Questions d'actualité
M. le président. - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.
Conséquences de la suppression de la demi-part des veuves (I)
M. Thierry Foucaud . - Avec mes collègues du groupe CRC, je m'insurge contre le choix de l'austérité par un Gouvernement élu sur un programme de justice sociale après des années de « tout pour les riches » de Nicolas Sarkozy. (Exclamations à droite) Ainsi les retraités modestes sont-ils victimes de la suppression en 2008 de la demi-part dite des veuves : 250 000 retraités modestes, dont les revenus se situent entre 10 500 et 13 500 euros par an seulement, doivent payer cette année l'impôt local.
M. François Grosdidier. - Vous venez de vous en apercevoir ?
M. Thierry Foucaud. - Le Gouvernement a enfin réagi et appelé, de manière inédite, à ne pas payer l'impôt... Mais rien n'est fait pour les 650 000 personnes qui le payaient et le voient fortement augmenter. Voilà pourtant de nombreuses années que des amendements portent sur ce sujet.
Les plus modestes semblent décidément dans le viseur de Bercy ; un article de la loi de finances ponctionne les intérêts des comptes épargne ouverts pour les bénéficiaires de l'AAH. C'est dire qu'on grappille l'argent placé par des parents inquiets pour l'avenir de leurs enfants. Allez-vous maintenir certain article d'injustice fiscale ?
Vos électeurs de 2012 attendaient une mise à contribution de la finance et des riches. Ils attendent encore... (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)
M. François Grosdidier. - Ils peuvent attendre longtemps !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - En 2008, la majorité précédente a supprimé la demi-part dite des veuves. Le Gouvernement n'est pas resté inactif, la suppression de la première tranche de l'impôt sur le revenu a exonéré beaucoup de foyers modestes. Mais la mesure prise en 2008 a aussi des effets collatéraux pour les impôts locaux des retraités modestes...
M. François Grosdidier. - Et vous faites semblant de le découvrir !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. - C'est pourquoi le Gouvernement a choisi de les neutraliser, dans un souci de justice. Ceux qui étaient exonérés en 2014 le resteront en 2015 et 2016. Ceux qui l'étaient et ont déjà payé seront remboursés et il a été évidemment conseillé à ceux qui ont reçu un avis d'imposition de ne pas en tenir compte. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Conséquences de la suppression de la demi-part des veuves (II)
M. François Patriat . - Le Gouvernement a décidé de baisser la fiscalité des entreprises et des ménages. On ne peut que s'en féliciter. (Marques d'ironie à droite) Dans le même temps, la dépense publique est contenue, nous respectons nos engagements à l'égard de Bruxelles et la fiscalité de 8 millions de foyers est allégée.
La suppression de la demi-part dite des veuves pénalise nombre de retraités modestes. Le Gouvernement les a entendus (Même mouvement). Comment concrètement, le Gouvernement supprimera-t-il ses effets discriminants ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget . - Dès la semaine prochaine, les contribuables concernés pourront saisir les services fiscaux pour signaler leur situation. Ils seront remboursés dans un délai de deux à trois semaines. De même, les services fiscaux examineront toutes les déclarations pour repérer les contribuables concernés. Des instructions ont été données, notamment pour prêter la plus grande attention aux situations les plus difficiles. En outre, des dispositions pérennes seront prises pour ajuster le niveau du revenu fiscal de référence.
Concessions hydroélectriques
M. Jean-Jacques Lasserre . - (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC) Je veux évoquer la situation de nombreuses communes qui abritent des concessions hydroélectriques. C'est le cas dans les Pyrénées-Atlantiques, notamment en vallée d'Ossau. Elles attendent depuis trop longtemps la décision de prorogation des concessions. Cette attente est préjudiciable à leurs ressources comme au développement local. Il y a urgence. Le renouvellement des concessions est pourtant prévu par la loi de transition énergétique. Une décision doit être prise rapidement ! Qu'entend faire le Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification . - La commission européenne souhaite vérifier que le système français est conforme au droit de la concurrence et aux traités. Ce sujet a fait l'objet de longues discussions lors de l'examen de la loi de transition énergétique. Celle-ci autorise le regroupement des concessions par vallée, prévoit le contrôle public de l'exploitation par des sociétés d'économie mixte, la création de comités de gestion des usages de l'eau... La prolongation de certaines concessions est possible de façon encadrée en contrepartie d'investissements.
