin, je déplore l'introduction de nombreux cavaliers par le Gouvernement et l'Assemblée nationale.
Nos assemblées se sont accordées sur la fusion de la commune et du département de Paris en une collectivité territoriale unique ; sur des dispositions introduites par l'Assemblée nationale au bénéfice des maires d'arrondissement sur les espaces verts de proximité ; sur les modalités de transfert de polices spéciales et d'agents de la préfecture de police vers la commune de Paris ; enfin, sur l'extension, proposée par M. Capo-Canellas, du périmètre des pouvoirs du préfet de police à l'aéroport d'Orly, par décret, au plus tard dans trois ans.
De fortes divergences subsistent sur le statut de Paris. Ainsi, l'Assemblée nationale a supprimé le volet ajouté par le Sénat pour renforcer les pouvoirs des maires d'arrondissement. Nous avons supprimé le regroupement des quatre premiers arrondissements car l'étude d'impact n'était pas assez explicite. Nous avons souhaité confier davantage de prérogatives au maire de Paris en créant notamment une véritable police municipale, en s'inspirant du régime des maires de la petite couronne. Roger Karoutchi a proposé la régionalisation de la gestion des voies sur berge.
Le Sénat a donc fait oeuvre utile et a joué pleinement son rôle en expertisant les mesures proposées et en complétant le texte.
Enfin, j'en viens à la création de sept métropoles dans le fameux article 41.
M. Jean-Pierre Sueur. - Sept métropoles, ce n'est pas maigre !
M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Orléans et Dijon se sont agrégées à la liste initiale. Or la question méritait un texte à part entière.
Nous regrettons enfin la suppression du scrutin distinct pour l'élection des conseillers métropolitains.
Les dispositions introduites par l'Assemblée nationale sur la métropole et Aix-Marseille n'ont pas, à nos yeux, de lien avec le texte initial.
Nos propositions auraient mérité un meilleur sort. L'Assemblée nationale a refusé de donner davantage qu'un faible écho à notre travail, aggravant la fuite en avant vers une métropolisation de nos grandes villes. Voilà une occasion manquée.
Je rappelle avec force que ce texte concerne les collectivités territoriales.
Prenant acte du rejet quasiment en bloc des apports du Sénat, du refus de tout compromis par l'Assemblée nationale, je défendrai une motion opposant à ce texte la question préalable à l'issue de la discussion générale. (Applaudissements à droite et au centre)
M. Jean-Pierre Sueur. - Le bicamérisme est malade quand le Sénat refuse d'examiner un texte !
M. Roger Madec . - Ce texte, déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale en août 2016, a fait l'objet d'un riche débat en première lecture, auquel la majorité sénatoriale a pu exposer sa vision du statut de Paris qui n'avait pas été modifié depuis 1982. La CMP ayant échoué, le texte nous revient.
Le choix de la majorité sénatoriale et du rapporteur est incompréhensible voire dangereux. Il donne du grain à moudre aux détracteurs de notre assemblée. Pourquoi ne pas même tenter d'amender ce texte ?
Avec la motion préalable, vous pratiquez la politique de la chaise vide, dont on sait qu'elle n'apporte jamais aucun avantage ni bénéfice, qui plus est sur un texte relatif aux collectivités territoriales que nous représentons.
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
M. Roger Madec. - Le Sénat ne joue donc pas son rôle. Dois-je rappeler que ce texte a fait consensus au sein du Conseil de Paris ? Quarante articles réforment le statut de Paris, et un quarante-et-unième aménage celui de métropole, en transformant quatre EPCI à fiscalité propre. La fusion de la commune de Paris et du département en une collectivité unique au sens de l'article 72 de la Constitution a fait l'objet d'un consensus entre les deux assemblées.
Ce projet renforce la démocratie locale en transférant aux maires d'arrondissement de nouvelles compétences de proximité. Le texte regroupe aussi les quatre premiers arrondissements en un secteur unique, ce qui est nécessaire en raison des écarts démographiques, qui ont amené le Conseil constitutionnel à censurer le tableau de répartition des conseillers de Paris par arrondissement lors des élections municipales de 2014. Vous êtes opposé à la création de ce secteur, alors qu'il en existe un analogue à Marseille. Qualifier cela « d'opération électorale » n'a pas de sens.
