Adaptation de la société au vieillissement (Deuxième lecture)
M. le président. - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, relatif à l'adaptation de la société au vieillissement.
Discussion générale
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie . - Nous examinons en deuxième lecture un projet de loi majeur pour notre société. Nous avons pris en compte les difficultés et inquiétudes des âgés et de leurs proches, tous soucieux de faire de la vieillesse un parcours serein. Les accompagner engage la solidarité nationale. Avec 21 milliards de crédits publics à cette fin, la solidarité nationale est déjà effective.
Le projet de loi n'a pas seulement pour but d'offrir de nouveaux droits, il pose un cadre d'action pour l'avenir - je pense aux plans locaux d'habitat, aux conférences des financeurs et aux schémas de transports. Il représente des avancées majeures pour nos concitoyens.
Ce projet de loi anticipe la perte d'autonomie. L'acte II de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) réduira substantiellement le reste à charge. En GIR 1, avec un revenu mensuel de 1 500 euros, la loi leur donnera une heure par jour supplémentaire d'aide à domicile, et le reste à charge passera de 400 à 250 euros par mois.
Repérer les personnes, agir en amont, voilà un changement de paradigme fort dont témoigne le plan national d'action de prévention de la perte d'autonomie du docteur Jean-Pierre Aquino.
Le code de l'action sociale et des familles reconnaîtra avec ce texte le statut de proche aidant. Leur mission est fondamentale mais difficile ; nous créons un droit au répit, afin de les soulager de leur tâche.
Les personnes âgées seront mieux accompagnées, par la rédaction d'une annexe au contrat de séjour en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad).
L'information des proches des personnes âgées est renforcée : le portail personnes-agees.gouv.fr connaît déjà un franc succès, qui permet de comparer les prestations et d'orienter les choix des usagers.
Les comités départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie (CDCA) offriront aux comités départementaux des retraités et personnes âgées (Coderpa) une surface d'action élargie, au-delà du médico-social, à toutes les politiques publiques relatives à la vieillesse et à la perte d'autonomie.
Toutes les énergies sociales seront mobilisées. Les services polyvalents d'aide et de soins à domicile (Spasad) sont renforcés, l'isolement de la prise en charge à domicile est rompu ; 8,5 millions d'euros seront délégués par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) pour consolider les Spasad sans attendre l'expérimentation 2016-2017.
Les acteurs de la cyberéconomie ne sont pas oubliés. Le comité de la Silver économie a été réuni par Emmanuel Macron et moi-même il y a peu : c'est un gisement d'emplois et d'amélioration de la qualité de vie des seniors. Le projet de loi soutient le déploiement de la mobilisation nationale contre l'isolement des âgés (Monalisa) - la mobilisation intergénérationnelle est en effet primordiale.
Cette deuxième lecture sera l'occasion, j'en suis sûre, d'améliorer le texte ; je salue d'ailleurs le travail des rapporteurs.
Nous partageons de nombreux combats et ambitions, dans l'intérêt des âgés. Depuis sept mois qu'a été engagé le parcours parlementaire de ce projet de loi, des chantiers importants ont été ouverts. Les acteurs du secteur ont longtemps attendu une loi ; c'est maintenant cette loi qu'ils attendent avec impatience. Je sais que nous pourrons échanger efficacement pour qu'elle entre en vigueur dès le 1er janvier 2016. Je travaille d'ailleurs déjà à la préparation des principaux décrets d'application dès cette date.
Je reviens sur les quelques points en débat. En premier lieu, le Sénat avait retenu une tarification unique et l'obligation de conclure un CPOM, ce qui pourrait être inflationniste. J'ai mené un travail de concertation approfondi avec les parlementaires, rapporteurs et spécialistes du secteur. Le rapport de MM. Watrin et Vanlerenberghe préconise d'ailleurs un régime unique pour les services d'aide à domicile. Vu la technicité de ce texte, on ne pourra me reprocher de l'avoir fait pour courir les plateaux de télévision et attirer la lumière sur mes projets ! Ils sont néanmoins très forts : d'abord, offrir la liberté de choix aux personnes âgées ; ensuite, sécuriser et harmoniser le cadre juridique pour tous les acteurs.