Ségolène Royal estime que les investissements dans ce qui est la première source d'énergie renouvelable en France sont une opportunité pour valoriser ce patrimoine naturel, humain et industriel, pour favoriser le développement local. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Jean-Jacques Lasserre. - Vous n'avez fait que réciter la loi. Nous les connaissons ! Nous attendons du concret... Mme Royal s'était engagée...
Réforme de la dotation globale de fonctionnement
M. Alain Marc . - Nous nous félicitions que, pour une fois, le Gouvernement ait entendu l'avertissement lancé par le président du Sénat et ait reconnu que la dotation globale de fonctionnement (DGF) était illisible. Une réforme de cette ampleur ne saurait passer en douce. Sur le fond, elle a été repoussée mais vous voulez quand même en faire adopter les principes dès la loi de finances pour 2016 alors que le Gouvernement est incapable de fournir des simulations. On n'y comprend rien. Ce sujet mérite une loi ad hoc, un grand et vrai débat autrement que dans l'urgence. (Applaudissements à droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre . - Le Gouvernement a engagé une réforme de la DGF dans le projet de loi de finances 2016. La mission menée par la députée Christine Pirès-Beaune et votre très regretté collègue Jean Germain a montré que la DGF était injuste, inefficace et illisible. Le diagnostic, au moins, pourrait faire consensus. (M. Bruno Sido le concède) Il est d'ailleurs partagé par les élus et leurs associations.
Cette réforme que beaucoup souhaitent consiste d'abord à en revoir l'architecture pour la rendre plus claire en distinguant un socle commun, dont bénéficieraient toutes les communes, et une dotation complémentaire pour tenir compte des charges particulières dues à la ruralité ou à la centralité. Nous voulons aussi rendre la DGF plus juste en diminuant les écarts non justifiés et en accentuant les effets de la péréquation. Je pense que tout le monde partage ces objectifs. Une telle réforme est nécessaire afin d'aider les collectivités territoriales, dont je n'oublie pas qu'elles participent à l'effort de baisse de réduction des déficits.
Cette réforme importante doit s'inscrire dans la durée, et pas agir à la va-vite comme il fut fait lors de la réforme de la taxe professionnelle. (Protestations à droite, applaudissements à gauche). J'ai entendu les élus et leurs associations. Nous allons donc décider les principes cet automne, pour une mise en oeuvre au 1er janvier 2017. D'ici là reste à faire tout un travail de simulation, à Bercy et dans les autres ministères concernés.
Ce travail est en cours, nous disposons déjà d'éléments. La carte intercommunale sera achevée le 31 mars 2016. Dès avril, nous pourrons en tirer les leçons et boucler la réforme, qui figurera dans le projet de loi de finances pour 2017.
Il y aura plus de gagnants que de perdants - termes que je n'aime guère. (On assure, à droite, qu'il y aura surtout des perdants) N'utilisez pas ce sujet à des fins politiciennes alors que nous travaillons dans la concertation. Vous devriez saluer une réforme juste et équitable. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
M. Alain Marc. - Les collectivités territoriales réalisant 70 % de l'investissement public, la réforme de la DGF mérite une loi spécifique. Écoutez les élus ! (Vifs applaudissements au centre et à droite)
M. Manuel Valls, Premier ministre. - Je les écoute et les respecte. J'adresserai bientôt un courrier à tous les maires. (Sourires entendus) Quand on propose, comme vous, de réduire les dépenses de 100 milliards ou 150 milliards, il faut dire qui en subit les conséquences ! (Applaudissements à gauche ; protestations à droite)
Moteurs à hydrogène
M. François Fortassin . - Ma question s'adressait à Mme la ministre de l'écologie, mais elle est en Chine avec le président de la République... (Sourires) Peut-être les Chinois s'intéressent-ils autant que les Japonais aux recherches françaises sur le moteur à hydrogène. En effet, Air Liquide, le géant français de la chimie, est mobilisé au côté de l'industrie automobile japonaise pour développer la voiture à hydrogène, laquelle a une autonomie de 650 kilomètres, peut être rechargée en trois minutes, et surtout est parfaitement propre : elle ne rejette que de l'eau ! Les grands constructeurs automobiles japonais sont soutenus par l'État nippon qui a défini une stratégie nationale de l'hydrogène, tandis que notre recherche excelle mais ses travaux bénéficient à d'autres, sans que l'État la soutienne.
