Crédit d'impôt recherche
M. le président. - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème : « Les incidences du crédit d'impôt recherche sur la situation de l'emploi et de la recherche dans notre pays ».
Mme Brigitte Gonthier-Maurin, au nom du groupe communiste républicain et citoyen . - (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Alors que la dépense publique directe est toujours soumise à contrôle et évaluation, ce n'est pas le cas de la dépense fiscale - en témoigne le sort fait au rapport de la commission d'enquête sur ce sujet. La sanctuarisation d'une créance publique de 5,5 milliards d'euros ne saurait justifier l'absence de débat et d'évaluation. C'est pourquoi notre groupe s'est mobilisé pour la tenue de ce débat.
Entre 2007 et 2012, les dépenses de crédit d'impôt recherche ont bondi de 1,8 à 5,3 milliards d'euros à la suite de la réforme conduite sous la présidence de Nicolas Sarkozy. C'est normal pour un dispositif incitatif ? Le doute est permis - que j'évoquais dans mon rapport. Les données macroéconomiques ne sont en effet pas rassurantes.
Si la charge du CIR a considérablement augmenté, ce n'est pas le cas de la dépense intérieure de recherche et de développement. Or celle-ci n'est supérieure en 2012 que de 5,3 milliards d'euros à ce qu'elle était en 2007 ; et la production de brevets reste atone. Le décalage est patent entre l'avantage fiscal et son effet. Les auditions des économistes m'ont conduit à recommander dans mon rapport la réalisation d'une étude économétrique pluraliste et incontestable.
Intéressons-nous aux facteurs de l'augmentation du CIR. Si près de 8 951 entreprises en bénéficiaient en 2008, leur nombre est passé à 16 200 en 2015 et à 20 465 en 2016. Le dispositif n'est pas stabilisé... Les grandes entreprises ont vu leurs créances de CIR doubler ou tripler, sans que leur effort de R et D progresse dans les mêmes proportions. Peu de réponse aux multiples questions qui se posent pour l'utilisation du CIR dans les PME, faute d'instrument de suivi...
Ce dispositif souffre de plus d'une sous-administration flagrante. Le taux de contrôle affiché de 7 % est trompeur ; il n'est certainement pas supérieur à celui de l'impôt sur les sociétés, soit 1,7 %. Sans compter que le CIR n'est jamais contrôlé en dessous d'un certain montant, soit pour 30 % du total. Les abus et possibilités d'optimisation fiscale sont nombreux, grâce à la localisation de l'immatriculation de brevets ou de leurs redevances dans des paradis fiscaux, ou encore la manipulation des prix de transfert, sans bénéfice pour le tissu économique français. Ces pratiques sont en outre une aubaine pour les cabinets de conseil. Le chevauchement d'assiettes entre crédit recherche et CICE est un autre motif d'inquiétude - estimé entre 360 et 600 millions.
J'entends dire que le nombre de chercheurs en entreprise est en forte progression ; mais qui sont-ils ? Des ingénieurs ou des chercheurs du public cumulant les activités... On ne note pas en tout cas d'effet d'entraînement sur l'embauche de jeunes docteurs. Il est intéressant de remarquer que les pays où le coût des chercheurs est le plus élevé sont ceux où le niveau de R et D en entreprise est le plus fort.
Le dispositif est aveugle et non ciblé. En l'absence de consensus pour une réforme plus radicale, j'avais proposé un encadrement plus affirmé. Le CIR s'apparente davantage à une diminution de l'impôt sur les sociétés que d'une stimulation des efforts de la recherche et développement.
Le législateur a la responsabilité de s'interroger sur l'efficacité d'une telle dépense publique, c'est un impératif démocratique. C'est d'autant plus vrai dans un contexte de paupérisation et de précarisation de la recherche publique. (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste)
M. le président. - Au nom du Sénat tout entier, je salue les militaires de l'opération Sentinelle présents en tribunes. (Mmes et MM. les sénatrices et sénateurs se lèvent et applaudissent)
Mme Françoise Laborde . - Le CIR avait pour objectif de renverser la tendance à la baisse de la recherche en entreprise en France. La commission d'enquête aurait dû permettre d'évaluer son efficacité au vu de son coût élevé.