Ce texte approfondit le transfert de pouvoirs de la préfecture de police vers la mairie de Paris, au profit de celle-ci, pour mieux recentrer les missions de la première sur la sécurité et la lutte contre le terrorisme.
Le maintien du traitement dérogatoire de Paris n'a plus lieu d'être ; Paris, ville-capitale, doit aussi redevenir une commune de plein exercice.
Ce texte répond aux aspirations des Parisiens à une meilleure répartition et à une gestion plus efficace des moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur ceux du groupe RDSE)
M. Christian Favier . - Il était grand temps de voter ce texte. Faire des communes le pivot de notre démocratie a toujours été le combat des forces de progrès. Mais cette idée est défigurée par un projet de loi devenu un tel fourre-tout que les cavaliers qui s'y sont introduits posent des problèmes démocratiques et constitutionnels. La droite parisienne a mis à mal les compétences sur le logement, les écoles, les politiques de solidarité, éléments socle d'une vraie mixité qu'elle tente d'effacer, bien qu'elles forment l'âme de la capitale depuis 2001. Nous déplorons la méthode suivie par le Gouvernement, qui a refusé une consultation locale.
La création de sept nouvelles métropoles procède d'un véritable démantèlement de nos institutions républicaines. Les citoyens sont mis devant le fait accompli, sans discussion préalable. Loin de simplifier, l'on accentue la complexité. Enfin, le Gouvernement a fait voter la fusion entre le département des Bouches-du-Rhône et la métropole d'Aix-Marseille Provence. Comment les citoyens des Bouches-du-Rhône pourraient-ils comprendre que vous liquidiez ainsi leur département ?
Ce texte honorable est ainsi devenu une mauvaise bouillabaisse...
Les parlementaires CRC et Front de gauche ont pourtant abordé cette discussion dans un esprit constructif, afin de veiller à ce que les droits des agents, de la mairie comme de la préfecture, soient respectés dans les transferts de compétences et nous avons été entendus ; nous avons également voulu rendre au peuple de Paris les pouvoirs qui lui reviennent de droit et là aussi, nous avons obtenu satisfaction sur les compétences de police du maire. Nous souhaitions construire une métropole plus solidaire, sur un modèle fédératif, et tel est le modèle proposé. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont maintenu le consensus construit ici sur ce point. C'est dans le même esprit, loin de toute querelle de chapelle, que nous abordions cette deuxième lecture.
Nous avons ainsi déposé des amendements qui pouvaient faire consensus sur l'aménagement du Grand Paris, sur la gestion du quartier de La Défense. La motion hélas déposée par la droite sénatoriale nous empêcherait de travailler en commun sur ces sujets primordiaux. C'est couper les élus locaux de leurs représentants, contrairement aux voeux du président du Sénat, que d'empêcher le débat ici et abaisser ainsi notre Haute Assemblée. La démocratie et la République n'en sortent pas grandies.
Notre groupe refuse de participer à cette mascarade. Nous rejetterons la question préalable, et réaffirmons la nécessité d'engager la décentralisation pour une nouvelle République qui redonne le pouvoir aux citoyens et aux territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean-Claude Requier . - Professeur émérite de droit public, Jacques Caillosse a écrit, dans une étude sur la métropole lyonnaise : « Les métropoles projettent sur l'espace européen en voie de distribution un désir exacerbé de compétition afin d'occuper des positions plus fortes dans l'économie, mais aussi dans l'imaginaire social », au détriment des zones interstitielles.
Nous regrettions déjà en première lecture le choix de la procédure accélérée sur un texte aussi divers. Il s'est encore alourdi depuis, jusqu'à devenir protéiforme. Or la procédure accélérée complique la conciliation des divergences entre les deux assemblées, au mépris du travail en commun, d'expertise et de concertation qui s'imposait. Les députés ont porté de quatre à sept le nombre de métropoles nouvelles. Le Sénat, au titre de l'article 24 de la Constitution, représente les collectivités...
