Indépendance et impartialité des magistrats et justice du XXIe siècle (Procédure accélérée)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif à l'indépendance et l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société (procédure accélérée) et du projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle (procédure accélérée).
Il a été décidé que ces deux textes feraient l'objet d'une discussion générale commune.
Discussion générale commune
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice . - La démocratie repose sur le respect de l'État de droit. Celui-ci repose sur la confiance des citoyens. À cet égard, la justice doit échapper à tout soupçon de partialité, de dépendance, de corruption. Cela ne suppose pas que l'autorité judiciaire soit détachée, en surplomb de la société. Au contraire. D'où ces deux textes de lois, l'un organique, l'autre ordinaire, élaborés depuis deux ans, pour renouer la confiance entre les citoyens et leur justice.
Le projet de loi organique conforte l'exemplarité, l'indépendance et l'impartialité des magistrats.
Le projet de loi ordinaire facilite l'accès à la justice, afin que la complexité normale de l'institution judiciaire ne se reporte pas sur les relations que les citoyens entretiennent avec elle. Ces textes s'inscrivent dans la ligne de la politique du Gouvernement depuis trois ans.
Ainsi, la loi du 25 juillet 2013 a interdit au garde des sceaux d'intervenir dans les procédures individuelles. De même, comme M. Mercier, ici présent, avant moi, je respecte scrupuleusement les avis du Conseil supérieur de la magistrature (CSM). Sur les nominations de magistrats du parquet, une circulaire du 31 janvier 2012 impose la même règle ; nous allons lui donner force de loi.
Enfin, suivant le souhait du président de la République, j'ai demandé à l'Assemblée nationale d'inscrire à son ordre du jour le projet de loi constitutionnel portant réforme du CSM, examiné par le Sénat il y a deux ans déjà. En ce qui concerne le budget, comme les conditions de travail des magistrats et du personnel qui en relève, le ministère de la justice est devenu un ministère prioritaire.
M. Hubert Falco. - Cela a toujours été le cas !
Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. - Ainsi ses crédits ont augmenté, au-delà même des engagements du président de la République, de 7 386 millions d'euros à 8 043 millions d'euros. Le ministère de l'intérieur aura créé 5 000 emplois au cours du quinquennat, le ministère de la justice presque autant, car les besoins étaient beaucoup plus importants que les 1 500 postes envisagés en 2012.
En particulier, le remplacement des fonctionnaires partant en retraite n'a pas été anticipé dans la période précédente. Il aurait fallu que l'École nationale de la magistrature (ENM) forme des promotions de plus de 300 magistrats et non de 80 à 140 ! En 2013, la promotion a été de 358, 482 l'an prochain. De même, nous formons un millier de greffiers par an.
Nous avons aussi veillé à rétablir le service judiciaire de proximité, mis à mal par la réforme de la carte judiciaire opérée en 2008, en ouvrant des chambres détachées, de nouvelles maisons de la justice et du droit, dotées de greffiers, et des conseils départementaux d'accès au droit (CDAD).
Nous avons aussi supprimé le droit de timbre et réformé l'aide juridictionnelle.
C'est la réforme la plus ambitieuse depuis 1958. Notre méthode a été celle de la concertation. Nous nous sommes appuyés sur des rapports de l'Inspection générale des services judiciaires, de l'Institut des hautes études sur la justice (IHEJ) et de son secrétaire général Antoine Garapon, ainsi que sur les rapports de Pierre Delmas-Goyon, Didier Marshall et Jean-Louis Nadal. Un comité de pilotage a fait la synthèse des 248 propositions. Un débat public a été organisé pendant deux jours à l'Unesco.
Nous nous sommes aussi appuyés sur le rapport sénatorial de Nicole Borvo-Cohen-Seat et Yves Détraigne relatif à la carte judiciaire, et sur celui de Virginie Klès et Yves Détraigne au sujet de la justice de première instance.
Le projet de loi organique est relatif à l'indépendance et à l'impartialité des magistrats et à l'ouverture de la magistrature sur la société. Ainsi, les procureurs généraux ne seront plus nommés en conseil des ministres. De même, le juge des libertés et de la détention (JLD) sera nommé par décret du président de la République et doté d'un statut protecteur.
Nous renforçons la lutte contre les conflits d'intérêts grâce à un entretien déontologique avec le chef de juridiction à chaque changement de fonction, et à une déclaration d'intérêts et, pour certains magistrats, de patrimoine.