Le bilan est favorable en termes de dépenses de recherche ou d'emplois scientifiques, puisque les premières ont augmenté de 19,2 % entre 2008 et 2013 et que 33 000 chercheurs supplémentaires ont été embauchés depuis 2008. Mais il l'est moins en termes de brevets, souvent exportés sitôt déposés.
La commission d'enquête a traité de différents moyens de détournement, moyens légaux comme le calcul du seuil de 100 millions filiale par filiale ou le cumul d'assiettes avec le CICE, moyens illégaux aussi. Et le contrôle est malaisé.
La difficulté est d'estimer le rapport coût/efficacité du dispositif. La recherche française souffre de maux bien identifiés... Le baromètre de l'attractivité de la France publié en 2015 montre que l'environnement administratif et juridique est la première préoccupation des entreprises, notamment des PME qui, lorsqu'elles grossissent, peinent à surmonter les effets de seuil.
Nous devons agir pour créer un environnement propice à l'investissement. Les autres pays de l'OCDE font mieux que nous. En 2013, la Cour des comptes notait que le dispositif devait aussi être regardé comme une manière de compenser un taux facial d'impôt sur les sociétés élevé. Sa réforme devrait donc passer par une remise à plat de l'ensemble du système fiscal : baisser la pression fiscale générale pour baisser le poids du CIR. Ce n'est pas la voie empruntée par le Gouvernement... À défaut, il faut le simplifier, mieux le cibler, améliorer les relations entre les entreprises et l'administration fiscale. À cet égard, la mise en place d'un comité consultatif et d'une procédure de déclaration dématérialisée va dans le bon sens.
Le montant du CIR semble désormais contenu... à un niveau très élevé. Ce débat est utile, je salue le travail de la commission d'enquête et surtout de Brigitte Gonthier-Maurin. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et du groupe RDSE ; Mme Corinne Bouchoux applaudit également)
M. Francis Delattre . - La commission d'enquête que j'ai présidée s'est malheureusement ouverte sur un malentendu, dès son intitulé... Le mot « détournement » conduisait à s'interroger sur l'objectivité du rapport ; et la sélection par Mme la rapporteure des personnes auditionnées contenait en filigrane les conclusions...
Mme Éliane Assassi. - Idéologie !
M. Francis Delattre. - Auditions et déplacements nous ont permis cependant de rencontrer ces véritables pépites que sont nombre de startups françaises. Il est d'ailleurs réjouissant de voir le monde se les arracher, comme en témoigne ces temps-ci le Consumer Electronics Show de Las Vegas...
Le CIR est en phase avec les besoins du pays. Il réduit de 10 % en moyenne le coût des ingénieurs dans la recherche et développement. Il a permis et permet aux ETI de prendre des positions stratégiques malgré leurs difficultés à se financer, faute d'une vraie politique favorisant le capital-risque. La question n'est pas celle des moyens de la recherche publique, d'autant qu'une partie de celle-ci se développe dans des projets mixtes - le directeur des études du CNRS évalue à 500 millions la contribution du CIR à ces projets.
Des détournements massifs ? Nous avons rencontré les services fiscaux qui n'ont jamais confirmé, pas plus que le ministre Christian Eckert, le constat fait par Mme la rapporteure. Quant au périmètre des dépenses de recherche, il doit être évalué par un tandem de fonctionnaires des services fiscaux et d'experts - ces derniers ne sont pas assez nombreux.
La création d'emplois ? Le directeur de la recherche de Thalès nous l'a dit, le recrutement d'un chercheur entraîne celui de dix personnes en développement et production.
Le CIR est aussi efficace pour les grandes entreprises que pour les PME. Celles-ci financent leurs dépenses de recherche à hauteur de 30 % grâce au CIR, les plus grandes, de 13 %... Le recours aux filiales est utilisé par moins de dix groupes. Je dénonce à ce propos un reportage mensonger et à charge de France 2. Alors que la commission d'enquête semblait se diriger vers des conclusions quasi unanimes, M. Pujadas a accusé Renault d'instrumentaliser ses filiales, alors que l'entreprise localise 75 % de sa recherche et développement en France - et 20 % de sa production... Les technologies autour de la voiture connectée font le succès des startups françaises au Consumer Electronics Show et la filiale présentée comme une pompe à fric est un succès industriel...