M. Jean-Pierre Sueur. - Absolument !
M. Jean-Claude Requier. - Il n'a pu apporter sa pierre à l'édifice.
« Nous avons déjà plus de communes que l'Europe réunie, on va finir par avoir plus de métropoles que le monde entier. Ça finit par ne plus avoir aucun sens » aviez-vous confié, monsieur le ministre, au Monde le 12 août dernier.
En dépit de cette réticence initiale, vous avez déclaré, lors de la discussion de l'article 41 à l'Assemblée nationale le 15 décembre 2016, que « voir des parlementaires, de droite et de gauche, la main dans la main, venir plaider avec talent, avec conviction, avec flamme, le dossier de leur territoire vous avait fait changer d'avis et prendre conscience qu'il fallait, pour aménager harmonieusement le territoire, avoir un maillage convenable des métropoles ».
Nous demandons une vision équilibrée de notre territoire, en mettant en relief l'articulation entre zones urbaines et rurales. Les métropoles entreront en compétition directe avec les départements, que vous avez pourtant toujours ardemment défendus, monsieur le ministre, de même que le Sénat.
L'article 48, en fusionnant la métropole Aix-Marseille Provence et le département, envoie un signal inquiétant. Les dotations des communautés d'agglomérations et de communes sont mises à mal par l'appel d'air des financements des métropoles et des communautés urbaines.
Malgré les avancées sur le statut de Paris, notre groupe s'oppose à ce texte dans sa très grande majorité mais s'abstiendra, à quelques exceptions près, sur la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)
M. Yves Pozzo di Borgo . - En décembre dernier, les deux assemblées n'ont pu s'entendre sur un texte de compromis et la CMP a échoué. Là où le Sénat avait proposé une vraie réforme du statut de Paris, renforçant la décentralisation et les pouvoirs des maires d'arrondissement. Dois-je rappeler que les vingt mairies d'arrondissement ont 140 millions d'euros de budget et la Ville de Paris 8,5 milliards !
L'Assemblée nationale a conservé un texte dont on perçoit mal les objectifs et dépourvu de toute vision cohérente. Trois ans après la loi Maptam, ce projet de loi concerne surtout les 2,2 millions de Parisiens sur les 6,5 millions d'habitants de la métropole du Grand Paris et les 12,3 millions de la région capitale. Comment séparer les deux ensembles ?
M. Philippe Dallier. - Bien dit !
M. Yves Pozzo di Borgo. - D'autant que le déclin de Paris n'est pas seulement démographique, mais aussi économique et financier. Paris ne figure qu'au 37e rang mondial, derrière Johannesburg ; les investissements y sont à l'arrêt, alors qu'ils augmentent de 14 % en Europe. Paris est-il encore une ville-monde ?
M. Jean-Pierre Sueur. - Oui
M. Yves Pozzo di Borgo. - L'agglomération de l'Île-de-France est la 28e agglomération du monde avec ses 12,3 millions d'habitants, contre 45 millions d'habitants pour Tokyo.
Et vous, vous faites un petit texte pour 2,2 millions d'habitants : un grand village de Chine ! (Mouvements divers) Encore une occasion manquée. Une fusion de la commune et du département, une fusion des quatre premiers arrondissements, un transfert limité de certains pouvoirs de police... Le Sénat a pourtant fait des propositions. Nous avions déposé avec Philippe Dominati et Pierre Charon une proposition de loi afin de confier la compétence de police générale au maire de Paris... comme dans toutes les autres communes de France ! Nous avions proposé de renforcer les pouvoirs des maires d'arrondissement, mais nous aurions pu encore aller plus loin, afin de franchir cette véritable frontière institutionnelle que constitue le périphérique.
Comment pouvez-vous défendre, monsieur le ministre, un texte aussi manifestement dénué d'ambition, aussi humiliant pour les arrondissements ? Il aurait pourtant été logique de doter ces derniers de maires de plein exercice, comme leurs homologues de petite couronne. J'en viens à l'article 41, à ces « métropoles », enfin, ces petites métropoles, « pitchounettes » dirait-on dans le Sud...