L'article 32 bis a été enrichi à l'Assemblée nationale, en termes d'emploi, d'accessibilité et d'organisation de l'offre, mais aussi de maîtrise des dépenses départementales. Le régime des services d'aides à domicile est ainsi unifié, au moyen du basculement des structures agréées.
Nous avons en outre amélioré la transparence et l'égalité de traitement des personnes. Toutes les fédérations professionnelles ont été associées à cette rédaction, qu'elles soient publiques, associatives ou privées commerciales.
Je me félicite déjà de l'absence d'amendements de suppression de l'article 32 bis et souhaite son entrée en vigueur au plus vite. Dépassons la dualité agrément-autorisation ! Le report de sa mise en oeuvre eût été contre-productif : de nombreux acteurs demanderont l'agrément, le basculement pourrait concerner huit mille services. Au 1er janvier 2016, le basculement sera automatique sans rupture de continuité ni charges pour les départements.
M. Jean Desessard. - Bravo !
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. - Six mois plus tard, le cahier des charges national sera rendu opposable.
J'en viens au Haut Conseil de la famille, de l'enfance et de l'âge. Vous connaissez mon attachement à ce que tous les âges de la vie soient représentés dans une structure unique. Comment concevoir les politiques publiques pour les plus âgées sans recueillir l'avis des quatre millions d'aidants ? Comment lancer une dynamique novatrice sans prendre en compte les logiques intergénérationnelles ?
Le Haut Conseil devra animer le débat public et conseiller les pouvoirs publics ; c'est une formidable perspective. Les personnes âgées en seront bien sûr parties prenantes. Ce n'est pas un Haut Conseil de l'âge dégradé, comme d'aucuns le craignent ; il accueillera des experts - aujourd'hui sollicités trop ponctuellement - et des associations, sans compter les aidants. Ces sujets traversent toutes les générations.
Les relations des Ehpad avec les autorités de tarification seront modernisées et l'autonomie des gestionnaires accrue. Visibilité et simplicité seront les maîtres-mots de la réforme. Les moyens humains de 85 % des établissements seront renforcés.
En première lecture, le Sénat avait introduit une définition des résidences pour seniors ; nous la sécurisons ici, afin de répondre à tous les besoins des personnes âgées. Plus de 650 millions d'euros financeront les mesures nouvelles de ce projet de loi, grâce à la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie (Casa).
On peut toujours trouver des lacunes dans ce texte ; mais il reste une avancée majeure pour le quotidien de nombre de nos concitoyens.
La répartition de la Casa que vous avez votée en commission figerait des dispositifs nouveaux, pour l'heure difficiles à quantifier et dont l'évolution est encore inconnue : je vous appelle donc à davantage de réflexion sur ce point. Plutôt que de sécuriser les départements, ce fléchage complexifierait des mécanismes que nous souhaitons fluidifier.
Il faut compter que seront aussi débloqués 25 millions de concours APA, 100 millions d'euros du plan d'aide à l'investissement, 20 millions au profit de l'agence nationale de l'habitat (Anah), 5 millions pour abonder les fonds destinés aux personnes handicapées vieillissantes et 2,9 millions pour la poursuite de la réhabilitation des logements-foyers.
Le Gouvernement et moi sommes pleinement mobilisés pour relever le défi du vieillissement de la société, l'un des plus beaux qui soient. Je suis certaine que nous aurons un débat exigeant et utile.
M. Jean Desessard. - Bravo ! (Applaudissements à gauche)
M. Georges Labazée, co-rapporteur de la commission des affaires sociales . - Je vous rassure : ce n'est pas parce qu'il y a un Béarnais au plateau et un autre à la tribune que je m'adresserai à vous en béarnais ! (Sourires)
En mars dernier, je vous appelais à changer votre regard sur le vieillissement. Nos collègues de l'Assemblée nationale, en septembre dernier, s'y sont employés également. Au-delà de nos divergences, ne perdons pas de vue notre ambition commune. Au reste, une trentaine d'articles ont été adoptés conformes, et la moitié du reliquat a été adoptée sans modification autre que rédactionnelle par la commission des affaires sociales du Sénat.
Le Premier ministre souhaite que la loi entre en vigueur début 2016. Les décrets d'application sont en cours de rédaction ; je m'en réjouis car ce texte est très attendu par les personnes âgées et leurs familles.