L'effet d'entraînement du CIR est avéré : un euro supplémentaire entraîne une dépense par l'entreprise de 1,5 euro. M. Berson avait évalué le surcroît de croissance potentielle à long terme à 0,5 %... L'enjeu est important pour la croissance et la compétitivité.
Il faut sans doute faciliter l'élaboration des dossiers, accroître le nombre d'experts, clarifier le rôle de la sous-traitance, redéfinir le rôle des cabinets de conseil. Mais la priorité est aujourd'hui d'assurer la longévité d'un dispositif originellement mis en place par Pierre Mauroy et modernisé par François Fillon - il y a de pires auteurs... (Mme Éliane Assassi ironise ; applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Michel Canevet . - Merci au groupe communiste républicain et citoyen d'avoir demandé la création de cette commission d'enquête, à la rapporteure et au président. Nous ne pouvons pas être d'accord cependant sur son intitulé : parler de détournement n'est pas de bonne méthode alors que toutes nos forces doivent être jetées dans la bataille de l'emploi.
Près de 90 % des 21 000 entreprises bénéficiaires du CIR sont des PME ; les grands groupes n'en perçoivent que 2,4 milliards d'euros sur 5,5. Toutes les personnes auditionnées nous ont affirmé que le dispositif était pertinent. Il est vrai qu'un reportage audiovisuel a attaqué l'un des trois constructeurs automobiles français - n'oublions pas le troisième, Bolloré, qui a ouvert récemment une nouvelle usine à Quimper...
Mme Cécile Cukierman. - En voilà, une PME !
M. Michel Canevet. - Les membres du groupe UDI-UC n'ont pas pu adopter les conclusions de la commission d'enquête...
Mme Brigitte Gonthier-Maurin. - Pourquoi ?
Mme Éliane Assassi. - La faute à Pujadas !
M. Michel Canevet. - Cet outil que le monde entier nous envie... (Marques d'ironie sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC) doit être préservé.
La France a validé la stratégie de Lisbonne et l'objectif de 3 % du PIB affecté à la recherche privée et publique. Nous n'y sommes pas encore. Nous devons poursuivre nos efforts. Or l'action publique, dans le contexte budgétaire dégradé que nous connaissons, ne pourra y suffire. Il faut encourager les entreprises ; c'est l'objet du CIR.
En 2007 les chercheurs étaient 216 000 - et 250 000 en 2012... Preuve que le CIR stimule la recherche. (Mme Brigitte Gonthier-Maurin le conteste) Avec plus de 5 millions de demandeurs d'emploi, ce n'est pas rien.
Le groupe UDI-UC est attaché à la stabilité fiscale. Et au CIR ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains)
M. Éric Bocquet . - Les dépenses de CIR représentaient 5,34 milliards d'euros en 2015 et s'élèvent à 5,58 milliards dans la loi de finances 2016. Il est dommage, comme en juillet 2014 pour celui de Michelle Demessine qui concluait à la non-efficacité des exonérations de charges sur l'emploi, que le rapport de la commission d'enquête que nous avons initiée n'ait pas pu être publié. D'autant que la rapporteure y recommandait, non une suppression radicale et idéologique mais un meilleur ciblage... Une malédiction pèserait-elle sur notre groupe ? Il est regrettable que le Parlement abdique ses pouvoirs de contrôle et s'autocensure ainsi ; c'est une atteinte au principe de la démocratie représentative...
Mme Éliane Assassi. - Très bien !
M. Éric Bocquet. - Quelques semaines après la COP21, nous devons renforcer notre potentiel de recherche sur les énergies renouvelables, le recyclage, les modes de transport économes... Le coût du CIR est élevé, alors que les investissements dans la recherche bénéficient déjà de la TVA déductible : 5,5 milliards d'euros, soit 10 % de l'impôt sur les sociétés, 40 % des crédits ouverts aux universités ou encore deux fois les moyens alloués à l'amélioration des conditions de vie de nos 2,2 millions d'étudiants... Les mesures fiscales dérogatoires, il y en a tant que nous pouvons nous demander si la France n'est pas un paradis fiscal légal... Leur montant cumulé atteint 175 milliards d'euros, alors que l'impôt sur les sociétés ne rapporte plus que 30 milliards d'euros...