M. Jean-Pierre Sueur. - C'est assez méprisant !
M. Yves Pozzo di Borgo. - Ce texte est vraiment dénué de vision. Paris est trop petit pour la compétition mondiale. C'est à travers l'Île-de-France qu'il faut résolument s'y engager.
Dans ces conditions, le dialogue étant impossible, il faut être pragmatique et la motion est la bonne option. Notre groupe la votera. (Applaudissements et « bravos » sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. - Quelle énergie, quelle fougue !
Mme Esther Benbassa . - En effet ! Ce nouvel examen du texte par notre assemblée n'ira donc pas plus loin que la question préalable. Procédure accélérée, désaccord avec les modifications du texte par l'Assemblée nationale qui n'a repris aucune des propositions du Sénat : certains des motifs invoqués par le rapporteur à l'appui de la motion qui clôturera notre discussion sont recevables, notamment le recours à la procédure accélérée que les écologistes ont souvent déploré.
Mais la question préalable dégage le Sénat de sa responsabilité de légiférer dans un contexte où nos concitoyens demandent des garanties sur le travail parlementaire.
Les écologistes sont pour un projet de loi ambitieux afin de faire progresser l'égalité entre Parisiennes et Parisiens. La fusion de la commune et du département, ainsi que des quatre premiers arrondissements, est bienvenue. Les écologistes seront aussi favorables en renforcement de la décentralisation.
Ce projet s'inscrit dans le prolongement des lois du 29 décembre 1986 et du 27 février 2002 en poursuivant l'extension des pouvoirs du maire de Paris. Cette réforme recentrera l'activité de la préfecture de police sur la protection des personnes, introduisant ainsi davantage de cohérence dans l'action des services de sécurité, dans le contexte de la menace terroriste.
Notre groupe s'opposera à la motion du rapporteur et regrette que la majorité sénatoriale refuse, une fois de plus, après le budget 2017, de remplir sa mission parlementaire. (MM. Roger Madec et Jean-Pierre Sueur applaudissent)
M. Pierre Charon . - Le désaccord flagrant entre l'Assemblée nationale et le Sénat qu'illustre l'échec de la CMP montre que ce texte fourre-tout et hétéroclite relève de la panique. C'est un texte timoré, sans vision d'ensemble. Je tiens à vous rassurer, monsieur le ministre, qui avez cru bon de regretter, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, de ne pas m'avoir entendu sur ce texte... J'ai déposé dix amendements en commission des lois, qui ont été adoptés par celle-ci et donc, conformément à la procédure parlementaire que vous êtes censé assez bien connaître, été intégrés au texte de la commission. Ce qui est sûr, en revanche, c'est que votre Gouvernement ne nous a pas écoutés !
Un toilettage du statut vétuste de la loi PLM s'imposait. C'est pourquoi le Sénat, mais aussi mes collègues députés Nathalie Kosciusko-Morizet, Philippe Goujon et Claude Goasguen ont proposé en première lecture de mieux prendre en compte la spécificité de Paris. Les maires d'arrondissement ne sont pas de plein exercice mais restent soumis à l'interdiction de cumul des mandats. C'est une « double peine » pour les arrondissements, comme l'a justement dit Philippe Goujon.
Le Gouvernement s'est privé de nos propositions substantielles et pragmatiques confiant aux arrondissements des missions de proximité. Rien de révolutionnaire pourtant : entretien de la voierie, attribution des subventions aux associations situées dans l'arrondissement, renforcement des pouvoirs en matière d'urbanisme et d'occupation des sols, possibilité de conclure des conventions de partenariat avec les communes limitrophes de Paris. Rien que du concret, pour répondre aux attentes des habitants, grands oubliés de ce projet...
Dans la vie des Parisiens, il faut privilégier l'échelon le plus proche, conformément au principe élémentaire de subsidiarité, la collectivité de base à Paris, l'arrondissement, l'échelle des choix pertinents selon Nathalie Kosciusko-Morizet. (Quelques exclamations à droite) Pierre Mauroy suggérait sagement de reconnaître aux arrondissements la qualité de communes ; nous nous en éloignons, hélas.