Je reviendrai sur deux sujets qui m'importent particulièrement.
D'abord, les enjeux de gouvernance. Assemblée nationale et Sénat divergent sur le périmètre du Haut Conseil mais convergent sur le rôle des conseils départementaux de la citoyenneté et de l'autonomie, les conférences des financeurs et les maisons départementales de l'autonomie. Le Sénat souhaite que le Haut Conseil soit dédié à la politique de l'âge ; l'Assemblée nationale, à l'initiative du Gouvernement, l'a étendu à la famille et à l'emploi, au détriment selon nous du rapprochement entre personnes âgées et personnes handicapées, qui serait un préalable à la création d'un véritable cinquième risque.
La commission des affaires sociales a conservé une modification rédactionnelle de l'Assemblée nationale tout en revenant à sa position initiale. Nous sommes en revanche pleinement satisfaits de la rédaction de l'article 3 sur les conférences des financeurs et de l'article 54 ter.
Assemblée nationale et Sénat se sont en outre rapprochés sur le statut juridique des résidences pour personnes âgées, autonomes ou faiblement dépendantes : foyers logements et résidences seniors de première ou deuxième génération, qui deviennent des résidences autonomie à l'article 11, des copropriétés avec services à l'article 15 et résidences services. Cette clarification des intitulés est aussi celle des règles, ce qui évitera que se reproduisent les dérives de jadis. Le forfait autonomie financera les actions de perte d'autonomie dans de meilleures conditions.
Enfin, je me félicite que l'amendement relatif aux résidences services adopté au Sénat ait convaincu nos collègues députés.
Trois autres sujets introduits au Sénat ont été confirmés à l'Assemblée nationale. D'abord, le droit d'expérimentation aux solutions d'accueil pour proches aidants - ou droit au répit. Ensuite, la priorité accordée aux personnes âgées dépendantes dans le parc social. Enfin, à l'article 55 A, la récupération d'aides sociales des bénéficiaires d'assurance-vie. L'Assemblée nationale s'est inspirée des dispositions fiscales en instituant un seuil de 38 500 euros au-delà duquel les récupérations ne sont pas possibles. Considérant que cela revenait à tuer le dispositif, nous l'avons supprimé.
Je vous invite à voter ce texte.
M. Gérard Roche, co-rapporteur de la commission des affaires sociales . - Georges Labazée a bien résumé la situation à l'issue de la navette. Merci, madame la ministre, pour l'écoute dont vous avez fait preuve. Vous nous aviez trouvés audacieux sur l'article 32 bis, visant à supprimer à horizon de cinq ans la procédure d'agrément, au profit d'une procédure d'autorisation. Nous le prenons pour un compliment. L'Assemblée nationale a proposé un dispositif plus équilibré. Si le Sénat a défendu la convergence avec un régime unique d'autorisation, c'est afin de soulager la charge pesant sur les départements.
La création du système dual, en 2005, faisait l'impasse sur le fait que l'aide à domicile aux personnes âgées n'est pas un marché comme un autre, comme l'aide aux devoirs ; le département devrait reprendre la main, dans une optique d'intérêt général. Le cahier des charges national n'aura qu'une valeur indicative. L'entrée en vigueur de cet article 32 bis sera toutefois décalée, afin de laisser les acteurs locaux s'y adapter.
J'ai regretté en première lecture que la question du reste à charge des familles soit peu abordée. Nous partageons l'esprit de mesures suggérées par la Cour des comptes, qui avait souligné en septembre 2014 le besoin de coopération entre les Ehpad et les autorités de tarification.
Pour finir, abordons un point qui fait beaucoup moins consensus.
L'article 45 ter proposait de créer dans le budget de la CNSA une section « investissement des établissements médico-sociaux », ce que nous avions proposé lors du vote du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010, suivis en cela par l'Assemblée nationale, mais le Gouvernement d'alors nous avait demandé d'attendre la grande réforme de l'autonomie. Vous promettez un plan d'investissement pour 2015-2016 à partir de la Casa, dont le produit ne sera pas entièrement consommé. L'article 45 ter propose que 4 % du produit de la Casa soit consacré à l'aide à l'investissement. Le fléchage des produits de la Casa nous tient à coeur. Les dépenses nouvelles sur l'amélioration de la prise en charge en GIR 1 et 2 n'alourdiront pas exagérément les dépenses des départements.