Dans le projet de loi pour la justice du XXIe siècle, nous créons des services d'accueil unique du justiciable (SAUJ) afin que celui-ci soit mieux orienté. Il pourra ainsi saisir n'importe quelle juridiction depuis l'un de ces points d'accueil. Nous avons affecté des postes de greffiers à ces SAUJ.
Nous intégrons les facilités offertes par le numérique : numéro de dossier unique ; meilleure navigation grâce au portail Portalis.
Nous travaillons sur une meilleure prévisibilité des décisions dans les cours d'appel : une expérimentation est en cours auprès de dix cours d'appel et quatorze tribunaux de grande instance, qui ont noué des liens avec des universités. Nous avons aussi expérimenté les greffiers assistants des magistrats.
Nous cherchons à encourager les solutions alternatives au procès, notamment pour les petits litiges du quotidien, afin de faciliter l'émergence d'une solution négociée, propre à renforcer le lien social.
Nous supprimons la nécessité de tenir les registres d'état civil en format papier, ce qui allège les charges des collectivités et transférons le recueil des Pacs des tribunaux aux mairies.
Nous regroupons les contentieux relevant actuellement des tribunaux des affaires de sécurité sociale, des tribunaux du contentieux de l'incapacité (TCI) et, pour partie, des commissions départementales d'aide sociale (CDAS). Une double inspection de l'IGAS et de l'IGSJ a été diligentée à ce sujet. Leur rapport sera rendu dans un mois. C'est pourquoi nous avons demandé une habilitation.
Les tribunaux d'instance seront recentrés sur les petits litiges du quotidien, d'un montant de moins de 4 000 euros, tandis que les tribunaux de grande instance seront désormais seuls compétents en matière de dommages corporels.
Nous unifions aussi la procédure des actions de groupe. Les victimes pourront se regrouper et agir ensemble. Avancée utile pour les citoyens, la justice et le droit, qui corrige les inégalités. Outre les actions de groupe en matière environnementale, économique ou sanitaire, nous autorisons les actions de groupe contre les discriminations et en matière de droit du travail.
Depuis 2012, on a installé des magistrats spécialisés dans la lutte contre les discriminations. Un site dédié a été ouvert à cet effet.
Le projet de loi conforte aussi le statut des juges des tribunaux de commerce, améliore la traçabilité des fonds déposés sur les comptes des mandataires judiciaires, et comporte diverses dispositions relatives aux procédures collectives.
Cette réforme d'ampleur vise à renouer le lien de confiance entre les Français et leur justice. Nous tenons l'engagement du président de la République. La démocratie sortira renforcée si l'État de droit est consolidé, si la suspicion de connivence entre la justice et le pouvoir politique est définitivement levée. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, communiste républicain et citoyen et écologiste)
M. François Pillet, rapporteur de la commission des lois pour le projet de loi organique . - Il me revient de vous présenter le projet de loi organique. Ses dispositions, techniques, recueillent un large consensus. Cela ne doit pas masquer que le texte obéit avant tout à une logique budgétaire : avec quelque 400 postes manquants sur un total de 8 300 postes de magistrats, des délais de jugement en hausse, il fallait agir.
Alors que notre magistrature, de grande valeur, ne saurait être mise en cause (M. Philippe Bas, président de la commission des lois, approuve), le texte accentue les exigences déontologiques qui lui incombent. Il est vrai que les magistrats ne peuvent échapper à l'exigence croissante de déontologie et de transparence. Je regrette que le projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature portant sur l'indépendance du parquet n'ait pas encore été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
Notre commission des lois a supprimé l'institution du juge des libertés et de la détention (JLD) en fonction spécialisée, qui pèserait sur les petites juridictions et affaiblirait, de fait, les JLD en autorisant à nommer à ce poste des magistrats de second grade, voire tout juste émoulus de l'école.
La commission des lois a aussi instauré une déclaration d'intérêts, confidentielle, pour les magistrats, destinée à servir de support à l'entretien avec le chef de juridiction.
Nous avons aussi obligé tous les chefs de cours à remplir une déclaration de patrimoine, adressée à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Les débats au sein de la commission des lois ont été denses.
Telles sont enfin les questions qui demeurent : comment éviter que la justice ne devienne un service public comme les autres ? Comment garantir que le juge des libertés et de la détention restera un magistrat expérimenté et respecté de ses pairs ? Jusqu'où pouvons-nous aller dans le sens de la transparence ? Espérons que l'Assemblée nationale jugera utile notre travail. (Applaudissements au centre et à droite)
M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois pour le projet de loi . - Le projet de loi portant application des mesures relatives à la justice du XXIe siècle s'appuie sur différents rapports, comme celui de M. Nadal, ou ceux de notre Haute Assemblée que Mme la ministre a mentionnés. Ceux-ci ont servi, entre autres, aux débats organisés à l'Unesco.