Autre occasion manquée : la police municipale. Avec Philippe Dominati et Yves Pozzo di Borgo, nous avons été les coauteurs d'une proposition de loi adoptée par le Sénat, il y a deux ans. Le Gouvernement a hélas rejeté nos propositions, pourtant logiques, conformément à son logiciel périmé.
Enfin, l'injustice par laquelle le maire peut être élu avec une minorité de voix, comme cela fut le cas en 2001 et en 2014, est maintenue.
Je déplore tous ces échecs, mais je reste confiant, car une nouvelle majorité pourra s'inspirer des propositions du Sénat et je tiens à en remercier le président et le rapporteur de la commission des lois. Les solutions qu'ils avancent tranchent avec le statu quo. Le mouvement séculaire de décentralisation et de liberté défendu par le Sénat ne s'arrêtera pas aux portes de l'hôtel de ville. C'est un pari sur l'intelligence de Paris. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
M. Jean-Pierre Sueur . - Le Sénat s'apprête donc à se tirer une nouvelle fois une balle dans le pied. (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Philippe Bas, président de la commission. - Et le pied est déjà très abîmé !
M. Jean-Pierre Sueur. - Pour la quatrième fois en deux mois, il a décidé de ne pas délibérer, et sur des textes de grande importance : loi de finances, loi de financement de la sécurité sociale, projet de loi sur l'égalité et la citoyenneté, et enfin ce texte.
Pourtant le Sénat est appelé par la Constitution à une nouvelle lecture en cas d'échec de la CMP.
Pourquoi ne pas délibérer, que vous soyez pour ou contre ? La Conférence des présidents avait prévu trois jours de débat. Vous avez déposé, messieurs du groupe Les Républicains, des amendements. (M. Philippe Dallier s'exclame)
Ce n'est pas par une question préalable que nous allons défendre le Sénat aux yeux des Français.
Sur les métropoles, votre malthusianisme me désole. Dijon, Tours, Orléans ont été proposées comme métropoles dans deux régions qui n'en comportaient pas. Metz, Toulon, Saint-Étienne, Clermont-Ferrand : les élus Les Républicains de ces futures métropoles ne comprennent pas votre position. Bon courage pour le leur expliquer...
On nous a dit que ces nouvelles métropoles portaient atteinte à la ruralité. C'est le contraire. Pas un euro n'est retiré à la dotation globale de fonctionnement avec leur création. De plus, nous avons besoin de métropoles fortes, attractives, entraînantes.
Nous avons eu raison avec la loi NOTRe de créer de grandes communautés de communes ; cessons, de grâce, d'opposer les collectivités entre elles, conjuguons le dynamisme des métropoles et les ressources du monde rural pour aller de l'avant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et ceux du groupe écologiste)
M. Philippe Dominati . - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Tous les présidents de la Ve République ont porté un fort intérêt à la capitale. Charles de Gaulle a remodelé la région parisienne, Georges Pompidou encouragé les arts, avec le centre qui porte son nom, Valéry Giscard d'Estaing créé un vrai maire, François Mitterrand qui dans un premier temps avait envisagé de dépecer Paris s'est heurté à un vrai décentralisateur, Gaston Defferre, auteur de la loi PLM. Jacques Chirac seul président trois fois maire de Paris, réussissant deux fois le grand chelem a lui aussi fait quelques réformes. Nicolas Sarkozy a lancé quatre mois après son élection le projet de Grand Paris. François Hollande, lui, ne s'est jamais exprimé sur la capitale.
Et pour ce texte, qui n'a rien de décentralisateur, vous revenez en arrière. C'est un alibi pour un tripatouillage électoral au bénéfice de Mme Hidalgo. On aurait pu mieux associer la petite couronne et les arrondissements, faire correspondre les pouvoirs de police aux zones d'urbanisme, transférer plus de 2 000 agents sur 42 000 fonctionnaires, lorsque 90 % des communes d'Île-de-France ont une police municipale.