Nous pourrons nous accorder sur l'essentiel. Le bicamérisme a encore, nous en faisons la démonstration, son utilité. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)
M. Georges Labazée, co-rapporteur. - La commission demande la réserve de l'article 2 jusqu'à la fin de la discussion des articles.
La réserve, acceptée par le Gouvernement, est de droit.
M. Gilbert Barbier . - À ce stade, il faut souligner les mérites, par comparaison avec la procédure accélérée, de la procédure législative normale, dont l'emploi devient exceptionnel.
En première lecture, le Sénat a apporté un certain nombre de modifications, acceptées en grande partie par l'Assemblée nationale. S'il demeure des points de divergence, je reste confiant dans notre capacité à trouver un consensus.
Je regrette le manque d'ambition de ce projet de loi : il n'aborde que la question du maintien à domicile des personnes en perte d'autonomie. La seconde étape de la réforme, qui doit rendre les maisons de retraite financièrement plus accessibles, ne sera pas mise en oeuvre prochainement. Le texte ne traite pas le délicat problème du reste à charge, le coût souvent disproportionné du séjour par rapport aux ressources de la personne âgée concernée. Vous invoquez, madame la ministre, un manque de moyens budgétaires. Mais cela pénalise nombre de nos concitoyens, livrés à eux-mêmes, souvent en zone rurale.
La dotation globale pour personnes dépendantes représente 22 milliards d'euros. En 2060, ce montant sera plus proche de 35 milliards d'euros. La Casa ne suffira pas : une cinquième branche de la sécurité sociale, en appelant à la solidarité nationale, s'impose.
Nous sommes hostiles à un système assurantiel qui aggraverait les inégalités.
Ce texte comporte néanmoins quelques avancées, et certains apports du Sénat en première lecture ont été conservés, sur la gouvernance des politiques d'autonomie, sur les CPOM des Ehpad ou sur la convergence des régimes d'agrément et d'autorisation des structures d'aide à domicile.
Restent quelques divergences, comme sur l'utilisation du produit de la Casa : le Sénat souhaitait un fléchage, rejeté par l'Assemblée nationale. Notre commission a maintenu en deuxième lecture sa position.
Le groupe RDSE soutient le Gouvernement sur le Haut Conseil de la famille et des âges de la vie, qui donnera sur ces questions une vision transgénérationnelle. (On s'en félicite sur les bancs du groupe socialiste et républicain). Considérer qu'il n'a pas sa place dans un tel projet de loi est puéril - sans jeu de mots. Nous soutenons ce projet de loi (M. Gérard Roche, co-rapporteur, applaudit)
M. Jean-Noël Cardoux . - Ce texte manque d'ambition et de souffle...
M. Jean Desessard. - C'est l'âge !
M. Jean-Noël Cardoux. - Le projet de loi comporte des progrès significatifs dans divers domaines. Saluons l'excellent travail des deux rapporteurs de la commission des affaires sociales, malgré les divergences politiques initiales ; nombre de leurs amendements ont été repris par l'Assemblée nationale.
L'article 32 bis met fin au double régime d'autorisation et d'agrément mis en place en 2005 pour les services d'aide à domicile. S'il a effectivement favorisé la création d'emplois, il a aussi déstabilisé départements et associations par une concurrence qui n'a pas lieu d'être quand le financement est assuré par l'argent public.
Le régime unique permettra aux conseils départementaux de maîtriser la filière et les dépenses. Les acteurs privés ont été réticents, voire virulents, mais ils ont jusqu'en 2022 pour demander leur autorisation et ils ne seront plus limités dans le volume de leur activité. Les départements devront motiver les refus d'autorisation.
L'article 40 remplace par des CPOM les conventions tripartites, qui étaient très complexes. Vous nous avez assurés, madame la ministre, qu'il n'y aurait pas de glissement du secteur de la dépendance vers le sanitaire au détriment des départements : tant mieux.