Ce texte s'articule autour de quatre axes. Tout d'abord, il facilite l'accès à la justice, grâce au service d'accueil unique du justiciable, et renforce la conciliation. Le texte crée aussi un pôle social au sein du TGI, en fusionnant certains contentieux, et en recentrant les juridictions sur leurs missions premières.
Nous proposons de mutualiser les effectifs des greffes, proposition qui suscite l'inquiétude des greffiers. Il ne s'agit pas de créer des incertitudes ni de les déplorer au fil des besoins entre les différentes juridictions, mais de mieux répartir le travail.
Le texte crée aussi un socle procédural commun pour les actions de groupe. Notre commission des lois a simplifié encore la procédure. Sans doute nos échanges, sur ce point, seront-ils fournis... En tout cas, je n'exclue rien a priori. Nous prendrons le temps d'examiner les amendements.
Enfin, la commission des lois a relevé les exigences déontologiques pesant sur les juges consulaires avec une déclaration de patrimoine. Nous avons aussi ouvert leur corps électoral aux artisans.
Avec M. Pillet, nous avons auditionné plus de 140 personnes. Je ne peux que regretter l'engagement de la procédure accélérée pour un tel texte. (Les membres du groupe UDI-UC renchérissent ainsi que Mme Esther Benbassa et M. Jacques Mézard)
La commission des lois s'est réunie seulement mercredi dernier... La justice du XXIe siècle méritait mieux !
J'espère que nos débats enrichiront le texte et que nous pourrons approfondir ici certains aspects comme nous aurions aimé le faire si l'urgence n'avait pas été déclarée. Vraiment, l'enjeu aurait mérité que l'on y consacre plus de temps ! (Applaudissements au centre et à droite)
Mme Cécile Cukierman . - Ces deux textes sont issus d'une grande concertation nationale qui a abouti à 268 propositions. La montagne a accouché d'une souris...
L'État doit garantir le droit fondamental du citoyen à saisir la justice.
Dès 1991, la commission Delmas-Marty regrettait, en matière pénale, le rapiéçage permanent de notre système, sans réflexion globale.
D'autres réformes suivront. Ce texte ne contient que la généralisation de l'action de groupe et des ajustements de l'organisation judiciaire. On est loin des objectifs affichés.
Devons-nous attendre que la droite sarkozyste reprenne sa politique absurde, illustrée ce matin par la proposition de faire passer les plus de 16 ans en comparution immédiate ? (Protestations à droite) Nous sommes pour plus de pragmatisme.
Dommage aussi que le texte sur la réforme du Conseil supérieur de la magistrature n'ait pas été inscrit à l'ordre du jour et ait préféré ce maigre projet de loi organique.
Le statut des magistrats n'est finalement pas rénové en profondeur, même si certaines dispositions répondent aux souhaits de la profession : renforcement de la transparence pour les nominations, déclaration des conflits d'intérêt, maîtrise par le CSM du renouvellement dans les fonctions de juge de proximité, limitation du recours à des magistrats de statut précaire.
Nous déplorons fortement le recul de la commission des lois sur l'une des rares avancées de ce texte, relative au statut du JLD, garant des libertés individuelles, dont l'indépendance n'est pourtant pas assurée ; il peut être déplacé arbitrairement, est désigné par le président du tribunal de grande instance sans précision de durée. Nous proposerons de revenir à une nomination par décret.
À l'heure où la droite réactionnaire et décomplexée met à mal les principes de la République, nous défendrons les droits syndicaux des magistrats, et une justice accessible, efficace et humaine.
Signe de la frilosité du Gouvernement, l'article 15 dépénalise les seules infractions routières, alors qu'il devrait en aller de même pour tous les petits délits - consommation de stupéfiants, racolage passif, petits vols. Nous partageons sur ce point l'analyse des magistrats.
Le développement des modes alternatifs du règlement des différends est bienvenu, à condition qu'ils restent facultatifs et que les services de médiation restent gratuits.
Le socle commun de l'action de groupe et l'action de groupe spécifique en matière de discrimination sont des avancées bienvenues. Si nous saluons sur ce point le travail du rapporteur, la commission s'est bien gardée de revenir sur l'extension de la procédure participative, qui s'apparente à une privatisation inacceptable du contentieux en matière de droit du travail, et sur le transfert de l'indemnisation des dommages corporels, qui conduit à un démantèlement progressif de la justice de proximité.