Un article pour les métropoles, quarante pour la capitale, des mesures pour un aéroport et pas l'autre... La méthode : le mépris. Vis-à-vis du Sénat, soumis à la procédure accélérée. Vis-à-vis des élus, qui n'ont pas été consultés. Vis-à-vis des Parisiens, que l'on ne s'est pas soucié d'informer que leur ville allait changer de statut. Sans compter que, depuis le 14 novembre, le peuple de gauche a renvoyé le Premier ministre d'alors, M. Valls, à d'autres ambitions... Ce Gouvernement n'a plus de légitimité, et ce projet discuté à la va-vite, en fin de mandature, est lui aussi illégitime. Modifier le statut de la capitale dans ces conditions, c'est une honte.
Pour abréger nos souffrances, je voterai la question préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Yves Pozzo di Borgo applaudit aussi)
M. Roger Karoutchi . - Je ne serai pas aussi violent - mais juste - que mes deux camarades parisiens... C'est à tort que l'on a abordé en 2007 le Grand Paris sous le seul angle des grands projets, et pas des institutions.
M. Philippe Dallier. - Quelle évolution !
M. Roger Karoutchi. - Depuis, la réflexion sur la région parisienne et l'Île-de-France a été sans intérêt. On traite cette région, qui représente 2 % du territoire national, mais 20 % de la population et 30 % de la richesse nationale, comme une région banale. Monsieur le ministre, vous êtes girondin et décentralisateur. Donnez un statut spécifique à l'Île-de-France. Elle a besoin de respirer. Elle doit être la locomotive de l'économie française. Dans un espace restreint, communes, conseils de territoire, départements, métropole et région se marchent dessus, et tout le monde conteste tout. Paris, qui tire l'essentiel de sa richesse du travail et de la consommation des banlieusards, ne peut pas décider seule sans la région, non plus que la métropole sans la région ou la région sans Paris.
On voudrait que notre capitale concurrence Londres, New York, que sais-je encore ; mais avec quels moyens, avec quelles libertés ? En France, on ne sait qu'inventer des contraintes.
Est-il intolérable de donner un statut particulier à la région capitale ? Replaçons Paris au coeur de la région ; ce texte fait le contraire, pour des raisons politiciennes, parce que la gauche n'a pas obtenu la présidence de la métropole qu'elle convoitait... Franchement, l'Île-de-France mérite mieux ! Je voterai la question préalable. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Michel Baylet, ministre . - Monsieur le rapporteur, je me suis déjà expliqué sur la procédure accélérée. Si nous voulions que ce texte nécessaire parvienne à bonne fin, nous n'avions pas d'autre choix.
Ce texte est-il déséquilibré ? C'est votre point de vue, pas celui du Gouvernement, ni de la majorité des élus de Paris ou des députés. Vous regrettez que les métropoles se soient ajoutées au débat. Or une majorité d'élus de droite, à Tours, Orléans, Toulon, Saint-Étienne, ont réclamé ce statut de métropole. Ils m'ont convaincu.
Nous aurions dû décider du mode de scrutin dans ces métropoles avant le 1er janvier 2017. La concertation a eu lieu. Les dirigeants des métropoles se sont prononcés à une grande majorité pour le suffrage universel. Comment pouvez-vous contester l'application de la loi ?
Monsieur Madec, vous avez raison de dire qu'il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des détracteurs du Parlement quand le Sénat refuse de débattre au sujet d'un texte sur lequel il y a eu un large consensus au Conseil de Paris.
M. Yves Pozzo di Borgo. - Ce n'est pas vrai.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Monsieur Favier, ce texte ne touche en rien au statut des communes. Le référendum n'est pas forcément le meilleur moyen de faire une loi : souvent, les votants ne répondent pas à la question posée.
Ce sont les députés marseillais eux-mêmes qui ont souhaité une étude sur la coordination des départements et de la métropole d'Aix-Marseille Provence. J'ajoute enfin que nous avons résolu, par le biais de ce projet de loi, le problème du centre d'accueil et de soins hospitaliers (CASH) de Nanterre.
Madame Benbassa, merci de votre soutien. Avec les écologistes, nous ne sommes pas toujours d'accord, mais nous nous retrouvons pour défendre des collectivités modernes, progressistes et participatives, ainsi que le service public !
La loyauté est une grande vertu en politique, et je regrette de ne pouvoir toujours compter sur celle de mes amis du RDSE... Vous regrettez, monsieur Requier, que le Sénat n'ait pas pu apporter sa pierre à l'édifice, mais vous annoncez que vous ne voterez pas contre la question préalable. Où est la cohérence ?