Les grands groupes multiplient les petites structures pour en bénéficier : la précarisation de l'emploi dans le secteur privé s'ajoute ainsi à celle présente dans le secteur public.
Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le record des aides aux entreprises a été battu, sans résultats ni contrôle des aides allouées. Le CIR a besoin d'être repensé, comme le proposait Brigitte Gonthier-Maurin : il ne peut plus être aveuglément distribué ; il doit être contrôlé par les conseils régionaux ou les instances représentatives du personnel des entreprises. L'argent public est rare - ce n'est pas le cas de l'argent privé. Il doit être dépensé avec parcimonie. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Corinne Bouchoux applaudit aussi)
M. Michel Berson . - Le CIR continue de faire débat : détournement, optimisation fiscale, coût trop élevé... Les critiques sont nombreuses même si son efficacité est reconnue.
En 2016, il s'agira de la deuxième dépense fiscale de l'État après le CICE, il représente 40 % du budget de la recherche publique, 0,26 % du PIB, - le niveau le plus élevé dans l'OCDE, devant les 0,21 % qu'y consacre le Canada. Les dépenses de recherche et développement des entreprises sont passées de 24,7 à 30,5 milliards d'euros entre 2008 et 2014, pour atteindre 1,5 % du PIB, contre 2,18 % en Allemagne en l'absence de CIR. Pourquoi ? Outre-Rhin, le taux de l'impôt sur les sociétés est de 30 % et non de 38 % en France, qui a fait le choix d'un taux plus élevé assorti d'exonérations et de déductions multiples. D'après un rapport du ministère de la recherche faisant autorité, l'intensité en recherche et développement des entreprises industrielles françaises est légèrement supérieure à celle de l'Allemagne. Ce qui est en cause, c'est le poids des secteurs à faible intensité de recherche, comme le bâtiment, l'agroalimentaire ou l'énergie...
En réalité, la hausse des dépenses de recherche et développement a plus que compensé la désindustrialisation, même si nous pâtissons toujours de la faiblesse de notre socle industriel. Depuis 2008, le CIR a joué un rôle anti-crise.
Plusieurs études économétriques concluent à un effet positif du CIR sur les dépenses en recherche et développement, excluant tout effet d'aubaine, puisque un euro de CIR entraîne une dépense de 1,5 euro de la part des entreprises. Il faut néanmoins mieux coordonner les contrôles exercés par le fisc et le ministère de la recherche et maîtriser le coût du dispositif. La question de la répartition entre les 14 milliards d'euros de dotations à la recherche publique et les 5,5 milliards d'euros soutenant la recherche privée se pose.
À la lumière de ces chiffres, le souhait d'un rééquilibrage des efforts en faveur de la recherche publique, qui limiterait le coût du crédit d'impôt, se comprend. La sanctuarisation décidée par le président de la République empêche toute amélioration - conditionner plus strictement l'éligibilité au CIR à l'embauche de docteurs, par exemple. La réforme du CIR paraît inéluctable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Corinne Bouchoux . - Je remercie le groupe CRC d'avoir demandé la tenue de ce débat. Avec plus de 5,5 milliards d'euros, le CIR doit être évalué. Il est par conséquent curieux que la commission d'enquête se soit fait hara kiri... Je tâcherai de reconstituer les conclusions - disparues, donc - de ses travaux. Personne ne voulait que ce rapport soit adopté, ce qui est regrettable compte tenu de la qualité des travaux menés. C'est du masochisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
Les 5,5 milliards d'euros profitent essentiellement aux grands groupes - certes pas exclusivement. Le CIR est, deuxième aberration, un facteur d'attractivité du territoire, mais est-ce là son rôle ? Troisième constat, l'effet sur l'embauche des scientifiques est très contestable : de nombreuses requalifications, dans le secteur bancaire, ouvrent ainsi l'accès à l'aide publique...
