Éloge funèbre de Jean-Yves Dusserre
M. Gérard Larcher, président du Sénat . - (Mmes et MM. les sénateurs et MM. les ministres se lèvent)
C'est avec une très grande tristesse, et une certaine stupeur, que nous avons appris, le 27 décembre dernier, la brutale disparition de notre collègue Jean-Yves Dusserre, à son domicile de Chabottes, commune qui lui était si chère et qui l'avait vu naître le 1er janvier 1953.
C'est donc avant même d'avoir fêté ses 62 ans que notre collègue nous a quittés. Nous savions certes - il m'en avait fait la douloureuse confidence quelques semaines plus tôt comme à son président de groupe - qu'il luttait depuis plusieurs mois contre la maladie. La volonté de se battre et, espérait-il, de revenir parmi nous plein d'énergie ne l'a jamais quitté, mais son état de santé s'était rapidement dégradé en fin d'année.
Victime d'un malaise lors des cérémonies du 11 novembre à Gap, il avait encore fait l'effort d'une ultime apparition publique le 18 décembre à Briançon, à l'occasion de l'inauguration du pont sur la Durance qui lui tenait tant à coeur...
Nous le savions donc très fatigué mais, comme tous ses proches, nous gardions espoir et n'imaginions pas que le mal contre lequel il luttait, avec la discrétion et le courage qui le caractérisaient, allait l'emporter avec une telle rapidité.
L'annonce de son décès a bouleversé l'ensemble du département des Hautes-Alpes qui s'est trouvé, comme le Sénat, brutalement en deuil, en pleine période de fêtes de fin d'année.
Jean-Yves Dusserre nous avait rejoint au Palais du Luxembourg le 28 septembre dernier, après avoir été durant près de quatorze ans le suppléant de notre collègue - et futur président de l'Assemblée nationale - Patrick Ollier, qui est présent dans nos tribunes.
Les 438 grands électeurs du département des Hautes-Alpes se sont, à l'automne dernier, largement prononcé en sa faveur pour succéder à notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond.
Il avait, tout au long de la campagne sénatoriale, plaidé pour les thèmes qui lui étaient chers en faveur de son département, qu'il s'agisse du développement du tourisme ou de l'économie, du désenclavement du département, sans parler de la question récurrente des éleveurs et du loup.
Dès son arrivée au Sénat, Jean-Yves Dusserre avait su, par sa convivialité, son humanisme et sa finesse d'esprit, gagner la sympathie et le respect de tous par la simplicité, la sincérité et l'enthousiasme de son engagement passionné en faveur de son département, et plus généralement, des territoires ruraux et de la montagne.
Il avait pris toute sa place au sein du groupe UMP - formation politique qu'il avait rejoint dès sa constitution - comme à la commission des affaires sociales, où il était intervenu à l'occasion de la dernière discussion budgétaire sur le logement.
Il avait également participé aux travaux de la nouvelle délégation sénatoriale aux entreprises dont nous avons décidé la création.
Si Jean Yves DUSSERRE n'a malheureusement pas eu le temps de donner toute sa mesure au Sénat de la République, il avait auparavant gravi, durant trente-sept ans de carrière publique et politique, tous les échelons.
Jean-Yves Dusserre était d'abord un homme de consensus, toujours à la recherche des compromis constructifs et à l'écoute des uns et des autres, y compris de ses adversaires politiques qui ne cachaient pas leur sympathie à son égard, comme une reconnaissance pour les décennies de travail accompli au service de son territoire et de son département.
Ces traits de caractère, Jean Yves Dusserre les tenait de la richesse de sa formation et des valeurs qu'il avait reçues. Ses valeurs étaient d'abord celles du monde rural, dont il était l'héritier, par ses parents, viscéralement attaché à l'agriculture de montagne et à l'élevage, et au développement des stations alpines pour lequel il s'est inlassablement battu .
Après des études secondaires au lycée Dominique Villars puis au lycée Aristide Briand de Gap, le jeune Jean-Yves Dusserre prit la direction d'Aix-en-Provence pour y obtenir une maîtrise en droit en 1976. Cette formation de juriste l'aura servi, tout au long de ses mandats, pour mener une gestion rigoureuse et avisée, à la tête de sa commune puis de son département.
Mais Jean-Yves Dusserre était également un homme de l'entreprise, ayant été responsable d'une société pendant sept ans, puis à nouveau d'une structure commerciale pendant près d'une décennie. Cette école a contribué à forger son approche pragmatique de la politique et des réalités économiques de notre pays.
Enfin, l'engagement politique de Jean-Yves Dusserre s'inscrivait dans la droite ligne d'un investissement ancien et constant dans la vie associative, puisqu'il s'était impliqué dès l'adolescence, dans son village de Chabottes, dans de multiples activités de proximité, en présidant aux destinées de diverses associations.
Cette carrière d'élu local avait commencé à 24 ans, lorsqu'il intégra le conseil municipal de sa commune natale. Son dynamisme, son caractère chaleureux, son dévouement le conduisirent à être élu maire deux ans plus tard seulement. Il occupera cette fonction sans discontinuer de 1979 à 2008.