M. Pozzo di Borgo nous a fait à la tribune un numéro formidable, mais est-ce la bonne manière de légiférer ? La « métropole d'Île-de-France », je ne sais pas ce que c'est.
Monsieur Charon, je vous présente mes excuses si mes propos à l'Assemblée nationale vous ont heurté. On peut avoir des débats en politique sans s'agresser. Mme Kosciusko-Morizet a mentionné vos interventions au Sénat à quatre reprises, à la cinquième je lui ai répondu que je ne m'en souvenais pas, car vous n'étiez pas intervenu, voilà tout... Les députés de Paris n'étaient d'ailleurs pas présents en foule, c'est peu de le dire...
M. le président Sueur a souligné à quel point la question préalable va à l'encontre de notre idée du bicamérisme. C'est un défenseur des métropoles qui, sur le sujet, travaille main dans la main avec le maire d'Orléans qui n'est pourtant pas du même bord politique...
Monsieur Dominati, vous avez rendu hommage à presque tous les présidents sauf celui en exercice. Vous avez prétendu que François Mitterrand avait voulu dépecer Paris : vous oubliez le Grand Louvre, la Défense, la Grande Bibliothèque, etc. C'est sans doute le président qui a fait le plus pour Paris.
Je ne peux pas laisser passer l'expression de « tripatouillage électoral ». Les faux électeurs, ce n'est pas du fait de la gauche.
M. Philippe Bas, président de la commission. - C'est de la préhistoire.
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - C'est M. Dominati qui est remonté au Général de Gaulle ! La gauche n'est pour rien dans ces scandales parisiens.
M. Philippe Dominati. - C'est du tripatouillage. Cela vous gêne !
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - Vous n'êtes pas capable de mener un débat sans entrer dans la polémique stérile.
M. Philippe Dominati. - C'est vous qui créez la polémique, avec vos tripatouillages !
Question préalable
M. le président. - Motion n°7, présentée par M. Darnaud, au nom de la commission.
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, relatif au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain (n° 315, 2016-2017).
M. Mathieu Darnaud, rapporteur . - M. Sueur a raison : nous avons, au Sénat, beaucoup de choses à dire. Et nous les avons dites dans le texte voté en première lecture. Le drame, c'est que l'Assemblée nationale n'a pas à coeur de les entendre. Voilà ce qui motive la question préalable.
Hier encore, lors d'une CMP, nous sommes partis d'un texte de l'Assemblée nationale sur les outre-mer. Le Sénat a montré combien il était capable de se rapprocher des propositions de nos collègues députés.
Loin de nous tirer une balle dans le pied, nous répondons à l'ardente obligation de faire respecter le travail de notre assemblée. Comment supporter que l'Assemblée nationale efface tout d'un revers de manche, surtout lorsqu'il s'agit des collectivités territoriales ? Notre vision du bicamérisme consiste à écouter et à prendre en compte l'avis des deux assemblées.
Il existe un fossé entre le texte présenté au Sénat et celui voté à l'Assemblée nationale : nous en faisons le constat. Il ne s'agit nullement d'opposer ruralité et monde urbain. Comment opérer intelligemment une redistribution des richesses ? Tel est l'enjeu. À l'exception de la métropole de Lyon, les mécanismes de péréquation n'existent nulle part. Voilà ce que nous voulions défendre. Il faudrait d'ailleurs définir ce qu'on entend par le mot « métropole », Paris n'est pas Dijon ou Orléans.
Je ne reviendrai pas sur le fait que ce texte est un fourre-tout, ni sur l'usage de la procédure accélérée. Encore une fois, nous ne sommes pas dans la posture, mais nous défendons une juste vision du bicamérisme.