Surtout, la dépense totale de recherche et développement n'est pas en proportion de la dépense fiscale - nous ne disons pas que le CIR ne sert à rien mais que ses résultats sont modestes.
Le type de recherche encouragée gagnerait à être précisé : le nucléaire, par exemple, profite plus du CIR que d'autres secteurs. Nous appelons de nos voeux un CIR vertueux, tourné vers la transition écologique, destiné à changer la société et le tissu industriel plutôt qu'à préserver des rentes de situation. Le dispositif actuel pose d'ailleurs problème eu égard au droit européen.
Faut-il que nous ayons soulevé des éléments à ce point tabous pour que nos travaux passent ainsi à la trappe ? J'en appelle à nos concitoyens, aux journalistes, aux enseignants-chercheurs pour relancer le débat... (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Françoise Laborde applaudit également)
M. Michel Vaspart . - L'initiative de ce débat part d'une bonne intention : il est nécessaire d'évaluer les dispositifs fiscaux, qui sont, il faut bien le dire, pléthoriques et coûteux... Si coûteux qu'on se demande comment le budget peut encore les supporter lorsque les résultats en termes de compétitivité ne sont pas au rendez-vous.
Membre de la commission d'enquête, j'ai participé à ses travaux et constaté dès les premières auditions, présidées par notre collègue Delattre, l'utilité du CIR. Le malaise au sein de la commission d'enquête est venu d'abord de son intitulé, affirmation péremptoire qui témoignait de la prégnance de certains dogmes... Certes, l'État doit contrôler et sanctionner les abus, mais le terme « détournement » était excessif.
En décembre 2015, le rapport de l'observatoire du CIR publié par le cabinet de conseil Acies pointait le rôle capital du crédit d'impôt pour la compétitivité de nos entreprises. Son montant s'est stabilisé autour de 5,5 milliards d'euros, et le nombre de ses bénéficiaires autour de 21 000 entreprises. Mais l'effet du CIR est net : 33 500 chercheurs recrutés entre 2008 et 2013, contre 22 800 en Allemagne. Les investissements étrangers sont trois fois plus importants chez nous, ce qui a créé 9 500 emplois. Le nombre des rectifications après contrôle fiscal, lui, a diminué. L'efficacité du CIR est incontestable, et en progression : pour 1 euro, il générait 1,63 euro de dépenses de recherche privée en 2013 contre 1,5 euro en 2012. Le Gouvernement socialiste a choisi de le préserver. Le ministre Eckert l'a défendu devant la commission d'enquête ainsi qu'en réponse à une question orale.
À Saint-Malo, 80 chercheurs viennent d'être recrutés par l'entreprise Roullier, grâce au CIR, pour un centre de recherche qui sinon se serait délocalisé en Amérique du Sud... Cessons d'opposer recherche publique et privée, les deux sont nécessaires.
Mme Brigitte Gonthier-Maurin et Mme Éliane Assassi. - Qui le conteste ?
M. Michel Vaspart. - Le CIR doit être maintenu et conforté. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Dominique Gillot . - Je me concentrerai sur l'emploi scientifique. En 2013, 21 000 entreprises ont déclaré 20 milliards d'euros de dépenses de recherche et développement, générant 5,5 milliards de dépenses de CIR. L'effet d'entraînement du CIR augmente, qui atteignait 1,63 pour 1 en 2013. Sa vocation est de favoriser la coopération entre recherche publique et privée, et l'embauche de docteurs, qui sont une source d'innovation majeure.
En dépit du dispositif actuel, les jeunes docteurs se tournent encore davantage vers la recherche publique tandis que les entreprises leur préfèrent des ingénieurs.
Le CIR nous permet toutefois de nous comparer favorablement à nos voisins européens par le nombre de recrutements : notre progression est la meilleure avec celle de la Chine, la Corée du Sud et des États-Unis. Le CIR profite majoritairement à l'industrie manufacturière, même si la part des services reflète les évolutions de l'économie.