Qu'attend la France pour faire de l'hydrogène une priorité nationale ? Pourquoi ne pas définir, nous aussi, une stratégie nationale et inciter nos constructeurs automobiles à prendre cette voie ? (Applaudissements sur les bancs du RDSE)
M. Thierry Mandon, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche . - L'hydrogène a un fort potentiel énergétique, tout en n'émettant pas ou peu de gaz à effet de serre. L'article 131 de la loi de transition énergétique prévoit déjà la remise d'un plan de promotion de cette énergie au Parlement.
La France est prête. La région Rhône Alpes a déjà lancé un plan. Un des investissements d'avenir concerne le stockage de l'énergie. La question reste celle de l'engagement des constructeurs, qui reste en-deçà de l'engagement des pouvoirs publics. Avec M. Macron, nous réfléchissons à des mesures d'incitation. (Applaudissements sur les bancs socialistes)
Pollution de l'air
Mme Leila Aïchi . - La pollution de l'air coûte 101,3 milliards d'euros par an, provoque des centaines de milliers de maladies cardio-vasculaires et de cancers, détruit des emplois, sans parler de ses effets sur la flore et la faune.
Comment un constructeur automobile a-t-il pu, au-delà de la concurrence déloyale, financer une technologie frauduleuse, nocive pour la santé, au lieu d'investir dans des technologies propres ? La Commission européenne a été alertée dès 2013 sur les pratiques de Volkswagen et rien n'a été fait. En septembre, une enquête américaine a fait apparaître que près de 11 millions de véhicules dans le monde étaient équipés du logiciel tricheur. Le Gouvernement français était-il au courant ? Quelle a été la position de la France sur la modification par le Conseil européen des seuils d'émission ?
Mme Clotilde Valter, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification . - Les écarts de mesure entre les conditions d'essai et celles, réelles, de conduite, sont normaux dans une certaine mesure. Mais s'agissant de Volkswagen, ceux qui ont été constatés sont anormaux. La DGCCRF est saisie du sujet, et mène des contrôles aléatoires sur une centaine de véhicules, à la demande de Ségolène Royal. La France a demandé que la question soit de nouveau évoquée au Conseil européen du 9 novembre, pour tirer toutes les leçons de cette crise. (Applaudissements sur certains bancs socialistes)
Très haut débit
M. Yves Rome . - Depuis 2012, le Gouvernement se mobilise pour que la France devienne le champion européen du numérique. Les 20 milliards d'euros du plan France très haut débit en sont la preuve. En matière de téléphonie mobile et d'internet, les opérateurs ont pris des engagements pour couvrir tout le territoire d'ici 2017. Mais on peut craindre que les investissements ne soient pas au rendez-vous, suite au rachat de Numericable par SFR et au lancement de l'appel d'offres pour la bande 700 MHz. Le ministre de l'économie peut-il nous rassurer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, chargée du commerce, de l'artisanat, de la consommation et de l'économie sociale et solidaire . - L'État s'est engagé pour que l'investissement public et l'investissement privé avancent de concert. C'est une condition du succès du plan France très haut débit. La concurrence joue désormais à plein, ce qui pousse les opérateurs à investir.
Cependant, à la suite de la fusion SFR-Numericable, l'entreprise a souhaité se dégager de certaines zones. Grâce à l'intervention du ministre de l'économie, Orange le supplée.