Cette question préalable marque notre réprobation devant l'attitude consistant à fermer la porte à toute discussion. On n'a pas voulu de nous comme partenaires, que l'on ne compte pas sur nous comme complices. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Jean-Pierre Sueur . - Bien que j'aie écouté attentivement M. Darnaud, je n'ai entendu aucun argument justifiant la question préalable. En évoquant les importantes questions de la péréquation, des métropoles, des départements mais aussi des régions, il est entré dans le débat, montrant par là que la discussion était utile. Les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat sont différentes. Si l'on devait, à chaque fois que cela se produit, refuser de délibérer, la discussion parlementaire tournerait souvent court. Quant à la procédure accélérée, je suis le premier à regretter qu'on en fasse un aussi large usage sous tous les quinquennats. Effectuez donc les comptes du nombre de fois où l'on y a eu recours sous la législature précédente et celle-ci.
La Constitution prévoit une nouvelle lecture après l'échec d'une CMP, une à l'Assemblée nationale, une au Sénat. Vous avez visiblement beaucoup à dire sur Paris, et nous sur les métropoles. Débattre serait plus efficace et une occasion d'améliorer le texte.
La situation présente est extrêmement banale de la vie parlementaire. Rien ne justifie que le Sénat refuse le débat surtout quand il s'agit des collectivités territoriales. J'ai d'ailleurs gardé précieusement les amendements que la majorité sénatoriale avait rédigés avant de s'accorder sur le dépôt de cette question préalable.
Notre groupe votera contre la question préalable, n'ayant pas perçu le début du commencement d'un argument la justifiant. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Michel Baylet, ministre. - L'avis du Gouvernement est bien sûr défavorable. Voir le Sénat refuser d'examiner un texte sur les collectivités territoriales, c'est navrant. C'est offrir à ses détracteurs un argument justifiant une réforme institutionnelle. Ardent défenseur du bicamérisme, je le regrette.
M. Philippe Dallier. - C'est le dernier texte du quinquennat sur les collectivités territoriales, le troisième sur les métropoles après les lois Maptam et NOTRe.
Il y a comme un oxymore dans le titre du projet de loi qui mentionne « Paris et les métropoles ». Nulle part n'est évoquée la métropole du Grand Paris.
Comme l'a dit Roger Karoutchi, il aurait fallu aborder les transformations institutionnelles dès 2007 ; nous ne l'avons pas fait. Résultat, une métropole qui n'en est pas véritablement une. Ce ne sera pas la seule, Dijon le sera aussi mais l'agglomération parisienne, c'est autre chose.
Ce texte fusionne commune et département de Paris, en laissant de côté la Petite couronne. C'est aller contre la métropole du Grand Paris. Certains veulent la supprimer, d'autres la veulent confondue avec la région. Finalement, pour ne pas déranger des chapeaux à plumes à droite comme à gauche, nous avons baissé les bras. Vous comme nous avons manqué du courage politique nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Yves Pozzo di Borgo. - Nous aurions préféré examiner ce texte mais les députés ont refusé la main que nous leur tendions. Ils ont introduit des dispositions inacceptables telles que la foncière solidaire à l'article 57 ter. Nous avions déjà refusé cette incroyable recentralisation de la politique du logement dans la loi Égalité et citoyenneté que l'on demande de défendre à un ministre girondin. Le groupe UDI-UC votera la motion.
M. Christian Favier. - Le groupe CRC votera contre cette motion. Ce texte n'a pas été suffisamment discuté, irrigué par les contributions des citoyens et des élus locaux. Les désaccords sur le Grand Paris ne sont pas seulement le fait du Gouvernement, ils sont profonds au sein de la droite : la vision de la métropole de M. Ollier est très éloignée de celle de Mme Pécresse. Comment le Sénat, auquel la Constitution confie le soin de représenter les collectivités territoriales, peut-il laisser à l'Assemblée nationale le dernier mot sur ce texte ?
Nous continuerons à défendre une vision solidaire et coopérative de l'agglomération parisienne.
À la demande du groupe Les Républicains la motion n°7 est mise aux voix par scrutin public.
M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°96 :
Nombre de votants | 342 |
Nombre de suffrages exprimés | 330 |
Pour l'adoption | 188 |
Contre | 142 |
Le Sénat a adopté.
M. le président. - En conséquence, le projet de loi est rejeté.
Prochaine séance demain, mercredi 8 février 2017, à 14 h 30.
La séance est levée à 21 h 20.
Marc Lebiez
Direction des comptes rendus