Quelques regrets cependant, l'Assemblée nationale ayant supprimé des dispositions qui nous tenaient à coeur, la sanctuarisation des recettes de la Casa au sein de la CNSA, l'utilisation de la Casa pour financer l'APA, ou la création d'une section dédiée à l'investissement au sein de la CNSA.
Ceux d'entre nous qui ont siégé à la CNSA ont constaté par quelles tuyauteries on orientait les sommes vers des affectations non prévues. Poser des pourcentages n'est sans doute pas souple, mais a le mérite de la clarté.
Autre sujet de discorde, le périmètre du Haut Conseil. Que vient y faire ici l'enfance ? Nous craignons ces structures envahissantes, mal pilotées. Un seul organisme consacré entièrement à la question cruciale du grand âge nous semble préférable.
Malgré l'article 32 bis et une concertation très efficace, nous déplorons le manque de souffle et de réflexion.
Nous continuerons à proposer des pistes. Concernant le financement des services d'aides à domicile, par exemple. La suppression de l'abattement de 15 % dans le passé a eu un effet déstabilisateur. Nous avions voté un abattement de 1,5 euro par heure, hélas il n'a pas été généralisé à tous les intervenants à domicile. Nous prendrons une initiative en loi de finances.
Je me demande si le passage à une TVA à taux super-réduit ne serait pas préférable pour les prestations à domicile. Il aurait le mérite de supprimer la taxe sur les salaires et permettrait aux associations de récupérer la TVA sur les achats. Et pourquoi ne pas instaurer une deuxième journée de solidarité par l'abandon d'un jour de RTT ?
M. Jean Desessard. - Oh là là !
M. Jean-Noël Cardoux. - Vous avez beau vous exclamer, nous y gagnerions 2,5 milliards d'euros. Sans ambition ni audace, nous n'arriverons à rien. Il faudra enfin oser réfléchir à la mise en place d'assurances privées contre la dépendance.
M. Jean Desessard. - Allons bon !
M. Jean-Noël Cardoux. - Il faudra bien évoluer ! Malgré des progrès significatifs, nous continuons à plaider pour des financements plus ambitieux et pérennes. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UDI-UC)
M. Dominique Watrin . - Il y a urgence à adapter la société au vieillissement. En 2060, les plus de 85 ans seront trois fois plus nombreux qu'aujourd'hui. Et dès à présent, il ne faudrait pas moins de 10 milliards d'euros pour parvenir à réduire le reste à charge dans les Ehpad, or vous vous contentez des 650 millions d'euros de la Casa. Que dire du gel des pensions, de la suppression de la demi-part des veuves, de la hausse continue des dépenses contraintes ?
Pour nous, la perte d'autonomie est à rattacher à la branche maladie, et le financement à rechercher dans une contribution des revenus financiers des entreprises. Pour la droite les choses sont simples : il suffit d'augmenter la TVA, de créer une seconde journée de solidarité en demandant encore des sacrifices aux salariés. Eh bien, nous proposons d'instituer plutôt une taxe de 0,3 % sur les dividendes des actionnaires. On doublerait d'un coup le produit de la Casa. De l'audace, toujours de l'audace !
Ce texte comprend des avancées, comme la mise en cohérence des actions de prévention à l'échelon départemental, la construction de 80 000 logements, une revalorisation de l'APA, le droit au répit... C'est bien. Mais les bénéficiaires sont trop peu nombreux. Il y a urgence à refonder le secteur de l'aide à domicile. On ne peut pas faire l'économie d'une revalorisation des salaires dans ce secteur à 80 % féminin, aux conditions de travail difficiles. Cela doit passer par une maîtrise publique de ce secteur. L'autorisation unique pour les services à domicile et les Ehpad, que nous préconisions M. Vanlerenberghe et moi dans notre rapport de 2014, doit s'accompagner d'une revalorisation des rémunérations, un meilleur accompagnement de l'État et une restructuration du secteur. Nous attendons toujours l'étude nationale des coûts, madame la ministre !
Nous continuons à demander la suppression des barrières d'âge pour accéder à l'APA ou la prestation compensatrice, un ratio de personnel cohérent avec les besoins dans les Ehpad, une représentation des organisations syndicales au sein des différentes instances, une meilleure indépendance, via un GIP, des maisons départementales des personnes handicapées. Ce texte est insuffisant. Les maisons prévues à l'article 54 ne doivent pas être le prétexte à une départementalisation des services. Nous nous abstiendrons sur le projet de loi.