La loi Enseignement supérieur et recherche de juillet 2013 a donné droit aux revendications des jeunes chercheurs, en limitant les effets d'aubaine. Le renforcement des conditions d'éligibilité a été opportun, mais les PME restent insuffisamment ciblées : pourquoi ne pas favoriser l'embauche conjointe d'un chercheur par deux startups ?
Monsieur le ministre, vous avez annoncé des mesures en faveur de l'insertion professionnelle des jeunes docteurs, notamment dans la fonction publique. Où en êtes-vous ? Concernant l'insertion professionnelle dans le secteur privé, quand le rapport commandé par Mme Fioraso nous sera-t-il remis ?
Autre chantier souhaitable : la réforme des diplômes de troisième cycle, où les doctorants étrangers représentent toujours 40 % du vivier. Quel sera le calendrier de la concertation annoncée ?
Les investisseurs étrangers sont de plus en plus nombreux à choisir la France, plus compétitive que Singapour et qui réduit même son écart avec la Chine. Le CIR n'y est pas pour rien.
L'année 2016 devra enregistrer les dividendes d'un des dispositifs les plus incitatifs dont nous disposons, et que l'on nous envie. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je me réjouis de la tenue de ce débat. Que le Gouvernement soit favorable à la stabilisation du CIR n'empêche nullement l'évaluation de ses effets. La recherche publique représente une part plus importante que la recherche privée en France, ce qui nous singularise, et constitue une source de préoccupation. M. Berson l'a souligné.
La création par Pierre Mauroy du CIR en 1983 visait à y remédier, ainsi qu'à augmenter le niveau global de dépenses de recherche. Mais l'écart perdure avec l'Allemagne ou les États-Unis, en raison d'une structure économique différente.
La réforme de 2008 a substantiellement augmenté le nombre d'entreprises bénéficiaires et a donné lieu à de nombreux rapports d'évaluation qui ont mis en évidence certains éléments factuels. La dépense de CIR était de 5,567 milliards en 2014, contre 5,609 milliards en 2013. Bref, le crédit d'impôt se stabilise. Qui sont les bénéficiaires ? La réalité est plus nuancée qu'on ne le dit.
Mme Laurence Cohen. - Bien sûr.
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État. - Les entreprises de moins de 100 salariés représentent 31 % des dépenses. Le CIR concerne beaucoup plus de grandes entreprises mais exerce un effet redistributeur à l'attention des plus petites. Alors que le secteur industriel a fondu depuis des années, le CIR s'y concentre toujours à 61 %, ce qui montre son rôle stabilisateur.
L'augmentation du CIR est loin d'être incontrôlée. D'où la décision du président de la République de le pérenniser, d'autant que nos entreprises ont besoin de stabilité.
Plus de 33 000 chercheurs supplémentaires ont été embauchés depuis 2008, Mme Laborde et d'autres l'ont rappelé, grâce au CIR : c'est une autre raison de le conserver.
Je le redis, cela ne nous dispense nullement d'évaluer le dispositif. De nombreuses études sont en cours, qui bénéficient de l'ouverture des données publiques. Il sera donné droit à toutes les demandes légitimes.
Le rapport Développement et impact du crédit d'impôt recherche : 2003-2011, publié en 2014, a fait le bilan des études menées. Le premier objet du dispositif est de stimuler la recherche privée. Or un euro de CIR entraîne, d'après le chiffre sur lequel tout le monde s'accorde, 1,1 euro de dépense de recherche et développement.
Autre effet avéré : l'embauche de jeunes docteurs, grâce à un crédit d'impôt majoré. Une étude récente révèle un impact décisif, quoique encore insuffisant. Un travail devra être mené pour rapprocher les jeunes scientifiques du monde de l'entreprise.
Tous les travaux de recherche et développement externalisés sont éligibles au CIR. En 2013, 3 000 entreprises ont déclaré 550 millions de dépenses engagées par voie contractuelle, entraînant 274 millions de dépenses de CIR.
Le Gouvernement s'est d'ores et déjà engagé pour plus de transparence, pour favoriser l'embauche des jeunes docteurs, et en faveur d'une bonification en cas de recherche partenariale. Nous poursuivons nos efforts pour améliorer le dispositif, en faveur de notre recherche. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)