Nous sommes loin, également, d'une remise à plat de la justice commerciale. Quant au droit des entreprises en difficulté, il mériterait un débat ad hoc.
Une justice accessible et de qualité pour tous, telle doit être l'ambition d'une réforme en la matière. Malgré quelques efforts pour mieux accueillir les justiciables et de pâles modifications de l'accès au droit, il reste beaucoup de chemin à faire. La justice est depuis trop longtemps laissée pour compte, seul un effort financier important et suivi permettrait de rompre avec une politique budgétaire catastrophique en matière d'aide juridictionnelle.
Jean-Jacques Rousseau craignait que les sociétés ne mettent en oeuvre que des simulacres de justice, que la justice comme émanation du contrat social ne soit impossibilité historique. Les membres du groupe CRC refusent le fatalisme et entendent apporter leur pierre à l'édifice d'une justice bien réelle, plus amitieuse. Ils seront attentifs au débat et détermineront leur vote en conséquence. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean-Pierre Sueur . - J'ai écouté avec attention nos deux rapporteurs, et j'ai été frappé par leur esprit de consensus. Quelle différence avec ce que j'ai lu ou entendu dans les médias !
Madame la garde des sceaux, vous êtes attaquée, (marques d'ironie à droite) alors que votre démarche de concertation a été exemplaire et sans précédent... (Mêmes mouvements)
Ces deux projets de loi sont des textes d'une grande ambition, et d'abord en ce qui concerne l'accès au droit ; beaucoup de Français sont perdus face aux arcanes de l'institution judiciaire, chacun ici le sait. Le SAUJ est une avancée.
Autre réforme cruciale et très attendue, celle de la justice en matière d'action sociale : vous tirez les conséquences du diagnostic de Pierre Joxe en réorganisant le contentieux autour des TGI.
Sur la prévention des conflits d'intérêts, nous proposerons de supprimer les termes qui font référence à l'apparence : une sanction ne peut être fondée que sur des faits.
L'action de groupe s'appliquera désormais à toutes les discriminations, notamment dans les relations de travail ; c'est une avancée considérable. Nous devrons veiller à éviter les manoeuvres dilatoires.
Sur le Conseil supérieur de la magistrature et le statut du parquet, je souhaite que l'examen du projet de loi en navette se poursuive. Les considérations politiques, voire politiciennes n'ont pas lieu d'être. Un accord est possible, à condition que l'on s'en tienne à ce qui est nécessaire et suffisant. Il faut mettre fin aux condamnations rituelles de la France par la CEDH.
Enfin, le projet de loi initial portait un beau titre, que nous proposerons de rétablir. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)
Mme Esther Benbassa . - Ces deux projets de loi s'inscrivent dans la réforme Justice du XXIe siècle engagée par la Chancellerie. Le projet de loi organique, en ce qu'il promet une magistrature indépendante et irréprochable, doit être salué. Quant au projet de loi, c'est un texte ambitieux. Je m'en tiendrai aux procédures, et notamment à l'action de groupe, qui existe déjà au Canada, aux États-Unis ou en Suède. Un grand nombre de personnes qui ont subi un même préjudice peuvent ainsi agir ensemble pour obtenir réparation morale et financière. La justice s'en trouve accélérée, l'éventuelle incohérence des décisions évitée et l'accès au droit facilité.
Face aux discriminations que notre droit prohibe, il ne faut pas baisser la garde. Les inégalités restent particulièrement sévères dans le domaine de l'emploi. Les personnes qui ont au moins un parent originaire du Maghreb ont un taux d'emploi inférieur de 18 points à celles de parents français. Les inégalités de salaire entre les femmes et les hommes perdurent. Les discriminations au travail sont fréquentes mais quatre victimes sur dix ne font rien : c'est cela qu'il faut changer.
J'avais déposé en juillet 2013 une proposition de loi instituant un recours collectif en matière de discrimination et de lutte contre les inégalités ; on m'avait demandé quelques mois plus tard de la retirer, sans doute en raison de pourparlers alors délicats avec le patronat... Dans le même temps, le rapport demandé à Mme Pécaut-Rivolier, tout en reconnaissant l'existence de discriminations au travail, préconisait que les actions collectives soient menées par les seuls syndicats. Le Gouvernement, heureusement, est revenu sur ses positions. Peut-être le rapport que j'ai rédigé avec notre ancien collègue M. Lecerf y a-t-il contribué...