Vous aviez pleinement pris le temps en première lecture de répondre à chacune de nos questions, ce qui avait permis au groupe communiste républicain et citoyen d'affirmer ses positions. Espérons qu'il en sera de même cette fois-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)
M. Jean Desessard. - D'ici 2035 arriveront à 60 ans les générations du baby-boom, soit 31 % de la population. C'est le papy-boom mais aussi le mamie-boom !
Mme Élisabeth Doineau. - Bravo !
M. Jean Desessard . - Ce bouleversement démographique nous oblige à revoir nos politiques de l'autonomie. Ne parions pas uniquement sur la Silver économie, sur les marchés à conquérir : faisons le choix d'une société solidaire et inclusive. Ce texte est transversal, il traite de domaines concrets très divers. Sa mesure phare est la revalorisation de l'APA, qui représentera 375 millions d'euros par an, et la hausse des plafonds d'heures. La création d'un droit au répit pour les aidants est également bienvenue : jusqu'à 500 euros par an seront consacrés à l'hébergement temporaire ou l'accueil de jour des personnes âgées. Nous soutenons cette mesure. Sont également positives la création de 80 000 logements, la réhabilitation des foyers-logements, la création de postes supplémentaires dans les résidences pour personnes âgées.
Plusieurs amendements du groupe écologiste ont été adoptés par le Sénat et repris par l'Assemblée nationale. Le congé de soutien familial sera ainsi transformé en congé de proche aidant, membre ou non de la famille.
Nous avons aussi obtenu la rédaction d'un rapport sur une monnaie complémentaire pour l'autonomie, inspirée du Japon, afin de recréer du lien social. L'aide à une personne âgée serait rémunérée sous la forme de tickets de solidarité, que le bénéficiaire pourrait garder pour ses vieux jours ou donner à un proche âgé. Ce projet nous tient particulièrement à coeur.
Nous présenterons en deuxième lecture quatre amendements, notamment pour renforcer le rôle des aidants ou rétablir le HCFEA, qui apportera une réelle transversalité.
Ce projet de loi, une véritable co-construction, est un premier pas important pour l'adaptation de la société au vieillissement. Certes, les moyens auraient pu être plus importants, mais les sénatrices et sénateurs écologistes voteront ce texte.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Voici l'exemple d'une navette réussie, preuve éclatante de l'utilité du Sénat. (Applaudissements au centre ; M. Bruno Sido applaudit aussi)
Nous nous félicitons des convergences entre les deux assemblées, auxquelles le groupe UDI-UC a grandement contribué. Sur la personne de confiance - une harmonisation était nécessaire entre code de la santé publique et code de l'action sociale ; sur les services polyvalents d'aide à domicile, les Spasad - l'article 34 autorise de façon bienvenue les groupements de coopération à expérimenter une intégration de l'aide et l'accompagnement à domicile et des soins infirmiers.
L'Assemblée nationale s'est montrée attentive aux préoccupations du Sénat. Il était impensable de ne pas régler le problème de la dualité de l'autorisation et de l'agrément. La proposition du Sénat, inspirée par le rapport rédigé par M. Watrin et moi-même, a été retenue et affinée grâce au dialogue fructueux entre la ministre, l'Assemblée nationale et le Sénat. La rédaction protège les départements contre une inflation forte des dépenses.
Nous soutenons fermement deux autres modifications apportées au texte en commission : le décalage de six mois ; et la transmission annuelle par le président du conseil départemental à son assemblée délibérante des décisions d'habilitation prises - une bonne chose, car les refus d'autorisation ne doivent pas être le fait du prince.
Sur la ventilation du produit de la Casa et la gouvernance nationale du dispositif, qui demeurent des points d'achoppement, le groupe UDI-UC soutient la position de la commission.