M. Philippe Dallier. - Pas partout !
Mme Martine Pinville, secrétaire d'État. - Des projets assortis d'un calendrier seront prêts en janvier, et tout sera fait pour que l'ensemble du territoire soit couvert d'ici la fin 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Réfugiés
Mme Agnès Canayer . - Mme Bouchart s'indigne de l'inertie de l'État face à la situation à Calais où 6 000 réfugiés campent aux portes de la ville. Le Gouvernement a dit vouloir les répartir sur le territoire national. Lors d'une réunion avec les élus locaux, le ministre de l'Intérieur s'est engagé à aider les communes acceptant de recevoir des migrants et à diminuer le nombre de réfugiés à Calais. L'État doit être loyal et faire circuler les informations dont les maires ont besoin. Tiendra-t-il ses promesses ? Et qu'en ira-t-il des soutiens financiers ? (Applaudissements au centre et à droite)
M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur . - J'ai entendu dire ce week-end que nous concentrions à Calais les réfugiés pour faire monter le Front national. Nous cherchons au contraire à leur faire quitter la ville : merci d'avoir rétabli la vérité.
Les préfets se mettent en contact avec tous les maires.
M. Alain Fouché. - Les maires sont avertis par la presse !
M. Bernard Cazeneuve, ministre. - L'État fournit l'accompagnement social aux migrants. Il met à disposition des communes volontaires 1 000 euros par migrant accueilli, afin de répondre au besoin de logement. Un fonds de 50 millions a été créé pour rénover des logements en centre-bourgs. J'adresse aux maires volontaires, et au Sénat qui les représente, mes remerciements chaleureux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Agnès Canayer. - Malgré cette volonté de coopération, les maires sont bien seuls face à une situation qui concerne l'État au premier chef. (Applaudissements au centre et à droite)
Air Cocaïne
M. François-Noël Buffet . - Le nom de M. Sarkozy a été jeté en pâture à la presse, ce week-end, dans l'affaire Air Cocaïne. Comment se fait-il que le juge d'instruction ait demandé communication des fadettes de M. Sarkozy à la suite de la découverte d'une facture portant son nom ? Comment cette fuite a-t-elle été - si opportunément - organisée dans la presse, alors que le chef de l'opposition a été mis hors de cause ? Saisissez l'Inspection générale des services judiciaires, madame la garde des sceaux ! (Exclamations à gauche et applaudissements à droite)
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - Vous semblez disposer d'éléments précis sur cette procédure en cours. (Exclamations à droite)
M. François-Noël Buffet. - Tout est dans la presse !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Il n'y a pas lieu de saisir l'inspection, cette affaire ne le mérite pas. L'institution judiciaire a besoin d'être confortée. Ne discutons-nous pas d'un projet de loi organique sur l'impartialité des magistrats ? (Murmures à droite)
M. François Grosdidier. - Bel exemple !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Ce n'est pas le chef d'un parti d'opposition qui était ici visé : à l'époque en cause, le président de l'UMP s'appelait Jean-François Copé. Ce Gouvernement, fidèle à sa pratique, n'interviendra pas dans une procédure en cours. (Applaudissement à gauche ; exclamations à droite)
Prêt à taux zéro
Mme Evelyne Yonnet . - Le Gouvernement a lancé un plan de relance de la construction qui favorise notamment l'accès à la propriété. Les résultats sont encourageants : les ventes de logements neufs ont progressé de 23 % cette année. S'y ajoute l'élargissement du prêt à taux zéro pour la rénovation des bâtiments et l'aide à la rénovation des centre-bourgs. Où en sont les projets d'extension du prêt à taux zéro ? (Applaudissement sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité . - Nous voulons rendre le prêt à taux zéro plus attractif, auprès des jeunes notamment : hausse du plafond, différé d'amortissement de cinq ans pour toutes les catégories de revenus, extension à l'immobilier ancien... Je ferai des propositions complémentaires dans les prochains jours car soutenir la construction, c'est aussi agir pour la croissance et l'emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)
La séance est suspendue à 17 h 35.
présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président
La séance reprend à 17 h 50.