Jean-Yves Dusserre, qui était encore premier adjoint au maire de sa commune, n'oubliera jamais sa passion. Elle lui avait naturellement servi d'ancrage jusqu'à la présidence du Conseil général des Hautes-Alpes.
Il fut successivement : conseiller général de Saint-Bonnet-en-Champsaur en 1992, deuxième vice-président du Conseil général de 1998 à 2001, puis premier vice-président de l'assemblée départementale de 2001 à 2004. C'est finalement en 2008, après avoir patiemment retissé les fils d'une opposition divisée, que Jean-Yves Dusserre accède, à l'issue des élections cantonales de mars 2008, à la présidence du Conseil général.
Il se dévouera dès lors sans compter, avec la passion qui le caractérise, à cette nouvelle mission, qu'il s'agisse du réseau routier, de l'entretien des collèges et bâtiments départementaux, ou de la nouvelle agence départementale de l'économie et du tourisme, sans oublier les relations entre le département des Hautes-Alpes et la Société du Tour de France, qui lui étaient si chères et lui permirent d'obtenir le passage sur son territoire, l'été prochain, de cette compétition de légende.
Le dévouement de Jean-Yves Dusserre pour ses concitoyens, sa passion pour son territoire et pour son département, expliquent les hommages unanimes qui lui ont été rendus au cours des dernières semaines, de ses amis comme de ses « adversaires » politiques.
Le maître-mot de la politique mise en oeuvre par Jean-Yves Dusserre était sans aucun doute celui de proximité. Rester proche de chacun, à l'écoute de ses concitoyens était le meilleur moyen de répondre à leurs besoins. Écoutons-le : « La proximité, c'est ça ma politique ».
Jean-Yves Dusserre aura ainsi, durant près de quarante ans, servi sa commune, son canton puis son département et aura puissamment contribué au développement économique de son territoire et à son rayonnement en France et en Europe.
Tel était aussi l'objectif qu'il visait à travers le mandat sénatorial qui était le sien depuis septembre dernier, et qui s'inscrivait dans la droite ligne de son engagement local.
Écoutons-le encore : « La politique est la meilleure manière d'agir, pour que chaque voix soit entendue et pour que l'équité, la proximité, la solidarité règnent en maître-mots sur notre département rural de montagne dont nous sommes si fiers ».
Ce message, Jean-Yves Dusserre aura su le faire entendre durant quelques mois dans ces murs, au sein du Sénat de la République. Nous ne l'oublierons pas.
La personnalité de Jean-Yves Dusserre et l'action exceptionnelle qu'il a conduite tout au long de sa vie publique justifient que lui soit rendu aujourd'hui, dans notre hémicycle, l'hommage de la République.
À nos collègues du groupe UMP, à ceux de notre commission des affaires sociales, qui perdent aujourd'hui l'un de leurs membres, ainsi qu'à Patricia Morhet-Richaud, qui a la lourde charge de lui succéder, j'exprime notre sympathie attristée.
Mme Dusserre m'a prié de remercier toutes celles et tous ceux qui, sur tous les bancs de cette assemblée, lui ont prodigué des messages de courage et de réconfort. Je lui présente ainsi qu'à ses deux enfants, Sylvie et Hervé, et à chacun de ses petits-enfants, mes condoléances sincères et émues du Sénat de la République et leur dis la peine personnelle que je prends aujourd'hui à leur chagrin.
M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement . - C'est avec une très grande tristesse que le gouvernement a appris la disparition de Jean-Yves Dusserre, trois mois après son élection au Sénat. La République a perdu un élu sincère et passionné, profondément attaché à son territoire. Fils d'agriculteurs champsaurins, il a regagné le Champsaur dès la fin de ses études de droit à Aix pour devenir conseiller municipal, dès l'âge de 24 ans, puis, maire de Chabottes deux ans plus tard. Élu conseiller général en 1992, il devient vice-président du conseil général en 1998, puis président du conseil général des Hautes-Alpes en 2008.
Il savait rassembler, écouter. Sa sincérité, ses qualités humaines étaient appréciées de tous. Jean-Yves Dusserre a oeuvré sans relâche pour améliorer la vie des Hauts-Alpins. Je rends hommage en particulier à son action en faveur des jeunes. Il était convaincu que la vie publique doit faire vivre les politiques publiques comme laisser place à l'initiative privée.
Il a affronté la dramatique épreuve de la maladie, son courage est pour nous une source d'admiration. Je tiens à présenter les plus sincères condoléances du gouvernement à son épouse, ses enfants, sa famille, à ses collègues des Hautes-Alpes et du Sénat.
M. le président. - Je vous invite à partager un moment de recueillement en sa mémoire. (Mmes et MM. les sénateurs et MM. les ministres observent une minute de silence)
La séance est suspendue à 14 h 50.
présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente
Secrétaires : M. Jean Desessard, M. Claude Haut, Mme Valérie Létard, Mme Colette Mélot.
La séance reprend à 15 heures.