Il est indispensable de sanctuariser la Casa, faute de quoi nous voterons un texte incantatoire. Quant au périmètre du Haut Conseil, vous défendez la cohérence familiale, nous défendons la cohérence entre niveau local - les CDCA - et national. Le groupe soutiendra ce projet de loi qui est un progrès. (Applaudissements au centre)
Mme Stéphanie Riocreux . - Il a connu un long cheminement, mais qui n'aura pas été trop long si nous parvenons à un accord en CMP. Bien des propositions du Sénat ont été reprises et améliorées à l'Assemblée nationale. Nous espérons que les dernières divergences pourront être réduites par le débat.
Prévenir la dépendance, accompagner la perte d'autonomie : un texte avait été promis mais rien n'a été fait sous le précédent quinquennat. François Hollande a tenu son engagement de campagne. Ce projet de loi est fondé sur la philosophie sociale et la conception de la dignité de la personne qui avaient guidé la création de l'APA par le Gouvernement Jospin.
L'APA répondait à un souci d'égalité, elle était modulée en fonction du degré de dépendance. Je me réjouis que le texte lui donne un nouveau souffle. La vieillesse est diverse ; aucune personne âgée ne peut être réduite aux spécificités de son âge. Ce texte respecte les êtres humains dans leur singularité. La famille joue un rôle important ; c'est pourquoi nous soutenons le périmètre voulu par le Gouvernement pour le Haut Conseil.
Nos rapporteurs ont souhaité un fléchage précis d'une partie de la Casa. J'y suis sensible mais attends beaucoup du débat. Le financement se fait sans prélèvement nouveau, ce qui est remarquable dans le contexte actuel.
En 2060, un tiers des Français auront plus de 60 ans. Le Gouvernement remet de la cohérence dans les politiques publiques et entend garantir l'égalité des citoyens devant le risque de perte d'autonomie. Le vieillissement sera pris en compte dans toutes les politiques publiques. La prévention est la priorité. Grâce à des moyens dédiés et à Monalisa, l'isolement des personnes âgées pourra être combattu.
Le texte vise à faciliter le repérage des situations de fragilité, à prévoir des logements adaptés, à veiller au sérieux des prestations. L'habitat intermédiaire, entre logement privé et Ehpad, est précieux et je me réjouis du plan de rénovation annoncé.
La réduction du ticket modérateur et une aide pour les plus pauvres réduisent le reste à charge. La création d'un droit au répit est une autre mesure forte car 20 % des aidants souffrent de fatigue voire de dépression nerveuse.
Le peu d'articles restant en discussion montre la profonde convergence sur ces sujets. Je vous remercie, madame la ministre, pour ce texte que nous soutenons pleinement. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)
Mme Agnès Canayer . - Nous n'étions pas trop de deux assemblées pour relever ce défi important qu'est l'adaptation de la société au vieillissement. Mon amendement sur la réattribution prioritaire aux seniors des logements sociaux adaptés a été repris par le Gouvernement ; cette mesure pragmatique sera utile.
Le choix d'une aide à domicile directement choisie par la personne âgée - et non par une association - pourrait être encouragé. Les coûts sont dans ce cas moins élevés de 4 euros par heure. Nous soutenons la proposition de notre collègue Gremillet.
Rien n'est envisageable sans la commune, qui fournit un cadre de vie convivial, susceptible de rompre l'isolement. Le Havre a ainsi mis en oeuvre des politiques innovantes. Il faut les encourager. Le défi du bien vieillir est immense ; je voterai ce texte, tout en restant vigilante sur les moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)
Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État . - Je constate avec plaisir les convergences, notamment sur le fait de sortir d'une approche purement médico-sociale : au lieu de prendre en charge la dépendance, nous prévenons et accompagnons la perte d'autonomie. Ce texte est le résultat d'une coconstruction entre Gouvernement et Parlement.
J'ai soutenu nombre d'amendements du Sénat à l'Assemblée nationale. Certains d'entre vous déplorent un manque de souffle. Qu'ils lisent le rapport annexé ! Les moyens, c'est vrai, sont ceux de la Casa : nous sommes à l'heure de la maîtrise des dépenses publiques et de la baisse des prélèvements.
Nous n'avons pas de mandat des Français pour décider sur des points fondamentaux que vous avez évoqués : faut-il créer un cinquième risque de la sécurité sociale ou privilégier l'assurance privée - ce qui ne serait pas mon choix ? Nous ne saurions trancher sans les Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)
La discussion générale est close.