Le dispositif s'appuie sur le socle procédural commun en la matière mais sa définition de la discrimination est restrictive et son inscription dans la loi du 27 mai 2008 risque d'en limiter la portée. En outre, seules les associations agissant dans ce domaine depuis au moins cinq ans auraient compétences à agir. Pourquoi pas les associations d'usagers des services publics ou de consommateurs ? Le préjudice moral étant exclu, l'action de groupe se trouve de plus privée de sa vocation indemnitaire.
S'agissant des discriminations à l'égard des salariés, seuls les syndicats auraient intérêt à agir. Y sont-ils vraiment préparés ? Nous proposions que des individus puissent s'associer pour porter une action de groupe. Je note enfin que l'action en réparation du préjudice ne pourra s'exercer que dans le cadre de la procédure individuelle définie aux articles 30 et 31.
Les recours collectifs en matière de discriminations ne sont dissuasifs et conformes à leur vocation avant tout préventive que si les sanctions sont suffisamment fortes. La commission des lois a limité l'action de groupe « discrimination au travail » à la seule cessation du manquement. Cela ressemble fort à un voeu pieux...
Tout est fait pour calmer les inquiétudes que pourrait susciter l'action de groupe en matière de discrimination chez les patrons, ce qui n'est pas illégitime. Mais le texte risque de ne pas répondre aux attentes des associations et des discriminés.
En étendant la qualité à agir, en précisant que les discriminations poursuivies ne se limiteraient pas à celles définies à l'article premier de la loi du 27 mai 2008 et en rendant possible la réparation, par voie d'action de groupe, des préjudices moraux consécutifs à une discrimination, la commission a rendu le texte moins restrictif et plus lisible. L'article reconnaissant au ministère public la possibilité d'agir par voie civile pour faire cesser un manquement en matière de discrimination est bienvenu. Malgré tout, le texte risque de ne pas atteindre les objectifs poursuivis.
Comme vous l'avez relevé, madame la garde des sceaux, en période de crise économique et de crise des repères, le juge est bien souvent considéré comme le dernier recours permettant de faire reconnaitre des droits et de restaurer le lien social. Cette réforme va dans le sens d'une justice modernisée et plus proche du citoyen. Le groupe écologiste votera ces deux textes. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et socialiste et républicain)
M. David Rachline . - En vous interrogeant il y a quelques semaines, madame la ministre, j'attendais que vous défendiez le bien commun. Comme souvent, comme toujours, vous avez préféré le mépris et la haine à la confrontation avec la réalité. (Exclamations à gauche)
La réalité, c'est un divorce profond entre les Français et l'institution judiciaire, dans le même temps le mariage entre une grande partie du monde judicaire avec le pouvoir en place. Je reprends volontiers les propos d'Henri Guaino quand il évoque, parlant de certains magistrats, des « militants aveuglés par leur idéologie » qui rendent des « jugements iniques ». J'ai une pensée pour ce policier grièvement blessé par un détenu en cavale, pour la famille d'Aurélien Dancelme dont le meurtrier présumé a été libéré en appel pour un délai de procédure trop long. Dernier exemple en date, très symbolique, la relaxe des Femen pour leur agression contre les catholiques de France lors de leur manifestation à Notre-Dame-de-Paris : la soi-disant justice de notre pays a condamné les victimes et innocenté leurs agresseurs...
Et vos nouvelles lubies ont pour nom légalisation de certaines drogues et de la PMA... Les Français sont fatigués de votre laxisme et de votre idéologie.
Le titre du projet de loi organique est significatif. Merci de reconnaître enfin comme des millions de Français que les magistrats ne sont ni impartiaux, ni indépendants ! Et rappelons-nous le scandale du mur des cons... (Exclamations à gauche), interdisons le syndicalisme des magistrats. Et qui dira leurs liens avec les loges ?
Votre aveuglement est désolant. Le projet de loi se borne à des mesures d'organisation, sans rien faire pour renouer la confiance entre les citoyens et la justice. Pour cela, il faudrait redonner sens à la peine, donner leur place aux victimes.
Votre idéologie passe par l'action de groupe discriminatoire, qui poursuit la déconstruction de la France. Ce n'est guère étonnant de la part d'une indépendantiste ! (Exclamations ; Mme la garde des sceaux s'amuse). Vous allez une nouvelle fois encourager le communautarisme. (Exclamations à gauche)
Mme Éliane Assassi. - C'est une obsession !
M. David Rachline. - Ces textes sont empreints de l'idéologie qui vous est si chère ; ils ne sont en rien le début du commencement d'une politique qui redonne à la justice sa juste place dans notre société et aux Français la confiance dans l'institution judiciaire.
La séance est suspendue à 16 h 35.
présidence de M. Gérard Larcher
La séance reprend à 16 h 45.